{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/qui-tient-le-dictionnaire-des-noms.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/qui-tient-le-dictionnaire-des-noms.html", "title": "Qui tient le dictionnaire des noms ?", "date_published": "2025-11-09T07:12:58Z", "date_modified": "2025-11-09T07:13:38Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
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Dans les syst\u00e8mes num\u00e9riques, un « nom » n\u2019est pas un simple label : c\u2019est une poign\u00e9e op\u00e9ratoire<\/strong>. Le Triangle de Zooko<\/strong> soutient qu\u2019un syst\u00e8me de noms ne peut pas \u00eatre \u00e0 la fois humain-mental<\/strong> (m\u00e9morisable), s\u00e9curis\u00e9<\/strong> et d\u00e9centralis\u00e9<\/strong> — on n\u2019obtient que deux propri\u00e9t\u00e9s sur trois. Les DIDs<\/strong> (Decentralized Identifiers — Identifiants d\u00e9centralis\u00e9s<\/em>), normalis\u00e9s par le W3C, pr\u00e9tendent recomposer<\/strong> ce triangle : des identifiants contr\u00f4l\u00e9s par leurs d\u00e9tenteurs, r\u00e9solvables sans autorit\u00e9 centrale, v\u00e9rifiables cryptographiquement, et reli\u00e9s \u00e0 des preuves<\/strong> (verifiable credentials). Que r\u00e9solvent-ils vraiment ? Et que laissent-ils ouvert ? (Wikip\u00e9die<\/a>)<\/p>\n<\/blockquote>\n


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Le triangle de Zooko<\/h3>\n

Le Triangle de Zooko<\/strong> pose une contrainte simple et tenace : pour un syst\u00e8me de nommage (noms d\u2019utilisateurs, adresses, domaines, identit\u00e9s), on voudrait des noms m\u00e9morisables<\/strong> par des humains, s\u00e9curis\u00e9s<\/strong> (difficiles \u00e0 usurper) et d\u00e9centralis\u00e9s<\/strong> (sans racine d\u2019autorit\u00e9 unique). La conjecture dit : choisissez-en deux<\/strong>. Le DNS (avec DNSSEC) est humain-mental<\/strong> et s\u00e9curis\u00e9<\/strong>, mais centralis\u00e9<\/strong> (racines ICANN). Les adresses bitcoin<\/em> ou .onion<\/em> sont s\u00e9curis\u00e9es<\/strong> et d\u00e9centralis\u00e9es<\/strong>, mais illisibles<\/strong> pour l\u2019humain. D\u2019autres syst\u00e8mes bricolent des r\u00e9pertoires locaux « de confiance » : humains<\/strong> et parfois s\u00e9curis\u00e9s<\/strong>, mais qui ne passent pas l\u2019\u00e9chelle<\/strong> globale. (Wikip\u00e9die<\/a>)<\/p>\n

Cette trilemme a suscit\u00e9, depuis vingt ans, des tentatives de « carr\u00e9 » : tout avoir<\/strong>. Les ann\u00e9es 2010 ont vu \u00e9merger des solutions \u00e0 base de blockchain<\/strong> (Namecoin, ENS, Handshake\u2026) promettant des noms lisibles<\/strong>, s\u00e9curis\u00e9s<\/strong> et d\u00e9centralis\u00e9s<\/strong>. Les papiers techniques restent partag\u00e9s sur le verdict : gains r\u00e9els (r\u00e9sistance \u00e0 la censure, auto-authentification), mais co\u00fbts<\/strong> en gouvernance, risques de captation<\/strong> de noms rares et attaques Sybil<\/strong> si les m\u00e9canismes d\u2019attribution sont faibles. Le triangle n\u2019est pas renvers\u00e9, il est d\u00e9plac\u00e9<\/strong> : une propri\u00e9t\u00e9 « gagn\u00e9e » se paie ailleurs (allocation, arbitrage, lisibilit\u00e9 universelle). (arXiv<\/a>)<\/p>\n

C\u2019est dans ce paysage que le W3C a standardis\u00e9 les DIDs<\/strong> — Decentralized Identifiers (DID) v1.0 — Identifiants d\u00e9centralis\u00e9s<\/em> — en Recommandation<\/strong> (19 juillet 2022). Un DID<\/strong> ressemble \u00e0 ceci : did:method:cl\u00e9<\/code>, o\u00f9 method<\/strong> indique comment<\/strong> r\u00e9soudre l\u2019identifiant (dans une blockchain, un registre distribu\u00e9, un service pair-\u00e0-pair\u2026), et cl\u00e9<\/strong> pointe vers un document DID<\/strong> (DID Document) qui contient des m\u00e9tadonn\u00e9es<\/strong> : cl\u00e9s publiques, services de r\u00e9solution, param\u00e8tres de rotation<\/strong> ou de r\u00e9vocation<\/strong>. L\u2019id\u00e9e : d\u00e9coupler<\/strong> l\u2019identit\u00e9 d\u2019une personne ou d\u2019un service de tout registre central<\/strong>, tout en permettant la v\u00e9rification cryptographique<\/strong> et la portabilit\u00e9<\/strong>. (W3C<\/a>)<\/p>\n

Les DIDs prennent sens avec les Verifiable Credentials<\/strong> (VC — Justificatifs v\u00e9rifiables<\/em>), \u00e9galement normalis\u00e9s au W3C — Verifiable Credentials Data Model v2.0<\/strong> (Recommandation, 15 mai 2025). Un VC<\/strong> est un ensemble d\u2019assertions sign\u00e9es<\/strong> (ex. « cette personne poss\u00e8de tel dipl\u00f4me »), \u00e9mis par une autorit\u00e9<\/strong> (universit\u00e9, administration) \u00e0 destination d\u2019un titulaire<\/strong>, qui peut ensuite pr\u00e9senter<\/strong> ces preuves \u00e0 un v\u00e9rificateur<\/strong> — sans exposer plus d\u2019information que n\u00e9cessaire (s\u00e9lective disclosure<\/strong>), et avec des m\u00e9canismes de r\u00e9vocation<\/strong>\/expiration<\/strong>. L\u2019\u00e9metteur et le v\u00e9rificateur peuvent chacun \u00eatre identifi\u00e9s par des DIDs<\/strong>. Ensemble, DIDs + VC visent une promesse : s\u00e9curit\u00e9<\/strong>, d\u00e9centralisation<\/strong>, et — via des alias locaux — un certain confort humain<\/strong>. (W3C<\/a>)<\/p>\n

O\u00f9 gagne-t-on par rapport au triangle ?<\/h3>\n
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  1. S\u00e9curit\u00e9<\/strong> : l\u2019authenticit\u00e9 se prouve par cryptographie<\/strong> (signatures, preuves), et la rotation<\/strong> de cl\u00e9s limite l\u2019usurpation<\/strong> durable. Pas besoin d\u2019un certificat X.509 adoss\u00e9 \u00e0 une CA g\u00e9ante ; on peut v\u00e9rifier \u00e0 la vol\u00e9e<\/strong> via le DID Document<\/strong>. (W3C<\/a>)<\/li>\n
  2. D\u00e9centralisation<\/strong> : pas de racine unique<\/strong> ; chaque m\u00e9thode DID<\/strong> (did:key, did:web, did:ion, etc.) d\u00e9finit son substrat<\/strong> (du simple fichier HTTPS aux ancrages sur des r\u00e9seaux distribu\u00e9s). On substitue une f\u00e9d\u00e9ration de m\u00e9thodes<\/strong> \u00e0 la pyramide DNS\/ICANN. (W3C<\/a>)<\/li>\n
  3. Humain-mental (partiel)<\/strong> : un DID<\/strong> n\u2019est pas, en soi, m\u00e9morisable. Mais on peut lier<\/strong> un DID \u00e0 un alias<\/strong> local (carte de contacts, carnet d\u2019adresses, UI du portefeuille d\u2019identit\u00e9). L\u2019humain ne retient plus la cl\u00e9<\/strong>, il retient un nom de relation<\/strong> (petname). Zooko n\u2019est pas ni\u00e9 ; on d\u00e9place<\/strong> l\u2019exigence d\u2019humanit\u00e9 vers la couche d\u2019interface<\/strong>. (Wikip\u00e9die<\/a>)<\/li>\n<\/ol>\n

    O\u00f9 le triangle continue de mordre<\/h3>\n