--> --> - Le Dibbouk

10 janvier 2025

J’ai toujours un moment dans la journée, la plupart du temps le soir avant le souper, où il faut que je dise n’importe quoi. Il y a quelque chose d’autodestructeur en moi, une envie de détruire ce que les hommes les plus riches du monde ont fait de moi. Et bien sûr, pour cela, j’utilise l’ancien Twitter.
X.com est mon défouloir du soir. Cela me procure un vertige, une dose d’adrénaline, et au bout du compte un sentiment mêlé d’angoisse et de ridicule. Je crois que je suis un homme profondément ridicule. Je le crois comme on croit à Dieu, au Père Noël, à la Terre quand elle se met à être désespérément plate, et aussi que des martiens nous observent, chacun de nous, à la jumelle.

En fait, la réalité est que je suis la réincarnation fortuite d’un derviche tourneur. Je ne m’en plains pas ni ne m’en réjouis, c’est simplement comme ça.

Ce matin, j’ai reçu un email d’une autrice qui écrit de magnifiques poèmes sur son blog. Elle m’a confié que l’un de mes derniers articles l’avait frappée en plein cœur. J’ai été touché en retour par ses mots, et cela m’a rappelé pourquoi j’écris. Je me suis demandé si je devais la citer ou mentionner son blog ici. Est-ce maladroit de le faire ? Est-ce que cela pourrait sembler trop intrusif ? Finalement, j’ai choisi de ne pas la citer ici pour ne pas être intrusif et par superstition, espére qu’elle renouvelera son geste.

Recevoir ce type de retour, c’est comme voir une fleur s’ouvrir encore une fois avant qu’elle ne se referme à jamais. Ce qui commence par un vertige solitaire trouve parfois un réceptacle, quelqu’un qui entre dans cette danse et en comprend le rythme. C’est rare, mais quand cela arrive, cela redonne tout son sens à cette manie bizarre d’écrire.

Et pourtant, il faut quand même que j’essaie de réunir quelques idées qui aient un peu de sens, de temps à autre. Ne serait-ce que pour me rappeler à quel point le sens ne cesse de m’échapper de plus en plus. Peut-être que je devrais m’y résoudre. Acheter un kilo de gros sel, et tenter, comme dans l’enfance, d’attraper cet oiseau par la queue.

Croisé mon voisin de droite ce matin. Un ancien ingénieur à la retraite qui a monté seul une imprimante 3D en kit venue de Chine. Rien que pour cela, il mérite tout mon respect. On s’est souhaité la bonne année. Ce genre d’échange où tout se confond dans un ballet feutré de courbettes à peine amorcées et de politesses ça finit par ressembler à une poésie (presque) involontaire :
— Bonjour comment allez-vous , comment ça va, Bonne année !
— Bonjour comment ça va, ça va bien ? Meilleurs vœux !

On s’est souri, chacun reprenant sa route, comme si ce petit rituel suffisait à valider une nouvelle année de non relation qui commence. Peut-être que le sens, finalement, se trouve là aussi : dans ces petits gestes mécaniques, ces gènes pudiques répétitives qui, contre toute attente, forment avec le sable et l’eau le ciment qui tient les choses ensemble.

Et puis, il y a ces moments où tout semble se délier. S. part demain à Lyon, puis elle prendra le train pour Paris de bonne heure dimanche. Devant moi s’ouvre une semaine encore floue : gouffre ou sinécure, je ne sais pas encore le tour qu’elle prendra.

Il paraît que le froid revient à la charge dimanche. Il faut que je pense à remplacer la bonbonne de gaz à l’atelier. c’est pas grand chose, aller à la station service et lacher encore une carte bleue. petit geste de rien du tout mais qui, dans l’immédiat, paraît plus tangible que le reste. Parce que le sens est aussi là, dans cette bonbonne qui doit être changée, dans le froid qui s’annonce, dans ces petits repères concrets qui jalonnent les jours.

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