{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/celui-qui-ne-voulait-pas-etre-pris-pour-un-idiot.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/celui-qui-ne-voulait-pas-etre-pris-pour-un-idiot.html", "title": "Celui qui ne voulait pas \u00eatre pris pour un idiot.", "date_published": "2021-09-30T03:34:16Z", "date_modified": "2025-11-19T09:05:41Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
Hier au soir, en rentrant de mes cours, je tombe sur un panneau m’indiquant que l’autoroute est ferm\u00e9e pour cause de travaux. Je dois donc emprunter une autre route, plus longue, pour revenir chez moi. C’est l’occasion d’\u00e9couter quelque chose pour passer le temps et je choisis la rediffusion d’une interview de Zemmour par Ruth Elkrief sur YouTube puisqu’elle surgit en premier dans le fil d’actualit\u00e9.<\/p>\n
Que penser de tout cela ? Et dans quelle mesure cette interview \u00e9veille-t-elle mon int\u00e9r\u00eat ? Il y a \u00e9videmment quelque chose de louche, un peu de voyeurisme sans doute, et aussi certainement une fascination trop exag\u00e9r\u00e9e de ma part face \u00e0 toute manifestation de rh\u00e9torique. Mais bon, quoique honteux, je pers\u00e9v\u00e8re. C’est important d’aller au bout de la honte comme de tout le reste.<\/p>\n
Comment un journaliste peut-il provoquer autant de tapage aujourd’hui dans la sph\u00e8re m\u00e9diatique et politique ? C’est pour moi une \u00e9nigme en m\u00eame temps qu’un signe de la m\u00e9diocrit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale dans laquelle, m\u00e9diatiquement comme politiquement, nous baignons.<\/p>\n
J’\u00e9coute.<\/p>\n
Et finalement, c’est int\u00e9ressant.<\/p>\n
Car \u00e0 de nombreuses reprises Zemmour reprend sa cons\u0153ur en lui disant : « Je ne suis pas un idiot. »<\/p>\n
Il faudrait donc entendre : je suis intelligent.<\/p>\n
Les kilom\u00e8tres d\u00e9filent. \u00c0 la sortie de Givors, un lapin en plein milieu de la route, \u00e9bloui par les phares.<\/p>\n
Je ne roule pas vite, j’ai le temps de freiner et de m’arr\u00eater face \u00e0 lui. Face \u00e0 face avec le lapin qui finalement s’av\u00e8re \u00eatre un li\u00e8vre.<\/p>\n
Tout cela sur un fond de discussion radiophonique.<\/p>\n
« Mais je ne suis pas un idiot, Ruth Elkrief ! »<\/p>\n
Le li\u00e8vre rejoint le talus et je red\u00e9marre doucement.<\/p>\n
Soudain me revient un paragraphe lu dans un trait\u00e9 de m\u00e9tallurgie chinoise o\u00f9 on trempait les lames des \u00e9p\u00e9es dans du sang de li\u00e8vre pour leur conf\u00e9rer force et invuln\u00e9rabilit\u00e9.<\/p>\n
« Je ne suis pas un idiot », une fois encore.<\/p>\n
Quand la journaliste \u00e9voque la pens\u00e9e de Zemmour sur P\u00e9tain, celui-ci p\u00e8te un plomb.<\/p>\n
« Vous allez pas remettre \u00e7a encore une fois, j’en ai marre ! »<\/p>\n
Bla bla bla, encore pour en arriver \u00e0 cette antienne une fois de plus.<\/p>\n
« Mais vous croyez que je suis un idiot ? »<\/p>\n
Bon.<\/p>\n
Quelqu’un qui s’efforce de pr\u00e9ciser \u00e0 tout bout de champ qu’il n’est pas un idiot, \u00e0 mon avis, doit avoir une sacr\u00e9e trouille d’en \u00eatre un. Peut-\u00eatre m\u00eame un d\u00e9sir inconscient d’\u00eatre enfin d\u00e9masqu\u00e9 une bonne fois pour toutes afin de retrouver une certaine s\u00e9r\u00e9nit\u00e9.<\/p>\n
Tellement la trouille qu’une majorit\u00e9 de ses pens\u00e9es doit \u00eatre orient\u00e9e vers ce but principal.<\/p>\n
Autrement dit, rien de bien dangereux ni de nouveau.<\/p>\n
Les voix des deux protagonistes s’amenuisent, j’ouvre la vitre et l’air frais entre dans l’habitacle. J’appuie finalement sur pause.<\/p>\n
Je suis content de rouler doucement, j’aurais pu \u00e9crabouiller un li\u00e8vre autrement, \u00e7a m’aurait fait de la peine.<\/p>\n
Puis, de fil en aiguille, mon esprit saute sur le souvenir d’un li\u00e8vre d’Albrecht D\u00fcrer et je me mets \u00e0 songer \u00e0 la Renaissance nordique, puis \u00e9videmment \u00e0 J\u00e9r\u00f4me Bosch et \u00e0 son Jardin des d\u00e9lices.<\/p>\n
Et puis maintenant que je pense \u00e0 tout \u00e7a et que je l’\u00e9cris pour le comprendre, je me demande si \u00e7a me ferait quelque chose encore d’\u00eatre pris pour un idiot ?<\/p>\n
La v\u00e9rit\u00e9 est que je m’en fiche totalement, dans le fond, et \u00e7a c’est une sacr\u00e9e victoire, je trouve, apr\u00e8s tant d’\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9e l\u00e0-dedans \u00e0 vouloir prouver ceci ou cela, finalement, qu’\u00e0 moi-m\u00eame.<\/p>\n
Du coup, je suis pass\u00e9 au Lacrimosa de Mozart. Je n’ai plus pens\u00e9 \u00e0 rien d’autre qu’\u00e0 regarder la route qui s’enfon\u00e7ait dans la nuit face \u00e0 moi.<\/p>", "content_text": "Hier au soir, en rentrant de mes cours, je tombe sur un panneau m'indiquant que l'autoroute est ferm\u00e9e pour cause de travaux. Je dois donc emprunter une autre route, plus longue, pour revenir chez moi. C'est l'occasion d'\u00e9couter quelque chose pour passer le temps et je choisis la rediffusion d'une interview de Zemmour par Ruth Elkrief sur YouTube puisqu'elle surgit en premier dans le fil d'actualit\u00e9. Que penser de tout cela ? Et dans quelle mesure cette interview \u00e9veille-t-elle mon int\u00e9r\u00eat ? Il y a \u00e9videmment quelque chose de louche, un peu de voyeurisme sans doute, et aussi certainement une fascination trop exag\u00e9r\u00e9e de ma part face \u00e0 toute manifestation de rh\u00e9torique. Mais bon, quoique honteux, je pers\u00e9v\u00e8re. C'est important d'aller au bout de la honte comme de tout le reste. Comment un journaliste peut-il provoquer autant de tapage aujourd'hui dans la sph\u00e8re m\u00e9diatique et politique ? C'est pour moi une \u00e9nigme en m\u00eame temps qu'un signe de la m\u00e9diocrit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale dans laquelle, m\u00e9diatiquement comme politiquement, nous baignons. J'\u00e9coute. Et finalement, c'est int\u00e9ressant. Car \u00e0 de nombreuses reprises Zemmour reprend sa cons\u0153ur en lui disant : \u00ab Je ne suis pas un idiot. \u00bb Il faudrait donc entendre : je suis intelligent. Les kilom\u00e8tres d\u00e9filent. \u00c0 la sortie de Givors, un lapin en plein milieu de la route, \u00e9bloui par les phares. Je ne roule pas vite, j'ai le temps de freiner et de m'arr\u00eater face \u00e0 lui. Face \u00e0 face avec le lapin qui finalement s'av\u00e8re \u00eatre un li\u00e8vre. Tout cela sur un fond de discussion radiophonique. \u00ab Mais je ne suis pas un idiot, Ruth Elkrief ! \u00bb Le li\u00e8vre rejoint le talus et je red\u00e9marre doucement. Soudain me revient un paragraphe lu dans un trait\u00e9 de m\u00e9tallurgie chinoise o\u00f9 on trempait les lames des \u00e9p\u00e9es dans du sang de li\u00e8vre pour leur conf\u00e9rer force et invuln\u00e9rabilit\u00e9. \u00ab Je ne suis pas un idiot \u00bb, une fois encore. Quand la journaliste \u00e9voque la pens\u00e9e de Zemmour sur P\u00e9tain, celui-ci p\u00e8te un plomb. \u00ab Vous allez pas remettre \u00e7a encore une fois, j'en ai marre ! \u00bb Bla bla bla, encore pour en arriver \u00e0 cette antienne une fois de plus. \u00ab Mais vous croyez que je suis un idiot ? \u00bb Bon. Quelqu'un qui s'efforce de pr\u00e9ciser \u00e0 tout bout de champ qu'il n'est pas un idiot, \u00e0 mon avis, doit avoir une sacr\u00e9e trouille d'en \u00eatre un. Peut-\u00eatre m\u00eame un d\u00e9sir inconscient d'\u00eatre enfin d\u00e9masqu\u00e9 une bonne fois pour toutes afin de retrouver une certaine s\u00e9r\u00e9nit\u00e9. Tellement la trouille qu'une majorit\u00e9 de ses pens\u00e9es doit \u00eatre orient\u00e9e vers ce but principal. Autrement dit, rien de bien dangereux ni de nouveau. Les voix des deux protagonistes s'amenuisent, j'ouvre la vitre et l'air frais entre dans l'habitacle. J'appuie finalement sur pause. Je suis content de rouler doucement, j'aurais pu \u00e9crabouiller un li\u00e8vre autrement, \u00e7a m'aurait fait de la peine. Puis, de fil en aiguille, mon esprit saute sur le souvenir d'un li\u00e8vre d'Albrecht D\u00fcrer et je me mets \u00e0 songer \u00e0 la Renaissance nordique, puis \u00e9videmment \u00e0 J\u00e9r\u00f4me Bosch et \u00e0 son Jardin des d\u00e9lices. Et puis maintenant que je pense \u00e0 tout \u00e7a et que je l'\u00e9cris pour le comprendre, je me demande si \u00e7a me ferait quelque chose encore d'\u00eatre pris pour un idiot ? La v\u00e9rit\u00e9 est que je m'en fiche totalement, dans le fond, et \u00e7a c'est une sacr\u00e9e victoire, je trouve, apr\u00e8s tant d'\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9e l\u00e0-dedans \u00e0 vouloir prouver ceci ou cela, finalement, qu'\u00e0 moi-m\u00eame. Du coup, je suis pass\u00e9 au Lacrimosa de Mozart. Je n'ai plus pens\u00e9 \u00e0 rien d'autre qu'\u00e0 regarder la route qui s'enfon\u00e7ait dans la nuit face \u00e0 moi.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3772.jpg?1763543124", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-desoeuvrement.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/le-desoeuvrement.html", "title": "Le d\u00e9s\u0153uvrement", "date_published": "2021-09-30T02:22:38Z", "date_modified": "2025-11-19T08:46:37Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
Si l\u2019oisivet\u00e9<\/a> est la m\u00e8re de tous les vices, le d\u00e9s\u0153uvrement se retrouve en miroir p\u00e8re de toutes les vertus. De l\u00e0 \u00e0 en inventer un, magistral, situ\u00e9 dans les cieux, on peut comprendre le cheminement. Nous l\u2019avions \u00e9voqu\u00e9 et je l\u2019avais mise de c\u00f4t\u00e9 soigneusement, cette id\u00e9e de texte de pr\u00e9sentation \u00e0 proposer au catalogue en m\u00eame temps que la liste des \u0153uvres avec leurs prix. Cette g\u00eane d\u2019expliquer la peinture \u00e0 l\u2019\u00e9crit comme \u00e0 l’oral, aussi \u00e9tonnante que soudaine, me cueille. Une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l’exag\u00e9ration m’entraine parfois \u00e0 utiliser certains mots \u00e0 tort et \u00e0 travers m’a t’on d\u00e9clar\u00e9 solennellement il y a peu.<\/p>\n Je me sens donc oblig\u00e9 de revenir sur celui de catastrophe<\/em> dont j’aurais abus\u00e9 parait ’il.<\/p>\n C’est \u00e9videmment exag\u00e9r\u00e9 pour une exposition de peinture. C’est placer l’importance n’importe comment.<\/p>\n Est-ce dont une trag\u00e9die qui se joue ici et dont le cinqui\u00e8me acte apporterait la sanction finale , le fameux d\u00e9nouement ?<\/p>\n Tout d\u00e9pend encore une fois de l’id\u00e9e que l’on s’en fait par rapport au point de vue que l’on veut adopter.<\/p>\n Gilles Deleuze y est pour beaucoup quant \u00e0 l’abus.<\/p>\n Plus finement encore, mon interpr\u00e9tation personnelle sur ce que d\u00e9clare Gilles Deleuze sur la peinture et notamment sur les peintres de la catastrophe.<\/em><\/p>\n Lorsque Paul C\u00e9zanne d\u00e9truit 3 fois minimum sa toile avant de commencer \u00e0 songer \u00e0 peindre vraiment, on ne peut plus vraiment parler de catastrophe.<\/p>\n On parle de d\u00e9viance, d’acharnement, de t\u00e9nacit\u00e9. Et si on ne parlait pas de C\u00e9zanne le mot b\u00eatise nous viendrait plus facilement en t\u00eate.<\/p>\n Ou le mot po\u00e9sie <\/em>en pensant \u00e0 Tarkovski et \u00e0 ce type qui d\u00e9vaste une foret pour se frayer un chemin vers une inaccessible \u00e9toile.<\/p>\n Ou \u00e0 Cervantes et son Don Quichotte.<\/p>\n La trag\u00e9die n’est plus \u00e0 la mode.<\/p>\n La grecque.<\/p>\n On ne comptait d\u00e9j\u00e0 plus le nombre de spectateurs endormis durant la repr\u00e9sentation de Britannicus en Avignon avant Covid, \u00e7a ne s’est surement pas am\u00e9lior\u00e9 depuis.<\/p>\n D’ailleurs qui lit encore Jean Racine lorsqu’il n’y est pas oblig\u00e9 pour \u00e9chapper \u00e0 un z\u00e9ro point\u00e9 ?<\/p>\n J’ai \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 d’utiliser le mot d\u00e9sastre, mais on ne le rencontre plus gu\u00e8re dans la langue vernaculaire d’aujourd’hui. Presque personne ne se soucie des astres, sauf entre deux pubs, lorsqu’il s’agit d’atteindre la plan\u00e8te mars ou d’exp\u00e9dier en orbite une brochette de milliardaires attard\u00e9s. Et encore...<\/p>\n J’aurais du dire accident<\/em> j’aurais tout de suite \u00e9t\u00e9 contemporain pour de vrai.<\/p>\n D’ailleurs c’est ce mot l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment que j’utilise en cours. Soyez attentifs aux accidents<\/em> je dis.<\/p>\n Soyez attentifs aux catastrophes, j’aurais l’air de quoi ?<\/p>\n Bref revenons au titre : cette exag\u00e9ration<\/strong> maladive, ce r\u00e9flexe prioritaire, ce pr\u00e9ambule \u00e0 toute pens\u00e9e raisonnable.<\/p>\n On n’exag\u00e8re plus autant qu’avant. Et c’est bien dommage.<\/p>\n Reste encore quelques traces dans les p\u00e9ninsules, Italienne, ou ib\u00e9rique, peut-\u00eatre en Russie, mais discr\u00e8tement.<\/p>\n Et me voil\u00e0 presque aussit\u00f4t atteint de nostalgie \u00e0 force d’exag\u00e9rer sur l’exag\u00e9ration.<\/p>\n Je peux renifler les odeurs de linge frais qui montent depuis les rues accompagn\u00e9es de celles de pates \u00e0 pizza croustillantes tirant la bourre au pepp\u00e9roni, puis se m\u00e9langeant encore \u00e0 des effluves de pa\u00eblla et de pirojkis.<\/p>\n Ainsi l’exag\u00e9ration est t’elle une sorte de crois\u00e9e des chemins , un carrefour olfactif en tout premier lieu et contre toute attente.<\/p>\n Je ne sais pas si l’expression \"avoir du flair\" ou \"avoir du nez\" ne vient pas de l’exag\u00e9ration finalement.<\/p>\n Peut-\u00eatre qu’autrefois certains individus ayant \u00e0 la fois la casquette de timbr\u00e9 local et de devin levaient t’il le nez au vent et se mettaient \u00e0 exag\u00e9rer abondamment peut-\u00eatre m\u00eame en bavant l\u00e9g\u00e8rement, pour pr\u00e9venir leurs cong\u00e9n\u00e8res affair\u00e9s \u00e0 leurs affaires des catastrophes \u00e0 venir.<\/p>\n Avoir l’exag\u00e9ration dans le sang ce n’est pas rien. C’est renouer intimement avec la trag\u00e9die du monde et son cort\u00e8ge de catastrophes en tous genres qui, si discr\u00e8te se ferait t’elle d\u00e9sormais n’en est pas moins r\u00e9elle. D’ailleurs quand je pense \u00e0 l’exag\u00e9ration je pense facilement aux volcans, \u00e0 des \u00e9coulements de lave, \u00e0 la fois bouillants, lents, tranquilles, inexorables, une impatience mont\u00e9e par un cadre de Saumur qui ne perd jamais de vue son axe.<\/p>\n On parle plus volontiers donc de scandale ou d’accidents, voire de drame.<\/p>\n Exit la trag\u00e9die et son exag\u00e9ration, exit la magie.<\/p>\n Et je ne suis pas bien loin de croire dur comme fer qu’au point de vue olfactif nous sommes parvenus au z\u00e9ro absolu.<\/p>\n Peut-\u00eatre en va t’il aussi du gout et de bien d’autres choses encore.<\/p>\n C’est la monnaie rendue scrupuleusement par l’absence d’exag\u00e9ration comme transe, comme outil pour rejoindre le sacr\u00e9.<\/p>\n Ce que l’on connait de l’exag\u00e9ration aujourd’hui ne se situe gu\u00e8re qu’en politique, c’est dire \u00e0 quel point le terme s’est d\u00e9voy\u00e9.<\/p>\n Encore que... \u00e9coutez bien les discours des politiques, cette insistance sur la prononciation, ce silence entre les mots, ces intonations parfois bizarres, ce \" JEEAAAAN MOUUUULIN\" de Malraux, hein ....<\/p>\n bah ce sont les reliefs d’un banquet extraordinaire qu’on n’imagine pas.<\/p>\n La d\u00e9clamation est une branche de l’exag\u00e9ration, que l’on retrouve encore parfois en po\u00e9sie, encore que la mode du minimalisme oblige \u00e0 ne plus en faire des tartines de ce cot\u00e9 l\u00e0. Sans oublier les nouvelles th\u00e9ories sur le jeu de l’acteur.<\/p>\n On nous emp\u00eache d’exag\u00e9rer voil\u00e0 ! C’est une censure qui s’est mise en place progressivement sans loi ni d\u00e9cret.<\/p>\n Rien dans le journal officiel.<\/p>\n Et \u00e0 mon avis tout \u00e0 du commencer en m\u00eame temps que les cong\u00e9s pay\u00e9s, les fameuses vacances. C’est toujours \u00e0 ce moment l\u00e0 qu’on passe les r\u00e9formes les plus importantes si vous avez remarqu\u00e9.<\/p>\n Il auront pris le temps, de d\u00e9cennie en d\u00e9cennie. Qui donc ? Mais les avides de pouvoir, les affam\u00e9s de l’ordre, les obs\u00e9d\u00e9s de la gestion tout azimuts.<\/p>\n Et comme ils sont malins, ils ont cantonn\u00e9 l’exag\u00e9ration dans un p\u00e9rim\u00e8tre facilement contr\u00f4lable.<\/p>\n Les actualit\u00e9s t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es, les \"talk Show\" le jeu des milles francs de feu Lucien Jeunesse, le feu d’artifice du 14 juillet et le Tour de France, sans oublier les grands messes du football.<\/p>\n Autant de petits camps retranch\u00e9s mais totalement administrables.<\/p>\n Donc oui c’est vrai j’ai une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l’exag\u00e9ration mais comprenez bien que cela fait partie d’un processus global de r\u00e9sistance au m\u00eame titre que de s’emparer du pinceau et de barbouiller du papier ou de la toile.<\/p>\n Certains disent encore je pense donc je suis<\/em>, je les plains.<\/p>\n Ils devraient essayer j’exag\u00e8re donc je vibre j’\u00e9l\u00e8ve ma fr\u00e9quence<\/em> !<\/p>\n \u00e7a ne rapporte pas plus, soyons clairs ! mais c’est plus fun<\/em> comme on disait encore y a pas si longtemps.<\/p>",
"content_text": "Une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l'exag\u00e9ration m'entraine parfois \u00e0 utiliser certains mots \u00e0 tort et \u00e0 travers m'a t'on d\u00e9clar\u00e9 solennellement il y a peu.\n\nJe me sens donc oblig\u00e9 de revenir sur celui de catastrophe dont j'aurais abus\u00e9 parait 'il.\n\nC'est \u00e9videmment exag\u00e9r\u00e9 pour une exposition de peinture. C'est placer l'importance n'importe comment. \n\nEst-ce dont une trag\u00e9die qui se joue ici et dont le cinqui\u00e8me acte apporterait la sanction finale , le fameux d\u00e9nouement ?\n\nTout d\u00e9pend encore une fois de l'id\u00e9e que l'on s'en fait par rapport au point de vue que l'on veut adopter.\n\nGilles Deleuze y est pour beaucoup quant \u00e0 l'abus. \n\nPlus finement encore, mon interpr\u00e9tation personnelle sur ce que d\u00e9clare Gilles Deleuze sur la peinture et notamment sur les peintres de la catastrophe.\n\nLorsque Paul C\u00e9zanne d\u00e9truit 3 fois minimum sa toile avant de commencer \u00e0 songer \u00e0 peindre vraiment, on ne peut plus vraiment parler de catastrophe.\n\nOn parle de d\u00e9viance, d'acharnement, de t\u00e9nacit\u00e9. Et si on ne parlait pas de C\u00e9zanne le mot b\u00eatise nous viendrait plus facilement en t\u00eate.\n\nOu le mot po\u00e9sie en pensant \u00e0 Tarkovski et \u00e0 ce type qui d\u00e9vaste une foret pour se frayer un chemin vers une inaccessible \u00e9toile.\n\nOu \u00e0 Cervantes et son Don Quichotte.\n\nLa trag\u00e9die n'est plus \u00e0 la mode. \n\nLa grecque. \n\nOn ne comptait d\u00e9j\u00e0 plus le nombre de spectateurs endormis durant la repr\u00e9sentation de Britannicus en Avignon avant Covid, \u00e7a ne s'est surement pas am\u00e9lior\u00e9 depuis.\n\nD'ailleurs qui lit encore Jean Racine lorsqu'il n'y est pas oblig\u00e9 pour \u00e9chapper \u00e0 un z\u00e9ro point\u00e9 ?\n\nJ'ai \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 d'utiliser le mot d\u00e9sastre, mais on ne le rencontre plus gu\u00e8re dans la langue vernaculaire d'aujourd'hui. Presque personne ne se soucie des astres, sauf entre deux pubs, lorsqu'il s'agit d'atteindre la plan\u00e8te mars ou d'exp\u00e9dier en orbite une brochette de milliardaires attard\u00e9s. Et encore... \n\nJ'aurais du dire accident j'aurais tout de suite \u00e9t\u00e9 contemporain pour de vrai.\n\nD'ailleurs c'est ce mot l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment que j'utilise en cours. Soyez attentifs aux accidents je dis.\n\nSoyez attentifs aux catastrophes, j'aurais l'air de quoi ?\n\nBref revenons au titre: cette exag\u00e9ration maladive, ce r\u00e9flexe prioritaire, ce pr\u00e9ambule \u00e0 toute pens\u00e9e raisonnable. \n\nOn n'exag\u00e8re plus autant qu'avant. Et c'est bien dommage.\n\nReste encore quelques traces dans les p\u00e9ninsules, Italienne, ou ib\u00e9rique, peut-\u00eatre en Russie, mais discr\u00e8tement.\n\nEt me voil\u00e0 presque aussit\u00f4t atteint de nostalgie \u00e0 force d'exag\u00e9rer sur l'exag\u00e9ration. \n\nJe peux renifler les odeurs de linge frais qui montent depuis les rues accompagn\u00e9es de celles de pates \u00e0 pizza croustillantes tirant la bourre au pepp\u00e9roni, puis se m\u00e9langeant encore \u00e0 des effluves de pa\u00eblla et de pirojkis. \n\nAinsi l'exag\u00e9ration est t'elle une sorte de crois\u00e9e des chemins , un carrefour olfactif en tout premier lieu et contre toute attente.\n\nJe ne sais pas si l'expression \"avoir du flair\" ou \"avoir du nez\" ne vient pas de l'exag\u00e9ration finalement.\n\nPeut-\u00eatre qu'autrefois certains individus ayant \u00e0 la fois la casquette de timbr\u00e9 local et de devin levaient t'il le nez au vent et se mettaient \u00e0 exag\u00e9rer abondamment peut-\u00eatre m\u00eame en bavant l\u00e9g\u00e8rement, pour pr\u00e9venir leurs cong\u00e9n\u00e8res affair\u00e9s \u00e0 leurs affaires des catastrophes \u00e0 venir. \n\nAvoir l'exag\u00e9ration dans le sang ce n'est pas rien. C'est renouer intimement avec la trag\u00e9die du monde et son cort\u00e8ge de catastrophes en tous genres qui, si discr\u00e8te se ferait t'elle d\u00e9sormais n'en est pas moins r\u00e9elle. D'ailleurs quand je pense \u00e0 l'exag\u00e9ration je pense facilement aux volcans, \u00e0 des \u00e9coulements de lave, \u00e0 la fois bouillants, lents, tranquilles, inexorables, une impatience mont\u00e9e par un cadre de Saumur qui ne perd jamais de vue son axe. \n\nOn parle plus volontiers donc de scandale ou d'accidents, voire de drame.\n\nExit la trag\u00e9die et son exag\u00e9ration, exit la magie.\n\nEt je ne suis pas bien loin de croire dur comme fer qu'au point de vue olfactif nous sommes parvenus au z\u00e9ro absolu.\n\nPeut-\u00eatre en va t'il aussi du gout et de bien d'autres choses encore. \n\nC'est la monnaie rendue scrupuleusement par l'absence d'exag\u00e9ration comme transe, comme outil pour rejoindre le sacr\u00e9.\n\nCe que l'on connait de l'exag\u00e9ration aujourd'hui ne se situe gu\u00e8re qu'en politique, c'est dire \u00e0 quel point le terme s'est d\u00e9voy\u00e9.\n\nEncore que... \u00e9coutez bien les discours des politiques, cette insistance sur la prononciation, ce silence entre les mots, ces intonations parfois bizarres, ce \" JEEAAAAN MOUUUULIN\" de Malraux, hein ....\n\nbah ce sont les reliefs d'un banquet extraordinaire qu'on n'imagine pas. \n\nLa d\u00e9clamation est une branche de l'exag\u00e9ration, que l'on retrouve encore parfois en po\u00e9sie, encore que la mode du minimalisme oblige \u00e0 ne plus en faire des tartines de ce cot\u00e9 l\u00e0. Sans oublier les nouvelles th\u00e9ories sur le jeu de l'acteur.\n\nOn nous emp\u00eache d'exag\u00e9rer voil\u00e0 ! C'est une censure qui s'est mise en place progressivement sans loi ni d\u00e9cret.\n\nRien dans le journal officiel. \n\nEt \u00e0 mon avis tout \u00e0 du commencer en m\u00eame temps que les cong\u00e9s pay\u00e9s, les fameuses vacances. C'est toujours \u00e0 ce moment l\u00e0 qu'on passe les r\u00e9formes les plus importantes si vous avez remarqu\u00e9.\n\nIl auront pris le temps, de d\u00e9cennie en d\u00e9cennie. Qui donc ? Mais les avides de pouvoir, les affam\u00e9s de l'ordre, les obs\u00e9d\u00e9s de la gestion tout azimuts.\n\nEt comme ils sont malins, ils ont cantonn\u00e9 l'exag\u00e9ration dans un p\u00e9rim\u00e8tre facilement contr\u00f4lable.\n\nLes actualit\u00e9s t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es, les \"talk Show\" le jeu des milles francs de feu Lucien Jeunesse, le feu d'artifice du 14 juillet et le Tour de France, sans oublier les grands messes du football. \n\nAutant de petits camps retranch\u00e9s mais totalement administrables.\n\nDonc oui c'est vrai j'ai une l\u00e9g\u00e8re tendance \u00e0 l'exag\u00e9ration mais comprenez bien que cela fait partie d'un processus global de r\u00e9sistance au m\u00eame titre que de s'emparer du pinceau et de barbouiller du papier ou de la toile.\n\nCertains disent encore je pense donc je suis, je les plains.\n\nIls devraient essayer j'exag\u00e8re donc je vibre j'\u00e9l\u00e8ve ma fr\u00e9quence !\n\n\u00e7a ne rapporte pas plus, soyons clairs ! mais c'est plus fun comme on disait encore y a pas si longtemps.",
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"tags": ["prof\u00e9ration"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/tirer-parti-des-catastrophes.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/tirer-parti-des-catastrophes.html",
"title": "Tirer parti des catastrophes.",
"date_published": "2021-09-28T05:59:42Z",
"date_modified": "2025-11-19T08:33:24Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Je crois que le travail de r\u00e9flexion a commenc\u00e9 \u00e0 partir du mois de juin 2020, la r\u00e9flexion sur cette exposition, « Voyage int\u00e9rieur ». Et maintenant l’id\u00e9e surgit, tout d’abord ridicule \u00e9videmment comme souvent. J’ai fait une liste de titres pour mes tableaux, mais le fran\u00e7ais ne rend pas compte de l’\u00e9tranget\u00e9 de ce voyage. Le fran\u00e7ais tellement \u00e9pris de pr\u00e9cision et de nuance, le fran\u00e7ais qui veut tout penser tout savoir...<\/p>\n J’ai donc pens\u00e9 \u00e0 l’estonien.<\/p>\n D\u00e9j\u00e0 parce que je ne parle pas l’estonien. Et que j’imagine ne pas \u00eatre le seul lorsqu’inscrits sur des cartels les titres apparaitront ainsi dans une phon\u00e9tique singuli\u00e8re aux visiteurs.<\/p>\n Ce voyage int\u00e9rieur se transforme en Sisemine Teekond<\/strong><\/em> d’apr\u00e8s le traducteur de Google.<\/p>\n Et puis ce n’est pas si ridicule que \u00e7a dans le fond , je dois bien cela \u00e0 mon grand-p\u00e8re parti de l\u00e0-bas, \u00e0 ma grand-m\u00e8re et \u00e0 ma m\u00e8re. A toutes ces ombres vacillantes dans les longs jours d’\u00e9t\u00e9 proches de Thul\u00e9 o\u00f9 parait-t ’il on r\u00e9coltait deux fois.<\/p>\n Une fa\u00e7on saugrenue de r\u00e9gler des dettes en monnaie de singe j’ai d’abord pens\u00e9 comme pour me d\u00e9douaner en me disant : \"tu veux encore une fois de plus faire ton int\u00e9ressant ?\"<\/p>\n Une part de moi est estonienne bien que je sois fran\u00e7ais. C’est ainsi.<\/p>\n Maintenant la question se pose... dois je laisser le mot fran\u00e7ais pr\u00e8s du mot estonien sur les cartels ?<\/p>\n A mon avis oui ne serait-ce que pour me souvenir de la traduction si par hasard un visiteur me demande ce que \u00e7a veut dire.<\/p>\n Ou bien justement \u00e7a ne veut rien dire du tout c’est simplement dans un but administratif, pour les assurances que l’on doit donner des titres, des dimensions, une technique...<\/p>\n J’imagine d\u00e9j\u00e0 la t\u00eate de la secr\u00e9taire de la compagnie d’assurance qui va \u00e9crire Sisemond teekond <\/em>et tous les autres titres en se relisant plusieurs fois pour \u00eatre sure de ne pas faire d’erreur...<\/p>\n Blague \u00e0 part, en d\u00e9couvrant ces mots je les prononce \u00e0 haute voix et l’\u00e9cho que me renvoient les murs de l’atelier me sont familiers sans que je ne comprenne ni pourquoi ni comment. Cela ressemble \u00e0 de l’italien parfois.<\/p>\n Je ne parle pas plus l’italien pourtant. Mais mes premi\u00e8res amours provenaient de Sicile, de Naples, comme si d\u00e9j\u00e0 les sonorit\u00e9s avaient touch\u00e9 ce c\u0153ur si difficile \u00e0 \u00e9couter sans distraction. Peut-\u00eatre que si j’avais mieux \u00e9cout\u00e9 j’aurais pouss\u00e9 la barque jusqu’\u00e0 Tallin et au del\u00e0, je n’en sais rien...<\/p>",
"content_text": "Et maintenant l'id\u00e9e surgit, tout d'abord ridicule \u00e9videmment comme souvent. J'ai fait une liste de titres pour mes tableaux, mais le fran\u00e7ais ne rend pas compte de l'\u00e9tranget\u00e9 de ce voyage. Le fran\u00e7ais tellement \u00e9pris de pr\u00e9cision et de nuance, le fran\u00e7ais qui veut tout penser tout savoir...\n\nJ'ai donc pens\u00e9 \u00e0 l'estonien. \n\nD\u00e9j\u00e0 parce que je ne parle pas l'estonien. Et que j'imagine ne pas \u00eatre le seul lorsqu'inscrits sur des cartels les titres apparaitront ainsi dans une phon\u00e9tique singuli\u00e8re aux visiteurs.\n\nCe voyage int\u00e9rieur se transforme en Sisemine Teekond d'apr\u00e8s le traducteur de Google.\n\nEt puis ce n'est pas si ridicule que \u00e7a dans le fond , je dois bien cela \u00e0 mon grand-p\u00e8re parti de l\u00e0-bas, \u00e0 ma grand-m\u00e8re et \u00e0 ma m\u00e8re. A toutes ces ombres vacillantes dans les longs jours d'\u00e9t\u00e9 proches de Thul\u00e9 o\u00f9 parait-t 'il on r\u00e9coltait deux fois.\n\nUne fa\u00e7on saugrenue de r\u00e9gler des dettes en monnaie de singe j'ai d'abord pens\u00e9 comme pour me d\u00e9douaner en me disant : \"tu veux encore une fois de plus faire ton int\u00e9ressant ?\"\n\nUne part de moi est estonienne bien que je sois fran\u00e7ais. C'est ainsi.\n\nMaintenant la question se pose... dois je laisser le mot fran\u00e7ais pr\u00e8s du mot estonien sur les cartels ?\n\nA mon avis oui ne serait-ce que pour me souvenir de la traduction si par hasard un visiteur me demande ce que \u00e7a veut dire.\n\nOu bien justement \u00e7a ne veut rien dire du tout c'est simplement dans un but administratif, pour les assurances que l'on doit donner des titres, des dimensions, une technique... \n\nJ'imagine d\u00e9j\u00e0 la t\u00eate de la secr\u00e9taire de la compagnie d'assurance qui va \u00e9crire Sisemond teekond et tous les autres titres en se relisant plusieurs fois pour \u00eatre sure de ne pas faire d'erreur...\n\nBlague \u00e0 part, en d\u00e9couvrant ces mots je les prononce \u00e0 haute voix et l'\u00e9cho que me renvoient les murs de l'atelier me sont familiers sans que je ne comprenne ni pourquoi ni comment. Cela ressemble \u00e0 de l'italien parfois.\n\nJe ne parle pas plus l'italien pourtant. Mais mes premi\u00e8res amours provenaient de Sicile, de Naples, comme si d\u00e9j\u00e0 les sonorit\u00e9s avaient touch\u00e9 ce c\u0153ur si difficile \u00e0 \u00e9couter sans distraction. Peut-\u00eatre que si j'avais mieux \u00e9cout\u00e9 j'aurais pouss\u00e9 la barque jusqu'\u00e0 Tallin et au del\u00e0, je n'en sais rien... ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-admiration-perdue.html",
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"title": "L'admiration perdue",
"date_published": "2021-09-26T03:02:27Z",
"date_modified": "2025-11-19T08:55:26Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Arrive un moment o\u00f9 je surprends mon reflet dans la glace et ne me reconnais pas. Cette inadvertance effrayante puis salutaire. Tu dis c’est fort ou c’est fragile sans connaitre. Tu le dis par reflexe, par habitude, pouss\u00e9 par les on-dit.<\/p>\n Tu devrais te taire.<\/p>\n Et vivre le silence fracassant qui suit \u00e0 son d\u00e9but.<\/p>\n Qui brise toutes les murailles par sa fr\u00e9quence assourdissante.<\/p>\n Et te laisse l\u00e0 \u00e9ventr\u00e9, \u00e9bloui, tout en m\u00eame temps.<\/p>\n Enfin pr\u00eat \u00e0 rebattre toutes les cartes et les redistribuer<\/p>\n La derni\u00e8re \u00e9tape est de repousser la pens\u00e9e pour laisser le souffle aller.<\/p>\n Sans m\u00eame y penser.<\/p>",
"content_text": "Tu dis c'est fort ou c'est fragile sans connaitre. Tu le dis par reflexe, par habitude, pouss\u00e9 par les on-dit.\n\nTu devrais te taire. \n\nEt vivre le silence fracassant qui suit \u00e0 son d\u00e9but.\n\nQui brise toutes les murailles par sa fr\u00e9quence assourdissante.\n\nEt te laisse l\u00e0 \u00e9ventr\u00e9, \u00e9bloui, tout en m\u00eame temps.\n\nEnfin pr\u00eat \u00e0 rebattre toutes les cartes et les redistribuer \n\nLa derni\u00e8re \u00e9tape est de repousser la pens\u00e9e pour laisser le souffle aller.\n\nSans m\u00eame y penser.",
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"tags": ["po\u00e9sie du quotidien", "peinture"]
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"title": "C'\u00e9tait quoi d\u00e9j\u00e0 ce po\u00e8me ?",
"date_published": "2021-09-25T04:14:57Z",
"date_modified": "2025-11-19T08:18:13Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Je perds la m\u00e9moire, je ne sais plus en quelle ann\u00e9e je me suis install\u00e9 l\u00e0, il me faudrait faire cet effort, recouper les choses, retrouver des points de rep\u00e8re, r\u00e9inventer une fois de plus toute l’histoire.\nJ’\u00e9tais dans cette ville tellement triste aux fa\u00e7ades ab\u00eem\u00e9es. Je marchais des pentes et des gouffres \u00e0 ne plus finir. J’adorais m’asseoir \u00e0 la terrasse de ce petit caf\u00e9, un peu en retrait de la cohorte des touristes, de l\u00e0 j’apercevais le grand pont enjambant le Douro.\nIl y avait peu de bruit, pas d’effusion, juste la paix raviv\u00e9e de temps \u00e0 autre par l’irruption d’un klaxon dans le lointain. Je savourais cette paix.\nLes hommes qui \u00e9taient install\u00e9s \u00e0 la table d’\u00e0 c\u00f4t\u00e9 aussi, \u00e7a se lisait sur les traits de leurs visages, ils \u00e9taient silencieux et de temps en temps attrapaient leur verre de bi\u00e8re pour en boire une gorg\u00e9e, ils se regardaient peu, car leurs regards \u00e9taient pos\u00e9s sur le fleuve.\nC’est ce jour-l\u00e0, je crois, que j’ai \u00e9crit ce po\u00e8me sur mon petit carnet. Je l’ai perdu \u00e9videmment, le carnet et tous les po\u00e8mes \u00e0 l’int\u00e9rieur. Cela me pla\u00eet de songer \u00e0 cette perte tout \u00e0 coup.\nJ’ai la sensation d’avoir des tr\u00e9sors encore intacts, enfouis tout au fond, et qu’il faut laisser ainsi, sans y toucher.\nMais tout de m\u00eame je suis curieux. C’\u00e9tait quoi d\u00e9j\u00e0 ce po\u00e8me ?\nCela parlait, je crois, des caravelles, de Vasco de Gama, de tous les conqu\u00e9rants partis conqu\u00e9rir quelque chose \u00e0 l’ext\u00e9rieur d’eux-m\u00eames, et de cette terre ici.\nPartis pouss\u00e9s par je ne sais quel r\u00eave, quelle chim\u00e8re qui consumera et d\u00e9vastera un monde par-del\u00e0 les mers.\nIls sont revenus. Ils sont l\u00e0 tout \u00e0 c\u00f4t\u00e9.\nEt ils n’ont pas l’air d’\u00eatre plus avanc\u00e9s que \u00e7a.\nIls posent leurs regards sur le fleuve sans parler.\nEt moi je me d\u00e9p\u00eache de me souvenir encore une fois de tout cela parce que j’ai peur de l’oublier.<\/p>",
"content_text": " Je perds la m\u00e9moire, je ne sais plus en quelle ann\u00e9e je me suis install\u00e9 l\u00e0, il me faudrait faire cet effort, recouper les choses, retrouver des points de rep\u00e8re, r\u00e9inventer une fois de plus toute l'histoire. J'\u00e9tais dans cette ville tellement triste aux fa\u00e7ades ab\u00eem\u00e9es. Je marchais des pentes et des gouffres \u00e0 ne plus finir. J'adorais m'asseoir \u00e0 la terrasse de ce petit caf\u00e9, un peu en retrait de la cohorte des touristes, de l\u00e0 j'apercevais le grand pont enjambant le Douro. Il y avait peu de bruit, pas d'effusion, juste la paix raviv\u00e9e de temps \u00e0 autre par l'irruption d'un klaxon dans le lointain. Je savourais cette paix. Les hommes qui \u00e9taient install\u00e9s \u00e0 la table d'\u00e0 c\u00f4t\u00e9 aussi, \u00e7a se lisait sur les traits de leurs visages, ils \u00e9taient silencieux et de temps en temps attrapaient leur verre de bi\u00e8re pour en boire une gorg\u00e9e, ils se regardaient peu, car leurs regards \u00e9taient pos\u00e9s sur le fleuve. C'est ce jour-l\u00e0, je crois, que j'ai \u00e9crit ce po\u00e8me sur mon petit carnet. Je l'ai perdu \u00e9videmment, le carnet et tous les po\u00e8mes \u00e0 l'int\u00e9rieur. Cela me pla\u00eet de songer \u00e0 cette perte tout \u00e0 coup. J'ai la sensation d'avoir des tr\u00e9sors encore intacts, enfouis tout au fond, et qu'il faut laisser ainsi, sans y toucher. Mais tout de m\u00eame je suis curieux. C'\u00e9tait quoi d\u00e9j\u00e0 ce po\u00e8me ? Cela parlait, je crois, des caravelles, de Vasco de Gama, de tous les conqu\u00e9rants partis conqu\u00e9rir quelque chose \u00e0 l'ext\u00e9rieur d'eux-m\u00eames, et de cette terre ici. Partis pouss\u00e9s par je ne sais quel r\u00eave, quelle chim\u00e8re qui consumera et d\u00e9vastera un monde par-del\u00e0 les mers. Ils sont revenus. Ils sont l\u00e0 tout \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Et ils n'ont pas l'air d'\u00eatre plus avanc\u00e9s que \u00e7a. Ils posent leurs regards sur le fleuve sans parler. Et moi je me d\u00e9p\u00eache de me souvenir encore une fois de tout cela parce que j'ai peur de l'oublier. ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-seduction-en-peinture.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-seduction-en-peinture.html",
"title": "La s\u00e9duction en peinture",
"date_published": "2021-09-24T10:40:43Z",
"date_modified": "2025-11-19T07:10:58Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Peindre avec une intention de s\u00e9duire c\u2019est courant. Le probl\u00e8me c\u2019est qu\u2019on ne sait ce qui s\u00e9duit vraiment\u2026 En tous cas personnellement je n\u2019en sais rien.<\/p>\n Un tableau peut tout \u00e0 coup me s\u00e9duire et je vois bien que \u00e7a s\u2019arr\u00eate l\u00e0, surtout mes propres tableaux.<\/p>\n Du coup je les retourne contre le mur. Je ne veux plus les voir une fois ce constat \u00e9tabli.<\/p>\n Mais ce constat est tout \u00e0 fait personnel.<\/p>\n Il faut que lorsque je retourne une toile \u00e0 nouveau que celle-ci me parle d\u2019autre chose\u2026 et si elle ne me dit rien, si elle ne me propose que son silence je sais alors que peut-\u00eatre il se passe vraiment quelque chose d\u2019important.<\/p>\n C\u2019est souvent un paradoxe pour moi qui suis un incorrigible bavard.<\/p>\n Il me semble n\u00e9cessaire d\u2019attendre et de r\u00e9it\u00e9rer toute l\u2019op\u00e9ration plusieurs fois pour parvenir \u00e0 saisir que quelque chose, sans doute en dehors de moi, se passe.<\/p>\n Tout le doute du peintre \u00e0 mon sens se constitue s\u00e9rieusement sur cet unique point.<\/p>",
"content_text": "Peindre avec une intention de s\u00e9duire c\u2019est courant. Le probl\u00e8me c\u2019est qu\u2019on ne sait ce qui s\u00e9duit vraiment\u2026 En tous cas personnellement je n\u2019en sais rien.\n\nUn tableau peut tout \u00e0 coup me s\u00e9duire et je vois bien que \u00e7a s\u2019arr\u00eate l\u00e0, surtout mes propres tableaux.\n\nDu coup je les retourne contre le mur. Je ne veux plus les voir une fois ce constat \u00e9tabli.\n\nMais ce constat est tout \u00e0 fait personnel.\n\nIl faut que lorsque je retourne une toile \u00e0 nouveau que celle-ci me parle d\u2019autre chose\u2026 et si elle ne me dit rien, si elle ne me propose que son silence je sais alors que peut-\u00eatre il se passe vraiment quelque chose d\u2019important.\n\nC\u2019est souvent un paradoxe pour moi qui suis un incorrigible bavard.\n\nIl me semble n\u00e9cessaire d\u2019attendre et de r\u00e9it\u00e9rer toute l\u2019op\u00e9ration plusieurs fois pour parvenir \u00e0 saisir que quelque chose, sans doute en dehors de moi, se passe.\n\nTout le doute du peintre \u00e0 mon sens se constitue s\u00e9rieusement sur cet unique point. ",
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"title": "La fulgurance.",
"date_published": "2021-09-21T05:13:06Z",
"date_modified": "2025-11-19T07:04:41Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Elle ne se trouve certainement pas sous le sabot du premier cheval venu. Elle me demande du temps, des heures, des jours, parfois m\u00eame des ann\u00e9es. Tout ce que l\u2019on ne montre jamais vraiment dans un tableau. La fulgurance, ce n\u2019est rien d\u2019autre que l\u2019\u00e9ternit\u00e9.<\/p>",
"content_text": "Elle ne se trouve certainement pas sous le sabot du premier cheval venu. Elle me demande du temps, des heures, des jours, parfois m\u00eame des ann\u00e9es. Tout ce que l\u2019on ne montre jamais vraiment dans un tableau. Je suis sorti de cela, du c\u00f4t\u00e9 \u00e9patant de la fulgurance. Car elle \u00e9pate trop et \u00e9gare \u00e0 la fois et les autres et moi-m\u00eame. Lorsqu\u2019elle surgit \u2013 car elle surgit toujours \u2013, je la comprends mieux. Elle est f\u00e9minine elle tr\u00e9pigne, une impatience. Elle demande \u00e0 \u00eatre rassur\u00e9e tout en attisant le risque. Le paradoxe de la fulgurance, il faut aussi se pencher dessus. L\u2019\u00e9pouser, la couvrir d\u2019une certaine fa\u00e7on, pour le meilleur et pour le pire. C\u2019est assez proche de l\u2019abandon, sans l\u2019\u00eatre tout \u00e0 fait. C\u2019est se souvenir, dans l\u2019instant, de quelque chose qui n\u2019a jamais boug\u00e9. D\u2019une immobilit\u00e9 que l\u2019on d\u00e9voile \u00e0 la vitesse d\u2019un trait, d\u2019un carreau d\u2019arbal\u00e8te, d\u2019une touche de couleur qui doit \u00eatre l\u00e0 et nulle part ailleurs ; que l\u2019on ne remet plus en question, avec laquelle il faut de toute fa\u00e7on composer. C\u2019est comme un \u00ab je t\u2019aime \u00bb, un \u00ab je te hais \u00bb. Tous ces pr\u00e9textes dont on use pour fatiguer quelque chose qui tombe enfin \u00e0 genoux, pour laisser passer la clart\u00e9. La fulgurance n\u2019est pas un but ; elle surgit lorsqu\u2019on n\u2019attend plus rien, lorsque la mort, l\u2019an\u00e9antissement, est l\u00e0, \u00e0 \u00e9galit\u00e9 avec la vie, la pl\u00e9nitude de vivre. La fulgurance, c\u2019est l\u2019\u00e9clat argent\u00e9 d\u2019un poisson qui file entre les herbes folles du rivage et qui nous ravit. La fulgurance, c\u2019est cette amante qui se d\u00e9robe durant des ann\u00e9es et dont l\u2019attente est l\u2019hame\u00e7on qui p\u00e9n\u00e8tre la chair ; on s\u2019habitue \u00e0 la douleur, car elle nous laisse entrevoir le plaisir. Et puis, rien de tout cela, rien de tout ce que l\u2019on peut penser, n\u2019est assez juste pour l\u2019\u00e9voquer. La fulgurance, c\u2019est la vie ; on ne la voit pas, car nous croyons \u00e0 la dur\u00e9e, au temps qui nous aveugle comme une nuit. La fulgurance, ce n\u2019est rien d\u2019autre que l\u2019\u00e9ternit\u00e9. ",
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"title": "Avoir la foi",
"date_published": "2021-09-21T04:39:04Z",
"date_modified": "2025-11-18T21:33:42Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " J’ai toujours trouv\u00e9 cette expression bizarre \" Avoir la foi\" ou \"poss\u00e9der la foi\". C’est \u00e9trange le pouvoir des mots. C’est souvent inconscient. Quelque chose cloche, on ne sait pas vraiment quoi tant qu’on ne s’arr\u00eate pas dessus vraiment.<\/p>\n Avoir la foi ce serait donc poss\u00e9der un pouvoir en quelque sorte qui te permettrait de tout traverser sans gravit\u00e9 vraiment parce que tu serais certain qu’au bout t’attend quelque chose. Pour certains un paradis peupl\u00e9 de vierges, d’anges, de magnifiques paysages, d’\u00eatres chers que l’on retrouve... Pour d’autre la gloire, la richesse, la r\u00e9ussite, Pour d’autres encore la s\u00e9r\u00e9nit\u00e9, la joie, l’amour absolu...<\/p>\n Autant de concepts qui sont finalement limit\u00e9s \u00e0 l’imagination humaine lorsqu’on y r\u00e9fl\u00e9chit, et surtout \u00e0 bon nombre de frustrations que l’on s’engage \u00e0 supporter dans l’espoir que cet investissement rapporte des int\u00e9r\u00eats.<\/p>\n Avoir la foi dans ces conditions ne ressemble t’il pas \u00e0 un placement en bourse ?<\/p>\n Pour en revenir \u00e0 cette exposition que je pr\u00e9pare puis je parler de foi vraiment ? Est ce que j’ai cette foi l\u00e0, est ce que je la poss\u00e8de vraiment ?<\/p>\n Parfois j’observe \u00e0 quel point je suis tent\u00e9 par le fait de pouvoir l’obtenir. De pouvoir \u00eatre assur\u00e9, rassur\u00e9. Mais je r\u00e9siste \u00e0 cette tentation bien sur et je laisse toujours le doute reprendre le dessus. Le doute et le diable si l’on veut qui comme chacun le sait se loge dans les d\u00e9tails.<\/p>\n En ce moment je suis obs\u00e9d\u00e9 litt\u00e9ralement par la notion de d\u00e9tail. Je scrute chaque toile \u00e0 la recherche du d\u00e9faut, du petit poc, d’un embu qui ressortirait comme une m\u00e8che rebelle. En fait je cherche le fameux b\u00e2ton pour me faire battre.<\/p>\n Qu’est ce que \u00e7a veut dire exposer un tableau sur lequel on verrait un d\u00e9faut ? Qu’est ce que je me dit ? Qu’est ce que je pense que les gens diront alors ?<\/p>\n Ce n’est pas s\u00e9rieux, ce n’est pas professionnel, ce n’est pas suffisamment \"clean\" pour que ce soit un produit \"vendable\".<\/p>\n Comme quoi on n’est tout de m\u00eame tenu par quelques r\u00e8gles de base. Sans lesquelles on imaginerait \"perdre la face\".<\/p>\n On peut aussi penser au respect envers le public. Pr\u00e9senter des choses impeccables pour ne pas le heurter.<\/p>\n Autant de d\u00e9tails sur lesquels mon regard s’accroche dans le doute parce que justement je me refuse \u00e0 poss\u00e9der la foi.<\/p>\n Parce que ce qui compte le plus c’est d’\u00eatre tout simplement ce que je suis, sans masquer quoique ce soit.<\/p>\n C’est dangereux si le but est de faire du chiffre d’affaire.<\/p>\n Mais c’est aussi extr\u00eamement lib\u00e9rateur de se dire : Bon j’ai vu toutes les imperfections, j’ai pass\u00e9 en revue tous les d\u00e9fauts et maintenant qu’est ce que je vais faire de tout cela ?<\/p>\n Les planquer ?<\/p>\n Ou bien justement m’en servir pour dire qui je suis ?<\/p>\n Et tant pis au final pour tout ce que l’on pourra dire j’aurais vraiment fait le job.<\/p>\n Le cheminement intellectuel ne d\u00e9bouche g\u00e9n\u00e9ralement que sur des impasses concernant les croyances. Sans doute parce que la croyance est la base \u00e0 partir de laquelle nous pensons.<\/p>\n Au bout du compte on tourne en rond dans le doute et c’est une sorte de confort \u00e9quivalent \u00e0 celui qu’offre la foi.<\/p>\n Ni l’un ni l’autre ou bien les deux en m\u00eame temps ?<\/p>\n On ne peut le penser en amont ni vivre l’intuition du moment avant de s’y trouver confront\u00e9.<\/p>\n Il faut juste \u00eatre l\u00e0. Etre vraiment l\u00e0 au moment o\u00f9 je me retrouve seul face aux murs blancs avec mes tableaux d\u00e9ball\u00e9s<\/p>\n Il faut que les murs blancs soient exactement comme une peinture que je r\u00e9alise au hasard et sans penser \u00e0 rien.<\/p>\n Que j’accroche mes toiles comme je pose des touches en aveugle.<\/p>\n Puis enfin prendre du recul et comprendre ce que j’ai fait.<\/p>\n Comprendre ce n’est pas construire un discours encore.<\/p>\n C’est surtout du domaine de l’\u00e9motion.<\/p>\n Est ce que \u00e7a me touche ?<\/p>\n La foi si elle existe ne peut advenir que de la m\u00eame fa\u00e7on que la gr\u00e2ce. En acceptant totalement l’ennui comme le corridor \u00e0 traverser sans y penser, sans esp\u00e9rer rien de d\u00e9fini, sans tirer le moindre plan sur la com\u00e8te.<\/p>\n
\n\u00c0 condition que vices et vertus aient encore un sens d\u00e9sormais. Si, comme dans ce dessin anim\u00e9 de Tex Avery, le grand m\u00e9chant loup ne continue pas \u00e0 courir apr\u00e8s un pivert au-dessus d\u2019un pr\u00e9cipice, tant il est tenu par l\u2019envie de d\u00e9voration.
\nEt quelle diff\u00e9rence inventer d\u00e9sormais entre l\u2019oisivet\u00e9 et le d\u00e9s\u0153uvrement, qui ne mettrait pas en sc\u00e8ne la morale \u00e0 l’aide de ce bin\u00f4me parental ?
\nL\u2019oisivet\u00e9 pointerait l\u2019ennui, tandis que le d\u00e9s\u0153uvrement mettrait en exergue une absence, un manque.
\nL\u2019ennui et le manque d\u00e9masqu\u00e9s.
\nL\u2019ennui et le manque r\u00e9v\u00e9l\u00e9s, si on les d\u00e9v\u00eat des panoplies tiss\u00e9es par la tradition, s’ils ne sont plus des personnages appartenant \u00e0 une tradition familiale, des marionnettes manipul\u00e9es par les arch\u00e9types du p\u00e8re ou de la m\u00e8re, si on cessait un instant de les rel\u00e9guer sur la touche afin qu\u2019un foyer, un monde puisse filer droit ou tourner rond.
\nUne sorte d\u2019apocalypse, si on veut.
\nCar selon ma propre exp\u00e9rience, l\u2019ennui m\u00e8ne \u00e0 la gr\u00e2ce et le d\u00e9s\u0153uvrement \u00e0 l\u2019\u0153uvre.
\nC\u2019est-\u00e0-dire tout l\u2019inverse de ce que j\u2019aurais appris enfant.
\nTout l\u2019inverse de ce que toute ma g\u00e9n\u00e9ration aura d\u00fb apprendre pour un jour s\u2019en d\u00e9faire avec plus ou moins de bonheur.
\nPas \u00e9tonnant que l\u2019id\u00e9e de la fin du monde soit si r\u00e9pandue aujourd\u2019hui.
\nEt que l\u2019attente d\u2019une apocalypse, d\u2019une r\u00e9v\u00e9lation qui va de pair, en fasse languir beaucoup.
\nC\u2019est de tout temps ce pourquoi les nonnes et les moines s\u2019enferment. C\u2019est de tout temps ce que pensent devoir traverser comme un d\u00e9sert les artistes dans l\u2019imagination populaire. Et, comme on le dit aussi : il n\u2019y a pas de fum\u00e9e sans feu !
\nEnnui et d\u00e9s\u0153uvrement, le vice et la vertu qu\u2019il faudra traverser pour accueillir dans la coupe vide ainsi fa\u00e7onn\u00e9e : la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration.
\n\u00c0 la fin on les voit se superposer, ce ne sont que des synonymes, la fameuse corne d\u2019abondance, l\u2019\u00e9lixir d\u2019immortalit\u00e9 ou de jouvence, toutes les m\u00e9taphores, les images s\u2019effondrant soudain l\u2019une sur l\u2019autre.
\nS\u2019effondrant comme une ville souffl\u00e9e par un deus ex machina, tremblement de terre, explosion nucl\u00e9aire, d\u00e9luge oc\u00e9anique balayant les immeubles comme des cartes \u00e0 jouer.
\nEt nous verrons \u00e0 notre guise l\u2019action de la fatalit\u00e9, du destin, d\u2019une col\u00e8re divine, ou de l\u2019absurdit\u00e9 du monde, de la vie.
\nCe qui, dans le fond, importe assez peu puisque le r\u00e9sultat sera le m\u00eame : se retrouver nez \u00e0 nez avec la ruine, avec la d\u00e9sesp\u00e9rance, avec la col\u00e8re qui souvent en r\u00e9sulte avant de laisser place au deuil puis \u00e0 la r\u00e9signation.
\nOn ne parle que rarement de ce qui se trouve au-del\u00e0 de la r\u00e9signation. On ne parle pas du vide bizarre que celle-ci laisse en l\u2019\u00eatre face \u00e0 ses fronti\u00e8res, \u00e0 la peur et au risque de les enjamber afin d\u2019explorer plus loin.
\nSans doute parce qu\u2019on se m\u00e9fie du vide, parce que cette part de nature qui r\u00e9side obstin\u00e9ment dans le tr\u00e9fonds de notre humanit\u00e9 refuse toujours ce vide.
\nLa nature a horreur du vide, a dit quelqu\u2019un en apercevant le d\u00e9sert qui s\u2019\u00e9tend au-del\u00e0 de la r\u00e9signation, puis il est revenu sur ses pas, a relev\u00e9 les manches et s\u2019est mis \u00e0 tout reconstruire \u00e0 peu pr\u00e8s comme avant.
\nCe que ne font pas les ermites, ni les artistes.
\nC\u2019est dans le d\u00e9sert qu\u2019Isis retrouve chaque morceau d\u2019Osiris d\u00e9membr\u00e9, pour qu\u2019il devienne autre chose de diff\u00e9rent qu\u2019avant. C\u2019est dans le d\u00e9sert que Mo\u00efse est interpell\u00e9 par un buisson ardent et qu\u2019il ne pourra du coup plus jamais mourir. Car peut-on mourir une fois que l\u2019on est mont\u00e9 au ciel comme Isa\u00efe ? C\u2019est dans le d\u00e9sert que la mort et l\u2019immortalit\u00e9 perdent aussi leur diff\u00e9rence, que la dualit\u00e9 tombe.
\nLe d\u00e9sert alchimique, lieu de la fusion et de toutes les m\u00e9tamorphoses. Pour indiquer qu\u2019on peut tirer partie du destin, de la fatalit\u00e9, et que tout antagoniste est n\u00e9cessaire dans la grande histoire du monde, de la vie, de nos vies individuelles qui paraissent si d\u00e9risoires.
\nMais rien n\u2019est d\u00e9risoire et rien n\u2019est important vraiment, et c\u2019est par cette travers\u00e9e double et trouble de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement que ces deux mots sont d\u00e9calamin\u00e9s de leur gangue de poncifs.
\nQu\u2019au final ce ne sont plus que des mots dans un livre que l\u2019on regarde presque avec nostalgie en feuilletant les pages.
\nOn pourrait en venir \u00e0 esp\u00e9rer l\u2019autodaf\u00e9 si cette nostalgie nous emportait. Si on n\u2019y mettait pas un oh l\u00e0 !
\nCet \u00e9lan en arri\u00e8re quand on touche sa propre \u00e2me \u00e0 pr\u00e9sent. Ce cadeau spontan\u00e9 ne serait-il pas grec ?
\nOn se m\u00e9fie encore par r\u00e9flexe alors qu\u2019il faut se jeter \u00e0 corps perdu dans la gr\u00e2ce, dans l\u2019inspiration, dans l\u2019\u0153uvre.
\nLe d\u00e9s\u0153uvrement, ce n\u2019est peut-\u00eatre que cela : de la m\u00e9fiance.
\nCette m\u00e9fiance qu\u2019une partie de nous utilise pour ne pas dispara\u00eetre totalement dans ce qu\u2019elle croit \u00eatre une fin d\u00e9finitive, irr\u00e9m\u00e9diable.
\nElle dirait alors : tant que je me m\u00e9fie, je suis en vie, alors que la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration proposent tout le contraire : la mort c\u2019est la vie.
\nMais quelqu\u2019un s\u2019obstine encore \u00e0 poser des si par-ci par-l\u00e0...
\nSi je meurs, je renais, comme on tente de contr\u00f4ler le hasard avec une martingale...
\nC\u2019est parce qu\u2019ils n\u2019ont pas encore os\u00e9 franchir la fronti\u00e8re de la r\u00e9signation, ils n\u00e9gocient avec le douanier, ils soup\u00e8sent et supputent encore.
\nLe douanier, quant \u00e0 lui, conna\u00eet bien toutes les ficelles.
\nIl les regarde et il se tait, ils peuvent bien gesticuler, murmurer, hurler, chanter m\u00eame s\u2019ils le veulent. Cela ne changera rien.
\nEt puis un jour, cela se termine, la douane s\u2019\u00e9vapore, le douanier aussi, la r\u00e9signation, le d\u00e9sert, bref tout ce sur quoi on s\u2019appuie sans rel\u00e2che pour ne rien changer compl\u00e8tement, pour ne pas s’\u00e9garer, se perdre, dispara\u00eetre, tout cela, on ne s\u2019en souvient m\u00eame plus.
\nIl n\u2019y a plus que le moment pr\u00e9sent qui se vit lui-m\u00eame en tant que gr\u00e2ce ou \u0153uvre.
\nMais ce ne sont encore que des mots.
\nEt ce ne sont pas les mots qui lib\u00e8rent, \"sauvent\" de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement.
\nD\u2019ailleurs, tant que l\u2019on pense \u00e0 se lib\u00e9rer, \u00e0 se sauver, c\u2019est qu\u2019on pense encore trop \u00eatre enferm\u00e9.
\nEt oui, on a besoin de penser enfermement pour parler de libert\u00e9.
\nComme on a besoin d\u2019\u00e9voquer le d\u00e9s\u0153uvrement comme pour se pr\u00e9parer \u00e0 l\u2019\u0153uvre \u00e0 venir.<\/p>",
"content_text": "Si [l\u2019oisivet\u00e9->https:\/\/ledibbouk.net\/30-aout-2024.html] est la m\u00e8re de tous les vices, le d\u00e9s\u0153uvrement se retrouve en miroir p\u00e8re de toutes les vertus. De l\u00e0 \u00e0 en inventer un, magistral, situ\u00e9 dans les cieux, on peut comprendre le cheminement. \u00c0 condition que vices et vertus aient encore un sens d\u00e9sormais. Si, comme dans ce dessin anim\u00e9 de Tex Avery, le grand m\u00e9chant loup ne continue pas \u00e0 courir apr\u00e8s un pivert au-dessus d\u2019un pr\u00e9cipice, tant il est tenu par l\u2019envie de d\u00e9voration. Et quelle diff\u00e9rence inventer d\u00e9sormais entre l\u2019oisivet\u00e9 et le d\u00e9s\u0153uvrement, qui ne mettrait pas en sc\u00e8ne la morale \u00e0 l'aide de ce bin\u00f4me parental ? L\u2019oisivet\u00e9 pointerait l\u2019ennui, tandis que le d\u00e9s\u0153uvrement mettrait en exergue une absence, un manque. L\u2019ennui et le manque d\u00e9masqu\u00e9s. L\u2019ennui et le manque r\u00e9v\u00e9l\u00e9s, si on les d\u00e9v\u00eat des panoplies tiss\u00e9es par la tradition, s'ils ne sont plus des personnages appartenant \u00e0 une tradition familiale, des marionnettes manipul\u00e9es par les arch\u00e9types du p\u00e8re ou de la m\u00e8re, si on cessait un instant de les rel\u00e9guer sur la touche afin qu\u2019un foyer, un monde puisse filer droit ou tourner rond. Une sorte d\u2019apocalypse, si on veut. Car selon ma propre exp\u00e9rience, l\u2019ennui m\u00e8ne \u00e0 la gr\u00e2ce et le d\u00e9s\u0153uvrement \u00e0 l\u2019\u0153uvre. C\u2019est-\u00e0-dire tout l\u2019inverse de ce que j\u2019aurais appris enfant. Tout l\u2019inverse de ce que toute ma g\u00e9n\u00e9ration aura d\u00fb apprendre pour un jour s\u2019en d\u00e9faire avec plus ou moins de bonheur. Pas \u00e9tonnant que l\u2019id\u00e9e de la fin du monde soit si r\u00e9pandue aujourd\u2019hui. Et que l\u2019attente d\u2019une apocalypse, d\u2019une r\u00e9v\u00e9lation qui va de pair, en fasse languir beaucoup. C\u2019est de tout temps ce pourquoi les nonnes et les moines s\u2019enferment. C\u2019est de tout temps ce que pensent devoir traverser comme un d\u00e9sert les artistes dans l\u2019imagination populaire. Et, comme on le dit aussi : il n\u2019y a pas de fum\u00e9e sans feu ! Ennui et d\u00e9s\u0153uvrement, le vice et la vertu qu\u2019il faudra traverser pour accueillir dans la coupe vide ainsi fa\u00e7onn\u00e9e : la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration. \u00c0 la fin on les voit se superposer, ce ne sont que des synonymes, la fameuse corne d\u2019abondance, l\u2019\u00e9lixir d\u2019immortalit\u00e9 ou de jouvence, toutes les m\u00e9taphores, les images s\u2019effondrant soudain l\u2019une sur l\u2019autre. S\u2019effondrant comme une ville souffl\u00e9e par un deus ex machina, tremblement de terre, explosion nucl\u00e9aire, d\u00e9luge oc\u00e9anique balayant les immeubles comme des cartes \u00e0 jouer. Et nous verrons \u00e0 notre guise l\u2019action de la fatalit\u00e9, du destin, d\u2019une col\u00e8re divine, ou de l\u2019absurdit\u00e9 du monde, de la vie. Ce qui, dans le fond, importe assez peu puisque le r\u00e9sultat sera le m\u00eame : se retrouver nez \u00e0 nez avec la ruine, avec la d\u00e9sesp\u00e9rance, avec la col\u00e8re qui souvent en r\u00e9sulte avant de laisser place au deuil puis \u00e0 la r\u00e9signation. On ne parle que rarement de ce qui se trouve au-del\u00e0 de la r\u00e9signation. On ne parle pas du vide bizarre que celle-ci laisse en l\u2019\u00eatre face \u00e0 ses fronti\u00e8res, \u00e0 la peur et au risque de les enjamber afin d\u2019explorer plus loin. Sans doute parce qu\u2019on se m\u00e9fie du vide, parce que cette part de nature qui r\u00e9side obstin\u00e9ment dans le tr\u00e9fonds de notre humanit\u00e9 refuse toujours ce vide. La nature a horreur du vide, a dit quelqu\u2019un en apercevant le d\u00e9sert qui s\u2019\u00e9tend au-del\u00e0 de la r\u00e9signation, puis il est revenu sur ses pas, a relev\u00e9 les manches et s\u2019est mis \u00e0 tout reconstruire \u00e0 peu pr\u00e8s comme avant. Ce que ne font pas les ermites, ni les artistes. C\u2019est dans le d\u00e9sert qu\u2019Isis retrouve chaque morceau d\u2019Osiris d\u00e9membr\u00e9, pour qu\u2019il devienne autre chose de diff\u00e9rent qu\u2019avant. C\u2019est dans le d\u00e9sert que Mo\u00efse est interpell\u00e9 par un buisson ardent et qu\u2019il ne pourra du coup plus jamais mourir. Car peut-on mourir une fois que l\u2019on est mont\u00e9 au ciel comme Isa\u00efe ? C\u2019est dans le d\u00e9sert que la mort et l\u2019immortalit\u00e9 perdent aussi leur diff\u00e9rence, que la dualit\u00e9 tombe. Le d\u00e9sert alchimique, lieu de la fusion et de toutes les m\u00e9tamorphoses. Pour indiquer qu\u2019on peut tirer partie du destin, de la fatalit\u00e9, et que tout antagoniste est n\u00e9cessaire dans la grande histoire du monde, de la vie, de nos vies individuelles qui paraissent si d\u00e9risoires. Mais rien n\u2019est d\u00e9risoire et rien n\u2019est important vraiment, et c\u2019est par cette travers\u00e9e double et trouble de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement que ces deux mots sont d\u00e9calamin\u00e9s de leur gangue de poncifs. Qu\u2019au final ce ne sont plus que des mots dans un livre que l\u2019on regarde presque avec nostalgie en feuilletant les pages. On pourrait en venir \u00e0 esp\u00e9rer l\u2019autodaf\u00e9 si cette nostalgie nous emportait. Si on n\u2019y mettait pas un oh l\u00e0 ! Cet \u00e9lan en arri\u00e8re quand on touche sa propre \u00e2me \u00e0 pr\u00e9sent. Ce cadeau spontan\u00e9 ne serait-il pas grec ? On se m\u00e9fie encore par r\u00e9flexe alors qu\u2019il faut se jeter \u00e0 corps perdu dans la gr\u00e2ce, dans l\u2019inspiration, dans l\u2019\u0153uvre. Le d\u00e9s\u0153uvrement, ce n\u2019est peut-\u00eatre que cela : de la m\u00e9fiance. Cette m\u00e9fiance qu\u2019une partie de nous utilise pour ne pas dispara\u00eetre totalement dans ce qu\u2019elle croit \u00eatre une fin d\u00e9finitive, irr\u00e9m\u00e9diable. Elle dirait alors : tant que je me m\u00e9fie, je suis en vie, alors que la gr\u00e2ce et l\u2019inspiration proposent tout le contraire : la mort c\u2019est la vie. Mais quelqu\u2019un s\u2019obstine encore \u00e0 poser des si par-ci par-l\u00e0... Si je meurs, je renais, comme on tente de contr\u00f4ler le hasard avec une martingale... C\u2019est parce qu\u2019ils n\u2019ont pas encore os\u00e9 franchir la fronti\u00e8re de la r\u00e9signation, ils n\u00e9gocient avec le douanier, ils soup\u00e8sent et supputent encore. Le douanier, quant \u00e0 lui, conna\u00eet bien toutes les ficelles. Il les regarde et il se tait, ils peuvent bien gesticuler, murmurer, hurler, chanter m\u00eame s\u2019ils le veulent. Cela ne changera rien. Et puis un jour, cela se termine, la douane s\u2019\u00e9vapore, le douanier aussi, la r\u00e9signation, le d\u00e9sert, bref tout ce sur quoi on s\u2019appuie sans rel\u00e2che pour ne rien changer compl\u00e8tement, pour ne pas s'\u00e9garer, se perdre, dispara\u00eetre, tout cela, on ne s\u2019en souvient m\u00eame plus. Il n\u2019y a plus que le moment pr\u00e9sent qui se vit lui-m\u00eame en tant que gr\u00e2ce ou \u0153uvre. Mais ce ne sont encore que des mots. Et ce ne sont pas les mots qui lib\u00e8rent, \"sauvent\" de l\u2019ennui et du d\u00e9s\u0153uvrement. D\u2019ailleurs, tant que l\u2019on pense \u00e0 se lib\u00e9rer, \u00e0 se sauver, c\u2019est qu\u2019on pense encore trop \u00eatre enferm\u00e9. Et oui, on a besoin de penser enfermement pour parler de libert\u00e9. Comme on a besoin d\u2019\u00e9voquer le d\u00e9s\u0153uvrement comme pour se pr\u00e9parer \u00e0 l\u2019\u0153uvre \u00e0 venir. ",
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"title": "Ecrire un texte de pr\u00e9sentation pour une exposition",
"date_published": "2021-09-29T01:36:55Z",
"date_modified": "2025-11-19T08:38:13Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": "
\nCet \u00e9cueil dans la navigation pas si tranquille vers l\u2019exposition, sans doute en suis-je l\u2019inventeur, pour ne pas dire le responsable.
\nIl me faut des \u00e9cueils r\u00e9guli\u00e8rement pour \u00e9chapper aux langueurs monotones de l\u2019automne. En \u00e9t\u00e9 aussi, en toute saison.
\nSans l\u2019\u00e9cueil, pas de sensation de danger ni de naufrage, autant dire pas d\u2019aventure.
\nSans \u00e9cueil, pas de cr\u00e9ativit\u00e9 non plus.
\nJe ne compte plus le nombre de fois o\u00f9 j’ai \u00e9crit ce texte.
\nJ’ai cru \u00e0 une tendance masochiste durant ma jeunesse. Mais je crois que c’est plus po\u00e9tique que \u00e7a, c’est dans un lieu situ\u00e9 avant toute psychologie.
\nEt je vois bien qu’un pr\u00e9ambule est n\u00e9cessaire au pr\u00e9ambule encore, pour retarder l’instant.
\nL’instant d’\u00e9voquer ce voyage int\u00e9rieur.
\nUne s\u00e9rie de leviers que je mets en place souvent inconsciemment pour finalement \u00eatre pr\u00eat dans l’instant \u00e0 soulever un monde qui ne serait qu’emp\u00eachement, ajournements, ennui, gravit\u00e9 ou pesanteur.
\nSans y penser \u00e0 cet instant, c’est-\u00e0-dire sans barri\u00e8re.
\nL’essence ne suffit pas, il faut atteindre sans y penser \u00e0 la quintessence. Celle qui n’appartient \u00e0 personne et que tout un chacun retrouve dans l’intime.
\nParfois, justement lorsque j’y pense, je me dis : quelle exigence ! et plus encore lorsque j’y pense : quelle pr\u00e9tention, quelle vanit\u00e9.
\nVoil\u00e0 la pens\u00e9e qui ne pense qu’au risque et au danger et surtout invente mille fa\u00e7ons toujours de s’en pr\u00e9munir.
\n\u00c7a ne sert \u00e0 rien d’aller contre non plus, de s’opposer. Il faut prendre cette pens\u00e9e comme elle vient.
\nLa sagesse de la peur vaut bien la sagesse du risque, de l’audace au bout du compte.
\nCe qui est important c’est de ne pas perdre de vue l’unit\u00e9.
\n\u00c0 quoi sert de voyager ? sans doute \u00e0 la m\u00eame chose que peindre, \u00e9crire, danser, r\u00eaver, et j’ai beau scruter l’horizon dans toutes les directions, je ne vois pas plus de raison que de destination pr\u00e9cise.
\nJ’irais plus loin encore,
\n\u00c0 quoi sert de voyager ?
\npuisqu’\u00e0 chaque fois que l’on pense atteindre quelque chose, un pays comme un tableau, on n’en finit pas avec l’envie d’aller plus loin.
\n\u00c0 quoi sert de voyager alors ? peut-\u00eatre \u00e0 observer le cheminement du d\u00e9sir, apprendre \u00e0 le conna\u00eetre, faire un avec lui comme avec soi-m\u00eame.
\nMon grand-p\u00e8re maternel \u00e9tait Estonien et il s’est rendu \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg pour apprendre la peinture, parce qu’\u00e0 l’\u00e9poque il n’y avait rien d’aussi prestigieux en Estonie pour \u00e9tudier l’art.
\nCe voyage int\u00e9rieur commence ainsi, avec le d\u00e9part d’un jeune homme que je n’ai jamais connu depuis son village vers une grande ville \u00e9trang\u00e8re dans laquelle il se sent \u00e9tranger.
\nCette sensation d’\u00eatre \u00e9tranger, je me suis toujours demand\u00e9 pourquoi je l’\u00e9prouvais autant, \u00e9tant n\u00e9 en France ?
\nJe n’avais aucune raison valable de l’\u00e9prouver de mani\u00e8re si aigu\u00eb.
\nAvant m\u00eame de toucher un pinceau, d’imaginer devenir peintre moi-m\u00eame, j’avais dans le sang ce legs de l’\u00e9tranget\u00e9 d’\u00eatre au monde comme un petit provincial d\u00e9couvre une capitale qui le subjugue.
\nCette \u00e9tranget\u00e9, ma m\u00e8re m’en parlait, elle \u00e9tait peintre aussi. Elle avait les yeux gris bleus comme mon grand-p\u00e8re, comme moi-m\u00eame, ce lien du regard en silence nous unit encore tous au-del\u00e0 des s\u00e9parations, des disparitions, un gris bleut\u00e9 comme un ciel que j’imagine tr\u00e8s bien au-dessus des villages d’Estonie. Un gris bleut\u00e9 de la Baltique avec \u00e7a et l\u00e0 quelques lueurs d’orangers issues des profondeurs \u00e9chapp\u00e9es de l’ambre.
\nL’orange et le bleu que j’utilise souvent dans mes tableaux.
\nL’h\u00e9ritage, c’est cette histoire constitu\u00e9e de bribes que l’on passe un temps infini \u00e0 mettre bout \u00e0 bout, des bribes souvent \u00e9parses, rien de vraiment ordonn\u00e9, c’est une navigation aussi pour s’orienter \u00e0 travers tout cela, pour s’orienter dans quelle direction ? Il y en a tant qu’on serait bien en peine d’en choisir une qui ne s’\u00e9vanouisse pas soudain, remplac\u00e9e par une autre tout \u00e0 coup.
\nIl y a autant de destinations possibles que l’imagination voudra bien en fournir.
\nPeut-on faire confiance \u00e0 l’imagination ? Parfois oui, parfois non. Parfois elle nous trahit aussi. Mais faut-il lui en vouloir pour autant ? Cette trahison elle-m\u00eame ne fait-elle pas partie int\u00e9grante de ce voyage, de cette navigation ?
\nLes plus c\u00e9l\u00e8bres navigateurs partaient autrefois en qu\u00eate de destinations comme l’Inde et tombaient sur les Am\u00e9riques. J’ai toujours conserv\u00e9 en m\u00e9moire ce genre d’anecdote.
\nQue le but \u00e9tait un moteur de l’action mais qu’il \u00e9tait rarement sa v\u00e9ritable finalit\u00e9, en tous cas pas de fa\u00e7on droite, directe, math\u00e9matique. Il fallait \u00e9tudier la courbe, l’enseignement inscrit dans son cheminement sinuso\u00efdal, ses m\u00e9andres, j’allais dire sa f\u00e9minit\u00e9.
\nIl fallait aussi \u00e9tudier l’art de traverser les labyrinthes en l\u00e2chant les trait\u00e9s, les conseils, et faire sa propre exp\u00e9rience de l’\u00e9garement.
\nIntuitivement je crois que j’ai toujours su qu’il se cachait un savoir perdu dans l’expression \"passer du coq \u00e0 l’\u00e2ne\" aussi bien que dans le jeu de l’oie.
\nDeux cases en avant, quatre en arri\u00e8re. Comme si cette expression comme ce jeu attiraient parfois l’attention sur la notion d’espace et de temps d’une fa\u00e7on bizarre. En tous cas bizarre pour moi. Lorsque j’\u00e9tais frapp\u00e9 par cette curiosit\u00e9, je m’en ouvrais \u00e0 mes parents, \u00e0 mes camarades et j’avais en retour des r\u00e9flexions qui portaient sur le temps que je perdais \u00e0 penser \u00e0 ce genre de choses plut\u00f4t que de faire mes devoirs ou participer \u00e0 des jeux collectifs.
\nPasser du coq \u00e0 l’\u00e2ne, je n’ai jamais cess\u00e9 de le faire toute ma vie par curiosit\u00e9, par obstination, par d\u00e9pit, et aussi pour voir, comme on dit au poker.
\nIl y a quelque chose de d\u00e9sagr\u00e9able pour un esprit fa\u00e7onn\u00e9 par la langue fran\u00e7aise, c’est ce que le Fran\u00e7ais nomme la sensiblerie. Et qui repr\u00e9sente une exag\u00e9ration du sentiment, souvent consid\u00e9r\u00e9e comme de la fausset\u00e9.
\nCette soi-disant sensiblerie, pour avoir voyag\u00e9 de par le monde aussi, je l’ai retrouv\u00e9e \u00e0 l’\u00e9tat brut, intacte, dans de nombreux pays, cette gentillesse, cette absence de crainte \u00e0 manifester l’\u00e9motion, le sentiment, et souvent dans des pays que nous consid\u00e9rons comme violents, dangereux, pour ne citer que l’Iran ou l’Afghanistan, le Pakistan, violents ou barbares... alors que si l’on conna\u00eet un tant soit peu l’histoire, ils furent \u00e0 la pointe durant longtemps de l’intelligence humaine, en mati\u00e8re de science, de technique, de litt\u00e9rature, d’art.
\nCe voyage int\u00e9rieur \u00e9voque donc toutes ces pens\u00e9es, tous ces r\u00eaves, toutes ces interrogations travers\u00e9es dans l’instant de la peinture, dans le mouvement de la peinture, dans le dialogue entre le tableau et le peintre, ce sont \u00e0 chaque fois des conversations silencieuses, c’est-\u00e0-dire qui ne s’appuient ni sur les mots ni sur les pens\u00e9es pour \u00e9changer.
\nNon pas que mes tableaux relatent quoi que ce soit, je crois que c’est l’ensemble de tous ces tableaux qui montrerait l’unit\u00e9 vraiment de mon propos quant \u00e0 ce voyage int\u00e9rieur. Ce travail continuera \u00e0 s’affiner dans sa proposition, certainement \u00e0 la fois quant \u00e0 la notion d’espace dans lequel le faire exister et aussi quant \u00e0 la s\u00e9lection des \u0153uvres. Le but \u00e9tant de m’approcher au plus pr\u00e8s de la clart\u00e9 que je per\u00e7ois \u00e0 travers lui.
\nJe suis aussi de mon \u00e9poque, celle o\u00f9 l’attention ne dure qu’un d\u00e9jeuner de soleil, o\u00f9 l’attention par un ph\u00e9nom\u00e8ne de zapping est attir\u00e9e de tous c\u00f4t\u00e9s. Mon travail \u00e9voque ceci \u00e9galement, non pas en pointant du doigt ce ph\u00e9nom\u00e8ne comme n\u00e9faste, mais en essayant d’en tirer des le\u00e7ons, des enseignements.
\nSi l’attention devient vuln\u00e9rable \u00e0 ce point, c’est peut-\u00eatre qu’elle n’est plus si utile qu’on l’avait imagin\u00e9e utile jusque-l\u00e0. C’est qu’il faut faire appel \u00e0 autre chose pour s’orienter dans le monde. Le danger est toujours pr\u00e9sent et le sera sans doute toujours en ce qui concerne le d\u00e9tournement d’attention vers un profit. Sans doute parce que la notion de profit et d’attention sont directement reli\u00e9es.
\nEn tant que peintre, mon but ne peut \u00eatre que le partage de mon travail de peintre, et si je dois parler de profit et d’attention, c’est pour vous attirer vers quelque chose d’intime que nous partageons tous, quelque chose de simple qui serait le plaisir de voyager, de d\u00e9couvrir, le plaisir de vivre, sans trop de tapage, disons-le, une c\u00e9l\u00e9bration.
\nLa peinture, c’est mon pays, pour reprendre la phrase de Gilles Vigneault, ce voyage c’est aussi un voyage dans la peinture par elle-m\u00eame, si je peux dire, \u00e9tant donn\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 d’absence et d’oubli que j’ai peu \u00e0 peu d\u00e9couverte afin de dispara\u00eetre pour la laisser s’exprimer.<\/p>",
"content_text": "Nous l\u2019avions \u00e9voqu\u00e9 et je l\u2019avais mise de c\u00f4t\u00e9 soigneusement, cette id\u00e9e de texte de pr\u00e9sentation \u00e0 proposer au catalogue en m\u00eame temps que la liste des \u0153uvres avec leurs prix. Cette g\u00eane d\u2019expliquer la peinture \u00e0 l\u2019\u00e9crit comme \u00e0 l'oral, aussi \u00e9tonnante que soudaine, me cueille. Cet \u00e9cueil dans la navigation pas si tranquille vers l\u2019exposition, sans doute en suis-je l\u2019inventeur, pour ne pas dire le responsable. Il me faut des \u00e9cueils r\u00e9guli\u00e8rement pour \u00e9chapper aux langueurs monotones de l\u2019automne. En \u00e9t\u00e9 aussi, en toute saison. Sans l\u2019\u00e9cueil, pas de sensation de danger ni de naufrage, autant dire pas d\u2019aventure. Sans \u00e9cueil, pas de cr\u00e9ativit\u00e9 non plus. Je ne compte plus le nombre de fois o\u00f9 j'ai \u00e9crit ce texte. J'ai cru \u00e0 une tendance masochiste durant ma jeunesse. Mais je crois que c'est plus po\u00e9tique que \u00e7a, c'est dans un lieu situ\u00e9 avant toute psychologie. Et je vois bien qu'un pr\u00e9ambule est n\u00e9cessaire au pr\u00e9ambule encore, pour retarder l'instant. L'instant d'\u00e9voquer ce voyage int\u00e9rieur. Une s\u00e9rie de leviers que je mets en place souvent inconsciemment pour finalement \u00eatre pr\u00eat dans l'instant \u00e0 soulever un monde qui ne serait qu'emp\u00eachement, ajournements, ennui, gravit\u00e9 ou pesanteur. Sans y penser \u00e0 cet instant, c'est-\u00e0-dire sans barri\u00e8re. L'essence ne suffit pas, il faut atteindre sans y penser \u00e0 la quintessence. Celle qui n'appartient \u00e0 personne et que tout un chacun retrouve dans l'intime. Parfois, justement lorsque j'y pense, je me dis : quelle exigence ! et plus encore lorsque j'y pense : quelle pr\u00e9tention, quelle vanit\u00e9. Voil\u00e0 la pens\u00e9e qui ne pense qu'au risque et au danger et surtout invente mille fa\u00e7ons toujours de s'en pr\u00e9munir. \u00c7a ne sert \u00e0 rien d'aller contre non plus, de s'opposer. Il faut prendre cette pens\u00e9e comme elle vient. La sagesse de la peur vaut bien la sagesse du risque, de l'audace au bout du compte. Ce qui est important c'est de ne pas perdre de vue l'unit\u00e9. \u00c0 quoi sert de voyager ? sans doute \u00e0 la m\u00eame chose que peindre, \u00e9crire, danser, r\u00eaver, et j'ai beau scruter l'horizon dans toutes les directions, je ne vois pas plus de raison que de destination pr\u00e9cise. J'irais plus loin encore, \u00c0 quoi sert de voyager ? puisqu'\u00e0 chaque fois que l'on pense atteindre quelque chose, un pays comme un tableau, on n'en finit pas avec l'envie d'aller plus loin. \u00c0 quoi sert de voyager alors ? peut-\u00eatre \u00e0 observer le cheminement du d\u00e9sir, apprendre \u00e0 le conna\u00eetre, faire un avec lui comme avec soi-m\u00eame. Mon grand-p\u00e8re maternel \u00e9tait Estonien et il s'est rendu \u00e0 Saint-P\u00e9tersbourg pour apprendre la peinture, parce qu'\u00e0 l'\u00e9poque il n'y avait rien d'aussi prestigieux en Estonie pour \u00e9tudier l'art. Ce voyage int\u00e9rieur commence ainsi, avec le d\u00e9part d'un jeune homme que je n'ai jamais connu depuis son village vers une grande ville \u00e9trang\u00e8re dans laquelle il se sent \u00e9tranger. Cette sensation d'\u00eatre \u00e9tranger, je me suis toujours demand\u00e9 pourquoi je l'\u00e9prouvais autant, \u00e9tant n\u00e9 en France ? Je n'avais aucune raison valable de l'\u00e9prouver de mani\u00e8re si aigu\u00eb. Avant m\u00eame de toucher un pinceau, d'imaginer devenir peintre moi-m\u00eame, j'avais dans le sang ce legs de l'\u00e9tranget\u00e9 d'\u00eatre au monde comme un petit provincial d\u00e9couvre une capitale qui le subjugue. Cette \u00e9tranget\u00e9, ma m\u00e8re m'en parlait, elle \u00e9tait peintre aussi. Elle avait les yeux gris bleus comme mon grand-p\u00e8re, comme moi-m\u00eame, ce lien du regard en silence nous unit encore tous au-del\u00e0 des s\u00e9parations, des disparitions, un gris bleut\u00e9 comme un ciel que j'imagine tr\u00e8s bien au-dessus des villages d'Estonie. Un gris bleut\u00e9 de la Baltique avec \u00e7a et l\u00e0 quelques lueurs d'orangers issues des profondeurs \u00e9chapp\u00e9es de l'ambre. L'orange et le bleu que j'utilise souvent dans mes tableaux. L'h\u00e9ritage, c'est cette histoire constitu\u00e9e de bribes que l'on passe un temps infini \u00e0 mettre bout \u00e0 bout, des bribes souvent \u00e9parses, rien de vraiment ordonn\u00e9, c'est une navigation aussi pour s'orienter \u00e0 travers tout cela, pour s'orienter dans quelle direction ? Il y en a tant qu'on serait bien en peine d'en choisir une qui ne s'\u00e9vanouisse pas soudain, remplac\u00e9e par une autre tout \u00e0 coup. Il y a autant de destinations possibles que l'imagination voudra bien en fournir. Peut-on faire confiance \u00e0 l'imagination ? Parfois oui, parfois non. Parfois elle nous trahit aussi. Mais faut-il lui en vouloir pour autant ? Cette trahison elle-m\u00eame ne fait-elle pas partie int\u00e9grante de ce voyage, de cette navigation ? Les plus c\u00e9l\u00e8bres navigateurs partaient autrefois en qu\u00eate de destinations comme l'Inde et tombaient sur les Am\u00e9riques. J'ai toujours conserv\u00e9 en m\u00e9moire ce genre d'anecdote. Que le but \u00e9tait un moteur de l'action mais qu'il \u00e9tait rarement sa v\u00e9ritable finalit\u00e9, en tous cas pas de fa\u00e7on droite, directe, math\u00e9matique. Il fallait \u00e9tudier la courbe, l'enseignement inscrit dans son cheminement sinuso\u00efdal, ses m\u00e9andres, j'allais dire sa f\u00e9minit\u00e9. Il fallait aussi \u00e9tudier l'art de traverser les labyrinthes en l\u00e2chant les trait\u00e9s, les conseils, et faire sa propre exp\u00e9rience de l'\u00e9garement. Intuitivement je crois que j'ai toujours su qu'il se cachait un savoir perdu dans l'expression \"passer du coq \u00e0 l'\u00e2ne\" aussi bien que dans le jeu de l'oie. Deux cases en avant, quatre en arri\u00e8re. Comme si cette expression comme ce jeu attiraient parfois l'attention sur la notion d'espace et de temps d'une fa\u00e7on bizarre. En tous cas bizarre pour moi. Lorsque j'\u00e9tais frapp\u00e9 par cette curiosit\u00e9, je m'en ouvrais \u00e0 mes parents, \u00e0 mes camarades et j'avais en retour des r\u00e9flexions qui portaient sur le temps que je perdais \u00e0 penser \u00e0 ce genre de choses plut\u00f4t que de faire mes devoirs ou participer \u00e0 des jeux collectifs. Passer du coq \u00e0 l'\u00e2ne, je n'ai jamais cess\u00e9 de le faire toute ma vie par curiosit\u00e9, par obstination, par d\u00e9pit, et aussi pour voir, comme on dit au poker. Il y a quelque chose de d\u00e9sagr\u00e9able pour un esprit fa\u00e7onn\u00e9 par la langue fran\u00e7aise, c'est ce que le Fran\u00e7ais nomme la sensiblerie. Et qui repr\u00e9sente une exag\u00e9ration du sentiment, souvent consid\u00e9r\u00e9e comme de la fausset\u00e9. Cette soi-disant sensiblerie, pour avoir voyag\u00e9 de par le monde aussi, je l'ai retrouv\u00e9e \u00e0 l'\u00e9tat brut, intacte, dans de nombreux pays, cette gentillesse, cette absence de crainte \u00e0 manifester l'\u00e9motion, le sentiment, et souvent dans des pays que nous consid\u00e9rons comme violents, dangereux, pour ne citer que l'Iran ou l'Afghanistan, le Pakistan, violents ou barbares... alors que si l'on conna\u00eet un tant soit peu l'histoire, ils furent \u00e0 la pointe durant longtemps de l'intelligence humaine, en mati\u00e8re de science, de technique, de litt\u00e9rature, d'art. Ce voyage int\u00e9rieur \u00e9voque donc toutes ces pens\u00e9es, tous ces r\u00eaves, toutes ces interrogations travers\u00e9es dans l'instant de la peinture, dans le mouvement de la peinture, dans le dialogue entre le tableau et le peintre, ce sont \u00e0 chaque fois des conversations silencieuses, c'est-\u00e0-dire qui ne s'appuient ni sur les mots ni sur les pens\u00e9es pour \u00e9changer. Non pas que mes tableaux relatent quoi que ce soit, je crois que c'est l'ensemble de tous ces tableaux qui montrerait l'unit\u00e9 vraiment de mon propos quant \u00e0 ce voyage int\u00e9rieur. Ce travail continuera \u00e0 s'affiner dans sa proposition, certainement \u00e0 la fois quant \u00e0 la notion d'espace dans lequel le faire exister et aussi quant \u00e0 la s\u00e9lection des \u0153uvres. Le but \u00e9tant de m'approcher au plus pr\u00e8s de la clart\u00e9 que je per\u00e7ois \u00e0 travers lui. Je suis aussi de mon \u00e9poque, celle o\u00f9 l'attention ne dure qu'un d\u00e9jeuner de soleil, o\u00f9 l'attention par un ph\u00e9nom\u00e8ne de zapping est attir\u00e9e de tous c\u00f4t\u00e9s. Mon travail \u00e9voque ceci \u00e9galement, non pas en pointant du doigt ce ph\u00e9nom\u00e8ne comme n\u00e9faste, mais en essayant d'en tirer des le\u00e7ons, des enseignements. Si l'attention devient vuln\u00e9rable \u00e0 ce point, c'est peut-\u00eatre qu'elle n'est plus si utile qu'on l'avait imagin\u00e9e utile jusque-l\u00e0. C'est qu'il faut faire appel \u00e0 autre chose pour s'orienter dans le monde. Le danger est toujours pr\u00e9sent et le sera sans doute toujours en ce qui concerne le d\u00e9tournement d'attention vers un profit. Sans doute parce que la notion de profit et d'attention sont directement reli\u00e9es. En tant que peintre, mon but ne peut \u00eatre que le partage de mon travail de peintre, et si je dois parler de profit et d'attention, c'est pour vous attirer vers quelque chose d'intime que nous partageons tous, quelque chose de simple qui serait le plaisir de voyager, de d\u00e9couvrir, le plaisir de vivre, sans trop de tapage, disons-le, une c\u00e9l\u00e9bration. La peinture, c'est mon pays, pour reprendre la phrase de Gilles Vigneault, ce voyage c'est aussi un voyage dans la peinture par elle-m\u00eame, si je peux dire, \u00e9tant donn\u00e9 la n\u00e9cessit\u00e9 d'absence et d'oubli que j'ai peu \u00e0 peu d\u00e9couverte afin de dispara\u00eetre pour la laisser s'exprimer. ",
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"title": "L'exag\u00e9ration",
"date_published": "2021-09-28T23:38:19Z",
"date_modified": "2025-07-16T06:57:36Z",
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\nC’est-\u00e0-dire le m\u00fbrissement de cette id\u00e9e, l’accumulation de donn\u00e9es, le tri, les s\u00e9lections, bref tout ce qui est n\u00e9cessaire pour mener \u00e0 bien une exposition qui, dans mon esprit, devait ressembler un peu \u00e0 une r\u00e9trospective de mon travail sur 3 ou 4 ann\u00e9es autour de ce th\u00e8me.
\nDans mon esprit j’avais la surface, l’espace pour d\u00e9ployer ce travail puisque le Centre Culturel poss\u00e8de un vaste hall et plusieurs salles de r\u00e9unions utilis\u00e9es pour l’exposition annuelle « Vues d’artistes » que j’ai eu l’honneur de conduire \u00e0 la fin du mois d’ao\u00fbt de cette m\u00eame ann\u00e9e.
\nDans mon esprit et tacitement je pensais pouvoir b\u00e9n\u00e9ficier de tout cet espace.
\nMais voil\u00e0, finalement ce n’est pas du tout le cas.
\nEn arrivant hier matin avec ma voiture pleine, quelle d\u00e9ception d’apprendre que je ne pourrais pas utiliser les salles de r\u00e9union, celles-ci \u00e9tant ferm\u00e9es au public en dehors de l’\u00e9v\u00e9nement « Vues d’artistes ».
\nCatastrophe ! Tout mon plan d’exposition tombe \u00e0 l’eau.
\nLa premi\u00e8re r\u00e9action bien s\u00fbr est la panique, puis la col\u00e8re, la d\u00e9ception. Comment refaire tout le plan de l’exposition en supprimant tellement de toiles en quelques heures \u00e0 peine ?
\nPour les grands formats c’est assez simple, mais pour les formats moyens, les plus petits n\u00e9cessaires \u00e0 la compr\u00e9hension de ce Voyage, il faudra les laisser emball\u00e9s dans les sacs.
\nDe plus, difficult\u00e9 suppl\u00e9mentaire, les cimaises que l’on me pr\u00eate sont en nombre r\u00e9duit et ne poss\u00e8dent qu’un seul crochet, il n’y a pas de rabe.
\nJe r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 toute vitesse mais j’avoue que j’ai plut\u00f4t l’impression de mouliner \u00e0 vide. C’est l’impasse.
\nHeureusement \u00c9ric, membre de l’\u00e9quipe du Centre Culturel, m’accompagne pour accrocher les grands formats, il est le seul habilit\u00e9 \u00e0 pouvoir man\u0153uvrer la tr\u00e8s grande \u00e9chelle pour atteindre les hauteurs et r\u00e9gler les \u00e9clairages. Une histoire d’assurance.
\nNous commen\u00e7ons donc tout de suite car il ne peut m’allouer que quelques heures, d\u00e9bord\u00e9 par d’autres t\u00e2ches \u00e0 mener \u00e0 bien parall\u00e8lement. En cette rentr\u00e9e si particuli\u00e8re, le centre est en effervescence.
\nMon id\u00e9e est d’a\u00e9rer, de laisser de l’espace entre les tableaux pour qu’ils ne s’\u00e9crasent pas les uns les autres. Les grands formats sont accroch\u00e9s \u00e0 midi et le r\u00e9sultat est satisfaisant. M\u00eame si je ne peux pas respecter mon plan, \u00e7a fonctionne tout de m\u00eame.
\nIl ne me reste qu’un couloir pour accrocher le reste de ma s\u00e9lection. Pas de spots, juste un plafonnier. Pas beaucoup de recul donc pour regarder les tableaux. Ce seront donc des moyens et petits formats.
\nSoumis \u00e0 la contrainte de ne pouvoir installer qu’une seule \u0153uvre par cimaise, je renonce aux 20x20 dont j’avais pr\u00e9par\u00e9 tout un sac et qui correspondait \u00e0 une partie importante expliquant mon cheminement dans les gammes de couleurs.
\nLe format le plus petit possible sera donc du 40x40 et le plus grand du 60x80.
\nJe me mets au travail un peu comme un somnambule tant mon esprit est encore attach\u00e9 \u00e0 l’id\u00e9e que je suis en train de vivre une catastrophe.
\nJ’en fais part aux diff\u00e9rents interlocuteurs que je croise dans le vaste hall en allant fumer de temps \u00e0 autre pour me calmer\u2026 Notamment V\u00e9ronique la directrice adjointe puis No\u00ebl, le directeur \u00e0 qui j’expose mes dol\u00e9ances. Puis je m’aper\u00e7ois que c’est ridicule finalement, les choses \u00e9tant ainsi et ne pouvant \u00eatre chang\u00e9es, je ne peux donc m’en prendre qu’\u00e0 moi-m\u00eame.
\nPourquoi ai-je consid\u00e9r\u00e9 comme acquis que j’avais tout cet espace imagin\u00e9, pourquoi est-ce que je n’ai pas pris le soin de demander plus de pr\u00e9cisions lorsqu’on m’a propos\u00e9 cette exposition personnelle\u2026 Je passe encore ainsi une dizaine de minutes \u00e0 bien m’auto-flageller.
\nMais \u00e9videmment \u00e7a ne sert \u00e0 rien et l’heure tourne, il faut livrer cette exposition aujourd’hui.
\nIl faut que je me calme !
\nFinalement c’est une s\u00e9lection plus resserr\u00e9e \u00e0 op\u00e9rer dans l’imm\u00e9diat.
\nQuels tableaux sont les plus importants pour moi, non par la taille, par leur esth\u00e9tique, par leur sujet, mais par rapport \u00e0 ce parcours.
\nEnfin j’ai trouv\u00e9 un fil sur lequel tirer.
\nDu coup il suffit de choisir ce tableau particulier qui est souvent log\u00e9 en t\u00eate ou en fin dans une s\u00e9rie.
\nJe d\u00e9balle mes sacs et s\u00e9lectionne ainsi un seul tableau par s\u00e9rie puis remballe le reste encore avec un peu de tristesse et d’amertume.
\nJe devrais plut\u00f4t \u00eatre content car cette exp\u00e9rience, je le sais d\u00e9j\u00e0, est enrichissante.
\nAvec l’exp\u00e9rience on finit par sortir plus vite de l’imaginaire morbide que distille la catastrophe de prime abord.
\nN’est-ce pas encore une occasion de valider ce que je dis \u00e0 mes \u00e9l\u00e8ves, ce que je me dis depuis toujours en peinture : tirer parti des accidents, des maladresses, des catastrophes.
\nAlors quoi ?
\nEt bien je ne l’ai pas vol\u00e9, on me propose l\u00e0 tout de suite d’appliquer.
\nEt voyez-vous, c’est l\u00e0, exactement, que la paix se trouve et que la bonne humeur revient.
\nPeu importe que cette exposition soit r\u00e9ussie ou pas, dans le fond, ce que je viens de v\u00e9rifier sur la vie et moi-m\u00eame a d\u00e9j\u00e0 en quelque sorte toutes les apparences d’un bon point, d’une r\u00e9compense.
\nEt puis \u00e0 bien y r\u00e9fl\u00e9chir, n’avais-je pas encore beaucoup trop de tableaux dans le coffre de mon v\u00e9hicule ? Et cette profusion ne noyait-elle pas quelque chose ? Le voyage int\u00e9rieur continue donc jusque l\u00e0, et c’est tout en m\u00eame temps une le\u00e7on de peinture qu’une le\u00e7on de vie.<\/p>",
"content_text": "Je crois que le travail de r\u00e9flexion a commenc\u00e9 \u00e0 partir du mois de juin 2020, la r\u00e9flexion sur cette exposition, \u00ab Voyage int\u00e9rieur \u00bb. C'est-\u00e0-dire le m\u00fbrissement de cette id\u00e9e, l'accumulation de donn\u00e9es, le tri, les s\u00e9lections, bref tout ce qui est n\u00e9cessaire pour mener \u00e0 bien une exposition qui, dans mon esprit, devait ressembler un peu \u00e0 une r\u00e9trospective de mon travail sur 3 ou 4 ann\u00e9es autour de ce th\u00e8me. Dans mon esprit j'avais la surface, l'espace pour d\u00e9ployer ce travail puisque le Centre Culturel poss\u00e8de un vaste hall et plusieurs salles de r\u00e9unions utilis\u00e9es pour l'exposition annuelle \u00ab Vues d'artistes \u00bb que j'ai eu l'honneur de conduire \u00e0 la fin du mois d'ao\u00fbt de cette m\u00eame ann\u00e9e. Dans mon esprit et tacitement je pensais pouvoir b\u00e9n\u00e9ficier de tout cet espace. Mais voil\u00e0, finalement ce n'est pas du tout le cas. En arrivant hier matin avec ma voiture pleine, quelle d\u00e9ception d'apprendre que je ne pourrais pas utiliser les salles de r\u00e9union, celles-ci \u00e9tant ferm\u00e9es au public en dehors de l'\u00e9v\u00e9nement \u00ab Vues d'artistes \u00bb. Catastrophe ! Tout mon plan d'exposition tombe \u00e0 l'eau. La premi\u00e8re r\u00e9action bien s\u00fbr est la panique, puis la col\u00e8re, la d\u00e9ception. Comment refaire tout le plan de l'exposition en supprimant tellement de toiles en quelques heures \u00e0 peine ? Pour les grands formats c'est assez simple, mais pour les formats moyens, les plus petits n\u00e9cessaires \u00e0 la compr\u00e9hension de ce Voyage, il faudra les laisser emball\u00e9s dans les sacs. De plus, difficult\u00e9 suppl\u00e9mentaire, les cimaises que l'on me pr\u00eate sont en nombre r\u00e9duit et ne poss\u00e8dent qu'un seul crochet, il n'y a pas de rabe. Je r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 toute vitesse mais j'avoue que j'ai plut\u00f4t l'impression de mouliner \u00e0 vide. C'est l'impasse. Heureusement \u00c9ric, membre de l'\u00e9quipe du Centre Culturel, m'accompagne pour accrocher les grands formats, il est le seul habilit\u00e9 \u00e0 pouvoir man\u0153uvrer la tr\u00e8s grande \u00e9chelle pour atteindre les hauteurs et r\u00e9gler les \u00e9clairages. Une histoire d'assurance. Nous commen\u00e7ons donc tout de suite car il ne peut m'allouer que quelques heures, d\u00e9bord\u00e9 par d'autres t\u00e2ches \u00e0 mener \u00e0 bien parall\u00e8lement. En cette rentr\u00e9e si particuli\u00e8re, le centre est en effervescence. Mon id\u00e9e est d'a\u00e9rer, de laisser de l'espace entre les tableaux pour qu'ils ne s'\u00e9crasent pas les uns les autres. Les grands formats sont accroch\u00e9s \u00e0 midi et le r\u00e9sultat est satisfaisant. M\u00eame si je ne peux pas respecter mon plan, \u00e7a fonctionne tout de m\u00eame. Il ne me reste qu'un couloir pour accrocher le reste de ma s\u00e9lection. Pas de spots, juste un plafonnier. Pas beaucoup de recul donc pour regarder les tableaux. Ce seront donc des moyens et petits formats. Soumis \u00e0 la contrainte de ne pouvoir installer qu'une seule \u0153uvre par cimaise, je renonce aux 20x20 dont j'avais pr\u00e9par\u00e9 tout un sac et qui correspondait \u00e0 une partie importante expliquant mon cheminement dans les gammes de couleurs. Le format le plus petit possible sera donc du 40x40 et le plus grand du 60x80. Je me mets au travail un peu comme un somnambule tant mon esprit est encore attach\u00e9 \u00e0 l'id\u00e9e que je suis en train de vivre une catastrophe. J'en fais part aux diff\u00e9rents interlocuteurs que je croise dans le vaste hall en allant fumer de temps \u00e0 autre pour me calmer\u2026 Notamment V\u00e9ronique la directrice adjointe puis No\u00ebl, le directeur \u00e0 qui j'expose mes dol\u00e9ances. Puis je m'aper\u00e7ois que c'est ridicule finalement, les choses \u00e9tant ainsi et ne pouvant \u00eatre chang\u00e9es, je ne peux donc m'en prendre qu'\u00e0 moi-m\u00eame. Pourquoi ai-je consid\u00e9r\u00e9 comme acquis que j'avais tout cet espace imagin\u00e9, pourquoi est-ce que je n'ai pas pris le soin de demander plus de pr\u00e9cisions lorsqu'on m'a propos\u00e9 cette exposition personnelle\u2026 Je passe encore ainsi une dizaine de minutes \u00e0 bien m'auto-flageller. Mais \u00e9videmment \u00e7a ne sert \u00e0 rien et l'heure tourne, il faut livrer cette exposition aujourd'hui. Il faut que je me calme ! Finalement c'est une s\u00e9lection plus resserr\u00e9e \u00e0 op\u00e9rer dans l'imm\u00e9diat. Quels tableaux sont les plus importants pour moi, non par la taille, par leur esth\u00e9tique, par leur sujet, mais par rapport \u00e0 ce parcours. Enfin j'ai trouv\u00e9 un fil sur lequel tirer. Du coup il suffit de choisir ce tableau particulier qui est souvent log\u00e9 en t\u00eate ou en fin dans une s\u00e9rie. Je d\u00e9balle mes sacs et s\u00e9lectionne ainsi un seul tableau par s\u00e9rie puis remballe le reste encore avec un peu de tristesse et d'amertume. Je devrais plut\u00f4t \u00eatre content car cette exp\u00e9rience, je le sais d\u00e9j\u00e0, est enrichissante. Avec l'exp\u00e9rience on finit par sortir plus vite de l'imaginaire morbide que distille la catastrophe de prime abord. N'est-ce pas encore une occasion de valider ce que je dis \u00e0 mes \u00e9l\u00e8ves, ce que je me dis depuis toujours en peinture : tirer parti des accidents, des maladresses, des catastrophes. Alors quoi ? Et bien je ne l'ai pas vol\u00e9, on me propose l\u00e0 tout de suite d'appliquer. Et voyez-vous, c'est l\u00e0, exactement, que la paix se trouve et que la bonne humeur revient. Peu importe que cette exposition soit r\u00e9ussie ou pas, dans le fond, ce que je viens de v\u00e9rifier sur la vie et moi-m\u00eame a d\u00e9j\u00e0 en quelque sorte toutes les apparences d'un bon point, d'une r\u00e9compense. Et puis \u00e0 bien y r\u00e9fl\u00e9chir, n'avais-je pas encore beaucoup trop de tableaux dans le coffre de mon v\u00e9hicule ? Et cette profusion ne noyait-elle pas quelque chose ? Le voyage int\u00e9rieur continue donc jusque l\u00e0, et c'est tout en m\u00eame temps une le\u00e7on de peinture qu'une le\u00e7on de vie. ",
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"title": "Sisemine teekond",
"date_published": "2021-09-26T07:38:33Z",
"date_modified": "2025-11-03T14:40:52Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": "
\nUn soulagement comme lorsqu’on se r\u00e9veille d’un r\u00eave absurde, un soulagement qui dure quelques secondes avant de replonger dans un autre r\u00eave tout aussi absurde.
\nMais ce court laps de temps est amplement suffisant, une fois son \u00e9tranget\u00e9 dissip\u00e9e, pour laisser place \u00e0 une paix incongrue. Une paix qui, elle aussi, surgit par inadvertance.
\nC’est dans cet entre-deux que je me suis souvenu du Livre du rire et de l’oubli de Kundera.
\nC’est dr\u00f4le parce que \u00e7a a l’air de tomber comme un cheveu sur la soupe.
\nMais je ne suis plus \u00e0 une incongruit\u00e9 pr\u00e8s.
\nEt tout de suite apr\u00e8s, j’ai repens\u00e9 \u00e0 toutes mes admirations anciennes et je me suis demand\u00e9 ce que j’avais bien pu en faire, o\u00f9 donc elles \u00e9taient pass\u00e9es.
\nC’est comme ces histoires d’amour achev\u00e9es.
\nLorsqu’on les vit, on n’imagine pas qu’elles s’ach\u00e8vent, qu’on puisse les oublier, que l’on puisse oublier jusqu’au pr\u00e9nom de l’\u00eatre aim\u00e9. N’est-ce pas effrayant cela aussi ? Et apaisant tout en m\u00eame temps.
\nAdmirer et oublier, ainsi vont les choses tranquillement.
\nEt je ne vois aucune raison d\u00e9sormais pour s’en plaindre vraiment, aucune r\u00e9crimination particuli\u00e8re, il ne reste au bout du compte que la solitude et cette \u00e9trange paix une fois le sas de la peur travers\u00e9.
\nC’est que finalement cette peur est la derni\u00e8re cartouche que l’on tente d’amorcer pour se rassembler dans une solidit\u00e9, dans une volont\u00e9 qui, soudain d\u00e9masqu\u00e9es, ne rec\u00e8lent ni plus ni moins de myst\u00e8re, de signification qu’un r\u00e9flexe animal.
\nSans doute est-ce pour cette raison que je n’arrive pas \u00e0 me rendormir. Il faut absolument que je me l\u00e8ve, que j’aille \u00e0 la cuisine pour lancer un caf\u00e9, tout en tournant en rond comme une toupie en attendant l’\u00e9coulement complet.
\nUne transe pour sortir du sommeil, pour prolonger la sensation d’\u00e9tranget\u00e9, pour observer aussi cette peur et cette paix entrem\u00eal\u00e9es.
\nC’est comme un fil sur lequel je tire ainsi et qui me d\u00e9voile des pans entiers d’une r\u00e9alit\u00e9 que je ne vois pas durant la veille ordinaire.
\n\u00c0 cet instant, et \u00e0 condition que je n’\u00e9prouve aucune douleur articulaire, je ne suis rien d’autre qu’une conscience se rendant compte de son r\u00f4le d’estafette.
\nLe gros de la troupe est dans les limbes, dans une inconscience magistrale dont la suite infinie des op\u00e9rations trait\u00e9es est proprement pharamineuse. Je n’ai qu’\u00e0 coller mon oreille contre les murs pour entendre tout le cliquetis, une usine qui jamais ne dort.
\nCe qui \u00e0 mon sens n\u00e9cessite ce morceau de sucre dont je ne peux me passer, ce demi-sucre n\u00e9cessaire pour att\u00e9nuer toutes les amertumes et donner un l\u00e9ger coup de fouet chimique aux synapses comme aux neurones.
\nEnfin, la premi\u00e8re gorg\u00e9e aval\u00e9e, la question revient comme un refrain : qu’est-ce que j’ai fichu de toutes ces admirations d’autrefois ? O\u00f9 sont-elles pass\u00e9es ? Et avec cela cette tristesse soudaine qui ressurgit comme un caniche qui saute m\u00e9caniquement pour saluer son ma\u00eetre.
\nLa tristesse et la peur voil\u00e0 ce qui enferme dans une identit\u00e9, voil\u00e0 \u00e0 quoi on ne cesse jamais de faire appel comme pour accumuler des preuves \u00e0 charge dans un proc\u00e8s qui ne s’ach\u00e8ve pas vraiment non plus.
\nMais je suis moi, j’ai peur, je suis triste donc je suis !
\nJ’adorais lire aussi Pana\u00eft Istrati. Sans plus savoir dans mon souvenir dans quel lieu s’effectuait la lecture. Je ne me souviens que de l’horizontalit\u00e9 du corps, je devais donc \u00eatre dans un lit, \u00e9tendu dans une chambre ou bien sur l’herbe d’une pelouse quelque part, mais je ne me souviens plus non plus o\u00f9 et quand.
\nJe ne me souviens presque plus d\u00e9j\u00e0 des titres, des rebondissements de l’histoire, de la trame toute enti\u00e8re... Il n’y a plus que ces deux mots Kyra Kyralina et puis quelque chose de diffus tout autour, une atmosph\u00e8re, une ambiance. L’odeur de tabac froid et du caf\u00e9 qui coule encore quelque part. Et encore de la peur et encore de la tristesse qui r\u00e9unit toutes ces bribes dans une familiarit\u00e9 devenue suspecte.
\nJe peux citer pourtant tous ces \u00e9crivains, sans r\u00e9fl\u00e9chir beaucoup. Comme si tout ce que j’ai lu d’eux \u00e9tait depuis lors comme engramm\u00e9 dans leur nom seulement. Toutes ces atmosph\u00e8res, toutes ces ambiances de lecture et les synesth\u00e9sies s’y associant myst\u00e9rieusement mais de fa\u00e7on anarchique, sans logique v\u00e9ritable.
\nBorges et son Aleph, ce voyageur en qu\u00eate du pays des immortels, et sa d\u00e9ception surtout en l’atteignant. En d\u00e9couvrant l’ineptie apparente dans laquelle un ennui formidable plonge ses habitants.
\nIl est l\u00e0 aussi question d’un renoncement \u00e0 toute forme d’admiration entra\u00eenant une chute interminable dans cet ennui. Mais ce n’est encore que moi qui ai compris cela, qui l’ai interpr\u00e9t\u00e9. Peut-\u00eatre n’est-ce m\u00eame pas de l’ennui. C’est un oubli permanent et une absence totale de question.
\nCeci expliquant cela.
\nJeune, je ne pouvais me passer un seul instant d’admirer quelque chose. Admirer me rassemblait durant un temps avant qu’irr\u00e9m\u00e9diablement je ne me dissolve.
\nCe n’\u00e9tait pas le sujet d’admiration<\/a>le plus important, comprenez-vous ? C’\u00e9tait l’admiration en tant que rem\u00e8de \u00e0 une sorte d’oubli quasi cong\u00e9nital.
\nJe n’arrive plus \u00e0 me rendormir, je crois que j’y ai renonc\u00e9 progressivement en soupesant le pour et le contre. Gr\u00e2ce \u00e0 l’insomnie, comprenez-vous, j’ai l’impression de r\u00e9sister \u00e0 l’\u00e9rosion tout en sachant que c’est peine perdue d’avance.
\nJ’\u00e9cris en ne cessant de me souvenir que dans 1000 ans tout le monde aura oubli\u00e9 Cervantes, Hom\u00e8re, Dante et moi-m\u00eame.
\nCe qui, une fois l’appr\u00e9hension toute enti\u00e8re travers\u00e9e comme une nuit, apporte aussi un sacr\u00e9, un myst\u00e9rieux soulagement.<\/p>",
"content_text": "Arrive un moment o\u00f9 je surprends mon reflet dans la glace et ne me reconnais pas. Cette inadvertance effrayante puis salutaire. Un soulagement comme lorsqu'on se r\u00e9veille d'un r\u00eave absurde, un soulagement qui dure quelques secondes avant de replonger dans un autre r\u00eave tout aussi absurde. Mais ce court laps de temps est amplement suffisant, une fois son \u00e9tranget\u00e9 dissip\u00e9e, pour laisser place \u00e0 une paix incongrue. Une paix qui, elle aussi, surgit par inadvertance. C'est dans cet entre-deux que je me suis souvenu du Livre du rire et de l'oubli de Kundera. C'est dr\u00f4le parce que \u00e7a a l'air de tomber comme un cheveu sur la soupe. Mais je ne suis plus \u00e0 une incongruit\u00e9 pr\u00e8s. Et tout de suite apr\u00e8s, j'ai repens\u00e9 \u00e0 toutes mes admirations anciennes et je me suis demand\u00e9 ce que j'avais bien pu en faire, o\u00f9 donc elles \u00e9taient pass\u00e9es. C'est comme ces histoires d'amour achev\u00e9es. Lorsqu'on les vit, on n'imagine pas qu'elles s'ach\u00e8vent, qu'on puisse les oublier, que l'on puisse oublier jusqu'au pr\u00e9nom de l'\u00eatre aim\u00e9. N'est-ce pas effrayant cela aussi ? Et apaisant tout en m\u00eame temps. Admirer et oublier, ainsi vont les choses tranquillement. Et je ne vois aucune raison d\u00e9sormais pour s'en plaindre vraiment, aucune r\u00e9crimination particuli\u00e8re, il ne reste au bout du compte que la solitude et cette \u00e9trange paix une fois le sas de la peur travers\u00e9. C'est que finalement cette peur est la derni\u00e8re cartouche que l'on tente d'amorcer pour se rassembler dans une solidit\u00e9, dans une volont\u00e9 qui, soudain d\u00e9masqu\u00e9es, ne rec\u00e8lent ni plus ni moins de myst\u00e8re, de signification qu'un r\u00e9flexe animal. Sans doute est-ce pour cette raison que je n'arrive pas \u00e0 me rendormir. Il faut absolument que je me l\u00e8ve, que j'aille \u00e0 la cuisine pour lancer un caf\u00e9, tout en tournant en rond comme une toupie en attendant l'\u00e9coulement complet. Une transe pour sortir du sommeil, pour prolonger la sensation d'\u00e9tranget\u00e9, pour observer aussi cette peur et cette paix entrem\u00eal\u00e9es. C'est comme un fil sur lequel je tire ainsi et qui me d\u00e9voile des pans entiers d'une r\u00e9alit\u00e9 que je ne vois pas durant la veille ordinaire. \u00c0 cet instant, et \u00e0 condition que je n'\u00e9prouve aucune douleur articulaire, je ne suis rien d'autre qu'une conscience se rendant compte de son r\u00f4le d'estafette. Le gros de la troupe est dans les limbes, dans une inconscience magistrale dont la suite infinie des op\u00e9rations trait\u00e9es est proprement pharamineuse. Je n'ai qu'\u00e0 coller mon oreille contre les murs pour entendre tout le cliquetis, une usine qui jamais ne dort. Ce qui \u00e0 mon sens n\u00e9cessite ce morceau de sucre dont je ne peux me passer, ce demi-sucre n\u00e9cessaire pour att\u00e9nuer toutes les amertumes et donner un l\u00e9ger coup de fouet chimique aux synapses comme aux neurones. Enfin, la premi\u00e8re gorg\u00e9e aval\u00e9e, la question revient comme un refrain : qu'est-ce que j'ai fichu de toutes ces admirations d'autrefois ? O\u00f9 sont-elles pass\u00e9es ? Et avec cela cette tristesse soudaine qui ressurgit comme un caniche qui saute m\u00e9caniquement pour saluer son ma\u00eetre. La tristesse et la peur voil\u00e0 ce qui enferme dans une identit\u00e9, voil\u00e0 \u00e0 quoi on ne cesse jamais de faire appel comme pour accumuler des preuves \u00e0 charge dans un proc\u00e8s qui ne s'ach\u00e8ve pas vraiment non plus. Mais je suis moi, j'ai peur, je suis triste donc je suis ! J'adorais lire aussi Pana\u00eft Istrati. Sans plus savoir dans mon souvenir dans quel lieu s'effectuait la lecture. Je ne me souviens que de l'horizontalit\u00e9 du corps, je devais donc \u00eatre dans un lit, \u00e9tendu dans une chambre ou bien sur l'herbe d'une pelouse quelque part, mais je ne me souviens plus non plus o\u00f9 et quand. Je ne me souviens presque plus d\u00e9j\u00e0 des titres, des rebondissements de l'histoire, de la trame toute enti\u00e8re... Il n'y a plus que ces deux mots Kyra Kyralina et puis quelque chose de diffus tout autour, une atmosph\u00e8re, une ambiance. L'odeur de tabac froid et du caf\u00e9 qui coule encore quelque part. Et encore de la peur et encore de la tristesse qui r\u00e9unit toutes ces bribes dans une familiarit\u00e9 devenue suspecte. Je peux citer pourtant tous ces \u00e9crivains, sans r\u00e9fl\u00e9chir beaucoup. Comme si tout ce que j'ai lu d'eux \u00e9tait depuis lors comme engramm\u00e9 dans leur nom seulement. Toutes ces atmosph\u00e8res, toutes ces ambiances de lecture et les synesth\u00e9sies s'y associant myst\u00e9rieusement mais de fa\u00e7on anarchique, sans logique v\u00e9ritable. Borges et son Aleph, ce voyageur en qu\u00eate du pays des immortels, et sa d\u00e9ception surtout en l'atteignant. En d\u00e9couvrant l'ineptie apparente dans laquelle un ennui formidable plonge ses habitants. Il est l\u00e0 aussi question d'un renoncement \u00e0 toute forme d'admiration entra\u00eenant une chute interminable dans cet ennui. Mais ce n'est encore que moi qui ai compris cela, qui l'ai interpr\u00e9t\u00e9. Peut-\u00eatre n'est-ce m\u00eame pas de l'ennui. C'est un oubli permanent et une absence totale de question. Ceci expliquant cela. Jeune, je ne pouvais me passer un seul instant d'admirer quelque chose. Admirer me rassemblait durant un temps avant qu'irr\u00e9m\u00e9diablement je ne me dissolve. Ce n'\u00e9tait pas le sujet [d'admiration ->https:\/\/ledibbouk.net\/contre-l-admiration.html]le plus important, comprenez-vous ? C'\u00e9tait l'admiration en tant que rem\u00e8de \u00e0 une sorte d'oubli quasi cong\u00e9nital. Je n'arrive plus \u00e0 me rendormir, je crois que j'y ai renonc\u00e9 progressivement en soupesant le pour et le contre. Gr\u00e2ce \u00e0 l'insomnie, comprenez-vous, j'ai l'impression de r\u00e9sister \u00e0 l'\u00e9rosion tout en sachant que c'est peine perdue d'avance. J'\u00e9cris en ne cessant de me souvenir que dans 1000 ans tout le monde aura oubli\u00e9 Cervantes, Hom\u00e8re, Dante et moi-m\u00eame. Ce qui, une fois l'appr\u00e9hension toute enti\u00e8re travers\u00e9e comme une nuit, apporte aussi un sacr\u00e9, un myst\u00e9rieux soulagement.",
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"title": "Le fragile et le fort",
"date_published": "2021-09-25T05:07:05Z",
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\nJe suis sorti de cela, du c\u00f4t\u00e9 \u00e9patant de la fulgurance. Car elle \u00e9pate trop et \u00e9gare \u00e0 la fois et les autres et moi-m\u00eame.
\nLorsqu\u2019elle surgit \u2013 car elle surgit toujours \u2013, je la comprends mieux.
\nElle est f\u00e9minine elle tr\u00e9pigne, une impatience. Elle demande \u00e0 \u00eatre rassur\u00e9e tout en attisant le risque. Le paradoxe de la fulgurance, il faut aussi se pencher dessus. L\u2019\u00e9pouser, la couvrir d\u2019une certaine fa\u00e7on, pour le meilleur et pour le pire.
\nC\u2019est assez proche de l\u2019abandon, sans l\u2019\u00eatre tout \u00e0 fait.
\nC\u2019est se souvenir, dans l\u2019instant, de quelque chose qui n\u2019a jamais boug\u00e9. D\u2019une immobilit\u00e9 que l\u2019on d\u00e9voile \u00e0 la vitesse d\u2019un trait, d\u2019un carreau d\u2019arbal\u00e8te, d\u2019une touche de couleur qui doit \u00eatre l\u00e0 et nulle part ailleurs ; que l\u2019on ne remet plus en question, avec laquelle il faut de toute fa\u00e7on composer.
\nC\u2019est comme un « je t\u2019aime », un « je te hais ». Tous ces pr\u00e9textes dont on use pour fatiguer quelque chose qui tombe enfin \u00e0 genoux, pour laisser passer la clart\u00e9.
\nLa fulgurance n\u2019est pas un but ; elle surgit lorsqu\u2019on n\u2019attend plus rien, lorsque la mort, l\u2019an\u00e9antissement, est l\u00e0, \u00e0 \u00e9galit\u00e9 avec la vie, la pl\u00e9nitude de vivre.
\nLa fulgurance, c\u2019est l\u2019\u00e9clat argent\u00e9 d\u2019un poisson qui file entre les herbes folles du rivage et qui nous ravit.
\nLa fulgurance, c\u2019est cette amante qui se d\u00e9robe durant des ann\u00e9es et dont l\u2019attente est l\u2019hame\u00e7on qui p\u00e9n\u00e8tre la chair ; on s\u2019habitue \u00e0 la douleur, car elle nous laisse entrevoir le plaisir.
\nEt puis, rien de tout cela, rien de tout ce que l\u2019on peut penser, n\u2019est assez juste pour l\u2019\u00e9voquer.
\nLa fulgurance, c\u2019est la vie ; on ne la voit pas, car nous croyons \u00e0 la dur\u00e9e, au temps qui nous aveugle comme une nuit.<\/p>\n