{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/celui-qui-ne-voulait-pas-etre-pris-pour-un-idiot.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/celui-qui-ne-voulait-pas-etre-pris-pour-un-idiot.html", "title": "Celui qui ne voulait pas \u00eatre pris pour un idiot.", "date_published": "2021-09-30T03:34:16Z", "date_modified": "2025-11-19T09:05:41Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Hier au soir, en rentrant de mes cours, je tombe sur un panneau m’indiquant que l’autoroute est ferm\u00e9e pour cause de travaux. Je dois donc emprunter une autre route, plus longue, pour revenir chez moi. C’est l’occasion d’\u00e9couter quelque chose pour passer le temps et je choisis la rediffusion d’une interview de Zemmour par Ruth Elkrief sur YouTube puisqu’elle surgit en premier dans le fil d’actualit\u00e9.<\/p>\n

Que penser de tout cela ? Et dans quelle mesure cette interview \u00e9veille-t-elle mon int\u00e9r\u00eat ? Il y a \u00e9videmment quelque chose de louche, un peu de voyeurisme sans doute, et aussi certainement une fascination trop exag\u00e9r\u00e9e de ma part face \u00e0 toute manifestation de rh\u00e9torique. Mais bon, quoique honteux, je pers\u00e9v\u00e8re. C’est important d’aller au bout de la honte comme de tout le reste.<\/p>\n

Comment un journaliste peut-il provoquer autant de tapage aujourd’hui dans la sph\u00e8re m\u00e9diatique et politique ? C’est pour moi une \u00e9nigme en m\u00eame temps qu’un signe de la m\u00e9diocrit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale dans laquelle, m\u00e9diatiquement comme politiquement, nous baignons.<\/p>\n

J’\u00e9coute.<\/p>\n

Et finalement, c’est int\u00e9ressant.<\/p>\n

Car \u00e0 de nombreuses reprises Zemmour reprend sa cons\u0153ur en lui disant : « Je ne suis pas un idiot. »<\/p>\n

Il faudrait donc entendre : je suis intelligent.<\/p>\n

Les kilom\u00e8tres d\u00e9filent. \u00c0 la sortie de Givors, un lapin en plein milieu de la route, \u00e9bloui par les phares.<\/p>\n

Je ne roule pas vite, j’ai le temps de freiner et de m’arr\u00eater face \u00e0 lui. Face \u00e0 face avec le lapin qui finalement s’av\u00e8re \u00eatre un li\u00e8vre.<\/p>\n

Tout cela sur un fond de discussion radiophonique.<\/p>\n

« Mais je ne suis pas un idiot, Ruth Elkrief ! »<\/p>\n

Le li\u00e8vre rejoint le talus et je red\u00e9marre doucement.<\/p>\n

Soudain me revient un paragraphe lu dans un trait\u00e9 de m\u00e9tallurgie chinoise o\u00f9 on trempait les lames des \u00e9p\u00e9es dans du sang de li\u00e8vre pour leur conf\u00e9rer force et invuln\u00e9rabilit\u00e9.<\/p>\n

« Je ne suis pas un idiot », une fois encore.<\/p>\n

Quand la journaliste \u00e9voque la pens\u00e9e de Zemmour sur P\u00e9tain, celui-ci p\u00e8te un plomb.<\/p>\n

« Vous allez pas remettre \u00e7a encore une fois, j’en ai marre ! »<\/p>\n

Bla bla bla, encore pour en arriver \u00e0 cette antienne une fois de plus.<\/p>\n

« Mais vous croyez que je suis un idiot ? »<\/p>\n

Bon.<\/p>\n

Quelqu’un qui s’efforce de pr\u00e9ciser \u00e0 tout bout de champ qu’il n’est pas un idiot, \u00e0 mon avis, doit avoir une sacr\u00e9e trouille d’en \u00eatre un. Peut-\u00eatre m\u00eame un d\u00e9sir inconscient d’\u00eatre enfin d\u00e9masqu\u00e9 une bonne fois pour toutes afin de retrouver une certaine s\u00e9r\u00e9nit\u00e9.<\/p>\n

Tellement la trouille qu’une majorit\u00e9 de ses pens\u00e9es doit \u00eatre orient\u00e9e vers ce but principal.<\/p>\n

Autrement dit, rien de bien dangereux ni de nouveau.<\/p>\n

Les voix des deux protagonistes s’amenuisent, j’ouvre la vitre et l’air frais entre dans l’habitacle. J’appuie finalement sur pause.<\/p>\n

Je suis content de rouler doucement, j’aurais pu \u00e9crabouiller un li\u00e8vre autrement, \u00e7a m’aurait fait de la peine.<\/p>\n

Puis, de fil en aiguille, mon esprit saute sur le souvenir d’un li\u00e8vre d’Albrecht D\u00fcrer et je me mets \u00e0 songer \u00e0 la Renaissance nordique, puis \u00e9videmment \u00e0 J\u00e9r\u00f4me Bosch et \u00e0 son Jardin des d\u00e9lices.<\/p>\n

Et puis maintenant que je pense \u00e0 tout \u00e7a et que je l’\u00e9cris pour le comprendre, je me demande si \u00e7a me ferait quelque chose encore d’\u00eatre pris pour un idiot ?<\/p>\n

La v\u00e9rit\u00e9 est que je m’en fiche totalement, dans le fond, et \u00e7a c’est une sacr\u00e9e victoire, je trouve, apr\u00e8s tant d’\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9e l\u00e0-dedans \u00e0 vouloir prouver ceci ou cela, finalement, qu’\u00e0 moi-m\u00eame.<\/p>\n

Du coup, je suis pass\u00e9 au Lacrimosa de Mozart. Je n’ai plus pens\u00e9 \u00e0 rien d’autre qu’\u00e0 regarder la route qui s’enfon\u00e7ait dans la nuit face \u00e0 moi.<\/p>", "content_text": "Hier au soir, en rentrant de mes cours, je tombe sur un panneau m'indiquant que l'autoroute est ferm\u00e9e pour cause de travaux. Je dois donc emprunter une autre route, plus longue, pour revenir chez moi. C'est l'occasion d'\u00e9couter quelque chose pour passer le temps et je choisis la rediffusion d'une interview de Zemmour par Ruth Elkrief sur YouTube puisqu'elle surgit en premier dans le fil d'actualit\u00e9. Que penser de tout cela ? Et dans quelle mesure cette interview \u00e9veille-t-elle mon int\u00e9r\u00eat ? Il y a \u00e9videmment quelque chose de louche, un peu de voyeurisme sans doute, et aussi certainement une fascination trop exag\u00e9r\u00e9e de ma part face \u00e0 toute manifestation de rh\u00e9torique. Mais bon, quoique honteux, je pers\u00e9v\u00e8re. C'est important d'aller au bout de la honte comme de tout le reste. Comment un journaliste peut-il provoquer autant de tapage aujourd'hui dans la sph\u00e8re m\u00e9diatique et politique ? C'est pour moi une \u00e9nigme en m\u00eame temps qu'un signe de la m\u00e9diocrit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale dans laquelle, m\u00e9diatiquement comme politiquement, nous baignons. J'\u00e9coute. Et finalement, c'est int\u00e9ressant. Car \u00e0 de nombreuses reprises Zemmour reprend sa cons\u0153ur en lui disant : \u00ab Je ne suis pas un idiot. \u00bb Il faudrait donc entendre : je suis intelligent. Les kilom\u00e8tres d\u00e9filent. \u00c0 la sortie de Givors, un lapin en plein milieu de la route, \u00e9bloui par les phares. Je ne roule pas vite, j'ai le temps de freiner et de m'arr\u00eater face \u00e0 lui. Face \u00e0 face avec le lapin qui finalement s'av\u00e8re \u00eatre un li\u00e8vre. Tout cela sur un fond de discussion radiophonique. \u00ab Mais je ne suis pas un idiot, Ruth Elkrief ! \u00bb Le li\u00e8vre rejoint le talus et je red\u00e9marre doucement. Soudain me revient un paragraphe lu dans un trait\u00e9 de m\u00e9tallurgie chinoise o\u00f9 on trempait les lames des \u00e9p\u00e9es dans du sang de li\u00e8vre pour leur conf\u00e9rer force et invuln\u00e9rabilit\u00e9. \u00ab Je ne suis pas un idiot \u00bb, une fois encore. Quand la journaliste \u00e9voque la pens\u00e9e de Zemmour sur P\u00e9tain, celui-ci p\u00e8te un plomb. \u00ab Vous allez pas remettre \u00e7a encore une fois, j'en ai marre ! \u00bb Bla bla bla, encore pour en arriver \u00e0 cette antienne une fois de plus. \u00ab Mais vous croyez que je suis un idiot ? \u00bb Bon. Quelqu'un qui s'efforce de pr\u00e9ciser \u00e0 tout bout de champ qu'il n'est pas un idiot, \u00e0 mon avis, doit avoir une sacr\u00e9e trouille d'en \u00eatre un. Peut-\u00eatre m\u00eame un d\u00e9sir inconscient d'\u00eatre enfin d\u00e9masqu\u00e9 une bonne fois pour toutes afin de retrouver une certaine s\u00e9r\u00e9nit\u00e9. Tellement la trouille qu'une majorit\u00e9 de ses pens\u00e9es doit \u00eatre orient\u00e9e vers ce but principal. Autrement dit, rien de bien dangereux ni de nouveau. Les voix des deux protagonistes s'amenuisent, j'ouvre la vitre et l'air frais entre dans l'habitacle. J'appuie finalement sur pause. Je suis content de rouler doucement, j'aurais pu \u00e9crabouiller un li\u00e8vre autrement, \u00e7a m'aurait fait de la peine. Puis, de fil en aiguille, mon esprit saute sur le souvenir d'un li\u00e8vre d'Albrecht D\u00fcrer et je me mets \u00e0 songer \u00e0 la Renaissance nordique, puis \u00e9videmment \u00e0 J\u00e9r\u00f4me Bosch et \u00e0 son Jardin des d\u00e9lices. Et puis maintenant que je pense \u00e0 tout \u00e7a et que je l'\u00e9cris pour le comprendre, je me demande si \u00e7a me ferait quelque chose encore d'\u00eatre pris pour un idiot ? La v\u00e9rit\u00e9 est que je m'en fiche totalement, dans le fond, et \u00e7a c'est une sacr\u00e9e victoire, je trouve, apr\u00e8s tant d'\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9e l\u00e0-dedans \u00e0 vouloir prouver ceci ou cela, finalement, qu'\u00e0 moi-m\u00eame. Du coup, je suis pass\u00e9 au Lacrimosa de Mozart. Je n'ai plus pens\u00e9 \u00e0 rien d'autre qu'\u00e0 regarder la route qui s'enfon\u00e7ait dans la nuit face \u00e0 moi.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3772.jpg?1763543124", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-desoeuvrement.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-desoeuvrement.html", "title": "Le d\u00e9s\u0153uvrement", "date_published": "2021-09-30T02:22:38Z", "date_modified": "2025-11-19T08:46:37Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Si l\u2019oisivet\u00e9<\/a> est la m\u00e8re de tous les vices, le d\u00e9s\u0153uvrement se retrouve en miroir p\u00e8re de toutes les vertus. De l\u00e0 \u00e0 en inventer un, magistral, situ\u00e9 dans les cieux, on peut comprendre le cheminement.
\n\u00c0 condition que vices et vertus aient encore un sens d\u00e9sormais. Si, comme dans ce dessin anim\u00e9 de Tex Avery, le grand m\u00e9chant loup ne continue pas \u00e0 courir apr\u00e8s un pivert au-dessus d\u2019un pr\u00e9cipice, tant il est tenu par l\u2019envie de d\u00e9voration.
\nEt quelle diff\u00e9rence inventer d\u00e9sormais entre l\u2019oisivet\u00e9 et le d\u00e9s\u0153uvrement, qui ne mettrait pas en sc\u00e8ne la morale \u00e0 l’aide de ce bin\u00f4me parental ?
\nL\u2019oisivet\u00e9 pointerait l\u2019ennui, tandis que le d\u00e9s\u0153uvrement mettrait en exergue une absence, un manque.
\nL\u2019ennui et le manque d\u00e9masqu\u00e9s.
\nL\u2019ennui et le manque r\u00e9v\u00e9l\u00e9s, si on les d\u00e9v\u00eat des panoplies tiss\u00e9es par la tradition, s’ils ne sont plus des personnages appartenant \u00e0 une tradition familiale, des marionnettes manipul\u00e9es par les arch\u00e9types du p\u00e8re ou de la m\u00e8re, si on cessait un instant de les rel\u00e9guer sur la touche afin qu\u2019un foyer, un monde puisse filer droit ou tourner rond.
\nUne sorte d\u2019apocalypse, si on veut.
\nCar selon ma propre exp\u00e9rience, l\u2019ennui m\u00e8ne \u00e0 la gr\u00e2ce et le d\u00e9s\u0153uvrement \u00e0 l\u2019\u0153uvre.
\nC\u2019est-\u00e0-dire tout l\u2019inverse de ce que j\u2019aurais appris enfant.
\nTout l\u2019inverse de ce que toute ma g\u00e9n\u00e9ration aura d\u00fb apprendre pour un jour s\u2019en d\u00e9faire avec plus ou moins de bonheur.
\nPas \u00e9tonnant que l\u2019id\u00e9e de la fin du monde soit si r\u00e9pandue aujourd\u2019hui.
\nEt que l\u2019attente d\u2019une apocalypse, d\u2019une r\u00e9v\u00e9lation qui va de pair, en fasse languir beaucoup.
\nC\u2019est de tout temps ce pourquoi les nonnes et les moines s\u2019enferment. C\u2019est de tout temps ce que pensent devoir traverser comme un d\u00e9sert les artistes dans l\u2019imagination populaire. Et, comme on le dit aussi : il n\u2019y a pas de fum\u00e9e sans feu !
\nEnnui et d\u00e9s\u0153uvrement, le vice et la vertu qu\u2019il faudra traverser pour accueillir dans la coupe vide ainsi fa\u00e7onn\u00e9e : la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration.
\n\u00c0 la fin on les voit se superposer, ce ne sont que des synonymes, la fameuse corne d\u2019abondance, l\u2019\u00e9lixir d\u2019immortalit\u00e9 ou de jouvence, toutes les m\u00e9taphores, les images s\u2019effondrant soudain l\u2019une sur l\u2019autre.
\nS\u2019effondrant comme une ville souffl\u00e9e par un deus ex machina, tremblement de terre, explosion nucl\u00e9aire, d\u00e9luge oc\u00e9anique balayant les immeubles comme des cartes \u00e0 jouer.
\nEt nous verrons \u00e0 notre guise l\u2019action de la fatalit\u00e9, du destin, d\u2019une col\u00e8re divine, ou de l\u2019absurdit\u00e9 du monde, de la vie.
\nCe qui, dans le fond, importe assez peu puisque le r\u00e9sultat sera le m\u00eame : se retrouver nez \u00e0 nez avec la ruine, avec la d\u00e9sesp\u00e9rance, avec la col\u00e8re qui souvent en r\u00e9sulte avant de laisser place au deuil puis \u00e0 la r\u00e9signation.
\nOn ne parle que rarement de ce qui se trouve au-del\u00e0 de la r\u00e9signation. On ne parle pas du vide bizarre que celle-ci laisse en l\u2019\u00eatre face \u00e0 ses fronti\u00e8res, \u00e0 la peur et au risque de les enjamber afin d\u2019explorer plus loin.
\nSans doute parce qu\u2019on se m\u00e9fie du vide, parce que cette part de nature qui r\u00e9side obstin\u00e9ment dans le tr\u00e9fonds de notre humanit\u00e9 refuse toujours ce vide.
\nLa nature a horreur du vide, a dit quelqu\u2019un en apercevant le d\u00e9sert qui s\u2019\u00e9tend au-del\u00e0 de la r\u00e9signation, puis il est revenu sur ses pas, a relev\u00e9 les manches et s\u2019est mis \u00e0 tout reconstruire \u00e0 peu pr\u00e8s comme avant.
\nCe que ne font pas les ermites, ni les artistes.
\nC\u2019est dans le d\u00e9sert qu\u2019Isis retrouve chaque morceau d\u2019Osiris d\u00e9membr\u00e9, pour qu\u2019il devienne autre chose de diff\u00e9rent qu\u2019avant. C\u2019est dans le d\u00e9sert que Mo\u00efse est interpell\u00e9 par un buisson ardent et qu\u2019il ne pourra du coup plus jamais mourir. Car peut-on mourir une fois que l\u2019on est mont\u00e9 au ciel comme Isa\u00efe ? C\u2019est dans le d\u00e9sert que la mort et l\u2019immortalit\u00e9 perdent aussi leur diff\u00e9rence, que la dualit\u00e9 tombe.
\nLe d\u00e9sert alchimique, lieu de la fusion et de toutes les m\u00e9tamorphoses. Pour indiquer qu\u2019on peut tirer partie du destin, de la fatalit\u00e9, et que tout antagoniste est n\u00e9cessaire dans la grande histoire du monde, de la vie, de nos vies individuelles qui paraissent si d\u00e9risoires.
\nMais rien n\u2019est d\u00e9risoire et rien n\u2019est important vraiment, et c\u2019est par cette travers\u00e9e double et trouble de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement que ces deux mots sont d\u00e9calamin\u00e9s de leur gangue de poncifs.
\nQu\u2019au final ce ne sont plus que des mots dans un livre que l\u2019on regarde presque avec nostalgie en feuilletant les pages.
\nOn pourrait en venir \u00e0 esp\u00e9rer l\u2019autodaf\u00e9 si cette nostalgie nous emportait. Si on n\u2019y mettait pas un oh l\u00e0 !
\nCet \u00e9lan en arri\u00e8re quand on touche sa propre \u00e2me \u00e0 pr\u00e9sent. Ce cadeau spontan\u00e9 ne serait-il pas grec ?
\nOn se m\u00e9fie encore par r\u00e9flexe alors qu\u2019il faut se jeter \u00e0 corps perdu dans la gr\u00e2ce, dans l\u2019inspiration, dans l\u2019\u0153uvre.
\nLe d\u00e9s\u0153uvrement, ce n\u2019est peut-\u00eatre que cela : de la m\u00e9fiance.
\nCette m\u00e9fiance qu\u2019une partie de nous utilise pour ne pas dispara\u00eetre totalement dans ce qu\u2019elle croit \u00eatre une fin d\u00e9finitive, irr\u00e9m\u00e9diable.
\nElle dirait alors : tant que je me m\u00e9fie, je suis en vie, alors que la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration proposent tout le contraire : la mort c\u2019est la vie.
\nMais quelqu\u2019un s\u2019obstine encore \u00e0 poser des si par-ci par-l\u00e0...
\nSi je meurs, je renais, comme on tente de contr\u00f4ler le hasard avec une martingale...
\nC\u2019est parce qu\u2019ils n\u2019ont pas encore os\u00e9 franchir la fronti\u00e8re de la r\u00e9signation, ils n\u00e9gocient avec le douanier, ils soup\u00e8sent et supputent encore.
\nLe douanier, quant \u00e0 lui, conna\u00eet bien toutes les ficelles.
\nIl les regarde et il se tait, ils peuvent bien gesticuler, murmurer, hurler, chanter m\u00eame s\u2019ils le veulent. Cela ne changera rien.
\nEt puis un jour, cela se termine, la douane s\u2019\u00e9vapore, le douanier aussi, la r\u00e9signation, le d\u00e9sert, bref tout ce sur quoi on s\u2019appuie sans rel\u00e2che pour ne rien changer compl\u00e8tement, pour ne pas s’\u00e9garer, se perdre, dispara\u00eetre, tout cela, on ne s\u2019en souvient m\u00eame plus.
\nIl n\u2019y a plus que le moment pr\u00e9sent qui se vit lui-m\u00eame en tant que gr\u00e2ce ou \u0153uvre.
\nMais ce ne sont encore que des mots.
\nEt ce ne sont pas les mots qui lib\u00e8rent, \"sauvent\" de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement.
\nD\u2019ailleurs, tant que l\u2019on pense \u00e0 se lib\u00e9rer, \u00e0 se sauver, c\u2019est qu\u2019on pense encore trop \u00eatre enferm\u00e9.
\nEt oui, on a besoin de penser enfermement pour parler de libert\u00e9.
\nComme on a besoin d\u2019\u00e9voquer le d\u00e9s\u0153uvrement comme pour se pr\u00e9parer \u00e0 l\u2019\u0153uvre \u00e0 venir.<\/p>", "content_text": "Si [l\u2019oisivet\u00e9->https:\/\/ledibbouk.net\/30-aout-2024.html] est la m\u00e8re de tous les vices, le d\u00e9s\u0153uvrement se retrouve en miroir p\u00e8re de toutes les vertus. De l\u00e0 \u00e0 en inventer un, magistral, situ\u00e9 dans les cieux, on peut comprendre le cheminement. \u00c0 condition que vices et vertus aient encore un sens d\u00e9sormais. Si, comme dans ce dessin anim\u00e9 de Tex Avery, le grand m\u00e9chant loup ne continue pas \u00e0 courir apr\u00e8s un pivert au-dessus d\u2019un pr\u00e9cipice, tant il est tenu par l\u2019envie de d\u00e9voration. Et quelle diff\u00e9rence inventer d\u00e9sormais entre l\u2019oisivet\u00e9 et le d\u00e9s\u0153uvrement, qui ne mettrait pas en sc\u00e8ne la morale \u00e0 l'aide de ce bin\u00f4me parental ? L\u2019oisivet\u00e9 pointerait l\u2019ennui, tandis que le d\u00e9s\u0153uvrement mettrait en exergue une absence, un manque. L\u2019ennui et le manque d\u00e9masqu\u00e9s. L\u2019ennui et le manque r\u00e9v\u00e9l\u00e9s, si on les d\u00e9v\u00eat des panoplies tiss\u00e9es par la tradition, s'ils ne sont plus des personnages appartenant \u00e0 une tradition familiale, des marionnettes manipul\u00e9es par les arch\u00e9types du p\u00e8re ou de la m\u00e8re, si on cessait un instant de les rel\u00e9guer sur la touche afin qu\u2019un foyer, un monde puisse filer droit ou tourner rond. Une sorte d\u2019apocalypse, si on veut. Car selon ma propre exp\u00e9rience, l\u2019ennui m\u00e8ne \u00e0 la gr\u00e2ce et le d\u00e9s\u0153uvrement \u00e0 l\u2019\u0153uvre. C\u2019est-\u00e0-dire tout l\u2019inverse de ce que j\u2019aurais appris enfant. Tout l\u2019inverse de ce que toute ma g\u00e9n\u00e9ration aura d\u00fb apprendre pour un jour s\u2019en d\u00e9faire avec plus ou moins de bonheur. Pas \u00e9tonnant que l\u2019id\u00e9e de la fin du monde soit si r\u00e9pandue aujourd\u2019hui. Et que l\u2019attente d\u2019une apocalypse, d\u2019une r\u00e9v\u00e9lation qui va de pair, en fasse languir beaucoup. C\u2019est de tout temps ce pourquoi les nonnes et les moines s\u2019enferment. C\u2019est de tout temps ce que pensent devoir traverser comme un d\u00e9sert les artistes dans l\u2019imagination populaire. Et, comme on le dit aussi : il n\u2019y a pas de fum\u00e9e sans feu ! Ennui et d\u00e9s\u0153uvrement, le vice et la vertu qu\u2019il faudra traverser pour accueillir dans la coupe vide ainsi fa\u00e7onn\u00e9e : la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration. \u00c0 la fin on les voit se superposer, ce ne sont que des synonymes, la fameuse corne d\u2019abondance, l\u2019\u00e9lixir d\u2019immortalit\u00e9 ou de jouvence, toutes les m\u00e9taphores, les images s\u2019effondrant soudain l\u2019une sur l\u2019autre. S\u2019effondrant comme une ville souffl\u00e9e par un deus ex machina, tremblement de terre, explosion nucl\u00e9aire, d\u00e9luge oc\u00e9anique balayant les immeubles comme des cartes \u00e0 jouer. Et nous verrons \u00e0 notre guise l\u2019action de la fatalit\u00e9, du destin, d\u2019une col\u00e8re divine, ou de l\u2019absurdit\u00e9 du monde, de la vie. Ce qui, dans le fond, importe assez peu puisque le r\u00e9sultat sera le m\u00eame : se retrouver nez \u00e0 nez avec la ruine, avec la d\u00e9sesp\u00e9rance, avec la col\u00e8re qui souvent en r\u00e9sulte avant de laisser place au deuil puis \u00e0 la r\u00e9signation. On ne parle que rarement de ce qui se trouve au-del\u00e0 de la r\u00e9signation. On ne parle pas du vide bizarre que celle-ci laisse en l\u2019\u00eatre face \u00e0 ses fronti\u00e8res, \u00e0 la peur et au risque de les enjamber afin d\u2019explorer plus loin. Sans doute parce qu\u2019on se m\u00e9fie du vide, parce que cette part de nature qui r\u00e9side obstin\u00e9ment dans le tr\u00e9fonds de notre humanit\u00e9 refuse toujours ce vide. La nature a horreur du vide, a dit quelqu\u2019un en apercevant le d\u00e9sert qui s\u2019\u00e9tend au-del\u00e0 de la r\u00e9signation, puis il est revenu sur ses pas, a relev\u00e9 les manches et s\u2019est mis \u00e0 tout reconstruire \u00e0 peu pr\u00e8s comme avant. Ce que ne font pas les ermites, ni les artistes. C\u2019est dans le d\u00e9sert qu\u2019Isis retrouve chaque morceau d\u2019Osiris d\u00e9membr\u00e9, pour qu\u2019il devienne autre chose de diff\u00e9rent qu\u2019avant. C\u2019est dans le d\u00e9sert que Mo\u00efse est interpell\u00e9 par un buisson ardent et qu\u2019il ne pourra du coup plus jamais mourir. Car peut-on mourir une fois que l\u2019on est mont\u00e9 au ciel comme Isa\u00efe ? C\u2019est dans le d\u00e9sert que la mort et l\u2019immortalit\u00e9 perdent aussi leur diff\u00e9rence, que la dualit\u00e9 tombe. Le d\u00e9sert alchimique, lieu de la fusion et de toutes les m\u00e9tamorphoses. Pour indiquer qu\u2019on peut tirer partie du destin, de la fatalit\u00e9, et que tout antagoniste est n\u00e9cessaire dans la grande histoire du monde, de la vie, de nos vies individuelles qui paraissent si d\u00e9risoires. Mais rien n\u2019est d\u00e9risoire et rien n\u2019est important vraiment, et c\u2019est par cette travers\u00e9e double et trouble de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement que ces deux mots sont d\u00e9calamin\u00e9s de leur gangue de poncifs. Qu\u2019au final ce ne sont plus que des mots dans un livre que l\u2019on regarde presque avec nostalgie en feuilletant les pages. On pourrait en venir \u00e0 esp\u00e9rer l\u2019autodaf\u00e9 si cette nostalgie nous emportait. Si on n\u2019y mettait pas un oh l\u00e0 ! Cet \u00e9lan en arri\u00e8re quand on touche sa propre \u00e2me \u00e0 pr\u00e9sent. Ce cadeau spontan\u00e9 ne serait-il pas grec ? On se m\u00e9fie encore par r\u00e9flexe alors qu\u2019il faut se jeter \u00e0 corps perdu dans la gr\u00e2ce, dans l\u2019inspiration, dans l\u2019\u0153uvre. Le d\u00e9s\u0153uvrement, ce n\u2019est peut-\u00eatre que cela : de la m\u00e9fiance. Cette m\u00e9fiance qu\u2019une partie de nous utilise pour ne pas dispara\u00eetre totalement dans ce qu\u2019elle croit \u00eatre une fin d\u00e9finitive, irr\u00e9m\u00e9diable. Elle dirait alors : tant que je me m\u00e9fie, je suis en vie, alors que la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration proposent tout le contraire : la mort c\u2019est la vie. Mais quelqu\u2019un s\u2019obstine encore \u00e0 poser des si par-ci par-l\u00e0... Si je meurs, je renais, comme on tente de contr\u00f4ler le hasard avec une martingale... C\u2019est parce qu\u2019ils n\u2019ont pas encore os\u00e9 franchir la fronti\u00e8re de la r\u00e9signation, ils n\u00e9gocient avec le douanier, ils soup\u00e8sent et supputent encore. Le douanier, quant \u00e0 lui, conna\u00eet bien toutes les ficelles. Il les regarde et il se tait, ils peuvent bien gesticuler, murmurer, hurler, chanter m\u00eame s\u2019ils le veulent. Cela ne changera rien. Et puis un jour, cela se termine, la douane s\u2019\u00e9vapore, le douanier aussi, la r\u00e9signation, le d\u00e9sert, bref tout ce sur quoi on s\u2019appuie sans rel\u00e2che pour ne rien changer compl\u00e8tement, pour ne pas s'\u00e9garer, se perdre, dispara\u00eetre, tout cela, on ne s\u2019en souvient m\u00eame plus. Il n\u2019y a plus que le moment pr\u00e9sent qui se vit lui-m\u00eame en tant que gr\u00e2ce ou \u0153uvre. Mais ce ne sont encore que des mots. Et ce ne sont pas les mots qui lib\u00e8rent, \"sauvent\" de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement. D\u2019ailleurs, tant que l\u2019on pense \u00e0 se lib\u00e9rer, \u00e0 se sauver, c\u2019est qu\u2019on pense encore trop \u00eatre enferm\u00e9. Et oui, on a besoin de penser enfermement pour parler de libert\u00e9. Comme on a besoin d\u2019\u00e9voquer le d\u00e9s\u0153uvrement comme pour se pr\u00e9parer \u00e0 l\u2019\u0153uvre \u00e0 venir. 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Nous l\u2019avions \u00e9voqu\u00e9 et je l\u2019avais mise de c\u00f4t\u00e9 soigneusement, cette id\u00e9e de texte de pr\u00e9sentation \u00e0 proposer au catalogue en m\u00eame temps que la liste des \u0153uvres avec leurs prix. Cette g\u00eane d\u2019expliquer la peinture \u00e0 l\u2019\u00e9crit comme \u00e0 l’oral, aussi \u00e9tonnante que soudaine, me cueille.
\nCet \u00e9cueil dans la navigation pas si tranquille vers l\u2019exposition, sans doute en suis-je l\u2019inventeur, pour ne pas dire le responsable.
\nIl me faut des \u00e9cueils r\u00e9guli\u00e8rement pour \u00e9chapper aux langueurs monotones de l\u2019automne. En \u00e9t\u00e9 aussi, en toute saison.
\nSans l\u2019\u00e9cueil, pas de sensation de danger ni de naufrage, autant dire pas d\u2019aventure.
\nSans \u00e9cueil, pas de cr\u00e9ativit\u00e9 non plus.
\nJe ne compte plus le nombre de fois o\u00f9 j’ai \u00e9crit ce texte.
\nJ’ai cru \u00e0 une tendance masochiste durant ma jeunesse. Mais je crois que c’est plus po\u00e9tique que \u00e7a, c’est dans un lieu situ\u00e9 avant toute psychologie.
\nEt je vois bien qu’un pr\u00e9ambule est n\u00e9cessaire au pr\u00e9ambule encore, pour retarder l’instant.
\nL’instant d’\u00e9voquer ce voyage int\u00e9rieur.
\nUne s\u00e9rie de leviers que je mets en place souvent inconsciemment pour finalement \u00eatre pr\u00eat dans l’instant \u00e0 soulever un monde qui ne serait qu’emp\u00eachement, ajournements, ennui, gravit\u00e9 ou pesanteur.
\nSans y penser \u00e0 cet instant, c’est-\u00e0-dire sans barri\u00e8re.
\nL’essence ne suffit pas, il faut atteindre sans y penser \u00e0 la quintessence. Celle qui n’appartient \u00e0 personne et que tout un chacun retrouve dans l’intime.
\nParfois, justement lorsque j’y pense, je me dis : quelle exigence ! et plus encore lorsque j’y pense : quelle pr\u00e9tention, quelle vanit\u00e9.
\nVoil\u00e0 la pens\u00e9e qui ne pense qu’au risque et au danger et surtout invente mille fa\u00e7ons toujours de s’en pr\u00e9munir.
\n\u00c7a ne sert \u00e0 rien d’aller contre non plus, de s’opposer. Il faut prendre cette pens\u00e9e comme elle vient.
\nLa sagesse de la peur vaut bien la sagesse du risque, de l’audace au bout du compte.
\nCe qui est important c’est de ne pas perdre de vue l’unit\u00e9.
\n\u00c0 quoi sert de voyager ? sans doute \u00e0 la m\u00eame chose que peindre, \u00e9crire, danser, r\u00eaver, et j’ai beau scruter l’horizon dans toutes les directions, je ne vois pas plus de raison que de destination pr\u00e9cise.
\nJ’irais plus loin encore,
\n\u00c0 quoi sert de voyager ?
\npuisqu’\u00e0 chaque fois que l’on pense atteindre quelque chose, un pays comme un tableau, on n’en finit pas avec l’envie d’aller plus loin.
\n\u00c0 quoi sert de voyager alors ? peut-\u00eatre \u00e0 observer le cheminement du d\u00e9sir, apprendre \u00e0 le conna\u00eetre, faire un avec lui comme avec soi-m\u00eame.
\nMon grand-p\u00e8re maternel \u00e9tait Estonien et il s’est rendu \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg pour apprendre la peinture, parce qu’\u00e0 l’\u00e9poque il n’y avait rien d’aussi prestigieux en Estonie pour \u00e9tudier l’art.
\nCe voyage int\u00e9rieur commence ainsi, avec le d\u00e9part d’un jeune homme que je n’ai jamais connu depuis son village vers une grande ville \u00e9trang\u00e8re dans laquelle il se sent \u00e9tranger.
\nCette sensation d’\u00eatre \u00e9tranger, je me suis toujours demand\u00e9 pourquoi je l’\u00e9prouvais autant, \u00e9tant n\u00e9 en France ?
\nJe n’avais aucune raison valable de l’\u00e9prouver de mani\u00e8re si aigu\u00eb.
\nAvant m\u00eame de toucher un pinceau, d’imaginer devenir peintre moi-m\u00eame, j’avais dans le sang ce legs de l’\u00e9tranget\u00e9 d’\u00eatre au monde comme un petit provincial d\u00e9couvre une capitale qui le subjugue.
\nCette \u00e9tranget\u00e9, ma m\u00e8re m’en parlait, elle \u00e9tait peintre aussi. Elle avait les yeux gris bleus comme mon grand-p\u00e8re, comme moi-m\u00eame, ce lien du regard en silence nous unit encore tous au-del\u00e0 des s\u00e9parations, des disparitions, un gris bleut\u00e9 comme un ciel que j’imagine tr\u00e8s bien au-dessus des villages d’Estonie. Un gris bleut\u00e9 de la Baltique avec \u00e7a et l\u00e0 quelques lueurs d’orangers issues des profondeurs \u00e9chapp\u00e9es de l’ambre.
\nL’orange et le bleu que j’utilise souvent dans mes tableaux.
\nL’h\u00e9ritage, c’est cette histoire constitu\u00e9e de bribes que l’on passe un temps infini \u00e0 mettre bout \u00e0 bout, des bribes souvent \u00e9parses, rien de vraiment ordonn\u00e9, c’est une navigation aussi pour s’orienter \u00e0 travers tout cela, pour s’orienter dans quelle direction ? Il y en a tant qu’on serait bien en peine d’en choisir une qui ne s’\u00e9vanouisse pas soudain, remplac\u00e9e par une autre tout \u00e0 coup.
\nIl y a autant de destinations possibles que l’imagination voudra bien en fournir.
\nPeut-on faire confiance \u00e0 l’imagination ? Parfois oui, parfois non. Parfois elle nous trahit aussi. Mais faut-il lui en vouloir pour autant ? Cette trahison elle-m\u00eame ne fait-elle pas partie int\u00e9grante de ce voyage, de cette navigation ?
\nLes plus c\u00e9l\u00e8bres navigateurs partaient autrefois en qu\u00eate de destinations comme l’Inde et tombaient sur les Am\u00e9riques. J’ai toujours conserv\u00e9 en m\u00e9moire ce genre d’anecdote.
\nQue le but \u00e9tait un moteur de l’action mais qu’il \u00e9tait rarement sa v\u00e9ritable finalit\u00e9, en tous cas pas de fa\u00e7on droite, directe, math\u00e9matique. Il fallait \u00e9tudier la courbe, l’enseignement inscrit dans son cheminement sinuso\u00efdal, ses m\u00e9andres, j’allais dire sa f\u00e9minit\u00e9.
\nIl fallait aussi \u00e9tudier l’art de traverser les labyrinthes en l\u00e2chant les trait\u00e9s, les conseils, et faire sa propre exp\u00e9rience de l’\u00e9garement.
\nIntuitivement je crois que j’ai toujours su qu’il se cachait un savoir perdu dans l’expression \"passer du coq \u00e0 l’\u00e2ne\" aussi bien que dans le jeu de l’oie.
\nDeux cases en avant, quatre en arri\u00e8re. Comme si cette expression comme ce jeu attiraient parfois l’attention sur la notion d’espace et de temps d’une fa\u00e7on bizarre. En tous cas bizarre pour moi. Lorsque j’\u00e9tais frapp\u00e9 par cette curiosit\u00e9, je m’en ouvrais \u00e0 mes parents, \u00e0 mes camarades et j’avais en retour des r\u00e9flexions qui portaient sur le temps que je perdais \u00e0 penser \u00e0 ce genre de choses plut\u00f4t que de faire mes devoirs ou participer \u00e0 des jeux collectifs.
\nPasser du coq \u00e0 l’\u00e2ne, je n’ai jamais cess\u00e9 de le faire toute ma vie par curiosit\u00e9, par obstination, par d\u00e9pit, et aussi pour voir, comme on dit au poker.
\nIl y a quelque chose de d\u00e9sagr\u00e9able pour un esprit fa\u00e7onn\u00e9 par la langue fran\u00e7aise, c’est ce que le Fran\u00e7ais nomme la sensiblerie. Et qui repr\u00e9sente une exag\u00e9ration du sentiment, souvent consid\u00e9r\u00e9e comme de la fausset\u00e9.
\nCette soi-disant sensiblerie, pour avoir voyag\u00e9 de par le monde aussi, je l’ai retrouv\u00e9e \u00e0 l’\u00e9tat brut, intacte, dans de nombreux pays, cette gentillesse, cette absence de crainte \u00e0 manifester l’\u00e9motion, le sentiment, et souvent dans des pays que nous consid\u00e9rons comme violents, dangereux, pour ne citer que l’Iran ou l’Afghanistan, le Pakistan, violents ou barbares... alors que si l’on conna\u00eet un tant soit peu l’histoire, ils furent \u00e0 la pointe durant longtemps de l’intelligence humaine, en mati\u00e8re de science, de technique, de litt\u00e9rature, d’art.
\nCe voyage int\u00e9rieur \u00e9voque donc toutes ces pens\u00e9es, tous ces r\u00eaves, toutes ces interrogations travers\u00e9es dans l’instant de la peinture, dans le mouvement de la peinture, dans le dialogue entre le tableau et le peintre, ce sont \u00e0 chaque fois des conversations silencieuses, c’est-\u00e0-dire qui ne s’appuient ni sur les mots ni sur les pens\u00e9es pour \u00e9changer.
\nNon pas que mes tableaux relatent quoi que ce soit, je crois que c’est l’ensemble de tous ces tableaux qui montrerait l’unit\u00e9 vraiment de mon propos quant \u00e0 ce voyage int\u00e9rieur. Ce travail continuera \u00e0 s’affiner dans sa proposition, certainement \u00e0 la fois quant \u00e0 la notion d’espace dans lequel le faire exister et aussi quant \u00e0 la s\u00e9lection des \u0153uvres. Le but \u00e9tant de m’approcher au plus pr\u00e8s de la clart\u00e9 que je per\u00e7ois \u00e0 travers lui.
\nJe suis aussi de mon \u00e9poque, celle o\u00f9 l’attention ne dure qu’un d\u00e9jeuner de soleil, o\u00f9 l’attention par un ph\u00e9nom\u00e8ne de zapping est attir\u00e9e de tous c\u00f4t\u00e9s. Mon travail \u00e9voque ceci \u00e9galement, non pas en pointant du doigt ce ph\u00e9nom\u00e8ne comme n\u00e9faste, mais en essayant d’en tirer des le\u00e7ons, des enseignements.
\nSi l’attention devient vuln\u00e9rable \u00e0 ce point, c’est peut-\u00eatre qu’elle n’est plus si utile qu’on l’avait imagin\u00e9e utile jusque-l\u00e0. C’est qu’il faut faire appel \u00e0 autre chose pour s’orienter dans le monde. Le danger est toujours pr\u00e9sent et le sera sans doute toujours en ce qui concerne le d\u00e9tournement d’attention vers un profit. Sans doute parce que la notion de profit et d’attention sont directement reli\u00e9es.
\nEn tant que peintre, mon but ne peut \u00eatre que le partage de mon travail de peintre, et si je dois parler de profit et d’attention, c’est pour vous attirer vers quelque chose d’intime que nous partageons tous, quelque chose de simple qui serait le plaisir de voyager, de d\u00e9couvrir, le plaisir de vivre, sans trop de tapage, disons-le, une c\u00e9l\u00e9bration.
\nLa peinture, c’est mon pays, pour reprendre la phrase de Gilles Vigneault, ce voyage c’est aussi un voyage dans la peinture par elle-m\u00eame, si je peux dire, \u00e9tant donn\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 d’absence et d’oubli que j’ai peu \u00e0 peu d\u00e9couverte afin de dispara\u00eetre pour la laisser s’exprimer.<\/p>", "content_text": "Nous l\u2019avions \u00e9voqu\u00e9 et je l\u2019avais mise de c\u00f4t\u00e9 soigneusement, cette id\u00e9e de texte de pr\u00e9sentation \u00e0 proposer au catalogue en m\u00eame temps que la liste des \u0153uvres avec leurs prix. Cette g\u00eane d\u2019expliquer la peinture \u00e0 l\u2019\u00e9crit comme \u00e0 l'oral, aussi \u00e9tonnante que soudaine, me cueille. Cet \u00e9cueil dans la navigation pas si tranquille vers l\u2019exposition, sans doute en suis-je l\u2019inventeur, pour ne pas dire le responsable. Il me faut des \u00e9cueils r\u00e9guli\u00e8rement pour \u00e9chapper aux langueurs monotones de l\u2019automne. En \u00e9t\u00e9 aussi, en toute saison. Sans l\u2019\u00e9cueil, pas de sensation de danger ni de naufrage, autant dire pas d\u2019aventure. Sans \u00e9cueil, pas de cr\u00e9ativit\u00e9 non plus. Je ne compte plus le nombre de fois o\u00f9 j'ai \u00e9crit ce texte. J'ai cru \u00e0 une tendance masochiste durant ma jeunesse. Mais je crois que c'est plus po\u00e9tique que \u00e7a, c'est dans un lieu situ\u00e9 avant toute psychologie. Et je vois bien qu'un pr\u00e9ambule est n\u00e9cessaire au pr\u00e9ambule encore, pour retarder l'instant. L'instant d'\u00e9voquer ce voyage int\u00e9rieur. Une s\u00e9rie de leviers que je mets en place souvent inconsciemment pour finalement \u00eatre pr\u00eat dans l'instant \u00e0 soulever un monde qui ne serait qu'emp\u00eachement, ajournements, ennui, gravit\u00e9 ou pesanteur. Sans y penser \u00e0 cet instant, c'est-\u00e0-dire sans barri\u00e8re. L'essence ne suffit pas, il faut atteindre sans y penser \u00e0 la quintessence. Celle qui n'appartient \u00e0 personne et que tout un chacun retrouve dans l'intime. Parfois, justement lorsque j'y pense, je me dis : quelle exigence ! et plus encore lorsque j'y pense : quelle pr\u00e9tention, quelle vanit\u00e9. Voil\u00e0 la pens\u00e9e qui ne pense qu'au risque et au danger et surtout invente mille fa\u00e7ons toujours de s'en pr\u00e9munir. \u00c7a ne sert \u00e0 rien d'aller contre non plus, de s'opposer. Il faut prendre cette pens\u00e9e comme elle vient. La sagesse de la peur vaut bien la sagesse du risque, de l'audace au bout du compte. Ce qui est important c'est de ne pas perdre de vue l'unit\u00e9. \u00c0 quoi sert de voyager ? sans doute \u00e0 la m\u00eame chose que peindre, \u00e9crire, danser, r\u00eaver, et j'ai beau scruter l'horizon dans toutes les directions, je ne vois pas plus de raison que de destination pr\u00e9cise. J'irais plus loin encore, \u00c0 quoi sert de voyager ? puisqu'\u00e0 chaque fois que l'on pense atteindre quelque chose, un pays comme un tableau, on n'en finit pas avec l'envie d'aller plus loin. \u00c0 quoi sert de voyager alors ? peut-\u00eatre \u00e0 observer le cheminement du d\u00e9sir, apprendre \u00e0 le conna\u00eetre, faire un avec lui comme avec soi-m\u00eame. Mon grand-p\u00e8re maternel \u00e9tait Estonien et il s'est rendu \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg pour apprendre la peinture, parce qu'\u00e0 l'\u00e9poque il n'y avait rien d'aussi prestigieux en Estonie pour \u00e9tudier l'art. Ce voyage int\u00e9rieur commence ainsi, avec le d\u00e9part d'un jeune homme que je n'ai jamais connu depuis son village vers une grande ville \u00e9trang\u00e8re dans laquelle il se sent \u00e9tranger. Cette sensation d'\u00eatre \u00e9tranger, je me suis toujours demand\u00e9 pourquoi je l'\u00e9prouvais autant, \u00e9tant n\u00e9 en France ? Je n'avais aucune raison valable de l'\u00e9prouver de mani\u00e8re si aigu\u00eb. Avant m\u00eame de toucher un pinceau, d'imaginer devenir peintre moi-m\u00eame, j'avais dans le sang ce legs de l'\u00e9tranget\u00e9 d'\u00eatre au monde comme un petit provincial d\u00e9couvre une capitale qui le subjugue. Cette \u00e9tranget\u00e9, ma m\u00e8re m'en parlait, elle \u00e9tait peintre aussi. Elle avait les yeux gris bleus comme mon grand-p\u00e8re, comme moi-m\u00eame, ce lien du regard en silence nous unit encore tous au-del\u00e0 des s\u00e9parations, des disparitions, un gris bleut\u00e9 comme un ciel que j'imagine tr\u00e8s bien au-dessus des villages d'Estonie. Un gris bleut\u00e9 de la Baltique avec \u00e7a et l\u00e0 quelques lueurs d'orangers issues des profondeurs \u00e9chapp\u00e9es de l'ambre. L'orange et le bleu que j'utilise souvent dans mes tableaux. L'h\u00e9ritage, c'est cette histoire constitu\u00e9e de bribes que l'on passe un temps infini \u00e0 mettre bout \u00e0 bout, des bribes souvent \u00e9parses, rien de vraiment ordonn\u00e9, c'est une navigation aussi pour s'orienter \u00e0 travers tout cela, pour s'orienter dans quelle direction ? Il y en a tant qu'on serait bien en peine d'en choisir une qui ne s'\u00e9vanouisse pas soudain, remplac\u00e9e par une autre tout \u00e0 coup. Il y a autant de destinations possibles que l'imagination voudra bien en fournir. Peut-on faire confiance \u00e0 l'imagination ? Parfois oui, parfois non. Parfois elle nous trahit aussi. Mais faut-il lui en vouloir pour autant ? Cette trahison elle-m\u00eame ne fait-elle pas partie int\u00e9grante de ce voyage, de cette navigation ? Les plus c\u00e9l\u00e8bres navigateurs partaient autrefois en qu\u00eate de destinations comme l'Inde et tombaient sur les Am\u00e9riques. J'ai toujours conserv\u00e9 en m\u00e9moire ce genre d'anecdote. Que le but \u00e9tait un moteur de l'action mais qu'il \u00e9tait rarement sa v\u00e9ritable finalit\u00e9, en tous cas pas de fa\u00e7on droite, directe, math\u00e9matique. Il fallait \u00e9tudier la courbe, l'enseignement inscrit dans son cheminement sinuso\u00efdal, ses m\u00e9andres, j'allais dire sa f\u00e9minit\u00e9. Il fallait aussi \u00e9tudier l'art de traverser les labyrinthes en l\u00e2chant les trait\u00e9s, les conseils, et faire sa propre exp\u00e9rience de l'\u00e9garement. Intuitivement je crois que j'ai toujours su qu'il se cachait un savoir perdu dans l'expression \"passer du coq \u00e0 l'\u00e2ne\" aussi bien que dans le jeu de l'oie. Deux cases en avant, quatre en arri\u00e8re. Comme si cette expression comme ce jeu attiraient parfois l'attention sur la notion d'espace et de temps d'une fa\u00e7on bizarre. En tous cas bizarre pour moi. Lorsque j'\u00e9tais frapp\u00e9 par cette curiosit\u00e9, je m'en ouvrais \u00e0 mes parents, \u00e0 mes camarades et j'avais en retour des r\u00e9flexions qui portaient sur le temps que je perdais \u00e0 penser \u00e0 ce genre de choses plut\u00f4t que de faire mes devoirs ou participer \u00e0 des jeux collectifs. Passer du coq \u00e0 l'\u00e2ne, je n'ai jamais cess\u00e9 de le faire toute ma vie par curiosit\u00e9, par obstination, par d\u00e9pit, et aussi pour voir, comme on dit au poker. Il y a quelque chose de d\u00e9sagr\u00e9able pour un esprit fa\u00e7onn\u00e9 par la langue fran\u00e7aise, c'est ce que le Fran\u00e7ais nomme la sensiblerie. Et qui repr\u00e9sente une exag\u00e9ration du sentiment, souvent consid\u00e9r\u00e9e comme de la fausset\u00e9. Cette soi-disant sensiblerie, pour avoir voyag\u00e9 de par le monde aussi, je l'ai retrouv\u00e9e \u00e0 l'\u00e9tat brut, intacte, dans de nombreux pays, cette gentillesse, cette absence de crainte \u00e0 manifester l'\u00e9motion, le sentiment, et souvent dans des pays que nous consid\u00e9rons comme violents, dangereux, pour ne citer que l'Iran ou l'Afghanistan, le Pakistan, violents ou barbares... alors que si l'on conna\u00eet un tant soit peu l'histoire, ils furent \u00e0 la pointe durant longtemps de l'intelligence humaine, en mati\u00e8re de science, de technique, de litt\u00e9rature, d'art. Ce voyage int\u00e9rieur \u00e9voque donc toutes ces pens\u00e9es, tous ces r\u00eaves, toutes ces interrogations travers\u00e9es dans l'instant de la peinture, dans le mouvement de la peinture, dans le dialogue entre le tableau et le peintre, ce sont \u00e0 chaque fois des conversations silencieuses, c'est-\u00e0-dire qui ne s'appuient ni sur les mots ni sur les pens\u00e9es pour \u00e9changer. Non pas que mes tableaux relatent quoi que ce soit, je crois que c'est l'ensemble de tous ces tableaux qui montrerait l'unit\u00e9 vraiment de mon propos quant \u00e0 ce voyage int\u00e9rieur. Ce travail continuera \u00e0 s'affiner dans sa proposition, certainement \u00e0 la fois quant \u00e0 la notion d'espace dans lequel le faire exister et aussi quant \u00e0 la s\u00e9lection des \u0153uvres. Le but \u00e9tant de m'approcher au plus pr\u00e8s de la clart\u00e9 que je per\u00e7ois \u00e0 travers lui. Je suis aussi de mon \u00e9poque, celle o\u00f9 l'attention ne dure qu'un d\u00e9jeuner de soleil, o\u00f9 l'attention par un ph\u00e9nom\u00e8ne de zapping est attir\u00e9e de tous c\u00f4t\u00e9s. Mon travail \u00e9voque ceci \u00e9galement, non pas en pointant du doigt ce ph\u00e9nom\u00e8ne comme n\u00e9faste, mais en essayant d'en tirer des le\u00e7ons, des enseignements. Si l'attention devient vuln\u00e9rable \u00e0 ce point, c'est peut-\u00eatre qu'elle n'est plus si utile qu'on l'avait imagin\u00e9e utile jusque-l\u00e0. C'est qu'il faut faire appel \u00e0 autre chose pour s'orienter dans le monde. Le danger est toujours pr\u00e9sent et le sera sans doute toujours en ce qui concerne le d\u00e9tournement d'attention vers un profit. Sans doute parce que la notion de profit et d'attention sont directement reli\u00e9es. En tant que peintre, mon but ne peut \u00eatre que le partage de mon travail de peintre, et si je dois parler de profit et d'attention, c'est pour vous attirer vers quelque chose d'intime que nous partageons tous, quelque chose de simple qui serait le plaisir de voyager, de d\u00e9couvrir, le plaisir de vivre, sans trop de tapage, disons-le, une c\u00e9l\u00e9bration. La peinture, c'est mon pays, pour reprendre la phrase de Gilles Vigneault, ce voyage c'est aussi un voyage dans la peinture par elle-m\u00eame, si je peux dire, \u00e9tant donn\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 d'absence et d'oubli que j'ai peu \u00e0 peu d\u00e9couverte afin de dispara\u00eetre pour la laisser s'exprimer. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3779.jpg?1763541442", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-exageration.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-exageration.html", "title": "L'exag\u00e9ration", "date_published": "2021-09-28T23:38:19Z", "date_modified": "2025-07-16T06:57:36Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l’exag\u00e9ration m’entraine parfois \u00e0 utiliser certains mots \u00e0 tort et \u00e0 travers m’a t’on d\u00e9clar\u00e9 solennellement il y a peu.<\/p>\n

Je me sens donc oblig\u00e9 de revenir sur celui de catastrophe<\/em> dont j’aurais abus\u00e9 parait ’il.<\/p>\n

C’est \u00e9videmment exag\u00e9r\u00e9 pour une exposition de peinture. C’est placer l’importance n’importe comment.<\/p>\n

Est-ce dont une trag\u00e9die qui se joue ici et dont le cinqui\u00e8me acte apporterait la sanction finale , le fameux d\u00e9nouement ?<\/p>\n

Tout d\u00e9pend encore une fois de l’id\u00e9e que l’on s’en fait par rapport au point de vue que l’on veut adopter.<\/p>\n

Gilles Deleuze y est pour beaucoup quant \u00e0 l’abus.<\/p>\n

Plus finement encore, mon interpr\u00e9tation personnelle sur ce que d\u00e9clare Gilles Deleuze sur la peinture et notamment sur les peintres de la catastrophe.<\/em><\/p>\n

Lorsque Paul C\u00e9zanne d\u00e9truit 3 fois minimum sa toile avant de commencer \u00e0 songer \u00e0 peindre vraiment, on ne peut plus vraiment parler de catastrophe.<\/p>\n

On parle de d\u00e9viance, d’acharnement, de t\u00e9nacit\u00e9. Et si on ne parlait pas de C\u00e9zanne le mot b\u00eatise nous viendrait plus facilement en t\u00eate.<\/p>\n

Ou le mot po\u00e9sie <\/em>en pensant \u00e0 Tarkovski et \u00e0 ce type qui d\u00e9vaste une foret pour se frayer un chemin vers une inaccessible \u00e9toile.<\/p>\n

Ou \u00e0 Cervantes et son Don Quichotte.<\/p>\n

La trag\u00e9die n’est plus \u00e0 la mode.<\/p>\n

La grecque.<\/p>\n

On ne comptait d\u00e9j\u00e0 plus le nombre de spectateurs endormis durant la repr\u00e9sentation de Britannicus en Avignon avant Covid, \u00e7a ne s’est surement pas am\u00e9lior\u00e9 depuis.<\/p>\n

D’ailleurs qui lit encore Jean Racine lorsqu’il n’y est pas oblig\u00e9 pour \u00e9chapper \u00e0 un z\u00e9ro point\u00e9 ?<\/p>\n

J’ai \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 d’utiliser le mot d\u00e9sastre, mais on ne le rencontre plus gu\u00e8re dans la langue vernaculaire d’aujourd’hui. Presque personne ne se soucie des astres, sauf entre deux pubs, lorsqu’il s’agit d’atteindre la plan\u00e8te mars ou d’exp\u00e9dier en orbite une brochette de milliardaires attard\u00e9s. Et encore...<\/p>\n

J’aurais du dire accident<\/em> j’aurais tout de suite \u00e9t\u00e9 contemporain pour de vrai.<\/p>\n

D’ailleurs c’est ce mot l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment que j’utilise en cours. Soyez attentifs aux accidents<\/em> je dis.<\/p>\n

Soyez attentifs aux catastrophes, j’aurais l’air de quoi ?<\/p>\n

Bref revenons au titre : cette exag\u00e9ration<\/strong> maladive, ce r\u00e9flexe prioritaire, ce pr\u00e9ambule \u00e0 toute pens\u00e9e raisonnable.<\/p>\n

On n’exag\u00e8re plus autant qu’avant. Et c’est bien dommage.<\/p>\n

Reste encore quelques traces dans les p\u00e9ninsules, Italienne, ou ib\u00e9rique, peut-\u00eatre en Russie, mais discr\u00e8tement.<\/p>\n

Et me voil\u00e0 presque aussit\u00f4t atteint de nostalgie \u00e0 force d’exag\u00e9rer sur l’exag\u00e9ration.<\/p>\n

Je peux renifler les odeurs de linge frais qui montent depuis les rues accompagn\u00e9es de celles de pates \u00e0 pizza croustillantes tirant la bourre au pepp\u00e9roni, puis se m\u00e9langeant encore \u00e0 des effluves de pa\u00eblla et de pirojkis.<\/p>\n

Ainsi l’exag\u00e9ration est t’elle une sorte de crois\u00e9e des chemins , un carrefour olfactif en tout premier lieu et contre toute attente.<\/p>\n

Je ne sais pas si l’expression \"avoir du flair\" ou \"avoir du nez\" ne vient pas de l’exag\u00e9ration finalement.<\/p>\n

Peut-\u00eatre qu’autrefois certains individus ayant \u00e0 la fois la casquette de timbr\u00e9 local et de devin levaient t’il le nez au vent et se mettaient \u00e0 exag\u00e9rer abondamment peut-\u00eatre m\u00eame en bavant l\u00e9g\u00e8rement, pour pr\u00e9venir leurs cong\u00e9n\u00e8res affair\u00e9s \u00e0 leurs affaires des catastrophes \u00e0 venir.<\/p>\n

Avoir l’exag\u00e9ration dans le sang ce n’est pas rien. C’est renouer intimement avec la trag\u00e9die du monde et son cort\u00e8ge de catastrophes en tous genres qui, si discr\u00e8te se ferait t’elle d\u00e9sormais n’en est pas moins r\u00e9elle. D’ailleurs quand je pense \u00e0 l’exag\u00e9ration je pense facilement aux volcans, \u00e0 des \u00e9coulements de lave, \u00e0 la fois bouillants, lents, tranquilles, inexorables, une impatience mont\u00e9e par un cadre de Saumur qui ne perd jamais de vue son axe.<\/p>\n

On parle plus volontiers donc de scandale ou d’accidents, voire de drame.<\/p>\n

Exit la trag\u00e9die et son exag\u00e9ration, exit la magie.<\/p>\n

Et je ne suis pas bien loin de croire dur comme fer qu’au point de vue olfactif nous sommes parvenus au z\u00e9ro absolu.<\/p>\n

Peut-\u00eatre en va t’il aussi du gout et de bien d’autres choses encore.<\/p>\n

C’est la monnaie rendue scrupuleusement par l’absence d’exag\u00e9ration comme transe, comme outil pour rejoindre le sacr\u00e9.<\/p>\n

Ce que l’on connait de l’exag\u00e9ration aujourd’hui ne se situe gu\u00e8re qu’en politique, c’est dire \u00e0 quel point le terme s’est d\u00e9voy\u00e9.<\/p>\n

Encore que... \u00e9coutez bien les discours des politiques, cette insistance sur la prononciation, ce silence entre les mots, ces intonations parfois bizarres, ce \" JEEAAAAN MOUUUULIN\" de Malraux, hein ....<\/p>\n

bah ce sont les reliefs d’un banquet extraordinaire qu’on n’imagine pas.<\/p>\n

La d\u00e9clamation est une branche de l’exag\u00e9ration, que l’on retrouve encore parfois en po\u00e9sie, encore que la mode du minimalisme oblige \u00e0 ne plus en faire des tartines de ce cot\u00e9 l\u00e0. Sans oublier les nouvelles th\u00e9ories sur le jeu de l’acteur.<\/p>\n

On nous emp\u00eache d’exag\u00e9rer voil\u00e0 ! C’est une censure qui s’est mise en place progressivement sans loi ni d\u00e9cret.<\/p>\n

Rien dans le journal officiel.<\/p>\n

Et \u00e0 mon avis tout \u00e0 du commencer en m\u00eame temps que les cong\u00e9s pay\u00e9s, les fameuses vacances. C’est toujours \u00e0 ce moment l\u00e0 qu’on passe les r\u00e9formes les plus importantes si vous avez remarqu\u00e9.<\/p>\n

Il auront pris le temps, de d\u00e9cennie en d\u00e9cennie. Qui donc ? Mais les avides de pouvoir, les affam\u00e9s de l’ordre, les obs\u00e9d\u00e9s de la gestion tout azimuts.<\/p>\n

Et comme ils sont malins, ils ont cantonn\u00e9 l’exag\u00e9ration dans un p\u00e9rim\u00e8tre facilement contr\u00f4lable.<\/p>\n

Les actualit\u00e9s t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es, les \"talk Show\" le jeu des milles francs de feu Lucien Jeunesse, le feu d’artifice du 14 juillet et le Tour de France, sans oublier les grands messes du football.<\/p>\n

Autant de petits camps retranch\u00e9s mais totalement administrables.<\/p>\n

Donc oui c’est vrai j’ai une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l’exag\u00e9ration mais comprenez bien que cela fait partie d’un processus global de r\u00e9sistance au m\u00eame titre que de s’emparer du pinceau et de barbouiller du papier ou de la toile.<\/p>\n

Certains disent encore je pense donc je suis<\/em>, je les plains.<\/p>\n

Ils devraient essayer j’exag\u00e8re donc je vibre j’\u00e9l\u00e8ve ma fr\u00e9quence<\/em> !<\/p>\n

\u00e7a ne rapporte pas plus, soyons clairs ! mais c’est plus fun<\/em> comme on disait encore y a pas si longtemps.<\/p>", "content_text": "Une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l'exag\u00e9ration m'entraine parfois \u00e0 utiliser certains mots \u00e0 tort et \u00e0 travers m'a t'on d\u00e9clar\u00e9 solennellement il y a peu.\n\nJe me sens donc oblig\u00e9 de revenir sur celui de catastrophe dont j'aurais abus\u00e9 parait 'il.\n\nC'est \u00e9videmment exag\u00e9r\u00e9 pour une exposition de peinture. C'est placer l'importance n'importe comment. \n\nEst-ce dont une trag\u00e9die qui se joue ici et dont le cinqui\u00e8me acte apporterait la sanction finale , le fameux d\u00e9nouement ?\n\nTout d\u00e9pend encore une fois de l'id\u00e9e que l'on s'en fait par rapport au point de vue que l'on veut adopter.\n\nGilles Deleuze y est pour beaucoup quant \u00e0 l'abus. \n\nPlus finement encore, mon interpr\u00e9tation personnelle sur ce que d\u00e9clare Gilles Deleuze sur la peinture et notamment sur les peintres de la catastrophe.\n\nLorsque Paul C\u00e9zanne d\u00e9truit 3 fois minimum sa toile avant de commencer \u00e0 songer \u00e0 peindre vraiment, on ne peut plus vraiment parler de catastrophe.\n\nOn parle de d\u00e9viance, d'acharnement, de t\u00e9nacit\u00e9. Et si on ne parlait pas de C\u00e9zanne le mot b\u00eatise nous viendrait plus facilement en t\u00eate.\n\nOu le mot po\u00e9sie en pensant \u00e0 Tarkovski et \u00e0 ce type qui d\u00e9vaste une foret pour se frayer un chemin vers une inaccessible \u00e9toile.\n\nOu \u00e0 Cervantes et son Don Quichotte.\n\nLa trag\u00e9die n'est plus \u00e0 la mode. \n\nLa grecque. \n\nOn ne comptait d\u00e9j\u00e0 plus le nombre de spectateurs endormis durant la repr\u00e9sentation de Britannicus en Avignon avant Covid, \u00e7a ne s'est surement pas am\u00e9lior\u00e9 depuis.\n\nD'ailleurs qui lit encore Jean Racine lorsqu'il n'y est pas oblig\u00e9 pour \u00e9chapper \u00e0 un z\u00e9ro point\u00e9 ?\n\nJ'ai \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 d'utiliser le mot d\u00e9sastre, mais on ne le rencontre plus gu\u00e8re dans la langue vernaculaire d'aujourd'hui. Presque personne ne se soucie des astres, sauf entre deux pubs, lorsqu'il s'agit d'atteindre la plan\u00e8te mars ou d'exp\u00e9dier en orbite une brochette de milliardaires attard\u00e9s. Et encore... \n\nJ'aurais du dire accident j'aurais tout de suite \u00e9t\u00e9 contemporain pour de vrai.\n\nD'ailleurs c'est ce mot l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment que j'utilise en cours. Soyez attentifs aux accidents je dis.\n\nSoyez attentifs aux catastrophes, j'aurais l'air de quoi ?\n\nBref revenons au titre: cette exag\u00e9ration maladive, ce r\u00e9flexe prioritaire, ce pr\u00e9ambule \u00e0 toute pens\u00e9e raisonnable. \n\nOn n'exag\u00e8re plus autant qu'avant. Et c'est bien dommage.\n\nReste encore quelques traces dans les p\u00e9ninsules, Italienne, ou ib\u00e9rique, peut-\u00eatre en Russie, mais discr\u00e8tement.\n\nEt me voil\u00e0 presque aussit\u00f4t atteint de nostalgie \u00e0 force d'exag\u00e9rer sur l'exag\u00e9ration. \n\nJe peux renifler les odeurs de linge frais qui montent depuis les rues accompagn\u00e9es de celles de pates \u00e0 pizza croustillantes tirant la bourre au pepp\u00e9roni, puis se m\u00e9langeant encore \u00e0 des effluves de pa\u00eblla et de pirojkis. \n\nAinsi l'exag\u00e9ration est t'elle une sorte de crois\u00e9e des chemins , un carrefour olfactif en tout premier lieu et contre toute attente.\n\nJe ne sais pas si l'expression \"avoir du flair\" ou \"avoir du nez\" ne vient pas de l'exag\u00e9ration finalement.\n\nPeut-\u00eatre qu'autrefois certains individus ayant \u00e0 la fois la casquette de timbr\u00e9 local et de devin levaient t'il le nez au vent et se mettaient \u00e0 exag\u00e9rer abondamment peut-\u00eatre m\u00eame en bavant l\u00e9g\u00e8rement, pour pr\u00e9venir leurs cong\u00e9n\u00e8res affair\u00e9s \u00e0 leurs affaires des catastrophes \u00e0 venir. \n\nAvoir l'exag\u00e9ration dans le sang ce n'est pas rien. C'est renouer intimement avec la trag\u00e9die du monde et son cort\u00e8ge de catastrophes en tous genres qui, si discr\u00e8te se ferait t'elle d\u00e9sormais n'en est pas moins r\u00e9elle. D'ailleurs quand je pense \u00e0 l'exag\u00e9ration je pense facilement aux volcans, \u00e0 des \u00e9coulements de lave, \u00e0 la fois bouillants, lents, tranquilles, inexorables, une impatience mont\u00e9e par un cadre de Saumur qui ne perd jamais de vue son axe. \n\nOn parle plus volontiers donc de scandale ou d'accidents, voire de drame.\n\nExit la trag\u00e9die et son exag\u00e9ration, exit la magie.\n\nEt je ne suis pas bien loin de croire dur comme fer qu'au point de vue olfactif nous sommes parvenus au z\u00e9ro absolu.\n\nPeut-\u00eatre en va t'il aussi du gout et de bien d'autres choses encore. \n\nC'est la monnaie rendue scrupuleusement par l'absence d'exag\u00e9ration comme transe, comme outil pour rejoindre le sacr\u00e9.\n\nCe que l'on connait de l'exag\u00e9ration aujourd'hui ne se situe gu\u00e8re qu'en politique, c'est dire \u00e0 quel point le terme s'est d\u00e9voy\u00e9.\n\nEncore que... \u00e9coutez bien les discours des politiques, cette insistance sur la prononciation, ce silence entre les mots, ces intonations parfois bizarres, ce \" JEEAAAAN MOUUUULIN\" de Malraux, hein ....\n\nbah ce sont les reliefs d'un banquet extraordinaire qu'on n'imagine pas. \n\nLa d\u00e9clamation est une branche de l'exag\u00e9ration, que l'on retrouve encore parfois en po\u00e9sie, encore que la mode du minimalisme oblige \u00e0 ne plus en faire des tartines de ce cot\u00e9 l\u00e0. Sans oublier les nouvelles th\u00e9ories sur le jeu de l'acteur.\n\nOn nous emp\u00eache d'exag\u00e9rer voil\u00e0 ! C'est une censure qui s'est mise en place progressivement sans loi ni d\u00e9cret.\n\nRien dans le journal officiel. \n\nEt \u00e0 mon avis tout \u00e0 du commencer en m\u00eame temps que les cong\u00e9s pay\u00e9s, les fameuses vacances. C'est toujours \u00e0 ce moment l\u00e0 qu'on passe les r\u00e9formes les plus importantes si vous avez remarqu\u00e9.\n\nIl auront pris le temps, de d\u00e9cennie en d\u00e9cennie. Qui donc ? Mais les avides de pouvoir, les affam\u00e9s de l'ordre, les obs\u00e9d\u00e9s de la gestion tout azimuts.\n\nEt comme ils sont malins, ils ont cantonn\u00e9 l'exag\u00e9ration dans un p\u00e9rim\u00e8tre facilement contr\u00f4lable.\n\nLes actualit\u00e9s t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es, les \"talk Show\" le jeu des milles francs de feu Lucien Jeunesse, le feu d'artifice du 14 juillet et le Tour de France, sans oublier les grands messes du football. \n\nAutant de petits camps retranch\u00e9s mais totalement administrables.\n\nDonc oui c'est vrai j'ai une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l'exag\u00e9ration mais comprenez bien que cela fait partie d'un processus global de r\u00e9sistance au m\u00eame titre que de s'emparer du pinceau et de barbouiller du papier ou de la toile.\n\nCertains disent encore je pense donc je suis, je les plains.\n\nIls devraient essayer j'exag\u00e8re donc je vibre j'\u00e9l\u00e8ve ma fr\u00e9quence !\n\n\u00e7a ne rapporte pas plus, soyons clairs ! mais c'est plus fun comme on disait encore y a pas si longtemps.", "image": "", "tags": ["prof\u00e9ration"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/tirer-parti-des-catastrophes.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/tirer-parti-des-catastrophes.html", "title": "Tirer parti des catastrophes.", "date_published": "2021-09-28T05:59:42Z", "date_modified": "2025-11-19T08:33:24Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Je crois que le travail de r\u00e9flexion a commenc\u00e9 \u00e0 partir du mois de juin 2020, la r\u00e9flexion sur cette exposition, « Voyage int\u00e9rieur ».
\nC’est-\u00e0-dire le m\u00fbrissement de cette id\u00e9e, l’accumulation de donn\u00e9es, le tri, les s\u00e9lections, bref tout ce qui est n\u00e9cessaire pour mener \u00e0 bien une exposition qui, dans mon esprit, devait ressembler un peu \u00e0 une r\u00e9trospective de mon travail sur 3 ou 4 ann\u00e9es autour de ce th\u00e8me.
\nDans mon esprit j’avais la surface, l’espace pour d\u00e9ployer ce travail puisque le Centre Culturel poss\u00e8de un vaste hall et plusieurs salles de r\u00e9unions utilis\u00e9es pour l’exposition annuelle « Vues d’artistes » que j’ai eu l’honneur de conduire \u00e0 la fin du mois d’ao\u00fbt de cette m\u00eame ann\u00e9e.
\nDans mon esprit et tacitement je pensais pouvoir b\u00e9n\u00e9ficier de tout cet espace.
\nMais voil\u00e0, finalement ce n’est pas du tout le cas.
\nEn arrivant hier matin avec ma voiture pleine, quelle d\u00e9ception d’apprendre que je ne pourrais pas utiliser les salles de r\u00e9union, celles-ci \u00e9tant ferm\u00e9es au public en dehors de l’\u00e9v\u00e9nement « Vues d’artistes ».
\nCatastrophe ! Tout mon plan d’exposition tombe \u00e0 l’eau.
\nLa premi\u00e8re r\u00e9action bien s\u00fbr est la panique, puis la col\u00e8re, la d\u00e9ception. Comment refaire tout le plan de l’exposition en supprimant tellement de toiles en quelques heures \u00e0 peine ?
\nPour les grands formats c’est assez simple, mais pour les formats moyens, les plus petits n\u00e9cessaires \u00e0 la compr\u00e9hension de ce Voyage, il faudra les laisser emball\u00e9s dans les sacs.
\nDe plus, difficult\u00e9 suppl\u00e9mentaire, les cimaises que l’on me pr\u00eate sont en nombre r\u00e9duit et ne poss\u00e8dent qu’un seul crochet, il n’y a pas de rabe.
\nJe r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 toute vitesse mais j’avoue que j’ai plut\u00f4t l’impression de mouliner \u00e0 vide. C’est l’impasse.
\nHeureusement \u00c9ric, membre de l’\u00e9quipe du Centre Culturel, m’accompagne pour accrocher les grands formats, il est le seul habilit\u00e9 \u00e0 pouvoir man\u0153uvrer la tr\u00e8s grande \u00e9chelle pour atteindre les hauteurs et r\u00e9gler les \u00e9clairages. Une histoire d’assurance.
\nNous commen\u00e7ons donc tout de suite car il ne peut m’allouer que quelques heures, d\u00e9bord\u00e9 par d’autres t\u00e2ches \u00e0 mener \u00e0 bien parall\u00e8lement. En cette rentr\u00e9e si particuli\u00e8re, le centre est en effervescence.
\nMon id\u00e9e est d’a\u00e9rer, de laisser de l’espace entre les tableaux pour qu’ils ne s’\u00e9crasent pas les uns les autres. Les grands formats sont accroch\u00e9s \u00e0 midi et le r\u00e9sultat est satisfaisant. M\u00eame si je ne peux pas respecter mon plan, \u00e7a fonctionne tout de m\u00eame.
\nIl ne me reste qu’un couloir pour accrocher le reste de ma s\u00e9lection. Pas de spots, juste un plafonnier. Pas beaucoup de recul donc pour regarder les tableaux. Ce seront donc des moyens et petits formats.
\nSoumis \u00e0 la contrainte de ne pouvoir installer qu’une seule \u0153uvre par cimaise, je renonce aux 20x20 dont j’avais pr\u00e9par\u00e9 tout un sac et qui correspondait \u00e0 une partie importante expliquant mon cheminement dans les gammes de couleurs.
\nLe format le plus petit possible sera donc du 40x40 et le plus grand du 60x80.
\nJe me mets au travail un peu comme un somnambule tant mon esprit est encore attach\u00e9 \u00e0 l’id\u00e9e que je suis en train de vivre une catastrophe.
\nJ’en fais part aux diff\u00e9rents interlocuteurs que je croise dans le vaste hall en allant fumer de temps \u00e0 autre pour me calmer\u2026 Notamment V\u00e9ronique la directrice adjointe puis No\u00ebl, le directeur \u00e0 qui j’expose mes dol\u00e9ances. Puis je m’aper\u00e7ois que c’est ridicule finalement, les choses \u00e9tant ainsi et ne pouvant \u00eatre chang\u00e9es, je ne peux donc m’en prendre qu’\u00e0 moi-m\u00eame.
\nPourquoi ai-je consid\u00e9r\u00e9 comme acquis que j’avais tout cet espace imagin\u00e9, pourquoi est-ce que je n’ai pas pris le soin de demander plus de pr\u00e9cisions lorsqu’on m’a propos\u00e9 cette exposition personnelle\u2026 Je passe encore ainsi une dizaine de minutes \u00e0 bien m’auto-flageller.
\nMais \u00e9videmment \u00e7a ne sert \u00e0 rien et l’heure tourne, il faut livrer cette exposition aujourd’hui.
\nIl faut que je me calme !
\nFinalement c’est une s\u00e9lection plus resserr\u00e9e \u00e0 op\u00e9rer dans l’imm\u00e9diat.
\nQuels tableaux sont les plus importants pour moi, non par la taille, par leur esth\u00e9tique, par leur sujet, mais par rapport \u00e0 ce parcours.
\nEnfin j’ai trouv\u00e9 un fil sur lequel tirer.
\nDu coup il suffit de choisir ce tableau particulier qui est souvent log\u00e9 en t\u00eate ou en fin dans une s\u00e9rie.
\nJe d\u00e9balle mes sacs et s\u00e9lectionne ainsi un seul tableau par s\u00e9rie puis remballe le reste encore avec un peu de tristesse et d’amertume.
\nJe devrais plut\u00f4t \u00eatre content car cette exp\u00e9rience, je le sais d\u00e9j\u00e0, est enrichissante.
\nAvec l’exp\u00e9rience on finit par sortir plus vite de l’imaginaire morbide que distille la catastrophe de prime abord.
\nN’est-ce pas encore une occasion de valider ce que je dis \u00e0 mes \u00e9l\u00e8ves, ce que je me dis depuis toujours en peinture : tirer parti des accidents, des maladresses, des catastrophes.
\nAlors quoi ?
\nEt bien je ne l’ai pas vol\u00e9, on me propose l\u00e0 tout de suite d’appliquer.
\nEt voyez-vous, c’est l\u00e0, exactement, que la paix se trouve et que la bonne humeur revient.
\nPeu importe que cette exposition soit r\u00e9ussie ou pas, dans le fond, ce que je viens de v\u00e9rifier sur la vie et moi-m\u00eame a d\u00e9j\u00e0 en quelque sorte toutes les apparences d’un bon point, d’une r\u00e9compense.
\nEt puis \u00e0 bien y r\u00e9fl\u00e9chir, n’avais-je pas encore beaucoup trop de tableaux dans le coffre de mon v\u00e9hicule ? Et cette profusion ne noyait-elle pas quelque chose ? Le voyage int\u00e9rieur continue donc jusque l\u00e0, et c’est tout en m\u00eame temps une le\u00e7on de peinture qu’une le\u00e7on de vie.<\/p>", "content_text": "Je crois que le travail de r\u00e9flexion a commenc\u00e9 \u00e0 partir du mois de juin 2020, la r\u00e9flexion sur cette exposition, \u00ab Voyage int\u00e9rieur \u00bb. C'est-\u00e0-dire le m\u00fbrissement de cette id\u00e9e, l'accumulation de donn\u00e9es, le tri, les s\u00e9lections, bref tout ce qui est n\u00e9cessaire pour mener \u00e0 bien une exposition qui, dans mon esprit, devait ressembler un peu \u00e0 une r\u00e9trospective de mon travail sur 3 ou 4 ann\u00e9es autour de ce th\u00e8me. Dans mon esprit j'avais la surface, l'espace pour d\u00e9ployer ce travail puisque le Centre Culturel poss\u00e8de un vaste hall et plusieurs salles de r\u00e9unions utilis\u00e9es pour l'exposition annuelle \u00ab Vues d'artistes \u00bb que j'ai eu l'honneur de conduire \u00e0 la fin du mois d'ao\u00fbt de cette m\u00eame ann\u00e9e. Dans mon esprit et tacitement je pensais pouvoir b\u00e9n\u00e9ficier de tout cet espace. Mais voil\u00e0, finalement ce n'est pas du tout le cas. En arrivant hier matin avec ma voiture pleine, quelle d\u00e9ception d'apprendre que je ne pourrais pas utiliser les salles de r\u00e9union, celles-ci \u00e9tant ferm\u00e9es au public en dehors de l'\u00e9v\u00e9nement \u00ab Vues d'artistes \u00bb. Catastrophe ! Tout mon plan d'exposition tombe \u00e0 l'eau. La premi\u00e8re r\u00e9action bien s\u00fbr est la panique, puis la col\u00e8re, la d\u00e9ception. Comment refaire tout le plan de l'exposition en supprimant tellement de toiles en quelques heures \u00e0 peine ? Pour les grands formats c'est assez simple, mais pour les formats moyens, les plus petits n\u00e9cessaires \u00e0 la compr\u00e9hension de ce Voyage, il faudra les laisser emball\u00e9s dans les sacs. De plus, difficult\u00e9 suppl\u00e9mentaire, les cimaises que l'on me pr\u00eate sont en nombre r\u00e9duit et ne poss\u00e8dent qu'un seul crochet, il n'y a pas de rabe. Je r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 toute vitesse mais j'avoue que j'ai plut\u00f4t l'impression de mouliner \u00e0 vide. C'est l'impasse. Heureusement \u00c9ric, membre de l'\u00e9quipe du Centre Culturel, m'accompagne pour accrocher les grands formats, il est le seul habilit\u00e9 \u00e0 pouvoir man\u0153uvrer la tr\u00e8s grande \u00e9chelle pour atteindre les hauteurs et r\u00e9gler les \u00e9clairages. Une histoire d'assurance. Nous commen\u00e7ons donc tout de suite car il ne peut m'allouer que quelques heures, d\u00e9bord\u00e9 par d'autres t\u00e2ches \u00e0 mener \u00e0 bien parall\u00e8lement. En cette rentr\u00e9e si particuli\u00e8re, le centre est en effervescence. Mon id\u00e9e est d'a\u00e9rer, de laisser de l'espace entre les tableaux pour qu'ils ne s'\u00e9crasent pas les uns les autres. Les grands formats sont accroch\u00e9s \u00e0 midi et le r\u00e9sultat est satisfaisant. M\u00eame si je ne peux pas respecter mon plan, \u00e7a fonctionne tout de m\u00eame. Il ne me reste qu'un couloir pour accrocher le reste de ma s\u00e9lection. Pas de spots, juste un plafonnier. Pas beaucoup de recul donc pour regarder les tableaux. Ce seront donc des moyens et petits formats. Soumis \u00e0 la contrainte de ne pouvoir installer qu'une seule \u0153uvre par cimaise, je renonce aux 20x20 dont j'avais pr\u00e9par\u00e9 tout un sac et qui correspondait \u00e0 une partie importante expliquant mon cheminement dans les gammes de couleurs. Le format le plus petit possible sera donc du 40x40 et le plus grand du 60x80. Je me mets au travail un peu comme un somnambule tant mon esprit est encore attach\u00e9 \u00e0 l'id\u00e9e que je suis en train de vivre une catastrophe. J'en fais part aux diff\u00e9rents interlocuteurs que je croise dans le vaste hall en allant fumer de temps \u00e0 autre pour me calmer\u2026 Notamment V\u00e9ronique la directrice adjointe puis No\u00ebl, le directeur \u00e0 qui j'expose mes dol\u00e9ances. Puis je m'aper\u00e7ois que c'est ridicule finalement, les choses \u00e9tant ainsi et ne pouvant \u00eatre chang\u00e9es, je ne peux donc m'en prendre qu'\u00e0 moi-m\u00eame. Pourquoi ai-je consid\u00e9r\u00e9 comme acquis que j'avais tout cet espace imagin\u00e9, pourquoi est-ce que je n'ai pas pris le soin de demander plus de pr\u00e9cisions lorsqu'on m'a propos\u00e9 cette exposition personnelle\u2026 Je passe encore ainsi une dizaine de minutes \u00e0 bien m'auto-flageller. Mais \u00e9videmment \u00e7a ne sert \u00e0 rien et l'heure tourne, il faut livrer cette exposition aujourd'hui. Il faut que je me calme ! Finalement c'est une s\u00e9lection plus resserr\u00e9e \u00e0 op\u00e9rer dans l'imm\u00e9diat. Quels tableaux sont les plus importants pour moi, non par la taille, par leur esth\u00e9tique, par leur sujet, mais par rapport \u00e0 ce parcours. Enfin j'ai trouv\u00e9 un fil sur lequel tirer. Du coup il suffit de choisir ce tableau particulier qui est souvent log\u00e9 en t\u00eate ou en fin dans une s\u00e9rie. Je d\u00e9balle mes sacs et s\u00e9lectionne ainsi un seul tableau par s\u00e9rie puis remballe le reste encore avec un peu de tristesse et d'amertume. Je devrais plut\u00f4t \u00eatre content car cette exp\u00e9rience, je le sais d\u00e9j\u00e0, est enrichissante. Avec l'exp\u00e9rience on finit par sortir plus vite de l'imaginaire morbide que distille la catastrophe de prime abord. N'est-ce pas encore une occasion de valider ce que je dis \u00e0 mes \u00e9l\u00e8ves, ce que je me dis depuis toujours en peinture : tirer parti des accidents, des maladresses, des catastrophes. Alors quoi ? Et bien je ne l'ai pas vol\u00e9, on me propose l\u00e0 tout de suite d'appliquer. Et voyez-vous, c'est l\u00e0, exactement, que la paix se trouve et que la bonne humeur revient. Peu importe que cette exposition soit r\u00e9ussie ou pas, dans le fond, ce que je viens de v\u00e9rifier sur la vie et moi-m\u00eame a d\u00e9j\u00e0 en quelque sorte toutes les apparences d'un bon point, d'une r\u00e9compense. Et puis \u00e0 bien y r\u00e9fl\u00e9chir, n'avais-je pas encore beaucoup trop de tableaux dans le coffre de mon v\u00e9hicule ? Et cette profusion ne noyait-elle pas quelque chose ? Le voyage int\u00e9rieur continue donc jusque l\u00e0, et c'est tout en m\u00eame temps une le\u00e7on de peinture qu'une le\u00e7on de vie. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3801.jpg?1763541151", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/sisemine-teekond.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/sisemine-teekond.html", "title": "Sisemine teekond", "date_published": "2021-09-26T07:38:33Z", "date_modified": "2025-11-03T14:40:52Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Et maintenant l’id\u00e9e surgit, tout d’abord ridicule \u00e9videmment comme souvent. J’ai fait une liste de titres pour mes tableaux, mais le fran\u00e7ais ne rend pas compte de l’\u00e9tranget\u00e9 de ce voyage. Le fran\u00e7ais tellement \u00e9pris de pr\u00e9cision et de nuance, le fran\u00e7ais qui veut tout penser tout savoir...<\/p>\n

J’ai donc pens\u00e9 \u00e0 l’estonien.<\/p>\n

D\u00e9j\u00e0 parce que je ne parle pas l’estonien. Et que j’imagine ne pas \u00eatre le seul lorsqu’inscrits sur des cartels les titres apparaitront ainsi dans une phon\u00e9tique singuli\u00e8re aux visiteurs.<\/p>\n

Ce voyage int\u00e9rieur se transforme en Sisemine Teekond<\/strong><\/em> d’apr\u00e8s le traducteur de Google.<\/p>\n

Et puis ce n’est pas si ridicule que \u00e7a dans le fond , je dois bien cela \u00e0 mon grand-p\u00e8re parti de l\u00e0-bas, \u00e0 ma grand-m\u00e8re et \u00e0 ma m\u00e8re. A toutes ces ombres vacillantes dans les longs jours d’\u00e9t\u00e9 proches de Thul\u00e9 o\u00f9 parait-t ’il on r\u00e9coltait deux fois.<\/p>\n

Une fa\u00e7on saugrenue de r\u00e9gler des dettes en monnaie de singe j’ai d’abord pens\u00e9 comme pour me d\u00e9douaner en me disant : \"tu veux encore une fois de plus faire ton int\u00e9ressant ?\"<\/p>\n

Une part de moi est estonienne bien que je sois fran\u00e7ais. C’est ainsi.<\/p>\n

Maintenant la question se pose... dois je laisser le mot fran\u00e7ais pr\u00e8s du mot estonien sur les cartels ?<\/p>\n

A mon avis oui ne serait-ce que pour me souvenir de la traduction si par hasard un visiteur me demande ce que \u00e7a veut dire.<\/p>\n

Ou bien justement \u00e7a ne veut rien dire du tout c’est simplement dans un but administratif, pour les assurances que l’on doit donner des titres, des dimensions, une technique...<\/p>\n

J’imagine d\u00e9j\u00e0 la t\u00eate de la secr\u00e9taire de la compagnie d’assurance qui va \u00e9crire Sisemond teekond <\/em>et tous les autres titres en se relisant plusieurs fois pour \u00eatre sure de ne pas faire d’erreur...<\/p>\n

Blague \u00e0 part, en d\u00e9couvrant ces mots je les prononce \u00e0 haute voix et l’\u00e9cho que me renvoient les murs de l’atelier me sont familiers sans que je ne comprenne ni pourquoi ni comment. Cela ressemble \u00e0 de l’italien parfois.<\/p>\n

Je ne parle pas plus l’italien pourtant. Mais mes premi\u00e8res amours provenaient de Sicile, de Naples, comme si d\u00e9j\u00e0 les sonorit\u00e9s avaient touch\u00e9 ce c\u0153ur si difficile \u00e0 \u00e9couter sans distraction. Peut-\u00eatre que si j’avais mieux \u00e9cout\u00e9 j’aurais pouss\u00e9 la barque jusqu’\u00e0 Tallin et au del\u00e0, je n’en sais rien...<\/p>", "content_text": "Et maintenant l'id\u00e9e surgit, tout d'abord ridicule \u00e9videmment comme souvent. J'ai fait une liste de titres pour mes tableaux, mais le fran\u00e7ais ne rend pas compte de l'\u00e9tranget\u00e9 de ce voyage. Le fran\u00e7ais tellement \u00e9pris de pr\u00e9cision et de nuance, le fran\u00e7ais qui veut tout penser tout savoir...\n\nJ'ai donc pens\u00e9 \u00e0 l'estonien. \n\nD\u00e9j\u00e0 parce que je ne parle pas l'estonien. Et que j'imagine ne pas \u00eatre le seul lorsqu'inscrits sur des cartels les titres apparaitront ainsi dans une phon\u00e9tique singuli\u00e8re aux visiteurs.\n\nCe voyage int\u00e9rieur se transforme en Sisemine Teekond d'apr\u00e8s le traducteur de Google.\n\nEt puis ce n'est pas si ridicule que \u00e7a dans le fond , je dois bien cela \u00e0 mon grand-p\u00e8re parti de l\u00e0-bas, \u00e0 ma grand-m\u00e8re et \u00e0 ma m\u00e8re. A toutes ces ombres vacillantes dans les longs jours d'\u00e9t\u00e9 proches de Thul\u00e9 o\u00f9 parait-t 'il on r\u00e9coltait deux fois.\n\nUne fa\u00e7on saugrenue de r\u00e9gler des dettes en monnaie de singe j'ai d'abord pens\u00e9 comme pour me d\u00e9douaner en me disant : \"tu veux encore une fois de plus faire ton int\u00e9ressant ?\"\n\nUne part de moi est estonienne bien que je sois fran\u00e7ais. C'est ainsi.\n\nMaintenant la question se pose... dois je laisser le mot fran\u00e7ais pr\u00e8s du mot estonien sur les cartels ?\n\nA mon avis oui ne serait-ce que pour me souvenir de la traduction si par hasard un visiteur me demande ce que \u00e7a veut dire.\n\nOu bien justement \u00e7a ne veut rien dire du tout c'est simplement dans un but administratif, pour les assurances que l'on doit donner des titres, des dimensions, une technique... \n\nJ'imagine d\u00e9j\u00e0 la t\u00eate de la secr\u00e9taire de la compagnie d'assurance qui va \u00e9crire Sisemond teekond et tous les autres titres en se relisant plusieurs fois pour \u00eatre sure de ne pas faire d'erreur...\n\nBlague \u00e0 part, en d\u00e9couvrant ces mots je les prononce \u00e0 haute voix et l'\u00e9cho que me renvoient les murs de l'atelier me sont familiers sans que je ne comprenne ni pourquoi ni comment. Cela ressemble \u00e0 de l'italien parfois.\n\nJe ne parle pas plus l'italien pourtant. Mais mes premi\u00e8res amours provenaient de Sicile, de Naples, comme si d\u00e9j\u00e0 les sonorit\u00e9s avaient touch\u00e9 ce c\u0153ur si difficile \u00e0 \u00e9couter sans distraction. Peut-\u00eatre que si j'avais mieux \u00e9cout\u00e9 j'aurais pouss\u00e9 la barque jusqu'\u00e0 Tallin et au del\u00e0, je n'en sais rien... ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/p1040618-copie.webp?1762180796", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-admiration-perdue.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-admiration-perdue.html", "title": "L'admiration perdue", "date_published": "2021-09-26T03:02:27Z", "date_modified": "2025-11-19T08:55:26Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Arrive un moment o\u00f9 je surprends mon reflet dans la glace et ne me reconnais pas. Cette inadvertance effrayante puis salutaire.
\nUn soulagement comme lorsqu’on se r\u00e9veille d’un r\u00eave absurde, un soulagement qui dure quelques secondes avant de replonger dans un autre r\u00eave tout aussi absurde.
\nMais ce court laps de temps est amplement suffisant, une fois son \u00e9tranget\u00e9 dissip\u00e9e, pour laisser place \u00e0 une paix incongrue. Une paix qui, elle aussi, surgit par inadvertance.
\nC’est dans cet entre-deux que je me suis souvenu du Livre du rire et de l’oubli de Kundera.
\nC’est dr\u00f4le parce que \u00e7a a l’air de tomber comme un cheveu sur la soupe.
\nMais je ne suis plus \u00e0 une incongruit\u00e9 pr\u00e8s.
\nEt tout de suite apr\u00e8s, j’ai repens\u00e9 \u00e0 toutes mes admirations anciennes et je me suis demand\u00e9 ce que j’avais bien pu en faire, o\u00f9 donc elles \u00e9taient pass\u00e9es.
\nC’est comme ces histoires d’amour achev\u00e9es.
\nLorsqu’on les vit, on n’imagine pas qu’elles s’ach\u00e8vent, qu’on puisse les oublier, que l’on puisse oublier jusqu’au pr\u00e9nom de l’\u00eatre aim\u00e9. N’est-ce pas effrayant cela aussi ? Et apaisant tout en m\u00eame temps.
\nAdmirer et oublier, ainsi vont les choses tranquillement.
\nEt je ne vois aucune raison d\u00e9sormais pour s’en plaindre vraiment, aucune r\u00e9crimination particuli\u00e8re, il ne reste au bout du compte que la solitude et cette \u00e9trange paix une fois le sas de la peur travers\u00e9.
\nC’est que finalement cette peur est la derni\u00e8re cartouche que l’on tente d’amorcer pour se rassembler dans une solidit\u00e9, dans une volont\u00e9 qui, soudain d\u00e9masqu\u00e9es, ne rec\u00e8lent ni plus ni moins de myst\u00e8re, de signification qu’un r\u00e9flexe animal.
\nSans doute est-ce pour cette raison que je n’arrive pas \u00e0 me rendormir. Il faut absolument que je me l\u00e8ve, que j’aille \u00e0 la cuisine pour lancer un caf\u00e9, tout en tournant en rond comme une toupie en attendant l’\u00e9coulement complet.
\nUne transe pour sortir du sommeil, pour prolonger la sensation d’\u00e9tranget\u00e9, pour observer aussi cette peur et cette paix entrem\u00eal\u00e9es.
\nC’est comme un fil sur lequel je tire ainsi et qui me d\u00e9voile des pans entiers d’une r\u00e9alit\u00e9 que je ne vois pas durant la veille ordinaire.
\n\u00c0 cet instant, et \u00e0 condition que je n’\u00e9prouve aucune douleur articulaire, je ne suis rien d’autre qu’une conscience se rendant compte de son r\u00f4le d’estafette.
\nLe gros de la troupe est dans les limbes, dans une inconscience magistrale dont la suite infinie des op\u00e9rations trait\u00e9es est proprement pharamineuse. Je n’ai qu’\u00e0 coller mon oreille contre les murs pour entendre tout le cliquetis, une usine qui jamais ne dort.
\nCe qui \u00e0 mon sens n\u00e9cessite ce morceau de sucre dont je ne peux me passer, ce demi-sucre n\u00e9cessaire pour att\u00e9nuer toutes les amertumes et donner un l\u00e9ger coup de fouet chimique aux synapses comme aux neurones.
\nEnfin, la premi\u00e8re gorg\u00e9e aval\u00e9e, la question revient comme un refrain : qu’est-ce que j’ai fichu de toutes ces admirations d’autrefois ? O\u00f9 sont-elles pass\u00e9es ? Et avec cela cette tristesse soudaine qui ressurgit comme un caniche qui saute m\u00e9caniquement pour saluer son ma\u00eetre.
\nLa tristesse et la peur voil\u00e0 ce qui enferme dans une identit\u00e9, voil\u00e0 \u00e0 quoi on ne cesse jamais de faire appel comme pour accumuler des preuves \u00e0 charge dans un proc\u00e8s qui ne s’ach\u00e8ve pas vraiment non plus.
\nMais je suis moi, j’ai peur, je suis triste donc je suis !
\nJ’adorais lire aussi Pana\u00eft Istrati. Sans plus savoir dans mon souvenir dans quel lieu s’effectuait la lecture. Je ne me souviens que de l’horizontalit\u00e9 du corps, je devais donc \u00eatre dans un lit, \u00e9tendu dans une chambre ou bien sur l’herbe d’une pelouse quelque part, mais je ne me souviens plus non plus o\u00f9 et quand.
\nJe ne me souviens presque plus d\u00e9j\u00e0 des titres, des rebondissements de l’histoire, de la trame toute enti\u00e8re... Il n’y a plus que ces deux mots Kyra Kyralina et puis quelque chose de diffus tout autour, une atmosph\u00e8re, une ambiance. L’odeur de tabac froid et du caf\u00e9 qui coule encore quelque part. Et encore de la peur et encore de la tristesse qui r\u00e9unit toutes ces bribes dans une familiarit\u00e9 devenue suspecte.
\nJe peux citer pourtant tous ces \u00e9crivains, sans r\u00e9fl\u00e9chir beaucoup. Comme si tout ce que j’ai lu d’eux \u00e9tait depuis lors comme engramm\u00e9 dans leur nom seulement. Toutes ces atmosph\u00e8res, toutes ces ambiances de lecture et les synesth\u00e9sies s’y associant myst\u00e9rieusement mais de fa\u00e7on anarchique, sans logique v\u00e9ritable.
\nBorges et son Aleph, ce voyageur en qu\u00eate du pays des immortels, et sa d\u00e9ception surtout en l’atteignant. En d\u00e9couvrant l’ineptie apparente dans laquelle un ennui formidable plonge ses habitants.
\nIl est l\u00e0 aussi question d’un renoncement \u00e0 toute forme d’admiration entra\u00eenant une chute interminable dans cet ennui. Mais ce n’est encore que moi qui ai compris cela, qui l’ai interpr\u00e9t\u00e9. Peut-\u00eatre n’est-ce m\u00eame pas de l’ennui. C’est un oubli permanent et une absence totale de question.
\nCeci expliquant cela.
\nJeune, je ne pouvais me passer un seul instant d’admirer quelque chose. Admirer me rassemblait durant un temps avant qu’irr\u00e9m\u00e9diablement je ne me dissolve.
\nCe n’\u00e9tait pas le sujet
d’admiration<\/a>le plus important, comprenez-vous ? C’\u00e9tait l’admiration en tant que rem\u00e8de \u00e0 une sorte d’oubli quasi cong\u00e9nital.
\nJe n’arrive plus \u00e0 me rendormir, je crois que j’y ai renonc\u00e9 progressivement en soupesant le pour et le contre. Gr\u00e2ce \u00e0 l’insomnie, comprenez-vous, j’ai l’impression de r\u00e9sister \u00e0 l’\u00e9rosion tout en sachant que c’est peine perdue d’avance.
\nJ’\u00e9cris en ne cessant de me souvenir que dans 1000 ans tout le monde aura oubli\u00e9 Cervantes, Hom\u00e8re, Dante et moi-m\u00eame.
\nCe qui, une fois l’appr\u00e9hension toute enti\u00e8re travers\u00e9e comme une nuit, apporte aussi un sacr\u00e9, un myst\u00e9rieux soulagement.<\/p>", "content_text": "Arrive un moment o\u00f9 je surprends mon reflet dans la glace et ne me reconnais pas. Cette inadvertance effrayante puis salutaire. Un soulagement comme lorsqu'on se r\u00e9veille d'un r\u00eave absurde, un soulagement qui dure quelques secondes avant de replonger dans un autre r\u00eave tout aussi absurde. Mais ce court laps de temps est amplement suffisant, une fois son \u00e9tranget\u00e9 dissip\u00e9e, pour laisser place \u00e0 une paix incongrue. Une paix qui, elle aussi, surgit par inadvertance. C'est dans cet entre-deux que je me suis souvenu du Livre du rire et de l'oubli de Kundera. C'est dr\u00f4le parce que \u00e7a a l'air de tomber comme un cheveu sur la soupe. Mais je ne suis plus \u00e0 une incongruit\u00e9 pr\u00e8s. Et tout de suite apr\u00e8s, j'ai repens\u00e9 \u00e0 toutes mes admirations anciennes et je me suis demand\u00e9 ce que j'avais bien pu en faire, o\u00f9 donc elles \u00e9taient pass\u00e9es. C'est comme ces histoires d'amour achev\u00e9es. Lorsqu'on les vit, on n'imagine pas qu'elles s'ach\u00e8vent, qu'on puisse les oublier, que l'on puisse oublier jusqu'au pr\u00e9nom de l'\u00eatre aim\u00e9. N'est-ce pas effrayant cela aussi ? Et apaisant tout en m\u00eame temps. Admirer et oublier, ainsi vont les choses tranquillement. Et je ne vois aucune raison d\u00e9sormais pour s'en plaindre vraiment, aucune r\u00e9crimination particuli\u00e8re, il ne reste au bout du compte que la solitude et cette \u00e9trange paix une fois le sas de la peur travers\u00e9. C'est que finalement cette peur est la derni\u00e8re cartouche que l'on tente d'amorcer pour se rassembler dans une solidit\u00e9, dans une volont\u00e9 qui, soudain d\u00e9masqu\u00e9es, ne rec\u00e8lent ni plus ni moins de myst\u00e8re, de signification qu'un r\u00e9flexe animal. Sans doute est-ce pour cette raison que je n'arrive pas \u00e0 me rendormir. Il faut absolument que je me l\u00e8ve, que j'aille \u00e0 la cuisine pour lancer un caf\u00e9, tout en tournant en rond comme une toupie en attendant l'\u00e9coulement complet. Une transe pour sortir du sommeil, pour prolonger la sensation d'\u00e9tranget\u00e9, pour observer aussi cette peur et cette paix entrem\u00eal\u00e9es. C'est comme un fil sur lequel je tire ainsi et qui me d\u00e9voile des pans entiers d'une r\u00e9alit\u00e9 que je ne vois pas durant la veille ordinaire. \u00c0 cet instant, et \u00e0 condition que je n'\u00e9prouve aucune douleur articulaire, je ne suis rien d'autre qu'une conscience se rendant compte de son r\u00f4le d'estafette. Le gros de la troupe est dans les limbes, dans une inconscience magistrale dont la suite infinie des op\u00e9rations trait\u00e9es est proprement pharamineuse. Je n'ai qu'\u00e0 coller mon oreille contre les murs pour entendre tout le cliquetis, une usine qui jamais ne dort. Ce qui \u00e0 mon sens n\u00e9cessite ce morceau de sucre dont je ne peux me passer, ce demi-sucre n\u00e9cessaire pour att\u00e9nuer toutes les amertumes et donner un l\u00e9ger coup de fouet chimique aux synapses comme aux neurones. Enfin, la premi\u00e8re gorg\u00e9e aval\u00e9e, la question revient comme un refrain : qu'est-ce que j'ai fichu de toutes ces admirations d'autrefois ? O\u00f9 sont-elles pass\u00e9es ? Et avec cela cette tristesse soudaine qui ressurgit comme un caniche qui saute m\u00e9caniquement pour saluer son ma\u00eetre. La tristesse et la peur voil\u00e0 ce qui enferme dans une identit\u00e9, voil\u00e0 \u00e0 quoi on ne cesse jamais de faire appel comme pour accumuler des preuves \u00e0 charge dans un proc\u00e8s qui ne s'ach\u00e8ve pas vraiment non plus. Mais je suis moi, j'ai peur, je suis triste donc je suis ! J'adorais lire aussi Pana\u00eft Istrati. Sans plus savoir dans mon souvenir dans quel lieu s'effectuait la lecture. Je ne me souviens que de l'horizontalit\u00e9 du corps, je devais donc \u00eatre dans un lit, \u00e9tendu dans une chambre ou bien sur l'herbe d'une pelouse quelque part, mais je ne me souviens plus non plus o\u00f9 et quand. Je ne me souviens presque plus d\u00e9j\u00e0 des titres, des rebondissements de l'histoire, de la trame toute enti\u00e8re... Il n'y a plus que ces deux mots Kyra Kyralina et puis quelque chose de diffus tout autour, une atmosph\u00e8re, une ambiance. L'odeur de tabac froid et du caf\u00e9 qui coule encore quelque part. Et encore de la peur et encore de la tristesse qui r\u00e9unit toutes ces bribes dans une familiarit\u00e9 devenue suspecte. Je peux citer pourtant tous ces \u00e9crivains, sans r\u00e9fl\u00e9chir beaucoup. Comme si tout ce que j'ai lu d'eux \u00e9tait depuis lors comme engramm\u00e9 dans leur nom seulement. Toutes ces atmosph\u00e8res, toutes ces ambiances de lecture et les synesth\u00e9sies s'y associant myst\u00e9rieusement mais de fa\u00e7on anarchique, sans logique v\u00e9ritable. Borges et son Aleph, ce voyageur en qu\u00eate du pays des immortels, et sa d\u00e9ception surtout en l'atteignant. En d\u00e9couvrant l'ineptie apparente dans laquelle un ennui formidable plonge ses habitants. Il est l\u00e0 aussi question d'un renoncement \u00e0 toute forme d'admiration entra\u00eenant une chute interminable dans cet ennui. Mais ce n'est encore que moi qui ai compris cela, qui l'ai interpr\u00e9t\u00e9. Peut-\u00eatre n'est-ce m\u00eame pas de l'ennui. C'est un oubli permanent et une absence totale de question. Ceci expliquant cela. Jeune, je ne pouvais me passer un seul instant d'admirer quelque chose. Admirer me rassemblait durant un temps avant qu'irr\u00e9m\u00e9diablement je ne me dissolve. Ce n'\u00e9tait pas le sujet [d'admiration ->https:\/\/ledibbouk.net\/contre-l-admiration.html]le plus important, comprenez-vous ? C'\u00e9tait l'admiration en tant que rem\u00e8de \u00e0 une sorte d'oubli quasi cong\u00e9nital. Je n'arrive plus \u00e0 me rendormir, je crois que j'y ai renonc\u00e9 progressivement en soupesant le pour et le contre. Gr\u00e2ce \u00e0 l'insomnie, comprenez-vous, j'ai l'impression de r\u00e9sister \u00e0 l'\u00e9rosion tout en sachant que c'est peine perdue d'avance. J'\u00e9cris en ne cessant de me souvenir que dans 1000 ans tout le monde aura oubli\u00e9 Cervantes, Hom\u00e8re, Dante et moi-m\u00eame. Ce qui, une fois l'appr\u00e9hension toute enti\u00e8re travers\u00e9e comme une nuit, apporte aussi un sacr\u00e9, un myst\u00e9rieux soulagement.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3776.jpg?1763540748", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-fragile-et-le-fort.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-fragile-et-le-fort.html", "title": "Le fragile et le fort", "date_published": "2021-09-25T05:07:05Z", "date_modified": "2025-11-19T08:21:23Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Tu dis c’est fort ou c’est fragile sans connaitre. Tu le dis par reflexe, par habitude, pouss\u00e9 par les on-dit.<\/p>\n

Tu devrais te taire.<\/p>\n

Et vivre le silence fracassant qui suit \u00e0 son d\u00e9but.<\/p>\n

Qui brise toutes les murailles par sa fr\u00e9quence assourdissante.<\/p>\n

Et te laisse l\u00e0 \u00e9ventr\u00e9, \u00e9bloui, tout en m\u00eame temps.<\/p>\n

Enfin pr\u00eat \u00e0 rebattre toutes les cartes et les redistribuer<\/p>\n

La derni\u00e8re \u00e9tape est de repousser la pens\u00e9e pour laisser le souffle aller.<\/p>\n

Sans m\u00eame y penser.<\/p>", "content_text": "Tu dis c'est fort ou c'est fragile sans connaitre. Tu le dis par reflexe, par habitude, pouss\u00e9 par les on-dit.\n\nTu devrais te taire. \n\nEt vivre le silence fracassant qui suit \u00e0 son d\u00e9but.\n\nQui brise toutes les murailles par sa fr\u00e9quence assourdissante.\n\nEt te laisse l\u00e0 \u00e9ventr\u00e9, \u00e9bloui, tout en m\u00eame temps.\n\nEnfin pr\u00eat \u00e0 rebattre toutes les cartes et les redistribuer \n\nLa derni\u00e8re \u00e9tape est de repousser la pens\u00e9e pour laisser le souffle aller.\n\nSans m\u00eame y penser.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3276.jpg?1763540412", "tags": ["po\u00e9sie du quotidien", "peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/c-etait-quoi-deja-ce-poeme.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/c-etait-quoi-deja-ce-poeme.html", "title": "C'\u00e9tait quoi d\u00e9j\u00e0 ce po\u00e8me ?", "date_published": "2021-09-25T04:14:57Z", "date_modified": "2025-11-19T08:18:13Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Je perds la m\u00e9moire, je ne sais plus en quelle ann\u00e9e je me suis install\u00e9 l\u00e0, il me faudrait faire cet effort, recouper les choses, retrouver des points de rep\u00e8re, r\u00e9inventer une fois de plus toute l’histoire.\nJ’\u00e9tais dans cette ville tellement triste aux fa\u00e7ades ab\u00eem\u00e9es. Je marchais des pentes et des gouffres \u00e0 ne plus finir. J’adorais m’asseoir \u00e0 la terrasse de ce petit caf\u00e9, un peu en retrait de la cohorte des touristes, de l\u00e0 j’apercevais le grand pont enjambant le Douro.\nIl y avait peu de bruit, pas d’effusion, juste la paix raviv\u00e9e de temps \u00e0 autre par l’irruption d’un klaxon dans le lointain. Je savourais cette paix.\nLes hommes qui \u00e9taient install\u00e9s \u00e0 la table d’\u00e0 c\u00f4t\u00e9 aussi, \u00e7a se lisait sur les traits de leurs visages, ils \u00e9taient silencieux et de temps en temps attrapaient leur verre de bi\u00e8re pour en boire une gorg\u00e9e, ils se regardaient peu, car leurs regards \u00e9taient pos\u00e9s sur le fleuve.\nC’est ce jour-l\u00e0, je crois, que j’ai \u00e9crit ce po\u00e8me sur mon petit carnet. Je l’ai perdu \u00e9videmment, le carnet et tous les po\u00e8mes \u00e0 l’int\u00e9rieur. Cela me pla\u00eet de songer \u00e0 cette perte tout \u00e0 coup.\nJ’ai la sensation d’avoir des tr\u00e9sors encore intacts, enfouis tout au fond, et qu’il faut laisser ainsi, sans y toucher.\nMais tout de m\u00eame je suis curieux. C’\u00e9tait quoi d\u00e9j\u00e0 ce po\u00e8me ?\nCela parlait, je crois, des caravelles, de Vasco de Gama, de tous les conqu\u00e9rants partis conqu\u00e9rir quelque chose \u00e0 l’ext\u00e9rieur d’eux-m\u00eames, et de cette terre ici.\nPartis pouss\u00e9s par je ne sais quel r\u00eave, quelle chim\u00e8re qui consumera et d\u00e9vastera un monde par-del\u00e0 les mers.\nIls sont revenus. Ils sont l\u00e0 tout \u00e0 c\u00f4t\u00e9.\nEt ils n’ont pas l’air d’\u00eatre plus avanc\u00e9s que \u00e7a.\nIls posent leurs regards sur le fleuve sans parler.\nEt moi je me d\u00e9p\u00eache de me souvenir encore une fois de tout cela parce que j’ai peur de l’oublier.<\/p>", "content_text": " Je perds la m\u00e9moire, je ne sais plus en quelle ann\u00e9e je me suis install\u00e9 l\u00e0, il me faudrait faire cet effort, recouper les choses, retrouver des points de rep\u00e8re, r\u00e9inventer une fois de plus toute l'histoire. J'\u00e9tais dans cette ville tellement triste aux fa\u00e7ades ab\u00eem\u00e9es. Je marchais des pentes et des gouffres \u00e0 ne plus finir. J'adorais m'asseoir \u00e0 la terrasse de ce petit caf\u00e9, un peu en retrait de la cohorte des touristes, de l\u00e0 j'apercevais le grand pont enjambant le Douro. Il y avait peu de bruit, pas d'effusion, juste la paix raviv\u00e9e de temps \u00e0 autre par l'irruption d'un klaxon dans le lointain. Je savourais cette paix. Les hommes qui \u00e9taient install\u00e9s \u00e0 la table d'\u00e0 c\u00f4t\u00e9 aussi, \u00e7a se lisait sur les traits de leurs visages, ils \u00e9taient silencieux et de temps en temps attrapaient leur verre de bi\u00e8re pour en boire une gorg\u00e9e, ils se regardaient peu, car leurs regards \u00e9taient pos\u00e9s sur le fleuve. C'est ce jour-l\u00e0, je crois, que j'ai \u00e9crit ce po\u00e8me sur mon petit carnet. Je l'ai perdu \u00e9videmment, le carnet et tous les po\u00e8mes \u00e0 l'int\u00e9rieur. Cela me pla\u00eet de songer \u00e0 cette perte tout \u00e0 coup. J'ai la sensation d'avoir des tr\u00e9sors encore intacts, enfouis tout au fond, et qu'il faut laisser ainsi, sans y toucher. Mais tout de m\u00eame je suis curieux. C'\u00e9tait quoi d\u00e9j\u00e0 ce po\u00e8me ? Cela parlait, je crois, des caravelles, de Vasco de Gama, de tous les conqu\u00e9rants partis conqu\u00e9rir quelque chose \u00e0 l'ext\u00e9rieur d'eux-m\u00eames, et de cette terre ici. Partis pouss\u00e9s par je ne sais quel r\u00eave, quelle chim\u00e8re qui consumera et d\u00e9vastera un monde par-del\u00e0 les mers. Ils sont revenus. Ils sont l\u00e0 tout \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Et ils n'ont pas l'air d'\u00eatre plus avanc\u00e9s que \u00e7a. Ils posent leurs regards sur le fleuve sans parler. Et moi je me d\u00e9p\u00eache de me souvenir encore une fois de tout cela parce que j'ai peur de l'oublier. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/5.jpg?1763540257", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-seduction-en-peinture.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-seduction-en-peinture.html", "title": "La s\u00e9duction en peinture", "date_published": "2021-09-24T10:40:43Z", "date_modified": "2025-11-19T07:10:58Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Peindre avec une intention de s\u00e9duire c\u2019est courant. Le probl\u00e8me c\u2019est qu\u2019on ne sait ce qui s\u00e9duit vraiment\u2026 En tous cas personnellement je n\u2019en sais rien.<\/p>\n

Un tableau peut tout \u00e0 coup me s\u00e9duire et je vois bien que \u00e7a s\u2019arr\u00eate l\u00e0, surtout mes propres tableaux.<\/p>\n

Du coup je les retourne contre le mur. Je ne veux plus les voir une fois ce constat \u00e9tabli.<\/p>\n

Mais ce constat est tout \u00e0 fait personnel.<\/p>\n

Il faut que lorsque je retourne une toile \u00e0 nouveau que celle-ci me parle d\u2019autre chose\u2026 et si elle ne me dit rien, si elle ne me propose que son silence je sais alors que peut-\u00eatre il se passe vraiment quelque chose d\u2019important.<\/p>\n

C\u2019est souvent un paradoxe pour moi qui suis un incorrigible bavard.<\/p>\n

Il me semble n\u00e9cessaire d\u2019attendre et de r\u00e9it\u00e9rer toute l\u2019op\u00e9ration plusieurs fois pour parvenir \u00e0 saisir que quelque chose, sans doute en dehors de moi, se passe.<\/p>\n

Tout le doute du peintre \u00e0 mon sens se constitue s\u00e9rieusement sur cet unique point.<\/p>", "content_text": "Peindre avec une intention de s\u00e9duire c\u2019est courant. Le probl\u00e8me c\u2019est qu\u2019on ne sait ce qui s\u00e9duit vraiment\u2026 En tous cas personnellement je n\u2019en sais rien.\n\nUn tableau peut tout \u00e0 coup me s\u00e9duire et je vois bien que \u00e7a s\u2019arr\u00eate l\u00e0, surtout mes propres tableaux.\n\nDu coup je les retourne contre le mur. Je ne veux plus les voir une fois ce constat \u00e9tabli.\n\nMais ce constat est tout \u00e0 fait personnel.\n\nIl faut que lorsque je retourne une toile \u00e0 nouveau que celle-ci me parle d\u2019autre chose\u2026 et si elle ne me dit rien, si elle ne me propose que son silence je sais alors que peut-\u00eatre il se passe vraiment quelque chose d\u2019important.\n\nC\u2019est souvent un paradoxe pour moi qui suis un incorrigible bavard.\n\nIl me semble n\u00e9cessaire d\u2019attendre et de r\u00e9it\u00e9rer toute l\u2019op\u00e9ration plusieurs fois pour parvenir \u00e0 saisir que quelque chose, sans doute en dehors de moi, se passe.\n\nTout le doute du peintre \u00e0 mon sens se constitue s\u00e9rieusement sur cet unique point. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3167.jpg?1763536226", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-fulgurance.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-fulgurance.html", "title": "La fulgurance.", "date_published": "2021-09-21T05:13:06Z", "date_modified": "2025-11-19T07:04:41Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Elle ne se trouve certainement pas sous le sabot du premier cheval venu. Elle me demande du temps, des heures, des jours, parfois m\u00eame des ann\u00e9es. Tout ce que l\u2019on ne montre jamais vraiment dans un tableau.
\nJe suis sorti de cela, du c\u00f4t\u00e9 \u00e9patant de la fulgurance. Car elle \u00e9pate trop et \u00e9gare \u00e0 la fois et les autres et moi-m\u00eame.
\nLorsqu\u2019elle surgit \u2013 car elle surgit toujours \u2013, je la comprends mieux.
\nElle est f\u00e9minine elle tr\u00e9pigne, une impatience. Elle demande \u00e0 \u00eatre rassur\u00e9e tout en attisant le risque. Le paradoxe de la fulgurance, il faut aussi se pencher dessus. L\u2019\u00e9pouser, la couvrir d\u2019une certaine fa\u00e7on, pour le meilleur et pour le pire.
\nC\u2019est assez proche de l\u2019abandon, sans l\u2019\u00eatre tout \u00e0 fait.
\nC\u2019est se souvenir, dans l\u2019instant, de quelque chose qui n\u2019a jamais boug\u00e9. D\u2019une immobilit\u00e9 que l\u2019on d\u00e9voile \u00e0 la vitesse d\u2019un trait, d\u2019un carreau d\u2019arbal\u00e8te, d\u2019une touche de couleur qui doit \u00eatre l\u00e0 et nulle part ailleurs ; que l\u2019on ne remet plus en question, avec laquelle il faut de toute fa\u00e7on composer.
\nC\u2019est comme un « je t\u2019aime », un « je te hais ». Tous ces pr\u00e9textes dont on use pour fatiguer quelque chose qui tombe enfin \u00e0 genoux, pour laisser passer la clart\u00e9.
\nLa fulgurance n\u2019est pas un but ; elle surgit lorsqu\u2019on n\u2019attend plus rien, lorsque la mort, l\u2019an\u00e9antissement, est l\u00e0, \u00e0 \u00e9galit\u00e9 avec la vie, la pl\u00e9nitude de vivre.
\nLa fulgurance, c\u2019est l\u2019\u00e9clat argent\u00e9 d\u2019un poisson qui file entre les herbes folles du rivage et qui nous ravit.
\nLa fulgurance, c\u2019est cette amante qui se d\u00e9robe durant des ann\u00e9es et dont l\u2019attente est l\u2019hame\u00e7on qui p\u00e9n\u00e8tre la chair ; on s\u2019habitue \u00e0 la douleur, car elle nous laisse entrevoir le plaisir.
\nEt puis, rien de tout cela, rien de tout ce que l\u2019on peut penser, n\u2019est assez juste pour l\u2019\u00e9voquer.
\nLa fulgurance, c\u2019est la vie ; on ne la voit pas, car nous croyons \u00e0 la dur\u00e9e, au temps qui nous aveugle comme une nuit.<\/p>\n

La fulgurance, ce n\u2019est rien d\u2019autre que l\u2019\u00e9ternit\u00e9.<\/p>", "content_text": "Elle ne se trouve certainement pas sous le sabot du premier cheval venu. Elle me demande du temps, des heures, des jours, parfois m\u00eame des ann\u00e9es. Tout ce que l\u2019on ne montre jamais vraiment dans un tableau. Je suis sorti de cela, du c\u00f4t\u00e9 \u00e9patant de la fulgurance. Car elle \u00e9pate trop et \u00e9gare \u00e0 la fois et les autres et moi-m\u00eame. Lorsqu\u2019elle surgit \u2013 car elle surgit toujours \u2013, je la comprends mieux. Elle est f\u00e9minine elle tr\u00e9pigne, une impatience. Elle demande \u00e0 \u00eatre rassur\u00e9e tout en attisant le risque. Le paradoxe de la fulgurance, il faut aussi se pencher dessus. L\u2019\u00e9pouser, la couvrir d\u2019une certaine fa\u00e7on, pour le meilleur et pour le pire. C\u2019est assez proche de l\u2019abandon, sans l\u2019\u00eatre tout \u00e0 fait. C\u2019est se souvenir, dans l\u2019instant, de quelque chose qui n\u2019a jamais boug\u00e9. D\u2019une immobilit\u00e9 que l\u2019on d\u00e9voile \u00e0 la vitesse d\u2019un trait, d\u2019un carreau d\u2019arbal\u00e8te, d\u2019une touche de couleur qui doit \u00eatre l\u00e0 et nulle part ailleurs ; que l\u2019on ne remet plus en question, avec laquelle il faut de toute fa\u00e7on composer. C\u2019est comme un \u00ab je t\u2019aime \u00bb, un \u00ab je te hais \u00bb. Tous ces pr\u00e9textes dont on use pour fatiguer quelque chose qui tombe enfin \u00e0 genoux, pour laisser passer la clart\u00e9. La fulgurance n\u2019est pas un but ; elle surgit lorsqu\u2019on n\u2019attend plus rien, lorsque la mort, l\u2019an\u00e9antissement, est l\u00e0, \u00e0 \u00e9galit\u00e9 avec la vie, la pl\u00e9nitude de vivre. La fulgurance, c\u2019est l\u2019\u00e9clat argent\u00e9 d\u2019un poisson qui file entre les herbes folles du rivage et qui nous ravit. La fulgurance, c\u2019est cette amante qui se d\u00e9robe durant des ann\u00e9es et dont l\u2019attente est l\u2019hame\u00e7on qui p\u00e9n\u00e8tre la chair ; on s\u2019habitue \u00e0 la douleur, car elle nous laisse entrevoir le plaisir. Et puis, rien de tout cela, rien de tout ce que l\u2019on peut penser, n\u2019est assez juste pour l\u2019\u00e9voquer. La fulgurance, c\u2019est la vie ; on ne la voit pas, car nous croyons \u00e0 la dur\u00e9e, au temps qui nous aveugle comme une nuit. La fulgurance, ce n\u2019est rien d\u2019autre que l\u2019\u00e9ternit\u00e9. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3199.jpg?1763535686", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/avoir-la-foi.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/avoir-la-foi.html", "title": "Avoir la foi", "date_published": "2021-09-21T04:39:04Z", "date_modified": "2025-11-18T21:33:42Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

J’ai toujours trouv\u00e9 cette expression bizarre \" Avoir la foi\" ou \"poss\u00e9der la foi\". C’est \u00e9trange le pouvoir des mots. C’est souvent inconscient. Quelque chose cloche, on ne sait pas vraiment quoi tant qu’on ne s’arr\u00eate pas dessus vraiment.<\/p>\n

Avoir la foi ce serait donc poss\u00e9der un pouvoir en quelque sorte qui te permettrait de tout traverser sans gravit\u00e9 vraiment parce que tu serais certain qu’au bout t’attend quelque chose. Pour certains un paradis peupl\u00e9 de vierges, d’anges, de magnifiques paysages, d’\u00eatres chers que l’on retrouve... Pour d’autre la gloire, la richesse, la r\u00e9ussite, Pour d’autres encore la s\u00e9r\u00e9nit\u00e9, la joie, l’amour absolu...<\/p>\n

Autant de concepts qui sont finalement limit\u00e9s \u00e0 l’imagination humaine lorsqu’on y r\u00e9fl\u00e9chit, et surtout \u00e0 bon nombre de frustrations que l’on s’engage \u00e0 supporter dans l’espoir que cet investissement rapporte des int\u00e9r\u00eats.<\/p>\n

Avoir la foi dans ces conditions ne ressemble t’il pas \u00e0 un placement en bourse ?<\/p>\n

Pour en revenir \u00e0 cette exposition que je pr\u00e9pare puis je parler de foi vraiment ? Est ce que j’ai cette foi l\u00e0, est ce que je la poss\u00e8de vraiment ?<\/p>\n

Parfois j’observe \u00e0 quel point je suis tent\u00e9 par le fait de pouvoir l’obtenir. De pouvoir \u00eatre assur\u00e9, rassur\u00e9. Mais je r\u00e9siste \u00e0 cette tentation bien sur et je laisse toujours le doute reprendre le dessus. Le doute et le diable si l’on veut qui comme chacun le sait se loge dans les d\u00e9tails.<\/p>\n

En ce moment je suis obs\u00e9d\u00e9 litt\u00e9ralement par la notion de d\u00e9tail. Je scrute chaque toile \u00e0 la recherche du d\u00e9faut, du petit poc, d’un embu qui ressortirait comme une m\u00e8che rebelle. En fait je cherche le fameux b\u00e2ton pour me faire battre.<\/p>\n

Qu’est ce que \u00e7a veut dire exposer un tableau sur lequel on verrait un d\u00e9faut ? Qu’est ce que je me dit ? Qu’est ce que je pense que les gens diront alors ?<\/p>\n

Ce n’est pas s\u00e9rieux, ce n’est pas professionnel, ce n’est pas suffisamment \"clean\" pour que ce soit un produit \"vendable\".<\/p>\n

Comme quoi on n’est tout de m\u00eame tenu par quelques r\u00e8gles de base. Sans lesquelles on imaginerait \"perdre la face\".<\/p>\n

On peut aussi penser au respect envers le public. Pr\u00e9senter des choses impeccables pour ne pas le heurter.<\/p>\n

Autant de d\u00e9tails sur lesquels mon regard s’accroche dans le doute parce que justement je me refuse \u00e0 poss\u00e9der la foi.<\/p>\n

Parce que ce qui compte le plus c’est d’\u00eatre tout simplement ce que je suis, sans masquer quoique ce soit.<\/p>\n

C’est dangereux si le but est de faire du chiffre d’affaire.<\/p>\n

Mais c’est aussi extr\u00eamement lib\u00e9rateur de se dire : Bon j’ai vu toutes les imperfections, j’ai pass\u00e9 en revue tous les d\u00e9fauts et maintenant qu’est ce que je vais faire de tout cela ?<\/p>\n

Les planquer ?<\/p>\n

Ou bien justement m’en servir pour dire qui je suis ?<\/p>\n

Et tant pis au final pour tout ce que l’on pourra dire j’aurais vraiment fait le job.<\/p>\n

Le cheminement intellectuel ne d\u00e9bouche g\u00e9n\u00e9ralement que sur des impasses concernant les croyances. Sans doute parce que la croyance est la base \u00e0 partir de laquelle nous pensons.<\/p>\n

Au bout du compte on tourne en rond dans le doute et c’est une sorte de confort \u00e9quivalent \u00e0 celui qu’offre la foi.<\/p>\n

Ni l’un ni l’autre ou bien les deux en m\u00eame temps ?<\/p>\n

On ne peut le penser en amont ni vivre l’intuition du moment avant de s’y trouver confront\u00e9.<\/p>\n

Il faut juste \u00eatre l\u00e0. Etre vraiment l\u00e0 au moment o\u00f9 je me retrouve seul face aux murs blancs avec mes tableaux d\u00e9ball\u00e9s<\/p>\n

Il faut que les murs blancs soient exactement comme une peinture que je r\u00e9alise au hasard et sans penser \u00e0 rien.<\/p>\n

Que j’accroche mes toiles comme je pose des touches en aveugle.<\/p>\n

Puis enfin prendre du recul et comprendre ce que j’ai fait.<\/p>\n

Comprendre ce n’est pas construire un discours encore.<\/p>\n

C’est surtout du domaine de l’\u00e9motion.<\/p>\n

Est ce que \u00e7a me touche ?<\/p>\n

La foi si elle existe ne peut advenir que de la m\u00eame fa\u00e7on que la gr\u00e2ce. En acceptant totalement l’ennui comme le corridor \u00e0 traverser sans y penser, sans esp\u00e9rer rien de d\u00e9fini, sans tirer le moindre plan sur la com\u00e8te.<\/p>\n

C’est par l’ennui et une certaine fatigue, en s’engouffrant tout entier dans le vide que le miracle<\/em> advient.<\/p>\n

Mais tu vois bien que je puisse le dire, l’\u00e9crire et que cela se soit r\u00e9p\u00e9t\u00e9 mille fois dans ma vie, je ne peux toujours pas dire que j’ai la foi.<\/em><\/p>\n

Je ne poss\u00e8de rien d’autre que l’instant dans lequel je suis.<\/p>\n

\"\"<\/a>Techniques mixtes Patrick Blanchon Collection priv\u00e9e.<\/p>", "content_text": "J'ai toujours trouv\u00e9 cette expression bizarre \" Avoir la foi\" ou \"poss\u00e9der la foi\". C'est \u00e9trange le pouvoir des mots. C'est souvent inconscient. Quelque chose cloche, on ne sait pas vraiment quoi tant qu'on ne s'arr\u00eate pas dessus vraiment. \n\nAvoir la foi ce serait donc poss\u00e9der un pouvoir en quelque sorte qui te permettrait de tout traverser sans gravit\u00e9 vraiment parce que tu serais certain qu'au bout t'attend quelque chose. Pour certains un paradis peupl\u00e9 de vierges, d'anges, de magnifiques paysages, d'\u00eatres chers que l'on retrouve... Pour d'autre la gloire, la richesse, la r\u00e9ussite, Pour d'autres encore la s\u00e9r\u00e9nit\u00e9, la joie, l'amour absolu...\n\nAutant de concepts qui sont finalement limit\u00e9s \u00e0 l'imagination humaine lorsqu'on y r\u00e9fl\u00e9chit, et surtout \u00e0 bon nombre de frustrations que l'on s'engage \u00e0 supporter dans l'espoir que cet investissement rapporte des int\u00e9r\u00eats.\n\nAvoir la foi dans ces conditions ne ressemble t'il pas \u00e0 un placement en bourse ?\n\nPour en revenir \u00e0 cette exposition que je pr\u00e9pare puis je parler de foi vraiment ? Est ce que j'ai cette foi l\u00e0, est ce que je la poss\u00e8de vraiment ?\n\nParfois j'observe \u00e0 quel point je suis tent\u00e9 par le fait de pouvoir l'obtenir. De pouvoir \u00eatre assur\u00e9, rassur\u00e9. Mais je r\u00e9siste \u00e0 cette tentation bien sur et je laisse toujours le doute reprendre le dessus. Le doute et le diable si l'on veut qui comme chacun le sait se loge dans les d\u00e9tails.\n\nEn ce moment je suis obs\u00e9d\u00e9 litt\u00e9ralement par la notion de d\u00e9tail. Je scrute chaque toile \u00e0 la recherche du d\u00e9faut, du petit poc, d'un embu qui ressortirait comme une m\u00e8che rebelle. En fait je cherche le fameux b\u00e2ton pour me faire battre.\n\nQu'est ce que \u00e7a veut dire exposer un tableau sur lequel on verrait un d\u00e9faut ? Qu'est ce que je me dit ? Qu'est ce que je pense que les gens diront alors ?\n\nCe n'est pas s\u00e9rieux, ce n'est pas professionnel, ce n'est pas suffisamment \"clean\" pour que ce soit un produit \"vendable\".\n\nComme quoi on n'est tout de m\u00eame tenu par quelques r\u00e8gles de base. Sans lesquelles on imaginerait \"perdre la face\".\n\nOn peut aussi penser au respect envers le public. Pr\u00e9senter des choses impeccables pour ne pas le heurter.\n\nAutant de d\u00e9tails sur lesquels mon regard s'accroche dans le doute parce que justement je me refuse \u00e0 poss\u00e9der la foi.\n\nParce que ce qui compte le plus c'est d'\u00eatre tout simplement ce que je suis, sans masquer quoique ce soit.\n\nC'est dangereux si le but est de faire du chiffre d'affaire.\n\nMais c'est aussi extr\u00eamement lib\u00e9rateur de se dire : Bon j'ai vu toutes les imperfections, j'ai pass\u00e9 en revue tous les d\u00e9fauts et maintenant qu'est ce que je vais faire de tout cela ?\n\nLes planquer ? \n\nOu bien justement m'en servir pour dire qui je suis ?\n\nEt tant pis au final pour tout ce que l'on pourra dire j'aurais vraiment fait le job.\n\nLe cheminement intellectuel ne d\u00e9bouche g\u00e9n\u00e9ralement que sur des impasses concernant les croyances. Sans doute parce que la croyance est la base \u00e0 partir de laquelle nous pensons.\n\nAu bout du compte on tourne en rond dans le doute et c'est une sorte de confort \u00e9quivalent \u00e0 celui qu'offre la foi.\n\nNi l'un ni l'autre ou bien les deux en m\u00eame temps ?\n\nOn ne peut le penser en amont ni vivre l'intuition du moment avant de s'y trouver confront\u00e9.\n\nIl faut juste \u00eatre l\u00e0. Etre vraiment l\u00e0 au moment o\u00f9 je me retrouve seul face aux murs blancs avec mes tableaux d\u00e9ball\u00e9s \n\nIl faut que les murs blancs soient exactement comme une peinture que je r\u00e9alise au hasard et sans penser \u00e0 rien.\n\nQue j'accroche mes toiles comme je pose des touches en aveugle.\n\nPuis enfin prendre du recul et comprendre ce que j'ai fait.\n\nComprendre ce n'est pas construire un discours encore.\n\nC'est surtout du domaine de l'\u00e9motion.\n\nEst ce que \u00e7a me touche ?\n\nLa foi si elle existe ne peut advenir que de la m\u00eame fa\u00e7on que la gr\u00e2ce. En acceptant totalement l'ennui comme le corridor \u00e0 traverser sans y penser, sans esp\u00e9rer rien de d\u00e9fini, sans tirer le moindre plan sur la com\u00e8te.\n\nC'est par l'ennui et une certaine fatigue, en s'engouffrant tout entier dans le vide que le miracle advient.\n\nMais tu vois bien que je puisse le dire, l'\u00e9crire et que cela se soit r\u00e9p\u00e9t\u00e9 mille fois dans ma vie, je ne peux toujours pas dire que j'ai la foi.\n\nJe ne poss\u00e8de rien d'autre que l'instant dans lequel je suis.Techniques mixtes Patrick Blanchon Collection priv\u00e9e.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3176.jpg?1763501587", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/naviguer-et-vivre.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/naviguer-et-vivre.html", "title": "Naviguer et vivre", "date_published": "2021-09-21T03:40:01Z", "date_modified": "2025-11-18T21:16:34Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Ce voyage est une suite de voyages. C\u2019est le terme g\u00e9n\u00e9rique qui dissimule plus ou moins habilement le pas de c\u00f4t\u00e9 que j\u2019ai effectu\u00e9 des centaines de fois pour ne pas vivre seulement comme un con.<\/p>\n

Ce que j\u2019appelle vivre comme un con, c\u2019est ne plus se poser de question. C\u2019est suivre le train-train quotidien sans broncher vraiment, en grognant par habitude sans rien faire v\u00e9ritablement, sans s\u2019opposer.<\/p>\n

J\u2019ai v\u00e9cu comme un con, je sais tout \u00e0 fait ce que c\u2019est. Et il m\u2019arrive de le faire encore pour me d\u00e9tendre !<\/p>\n

Quand je dis « comme un con », c\u2019est gentil ; ce n\u2019est pas du tout une insulte gratuite. Un bon con, un con comme toi et moi.<\/p>\n

Mais j\u2019aurais pu tr\u00e8s mal finir et devenir, au bout du compte, un sale con.<\/p>\n

Je ne sais toujours pas si c\u2019est cette inqui\u00e9tude-l\u00e0 qui m\u2019a fait r\u00e9fl\u00e9chir ou bien si c\u2019\u00e9tait tout simplement ma nature d\u2019\u00eatre, dans une grande part de moi, attach\u00e9 \u00e0 l\u2019obsession de naviguer.<\/p>\n

Sans doute un peu des deux.<\/p>\n

Ai-je r\u00e9fl\u00e9chi d\u2019ailleurs ?<\/p>\n

Pas vraiment ; cela a toujours \u00e9t\u00e9 pulsionnel. Envoyer bouler ce qui ne me convenait plus sur un coup de t\u00eate, la plupart du temps. Sans r\u00e9fl\u00e9chir justement aux cons\u00e9quences. Cela me fascinait. Je me voyais faire, je me disais \u00e0 chaque fois : « Non, tu ne vas tout de m\u00eame pas... » et si : paf ! je le faisais.<\/p>\n

Pour la plupart des gens, j\u2019\u00e9tais ce type incons\u00e9quent qui disparaissait des cartes sans plus donner la moindre nouvelle.<\/p>\n

C\u2019est ainsi qu\u2019ils voyaient les choses, et c\u2019est ainsi que, de mon c\u00f4t\u00e9, je tentais de m\u2019en d\u00e9fendre en luttant contre la culpabilit\u00e9 que ce point de vue collectif en moi provoquait.<\/p>\n

Je me disais : « Ce n\u2019est pas tout \u00e0 fait vrai, ce n\u2019est pas vraiment \u00e7a. » Je me trouvais des raisons, des excuses, mais tout \u00e7a ne servait strictement \u00e0 rien. Dans ces voyages, j\u2019emportais ma culpabilit\u00e9 ; j\u2019emportais la vision du monde sur le pauvre type qu\u2019il avait d\u00e9cr\u00e9t\u00e9 que j\u2019\u00e9tais. Il fallait faire avec \u00e7a. Il fallait traverser tout le mis\u00e9rable dont « on » et moi-m\u00eame m\u2019affublaient.<\/p>\n

C\u2019est en lisant Fernando Pessoa un jour, dans une biblioth\u00e8que, que j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 voir au-del\u00e0 de cette culpabilit\u00e9, \u00e0 regarder plus loin, au-del\u00e0 de ce malaise.<\/p>\n

Il \u00e9crivait : « Vivre, cela n\u2019est rien ; naviguer seulement est pr\u00e9cieux. »<\/p>\n

\u00c0 partir de l\u00e0, et gr\u00e2ce \u00e0 la po\u00e9sie toute enti\u00e8re, j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 me sentir mieux. La po\u00e9sie semblait valider ma d\u00e9marche. Il fallait s\u2019\u00e9garer, naviguer, se perdre sans doute pour se d\u00e9tacher de quelque chose et tomber soudain sur autre chose d\u2019in\u00e9dit et de familier pourtant : soi-m\u00eame.<\/p>\n

Quoi de plus naturel, ensuite, gr\u00e2ce au dessin, \u00e0 la peinture, de continuer cette navigation, cet \u00e9garement, en parall\u00e8le d\u2019une vie de con ? Car \u00e9videmment, je ne me suis pas mis soudain \u00e0 marcher sur l\u2019eau.<\/p>\n

J\u2019ai continu\u00e9 \u00e0 travailler, \u00e0 l\u2019usine, sur les chantiers, dans les bureaux, une grande partie de mon existence. Mais pas de la m\u00eame mani\u00e8re qu\u2019auparavant. J\u2019\u00e9tais plus tranquille parce que j\u2019avais cette autre vie de navigateur que tout le monde ignorait.<\/p>\n

Et puis un jour, le corps a l\u00e2ch\u00e9. Ce que je disais \u00eatre « tranquille » ne l\u2019\u00e9tait en fait pas du tout. L\u2019acuit\u00e9 que m\u2019apportait la po\u00e9sie et la peinture, par un effet de ricochet, me sortit de mon \u00e9gocentrisme, de mon narcissisme, pour tomber face \u00e0 l\u2019absurde dans lequel je vivais, nous vivions tous, que ce soit en entreprise comme ailleurs ; tout cela me sauta au visage.<\/p>\n

Une part de moi a d\u00e9cid\u00e9 de mourir ; cette part que je donnais aux loups, cette part que j\u2019appelle « vivre comme un con ».<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait sans doute pr\u00e9tentieux encore, \u00e0 bien y r\u00e9fl\u00e9chir. Mais il fallait que \u00e7a passe par l\u00e0 ; je ne serais pas le m\u00eame homme sinon.<\/p>\n

Il fallait naviguer diff\u00e9remment, sans doute prendre des risques plus grands, se d\u00e9tacher plus encore, plus loin.<\/p>\n

Sans doute est-ce \u00e0 partir de l\u00e0 que le voyage int\u00e9rieur v\u00e9ritable a commenc\u00e9. Par l\u2019acceptation totale d\u2019\u00eatre un navigateur.<\/p>\n

Tout quitter devint alors une sorte de discipline. Non plus par peur, par inqui\u00e9tude, par ennui ou par fatigue. Tout quitter, c\u2019est cette formule magique qui permet de naviguer de r\u00eave en r\u00eave, de po\u00e8me en po\u00e8me, de tableau en tableau.<\/p>\n

\u00c9videmment, on ne quitte jamais tout totalement ; c\u2019est encore une vue de l\u2019esprit que de l\u2019imaginer.<\/p>\n

On se pr\u00e9pare n\u00e9anmoins \u00e0 un voyage ultime.<\/p>\n

Peut-\u00eatre que tout cela permet de l\u2019aborder plus sereinement, sans regret ni remord, voire m\u00eame avec amour, qui sait ?<\/p>", "content_text": " Ce voyage est une suite de voyages. C\u2019est le terme g\u00e9n\u00e9rique qui dissimule plus ou moins habilement le pas de c\u00f4t\u00e9 que j\u2019ai effectu\u00e9 des centaines de fois pour ne pas vivre seulement comme un con. Ce que j\u2019appelle vivre comme un con, c\u2019est ne plus se poser de question. C\u2019est suivre le train-train quotidien sans broncher vraiment, en grognant par habitude sans rien faire v\u00e9ritablement, sans s\u2019opposer. J\u2019ai v\u00e9cu comme un con, je sais tout \u00e0 fait ce que c\u2019est. Et il m\u2019arrive de le faire encore pour me d\u00e9tendre ! Quand je dis \u00ab comme un con \u00bb, c\u2019est gentil ; ce n\u2019est pas du tout une insulte gratuite. Un bon con, un con comme toi et moi. Mais j\u2019aurais pu tr\u00e8s mal finir et devenir, au bout du compte, un sale con. Je ne sais toujours pas si c\u2019est cette inqui\u00e9tude-l\u00e0 qui m\u2019a fait r\u00e9fl\u00e9chir ou bien si c\u2019\u00e9tait tout simplement ma nature d\u2019\u00eatre, dans une grande part de moi, attach\u00e9 \u00e0 l\u2019obsession de naviguer. Sans doute un peu des deux. Ai-je r\u00e9fl\u00e9chi d\u2019ailleurs ? Pas vraiment ; cela a toujours \u00e9t\u00e9 pulsionnel. Envoyer bouler ce qui ne me convenait plus sur un coup de t\u00eate, la plupart du temps. Sans r\u00e9fl\u00e9chir justement aux cons\u00e9quences. Cela me fascinait. Je me voyais faire, je me disais \u00e0 chaque fois : \u00ab Non, tu ne vas tout de m\u00eame pas... \u00bb et si : paf ! je le faisais. Pour la plupart des gens, j\u2019\u00e9tais ce type incons\u00e9quent qui disparaissait des cartes sans plus donner la moindre nouvelle. 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J\u2019\u00e9tais plus tranquille parce que j\u2019avais cette autre vie de navigateur que tout le monde ignorait. Et puis un jour, le corps a l\u00e2ch\u00e9. Ce que je disais \u00eatre \u00ab tranquille \u00bb ne l\u2019\u00e9tait en fait pas du tout. L\u2019acuit\u00e9 que m\u2019apportait la po\u00e9sie et la peinture, par un effet de ricochet, me sortit de mon \u00e9gocentrisme, de mon narcissisme, pour tomber face \u00e0 l\u2019absurde dans lequel je vivais, nous vivions tous, que ce soit en entreprise comme ailleurs ; tout cela me sauta au visage. Une part de moi a d\u00e9cid\u00e9 de mourir ; cette part que je donnais aux loups, cette part que j\u2019appelle \u00ab vivre comme un con \u00bb. C\u2019\u00e9tait sans doute pr\u00e9tentieux encore, \u00e0 bien y r\u00e9fl\u00e9chir. Mais il fallait que \u00e7a passe par l\u00e0 ; je ne serais pas le m\u00eame homme sinon. 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Parfois, j\u2019\u00e9cris un commentaire que j\u2019efface presque aussit\u00f4t. Comment taire — voil\u00e0 exactement le sujet du commentaire.
\n je ne sais quoi dire pour restituer le trouble.
\nParfois, je parviens \u00e0 passer cette g\u00eane, avec humour, sans peur du ridicule, ou alors en faisant mine d\u2019avoir de l\u2019esprit\u2026 et je ne sais plus quoi.
\nD\u2019autres fois, non.
\nOui, comment taire le trouble d\u2019un \u00e9cho troublant\u2026 ?
\nEt en m\u00eame temps le dire !
\nTout un art, j\u2019imagine encore,
\nH\u00e9las.
\nJ\u2019en suis toujours au m\u00eame point en peinture :
\nJ\u2019en dis encore beaucoup trop, ce qui revient \u00e0 pas assez.
\nBref, pas juste. Comme un bon vieux silence de derri\u00e8re les fagots.<\/p>", "content_text": "Parfois, j\u2019\u00e9cris un commentaire que j\u2019efface presque aussit\u00f4t. Comment taire \u2014 voil\u00e0 exactement le sujet du commentaire. je ne sais quoi dire pour restituer le trouble. Parfois, je parviens \u00e0 passer cette g\u00eane, avec humour, sans peur du ridicule, ou alors en faisant mine d\u2019avoir de l\u2019esprit\u2026 et je ne sais plus quoi. D\u2019autres fois, non. Oui, comment taire le trouble d\u2019un \u00e9cho troublant\u2026 ? Et en m\u00eame temps le dire ! Tout un art, j\u2019imagine encore, H\u00e9las. J\u2019en suis toujours au m\u00eame point en peinture : J\u2019en dis encore beaucoup trop, ce qui revient \u00e0 pas assez. Bref, pas juste. Comme un bon vieux silence de derri\u00e8re les fagots.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3198.jpg?1763500176", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/transformer-la-lubricite-en-plomb.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/transformer-la-lubricite-en-plomb.html", "title": "Transformer la lubricit\u00e9 en plomb.", "date_published": "2021-09-20T04:17:28Z", "date_modified": "2025-11-18T21:03:30Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Imagine un apprenti alchimiste qui se r\u00e9volte soudain contre l\u2019alchimie toute enti\u00e8re, qui s\u2019insurge contre toute id\u00e9e de discipline, puis, \u00e0 la fin, contre le ma\u00eetre qui se propose. On le dirait fou, bien s\u00fbr, et sans doute, pour une bonne part, l\u2019est-il.<\/p>\n

Mais il ne faut pas renier l\u2019intuition d\u2019o\u00f9 part une telle r\u00e9volte. Il ne faut pas plus nier cette immense confusion qui porte l\u2019apprenti \u00e0 explorer tout ce que le monde a d\u00e9pos\u00e9 dans un seul mot : la lubricit\u00e9.<\/p>\n

Si diabolique en apparence soit-elle, cette confusion, malgr\u00e9 tout, est porteuse d\u2019une lumi\u00e8re. Une lumi\u00e8re trouble au d\u00e9but, qui happe la totalit\u00e9 des sens, tout en les exacerbant. Une lumi\u00e8re qui rend fou son porteur, qui le fait douter \u00e0 l\u2019infini, \u00e0 la fois sur sa raison d\u2019\u00eatre de porteur de lumi\u00e8re et sur cette intuition qui le conduit \u00e0 ne jamais \u00eatre en mesure d\u2019abandonner ce r\u00f4le.<\/p>\n

C\u2019est que l\u2019alchimie ne se soucie pas tant des mat\u00e9riaux dont elle se sert que de la clart\u00e9 avec laquelle on les aborde.<\/p>\n

Et pour l\u2019apprenti inculte, aborder la notion de clart\u00e9 \u2013 il le pressent \u2013 l\u2019oblige en premier lieu \u00e0 marcher \u00e0 l\u2019envers de celle-ci, \u00e0 s\u2019engager dans les ombres.<\/p>\n

Aller vers le f\u00e9minin en soi, ce trouble du masculin.<\/p>\n

Ce f\u00e9minin \u00e0 qui, en m\u00eame temps, on attribue tant de faiblesses, d\u2019autant que le masculin \u00e9tablit sa force, soi-disant, sur ses contraires.<\/p>\n

Force et faiblesse se disputant ainsi \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du m\u00eame, les rendant tour \u00e0 tour presque semblables, c\u2019est-\u00e0-dire monstrueux.<\/p>\n

La lubricit\u00e9 pourrait alors \u00eatre l\u2019exploration, d\u2019abord inconsciente, de ce gouffre. D\u2019un \u00e9cart que l\u2019on chercherait co\u00fbte que co\u00fbte \u00e0 combler.<\/p>\n

Dans quel but ? Il n\u2019y en a toujours qu\u2019un seul, \u00e9videmment, que je ne nommerai pas cependant. Tellement galvaud\u00e9 par les temps actuels.<\/p>\n

Cette brutalit\u00e9, cette sauvagerie qui utilise comme canal les sens et d\u00e9bouche g\u00e9n\u00e9ralement sur le mot de « luxure », elle ne provient que de cette m\u00eame r\u00e9volte contre une raison qui tourne \u00e0 vide. Une raison sans raison. Une r\u00e9volte contre la pens\u00e9e qui ne se pense qu\u2019en elle-m\u00eame.<\/p>\n

Sans la fameuse « mod\u00e9ration » si ch\u00e8re \u00e0 notre \u00e9poque, que des mod\u00e9rateurs fleurissent \u00e0 tous les coins de forum et de rues.<\/p>\n

Je veux dire aussi qu\u2019\u00eatre un v\u00e9ritable salaud n\u2019est pas donn\u00e9 \u00e0 n\u2019importe qui. Il faut beaucoup accepter de l\u00e2chet\u00e9 comme d\u2019audace avant de pouvoir y parvenir. C\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019il faut avant tout br\u00fbler une belle image d\u2019\u00c9pinal, celle dans laquelle chacun imagine leurrer son monde et soi-m\u00eame.<\/p>\n

\u00c0 partir de l\u00e0, une fois que l\u2019on a \u00e9pingl\u00e9 cette fameuse lubricit\u00e9, que l\u2019on a compris la nature de la « luxure », on poss\u00e8de enfin le mat\u00e9riau adapt\u00e9 pour commencer le travail.<\/p>\n

C\u2019est certainement plus long tant que l\u2019on refuse les coups de fouet et les caresses d\u2019une ma\u00eetresse ou d\u2019un ma\u00eetre.<\/p>\n

Ce sera la vie qui endossera le r\u00f4le \u00e9ducatif.<\/p>\n

Aucune importance ! Au final, l\u2019essentiel est de changer cette premi\u00e8re illusion en quelque chose de tangible et dense comme le plomb.<\/p>", "content_text": " Imagine un apprenti alchimiste qui se r\u00e9volte soudain contre l\u2019alchimie toute enti\u00e8re, qui s\u2019insurge contre toute id\u00e9e de discipline, puis, \u00e0 la fin, contre le ma\u00eetre qui se propose. On le dirait fou, bien s\u00fbr, et sans doute, pour une bonne part, l\u2019est-il. Mais il ne faut pas renier l\u2019intuition d\u2019o\u00f9 part une telle r\u00e9volte. Il ne faut pas plus nier cette immense confusion qui porte l\u2019apprenti \u00e0 explorer tout ce que le monde a d\u00e9pos\u00e9 dans un seul mot : la lubricit\u00e9. Si diabolique en apparence soit-elle, cette confusion, malgr\u00e9 tout, est porteuse d\u2019une lumi\u00e8re. Une lumi\u00e8re trouble au d\u00e9but, qui happe la totalit\u00e9 des sens, tout en les exacerbant. Une lumi\u00e8re qui rend fou son porteur, qui le fait douter \u00e0 l\u2019infini, \u00e0 la fois sur sa raison d\u2019\u00eatre de porteur de lumi\u00e8re et sur cette intuition qui le conduit \u00e0 ne jamais \u00eatre en mesure d\u2019abandonner ce r\u00f4le. C\u2019est que l\u2019alchimie ne se soucie pas tant des mat\u00e9riaux dont elle se sert que de la clart\u00e9 avec laquelle on les aborde. Et pour l\u2019apprenti inculte, aborder la notion de clart\u00e9 \u2013 il le pressent \u2013 l\u2019oblige en premier lieu \u00e0 marcher \u00e0 l\u2019envers de celle-ci, \u00e0 s\u2019engager dans les ombres. Aller vers le f\u00e9minin en soi, ce trouble du masculin. Ce f\u00e9minin \u00e0 qui, en m\u00eame temps, on attribue tant de faiblesses, d\u2019autant que le masculin \u00e9tablit sa force, soi-disant, sur ses contraires. Force et faiblesse se disputant ainsi \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du m\u00eame, les rendant tour \u00e0 tour presque semblables, c\u2019est-\u00e0-dire monstrueux. La lubricit\u00e9 pourrait alors \u00eatre l\u2019exploration, d\u2019abord inconsciente, de ce gouffre. D\u2019un \u00e9cart que l\u2019on chercherait co\u00fbte que co\u00fbte \u00e0 combler. Dans quel but ? Il n\u2019y en a toujours qu\u2019un seul, \u00e9videmment, que je ne nommerai pas cependant. Tellement galvaud\u00e9 par les temps actuels. Cette brutalit\u00e9, cette sauvagerie qui utilise comme canal les sens et d\u00e9bouche g\u00e9n\u00e9ralement sur le mot de \u00ab luxure \u00bb, elle ne provient que de cette m\u00eame r\u00e9volte contre une raison qui tourne \u00e0 vide. Une raison sans raison. Une r\u00e9volte contre la pens\u00e9e qui ne se pense qu\u2019en elle-m\u00eame. Sans la fameuse \u00ab mod\u00e9ration \u00bb si ch\u00e8re \u00e0 notre \u00e9poque, que des mod\u00e9rateurs fleurissent \u00e0 tous les coins de forum et de rues. Je veux dire aussi qu\u2019\u00eatre un v\u00e9ritable salaud n\u2019est pas donn\u00e9 \u00e0 n\u2019importe qui. Il faut beaucoup accepter de l\u00e2chet\u00e9 comme d\u2019audace avant de pouvoir y parvenir. C\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019il faut avant tout br\u00fbler une belle image d\u2019\u00c9pinal, celle dans laquelle chacun imagine leurrer son monde et soi-m\u00eame. \u00c0 partir de l\u00e0, une fois que l\u2019on a \u00e9pingl\u00e9 cette fameuse lubricit\u00e9, que l\u2019on a compris la nature de la \u00ab luxure \u00bb, on poss\u00e8de enfin le mat\u00e9riau adapt\u00e9 pour commencer le travail. C\u2019est certainement plus long tant que l\u2019on refuse les coups de fouet et les caresses d\u2019une ma\u00eetresse ou d\u2019un ma\u00eetre. Ce sera la vie qui endossera le r\u00f4le \u00e9ducatif. Aucune importance ! Au final, l\u2019essentiel est de changer cette premi\u00e8re illusion en quelque chose de tangible et dense comme le plomb. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3169.jpg?1763499795", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/Chercher-et-trouver-notes-de-preparation-pour-exposition.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/Chercher-et-trouver-notes-de-preparation-pour-exposition.html", "title": "Chercher et trouver ( notes de pr\u00e9paration pour exposition)", "date_published": "2021-09-20T02:54:59Z", "date_modified": "2025-11-18T21:00:07Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

S\u2019il n\u2019y a pas de « petit » lieu pour exposer, il y a certainement plusieurs fa\u00e7ons d\u2019attribuer de l\u2019importance \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019accrocher ses \u0153uvres. \u00c0 un moment donn\u00e9 du parcours, j\u2019avoue que je ne m\u2019en souciais pas. J\u2019encha\u00eenais les expositions, notamment avant la pand\u00e9mie, et force est de constater, en revenant sur mes souvenirs, que souvent c\u2019\u00e9tait pour moi une sorte de corv\u00e9e.<\/p>\n

Ce n\u2019\u00e9tait pas d\u00fb aux diff\u00e9rents lieux, mais plut\u00f4t \u00e0 une zone de confort dans laquelle je me r\u00e9fugiais. Car souvent, les \u0153uvres expos\u00e9es ne me disaient plus rien ; elles dataient de p\u00e9riodes enfouies que j\u2019aurais aim\u00e9 oublier plus profond\u00e9ment encore.<\/p>\n

C\u2019est cette zone de confort et ce malaise vis-\u00e0-vis de la perception de mon travail qui me conduisaient \u00e0 prendre parfois « par-dessus la jambe » certaines expositions.<\/p>\n

\u00c0 ces moments-l\u00e0, il fallait faire le job et accumuler une quantit\u00e9 impressionnante de toiles sur les murs pour \u00e9pater le visiteur potentiel d\u2019une certaine fa\u00e7on, prouver que j\u2019\u00e9tais bel et bien un peintre. \u00c0 ces moments-l\u00e0, m\u00eame l\u2019id\u00e9e d\u2019\u00eatre un artiste m\u2019\u00e9chappait totalement.<\/p>\n

Et puis, parfois aussi, le manque d\u2019argent, l\u2019accumulation des factures, les appels r\u00e9p\u00e9t\u00e9s des banquiers, des huissiers me conduisaient souvent \u00e0 n\u2019avoir comme but que la vente. C\u2019est dire qu\u2019une exposition r\u00e9ussie \u00e9tait alors une exposition o\u00f9 j\u2019avais vendu, et une exposition rat\u00e9e \u00e9tait celle o\u00f9 je repartais bredouille.<\/p>\n

Sans doute est-ce pour cette raison que je n\u2019ai jamais vraiment fait de publicit\u00e9, que je n\u2019ai jamais voulu mettre en avant toutes ces expositions. Mes sentiments n\u00e9gatifs prenaient le pas sur la richesse que chacune, malgr\u00e9 tout, m\u2019avait apport\u00e9e. Notamment les rencontres, les avis que certains visiteurs un peu plus loquaces que d\u2019autres m\u2019avaient confi\u00e9s sur ce travail.<\/p>\n

Car parall\u00e8lement, j\u2019\u00e9tais obs\u00e9d\u00e9 par l\u2019id\u00e9e de chercher quelque chose que je ne parvenais pas \u00e0 trouver. Sans doute parce que, confus\u00e9ment, je ne tenais pas \u00e0 le trouver. Je m\u2019emp\u00eachais tout simplement l\u2019acc\u00e8s \u00e0 cette zone que j\u2019estimais suspecte, dangereuse. On pourrait appeler cela le l\u00e2cher-prise, la confiance totale, l\u2019amour, et la liste n\u2019est sans doute pas exhaustive pour tenter de nommer cette « chose ».<\/p>\n

J\u2019avais tellement rapetiss\u00e9 dans une id\u00e9e de perte et de gain que j\u2019\u00e9tais comme scind\u00e9 en deux. Dans mon atelier, j\u2019\u00e9tais un g\u00e9ant et, dans ces expositions, j\u2019\u00e9tais un nain. Je ne parvenais pas \u00e0 faire la soudure entre les deux.<\/p>\n

De plus, les avis n\u00e9gatifs, comme l\u2019indiff\u00e9rence du public, me touchaient de plein fouet. Je continuais n\u00e9anmoins \u00e0 afficher un sourire comme si cela n\u2019avait aucune esp\u00e8ce d\u2019importance. C\u2019est dire \u00e0 quel point on peut se tromper d\u2019id\u00e9e d\u2019importance sur le chemin.<\/p>\n

Ce qui m\u2019a permis de tenir, c\u2019est \u00e0 la fois l\u2019orgueil et le fait d\u2019abandonner les m\u00e9tiers alimentaires, de parvenir \u00e0 \u00eatre « sans filet » financi\u00e8rement. C\u2019\u00e9tait \u00e0 l\u2019\u00e9poque une vraie folie. Mais je me rendais compte tout \u00e0 coup que je ne pouvais rien faire d\u2019autre que d\u2019\u00eatre tout entier dans la peinture.<\/p>\n

J\u2019avais d\u00e9plac\u00e9 ce personnage omnipr\u00e9sent dans ma vie, celui qui, de toute fa\u00e7on, allait « r\u00e9ussir » un jour dans de multiples domaines d\u00e9j\u00e0 : que ce soit la chanson, la photographie, une carri\u00e8re de cadre, l\u2019\u00e9criture, et pour finir la peinture.<\/p>\n

J\u2019ai toujours r\u00eav\u00e9 que j\u2019allais r\u00e9ussir, quoi qu\u2019il se passe, jusqu\u2019\u00e0 la cinquantaine, et m\u00eame un peu plus.<\/p>\n

C\u2019est \u00e0 la soixantaine que le principe de r\u00e9alit\u00e9 m\u2019est finalement tomb\u00e9 dessus. Et que je me suis r\u00e9veill\u00e9 de ce long r\u00eave.<\/p>\n

Rien d\u2019amer l\u00e0-dedans, tout au contraire. L\u2019orgueil, peu \u00e0 peu, avait fait son travail de sape et avait d\u00e9truit quasiment toutes mes chances, les unes apr\u00e8s les autres. Ce que j\u2019imaginais \u00eatre des chances.<\/p>\n

C\u2019est l\u00e0 o\u00f9 je me rends compte que peindre n\u2019am\u00e9liore pas seulement les tableaux au cours des ann\u00e9es, mais soi-m\u00eame.<\/p>\n

Le regard s\u2019am\u00e9liore sur beaucoup de choses que l\u2019on ne voyait pas d\u2019ordinaire.<\/p>\n

Cet \u00e9lan vers une forme de l\u00e2cher-prise, jusque-l\u00e0, j\u2019appelais cela faire confiance au hasard, et j\u2019avais concentr\u00e9 celle-ci d\u00e9sormais uniquement sur l\u2019espace de la toile.<\/p>\n

Je n\u2019arrivais pas \u00e0 faire le lien avec ma vie toute enti\u00e8re, qui ne m\u2019apparaissait finalement que comme une somme de non-sens, de d\u00e9boires, d\u2019\u00e9checs. Du reste, si je peignais, c\u2019\u00e9tait pour oublier tout ce d\u00e9sordre que j\u2019avais travers\u00e9, ou tenter confus\u00e9ment d\u2019en rendre compte maladroitement, pensais-je. J\u2019essayais d\u2019extraire de l\u2019ordre, de la beaut\u00e9 de ce d\u00e9sordre sans vraiment le savoir.<\/p>\n

Parfois, cela semblait fonctionner et on me disait : « J\u2019adore cette toile, c\u2019est beau » ; d\u2019autres fois, cela ne semblait pas fonctionner et, soit on ne me disait rien, soit en tendant l\u2019oreille je r\u00e9coltais quelques r\u00e9flexions pas toujours agr\u00e9ables.<\/p>\n

Je me souviens d\u2019une femme \u00e2g\u00e9e dont la posture arrogante m\u2019avait fait suivre tous ses d\u00e9placements en catimini dans une exposition en Haute-Savoie.<\/p>\n

Parvenue devant une toile que j\u2019estimais \u00eatre une de mes \u0153uvres majeures, voici qu\u2019elle l\u00e2che \u00e0 la personne qui l\u2019accompagnait : « Mon Dieu, comme c\u2019est plat ! » C\u2019\u00e9tait en gros comme si on m\u2019avait plant\u00e9 un couteau dans le dos, ni plus ni moins. \u00c0 la fois de la douleur et de la col\u00e8re.<\/p>\n

J\u2019ai bien s\u00fbr repens\u00e9 mille fois \u00e0 cette anecdote et tout ce que j\u2019en retire d\u00e9sormais, c\u2019est ce manque de confiance en moi \u00e0 cette \u00e9poque. Confiance dans les circonstances aussi, car j\u2019aurais alors d\u00fb r\u00e9agir vis-\u00e0-vis de cette personne, sans doute, aller vers elle, lui parler, simplement donner mon opinion de peintre sans rien attendre en retour.<\/p>\n

Mais j\u2019\u00e9tais, comme je l\u2019ai dit, ax\u00e9 sur les ventes. Celle-ci, c\u2019\u00e9tait certain, n\u2019ach\u00e8terait rien ; il fallait juste patienter suffisamment pour qu\u2019elle d\u00e9guerpisse.<\/p>\n

Voil\u00e0 l\u2019homme.<\/p>\n

Quant au peintre, il se tord encore les doigts. Tout simplement parce qu\u2019il a laiss\u00e9 filer une occasion de partager quelque chose d\u2019important, si difficile \u00e0 nommer.<\/p>\n

Ce que voulait dire cette femme \u00e0 propos de la platitude qu\u2019elle ressentait de mon travail, j\u2019aurais d\u00fb la prendre dans mes bras, car elle avait tout \u00e0 fait raison. C\u2019\u00e9tait plat, car tout entier dans la couche apparente, lisse et vernie. C\u2019\u00e9tait plat car uniquement s\u00e9duisant. Combien d\u2019\u00e9l\u00e9ments nouveaux j\u2019aurais alors pu r\u00e9colter en ayant une bonne conversation avec cette femme qu\u2019int\u00e9rieurement j\u2019affublais de sobriquets, de clich\u00e9s, moi qui ne cesse de protester justement contre tout cela ?<\/p>\n

Tout et son contraire. L\u2019homme et le peintre.<\/p>\n

Et cette bagarre perp\u00e9tuelle entre les deux pour savoir qui va avoir raison. Cette apparente perte de temps qui s\u2019appelle aussi la vie ; cette apparente perte de temps sans laquelle, pourtant, nous ne pourrions rien apprendre, rien comprendre, marcher tout simplement \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de notre propre existence.<\/p>\n

Un ami aime raconter des blagues. Et il me dit souvent, \u00e0 chaque fois que nous nous voyons : « Avec ton \u00e9pouse, que pr\u00e9f\u00e8res-tu ? Avoir raison ou \u00eatre heureux ? »<\/p>\n

Cela me fait toujours rire, cela nous fait toujours rire. Nous restons dans cette connivence d\u2019homme un moment. C\u2019est souvent suivi d\u2019un court silence. Comme lorsqu\u2019on avale une lamp\u00e9e d\u2019eau-de-vie. Faut savourer ce genre de moment.<\/p>\n

Avoir raison ou \u00eatre heureux. N\u2019est-ce pas la question la plus importante de toutes \u00e0 un certain moment de notre vie ?<\/p>\n

Cela va tr\u00e8s loin. Cela signifie que la raison n\u2019est pas n\u00e9cessaire pour p\u00e9n\u00e9trer dans la joie, dans l\u2019amour, pour aller vers les autres.<\/p>\n

Cela ne sert m\u00eame \u00e0 rien d\u2019\u00eatre « raisonnable » pour monter une exposition ; cela ne sert \u00e0 rien d\u2019\u00eatre raisonnable en se disant que tout est bas\u00e9 sur le fait de vendre ses \u0153uvres pour bouffer. Tout cela ne sert strictement \u00e0 rien. Tout cela ne rend pas heureux. Et c\u2019est totalement vrai.<\/p>\n

M\u00eame les expositions o\u00f9 j\u2019ai estim\u00e9 avoir r\u00e9ussi mon coup, en vendant parfois plusieurs toiles, me laissent d\u00e9sormais une amertume. Parce que je sais \u00e0 pr\u00e9sent que je n\u2019\u00e9tais pas dans l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit pour \u00eatre heureux. Je voulais avoir raison avec l\u2019id\u00e9e que je m\u2019\u00e9tais forg\u00e9e : vendre, tout simplement. La r\u00e9ussite n\u2019\u00e9tait bas\u00e9e que l\u00e0-dessus.<\/p>\n

Je peux mesurer \u00e0 quel point cet \u00e9tat d\u2019esprit s\u2019est modifi\u00e9 d\u00e9sormais. Pour cette exposition \u00e0 la fin du mois, \u00e0 aucun moment je n\u2019ai pens\u00e9, durant la pr\u00e9paration, \u00e0 vouloir vendre quoi que ce soit. C\u2019est presque suspect.<\/p>\n

Mais non, en fait, je suis pr\u00e9occup\u00e9 par autre chose, tout simplement ; je mets tout en \u0153uvre, je crois, pour favoriser cet instant o\u00f9, seul dans les salles de ce grand centre culturel, je vais devoir faire confiance pour accrocher mes toiles. Je crois que c\u2019est plus cela, l\u2019enjeu v\u00e9ritable pour moi de ce genre d\u2019exposition. Et j\u2019en mesurerai sans doute le r\u00e9sultat non pas \u00e0 la raison, aux ventes, aux f\u00e9licitations ni aux critiques, mais seulement \u00e0 l\u2019\u00e9volution de mon impeccabilit\u00e9 entre ces deux mots : « chercher et trouver ».<\/p>", "content_text": " S\u2019il n\u2019y a pas de \u00ab petit \u00bb lieu pour exposer, il y a certainement plusieurs fa\u00e7ons d\u2019attribuer de l\u2019importance \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019accrocher ses \u0153uvres. \u00c0 un moment donn\u00e9 du parcours, j\u2019avoue que je ne m\u2019en souciais pas. J\u2019encha\u00eenais les expositions, notamment avant la pand\u00e9mie, et force est de constater, en revenant sur mes souvenirs, que souvent c\u2019\u00e9tait pour moi une sorte de corv\u00e9e. Ce n\u2019\u00e9tait pas d\u00fb aux diff\u00e9rents lieux, mais plut\u00f4t \u00e0 une zone de confort dans laquelle je me r\u00e9fugiais. Car souvent, les \u0153uvres expos\u00e9es ne me disaient plus rien ; elles dataient de p\u00e9riodes enfouies que j\u2019aurais aim\u00e9 oublier plus profond\u00e9ment encore. C\u2019est cette zone de confort et ce malaise vis-\u00e0-vis de la perception de mon travail qui me conduisaient \u00e0 prendre parfois \u00ab par-dessus la jambe \u00bb certaines expositions. \u00c0 ces moments-l\u00e0, il fallait faire le job et accumuler une quantit\u00e9 impressionnante de toiles sur les murs pour \u00e9pater le visiteur potentiel d\u2019une certaine fa\u00e7on, prouver que j\u2019\u00e9tais bel et bien un peintre. \u00c0 ces moments-l\u00e0, m\u00eame l\u2019id\u00e9e d\u2019\u00eatre un artiste m\u2019\u00e9chappait totalement. Et puis, parfois aussi, le manque d\u2019argent, l\u2019accumulation des factures, les appels r\u00e9p\u00e9t\u00e9s des banquiers, des huissiers me conduisaient souvent \u00e0 n\u2019avoir comme but que la vente. C\u2019est dire qu\u2019une exposition r\u00e9ussie \u00e9tait alors une exposition o\u00f9 j\u2019avais vendu, et une exposition rat\u00e9e \u00e9tait celle o\u00f9 je repartais bredouille. Sans doute est-ce pour cette raison que je n\u2019ai jamais vraiment fait de publicit\u00e9, que je n\u2019ai jamais voulu mettre en avant toutes ces expositions. Mes sentiments n\u00e9gatifs prenaient le pas sur la richesse que chacune, malgr\u00e9 tout, m\u2019avait apport\u00e9e. Notamment les rencontres, les avis que certains visiteurs un peu plus loquaces que d\u2019autres m\u2019avaient confi\u00e9s sur ce travail. Car parall\u00e8lement, j\u2019\u00e9tais obs\u00e9d\u00e9 par l\u2019id\u00e9e de chercher quelque chose que je ne parvenais pas \u00e0 trouver. Sans doute parce que, confus\u00e9ment, je ne tenais pas \u00e0 le trouver. Je m\u2019emp\u00eachais tout simplement l\u2019acc\u00e8s \u00e0 cette zone que j\u2019estimais suspecte, dangereuse. On pourrait appeler cela le l\u00e2cher-prise, la confiance totale, l\u2019amour, et la liste n\u2019est sans doute pas exhaustive pour tenter de nommer cette \u00ab chose \u00bb. J\u2019avais tellement rapetiss\u00e9 dans une id\u00e9e de perte et de gain que j\u2019\u00e9tais comme scind\u00e9 en deux. Dans mon atelier, j\u2019\u00e9tais un g\u00e9ant et, dans ces expositions, j\u2019\u00e9tais un nain. Je ne parvenais pas \u00e0 faire la soudure entre les deux. De plus, les avis n\u00e9gatifs, comme l\u2019indiff\u00e9rence du public, me touchaient de plein fouet. Je continuais n\u00e9anmoins \u00e0 afficher un sourire comme si cela n\u2019avait aucune esp\u00e8ce d\u2019importance. C\u2019est dire \u00e0 quel point on peut se tromper d\u2019id\u00e9e d\u2019importance sur le chemin. Ce qui m\u2019a permis de tenir, c\u2019est \u00e0 la fois l\u2019orgueil et le fait d\u2019abandonner les m\u00e9tiers alimentaires, de parvenir \u00e0 \u00eatre \u00ab sans filet \u00bb financi\u00e8rement. C\u2019\u00e9tait \u00e0 l\u2019\u00e9poque une vraie folie. Mais je me rendais compte tout \u00e0 coup que je ne pouvais rien faire d\u2019autre que d\u2019\u00eatre tout entier dans la peinture. J\u2019avais d\u00e9plac\u00e9 ce personnage omnipr\u00e9sent dans ma vie, celui qui, de toute fa\u00e7on, allait \u00ab r\u00e9ussir \u00bb un jour dans de multiples domaines d\u00e9j\u00e0 : que ce soit la chanson, la photographie, une carri\u00e8re de cadre, l\u2019\u00e9criture, et pour finir la peinture. J\u2019ai toujours r\u00eav\u00e9 que j\u2019allais r\u00e9ussir, quoi qu\u2019il se passe, jusqu\u2019\u00e0 la cinquantaine, et m\u00eame un peu plus. C\u2019est \u00e0 la soixantaine que le principe de r\u00e9alit\u00e9 m\u2019est finalement tomb\u00e9 dessus. Et que je me suis r\u00e9veill\u00e9 de ce long r\u00eave. Rien d\u2019amer l\u00e0-dedans, tout au contraire. L\u2019orgueil, peu \u00e0 peu, avait fait son travail de sape et avait d\u00e9truit quasiment toutes mes chances, les unes apr\u00e8s les autres. Ce que j\u2019imaginais \u00eatre des chances. C\u2019est l\u00e0 o\u00f9 je me rends compte que peindre n\u2019am\u00e9liore pas seulement les tableaux au cours des ann\u00e9es, mais soi-m\u00eame. Le regard s\u2019am\u00e9liore sur beaucoup de choses que l\u2019on ne voyait pas d\u2019ordinaire. Cet \u00e9lan vers une forme de l\u00e2cher-prise, jusque-l\u00e0, j\u2019appelais cela faire confiance au hasard, et j\u2019avais concentr\u00e9 celle-ci d\u00e9sormais uniquement sur l\u2019espace de la toile. Je n\u2019arrivais pas \u00e0 faire le lien avec ma vie toute enti\u00e8re, qui ne m\u2019apparaissait finalement que comme une somme de non-sens, de d\u00e9boires, d\u2019\u00e9checs. Du reste, si je peignais, c\u2019\u00e9tait pour oublier tout ce d\u00e9sordre que j\u2019avais travers\u00e9, ou tenter confus\u00e9ment d\u2019en rendre compte maladroitement, pensais-je. J\u2019essayais d\u2019extraire de l\u2019ordre, de la beaut\u00e9 de ce d\u00e9sordre sans vraiment le savoir. Parfois, cela semblait fonctionner et on me disait : \u00ab J\u2019adore cette toile, c\u2019est beau \u00bb ; d\u2019autres fois, cela ne semblait pas fonctionner et, soit on ne me disait rien, soit en tendant l\u2019oreille je r\u00e9coltais quelques r\u00e9flexions pas toujours agr\u00e9ables. Je me souviens d\u2019une femme \u00e2g\u00e9e dont la posture arrogante m\u2019avait fait suivre tous ses d\u00e9placements en catimini dans une exposition en Haute-Savoie. Parvenue devant une toile que j\u2019estimais \u00eatre une de mes \u0153uvres majeures, voici qu\u2019elle l\u00e2che \u00e0 la personne qui l\u2019accompagnait : \u00ab Mon Dieu, comme c\u2019est plat ! \u00bb C\u2019\u00e9tait en gros comme si on m\u2019avait plant\u00e9 un couteau dans le dos, ni plus ni moins. \u00c0 la fois de la douleur et de la col\u00e8re. J\u2019ai bien s\u00fbr repens\u00e9 mille fois \u00e0 cette anecdote et tout ce que j\u2019en retire d\u00e9sormais, c\u2019est ce manque de confiance en moi \u00e0 cette \u00e9poque. Confiance dans les circonstances aussi, car j\u2019aurais alors d\u00fb r\u00e9agir vis-\u00e0-vis de cette personne, sans doute, aller vers elle, lui parler, simplement donner mon opinion de peintre sans rien attendre en retour. Mais j\u2019\u00e9tais, comme je l\u2019ai dit, ax\u00e9 sur les ventes. Celle-ci, c\u2019\u00e9tait certain, n\u2019ach\u00e8terait rien ; il fallait juste patienter suffisamment pour qu\u2019elle d\u00e9guerpisse. Voil\u00e0 l\u2019homme. Quant au peintre, il se tord encore les doigts. Tout simplement parce qu\u2019il a laiss\u00e9 filer une occasion de partager quelque chose d\u2019important, si difficile \u00e0 nommer. Ce que voulait dire cette femme \u00e0 propos de la platitude qu\u2019elle ressentait de mon travail, j\u2019aurais d\u00fb la prendre dans mes bras, car elle avait tout \u00e0 fait raison. C\u2019\u00e9tait plat, car tout entier dans la couche apparente, lisse et vernie. C\u2019\u00e9tait plat car uniquement s\u00e9duisant. Combien d\u2019\u00e9l\u00e9ments nouveaux j\u2019aurais alors pu r\u00e9colter en ayant une bonne conversation avec cette femme qu\u2019int\u00e9rieurement j\u2019affublais de sobriquets, de clich\u00e9s, moi qui ne cesse de protester justement contre tout cela ? Tout et son contraire. L\u2019homme et le peintre. Et cette bagarre perp\u00e9tuelle entre les deux pour savoir qui va avoir raison. Cette apparente perte de temps qui s\u2019appelle aussi la vie ; cette apparente perte de temps sans laquelle, pourtant, nous ne pourrions rien apprendre, rien comprendre, marcher tout simplement \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de notre propre existence. Un ami aime raconter des blagues. Et il me dit souvent, \u00e0 chaque fois que nous nous voyons : \u00ab Avec ton \u00e9pouse, que pr\u00e9f\u00e8res-tu ? Avoir raison ou \u00eatre heureux ? \u00bb Cela me fait toujours rire, cela nous fait toujours rire. Nous restons dans cette connivence d\u2019homme un moment. C\u2019est souvent suivi d\u2019un court silence. Comme lorsqu\u2019on avale une lamp\u00e9e d\u2019eau-de-vie. Faut savourer ce genre de moment. Avoir raison ou \u00eatre heureux. N\u2019est-ce pas la question la plus importante de toutes \u00e0 un certain moment de notre vie ? Cela va tr\u00e8s loin. Cela signifie que la raison n\u2019est pas n\u00e9cessaire pour p\u00e9n\u00e9trer dans la joie, dans l\u2019amour, pour aller vers les autres. Cela ne sert m\u00eame \u00e0 rien d\u2019\u00eatre \u00ab raisonnable \u00bb pour monter une exposition ; cela ne sert \u00e0 rien d\u2019\u00eatre raisonnable en se disant que tout est bas\u00e9 sur le fait de vendre ses \u0153uvres pour bouffer. Tout cela ne sert strictement \u00e0 rien. Tout cela ne rend pas heureux. Et c\u2019est totalement vrai. M\u00eame les expositions o\u00f9 j\u2019ai estim\u00e9 avoir r\u00e9ussi mon coup, en vendant parfois plusieurs toiles, me laissent d\u00e9sormais une amertume. Parce que je sais \u00e0 pr\u00e9sent que je n\u2019\u00e9tais pas dans l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit pour \u00eatre heureux. Je voulais avoir raison avec l\u2019id\u00e9e que je m\u2019\u00e9tais forg\u00e9e : vendre, tout simplement. La r\u00e9ussite n\u2019\u00e9tait bas\u00e9e que l\u00e0-dessus. Je peux mesurer \u00e0 quel point cet \u00e9tat d\u2019esprit s\u2019est modifi\u00e9 d\u00e9sormais. Pour cette exposition \u00e0 la fin du mois, \u00e0 aucun moment je n\u2019ai pens\u00e9, durant la pr\u00e9paration, \u00e0 vouloir vendre quoi que ce soit. C\u2019est presque suspect. Mais non, en fait, je suis pr\u00e9occup\u00e9 par autre chose, tout simplement ; je mets tout en \u0153uvre, je crois, pour favoriser cet instant o\u00f9, seul dans les salles de ce grand centre culturel, je vais devoir faire confiance pour accrocher mes toiles. Je crois que c\u2019est plus cela, l\u2019enjeu v\u00e9ritable pour moi de ce genre d\u2019exposition. Et j\u2019en mesurerai sans doute le r\u00e9sultat non pas \u00e0 la raison, aux ventes, aux f\u00e9licitations ni aux critiques, mais seulement \u00e0 l\u2019\u00e9volution de mon impeccabilit\u00e9 entre ces deux mots : \u00ab chercher et trouver \u00bb. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3161.jpg?1763499567", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-papillon-de-nuit.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-papillon-de-nuit.html", "title": "Le papillon de nuit", "date_published": "2021-09-19T01:47:34Z", "date_modified": "2025-11-18T20:55:19Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

L\u2019hiver dernier, nous avons eu froid et, pour apporter un peu de chaleur dans l\u2019atelier et en m\u00eame temps att\u00e9nuer l\u2019odeur de tabac qui souvent y r\u00e8gne, j\u2019ai allum\u00e9 une bougie parfum\u00e9e.<\/p>\n

J\u2019\u00e9tais en train de relire des notes quand mon regard a \u00e9t\u00e9 attir\u00e9 par une ombre se d\u00e9pla\u00e7ant vivement sur le grand mur du fond. En remontant \u00e0 la source, j\u2019ai vu un tout petit papillon de nuit qui voltigeait autour de la flamme de la bougie. Puis, soudain, il s\u2019est embras\u00e9 et est tomb\u00e9, consum\u00e9, sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re puis sur le sol.<\/p>\n

Quelques instants, j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 une sensation de tristesse en me disant : « Mais quelle andouille, ce papillon ! Un papillon, \u00e7a ne vit pas tr\u00e8s longtemps en g\u00e9n\u00e9ral, alors si en plus ils se mettent \u00e0 jouer les kamikazes, \u00e7a n\u2019augure rien de bon concernant les temps actuels. »<\/p>\n

J\u2019ai attrap\u00e9 la pelle et le balai et je lui ai fait un petit enterrement vite fait bien fait, direction la poubelle.<\/p>\n

Puis j\u2019ai essay\u00e9 de reprendre le cours de ma lecture. En vain. Quelque chose m\u2019en emp\u00eachait.<\/p>\n

Depuis toujours, je crois que j\u2019ai cette tendance \u00e0 m\u2019appuyer sur un d\u00e9tail, un micro-\u00e9v\u00e9nement dont la plupart des personnes que je connais se d\u00e9sint\u00e9resseraient, pour lui trouver un sens.<\/p>\n

En fait, si je ne fermais pas les \u00e9coutilles de temps en temps, je pourrais dire que tout me parle.<\/p>\n

\u00c0 cet instant, je n\u2019avais sans doute pas eu le r\u00e9flexe de fermer les \u00e9coutilles \u00e0 temps.<\/p>\n

Qu\u2019un papillon soit tellement attir\u00e9 par une flamme qu\u2019il s\u2019y br\u00fble et meurt, il y avait l\u00e0 mati\u00e8re \u00e0 r\u00e9flexion ; et cette r\u00e9flexion, en bon \u00e9gocentrique que je suis, ne pouvait me renvoyer qu\u2019\u00e0 moi-m\u00eame en premier lieu.<\/p>\n

Quelque part, j\u2019\u00e9prouvais une sorte de col\u00e8re et en m\u00eame temps de l\u2019admiration pour ce que cette bestiole avait os\u00e9 faire.<\/p>\n

\u00catre tellement attir\u00e9 par la lumi\u00e8re qu\u2019il se confonde et s\u2019oublie totalement en elle, jusqu\u2019\u00e0 dispara\u00eetre totalement.<\/p>\n

N\u2019\u00e9tait-ce pas incroyable ?<\/p>\n

Du coup, je me suis mis \u00e0 penser \u00e0 ce que pouvait repr\u00e9senter cette lumi\u00e8re dans une t\u00eate de papillon ; sans doute \u00e9tait-ce \u00e0 peu de chose pr\u00e8s la m\u00eame chose que la peinture pour un peintre ou l\u2019\u00e9criture pour un \u00e9crivain : une sorte de passion effr\u00e9n\u00e9e qui peut mener \u00e0 les consumer enti\u00e8rement.<\/p>\n

La premi\u00e8re id\u00e9e qui s\u2019en suivit est que la passion est suspecte, qu\u2019il ne faut pas se jeter \u00e0 corps perdu en elle, comme le soulignent les philosophes depuis la nuit des temps. Genre le mot d\u2019ordre qui remonte \u00e0 la surface.<\/p>\n

La seconde id\u00e9e qui me vint contredisait totalement la premi\u00e8re. Et je me disais qu\u2019il doit \u00eatre bon, finalement, de se jeter \u00e0 corps perdu dans ce que l\u2019on d\u00e9sire plus que tout, quitte \u00e0 en crever.<\/p>\n

Puis m\u2019est revenue une vieille question que je pose \u00e0 toutes les personnes que j\u2019aper\u00e7ois avec un mille-feuilles \u00e0 la main :<\/p>\n

« Par quoi vas-tu commencer ? Par le gla\u00e7age, ou bien le gardes-tu pour la fin ? »<\/p>\n

En g\u00e9n\u00e9ral, personne ne r\u00e9pond, la bouche pleine. Et en plus, tr\u00e8s peu se posent ce genre de probl\u00e8me dans la vie.<\/p>\n

Une fois, une fille pourtant m\u2019a r\u00e9pondu : « Je commence directement par le gla\u00e7age parce qu\u2019on ne sait jamais : je peux me faire renverser par une voiture d\u2019un coup, ou mourir subitement d\u2019un AVC. »<\/p>\n

Nous avons v\u00e9cu une passion effr\u00e9n\u00e9e durant quelques semaines et puis, au bout du compte, nous nous sommes quitt\u00e9s. En fait, c\u2019est moi qui l\u2019ai quitt\u00e9e parce que je trouvais la passion plut\u00f4t fatigante, et aussi j\u2019imaginais que j\u2019avais tout un tas d\u2019autres choses \u00e0 faire.<\/p>", "content_text": "L\u2019hiver dernier, nous avons eu froid et, pour apporter un peu de chaleur dans l\u2019atelier et en m\u00eame temps att\u00e9nuer l\u2019odeur de tabac qui souvent y r\u00e8gne, j\u2019ai allum\u00e9 une bougie parfum\u00e9e. J\u2019\u00e9tais en train de relire des notes quand mon regard a \u00e9t\u00e9 attir\u00e9 par une ombre se d\u00e9pla\u00e7ant vivement sur le grand mur du fond. En remontant \u00e0 la source, j\u2019ai vu un tout petit papillon de nuit qui voltigeait autour de la flamme de la bougie. Puis, soudain, il s\u2019est embras\u00e9 et est tomb\u00e9, consum\u00e9, sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re puis sur le sol. Quelques instants, j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 une sensation de tristesse en me disant : \u00ab Mais quelle andouille, ce papillon ! Un papillon, \u00e7a ne vit pas tr\u00e8s longtemps en g\u00e9n\u00e9ral, alors si en plus ils se mettent \u00e0 jouer les kamikazes, \u00e7a n\u2019augure rien de bon concernant les temps actuels. \u00bb J\u2019ai attrap\u00e9 la pelle et le balai et je lui ai fait un petit enterrement vite fait bien fait, direction la poubelle. Puis j\u2019ai essay\u00e9 de reprendre le cours de ma lecture. En vain. Quelque chose m\u2019en emp\u00eachait. Depuis toujours, je crois que j\u2019ai cette tendance \u00e0 m\u2019appuyer sur un d\u00e9tail, un micro-\u00e9v\u00e9nement dont la plupart des personnes que je connais se d\u00e9sint\u00e9resseraient, pour lui trouver un sens. En fait, si je ne fermais pas les \u00e9coutilles de temps en temps, je pourrais dire que tout me parle. \u00c0 cet instant, je n\u2019avais sans doute pas eu le r\u00e9flexe de fermer les \u00e9coutilles \u00e0 temps. Qu\u2019un papillon soit tellement attir\u00e9 par une flamme qu\u2019il s\u2019y br\u00fble et meurt, il y avait l\u00e0 mati\u00e8re \u00e0 r\u00e9flexion ; et cette r\u00e9flexion, en bon \u00e9gocentrique que je suis, ne pouvait me renvoyer qu\u2019\u00e0 moi-m\u00eame en premier lieu. Quelque part, j\u2019\u00e9prouvais une sorte de col\u00e8re et en m\u00eame temps de l\u2019admiration pour ce que cette bestiole avait os\u00e9 faire. \u00catre tellement attir\u00e9 par la lumi\u00e8re qu\u2019il se confonde et s\u2019oublie totalement en elle, jusqu\u2019\u00e0 dispara\u00eetre totalement. N\u2019\u00e9tait-ce pas incroyable ? Du coup, je me suis mis \u00e0 penser \u00e0 ce que pouvait repr\u00e9senter cette lumi\u00e8re dans une t\u00eate de papillon ; sans doute \u00e9tait-ce \u00e0 peu de chose pr\u00e8s la m\u00eame chose que la peinture pour un peintre ou l\u2019\u00e9criture pour un \u00e9crivain : une sorte de passion effr\u00e9n\u00e9e qui peut mener \u00e0 les consumer enti\u00e8rement. La premi\u00e8re id\u00e9e qui s\u2019en suivit est que la passion est suspecte, qu\u2019il ne faut pas se jeter \u00e0 corps perdu en elle, comme le soulignent les philosophes depuis la nuit des temps. Genre le mot d\u2019ordre qui remonte \u00e0 la surface. La seconde id\u00e9e qui me vint contredisait totalement la premi\u00e8re. Et je me disais qu\u2019il doit \u00eatre bon, finalement, de se jeter \u00e0 corps perdu dans ce que l\u2019on d\u00e9sire plus que tout, quitte \u00e0 en crever. Puis m\u2019est revenue une vieille question que je pose \u00e0 toutes les personnes que j\u2019aper\u00e7ois avec un mille-feuilles \u00e0 la main : \u00ab Par quoi vas-tu commencer ? Par le gla\u00e7age, ou bien le gardes-tu pour la fin ? \u00bb En g\u00e9n\u00e9ral, personne ne r\u00e9pond, la bouche pleine. Et en plus, tr\u00e8s peu se posent ce genre de probl\u00e8me dans la vie. Une fois, une fille pourtant m\u2019a r\u00e9pondu : \u00ab Je commence directement par le gla\u00e7age parce qu\u2019on ne sait jamais : je peux me faire renverser par une voiture d\u2019un coup, ou mourir subitement d\u2019un AVC. \u00bb Nous avons v\u00e9cu une passion effr\u00e9n\u00e9e durant quelques semaines et puis, au bout du compte, nous nous sommes quitt\u00e9s. En fait, c\u2019est moi qui l\u2019ai quitt\u00e9e parce que je trouvais la passion plut\u00f4t fatigante, et aussi j\u2019imaginais que j\u2019avais tout un tas d\u2019autres choses \u00e0 faire. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3151.jpg?1763499275", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-peur-du-vide.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-peur-du-vide.html", "title": "La peur du vide", "date_published": "2021-09-18T08:50:18Z", "date_modified": "2025-11-18T20:51:41Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

La toile est vide et il faut la remplir de quelque chose. C\u2019est sans doute ce que je me dis lorsque j\u2019entreprends de peindre \u00e0 mes d\u00e9buts. C\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 partir du moment o\u00f9 je me mets \u00e0 penser, o\u00f9 la conscience devient le capitaine du bateau, qui r\u00e9pudie les r\u00eaves, les fantasmes, la na\u00efvet\u00e9 \u00e0 fond de cale.<\/p>\n

Cette conscience capitaine se dit \u00e0 elle-m\u00eame qu\u2019elle aura besoin, pour exister, de tellement de serviteurs et d\u2019outils, de d\u00e9tracteurs comme d\u2019admirateurs... Il lui faut remplir quelque chose afin de dissimuler ce qu\u2019elle estime \u00eatre le manque.<\/p>\n

Il lui faut comparer, rivaliser, construire des \u00e9chelles de tout acabit pour se positionner ainsi sur tel ou tel barreau de celles-ci... se mettre en qu\u00eate d\u2019une id\u00e9e d\u2019excellence sans m\u00eame prendre le temps d\u2019\u00e9tudier ce qu\u2019est v\u00e9ritablement l\u2019excellence. Une conscience qui, pour grandir, s\u2019appuie sur des rumeurs, des « on dit ». C\u2019est une conscience qui n\u2019existe que parce qu\u2019elle se refl\u00e8te dans l\u2019ext\u00e9rieur ; elle ne peut \u00eatre sans miroir.<\/p>\n

Et en m\u00eame temps, entrav\u00e9e \u00e0 tout bout de champ par les \u00e9motions, les sensations, les sentiments, tout ce maelstr\u00f6m \u00e9motionnel dont elle ne sait que faire.<\/p>\n

La conscience est tout \u00e0 fait consciente, surtout, qu\u2019un jour elle s\u2019\u00e9teindra avec le corps. Que la mort balaiera tout.<\/p>\n

Elle devra fixer le vide en face avant de se laisser engloutir par celui-ci.<\/p>\n

Il s\u2019agit de trouver la bonne embarcation pour effectuer ce voyage, dans l\u2019espoir d\u2019abolir la peur.<\/p>\n

J\u2019ai essay\u00e9 un tas de choses.<\/p>\n

La musique, les filles, l\u2019\u00e9criture, la peinture, la marche, l\u2019alcool, l\u2019apn\u00e9e, la danse de Saint-Guy, l\u2019\u00e9tude du Talmud et de la Cabale, l\u2019alchimie, les rituels chamaniques, j\u2019en passe et des meilleures... Je vous livre \u00e7a dans un joli d\u00e9sordre.<\/p>\n

Auparavant, je ne parlais jamais de ces choses. Elles me faisaient honte ; elles me renvoyaient \u00e0 mon incoh\u00e9rence crasse. J\u2019avais cette conscience aigu\u00eb (toujours elle) que toutes ces choses n\u2019\u00e9taient que des pertes de temps. \u00c0 chaque fois, cette d\u00e9faite, cette sensation de s\u2019\u00eatre fourvoy\u00e9.<\/p>\n

Alors je me suis demand\u00e9 ce qu\u2019\u00e9tait le temps. Comment pouvait-on perdre ce que l\u2019on ignorait poss\u00e9der ?<\/p>\n

Car, sans le savoir, j\u2019\u00e9tais \u00e9ternel, vous savez ; j\u2019avais \u00e0 la fois trop et pas assez de temps. Je ne savais pas employer le temps ; comment peut-on employer une absence ?<\/p>\n

C\u2019est gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019ennui que je suis revenu au rythme, \u00e0 la musicalit\u00e9 et donc au temps.<\/p>\n

Au d\u00e9but, \u00e7a avait l\u2019air ludique de taper sur des gamelles ; puis, assez vite, pas vraiment.<\/p>\n

Se lever \u00e0 l\u2019aube pour se rendre \u00e0 l\u2019\u00e9cole, \u00e0 la fac, \u00e0 l\u2019usine, au bureau, sur les chantiers, \u00e0 P\u00f4le emploi, en formation, au supermarch\u00e9, \u00e0 la gare, au cimeti\u00e8re, \u00e0 la maternit\u00e9...<\/p>\n

Il fallait bien compter sur le temps. Il fallait accepter que ce soit quelque chose d\u2019entendu par la collectivit\u00e9. Il faut passer par le temps pour rejoindre les autres, sans doute aussi traverser cette fameuse peur du vide, de la mort, pour parvenir \u00e0 faire de soi un accueil serein.<\/p>\n

Sans pour autant quitter l\u2019humain. Pouvoir toujours s\u2019\u00e9nerver, se mettre en col\u00e8re, avoir cette sensation de peur qui persiste encore malgr\u00e9 tout. Respecter, si je peux dire, cette enveloppe que nous projetons dans l\u2019apparence. Parce que l\u2019apparence compte sans doute autant que ce qu\u2019elle dissimule.<\/p>\n

Continuer d\u2019avoir peur est donc important, sans toutefois se laisser prendre \u00e0 son chant d\u2019incoh\u00e9rence.<\/p>\n

C\u2019est \u00e0 cela, sans doute, que sert la peinture pour moi. Tout comme l\u2019\u00e9criture. \u00c0 \u00eatre cette sorte de m\u00e2t auquel s\u2019accrocher pour s\u2019approcher au plus pr\u00e8s de l\u2019incoh\u00e9rence, de la peur, et observer ainsi la naissance du langage.<\/p>\n

Reste \u00e0 savoir que faire de ce langage d\u00e9sormais. Bien s\u00fbr, il y a les tableaux, il y a les textes, le tout dans un chaos effrayant certainement pour qui viendrait s\u2019y pencher pour chercher du sens.<\/p>\n

Effrayant pour qui aurait une id\u00e9e toute faite de l\u2019ordre, de la clart\u00e9 et du sens.<\/p>\n

Justement ce que je n\u2019ai pas. Sans doute ce que je ne d\u00e9sire pas, tout au fond de moi.<\/p>\n

Je ne veux pas que tout \u00e7a ait un sens \u00e9triqu\u00e9. Et j\u2019appelle « \u00e9triqu\u00e9 » tout ce qui entre d\u00e9sormais dans la cat\u00e9gorie de l\u2019information, du mot d\u2019ordre.<\/p>\n

Je voudrais que, de ce chaos, chacun puisse puiser un sens qui lui soit personnel. Comme la vie donne \u00e0 chacun le pouvoir de l\u2019interpr\u00e9ter, de la glorifier ou de la d\u00e9figurer \u00e0 sa guise.<\/p>\n

La peur du vide m\u2019a men\u00e9 vers une id\u00e9e de libert\u00e9, surtout ; vers une forme de g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 qui ne soit pas attach\u00e9e \u00e0 l\u2019orgueil ni \u00e0 une fausse humilit\u00e9.<\/p>\n

La peur de la mort a provoqu\u00e9 une r\u00e9volte, puis une grande r\u00e9volution, une grande agitation, pour s\u2019att\u00e9nuer peu \u00e0 peu avec l\u2019acceptation du temps tel qu\u2019il est vraiment : un pr\u00e9sent continu dans lequel tout s\u2019\u00e9teint et ressurgit sans rel\u00e2che.<\/p>", "content_text": " La toile est vide et il faut la remplir de quelque chose. C\u2019est sans doute ce que je me dis lorsque j\u2019entreprends de peindre \u00e0 mes d\u00e9buts. C\u2019est-\u00e0-dire \u00e0 partir du moment o\u00f9 je me mets \u00e0 penser, o\u00f9 la conscience devient le capitaine du bateau, qui r\u00e9pudie les r\u00eaves, les fantasmes, la na\u00efvet\u00e9 \u00e0 fond de cale. Cette conscience capitaine se dit \u00e0 elle-m\u00eame qu\u2019elle aura besoin, pour exister, de tellement de serviteurs et d\u2019outils, de d\u00e9tracteurs comme d\u2019admirateurs... Il lui faut remplir quelque chose afin de dissimuler ce qu\u2019elle estime \u00eatre le manque. Il lui faut comparer, rivaliser, construire des \u00e9chelles de tout acabit pour se positionner ainsi sur tel ou tel barreau de celles-ci... se mettre en qu\u00eate d\u2019une id\u00e9e d\u2019excellence sans m\u00eame prendre le temps d\u2019\u00e9tudier ce qu\u2019est v\u00e9ritablement l\u2019excellence. Une conscience qui, pour grandir, s\u2019appuie sur des rumeurs, des \u00ab on dit \u00bb. C\u2019est une conscience qui n\u2019existe que parce qu\u2019elle se refl\u00e8te dans l\u2019ext\u00e9rieur ; elle ne peut \u00eatre sans miroir. Et en m\u00eame temps, entrav\u00e9e \u00e0 tout bout de champ par les \u00e9motions, les sensations, les sentiments, tout ce maelstr\u00f6m \u00e9motionnel dont elle ne sait que faire. La conscience est tout \u00e0 fait consciente, surtout, qu\u2019un jour elle s\u2019\u00e9teindra avec le corps. Que la mort balaiera tout. Elle devra fixer le vide en face avant de se laisser engloutir par celui-ci. Il s\u2019agit de trouver la bonne embarcation pour effectuer ce voyage, dans l\u2019espoir d\u2019abolir la peur. J\u2019ai essay\u00e9 un tas de choses. La musique, les filles, l\u2019\u00e9criture, la peinture, la marche, l\u2019alcool, l\u2019apn\u00e9e, la danse de Saint-Guy, l\u2019\u00e9tude du Talmud et de la Cabale, l\u2019alchimie, les rituels chamaniques, j\u2019en passe et des meilleures... Je vous livre \u00e7a dans un joli d\u00e9sordre. Auparavant, je ne parlais jamais de ces choses. Elles me faisaient honte ; elles me renvoyaient \u00e0 mon incoh\u00e9rence crasse. J\u2019avais cette conscience aigu\u00eb (toujours elle) que toutes ces choses n\u2019\u00e9taient que des pertes de temps. \u00c0 chaque fois, cette d\u00e9faite, cette sensation de s\u2019\u00eatre fourvoy\u00e9. Alors je me suis demand\u00e9 ce qu\u2019\u00e9tait le temps. Comment pouvait-on perdre ce que l\u2019on ignorait poss\u00e9der ? Car, sans le savoir, j\u2019\u00e9tais \u00e9ternel, vous savez ; j\u2019avais \u00e0 la fois trop et pas assez de temps. Je ne savais pas employer le temps ; comment peut-on employer une absence ? C\u2019est gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019ennui que je suis revenu au rythme, \u00e0 la musicalit\u00e9 et donc au temps. Au d\u00e9but, \u00e7a avait l\u2019air ludique de taper sur des gamelles ; puis, assez vite, pas vraiment. Se lever \u00e0 l\u2019aube pour se rendre \u00e0 l\u2019\u00e9cole, \u00e0 la fac, \u00e0 l\u2019usine, au bureau, sur les chantiers, \u00e0 P\u00f4le emploi, en formation, au supermarch\u00e9, \u00e0 la gare, au cimeti\u00e8re, \u00e0 la maternit\u00e9... Il fallait bien compter sur le temps. Il fallait accepter que ce soit quelque chose d\u2019entendu par la collectivit\u00e9. Il faut passer par le temps pour rejoindre les autres, sans doute aussi traverser cette fameuse peur du vide, de la mort, pour parvenir \u00e0 faire de soi un accueil serein. Sans pour autant quitter l\u2019humain. Pouvoir toujours s\u2019\u00e9nerver, se mettre en col\u00e8re, avoir cette sensation de peur qui persiste encore malgr\u00e9 tout. Respecter, si je peux dire, cette enveloppe que nous projetons dans l\u2019apparence. Parce que l\u2019apparence compte sans doute autant que ce qu\u2019elle dissimule. Continuer d\u2019avoir peur est donc important, sans toutefois se laisser prendre \u00e0 son chant d\u2019incoh\u00e9rence. C\u2019est \u00e0 cela, sans doute, que sert la peinture pour moi. Tout comme l\u2019\u00e9criture. \u00c0 \u00eatre cette sorte de m\u00e2t auquel s\u2019accrocher pour s\u2019approcher au plus pr\u00e8s de l\u2019incoh\u00e9rence, de la peur, et observer ainsi la naissance du langage. Reste \u00e0 savoir que faire de ce langage d\u00e9sormais. Bien s\u00fbr, il y a les tableaux, il y a les textes, le tout dans un chaos effrayant certainement pour qui viendrait s\u2019y pencher pour chercher du sens. Effrayant pour qui aurait une id\u00e9e toute faite de l\u2019ordre, de la clart\u00e9 et du sens. Justement ce que je n\u2019ai pas. Sans doute ce que je ne d\u00e9sire pas, tout au fond de moi. Je ne veux pas que tout \u00e7a ait un sens \u00e9triqu\u00e9. Et j\u2019appelle \u00ab \u00e9triqu\u00e9 \u00bb tout ce qui entre d\u00e9sormais dans la cat\u00e9gorie de l\u2019information, du mot d\u2019ordre. Je voudrais que, de ce chaos, chacun puisse puiser un sens qui lui soit personnel. Comme la vie donne \u00e0 chacun le pouvoir de l\u2019interpr\u00e9ter, de la glorifier ou de la d\u00e9figurer \u00e0 sa guise. La peur du vide m\u2019a men\u00e9 vers une id\u00e9e de libert\u00e9, surtout ; vers une forme de g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 qui ne soit pas attach\u00e9e \u00e0 l\u2019orgueil ni \u00e0 une fausse humilit\u00e9. La peur de la mort a provoqu\u00e9 une r\u00e9volte, puis une grande r\u00e9volution, une grande agitation, pour s\u2019att\u00e9nuer peu \u00e0 peu avec l\u2019acceptation du temps tel qu\u2019il est vraiment : un pr\u00e9sent continu dans lequel tout s\u2019\u00e9teint et ressurgit sans rel\u00e2che. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3162.jpg?1763499061", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/exposition-voyage-interieur-notes.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/exposition-voyage-interieur-notes.html", "title": "Exposition \"Voyage int\u00e9rieur\" notes.", "date_published": "2021-09-18T06:22:17Z", "date_modified": "2025-11-18T20:48:19Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Comme je le disais dans un texte pr\u00e9c\u00e9dent, j\u2019ai trouv\u00e9 un titre g\u00e9n\u00e9rique \u00e0 ce travail que je vais pr\u00e9senter fin septembre au centre culturel « Le S\u00e9maphore » \u00e0 Irigny.<\/p>\n

D\u2019ailleurs, j\u2019en profite pour vous inviter au vernissage qui aura lieu le lundi 4 octobre \u00e0 18h30, si vous \u00eates dans les parages, bien s\u00fbr.<\/p>\n

Pour les autres, je vais tout mettre en \u0153uvre pour vous faire visiter l\u2019exposition malgr\u00e9 tout. Sans doute avec des vid\u00e9os, des photographies et quelques textes qui me d\u00e9mangeront s\u00fbrement au fur et \u00e0 mesure que cet \u00e9v\u00e9nement se rapprochera, durant sa dur\u00e9e, et une fois termin\u00e9.<\/p>\n

Pour l\u2019instant, j\u2019explore, je fouille, je red\u00e9couvre une masse de tableaux r\u00e9alis\u00e9s entre 2018 et 2021. Il doit y en avoir pas loin d\u2019une centaine, de divers formats.<\/p>\n

\u00c9videmment, je ne vais pas tout accrocher ; la profusion ne fonctionne pas, pour l\u2019avoir d\u00e9j\u00e0 test\u00e9e plusieurs fois dans d\u2019autres expositions.<\/p>\n

Cependant, j\u2019ai d\u00e9couvert sur WordPress une fonction int\u00e9ressante que j\u2019ignorais : le portfolio.<\/p>\n

J\u2019ai donc cr\u00e9\u00e9 un projet intitul\u00e9 « Voyage int\u00e9rieur » que vous pourrez d\u00e9sormais d\u00e9couvrir dans le menu du blog.<\/p>\n

Pour le moment, je me suis content\u00e9 de t\u00e9l\u00e9charger une quantit\u00e9 importante de photographies relatives \u00e0 ce th\u00e8me, « Voyage int\u00e9rieur ». Elles ne sont pas class\u00e9es ; elles sont un peu comme dans la r\u00e9alit\u00e9 de mon atelier : empil\u00e9es par format sur des \u00e9tag\u00e8res.<\/p>\n

Ce portfolio me sert de base de travail, en quelque sorte, pour effectuer des choix, des tris, et il \u00e9voluera au fur et \u00e0 mesure de ce travail d\u2019assemblage. Vous pourrez le suivre.<\/p>\n

Mon intention n\u2019est pas de seulement pr\u00e9senter une « belle exposition » pour s\u00e9duire le public. Il faut, \u00e0 mon avis, qu\u2019elle exprime ce cheminement que je tente d\u2019effectuer pour m\u2019extraire des clich\u00e9s. Mes propres clich\u00e9s, surtout, concernant tout ce que j\u2019ai pu penser sur la peinture.<\/p>\n

Il pourrait ainsi y avoir une sorte de parcours menant de la s\u00e9duction facile vers une \u00e2pret\u00e9, une aust\u00e9rit\u00e9 qui repr\u00e9senterait (pour moi) ce que m\u2019apporte ce voyage int\u00e9rieur :<\/p>\n

L\u2019abandon de la s\u00e9duction.<\/p>\n

L\u2019abandon d\u2019une qu\u00eate de reconnaissance.<\/p>\n

L\u2019abandon d\u2019une illusion aussi sur ce que j\u2019ai pu penser \u00eatre l\u2019art ou un artiste.<\/p>\n

Une fois pass\u00e9 ce dernier cap, cette aridit\u00e9, l\u2019exposition s\u2019ouvrirait sur un champ nouveau : le langage de la couleur, de la simplicit\u00e9 des formes, car c\u2019est cette voie vers laquelle je me dirige d\u00e9sormais.<\/p>\n

\u00c0 suivre\u2026<\/p>", "content_text": " Comme je le disais dans un texte pr\u00e9c\u00e9dent, j\u2019ai trouv\u00e9 un titre g\u00e9n\u00e9rique \u00e0 ce travail que je vais pr\u00e9senter fin septembre au centre culturel \u00ab Le S\u00e9maphore \u00bb \u00e0 Irigny. D\u2019ailleurs, j\u2019en profite pour vous inviter au vernissage qui aura lieu le lundi 4 octobre \u00e0 18h30, si vous \u00eates dans les parages, bien s\u00fbr. Pour les autres, je vais tout mettre en \u0153uvre pour vous faire visiter l\u2019exposition malgr\u00e9 tout. Sans doute avec des vid\u00e9os, des photographies et quelques textes qui me d\u00e9mangeront s\u00fbrement au fur et \u00e0 mesure que cet \u00e9v\u00e9nement se rapprochera, durant sa dur\u00e9e, et une fois termin\u00e9. Pour l\u2019instant, j\u2019explore, je fouille, je red\u00e9couvre une masse de tableaux r\u00e9alis\u00e9s entre 2018 et 2021. Il doit y en avoir pas loin d\u2019une centaine, de divers formats. \u00c9videmment, je ne vais pas tout accrocher ; la profusion ne fonctionne pas, pour l\u2019avoir d\u00e9j\u00e0 test\u00e9e plusieurs fois dans d\u2019autres expositions. Cependant, j\u2019ai d\u00e9couvert sur WordPress une fonction int\u00e9ressante que j\u2019ignorais : le portfolio. J\u2019ai donc cr\u00e9\u00e9 un projet intitul\u00e9 \u00ab Voyage int\u00e9rieur \u00bb que vous pourrez d\u00e9sormais d\u00e9couvrir dans le menu du blog. Pour le moment, je me suis content\u00e9 de t\u00e9l\u00e9charger une quantit\u00e9 importante de photographies relatives \u00e0 ce th\u00e8me, \u00ab Voyage int\u00e9rieur \u00bb. Elles ne sont pas class\u00e9es ; elles sont un peu comme dans la r\u00e9alit\u00e9 de mon atelier : empil\u00e9es par format sur des \u00e9tag\u00e8res. Ce portfolio me sert de base de travail, en quelque sorte, pour effectuer des choix, des tris, et il \u00e9voluera au fur et \u00e0 mesure de ce travail d\u2019assemblage. Vous pourrez le suivre. Mon intention n\u2019est pas de seulement pr\u00e9senter une \u00ab belle exposition \u00bb pour s\u00e9duire le public. Il faut, \u00e0 mon avis, qu\u2019elle exprime ce cheminement que je tente d\u2019effectuer pour m\u2019extraire des clich\u00e9s. Mes propres clich\u00e9s, surtout, concernant tout ce que j\u2019ai pu penser sur la peinture. Il pourrait ainsi y avoir une sorte de parcours menant de la s\u00e9duction facile vers une \u00e2pret\u00e9, une aust\u00e9rit\u00e9 qui repr\u00e9senterait (pour moi) ce que m\u2019apporte ce voyage int\u00e9rieur : L\u2019abandon de la s\u00e9duction. L\u2019abandon d\u2019une qu\u00eate de reconnaissance. L\u2019abandon d\u2019une illusion aussi sur ce que j\u2019ai pu penser \u00eatre l\u2019art ou un artiste. Une fois pass\u00e9 ce dernier cap, cette aridit\u00e9, l\u2019exposition s\u2019ouvrirait sur un champ nouveau : le langage de la couleur, de la simplicit\u00e9 des formes, car c\u2019est cette voie vers laquelle je me dirige d\u00e9sormais. \u00c0 suivre\u2026 ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3194.jpg?1763498862", "tags": ["peinture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/exposition-1129.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/exposition-1129.html", "title": "Exposition", "date_published": "2021-09-17T01:15:43Z", "date_modified": "2025-09-18T17:06:44Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Dans quelques jours, \u00e0 la fin du mois de septembre j\u2019exposerai au centre culturel de Champvillard \u00e0 Irigny pr\u00e8s de Lyon. J\u2019ai envie de partager quelques id\u00e9es sur ce mot : exposition.<\/p>\n

Tout de suite, je pense \u00e0 la photographie. A la quantit\u00e9 de lumi\u00e8re n\u00e9cessaire qu\u2019il faudra laisser passer au travers de l\u2019objectif pour qu\u2019elle restitue une image plus ou moins fid\u00e8le d’une r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n

Autrefois l\u2019image ainsi captur\u00e9e s’imprimait en n\u00e9gatif sur une couche argentique et il fallait ensuite l\u2019inverser au moyen d\u2019un agrandisseur. C\u2019\u00e9tait une suite d\u2019op\u00e9rations alchimiques dans laquelle le facteur temps \u00e9tait l\u2019un des \u00e9l\u00e9ments clefs.<\/p>\n

Le temps de la prise de vue<\/p>\n

Le temps de d\u00e9veloppement des films<\/p>\n

Le temps d\u2019exposition sous l\u2019agrandisseur<\/p>\n

Et enfin le temps n\u00e9cessaire \u00e0 r\u00e9v\u00e9ler l\u2019\u00e9preuve dans diff\u00e9rents bains de produits chimiques.<\/p>\n

D\u00e9sormais avec la photographie num\u00e9rique la notion de temps n\u2019est plus tout \u00e0 fait la m\u00eame. Une imm\u00e9diatet\u00e9, une simultan\u00e9it\u00e9 font que le clich\u00e9 pour moi a un peu perdu son aura magique. Happ\u00e9 presque aussit\u00f4t dans les collections, dans des dossiers, des sous dossiers informatiques, la photographie finit par p\u00e9n\u00e9trer dans une zone trouble.<\/p>\n

J’ai le sentiment de lui accorder moins d\u2019importance m\u00eame si la photo est bonne. Presque aussit\u00f4t ce qui jadis ressemblait \u00e0 une jouissance, presque de l\u2019ordre de l\u2019orgasme\u2026d\u00e9sormais appartient au domaine des satisfactions rapides, \u00e0 quelque chose de souill\u00e9 par une mentalit\u00e9 de consommateur.<\/p>\n

Une fausse satisfaction puisque aval\u00e9e par la banalit\u00e9 ayant envahit le regard. Un regard appauvrit toujours en qu\u00eate de sensationnel exigeant toujours plus comme un drogu\u00e9 force m\u00e9caniquement la dose, en vain.<\/p>\n

Exposer de la peinture. Exposer un travail de peintre qu\u2019est ce que cela signifie d\u00e9sormais ?<\/p>\n

A la fois pour les personnes qui ont l\u2019amabilit\u00e9 d\u2019accueillir cette exposition et pour moi-m\u00eame ?<\/p>\n

Puisqu’il s’agit d’obtenir une image finalement de ce travail de peinture, il est clair qu’il ne suffit pas d’aligner les toiles les unes \u00e0 cot\u00e9 des autres. M\u00eame en s’appuyant sur les crit\u00e8res habituels d’harmonie de couleur, de format, de th\u00e9matique. Tout cela me parait tellement d\u00e9suet, sans doute pour l’avoir trop souvent r\u00e9alis\u00e9 ainsi.<\/p>\n

Il faudrait autre chose d\u00e9sormais.<\/p>\n

Au moment o\u00f9 l’on m’a invit\u00e9 \u00e0 exposer on m’a presque aussit\u00f4t demander un titre. Et j’ai d\u00e9cid\u00e9 d’appeler cette exposition \"Voyage int\u00e9rieur\". Au d\u00e9but j’ai eu l’impression de me d\u00e9barrasser de cette difficult\u00e9 \u00e0 titrer ainsi et j’en conserve encore un malaise. En fait je n’ai fait que reprendre le nom d’une collection r\u00e9alis\u00e9e entre 2018 et 2021. Le nom g\u00e9n\u00e9rique d’une quantit\u00e9 de toiles plac\u00e9es p\u00e8le m\u00eale en tant qu’images dans un dossier.<\/p>\n

En m\u00eame temps que si je regarde les choses froidement, avec le plus de sang froid possible, ce titre refl\u00e8te assez justement ce que je traverse avec la peinture.<\/p>\n

A quoi peut bien faire penser ce titre pour une personne ext\u00e9rieure ? Sans doute \u00e0 un cheminement spirituel, \u00e0 un voyage imaginaire, \u00e0 une qu\u00eate.<\/p>\n

Ce n’est dans le fond pas si \u00e9loign\u00e9 de ce que je pense.<\/p>\n

Ce voyage int\u00e9rieur cependant est un voyage de peintre. La qu\u00eate n’est pas vraiment celle d’une divinit\u00e9, mais de ce que peut repr\u00e9senter la peinture le plus \"r\u00e9ellement\" possible. Or c’est cette r\u00e9alit\u00e9 la plus grande difficult\u00e9 puisque je pressens depuis toujours qu’elle se d\u00e9robe presque aussit\u00f4t la toile achev\u00e9e. C’est d’ailleurs ce qui me pousse essentiellement \u00e0 en commencer une nouvelle.<\/p>\n

En fait c’est un jeu entre le peintre et la r\u00e9alit\u00e9, quelque chose qui se pr\u00e9sente parfois sous une forme ludique lorsqu’on se souvient qu’il s’agit d’un jeu, ou bien de dramatique, de tragique sit\u00f4t qu’on l’oublie.<\/p>\n

Et tout l’enjeu de ce voyage int\u00e9rieur serait d’apprendre \u00e0 naviguer pour ne pas sombrer dans une sorte d’addiction st\u00e9rile \u00e0 l’amusement ni non plus se faire happer par le d\u00e9sespoir.<\/p>\n

Ce que les sages orientaux appellent la voie du milieu.<\/em><\/p>\n

Il faudrait que cette quantit\u00e9 de lumi\u00e8re que j’ai pour tache de faire p\u00e9n\u00e9trer dans les salles d’exposition o\u00f9 mes tableaux la refl\u00e8teront explique cela sans qu’il n’y ait besoin de longs discours.<\/p>\n

Les \u00e9cueils qui se dressent devant moi pour parvenir \u00e0 ce but sont \u00e0 peu pr\u00e8s tous encore reli\u00e9s au doute.<\/p>\n

doute sur la valeur de mon travail essentiellement.<\/p>\n

Car je regarde mes tableaux comme je regarde ces photographies num\u00e9riques. Je veux dire qu’une fois achev\u00e9s ils disparaissent presque aussit\u00f4t de mon champ de vision tant l’obsession d’en r\u00e9aliser de nouveaux est pressante.<\/p>\n

Il faudrait aussi que cette exposition parle de cela. De cette urgence \u00e0 rechercher la satisfaction en vain.<\/p>\n

S’exposer c’est aussi une exhibition. Le malaise surgit aussi de cette confusion je crois. Entre les termes anglais et fran\u00e7ais. Une aura d’impudeur flotte ais\u00e9ment dans ma cervelle et s’empare ainsi de tout mon travail comme le m\u00e9tamorphosant en quelque chose de proche de la masturbation. Et d’une certaine honte comme d’un certain orgueil qui vont de pair.<\/p>\n

Pourtant il n’y a rien d’obsc\u00e8ne \u00e0 la surface des toiles.<\/p>\n

Il y a seulement des traces de plus en plus visibles pour moi de cette impuissance chronique \u00e0 rendre compte de la r\u00e9alit\u00e9 de la peinture au travers de la peinture elle-m\u00eame.<\/p>\n

Il y a toujours cette question sans r\u00e9ponse et ce sur chaque tableau : Qu’est ce que peindre ?<\/p>\n

Qu’est ce que peindre surtout sans s’appuyer sur le connu, sur le clich\u00e9, sur le d\u00e9j\u00e0 fait le d\u00e9j\u00e0 vu.<\/p>\n

Il est aussi hors de question d’exposer pour montrer une habilet\u00e9 d\u00e9sormais. J’ai mille fois plus envie de d\u00e9signer justement la maladresse comme une source f\u00e9conde de l’ensemble de mon travail.<\/p>\n

Maladresse \u00e0 m’exprimer par la parole, par l’\u00e9crit, par la peinture, dans la vie en g\u00e9n\u00e9rale. Et ce en mimant souvent l’habilet\u00e9 telle qu’elle est ordinairement identifi\u00e9e par la plupart des gens.<\/p>\n

Sans doute est ce encore beaucoup trop compliqu\u00e9. Sans doute faut il \u00e9laguer encore dans tout \u00e7a pour ne conserver que le plus simple, ce qui ne peut \u00eatre \u00f4t\u00e9 et que ma pens\u00e9e souvent alambiqu\u00e9e me masque.<\/p>\n

Parfois aussi je me dis que je m’impose des choses inutiles, dont tout le monde se fiche g\u00e9n\u00e9ralement.<\/p>\n

Les gens veulent voir des tableaux du peintre, ils p\u00e9n\u00e8trent ainsi dans les expositions, puis ils regardent si \u00e7a leur parle ou pas. Surtout si \u00e7a les touche ou pas. Ils font un tour puis ressortent avant de se rendre \u00e0 une autre occupation, un restaurant, un cin\u00e9ma, une randonn\u00e9e en v\u00e9lo. De cette exposition ils ne retiendront peut-\u00eatre pas grand chose parfois sinon d’avoir coch\u00e9 une activit\u00e9 \u00e0 accomplir dans leur journ\u00e9e.<\/p>\n

voil\u00e0 comment proche d’un but on s’en d\u00e9tourne. voil\u00e0 comment le tragique prend le pas soudain sur le jeu.<\/p>\n

Pour exposer convenablement la pellicule c’est tout un art d\u00e9j\u00e0, il faut trouver la bonne ouverture, la bonne vitesse, se concentrer surtout l\u00e0 dessus sans doute. De toute fa\u00e7on l’image \u00e0 venir ne sera pas la r\u00e9alit\u00e9 on le sait d\u00e9j\u00e0.<\/p>\n

C’est hier qu’une phrase a surgit bizarrement : le fameux \"tout ce qui se ressemble s’assemble\"<\/p>\n

Je l’ai cru durant longtemps. D\u00e9sormais je n’ai pas vraiment besoin d’\u00eatre rassur\u00e9 par le message qu’elle propose.<\/p>\n

Non ce n’est pas parce que \u00e7a se ressemble que \u00e7a s’assemble, c’est peut-\u00eatre m\u00eame souvent le contraire.<\/p>\n