--> --> - Le Dibbouk

Illya Kouriakine

utilisation de "il y a", succession d’images.

Il y a un tout petit lit, des barreaux tout autour, il y a une armoire à glace dont un angle de la corniche est abîmé. Il y a aussi do ré mi fa sol là, au-dessus de celle-ci, une panthère en plâtre. Son corps est noir, presque vif, sauf une tâche blanche sur l’oreille droite. Il y a un morceau de l’oreille qui manque. Il y a une gitane blanche sans filtre qui fume dans un cendrier Cinzano. Il y a une table de chevet, dite aussi table de nuit. Il y a un livre de la collection Fleuve Noir, posé sur la table de nuit.

Il y a un long couloir dont le sol est recouvert d’un lino vert. Il y a une cuisine sur la droite, près de l’entrée. Il y a peu de place dans la cuisine. Il y a une cuisinière, un frigidaire, il y a bien sûr un évier avec un robinet dont on a allongé le nez pour économiser l’eau. Il y a la radio, tous les matins il y a RTL. Il y a une table en formica, des chaises en formica. Il y a du carrelage au sol. Il y a mes grands-parents attablés en silence. Ils boivent le café en écoutant la radio.

Il y a une fenêtre, avec un balcon et du bambou tout autour. Il y a une rue que l’on peut sentir derrière les bambous. Il y a une ville. Cette ville se nomme Paris. Il y a un marchand de couleur de l’autre côté de la rue. Il y a un renflement au milieu de la rue Jobbé Duval. Il y a un arbre entouré à son pied d’une plaque ajourée en métal de forme circulaire. Il y a des chiens que leurs maîtresses et maîtres laissent pisser là.

Il y a les abattoirs, juste après la rue Dantzig. Il y a, à l’angle de la rue Dantzig, le bâtiment des objets trouvés. Il y a, au bout de la rue Dantzig, le boulevard Brune. Il y a le marché tous les samedis. Il y a longtemps que je n’y suis pas retourné. Il y a un bassin où l’on peut croire que l’eau est bleue, mais c’est à cause de la couleur du liner. Il y a des pigeons, « cons comme des manches », et des moineaux agiles et rapides.

Il y a à la télé Illya Kouriakine, dans des agents trés spéciaux. Il y a qu’il faut lui couper les cheveux comme ça.

Il y a du vent qui soulève les emballages de fruits et légumes au sol. Il y a du papier gras, du papier craft, du film plastique, des fruits talés, des fruits pourris, de vieilles salades cuites et recuites, des concombres en compote, des poireaux blancs, livides. Il y a le camion-benne des éboueurs. Il y a la borne d’incendie qu’on ouvre à la fin du marché. Il y a le jet puissant qu’il faut parfois deux hommes pour tenir. Ils lavent les trottoirs. Il y a une lumière qui sourd du gris, à Paris uniquement, jamais vue ailleurs.

← Article précédent Article suivant →

Mots-clés :

fictions brèves description des lieux rue Jobbé Duval Rue Dantzig Boulevard Brune

Nombre de lectures

L'article a été lu 13 fois.