Trois en un
d’abord un fait banal. Ensuite quelqu’un le commente. Puis on peut partir dans l’imaginaire.
Ils sont au rond-point et arrêtent les véhicules.
Ils sont obligés de poser la question, je crois, juste avant de te faire passer le test d’alcoolémie. Après, suivant ta réponse et ce qu’ils lisent, le ton peut se modifier du tout au tout.
Il a vu les flics de loin, il ne se sentait pas coupable de quoi que ce soit, mais fallait voir sa tête, tous les traits contractés. Peut-être que c’est la vue des uniformes là-bas, au loin, qui a dû le mettre en rogne. Ou peut-être que le type en avait déjà ras la casquette. Le matin même, à l’Intermarché, il avait été stupéfait par le prix des côtes dans l’échine. Même la rouelle avait fait un bond. Quant au plat de côte, un vrai délire. Mentalement, il continuait à convertir en francs. Les vieux font souvent ça. Du coup, il n’a pas acheté de bidoche. Écœuré. Il l’a dit à la caissière : "Je sais bien que vous n’y êtes pour rien, mais si personne ne dit rien…"
Elle a juste répondu : "Vous payez en espèces ou en carte ? Avez-vous la carte de fidélité ?"
Alors, quand le flic lui a posé la question : "Vous avez bu, monsieur ?" il n’a même pas daigné répondre par oui ou par non, il a juste dit : "Passez-moi l’alcootest qu’on en finisse."
Quand le flic a lu le résultat du test, il n’y avait rien. Il l’a salué en lui souhaitant une bonne journée, machinalement. Il n’a pas pu s’empêcher de répondre à l’urbanité du gendarme, bonne journée. C’est sur ce réflexe idiot qu’il méditait désormais en sirotant sa Bud.
Il en veut au monde entier en ce moment. Des voix lui arrivaient depuis la cuisine. Jane l’avait engueulé copieusement quand il était rentré des courses. "Et la viande, alors ?" avait-elle demandé. Il n’avait pas su quoi répondre.