{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-plaie-de-vouloir-plaire.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-plaie-de-vouloir-plaire.html", "title": "La plaie de vouloir plaire", "date_published": "2021-11-10T06:52:49Z", "date_modified": "2025-11-21T17:37:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
Ce type \u00e9tait litt\u00e9ralement sanguinolent. Un \u00e9corch\u00e9 vif tout \u00e0 fait conforme \u00e0 ces moulages de la chapelle de Sansevero r\u00e9alis\u00e9s par Giuseppe Salerno, qui soul\u00e8vent les tripes. Et tout cela provenait, une fois l\u2019embrouillamini des pr\u00e9textes, des raisons et des fausses pistes d\u00e9pass\u00e9, de son obsession de vouloir plaire. M\u00eame lorsqu\u2019il se trouvait seul, il ne parvenait pas \u00e0 \u00e9chapper \u00e0 cette mal\u00e9diction log\u00e9e au plus profond de lui-m\u00eame. C\u2019\u00e9tait encore pire qu\u2019un sacerdoce. Un truc cong\u00e9nital, une maladie immune sur laquelle la science n\u2019avait d\u00e9daign\u00e9 se pencher, vu l\u2019immense pr\u00e9judice \u00e9conomique que sa r\u00e9solution ne manquerait pas d\u2019apporter. Car, dans le fond, cette affection, ainsi que la nomme le corps m\u00e9dical, peut se d\u00e9velopper en tout un chacun sans pr\u00e9venir et prendre des formes b\u00e9nignes, g\u00e9n\u00e9ralement sans v\u00e9ritable gravit\u00e9. Mais chez ce type elle \u00e9tait parvenue au dernier stade d\u2019un cancer, par pure n\u00e9gligence, ou plut\u00f4t par cette \u00e9trange volont\u00e9 qui oblige les autruches, en cas de peur soudaine, \u00e0 se plonger la t\u00eate dans le sable. C\u2019est donc ainsi qu\u2019il se pr\u00e9senta devant moi, un jeudi, lorsque je donnais encore des cours ce jour-l\u00e0, lorsque mon affaire \u00e9tait encore florissante et que l\u2019on venait de tous les environs et m\u00eame d\u2019un peu plus loin pour profiter de mon enseignement du dessin et de la peinture. La crise ayant d\u00e9j\u00e0 fait des ravages, j\u2019avais remis\u00e9 mes pr\u00e9tentions, baiss\u00e9 les prix et ouvert mes portes au tout-venant. C\u2019en \u00e9tait termin\u00e9 des patientes s\u00e9lections que j\u2019effectuais afin de choisir parmi la cohorte des quidams de tout acabit qui affluait qui, parmi eux, m\u00e9riteraient de s\u2019asseoir dans mon atelier avec pour seul objectif qu\u2019ils puissent en tirer du profit. J\u2019\u00e9liminais les touristes, les pr\u00e9tentieux, les vaniteux, les f\u00e2cheux, parmi lesquels un grand nombre de m\u00e9nag\u00e8res entre 50 et 65 ans qui esp\u00e9raient venir ici trouver non point un v\u00e9ritable enseignement artistique, mais un moment de d\u00e9tente, quelque chose d\u2019amusant susceptible de tromper leur ennui, tentant de masquer plus ou moins convenablement leur vide qu\u2019elles ne cherchaient qu\u2019\u00e0 combler d\u2019un tas d\u2019objets h\u00e9t\u00e9roclites. Il y avait aussi quelques bonshommes perdus, cherchant vaguement \u00e0 s\u2019exprimer tout en \u00e9tant pouss\u00e9s par le d\u00e9go\u00fbt de s\u2019inscrire sur des sites de rencontres en ligne, fatigu\u00e9s de la masturbation, la cervelle embrum\u00e9e par leur m\u00e9moire adolescente \u00e0 laquelle, vainement, dans la d\u00e9bine g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e du monde, ils tentaient encore de s\u2019accrocher. Je prenais un plaisir non dissimul\u00e9 \u00e0 foutre tout ce petit monde dehors, \u00e0 leur dire : non, ce ne sera pas pour vous, d\u00e9sol\u00e9, ici c\u2019est uniquement pour apprendre le dessin et la peinture, vous savez, vous risqueriez de vous ennuyer, c\u2019est pour votre bien que je vous dis non, bonne journ\u00e9e ! Et le pire c\u2019est que plus je refusais de monde, plus il se pressait \u00e0 ma porte. Bref, les temps avaient donc chang\u00e9 et j\u2019avais d\u00fb mettre de l\u2019eau dans mon vin, et comme ce blasph\u00e8me ne suffisait encore pas, j\u2019avais r\u00e9duit le montant de mes \u00e9moluments, j\u2019\u00e9tais au bord de proposer des cartes-cadeaux d\u2019abonnement. C\u2019est pour dire le marasme o\u00f9 nous nous \u00e9tions progressivement enfonc\u00e9s sans m\u00eame nous en rendre compte. Du coup, veuillez excuser la digression, j\u2019avais oubli\u00e9 ce pauvre type devant la porte. Bonjour, c\u2019est pour quoi ? je demande. C\u2019est pour apprendre la peinture. Tr\u00e8s bien, et dans quel but ? Parce que je suis tout seul depuis je ne sais plus combien de temps et que je voudrais bien faire quelque chose de mes dix doigts qui puisse plaire au monde. Ce qui me permettrait, je l\u2019imagine, d\u2019exister, de ne plus \u00eatre cet ectoplasme que je ne cesse d\u2019apercevoir dans toutes les vitrines de la ville. On ne fait pas de peinture ici pour plaire, je r\u00e9ponds. Vous vous \u00eates gourr\u00e9 d\u2019adresse, mon petit bonhomme. Il se mit \u00e0 faire une dr\u00f4le de moue, comme dans les films de science-fiction o\u00f9 l\u2019on voit soudain un homme normal, ou une femme, se transformer en bestiole intergalactique avec des tentacules et des antennes qui lui sortent de partout. J\u2019ai juste eu le temps de lui claquer la porte au nez en gueulant : merde, mon vieux, allez donc vous faire soigner avant qu\u2019il ne m\u2019explose au visage. Derri\u00e8re la porte, qui n\u2019\u00e9tait pas encore blind\u00e9e avec six points de s\u00e9curit\u00e9 \u00e0 cette \u00e9poque, je pus encore l\u2019entendre geindre : s\u2019il vous pla\u00eet, je ne sais pas quoi faire pour vous plaire, aidez-moi. Il y eut quelques raclements de ce que j\u2019imaginais \u00eatre des griffes sur le panneau de bois puis sur le mur ext\u00e9rieur. Enfin tout fut silencieux. J\u2019allumai une clope en revenant vers l\u2019atelier en \u00e9prouvant un soulagement immense, le m\u00eame probablement que peut \u00e9prouver un type qui vient de dire merde \u00e0 son patron. Puis la journ\u00e9e s\u2019\u00e9tendit comme une immensit\u00e9, un horizon sans borne devant moi.<\/p>", "content_text": "Ce type \u00e9tait litt\u00e9ralement sanguinolent. Un \u00e9corch\u00e9 vif tout \u00e0 fait conforme \u00e0 ces moulages de la chapelle de Sansevero r\u00e9alis\u00e9s par Giuseppe Salerno, qui soul\u00e8vent les tripes. Et tout cela provenait, une fois l\u2019embrouillamini des pr\u00e9textes, des raisons et des fausses pistes d\u00e9pass\u00e9, de son obsession de vouloir plaire. M\u00eame lorsqu\u2019il se trouvait seul, il ne parvenait pas \u00e0 \u00e9chapper \u00e0 cette mal\u00e9diction log\u00e9e au plus profond de lui-m\u00eame. C\u2019\u00e9tait encore pire qu\u2019un sacerdoce. Un truc cong\u00e9nital, une maladie immune sur laquelle la science n\u2019avait d\u00e9daign\u00e9 se pencher, vu l\u2019immense pr\u00e9judice \u00e9conomique que sa r\u00e9solution ne manquerait pas d\u2019apporter. Car, dans le fond, cette affection, ainsi que la nomme le corps m\u00e9dical, peut se d\u00e9velopper en tout un chacun sans pr\u00e9venir et prendre des formes b\u00e9nignes, g\u00e9n\u00e9ralement sans v\u00e9ritable gravit\u00e9. Mais chez ce type elle \u00e9tait parvenue au dernier stade d\u2019un cancer, par pure n\u00e9gligence, ou plut\u00f4t par cette \u00e9trange volont\u00e9 qui oblige les autruches, en cas de peur soudaine, \u00e0 se plonger la t\u00eate dans le sable. C\u2019est donc ainsi qu\u2019il se pr\u00e9senta devant moi, un jeudi, lorsque je donnais encore des cours ce jour-l\u00e0, lorsque mon affaire \u00e9tait encore florissante et que l\u2019on venait de tous les environs et m\u00eame d\u2019un peu plus loin pour profiter de mon enseignement du dessin et de la peinture. La crise ayant d\u00e9j\u00e0 fait des ravages, j\u2019avais remis\u00e9 mes pr\u00e9tentions, baiss\u00e9 les prix et ouvert mes portes au tout-venant. C\u2019en \u00e9tait termin\u00e9 des patientes s\u00e9lections que j\u2019effectuais afin de choisir parmi la cohorte des quidams de tout acabit qui affluait qui, parmi eux, m\u00e9riteraient de s\u2019asseoir dans mon atelier avec pour seul objectif qu\u2019ils puissent en tirer du profit. J\u2019\u00e9liminais les touristes, les pr\u00e9tentieux, les vaniteux, les f\u00e2cheux, parmi lesquels un grand nombre de m\u00e9nag\u00e8res entre 50 et 65 ans qui esp\u00e9raient venir ici trouver non point un v\u00e9ritable enseignement artistique, mais un moment de d\u00e9tente, quelque chose d\u2019amusant susceptible de tromper leur ennui, tentant de masquer plus ou moins convenablement leur vide qu\u2019elles ne cherchaient qu\u2019\u00e0 combler d\u2019un tas d\u2019objets h\u00e9t\u00e9roclites. Il y avait aussi quelques bonshommes perdus, cherchant vaguement \u00e0 s\u2019exprimer tout en \u00e9tant pouss\u00e9s par le d\u00e9go\u00fbt de s\u2019inscrire sur des sites de rencontres en ligne, fatigu\u00e9s de la masturbation, la cervelle embrum\u00e9e par leur m\u00e9moire adolescente \u00e0 laquelle, vainement, dans la d\u00e9bine g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e du monde, ils tentaient encore de s\u2019accrocher. 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C\u2019est pour apprendre la peinture. Tr\u00e8s bien, et dans quel but ? Parce que je suis tout seul depuis je ne sais plus combien de temps et que je voudrais bien faire quelque chose de mes dix doigts qui puisse plaire au monde. Ce qui me permettrait, je l\u2019imagine, d\u2019exister, de ne plus \u00eatre cet ectoplasme que je ne cesse d\u2019apercevoir dans toutes les vitrines de la ville. On ne fait pas de peinture ici pour plaire, je r\u00e9ponds. Vous vous \u00eates gourr\u00e9 d\u2019adresse, mon petit bonhomme. Il se mit \u00e0 faire une dr\u00f4le de moue, comme dans les films de science-fiction o\u00f9 l\u2019on voit soudain un homme normal, ou une femme, se transformer en bestiole intergalactique avec des tentacules et des antennes qui lui sortent de partout. J\u2019ai juste eu le temps de lui claquer la porte au nez en gueulant : merde, mon vieux, allez donc vous faire soigner avant qu\u2019il ne m\u2019explose au visage. Derri\u00e8re la porte, qui n\u2019\u00e9tait pas encore blind\u00e9e avec six points de s\u00e9curit\u00e9 \u00e0 cette \u00e9poque, je pus encore l\u2019entendre geindre : s\u2019il vous pla\u00eet, je ne sais pas quoi faire pour vous plaire, aidez-moi. Il y eut quelques raclements de ce que j\u2019imaginais \u00eatre des griffes sur le panneau de bois puis sur le mur ext\u00e9rieur. Enfin tout fut silencieux. J\u2019allumai une clope en revenant vers l\u2019atelier en \u00e9prouvant un soulagement immense, le m\u00eame probablement que peut \u00e9prouver un type qui vient de dire merde \u00e0 son patron. Puis la journ\u00e9e s\u2019\u00e9tendit comme une immensit\u00e9, un horizon sans borne devant moi. 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7 milliards et demi d\u2019individus et toutes les difficult\u00e9s du monde pour accorder la chorale. Alors oui, l\u2019art peut \u00eatre un refuge pour s\u2019\u00e9loigner un instant de la cacophonie g\u00e9n\u00e9rale, mais il peut \u00eatre aussi, apr\u00e8s cela, un diapason pour parfaire sa propre \u00e9coute et d\u00e9couvrir, sous l\u2019apparent chaos, une harmonie poignante, souvent insupportable. Car ne vaut-il pas mieux travailler sur ce qui nous appartient vraiment plut\u00f4t que sur une vague impression que produit un mot ? Sans doute cette approche s\u2019effectue-t-elle en deux temps pour celui qui veut exprimer la pr\u00e9sence. Le refuge, le repli sur soi en qu\u00eate de justesse en \u00e9num\u00e9rant tous les couacs dans l\u2019espoir de redresser le gouvernail. Le fantasme de parvenir \u00e0 la note claire, \u00e0 la justesse, au pur \u00e9cho. L\u2019exploration des reflets \u00e0 la surface de l\u2019eau \u00e0 un point si extr\u00eame qu\u2019on ait envie de se confondre en eux. Narcisse plongeant dans sa propre image ou dans l\u2019image d\u2019un monde cr\u00e9\u00e9 \u00e0 sa propre image, ce qui revient au m\u00eame. Se coupant \u00e0 jamais ainsi de l\u2019autre. Ou bien, au contraire, s\u2019extirper du reflet, regagner la rive et s\u2019y hisser, puis se remettre debout et ouvrir grands les bras pour accueillir l\u2019autre. C\u2019est ainsi, sans doute, qu\u2019apr\u00e8s la retraite forc\u00e9e, dans l\u2019esp\u00e9rance des gr\u00e2ces des refuges, des salvations personnelles, on finit par comprendre l\u2019\u00e9garement, ce puits sans fond que propose le refuge, et que l\u2019on d\u00e9sire s\u2019en \u00e9loigner. Avec un enthousiasme de chercheur d\u2019or, bien souvent, comme quelqu\u2019un qui aurait enfin \u00e9t\u00e9 \u00e9clair\u00e9 vers une « bonne direction », vers le profit \u00e0 tirer d\u2019une quelconque destination lui faisant miroiter encore cette inflation du moi. Il faut bien en passer encore par l\u00e0 avant de tr\u00e9bucher encore et encore, de se tapir sous une pierre, dans une caverne, sous un pont, pour remettre un peu d\u2019ordre dans ses id\u00e9es, jusqu\u2019\u00e0 comprendre que ce serait encore mieux si on n\u2019en avait pas, d\u2019id\u00e9es. Reste le myst\u00e8re de l\u2019autre, insoluble par cette voie labyrinthique, par ce jeu de l\u2019oie. Si la peinture, si l\u2019art en g\u00e9n\u00e9ral, ne permet pas d\u2019\u00eatre ouvert \u00e0 l\u2019autre, de lui offrir un lieu et un temps de repos, d\u2019amiti\u00e9, d\u2019intelligence \u00e0 partager gratuitement, peut-\u00eatre alors vaut-il mieux se lancer dans la confection de p\u00e2t\u00e9 en cro\u00fbte, de terrines, de bons plats \u00e0 partager avec force blagues et autres saillies et billeves\u00e9es sans importance. C\u2019est cette sorte de magie que j\u2019attends de l\u2019art d\u00e9sormais. Non pas que, par sa fr\u00e9quentation, je m\u2019\u00e9l\u00e8ve vers le g\u00e9nie pour imaginer na\u00efvement m\u2019y hisser \u00e0 mon tour, mais tout le contraire : pour rencontrer des femmes et des hommes les plus « abordables » du monde. Abordables comme des \u00eeles en plein milieu des cit\u00e9s, abordables comme des armistices au beau milieu de la guerre. On nous a trop dup\u00e9s et on s\u2019est dup\u00e9 tout seul par habitude de penser l\u2019art comme appartenant \u00e0 ce g\u00e9nie-l\u00e0, celui de la raret\u00e9, de l\u2019habilet\u00e9 et de la performance. Le g\u00e9nie cr\u00e9\u00e9 par une \u00e9lite qui ne cesse depuis des lustres de se mirer en celui-ci. On parle d\u2019une nouvelle renaissance d\u00e9sormais, d\u2019une Renaissance « sauvage ». Et sans doute en faudra-t-il un peu de la sauvagerie pour s\u2019extirper du narcissisme afin de rejoindre le monde. D\u2019ailleurs, pas seulement le monde des hommes, mais le monde en tant que terra incognita. Un monde que nul ne conna\u00eet encore. Un monde \u00e0 cr\u00e9er tout simplement par l\u2019art de se dire bonjour, comment vas-tu, de quoi pouvons-nous discuter ensemble sans nous \u00e9triper ? Si l\u2019art ne sert pas \u00e0 cela, \u00e0 vivre ensemble entre nous, \u00e0 vivre au monde tranquillement sans le d\u00e9truire par peur ou par profit, je me demande bien \u00e0 quoi il peut bien servir\u2026<\/p>", "content_text": "7 milliards et demi d\u2019individus et toutes les difficult\u00e9s du monde pour accorder la chorale. Alors oui, l\u2019art peut \u00eatre un refuge pour s\u2019\u00e9loigner un instant de la cacophonie g\u00e9n\u00e9rale, mais il peut \u00eatre aussi, apr\u00e8s cela, un diapason pour parfaire sa propre \u00e9coute et d\u00e9couvrir, sous l\u2019apparent chaos, une harmonie poignante, souvent insupportable. Car ne vaut-il pas mieux travailler sur ce qui nous appartient vraiment plut\u00f4t que sur une vague impression que produit un mot ? Sans doute cette approche s\u2019effectue-t-elle en deux temps pour celui qui veut exprimer la pr\u00e9sence. Le refuge, le repli sur soi en qu\u00eate de justesse en \u00e9num\u00e9rant tous les couacs dans l\u2019espoir de redresser le gouvernail. Le fantasme de parvenir \u00e0 la note claire, \u00e0 la justesse, au pur \u00e9cho. L\u2019exploration des reflets \u00e0 la surface de l\u2019eau \u00e0 un point si extr\u00eame qu\u2019on ait envie de se confondre en eux. Narcisse plongeant dans sa propre image ou dans l\u2019image d\u2019un monde cr\u00e9\u00e9 \u00e0 sa propre image, ce qui revient au m\u00eame. Se coupant \u00e0 jamais ainsi de l\u2019autre. Ou bien, au contraire, s\u2019extirper du reflet, regagner la rive et s\u2019y hisser, puis se remettre debout et ouvrir grands les bras pour accueillir l\u2019autre. C\u2019est ainsi, sans doute, qu\u2019apr\u00e8s la retraite forc\u00e9e, dans l\u2019esp\u00e9rance des gr\u00e2ces des refuges, des salvations personnelles, on finit par comprendre l\u2019\u00e9garement, ce puits sans fond que propose le refuge, et que l\u2019on d\u00e9sire s\u2019en \u00e9loigner. Avec un enthousiasme de chercheur d\u2019or, bien souvent, comme quelqu\u2019un qui aurait enfin \u00e9t\u00e9 \u00e9clair\u00e9 vers une \u00ab bonne direction \u00bb, vers le profit \u00e0 tirer d\u2019une quelconque destination lui faisant miroiter encore cette inflation du moi. Il faut bien en passer encore par l\u00e0 avant de tr\u00e9bucher encore et encore, de se tapir sous une pierre, dans une caverne, sous un pont, pour remettre un peu d\u2019ordre dans ses id\u00e9es, jusqu\u2019\u00e0 comprendre que ce serait encore mieux si on n\u2019en avait pas, d\u2019id\u00e9es. Reste le myst\u00e8re de l\u2019autre, insoluble par cette voie labyrinthique, par ce jeu de l\u2019oie. Si la peinture, si l\u2019art en g\u00e9n\u00e9ral, ne permet pas d\u2019\u00eatre ouvert \u00e0 l\u2019autre, de lui offrir un lieu et un temps de repos, d\u2019amiti\u00e9, d\u2019intelligence \u00e0 partager gratuitement, peut-\u00eatre alors vaut-il mieux se lancer dans la confection de p\u00e2t\u00e9 en cro\u00fbte, de terrines, de bons plats \u00e0 partager avec force blagues et autres saillies et billeves\u00e9es sans importance. C\u2019est cette sorte de magie que j\u2019attends de l\u2019art d\u00e9sormais. Non pas que, par sa fr\u00e9quentation, je m\u2019\u00e9l\u00e8ve vers le g\u00e9nie pour imaginer na\u00efvement m\u2019y hisser \u00e0 mon tour, mais tout le contraire : pour rencontrer des femmes et des hommes les plus \u00ab abordables \u00bb du monde. Abordables comme des \u00eeles en plein milieu des cit\u00e9s, abordables comme des armistices au beau milieu de la guerre. On nous a trop dup\u00e9s et on s\u2019est dup\u00e9 tout seul par habitude de penser l\u2019art comme appartenant \u00e0 ce g\u00e9nie-l\u00e0, celui de la raret\u00e9, de l\u2019habilet\u00e9 et de la performance. Le g\u00e9nie cr\u00e9\u00e9 par une \u00e9lite qui ne cesse depuis des lustres de se mirer en celui-ci. On parle d\u2019une nouvelle renaissance d\u00e9sormais, d\u2019une Renaissance \u00ab sauvage \u00bb. Et sans doute en faudra-t-il un peu de la sauvagerie pour s\u2019extirper du narcissisme afin de rejoindre le monde. D\u2019ailleurs, pas seulement le monde des hommes, mais le monde en tant que terra incognita. Un monde que nul ne conna\u00eet encore. Un monde \u00e0 cr\u00e9er tout simplement par l\u2019art de se dire bonjour, comment vas-tu, de quoi pouvons-nous discuter ensemble sans nous \u00e9triper ? Si l\u2019art ne sert pas \u00e0 cela, \u00e0 vivre ensemble entre nous, \u00e0 vivre au monde tranquillement sans le d\u00e9truire par peur ou par profit, je me demande bien \u00e0 quoi il peut bien servir\u2026 ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20211129_132854.jpg?1763741261", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/nouvelle-exposition-dans-le-haut-jura.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/nouvelle-exposition-dans-le-haut-jura.html", "title": "Nouvelle exposition dans le Haut-Jura", "date_published": "2021-10-30T15:02:55Z", "date_modified": "2025-11-21T16:03:30Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
Du 30\/10\/2021 au 28\/11\/2021 exposition de peintures au Caveau des artistes \u00e0 Saint-Claude (office de Tourisme) ferm\u00e9 le dimanche<\/p>\n