{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/inquietude.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/inquietude.html", "title": "Inqui\u00e9tude", "date_published": "2021-08-28T00:47:45Z", "date_modified": "2025-11-15T20:40:57Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
Nous venions de faire l’amour et j’avais allum\u00e9 une cigarette tout en examinant le papier peint de la chambre. Peu \u00e0 peu je constatais la m\u00e9tamorphose des roses joufflues vers la fl\u00e9trissure. C’\u00e9tait comme si le peintre Soutine \u00e9tait pass\u00e9 dans le quartier et qu’il avait pris plaisir \u00e0 sagouiner le d\u00e9cor jusque dans le moindre d\u00e9tail.<\/p>\n
J’allais sur mes 30 ans \u00e0 cette \u00e9poque et je ne connaissais rien \u00e0 la peinture.<\/p>\n
J’avais seulement amass\u00e9 une somme consid\u00e9rable de savoir ce qui me donnait l’impression de compenser un manque originel.<\/p>\n
Parfois lorsque je cherchais \u00e0 nommer ce manque je parlais d’affection, d’amour, et pour varier, ne pas fatiguer ma cervelle, pour me distraire un peu, j’\u00e9voquais mon manque d’argent.<\/p>\n
Mais tous ces mots, toutes ces images dans le fond provenait d’une inqui\u00e9tude fondamentale que je cherchais \u00e0 cerner maladroitement.<\/p>\n
Et avec les ann\u00e9es il me semble que ce avec quoi je tentais de me l’expliquer ou de la masquer devenait de plus en plus important rel\u00e9guant ainsi l’inqui\u00e9tude en tant que sensation dans les couches profondes de mon inconscience.<\/p>\n
Je ne m’int\u00e9ressais plus \u00e0 la cause mais seulement aux effets dans une confusion sans doute n\u00e9cessaire.<\/p>\n
La femme pr\u00e8s de moi ne fumait pas. Mais la fum\u00e9e ne la d\u00e9rangeait pas avait t’elle ajout\u00e9 lorsque je lui avais tendu le paquet de Lucky.<\/p>\n
Je n’arrivais pas \u00e0 lui donner d’\u00e2ge, juste une estimation entre 45 et 50. Elle n’\u00e9tait pas belle selon les canons de l’\u00e9poque et je m’en moquais bien, l’\u00e9motion que ses rides et ses t\u00e2ches avaient d\u00e9clench\u00e9e en discutant \u00e0 la terrasse du caf\u00e9- ce petit caf\u00e9 au haut de la rue Saint-Andr\u00e9 des Arts- ne m’avait toujours pas quitt\u00e9. Plus une lourdeur de la chair s’affaissant avec un je ne sais quoi de tendre. Plus que de sexe j’avais ce besoin de tendresse. Autant \u00e0 donner qu’\u00e0 recevoir. Mais je ne me rendais pas bien compte encore, juste par ci par l\u00e0 une intuition fugace qui passait comme ces aventures que j’enchainais.<\/p>\n
Elle peut-\u00eatre n’en \u00e9tait plus l\u00e0. elle regardait le plafond en me caressant doucement la main. On reprenait notre souffle en retardant le moment o\u00f9 il faudrait lib\u00e9rer la chambre.<\/p>\n
Il n’y avait plus rien \u00e0 dire non plus.<\/p>\n
C’est \u00e0 ce moment l\u00e0 que j’ai d\u00e9couvert que l’inqui\u00e9tude \u00e9tait un mot comme de nombreux mots et que l’on utilise m\u00e9caniquement sans prendre la peine de se pencher dessus.<\/p>\n
La lumi\u00e8re de cet apr\u00e8s-midi d’automne filtrait au travers des rideaux et les bruits de la rue devenaient presque palpables par la fen\u00eatre entr’ouverte.<\/p>\n
On \u00e9tait l\u00e0 allong\u00e9s tous les deux comme des naufrag\u00e9s sur une ile en plein milieu d’un couloir commercial.<\/p>\n
Et de mon cot\u00e9 je n’avais aucune envie d’\u00eatre secouru. Juste se m\u00e9fier de ne pas entrer en collision trop rapidement. La cigarette se consuma ainsi puis j’\u00e9crasais le m\u00e9got dans un cendrier Cinzano sur la table de nuit.<\/p>\n
J’ai faim pas toi ?<\/p>\n
Elle regarda sa montre bracelet et d\u00e9cida qu’elle n’avait pas le temps qu’il fallait qu’elle rentre.<\/p>\n
Nous nous sommes rhabill\u00e9s en silence. Chaque pi\u00e8ce de v\u00eatement suppl\u00e9mentaire avec laquelle nous recouvrions notre nudit\u00e9 \u00e9tait comme une distance que nous installions avec l’\u00e9v\u00e9nement dont il fallait s’\u00e9loigner d\u00e9sormais. Se r\u00e9signer \u00e0 s’habiller. Se r\u00e9signer \u00e0 continuer.<\/p>\n
A la fin j’ai pr\u00e9text\u00e9 vouloir rester encore un peu dans la chambre je n’arrivais pas \u00e0 me faire \u00e0 l’id\u00e9e d’arriver en bas et de nous dire au revoir ou adieu.<\/p>\n
Elle n’a rien dit juste un sourire fatigu\u00e9 une caresse sur les cheveux, un baiser dans le cou, puis la porte s’est referm\u00e9e doucement.<\/p>\n
J’ai tent\u00e9 de suivre son pas dans l’escalier puis le bruit de la rue a augmenter d’un coup comme si quelqu’un avait mont\u00e9 le son.<\/p>\n
Et j’ai su que je m’\u00e9tais trouv\u00e9 nu face \u00e0 l’inqui\u00e9tude pour la premi\u00e8re fois de ma vie. L’inqui\u00e9tude n’\u00e9tait pas si inqui\u00e9tante que cela avais je not\u00e9. Et puis je suis sorti de la chambre \u00e0 mon tour j’ai retrouv\u00e9 illico tous les manques que je m’\u00e9tais invent\u00e9 depuis toujours. On ne se refait pas, c’est la vie.<\/p>", "content_text": "Nous venions de faire l'amour et j'avais allum\u00e9 une cigarette tout en examinant le papier peint de la chambre. Peu \u00e0 peu je constatais la m\u00e9tamorphose des roses joufflues vers la fl\u00e9trissure. C'\u00e9tait comme si le peintre Soutine \u00e9tait pass\u00e9 dans le quartier et qu'il avait pris plaisir \u00e0 sagouiner le d\u00e9cor jusque dans le moindre d\u00e9tail.\n\nJ'allais sur mes 30 ans \u00e0 cette \u00e9poque et je ne connaissais rien \u00e0 la peinture. \n\nJ'avais seulement amass\u00e9 une somme consid\u00e9rable de savoir ce qui me donnait l'impression de compenser un manque originel.\n\nParfois lorsque je cherchais \u00e0 nommer ce manque je parlais d'affection, d'amour, et pour varier, ne pas fatiguer ma cervelle, pour me distraire un peu, j'\u00e9voquais mon manque d'argent.\n\nMais tous ces mots, toutes ces images dans le fond provenait d'une inqui\u00e9tude fondamentale que je cherchais \u00e0 cerner maladroitement.\n\nEt avec les ann\u00e9es il me semble que ce avec quoi je tentais de me l'expliquer ou de la masquer devenait de plus en plus important rel\u00e9guant ainsi l'inqui\u00e9tude en tant que sensation dans les couches profondes de mon inconscience.\n\nJe ne m'int\u00e9ressais plus \u00e0 la cause mais seulement aux effets dans une confusion sans doute n\u00e9cessaire.\n\nLa femme pr\u00e8s de moi ne fumait pas. Mais la fum\u00e9e ne la d\u00e9rangeait pas avait t'elle ajout\u00e9 lorsque je lui avais tendu le paquet de Lucky.\n\nJe n'arrivais pas \u00e0 lui donner d'\u00e2ge, juste une estimation entre 45 et 50. Elle n'\u00e9tait pas belle selon les canons de l'\u00e9poque et je m'en moquais bien, l'\u00e9motion que ses rides et ses t\u00e2ches avaient d\u00e9clench\u00e9e en discutant \u00e0 la terrasse du caf\u00e9- ce petit caf\u00e9 au haut de la rue Saint-Andr\u00e9 des Arts- ne m'avait toujours pas quitt\u00e9. Plus une lourdeur de la chair s'affaissant avec un je ne sais quoi de tendre. Plus que de sexe j'avais ce besoin de tendresse. Autant \u00e0 donner qu'\u00e0 recevoir. Mais je ne me rendais pas bien compte encore, juste par ci par l\u00e0 une intuition fugace qui passait comme ces aventures que j'enchainais.\n\nElle peut-\u00eatre n'en \u00e9tait plus l\u00e0. elle regardait le plafond en me caressant doucement la main. On reprenait notre souffle en retardant le moment o\u00f9 il faudrait lib\u00e9rer la chambre.\n\nIl n'y avait plus rien \u00e0 dire non plus.\n\nC'est \u00e0 ce moment l\u00e0 que j'ai d\u00e9couvert que l'inqui\u00e9tude \u00e9tait un mot comme de nombreux mots et que l'on utilise m\u00e9caniquement sans prendre la peine de se pencher dessus.\n\nLa lumi\u00e8re de cet apr\u00e8s-midi d'automne filtrait au travers des rideaux et les bruits de la rue devenaient presque palpables par la fen\u00eatre entr'ouverte.\n\nOn \u00e9tait l\u00e0 allong\u00e9s tous les deux comme des naufrag\u00e9s sur une ile en plein milieu d'un couloir commercial. \n\nEt de mon cot\u00e9 je n'avais aucune envie d'\u00eatre secouru. Juste se m\u00e9fier de ne pas entrer en collision trop rapidement. La cigarette se consuma ainsi puis j'\u00e9crasais le m\u00e9got dans un cendrier Cinzano sur la table de nuit.\n\nJ'ai faim pas toi ?\n\nElle regarda sa montre bracelet et d\u00e9cida qu'elle n'avait pas le temps qu'il fallait qu'elle rentre.\n\nNous nous sommes rhabill\u00e9s en silence. Chaque pi\u00e8ce de v\u00eatement suppl\u00e9mentaire avec laquelle nous recouvrions notre nudit\u00e9 \u00e9tait comme une distance que nous installions avec l'\u00e9v\u00e9nement dont il fallait s'\u00e9loigner d\u00e9sormais. Se r\u00e9signer \u00e0 s'habiller. Se r\u00e9signer \u00e0 continuer.\n\nA la fin j'ai pr\u00e9text\u00e9 vouloir rester encore un peu dans la chambre je n'arrivais pas \u00e0 me faire \u00e0 l'id\u00e9e d'arriver en bas et de nous dire au revoir ou adieu.\n\nElle n'a rien dit juste un sourire fatigu\u00e9 une caresse sur les cheveux, un baiser dans le cou, puis la porte s'est referm\u00e9e doucement.\n\nJ'ai tent\u00e9 de suivre son pas dans l'escalier puis le bruit de la rue a augmenter d'un coup comme si quelqu'un avait mont\u00e9 le son.\n\nEt j'ai su que je m'\u00e9tais trouv\u00e9 nu face \u00e0 l'inqui\u00e9tude pour la premi\u00e8re fois de ma vie. L'inqui\u00e9tude n'\u00e9tait pas si inqui\u00e9tante que cela avais je not\u00e9. Et puis je suis sorti de la chambre \u00e0 mon tour j'ai retrouv\u00e9 illico tous les manques que je m'\u00e9tais invent\u00e9 depuis toujours. 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Bien sur je tiens absolument \u00e0 conserver mon cot\u00e9 \"fleur bleue\" m\u00eame si vous consid\u00e9rez que c’est ridicule, inconvenant, tout ce que vous voudrez.<\/p>\n
C’est pour l’entretenir d’ailleurs que je regarde certaines s\u00e9ries sur Netflix.<\/p>\n
La derni\u00e8re en date une s\u00e9rie espagnole dont la traduction doit ressembler \u00e0 \"si je ne t’avais pas rencontr\u00e9e\"<\/p>\n
C’est l’histoire d’un homme qui imagine que sa n\u00e9gligence est la cause d’un accident de voiture dans lequel il perd sa femme et ses deux enfants. Il d\u00e9cide d’en finir et au moment o\u00f9 il s’appr\u00eate \u00e0 enjamber le parapet d’un pont pour se faire \u00e9crabouiller par un train, il rencontre une vieille femme \u00e9trange qui lui propose un deal, celui de voyager dans des univers parall\u00e8les.<\/p>\n
chaque d\u00e9cision dans notre vie cr\u00e9e des univers parall\u00e8les qui permettent d’explorer toutes les versions de celle-ci.<\/p>\n
C’est une id\u00e9e \u00e0 laquelle j’ai souvent pens\u00e9.<\/p>\n
Hormis le sc\u00e9nario, je d\u00e9couvre dans cette s\u00e9rie une vision de la famille espagnole avec en filigrane la distribution des comportements suivant le genre de chaque actrice ou acteur. L’image de la m\u00e8re prend une place consid\u00e9rable alors que le p\u00e8re est souvent rel\u00e9gu\u00e9 au r\u00f4le de figurant.<\/p>\n
Lutter contre la castration que provoque \u00e9videmment la disparition de la famille que le protagoniste principal a fond\u00e9 masque \u00e0 peine son combat pour tenter de s’\u00e9manciper du cocon familial.<\/p>\n
Les deux personnages f\u00e9minins principaux repr\u00e9sentent toute l’ambigu\u00eft\u00e9 maternelle vis \u00e0 vis de la sensibilit\u00e9 masculine qui ne peut s’\u00e9panouir que dans l’\u00e9treinte, celle subit et celle qu’il r\u00e9clame.<\/p>\n
On peut aussi remarquer l’ambigu\u00eft\u00e9 de la notion de famille \u00e0 la fois rassurante et oppressante tout en m\u00eame temps.<\/p>\n
Les personnages des p\u00e8res quant \u00e0 eux sont comme effac\u00e9s ce qui \u00e9trangement les rend importants dans l’imaginaire familial ou totalement falot. A croire que le p\u00e8re doit \u00eatre d\u00e9c\u00e9d\u00e9 pour retrouver un ersatz de virilit\u00e9 contrairement \u00e0 celui qui bien vivant est quasiment insignifiant.<\/p>\n
Ce qui est diffus\u00e9 est une information importante : la famille est tout et chacune de nos d\u00e9cisions est bonne ou mauvaise en fonction qu’elle maintient ou non la coh\u00e9sion de celle-ci que ce soit la famille dont on vient ou celle que l’on cr\u00e9e.<\/p>\n
Je pensais \u00e0 tout cela est aussi \u00e0 la Sicile. A ma premi\u00e8re compagne et \u00e0 son point de vue sur sa propre famille dont il \u00e9tait hors de question que je puisse attenter \u00e0 la coh\u00e9sion imaginaire en laquelle elle croyait. Jusqu’\u00e0 me planquer dans un placard dans notre petit appartement de la Bastille sit\u00f4t qu’on toquait \u00e0 la porte de peur que nous nous rencontrions son p\u00e8re et moi.<\/p>\n
Ce qui advint au bout du compte et nous dev\u00eenmes m\u00eames tr\u00e8s amis sans jamais nous le dire, il \u00e9tait architecte et peignait dessinait \u00e0 ses moments perdus. C’est d’ailleurs dr\u00f4le ce genre d’expressions \" ces moments perdus\" comme des r\u00e9alit\u00e9s parall\u00e8les \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 maitresse.<\/p>\n
Comme j’\u00e9tais photographe \u00e0 cette \u00e9poque je lui ai propos\u00e9 de faire des clich\u00e9s de tous ses tableaux afin qu’il puisse oser pr\u00e9senter son travail \u00e0 une ou deux galeries que je lui recommandais.<\/p>\n
Jusqu’au bout nous jou\u00e2mes le jeu \"du je ne sais pas quelle relation v\u00e9ritable tu as avec ma fille.\" Et par respect m\u00eame au pires moments de notre rupture puis de notre s\u00e9paration je n’ai jamais vendu la m\u00e8che.<\/p>\n
Le profil du type que ma compagne s’\u00e9tait d\u00e9gott\u00e9 \u00e9tait apparemment totalement \u00e0 l’oppos\u00e9 du mien. Un battant qui faisait des \u00e9tudes de m\u00e9decine et qui habitait quelque part en Uruguay ou au Br\u00e9sil.<\/p>\n
Il s’en suivi des mois difficiles pour avaler le fait d’avoir \u00e9t\u00e9 r\u00e9pudi\u00e9 ainsi par ma compagne mais aussi par cette famille sicilienne et tout l’imaginaire qui allait avec de mon cot\u00e9.<\/p>\n
Je passais de longues journ\u00e9es d’errances dans les rues de Paris courant d’aventure en aventure sans autre but que de salir ce fichu cot\u00e9 \"fleur bleue\" que je pensais \u00eatre le responsable de mon exil.<\/p>\n
A cette \u00e9poque je ne m’int\u00e9ressais d\u00e9j\u00e0 qu’\u00e0 l’art, \u00e0 la philo, \u00e0 la litt\u00e9rature. Autant de choses qui ne servaient \u00e0 rien v\u00e9ritablement c’est \u00e0 dire qui assurerait une existence difficile, une vie de gal\u00e8re.<\/p>\n
Je peux dire aujourd’hui que cette fille a fait le bon choix et que je suis content qu’elle l’ai fait. Sans doute m’en serais je encore plus voulu de l’entrainer dans les cons\u00e9quences de mon refus d’effectuer le moindre choix de carri\u00e8re.<\/p>\n
Je crois aussi que je regarde cette s\u00e9rie \u00e0 cause de Mercedes Sampietro, quelle actrice magnifique \u00e0 tous points de vue !<\/p>\n
Aujourd’hui il va pleuvoir, pas la peine d’arroser, ce qui tombe bien cela me laisse plus de temps pour peindre et \u00e9crire.<\/p>\n
C’est l’eau du ciel qui arrose toutes les fleurs, qu’elles soient bleues ou pas.<\/p>", "content_text": "Bien sur je tiens absolument \u00e0 conserver mon cot\u00e9 \"fleur bleue\" m\u00eame si vous consid\u00e9rez que c'est ridicule, inconvenant, tout ce que vous voudrez.\n\nC'est pour l'entretenir d'ailleurs que je regarde certaines s\u00e9ries sur Netflix.\n\nLa derni\u00e8re en date une s\u00e9rie espagnole dont la traduction doit ressembler \u00e0 \"si je ne t'avais pas rencontr\u00e9e\"\n\nC'est l'histoire d'un homme qui imagine que sa n\u00e9gligence est la cause d'un accident de voiture dans lequel il perd sa femme et ses deux enfants. Il d\u00e9cide d'en finir et au moment o\u00f9 il s'appr\u00eate \u00e0 enjamber le parapet d'un pont pour se faire \u00e9crabouiller par un train, il rencontre une vieille femme \u00e9trange qui lui propose un deal, celui de voyager dans des univers parall\u00e8les.\n\nchaque d\u00e9cision dans notre vie cr\u00e9e des univers parall\u00e8les qui permettent d'explorer toutes les versions de celle-ci.\n\nC'est une id\u00e9e \u00e0 laquelle j'ai souvent pens\u00e9.\n\nHormis le sc\u00e9nario, je d\u00e9couvre dans cette s\u00e9rie une vision de la famille espagnole avec en filigrane la distribution des comportements suivant le genre de chaque actrice ou acteur. L'image de la m\u00e8re prend une place consid\u00e9rable alors que le p\u00e8re est souvent rel\u00e9gu\u00e9 au r\u00f4le de figurant.\n\nLutter contre la castration que provoque \u00e9videmment la disparition de la famille que le protagoniste principal a fond\u00e9 masque \u00e0 peine son combat pour tenter de s'\u00e9manciper du cocon familial.\n\nLes deux personnages f\u00e9minins principaux repr\u00e9sentent toute l'ambigu\u00eft\u00e9 maternelle vis \u00e0 vis de la sensibilit\u00e9 masculine qui ne peut s'\u00e9panouir que dans l'\u00e9treinte, celle subit et celle qu'il r\u00e9clame.\n\nOn peut aussi remarquer l'ambigu\u00eft\u00e9 de la notion de famille \u00e0 la fois rassurante et oppressante tout en m\u00eame temps.\n\nLes personnages des p\u00e8res quant \u00e0 eux sont comme effac\u00e9s ce qui \u00e9trangement les rend importants dans l'imaginaire familial ou totalement falot. A croire que le p\u00e8re doit \u00eatre d\u00e9c\u00e9d\u00e9 pour retrouver un ersatz de virilit\u00e9 contrairement \u00e0 celui qui bien vivant est quasiment insignifiant.\n\nCe qui est diffus\u00e9 est une information importante : la famille est tout et chacune de nos d\u00e9cisions est bonne ou mauvaise en fonction qu'elle maintient ou non la coh\u00e9sion de celle-ci que ce soit la famille dont on vient ou celle que l'on cr\u00e9e.\n\nJe pensais \u00e0 tout cela est aussi \u00e0 la Sicile. A ma premi\u00e8re compagne et \u00e0 son point de vue sur sa propre famille dont il \u00e9tait hors de question que je puisse attenter \u00e0 la coh\u00e9sion imaginaire en laquelle elle croyait. Jusqu'\u00e0 me planquer dans un placard dans notre petit appartement de la Bastille sit\u00f4t qu'on toquait \u00e0 la porte de peur que nous nous rencontrions son p\u00e8re et moi.\n\nCe qui advint au bout du compte et nous dev\u00eenmes m\u00eames tr\u00e8s amis sans jamais nous le dire, il \u00e9tait architecte et peignait dessinait \u00e0 ses moments perdus. C'est d'ailleurs dr\u00f4le ce genre d'expressions \" ces moments perdus\" comme des r\u00e9alit\u00e9s parall\u00e8les \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 maitresse.\n\nComme j'\u00e9tais photographe \u00e0 cette \u00e9poque je lui ai propos\u00e9 de faire des clich\u00e9s de tous ses tableaux afin qu'il puisse oser pr\u00e9senter son travail \u00e0 une ou deux galeries que je lui recommandais.\n\nJusqu'au bout nous jou\u00e2mes le jeu \"du je ne sais pas quelle relation v\u00e9ritable tu as avec ma fille.\" Et par respect m\u00eame au pires moments de notre rupture puis de notre s\u00e9paration je n'ai jamais vendu la m\u00e8che.\n\nLe profil du type que ma compagne s'\u00e9tait d\u00e9gott\u00e9 \u00e9tait apparemment totalement \u00e0 l'oppos\u00e9 du mien. Un battant qui faisait des \u00e9tudes de m\u00e9decine et qui habitait quelque part en Uruguay ou au Br\u00e9sil.\n\nIl s'en suivi des mois difficiles pour avaler le fait d'avoir \u00e9t\u00e9 r\u00e9pudi\u00e9 ainsi par ma compagne mais aussi par cette famille sicilienne et tout l'imaginaire qui allait avec de mon cot\u00e9.\n\nJe passais de longues journ\u00e9es d'errances dans les rues de Paris courant d'aventure en aventure sans autre but que de salir ce fichu cot\u00e9 \"fleur bleue\" que je pensais \u00eatre le responsable de mon exil.\n\nA cette \u00e9poque je ne m'int\u00e9ressais d\u00e9j\u00e0 qu'\u00e0 l'art, \u00e0 la philo, \u00e0 la litt\u00e9rature. Autant de choses qui ne servaient \u00e0 rien v\u00e9ritablement c'est \u00e0 dire qui assurerait une existence difficile, une vie de gal\u00e8re. \n\nJe peux dire aujourd'hui que cette fille a fait le bon choix et que je suis content qu'elle l'ai fait. Sans doute m'en serais je encore plus voulu de l'entrainer dans les cons\u00e9quences de mon refus d'effectuer le moindre choix de carri\u00e8re.\n\nJe crois aussi que je regarde cette s\u00e9rie \u00e0 cause de Mercedes Sampietro, quelle actrice magnifique \u00e0 tous points de vue !\n\nAujourd'hui il va pleuvoir, pas la peine d'arroser, ce qui tombe bien cela me laisse plus de temps pour peindre et \u00e9crire.\n\nC'est l'eau du ciel qui arrose toutes les fleurs, qu'elles soient bleues ou pas.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2610.jpg?1763239056", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/en-ecrivant-j-oublie-ce-que-je-voulais-dire.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/en-ecrivant-j-oublie-ce-que-je-voulais-dire.html", "title": "En \u00e9crivant j'oublie ce que je voulais dire", "date_published": "2021-08-24T05:19:19Z", "date_modified": "2025-11-15T20:35:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
Je viens d’\u00e9crire un texte sur le renouveau et puis je m’aper\u00e7ois que je suis totalement pass\u00e9 \u00e0 cot\u00e9 de ce que je voulais dire au d\u00e9but. C’est quelque chose qui m’arrive tout le temps. Lorsque je peins c’est pareil. J’ai une id\u00e9e et on dirait que je prends une sorte de plaisir particulier \u00e0 \u00e9viter de la faire surgir. Comme si ce qui m’int\u00e9ressait ce n’\u00e9tait pas tant l’id\u00e9e que la galaxie souvent n\u00e9buleuse qui l’accompagne dans son sillage.<\/p>\n
Une histoire de synesth\u00e9sie mentale en quelque sorte.<\/p>\n
Je voulais parler du renouvellement de mon abonnement \u00e0 Wordpress au d\u00e9but. Cela fait plusieurs mails qu’ils m’envoient pour m’inciter \u00e0 renouveler avant la date limite qui doit se situer \u00e0 la mi septembre. Je m’interroge depuis quelques jours sur mon envie de renouveler le bail. Cela me rappelle ma jeunesse quand tout baignait dans l’huile, que les choses s’emboitaient l’une dans l’autre parfaitement. On renouvelle ton contrat d’int\u00e9rim ? Pourquoi pas ... et puis peu de temps apr\u00e8s cette sensation de regret d’avoir l\u00e2chement dit oui. Comme une l\u00e2chet\u00e9, comme si je prenais aussi un malin plaisir \u00e0 passer \u00e0 cot\u00e9 de ma soi disant \"vraie vie\" totalement imaginaire \u00e9videmment.<\/p>\n
Comme si c’\u00e9tait toujours les circonstances qui devraient l’emporter bien plus que ma d\u00e9cision. D’ailleurs chaque d\u00e9cision est une sorte d’accouchement. J’imagine que lorsqu’on devient m\u00e8re on se sent quasiment oblig\u00e9 de renoncer \u00e0 tout le reste.<\/p>\n
Lorsqu’on devient peintre c’est pareil, ou \u00e9crivain, ou champion de tir \u00e0 l’arc, ou cuisinier, peu importe.<\/p>\n
La sagesse semble nous parvenir par un courant d’air glacial passant sous les portes.<\/p>\n
Si on fait le moindre \u00e9cart on imagine la bourrasque nous emporter presque aussit\u00f4t.<\/p>\n
Mais dans la jeunesse je me battais contre moi-m\u00eame, contre ma couardise. C’est pour cette raison que soudain de fa\u00e7on intempestive je disais merde \u00e0 un patron, \u00e0 une boite d’int\u00e9rim, \u00e0 une relation . C’\u00e9tait pour ne pas renouveler ce bail de ce que j’imaginais \u00eatre l’ennui, la torpeur.<\/p>\n
Ce qui advenait par la suite \u00e9tait souvent terrible de solitude et d’incertitude mais j’y gagnais en fiert\u00e9 et curieusement aussi en confiance et en amour en moi. En haine aussi souvent.<\/p>\n
Ce refus du renouvellement n’est rien d’autre qu’une envie de faire pencher le fl\u00e9au de la balance dans l’autre sens pour voir ce qui peut advenir. Et dans l’absolu l’ennui m’\u00e9tait certainement n\u00e9cessaire pour me sentir vivre \u00e0 rebours de tous ceux que je voyais s’agiter en vain.<\/p>\n
s’ennuyer et souffrir comme un chien de la solitude, je voyais en cela une sorte d’entrainement para militaire. Quelque chose qui aurait pour but de faire de moi un guerrier invincible, quasiment d\u00e9j\u00e0 un h\u00e9ros.<\/p>\n
Et puis \u00e7a m’est pass\u00e9, avec le temps.<\/p>\n
Peut-\u00eatre pas tant que \u00e7a si j’y pense vraiment. C’est un peu comme les effets des th\u00e9rapies br\u00e8ves, on se tire d’une phobie pour p\u00e9n\u00e9trer aussit\u00f4t dans une autre sans m\u00eame sans rendre compte.<\/p>\n
Rien ne vaudra une analyse v\u00e9ritable sur le long terme. Chose que j’ai soigneusement \u00e9vit\u00e9 de r\u00e9aliser bien entendu.<\/p>\n
Il aura fallu toute l’ironie du monde pour que la vie m’offre soudain tout ce groupe d’amis, psys pour la plupart y compris mon \u00e9pouse.<\/p>\n
Et le pire ou le meilleur c’est lorsqu’ils me disent : tu aurais fait un excellent psy !<\/p>\n
Ce que l’on refuse le plus est souvent ce que l’on d\u00e9sire le plus, c’est ce que j’aurais appris par des d\u00e9tours labyrinthiques.<\/p>\n
Alors cette histoire de renouvellement o\u00f9 donc en suis je ? Vais je accepter sans broncher le cours normal du monde ? vais je encore faire le malin rien que pour \u00e9prouver de nouveau cette petite pouss\u00e9e d’adr\u00e9naline provoqu\u00e9e par le refus, le plaisir de s’opposer sans raison ?<\/p>\n
A l’heure o\u00f9 j’\u00e9cris ces lignes je n’en sais rien du tout. J’assumerai voil\u00e0 tout c’est aussi ce que j’ai appris de tous les actes inconsid\u00e9r\u00e9s que j’ai effectu\u00e9s.<\/p>\n
Dans un certain sens ce que l’on pouvait consid\u00e9rer comme de l’immaturit\u00e9 \u00e0 une certaine \u00e9poque de la vie se renouvelle et devient le sens des responsabilit\u00e9s. Que celles ci n’aient d’int\u00e9r\u00eat que pour moi seul me permet aussi de ne pas regretter celles qui me paraissaient m\u00e9caniques et collectives enseign\u00e9es par les mots d’ordre de la morale ou de l’\u00e9ducation.<\/p>", "content_text": "Je viens d'\u00e9crire un texte sur le renouveau et puis je m'aper\u00e7ois que je suis totalement pass\u00e9 \u00e0 cot\u00e9 de ce que je voulais dire au d\u00e9but. C'est quelque chose qui m'arrive tout le temps. Lorsque je peins c'est pareil. J'ai une id\u00e9e et on dirait que je prends une sorte de plaisir particulier \u00e0 \u00e9viter de la faire surgir. Comme si ce qui m'int\u00e9ressait ce n'\u00e9tait pas tant l'id\u00e9e que la galaxie souvent n\u00e9buleuse qui l'accompagne dans son sillage.\n\nUne histoire de synesth\u00e9sie mentale en quelque sorte.\n\nJe voulais parler du renouvellement de mon abonnement \u00e0 Wordpress au d\u00e9but. Cela fait plusieurs mails qu'ils m'envoient pour m'inciter \u00e0 renouveler avant la date limite qui doit se situer \u00e0 la mi septembre. Je m'interroge depuis quelques jours sur mon envie de renouveler le bail. Cela me rappelle ma jeunesse quand tout baignait dans l'huile, que les choses s'emboitaient l'une dans l'autre parfaitement. On renouvelle ton contrat d'int\u00e9rim ? Pourquoi pas ... et puis peu de temps apr\u00e8s cette sensation de regret d'avoir l\u00e2chement dit oui. Comme une l\u00e2chet\u00e9, comme si je prenais aussi un malin plaisir \u00e0 passer \u00e0 cot\u00e9 de ma soi disant \"vraie vie\" totalement imaginaire \u00e9videmment.\n\nComme si c'\u00e9tait toujours les circonstances qui devraient l'emporter bien plus que ma d\u00e9cision. D'ailleurs chaque d\u00e9cision est une sorte d'accouchement. J'imagine que lorsqu'on devient m\u00e8re on se sent quasiment oblig\u00e9 de renoncer \u00e0 tout le reste.\n\nLorsqu'on devient peintre c'est pareil, ou \u00e9crivain, ou champion de tir \u00e0 l'arc, ou cuisinier, peu importe. \n\nLa sagesse semble nous parvenir par un courant d'air glacial passant sous les portes.\n\nSi on fait le moindre \u00e9cart on imagine la bourrasque nous emporter presque aussit\u00f4t.\n\nMais dans la jeunesse je me battais contre moi-m\u00eame, contre ma couardise. C'est pour cette raison que soudain de fa\u00e7on intempestive je disais merde \u00e0 un patron, \u00e0 une boite d'int\u00e9rim, \u00e0 une relation . C'\u00e9tait pour ne pas renouveler ce bail de ce que j'imaginais \u00eatre l'ennui, la torpeur.\n\nCe qui advenait par la suite \u00e9tait souvent terrible de solitude et d'incertitude mais j'y gagnais en fiert\u00e9 et curieusement aussi en confiance et en amour en moi. En haine aussi souvent.\n\nCe refus du renouvellement n'est rien d'autre qu'une envie de faire pencher le fl\u00e9au de la balance dans l'autre sens pour voir ce qui peut advenir. Et dans l'absolu l'ennui m'\u00e9tait certainement n\u00e9cessaire pour me sentir vivre \u00e0 rebours de tous ceux que je voyais s'agiter en vain.\n\ns'ennuyer et souffrir comme un chien de la solitude, je voyais en cela une sorte d'entrainement para militaire. Quelque chose qui aurait pour but de faire de moi un guerrier invincible, quasiment d\u00e9j\u00e0 un h\u00e9ros.\n\nEt puis \u00e7a m'est pass\u00e9, avec le temps.\n\nPeut-\u00eatre pas tant que \u00e7a si j'y pense vraiment. C'est un peu comme les effets des th\u00e9rapies br\u00e8ves, on se tire d'une phobie pour p\u00e9n\u00e9trer aussit\u00f4t dans une autre sans m\u00eame sans rendre compte.\n\nRien ne vaudra une analyse v\u00e9ritable sur le long terme. Chose que j'ai soigneusement \u00e9vit\u00e9 de r\u00e9aliser bien entendu.\n\nIl aura fallu toute l'ironie du monde pour que la vie m'offre soudain tout ce groupe d'amis, psys pour la plupart y compris mon \u00e9pouse.\n\nEt le pire ou le meilleur c'est lorsqu'ils me disent : tu aurais fait un excellent psy !\n\nCe que l'on refuse le plus est souvent ce que l'on d\u00e9sire le plus, c'est ce que j'aurais appris par des d\u00e9tours labyrinthiques.\n\nAlors cette histoire de renouvellement o\u00f9 donc en suis je ? Vais je accepter sans broncher le cours normal du monde ? vais je encore faire le malin rien que pour \u00e9prouver de nouveau cette petite pouss\u00e9e d'adr\u00e9naline provoqu\u00e9e par le refus, le plaisir de s'opposer sans raison ?\n\nA l'heure o\u00f9 j'\u00e9cris ces lignes je n'en sais rien du tout. J'assumerai voil\u00e0 tout c'est aussi ce que j'ai appris de tous les actes inconsid\u00e9r\u00e9s que j'ai effectu\u00e9s.\n\nDans un certain sens ce que l'on pouvait consid\u00e9rer comme de l'immaturit\u00e9 \u00e0 une certaine \u00e9poque de la vie se renouvelle et devient le sens des responsabilit\u00e9s. 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Il parait qu’il faut parler de soi en tant qu’artiste, parce que les gens sont curieux d’en savoir plus. Du coup je cherche une fa\u00e7on de r\u00e9\u00e9crire encore ma biographie pour la placer sur mon site, et syst\u00e9matiquement toutes les tentatives se soldent par un \u00e9chec. Cette r\u00e9p\u00e9tition de l’\u00e9chec ressemble \u00e0 une volont\u00e9 de ne pas vouloir s’enraciner. La question alors est de savoir dans quels buts ? les buts conscients mais surtout ceux qu’on a du mal \u00e0 s’avouer.<\/p>\n
L’id\u00e9e m\u00eame d’ennuyer l’autre autant que je peux m’ennuyer tout seul \u00e0 soliloquer est terrifiante. Cependant je vais prendre \u00e7a comme une sorte d’exercice et on verra bien o\u00f9 cela me m\u00e8nera comme d’habitude.<\/p>\n
_______________________________________________________________________________________________________________________<\/p>\n
Ma m\u00e8re est n\u00e9e sur le sol fran\u00e7ais en 1936 de parents estoniens. Durant toute sa vie elle n\u2019a jamais cess\u00e9 de souffrir d\u2019un d\u00e9racinement dont elle n\u2019\u00e9tait pas l\u2019actrice principale.<\/p>\n
Je me souviens qu\u2019elle m\u2019a souvent parl\u00e9 de la fa\u00e7on dont elle avait aussi souffert de l\u2019image peu reluisante que les petites fran\u00e7aises et fran\u00e7ais qu\u2019elle fr\u00e9quentait lui renvoyaient.<\/p>\n
D\u2019abord on l\u2019avait trait\u00e9e de russe, ce qui \u00e0 l\u2019\u00e9poque valait encore moins que d\u2019\u00eatre italien, espagnol, portugais ou arabe.<\/p>\n
Les griefs dont on l\u2019accusait alors c\u2019\u00e9tait d\u2019\u00eatre \u00e9trang\u00e8re tout simplement et pour bien marquer le coup on l\u2019accusait d\u2019\u00eatre pauvre, d\u2019\u00eatre sale, d\u2019\u00eatre voleuse ou menteuse, c\u2019est-\u00e0-dire d\u2019incarner les d\u00e9fauts dont personne ne voulait ouvertement s\u2019affubler et surtout de ne pas \u00eatre tout \u00e0 fait semblable \u00e0 tous ces enfants qui l\u2019entouraient alors.<\/p>\n
Sans aucun doute il lui aura fallu batailler beaucoup pour se fabriquer une estime d\u2019elle-m\u00eame afin de parvenir \u00e0 camoufler cette faille que l\u2019on n\u2019avait pas cess\u00e9 de lui indiquer.<\/p>\n
Au bout du compte une fois la cour d\u2019\u00e9cole vide, il ne reste que des fant\u00f4mes et toutes ces voix que l\u2019on int\u00e9riorise et qui n\u2019ont de cesse de nous ramener \u00e0 notre propre \u00e9tranget\u00e9.<\/p>\n
Son d\u00e9sir \u00e9tait d\u2019avoir une fille mais ma naissance contraria ses projets. Ainsi j\u2019allais devenir ce petit fran\u00e7ais qui presque naturellement allait s\u2019int\u00e9grer sans trop d\u2019effort en suivant le cursus « normal » c’est-\u00e0-dire une scolarit\u00e9 sans probl\u00e8me, des \u00e9tudes et \u00e0 la clef un travail une famille.<\/p>\n
Cette sensation d\u2019\u00eatre un pansement sur une blessure je crois qu\u2019elle est venue tr\u00e8s t\u00f4t dans ma vie.<\/p>\n
Un jour j\u2019ai entendu quelqu\u2019un me raconter une histoire d\u2019oiseaux. Il parait qu\u2019il y a toujours un oiseau qui ne mange pas en m\u00eame temps que les autres. Qui se tient \u00e0 la p\u00e9riph\u00e9rie des festins pour surveiller les alentours et pr\u00e9venir le groupe d\u2019un danger \u00e9ventuel.<\/p>\n
Le genre d\u2019histoire que l\u2019on retient parce qu\u2019elle touche une partie profonde de qui l\u2019on est.<\/p>\n
Mon p\u00e8re est n\u00e9 fran\u00e7ais, en 1935, \u00e0 Paris. En retrouvant des photos de lui adolescent puis jeune homme je me suis dit que je n\u2019aurais pas aim\u00e9 le fr\u00e9quenter. Belle gueule avec cette morgue dont je ne savais pas \u00e9videmment gamin qu\u2019elle lui \u00e9tait n\u00e9cessaire afin de d\u00e9passer de nombreux complexes qu\u2019il s\u2019\u00e9tait invent\u00e9s.<\/p>\n
On ne choisit pas ses parents, mais on peut essayer de les comprendre avec le temps car cet effort n\u2019est pas vain, il permet de s\u2019expliquer les choses, m\u00eame si de nombreux doutes persistent.<\/p>\n
Ma nature de buvard s\u2019est impr\u00e9gn\u00e9e du sang des blessures parentales et certainement que la source de celles-ci provient de milles lieux et \u00eatres que j\u2019ignore et continuerai d\u2019ignorer.<\/p>\n
Il s\u2019agit d\u2019une transmission, d\u2019un h\u00e9ritage qui s\u2019effectue sans papier, sans preuve, sans trace v\u00e9ritable et qui ne r\u00e9side dans cette atmosph\u00e8re dont on se trouve entour\u00e9 peu \u00e0 peu. Avec le temps on finit par savoir que c\u2019est dans la lumi\u00e8re d\u2019\u00e9t\u00e9 ou la pluie d\u2019automne que notre vrai patrimoine se cache.<\/p>\n
Chose totalement incompr\u00e9hensible pour quiconque aura acquis la certitude d\u2019\u00eatre aim\u00e9, d\u2019\u00eatre l\u00e9gitime.<\/p>\n
Cette notion de l\u00e9gitimit\u00e9 ou bien comme on dit aujourd\u2019hui ce complexe de l\u2019imposteur ne r\u00e9side donc pas uniquement dans la peinture mais dans une vie tout enti\u00e8re.<\/p>\n
Je l\u2019ai rencontr\u00e9e \u00e0 chacune des \u00e9tapes de ma vie d\u2019homme et j\u2019en ai aussi certainement beaucoup souffert avant d\u2019apprendre \u00e0 en tirer parti.<\/p>\n
Je ne voulais cependant pas continuer \u00e0 perp\u00e9trer cette injustice. Je me suis rebell\u00e9 tr\u00e8s t\u00f4t contre les circonstances.<\/p>\n
Sans doute la force m\u2019est -elle venue du fait que je n\u2019avais pas \u00e0 souffrir d\u2019\u00eatre \u00e9tranger d\u2019une part, pas plus qu\u2019issu d\u2019un milieu modeste puisque mon p\u00e8re s\u2019\u00e9tait donn\u00e9 quelques moyens tout de m\u00eame pour s\u2019\u00e9lever dans l\u2019\u00e9chelle sociale. C\u2019\u00e9tait sa seule priorit\u00e9 v\u00e9ritable d\u2019ailleurs. Un faisceau d\u2019actions diriger vers le seul but qu\u2019il se sera fix\u00e9 \u00e0 savoir devenir un homme qui compte parmi les autres au travers d\u2019une image calqu\u00e9e sur les ca\u00efds du cin\u00e9matographe.<\/p>\n
Il y avait \u00e0 la fois du Gabin, du Blier chez lui, c\u2019est ce qu\u2019il d\u00e9sirait afficher. Mais moi qui vivait \u00e0 ses cot\u00e9s je sentais bien qu\u2019au fond il \u00e9tait tout le contraire.<\/p>\n
Un soir d\u2019hiver il \u00e9tait venu me trouver alors que je faisais mes devoirs \u00e0 mon petit bureau et comme j\u2019avais \u00e0 faire des dessins d\u2019indiens il attrapa le crayon et m\u2019\u00e9pata. Un Indien plus vrai que nature surgit d\u2019entre ses doigts sur la page \u00e0 grands carreaux de mon cahier.<\/p>\n
Quelques ann\u00e9es plus tard un vendredi soir il revint \u00e0 la maison avec une boite de couleurs \u00e0 l\u2019huile, un chevalet gigantesque et de grandes toiles. Le samedi il esquissa au fusain directement sur la toile un immense bouquet de roses, puis pla\u00e7a quelques couches de couleurs \u00e9paisses et s\u2019arr\u00eata l\u00e0.<\/p>\n
Le tableau resta longtemps sur le chevalet dans un recoin de la cuisine, puis un jour on monta le tout au grenier et il passa \u00e0 d\u2019autres lubies comme par exemple bricoler, o\u00f9 aller p\u00e9cher le brochet.<\/p>\n
Mon p\u00e8re voyait toujours les choses en grand, en tr\u00e8s grand. Aussi se lan\u00e7ait il dans la moindre activit\u00e9, il ne souffrait aucun retard, aucune h\u00e9sitation, aucun obstacle.<\/p>\n
Impatient et col\u00e9rique il envoyait tout promener \u00e0 un moment ou un autre ce qui ne m\u2019arrangea pas la vie \u00e9videmment tant que je me basais sur son exemple.<\/p>\n
Ce fut quelques ann\u00e9es plus tard que ma m\u00e8re redescendit la boite de couleurs, le chevalet et quelle se mit \u00e0 peindre.<\/p>\n
Toute sa m\u00e9lancolie, elle la d\u00e9versait dans la peinture en reproduisant des tableaux de maitres flamands avec un habilet\u00e9 proche de la perfection. Comme si cette perfection \u00e9tait pour elle une sorte de baume, de rem\u00e8de.<\/p>\n
J\u2019ignorais alors l\u2019erreur dans laquelle elle allait sombrer de plus en plus. Car tout le monde sait que la perfection n\u2019est pas de ce monde. Ne parvenant pas \u00e0 l\u2019atteindre elle se renferma de plus en plus sur elle, devint aigrie contre l\u2019existence tout enti\u00e8re et termina son processus d\u2019auto-destruction par un cancer du colon qui l\u2019emporta en 2003.<\/p>\n
Ce que j\u2019en ai compris intuitivement c\u2019est que j\u2019avais une sorte de mission qui m\u2019\u00e9tait confi\u00e9e silencieusement de la part de mes parents et de tous les \u00eatres qui font partie de cette chaine inou\u00efe d\u2019existences pour parvenir jusqu\u2019\u00e0 moi.<\/p>\n
J\u2019ai \u00e9norm\u00e9ment cru \u00e0 cette histoire de mission.<\/p>\n
Le seul probl\u00e8me est que je ne savais pas du tout comment j\u2019allais m\u2019y prendre, au travers de quelle activit\u00e9 humaine ? Sit\u00f4t que j\u2019imaginais une voie, j\u2019arrivais presque imm\u00e9diatement au bout et ce bout me paraissait \u00eatre une impasse.<\/p>\n
Je n\u2019avais pas le discernement suffisant pour comprendre que je ne faisais que reproduire le m\u00eame mod\u00e8le chim\u00e9rique de mon p\u00e8re et de ma m\u00e8re c’est-\u00e0-dire atteindre \u00e0 la r\u00e9ussite quelle qu\u2019elle fut afin d\u2019obtenir une sorte de r\u00e9tribution cosmique.<\/p>\n
Ma seule chance fut je crois de faire confiance au hasard. De n\u2019avoir \u00e0 un moment de mon existence plus aucune id\u00e9e de but qui ne soit pas volatile presque aussit\u00f4t fabriqu\u00e9e.<\/p>\n
Que ce soit la r\u00e9p\u00e9tition des postures n\u00e9cessaires pour fonder une famille, une carri\u00e8re, j\u2019\u00e9chouais lamentablement \u00e0 chaque \u00e9tape, j\u2019en \u00e9prouvais un d\u00e9pit authentique toutefois puis, le temps passant je comprenais aussi peu \u00e0 peu que j\u2019en \u00e9tais comme soulag\u00e9 de ces \u00e9checs.<\/p>\n
Comme si quelque chose en moi avait tout mis en \u0153uvre pour acc\u00e9l\u00e9rer le temps, bruler les \u00e9tapes afin de voir ce qu\u2019il pouvait y avoir au-del\u00e0.<\/p>\n
Au-del\u00e0 il y avait le vide, le rien.<\/p>\n
C\u2019est \u00e0 partir de l\u00e0 que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 griffonner des textes comme pour meubler ce vide.<\/p>\n
A l\u2019\u00e9cole depuis les plus petites classes autant que je puisse me souvenir j\u2019ai toujours dessin\u00e9, et d\u2019apr\u00e8s l\u2019admiration que me portaient mes camarades je crois que je dessinais plut\u00f4t bien. Mais j\u2019aimais aussi attirer l\u2019attention et pour ce faire je m\u2019\u00e9tais lanc\u00e9 dans la caricature ; Faire rire me permettait de passer pour un pitre, statut que je privil\u00e9giais car il m\u2019\u00e9vitait de partager mes d\u00e9boires familiaux.<\/p>\n
Mon p\u00e8re dans ses col\u00e8res ne se contr\u00f4lait pas plus que ma m\u00e8re lorsqu\u2019elle plongeait dans sa m\u00e9lancolie. Leur fa\u00e7on de s\u2019aimer \u00e9tait brod\u00e9e d\u2019insultes d\u2019humiliations et de coups. C\u2019\u00e9tait \u00e0 la fois affreux pour mon fr\u00e8re cadet et moi-m\u00eame autant que digne d\u2019un spectacle de guignol. Nous nous en sortions ainsi en nous moquant pour ne pas hurler.<\/p>\n
Dans le fond des choses les parents servent aussi \u00e0 cela, \u00e0 montrer une figure de l\u2019humanit\u00e9 \u00e0 laquelle on ne veut pas ressembler car on se croit au-del\u00e0 de \u00e7a. On se croit autrement, voire mieux ou meilleur.<\/p>\n
Encore une fois il n\u2019y a que le temps qui permet d\u2019obtenir suffisamment de discernement afin de remettre les pendules \u00e0 l\u2019heure et surtout de se lib\u00e9rer par le pardon, par cette part insupportable \u00e0 supporter que l\u2019on finit par d\u00e9l\u00e9guer \u00e0 la Providence.<\/p>\n
La Providence, le hasard, l\u2019inconscient, le soi, appelons cela comme on le voudra on se trompera toujours par le seul fait de vouloir la nommer cette invisibilit\u00e9 omnipr\u00e9sente, omnipotente, c’est-\u00e0-dire tenter de le contr\u00f4ler.<\/p>\n
C\u2019est par la peinture que j\u2019ai fait mon \u00e9ducation v\u00e9ritable. C\u2019est la peinture qui m\u2019aura tout appris de ce que je comprends de la vie. Elle aura \u00e9t\u00e9 le catalyseur tout autant sans doute que l\u2019\u00e9criture, avec un avantage sur cette derni\u00e8re : le bavardage n\u2019est pas obligatoire.<\/p>\n
Pourtant j\u2019ai bavard\u00e9 de tout mon saoul en peinture comme si le fait de me rendre compte de ce talent que je poss\u00e8de pouvait lui aussi r\u00e9tribuer quelque chose de toile en toile comme dans une urgence. Me permettant aussi de rater \u00e0 chaque fois cette cible imaginaire, la r\u00e9ussite, le chef d\u2019\u0153uvre comme il se doit.<\/p>\n
Pour enfin d\u00e9couvrir qu\u2019aucun chef d\u2019\u0153uvre ne peut exister tant qu\u2019on le cherche d\u2019un point de vue ext\u00e9rieur. Au travers du regard des autres.<\/p>\n
Il faut fermer profond\u00e9ment les yeux pour voir. Avec obstination. S\u2019enfoncer dans l\u2019erreur compl\u00e8tement, ce que l\u2019on a toujours cru \u00eatre une erreur, une maladresse, un manque afin d\u2019en d\u00e9couvrir tout \u00e0 coup par hasard toute la richesse<\/p>\n
Il y a une phrase de Samuel Beckett qui m\u2019a toujours hant\u00e9 depuis que j\u2019ai vu adolescent « En attendant Godot ». C\u2019est le fameux quand est-ce qu\u2019on va naitre ?<\/em><\/p>\n Je crois que je consid\u00e8re la peinture un peu \u00e0 la fa\u00e7on de ces clochards c\u00e9lestes se posant chaque jour cette question tout en r\u00e9futant syst\u00e9matiquement le confort d\u2019une confortable pens\u00e9e.<\/p>\n Cette question c\u2019est la m\u00eame que Cervantes se pose au travers de Don Quichotte, que Van Gogh fait murmurer \u00e0 ses tournesols et \u00e0 ses cieux \u00e9toil\u00e9s.<\/p>\n Quand est ce qu\u2019on va naitre ?<\/em><\/p>\n La peinture et la vie n\u2019ont besoin sans doute d\u2019aucune autre question que celle-ci pour continuer \u00e0 avancer. C\u2019est peut-\u00eatre une question que se pose l\u2019univers tout entier \u00e0 chaque instant, une question que se pose Dieu pour ceux qui y croient et surtout pour ceux qui n\u2019y croient pas.<\/p>\n Quand est ce qu\u2019on va naitre, c\u2019est aussi : quand est ce qu\u2019on va enfin s\u2019enraciner, r\u00e9aliser enfin ce passage entre les \u00e9nergies tectoniques et a\u00e9riennes, devenir arbre, produire du fruit.<\/p>\n Certains le peuvent facilement c\u2019est comme si la simplicit\u00e9 leur \u00e9tait donn\u00e9e de fa\u00e7on cong\u00e9nitale, d\u2019autres rament une vie enti\u00e8re sans jamais pouvoir l\u2019atteindre.<\/p>\n Ce qui r\u00e9unit les oppos\u00e9s c\u2019est cette question de l\u2019enracinement qu\u2019importe l\u2019arbre qu\u2019importe le fruit. Le miracle est d\u00e9j\u00e0 dans la question.<\/p>\n Parler de soi, se montrer j’ai toujours cette r\u00e9ticence \u00e0 montrer ma figure sur les r\u00e9seaux sociaux. Un crainte de l’obsc\u00e8ne \u00e0 d\u00e9passer aussi probablement. Du coup voil\u00e0 ma photo !<\/p>\n Vous savez, parfois on pense inventer quelque chose, je veux dire que l’on pense \u00eatre un pionnier dans un domaine, mais ce n’est rien d’autre que de la pr\u00e9tention, de l’ignorance, de l’orgueil et surement encore bien d’autres choses encore.<\/p>\n Ainsi cela fait des ann\u00e9es que je pr\u00f4ne la maladresse comme source en dessin et en peinture et voici que je tombe sur ce mot japonais d’ETEGAMI. L’art de dessiner et peindre sans craindre d’\u00eatre maladroit.<\/p>\n Mon ego \u00e9videmment en a prit un coup derri\u00e8re la carafe en premier lieu. Puis j’ai rigol\u00e9. De fait je suis plut\u00f4t sp\u00e9cialis\u00e9 dans l’art de r\u00e9inventer sans cesse la roue, voil\u00e0 tout.<\/p>\n Et en m\u00eame temps n’est-ce pas rassurant de se dissoudre ainsi dans quelque chose de plus collectif, de quasiment universel ?<\/p>\n Et puis \u00e0 quoi servirait la fiert\u00e9 dans tout cela ?<\/p>\n Ce serait \u00e9videmment se tromper encore une fois de plus sur ce qu’est v\u00e9ritablement l’art en g\u00e9n\u00e9ral.<\/p>\n L’art c’est de plus en plus pour moi une sorte de relais d’informations que l’on se transmet \u00e0 travers des formes, des \u00e9motions, voire des concepts.<\/p>\n Et \u00e9videmment il faut accepter de n’\u00eatre seulement que le maillon d’une tr\u00e8s longue cha\u00eene, ce qui n’est pas \u00e9vident lorsqu’on est jeune.<\/p>\n L’\u00e2ge a bien des d\u00e9fauts mais il poss\u00e8de aussi cette qualit\u00e9 d’appr\u00e9cier la relativit\u00e9 de nos jugements, de nos engouements, de nos victoires comme de nos d\u00e9faites.<\/p>\n D’un autre cot\u00e9 il n’y a pas de fum\u00e9e sans feu.<\/p>\n Il m’est arriv\u00e9 de nombreuses fois de penser que j’avais eu sans doute des vies innombrables, \u00e9videmment encore par vanit\u00e9.<\/p>\n Parmi celles ci revient souvent l’image d’un vieux moine zen au regard de gamin qui me sourit avant de l\u00e9viter doucement et de disparaitre derri\u00e8re les nuages.<\/p>\n Dans le fond peu importe que ces vies ant\u00e9rieures existent ou pas me suis je dit puisque le but est bien moins de se survivre que de vivre et surtout de partager, de semer aux quatre vents tout ce qui me passe sans rel\u00e2che par l’esprit.<\/p>\n Non pas que je m’accorde une importance consid\u00e9rable mais je crois dans le hasard de plus en plus d\u00e9sormais, \u00e0 l’ouverture vis \u00e0 vis de ce que nous appelons le hasard.<\/p>\n Tout m’est venu par le dessin et la peinture c’est ma seule \u00e9ducation authentique. Les valeurs v\u00e9ritables que sont la justesse, la libert\u00e9, l’audace et le d\u00e9tachement.<\/p>\n Par la maladresse accept\u00e9e j’ai fait comme les saumons, j’ai remont\u00e9 les fleuves, les rivi\u00e8res, les ruisseaux.<\/p>\n Je vois de plus en plus clairement la source sans toutefois avoir heureusement cette vanit\u00e9 de me confondre en elle.<\/p>\n Il faut vivre sa vie, \u00eatre ce que l’on est, c’est \u00e0 dire suivre le cycle des \u00e9l\u00e9ments dans le bon ordre. Le plus difficile mais aussi le plus passionnant \u00e9tant de trouver justement cet ordre.<\/p>",
"content_text": "Vous savez, parfois on pense inventer quelque chose, je veux dire que l'on pense \u00eatre un pionnier dans un domaine, mais ce n'est rien d'autre que de la pr\u00e9tention, de l'ignorance, de l'orgueil et surement encore bien d'autres choses encore.\n\nAinsi cela fait des ann\u00e9es que je pr\u00f4ne la maladresse comme source en dessin et en peinture et voici que je tombe sur ce mot japonais d'ETEGAMI. L'art de dessiner et peindre sans craindre d'\u00eatre maladroit.\n\nMon ego \u00e9videmment en a prit un coup derri\u00e8re la carafe en premier lieu. Puis j'ai rigol\u00e9. De fait je suis plut\u00f4t sp\u00e9cialis\u00e9 dans l'art de r\u00e9inventer sans cesse la roue, voil\u00e0 tout.\n\nEt en m\u00eame temps n'est-ce pas rassurant de se dissoudre ainsi dans quelque chose de plus collectif, de quasiment universel ?\n\nEt puis \u00e0 quoi servirait la fiert\u00e9 dans tout cela ?\n\nCe serait \u00e9videmment se tromper encore une fois de plus sur ce qu'est v\u00e9ritablement l'art en g\u00e9n\u00e9ral. \n\nL'art c'est de plus en plus pour moi une sorte de relais d'informations que l'on se transmet \u00e0 travers des formes, des \u00e9motions, voire des concepts.\n\nEt \u00e9videmment il faut accepter de n'\u00eatre seulement que le maillon d'une tr\u00e8s longue cha\u00eene, ce qui n'est pas \u00e9vident lorsqu'on est jeune.\n\nL'\u00e2ge a bien des d\u00e9fauts mais il poss\u00e8de aussi cette qualit\u00e9 d'appr\u00e9cier la relativit\u00e9 de nos jugements, de nos engouements, de nos victoires comme de nos d\u00e9faites.\n\nD'un autre cot\u00e9 il n'y a pas de fum\u00e9e sans feu.\n\nIl m'est arriv\u00e9 de nombreuses fois de penser que j'avais eu sans doute des vies innombrables, \u00e9videmment encore par vanit\u00e9. \n\nParmi celles ci revient souvent l'image d'un vieux moine zen au regard de gamin qui me sourit avant de l\u00e9viter doucement et de disparaitre derri\u00e8re les nuages.\n\nDans le fond peu importe que ces vies ant\u00e9rieures existent ou pas me suis je dit puisque le but est bien moins de se survivre que de vivre et surtout de partager, de semer aux quatre vents tout ce qui me passe sans rel\u00e2che par l'esprit.\n\nNon pas que je m'accorde une importance consid\u00e9rable mais je crois dans le hasard de plus en plus d\u00e9sormais, \u00e0 l'ouverture vis \u00e0 vis de ce que nous appelons le hasard.\n\nTout m'est venu par le dessin et la peinture c'est ma seule \u00e9ducation authentique. Les valeurs v\u00e9ritables que sont la justesse, la libert\u00e9, l'audace et le d\u00e9tachement.\n\nPar la maladresse accept\u00e9e j'ai fait comme les saumons, j'ai remont\u00e9 les fleuves, les rivi\u00e8res, les ruisseaux.\n\nJe vois de plus en plus clairement la source sans toutefois avoir heureusement cette vanit\u00e9 de me confondre en elle.\n\nIl faut vivre sa vie, \u00eatre ce que l'on est, c'est \u00e0 dire suivre le cycle des \u00e9l\u00e9ments dans le bon ordre. Le plus difficile mais aussi le plus passionnant \u00e9tant de trouver justement cet ordre. ",
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"title": "Juste un petit pas de c\u00f4t\u00e9",
"date_published": "2021-08-02T02:58:22Z",
"date_modified": "2025-11-15T20:30:09Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Monsieur Williams ce jour l\u00e0 se fiche comme de l\u2019an 40 de la 5\u00e8me avenue. La seule chose qui le pr\u00e9occupe est de parvenir \u00e0 effectuer cet infime d\u00e9placement qui lui permettrait-si tant est que cela soit possible- de se voir en face, en toute objectivit\u00e9. Parvenir enfin \u00e0 se d\u00e9tacher de sa propre image, sans trop d\u2019effort, Enfin glisser juste un petit pas de c\u00f4t\u00e9.<\/p>\n Cela fait quelques semaines qu\u2019il s\u2019entra\u00eene, en vain. Et \u00e7a l\u2019agace prodigieusement bien qu\u2019il ne cesse d\u2019afficher cette mine joviale, une sorte de posture qui a pour vocation de souligner l\u2019empathie \u00e0 la mani\u00e8re d\u2019un choix depuis longtemps r\u00e9fl\u00e9chit.<\/p>\n Cela fait des jours qu\u2019il se surprend r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 penser le contraire de ce qu\u2019il dit.<\/p>\n Bonjour ch\u00e8re madame la boulang\u00e8re comment allez vous ce matin ? Comme votre boutique embaume ! Et ces croissants quel bonheur ! Mais vous n\u2019auriez pas chang\u00e9 de coiffure ? Vous \u00eates radieuse !<\/p>\n ( quelle conne celle l\u00e0 avec son brushing ann\u00e9es 50 \u2026qu\u2019est ce qu\u2019elle veut donc prouver ? Se trouve t\u2019elle vraiment app\u00e9tissante ? Et cette blouse dans laquelle elle est engonc\u00e9e comme\u2026 ce parfum\u2026 une v\u00e9ritable catastrophe\u2026)<\/em><\/p>\n Oh mais je sens que ma petite monnaie vous int\u00e9resse attendez voir, voici l\u2019appoint ! Et votre mari va bien ? Et partirez vous en vacances et quand donc reviendrez vous, nous allons nous languir \u2026 etc etc<\/p>\n ( regardez l\u00e0 se tr\u00e9mousser d\u2019aise celle l\u00e0 d\u00e9cid\u00e9ment il en faut vraiment peu se dit Williams apercevant au del\u00e0 du sourire commercial le petit endroit sensible o\u00f9 se niche l\u2019orgueil f\u00e9minin. Papillonnement infime des paupi\u00e8res, petit tremblement \u00e0 la commissure des l\u00e8vres\u2026redressement d\u2019une buste pour faire saillir la poitrine avantageuse sous la blouse de nylon impeccable\u2026 c\u2019est vraiment trop facile\u2026)<\/em><\/p>\n Une fois son petit tour effectu\u00e9 chez les commer\u00e7ants du quartier monsieur Williams s\u2019octroie un espresso chez Didine le bar de l\u2019angle. Depuis 6 mois qu\u2019il s\u2019est install\u00e9 ici le rituel est le m\u00eame, un bonjour sobre, puis il se dirige vers la m\u00eame table, le patron lui apporte son caf\u00e9 sans dire le moindre mot en prenant soin de poser la note \u00e0 c\u00f4t\u00e9, puis il repart derri\u00e8re son comptoir.<\/p>\n Monsieur Williams sirote son jus tout en observant la rue par les vitres poussi\u00e9reuses. Il a un don pour se raconter des histoires \u00e0 partir d\u2019un rien. Il reste ainsi une heure environ puis sort son porte-monnaie, choisit les pi\u00e8ces pour faire le compte juste, se l\u00e8ve puis ressort de l\u2019\u00e9tablissement en adressant \u00e0 Didine un bonne<\/em> journ\u00e9e<\/em> sonore auquel nul ne r\u00e9pond.<\/p>\n Cette absence de r\u00e9ponse l\u2019enchante secr\u00e8tement et c\u2019est certainement la raison principale qui le fait revenir ici invariablement.<\/p>\n Et c\u2019est aussi probablement ce lieu qui d\u00e9clenche enfin la prise de conscience, cette volont\u00e9 soudaine de parvenir \u00e0 effectuer se d\u00e9tachement de sa propre image.<\/p>\n En se trouvant tout \u00e0 coup face \u00e0 face \u00e0 lui-meme ce jour pr\u00e9cis\u00e9ment ou la table n\u2019\u00e9tait pas libre et qu\u2019il doit se rabattre dans l\u2019arri\u00e8re salle. Face \u00e0 la grande glace dont on aper\u00e7oit le tain tant elle est piqu\u00e9e par endroit, monsieur Williams se voit enfin comme s\u2019il \u00e9tait un autre.<\/p>\n Presque un vieillard et comme il n\u2019a pas \u00e0 jouer la com\u00e9die il ne se trouve pas vraiment sympathique.<\/p>\n Quelle sale gueule ! Si je rencontrais dans la rue je n\u2019aurais s\u00fbrement pas envie de m\u2019adresser la parole.<\/p>\n Il esquissa une sorte de sourire bizarre pour tenter de modifier le cours ordinaire de sa vie, mais il n\u2019y d\u00e9cela qu\u2019une pauvre grimace, celle d\u2019un pitre qui n\u2019avait jamais eut de cesse de se r\u00e9fugier dans le spectacle et il eut un haut le c\u0153ur.<\/p>\n Cette vision lui fut tellement odieuse insupportable qu\u2019il se leva et se dirigea vers la sortie en oubliant de payer sa consommation.<\/p>\n C\u2019est alors la voix du patron, Didine qui le r\u00e9veilla de son \u00e9trange somnambulisme :<\/p>\n Dis donc l\u2019avorton tu aurais pas dans l\u2019id\u00e9e de partir sans payer des fois ?<\/p>\n Monsieur Williams se confondit en excuses retrouvant comme par enchantement son sourire et sa fausse empathie, il sortit son porte-monnaie choisit avec soin l\u2019appoint puis s\u2019excusa encore un peu mais le patron avait d\u00e9j\u00e0 tourn\u00e9 les talons.<\/p>\n Lorsqu\u2019il rejoignit la rue les cris des enfants ressemblaient \u00e0 des chants d\u2019oiseaux et monsieur Williams se senti d\u2019une l\u00e9g\u00e8ret\u00e9 prodigieuse. D\u2019ailleurs au lieu de rentrer chez lui il rejoignit le fleuve et au bout d\u2019un long moment qui pourrait ressembler \u00e0 une m\u00e9ditation il regarda \u00e0 gauche puis \u00e0 droite, personne\u2026 il plongea et nul ne le revit jamais.<\/p>\n
<\/p>",
"content_text": "Il parait qu'il faut parler de soi en tant qu'artiste, parce que les gens sont curieux d'en savoir plus. Du coup je cherche une fa\u00e7on de r\u00e9\u00e9crire encore ma biographie pour la placer sur mon site, et syst\u00e9matiquement toutes les tentatives se soldent par un \u00e9chec. Cette r\u00e9p\u00e9tition de l'\u00e9chec ressemble \u00e0 une volont\u00e9 de ne pas vouloir s'enraciner. La question alors est de savoir dans quels buts ? les buts conscients mais surtout ceux qu'on a du mal \u00e0 s'avouer.\n\nL'id\u00e9e m\u00eame d'ennuyer l'autre autant que je peux m'ennuyer tout seul \u00e0 soliloquer est terrifiante. Cependant je vais prendre \u00e7a comme une sorte d'exercice et on verra bien o\u00f9 cela me m\u00e8nera comme d'habitude.\n\n_______________________________________________________________________________________________________________________\n\nMa m\u00e8re est n\u00e9e sur le sol fran\u00e7ais en 1936 de parents estoniens. Durant toute sa vie elle n\u2019a jamais cess\u00e9 de souffrir d\u2019un d\u00e9racinement dont elle n\u2019\u00e9tait pas l\u2019actrice principale. \n\nJe me souviens qu\u2019elle m\u2019a souvent parl\u00e9 de la fa\u00e7on dont elle avait aussi souffert de l\u2019image peu reluisante que les petites fran\u00e7aises et fran\u00e7ais qu\u2019elle fr\u00e9quentait lui renvoyaient. \n\nD\u2019abord on l\u2019avait trait\u00e9e de russe, ce qui \u00e0 l\u2019\u00e9poque valait encore moins que d\u2019\u00eatre italien, espagnol, portugais ou arabe.\n\nLes griefs dont on l\u2019accusait alors c\u2019\u00e9tait d\u2019\u00eatre \u00e9trang\u00e8re tout simplement et pour bien marquer le coup on l\u2019accusait d\u2019\u00eatre pauvre, d\u2019\u00eatre sale, d\u2019\u00eatre voleuse ou menteuse, c\u2019est-\u00e0-dire d\u2019incarner les d\u00e9fauts dont personne ne voulait ouvertement s\u2019affubler et surtout de ne pas \u00eatre tout \u00e0 fait semblable \u00e0 tous ces enfants qui l\u2019entouraient alors. \n\nSans aucun doute il lui aura fallu batailler beaucoup pour se fabriquer une estime d\u2019elle-m\u00eame afin de parvenir \u00e0 camoufler cette faille que l\u2019on n\u2019avait pas cess\u00e9 de lui indiquer.\n\nAu bout du compte une fois la cour d\u2019\u00e9cole vide, il ne reste que des fant\u00f4mes et toutes ces voix que l\u2019on int\u00e9riorise et qui n\u2019ont de cesse de nous ramener \u00e0 notre propre \u00e9tranget\u00e9.\n\nSon d\u00e9sir \u00e9tait d\u2019avoir une fille mais ma naissance contraria ses projets. Ainsi j\u2019allais devenir ce petit fran\u00e7ais qui presque naturellement allait s\u2019int\u00e9grer sans trop d\u2019effort en suivant le cursus \u00ab normal \u00bb c'est-\u00e0-dire une scolarit\u00e9 sans probl\u00e8me, des \u00e9tudes et \u00e0 la clef un travail une famille.\n\nCette sensation d\u2019\u00eatre un pansement sur une blessure je crois qu\u2019elle est venue tr\u00e8s t\u00f4t dans ma vie.\n\nUn jour j\u2019ai entendu quelqu\u2019un me raconter une histoire d\u2019oiseaux. Il parait qu\u2019il y a toujours un oiseau qui ne mange pas en m\u00eame temps que les autres. Qui se tient \u00e0 la p\u00e9riph\u00e9rie des festins pour surveiller les alentours et pr\u00e9venir le groupe d\u2019un danger \u00e9ventuel.\n\nLe genre d\u2019histoire que l\u2019on retient parce qu\u2019elle touche une partie profonde de qui l\u2019on est.\n\nMon p\u00e8re est n\u00e9 fran\u00e7ais, en 1935, \u00e0 Paris. En retrouvant des photos de lui adolescent puis jeune homme je me suis dit que je n\u2019aurais pas aim\u00e9 le fr\u00e9quenter. Belle gueule avec cette morgue dont je ne savais pas \u00e9videmment gamin qu\u2019elle lui \u00e9tait n\u00e9cessaire afin de d\u00e9passer de nombreux complexes qu\u2019il s\u2019\u00e9tait invent\u00e9s.\n\nOn ne choisit pas ses parents, mais on peut essayer de les comprendre avec le temps car cet effort n\u2019est pas vain, il permet de s\u2019expliquer les choses, m\u00eame si de nombreux doutes persistent.\n\nMa nature de buvard s\u2019est impr\u00e9gn\u00e9e du sang des blessures parentales et certainement que la source de celles-ci provient de milles lieux et \u00eatres que j\u2019ignore et continuerai d\u2019ignorer.\n\nIl s\u2019agit d\u2019une transmission, d\u2019un h\u00e9ritage qui s\u2019effectue sans papier, sans preuve, sans trace v\u00e9ritable et qui ne r\u00e9side dans cette atmosph\u00e8re dont on se trouve entour\u00e9 peu \u00e0 peu. Avec le temps on finit par savoir que c\u2019est dans la lumi\u00e8re d\u2019\u00e9t\u00e9 ou la pluie d\u2019automne que notre vrai patrimoine se cache.\n\nChose totalement incompr\u00e9hensible pour quiconque aura acquis la certitude d\u2019\u00eatre aim\u00e9, d\u2019\u00eatre l\u00e9gitime.\n\nCette notion de l\u00e9gitimit\u00e9 ou bien comme on dit aujourd\u2019hui ce complexe de l\u2019imposteur ne r\u00e9side donc pas uniquement dans la peinture mais dans une vie tout enti\u00e8re.\n\nJe l\u2019ai rencontr\u00e9e \u00e0 chacune des \u00e9tapes de ma vie d\u2019homme et j\u2019en ai aussi certainement beaucoup souffert avant d\u2019apprendre \u00e0 en tirer parti.\n\nJe ne voulais cependant pas continuer \u00e0 perp\u00e9trer cette injustice. Je me suis rebell\u00e9 tr\u00e8s t\u00f4t contre les circonstances. \n\nSans doute la force m\u2019est -elle venue du fait que je n\u2019avais pas \u00e0 souffrir d\u2019\u00eatre \u00e9tranger d\u2019une part, pas plus qu\u2019issu d\u2019un milieu modeste puisque mon p\u00e8re s\u2019\u00e9tait donn\u00e9 quelques moyens tout de m\u00eame pour s\u2019\u00e9lever dans l\u2019\u00e9chelle sociale. C\u2019\u00e9tait sa seule priorit\u00e9 v\u00e9ritable d\u2019ailleurs. Un faisceau d\u2019actions diriger vers le seul but qu\u2019il se sera fix\u00e9 \u00e0 savoir devenir un homme qui compte parmi les autres au travers d\u2019une image calqu\u00e9e sur les ca\u00efds du cin\u00e9matographe.\n\nIl y avait \u00e0 la fois du Gabin, du Blier chez lui, c\u2019est ce qu\u2019il d\u00e9sirait afficher. Mais moi qui vivait \u00e0 ses cot\u00e9s je sentais bien qu\u2019au fond il \u00e9tait tout le contraire.\n\nUn soir d\u2019hiver il \u00e9tait venu me trouver alors que je faisais mes devoirs \u00e0 mon petit bureau et comme j\u2019avais \u00e0 faire des dessins d\u2019indiens il attrapa le crayon et m\u2019\u00e9pata. Un Indien plus vrai que nature surgit d\u2019entre ses doigts sur la page \u00e0 grands carreaux de mon cahier.\n\nQuelques ann\u00e9es plus tard un vendredi soir il revint \u00e0 la maison avec une boite de couleurs \u00e0 l\u2019huile, un chevalet gigantesque et de grandes toiles. Le samedi il esquissa au fusain directement sur la toile un immense bouquet de roses, puis pla\u00e7a quelques couches de couleurs \u00e9paisses et s\u2019arr\u00eata l\u00e0.\n\nLe tableau resta longtemps sur le chevalet dans un recoin de la cuisine, puis un jour on monta le tout au grenier et il passa \u00e0 d\u2019autres lubies comme par exemple bricoler, o\u00f9 aller p\u00e9cher le brochet. \n\nMon p\u00e8re voyait toujours les choses en grand, en tr\u00e8s grand. Aussi se lan\u00e7ait il dans la moindre activit\u00e9, il ne souffrait aucun retard, aucune h\u00e9sitation, aucun obstacle. \n\nImpatient et col\u00e9rique il envoyait tout promener \u00e0 un moment ou un autre ce qui ne m\u2019arrangea pas la vie \u00e9videmment tant que je me basais sur son exemple.\n\nCe fut quelques ann\u00e9es plus tard que ma m\u00e8re redescendit la boite de couleurs, le chevalet et quelle se mit \u00e0 peindre.\n\nToute sa m\u00e9lancolie, elle la d\u00e9versait dans la peinture en reproduisant des tableaux de maitres flamands avec un habilet\u00e9 proche de la perfection. Comme si cette perfection \u00e9tait pour elle une sorte de baume, de rem\u00e8de.\n\nJ\u2019ignorais alors l\u2019erreur dans laquelle elle allait sombrer de plus en plus. Car tout le monde sait que la perfection n\u2019est pas de ce monde. Ne parvenant pas \u00e0 l\u2019atteindre elle se renferma de plus en plus sur elle, devint aigrie contre l\u2019existence tout enti\u00e8re et termina son processus d\u2019auto-destruction par un cancer du colon qui l\u2019emporta en 2003.\n\nCe que j\u2019en ai compris intuitivement c\u2019est que j\u2019avais une sorte de mission qui m\u2019\u00e9tait confi\u00e9e silencieusement de la part de mes parents et de tous les \u00eatres qui font partie de cette chaine inou\u00efe d\u2019existences pour parvenir jusqu\u2019\u00e0 moi.\n\nJ\u2019ai \u00e9norm\u00e9ment cru \u00e0 cette histoire de mission. \n\nLe seul probl\u00e8me est que je ne savais pas du tout comment j\u2019allais m\u2019y prendre, au travers de quelle activit\u00e9 humaine ? Sit\u00f4t que j\u2019imaginais une voie, j\u2019arrivais presque imm\u00e9diatement au bout et ce bout me paraissait \u00eatre une impasse.\n\nJe n\u2019avais pas le discernement suffisant pour comprendre que je ne faisais que reproduire le m\u00eame mod\u00e8le chim\u00e9rique de mon p\u00e8re et de ma m\u00e8re c'est-\u00e0-dire atteindre \u00e0 la r\u00e9ussite quelle qu\u2019elle fut afin d\u2019obtenir une sorte de r\u00e9tribution cosmique.\n\nMa seule chance fut je crois de faire confiance au hasard. De n\u2019avoir \u00e0 un moment de mon existence plus aucune id\u00e9e de but qui ne soit pas volatile presque aussit\u00f4t fabriqu\u00e9e.\n\nQue ce soit la r\u00e9p\u00e9tition des postures n\u00e9cessaires pour fonder une famille, une carri\u00e8re, j\u2019\u00e9chouais lamentablement \u00e0 chaque \u00e9tape, j\u2019en \u00e9prouvais un d\u00e9pit authentique toutefois puis, le temps passant je comprenais aussi peu \u00e0 peu que j\u2019en \u00e9tais comme soulag\u00e9 de ces \u00e9checs.\n\nComme si quelque chose en moi avait tout mis en \u0153uvre pour acc\u00e9l\u00e9rer le temps, bruler les \u00e9tapes afin de voir ce qu\u2019il pouvait y avoir au-del\u00e0.\n\nAu-del\u00e0 il y avait le vide, le rien.\n\nC\u2019est \u00e0 partir de l\u00e0 que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 griffonner des textes comme pour meubler ce vide.\n\nA l\u2019\u00e9cole depuis les plus petites classes autant que je puisse me souvenir j\u2019ai toujours dessin\u00e9, et d\u2019apr\u00e8s l\u2019admiration que me portaient mes camarades je crois que je dessinais plut\u00f4t bien. Mais j\u2019aimais aussi attirer l\u2019attention et pour ce faire je m\u2019\u00e9tais lanc\u00e9 dans la caricature ; Faire rire me permettait de passer pour un pitre, statut que je privil\u00e9giais car il m\u2019\u00e9vitait de partager mes d\u00e9boires familiaux.\n\nMon p\u00e8re dans ses col\u00e8res ne se contr\u00f4lait pas plus que ma m\u00e8re lorsqu\u2019elle plongeait dans sa m\u00e9lancolie. Leur fa\u00e7on de s\u2019aimer \u00e9tait brod\u00e9e d\u2019insultes d\u2019humiliations et de coups. C\u2019\u00e9tait \u00e0 la fois affreux pour mon fr\u00e8re cadet et moi-m\u00eame autant que digne d\u2019un spectacle de guignol. Nous nous en sortions ainsi en nous moquant pour ne pas hurler.\n\nDans le fond des choses les parents servent aussi \u00e0 cela, \u00e0 montrer une figure de l\u2019humanit\u00e9 \u00e0 laquelle on ne veut pas ressembler car on se croit au-del\u00e0 de \u00e7a. On se croit autrement, voire mieux ou meilleur.\n\nEncore une fois il n\u2019y a que le temps qui permet d\u2019obtenir suffisamment de discernement afin de remettre les pendules \u00e0 l\u2019heure et surtout de se lib\u00e9rer par le pardon, par cette part insupportable \u00e0 supporter que l\u2019on finit par d\u00e9l\u00e9guer \u00e0 la Providence.\n\nLa Providence, le hasard, l\u2019inconscient, le soi, appelons cela comme on le voudra on se trompera toujours par le seul fait de vouloir la nommer cette invisibilit\u00e9 omnipr\u00e9sente, omnipotente, c'est-\u00e0-dire tenter de le contr\u00f4ler.\n\nC\u2019est par la peinture que j\u2019ai fait mon \u00e9ducation v\u00e9ritable. C\u2019est la peinture qui m\u2019aura tout appris de ce que je comprends de la vie. Elle aura \u00e9t\u00e9 le catalyseur tout autant sans doute que l\u2019\u00e9criture, avec un avantage sur cette derni\u00e8re : le bavardage n\u2019est pas obligatoire.\n\nPourtant j\u2019ai bavard\u00e9 de tout mon saoul en peinture comme si le fait de me rendre compte de ce talent que je poss\u00e8de pouvait lui aussi r\u00e9tribuer quelque chose de toile en toile comme dans une urgence. Me permettant aussi de rater \u00e0 chaque fois cette cible imaginaire, la r\u00e9ussite, le chef d\u2019\u0153uvre comme il se doit.\n\nPour enfin d\u00e9couvrir qu\u2019aucun chef d\u2019\u0153uvre ne peut exister tant qu\u2019on le cherche d\u2019un point de vue ext\u00e9rieur. Au travers du regard des autres.\n\nIl faut fermer profond\u00e9ment les yeux pour voir. Avec obstination. S\u2019enfoncer dans l\u2019erreur compl\u00e8tement, ce que l\u2019on a toujours cru \u00eatre une erreur, une maladresse, un manque afin d\u2019en d\u00e9couvrir tout \u00e0 coup par hasard toute la richesse \n\nIl y a une phrase de Samuel Beckett qui m\u2019a toujours hant\u00e9 depuis que j\u2019ai vu adolescent \u00ab En attendant Godot \u00bb. C\u2019est le fameux quand est-ce qu\u2019on va naitre ?\n\nJe crois que je consid\u00e8re la peinture un peu \u00e0 la fa\u00e7on de ces clochards c\u00e9lestes se posant chaque jour cette question tout en r\u00e9futant syst\u00e9matiquement le confort d\u2019une confortable pens\u00e9e.\n\nCette question c\u2019est la m\u00eame que Cervantes se pose au travers de Don Quichotte, que Van Gogh fait murmurer \u00e0 ses tournesols et \u00e0 ses cieux \u00e9toil\u00e9s.\n\nQuand est ce qu\u2019on va naitre ?\n\nLa peinture et la vie n\u2019ont besoin sans doute d\u2019aucune autre question que celle-ci pour continuer \u00e0 avancer. C\u2019est peut-\u00eatre une question que se pose l\u2019univers tout entier \u00e0 chaque instant, une question que se pose Dieu pour ceux qui y croient et surtout pour ceux qui n\u2019y croient pas.\n\nQuand est ce qu\u2019on va naitre, c\u2019est aussi : quand est ce qu\u2019on va enfin s\u2019enraciner, r\u00e9aliser enfin ce passage entre les \u00e9nergies tectoniques et a\u00e9riennes, devenir arbre, produire du fruit.\n\nCertains le peuvent facilement c\u2019est comme si la simplicit\u00e9 leur \u00e9tait donn\u00e9e de fa\u00e7on cong\u00e9nitale, d\u2019autres rament une vie enti\u00e8re sans jamais pouvoir l\u2019atteindre.\n\nCe qui r\u00e9unit les oppos\u00e9s c\u2019est cette question de l\u2019enracinement qu\u2019importe l\u2019arbre qu\u2019importe le fruit. Le miracle est d\u00e9j\u00e0 dans la question.\n\nParler de soi, se montrer j'ai toujours cette r\u00e9ticence \u00e0 montrer ma figure sur les r\u00e9seaux sociaux. Un crainte de l'obsc\u00e8ne \u00e0 d\u00e9passer aussi probablement. Du coup voil\u00e0 ma photo ! ",
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"title": "Japonais sans le savoir.",
"date_published": "2021-08-17T02:16:33Z",
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