{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-peinture-medianimique-notes-sur-l-art-brut.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/la-peinture-medianimique-notes-sur-l-art-brut.html", "title": "La peinture \"m\u00e9dianimique\"(notes sur l'art brut)", "date_published": "2021-11-07T05:01:56Z", "date_modified": "2025-11-03T14:59:22Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Du spiritisme aux th\u00e9ories sur le hasard.<\/h2>

Le hasard est comme un iceberg, on n’en voit que la partie visible, celle du temps pr\u00e9sent.<\/h3>\n

Pour en revenir \u00e0 l’art brut Je me suis mis en t\u00eate de trouver diff\u00e9rents angles d’attaque non pour d\u00e9finir ce qu’est celui-ci, mais afin de sugg\u00e9rer un certain nombre de pistes qui me paraissent f\u00e9condes dans ma fa\u00e7on d’aborder la peinture aujourd’hui.<\/p>\n

Si d\u00e9sormais le mot hasard<\/em> revient de plus en plus dans ce que je peux recueillir des processus (les miens et aussi ceux de nombreux autres artistes dont j’ai pu d\u00e9chiffrer la d\u00e9marche) concernant la peinture abstraite, je me demande ce que recouvre v\u00e9ritablement ce mot.<\/p>\n

Car dans le fond et \u00e0 la vue de la pudibonderie de notre temps recouvrant d’un voile de pens\u00e9e mainstream<\/em> tout ce qui a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 explor\u00e9 dans les mines des hauts de France par ce qu’Andr\u00e9 Breton nommait des peintres m\u00e9dianimiques<\/strong>, notamment Augustin Lesage, j’ai des doutes tout \u00e0 coup, et je me demande si ce terme facile de hasard<\/em> n’est pas en quelque sorte de la pudeur plus que tout autre chose. Et lorsque j’emploie ce mot je parle \u00e9videmment du paradoxe excitation-g\u00e8ne<\/em> qui finit par le rendre addictif<\/p>\n

Il ferait beau voir que je me targue de peindre, en public et en plein jour, \u00e0 l’\u00e9coute de voix qui me dicteraient tel rouge ou tel jaune, qui s’empareraient de mes mains pour tenir le pinceau et lui faire dessiner et peindre des \u0153uvres directement issues de l’Au-del\u00e0.<\/p>\n

J’avoue que j’aurais bien du mal \u00e0 tenir longtemps ce discours sans pouffer \u00e0 un moment ou \u00e0 un autre, idiot que je suis , contamin\u00e9 par la raison bulldozer le rouleau compresseur de la sainte pens\u00e9e unique. Voici pourquoi le hasard convient mieux essentiellement, il ne sert qu’\u00e0 rester dans le groupe, \u00e0 ne pas \u00eatre expulser \u00e0 la marge.<\/p>\n

Je pourrais aller chercher des arguments concernant ce fameux hasard que l’on utilise d\u00e9sormais \u00e0 toutes les sauces dans le domaine de la psychologie, de la psychanalyse, de la psychiatrie, ce ne serait encore que science sans conscience, et donc ruine de l’\u00e2me par ricochet.<\/p>\n

J’entends ici la conscience au sens le plus large, c’est \u00e0 dire la perception<\/em> et qui d\u00e9passe de mille coud\u00e9es l’entendement et tout le bric \u00e0 brac raisonnable justement qui l’accompagne.<\/p>\n

Il n’y a pas de raison sans perception<\/h3>\n

Suivant l’adage rien ne peut venir \u00e0 la raison sans provenir avant tout de la perception. Encore faut-il s’entendre sur la d\u00e9finition de ces deux mots \u00e9videmment.<\/p>\n

Si le but de la raison est seulement d’avoir raison, autant se jeter dans la perception totalement. C’est d’ailleurs la motivation principale de ce projet de textes autour de l’art brut.<\/p>\n

Mon intuition est qu’il est une porte ouverte sur la perception \u00e0 l’\u00e9tat pur (brut ?) et que tout le discours que l’on peut tisser pour tenter de l’emprisonner, notamment le discours habituel de l’\u00e9lite lorsqu’elle invente comme cela l’arrange des th\u00e9ories fumeuses sur tel ou tel artiste ne sert encore qu’\u00e0 dissimuler en grande partie ses sources les plus vives.<\/p>\n

Nous nous sommes coup\u00e9s de par cette fameuse raison avec sa logique mondialis\u00e9e et blas\u00e9e et d\u00e9sormais par crainte du ridicule aussi, de bien des conversations que les intellectuels, les \u00e9crivains, les artistes du 19eme si\u00e8cle, abordaient notamment sur le spiritisme.<\/p>\n

Serions nous plus intelligents que nos pr\u00e9d\u00e9cesseurs o\u00f9 plus d\u00e9sabus\u00e9s ?<\/h3>\n

Serions nous aujourd’hui plus intelligents au 21\u00e8me pour d\u00e9clarer que les th\u00e9ories du hasard , de la psychanalyse, de l’inconscient valent mieux que ce sur quoi s’appuyaient de nombreux \u00e9crivains du 19\u00e8me pour cerner le fantastique, le myst\u00e8re, l’ineffable ?<\/p>\n

Aujourd’hui on voudrait que tout soit logique tellement que cette qu\u00eate en devient insens\u00e9e et ne produit plus qu’un chaos g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9.<\/p>\n

Il peut alors \u00eatre sage, et c’est un pas de g\u00e9ant sans doute vers l’humilit\u00e9 que d’accepter que ce que nous appelons le hasard aujourd’hui est synonyme d’inconnaissable.<\/p>\n

Un inconnaissable qui continue \u00e0 attirer vers lui de nombreuses personnes pas toujours bien intentionn\u00e9es et qui chercheraient \u00e9videmment encore \u00e0 contr\u00f4ler quelque chose au travers lui. A contr\u00f4ler les autres \u00e9videmment.<\/p>\n

C’est \u00e0 dire qu’il repr\u00e9sente peut-\u00eatre le m\u00eame genre de Nouveau Monde vers lequel voguaient les caravelles, presque en m\u00eame temps que la Peste Noire envahissait l’Europe, sauf l’Italie ce qui permit \u00e0 la Renaissance d’y germer puis de se d\u00e9ployer peu \u00e0 peu dans une Europe convalescence en qu\u00eate d’un sens nouveau.<\/p>\n

La gr\u00e2ce ne s’avance pas seule h\u00e9las, elle s’accompagne de ph\u00e9nom\u00e8nes p\u00e9riph\u00e9riques li\u00e9s le plus souvent \u00e0 la vanit\u00e9 et \u00e0 l’orgueil, au profit que l’individu esp\u00e8re tirer de l’inconnaissable pour gouverner et exercer son pouvoir sur l’autre.<\/p>\n

Ainsi la d\u00e9couverte du Nouveau Monde, par une nuit du mois d’octobre 1492, s’effectua t’elle totalement \"par hasard\" lorsque les deux caravelles, la Pinta, la Nina et une caraque, \u00e0 la recherche d’une route vers les Indes Orientales, abord\u00e8rent la petite \u00eele de Guanahani, actuel Salvador, dans les Cara\u00efbes. La raison pour laquelle Christophe Colomb dont le projet \u00e9tait de d\u00e9couvrir cette fameuse route, apr\u00e8s plusieurs \u00e9checs de financement fut finalement commandit\u00e9 par la reine Isabelle 1\u00e8re de Castille ( elle fut financ\u00e9e en grande partie, cette exp\u00e9dition , par les taxes et les amendes impos\u00e9s alors aux juifs et musulmans du royaume) \u00e9tait de toute \u00e9vidence principalement commerciale, et dans l’espoir d’augmenter les profits.<\/p>\n

Possible que chaque \u00e9poque r\u00eave d’un nouveau monde <\/h3>\n

Les psychanalystes justement parleraient d’un ph\u00e9nom\u00e8ne r\u00e9current, de r\u00e9p\u00e9tition qui s’effectue aussi longtemps que l’on n’a pas r\u00e9solu le conflit qui en est \u00e0 l’origine.<\/p>\n

Ce r\u00eave permanent qui traverse l’histoire de l’humanit\u00e9 selon les \u00e9poques se dissimule sous des couches superficielles que l’on peut appeler l’int\u00e9r\u00eat, le profit, le pouvoir, c’est \u00e0 partir de ces couches les plus superficielles dont s’entoure ce r\u00eave que nait l’histoire telle qu’on veut nous l’enseigner.<\/p>\n

Il me semble que nous sommes certainement la partie du monde, occidentale, qui a le plus besoin de revenir \u00e0 ce r\u00eave sans rel\u00e2che du fait que notre pens\u00e9e contemporaine se d\u00e9veloppe d\u00e9sormais totalement coup\u00e9e elle aussi de ses racines sacr\u00e9es. La pens\u00e9e se d\u00e9veloppant en occultant une grande partie de la perception du sacr\u00e9. Le rel\u00e9guant comme ph\u00e9nom\u00e8ne mineur, p\u00e9riph\u00e9rique, anecdotique, ce qui est sans doute une grande erreur provenant de notre individualisme.<\/p>\n

Le besoin de croire, d’imaginer, de r\u00eaver, n’est ce pas cela l’essence m\u00eame d’\u00eatre humain avant tout ? Et tous ceux qui en ont profit\u00e9 depuis la nuit des temps le savent et continue d’en profiter tous les jours. Si ce n’est plus par la religion, c’est par le marketing, par la pub, par l’art, par le sexe, par l’amour. Tout est bon d\u00e9sormais pour vendre du r\u00eave, mais ce ne sont plus que des r\u00eaves en toc.<\/p>\n

Et avec l’inflation de nos r\u00eaves est directement atteinte notre force vitale.<\/p>\n

C’est pourquoi l’art brut me semble aussi \u00eatre une voie, un sentier sur lequel cheminer dans la brume de cet automne occidental. <\/h3>\n

Ce projet de m’int\u00e9resser de fa\u00e7on s\u00e9rieuse, document\u00e9e, \u00e0 l’art brut ne date pas d’hier. Sans doute parce qu’en grande partie je me sens moi-m\u00eame comme un \u00e9lectron libre face \u00e0 l’Art, \u00e0 la peinture notamment, malgr\u00e9 tout le savoir engrang\u00e9, malgr\u00e9 les \u00e9tudes, malgr\u00e9 l’exp\u00e9rience acquise, le mot autodidacte me colle \u00e0 la peau.<\/p>\n

En refusant le cheminement classique qui sans doute d\u00e9j\u00e0 repr\u00e9sentait ce que l’on appelle aujourd’hui la pens\u00e9e unique, sans vraiment le savoir je m’engageais dans le risque, dans l’inconnu, avec une croyance na\u00efve propre \u00e0 tous les jeunes gens de faire du \"nouveau\", \"du neuf\", \"de l’original\".<\/p>\n

Encore que lorsque je pense \u00e0 cette na\u00efvet\u00e9 aujourd’hui les mots dont je l’entourais ne me servaient sans doute qu’\u00e0 pr\u00e9server, ou \u00e9prouver celle-ci.<\/p>\n

Lorsque j’ai vraiment commenc\u00e9 \u00e0 peindre, je ne parle pas des ann\u00e9es de formation, mais de cet instant o\u00f9 justement j’ai accept\u00e9 de ne rien savoir pour d\u00e9poser mes premi\u00e8res taches sur le papier et sur la toile, j’ai senti quelque chose s’emparer de mon crayon, de mes pinceaux et que j’ai presque aussit\u00f4t mis de cot\u00e9 tant cette chose m’effrayait.<\/p>\n

Je me souviens d’une grande feuille de papier de 2m par 1m que j’avais punais\u00e9 au mur de la chambre o\u00f9 j’avais \u00e9chou\u00e9 et sur laquelle avaient surgit des formes et des visages du type Maori. Je peignais d\u00e9j\u00e0 comme je le fais aujourd’hui, en refusant de prendre des mod\u00e8les, je me disais que tout devait venir de l’imagination ou rien.<\/p>\n

Cela m’a beaucoup intrigu\u00e9 de voir apparaitre ces visages, des femmes aux formes g\u00e9n\u00e9reuses, r\u00e9alis\u00e9es \u00e0 la gouache. A un moment du tableau j’ai m\u00eame eu une \u00e9trange sensation de familiarit\u00e9 avec le personnage principal du tableau. Et je me souviens de m’\u00eatre dit c’est moi dans une autre vie.<\/p>\n

Cela parait \u00e9videment totalement loufoque \u00e0 la lumi\u00e8re de la raison.<\/p>\n

Et puis je ne mangeais pas tous les jours \u00e0 ma faim, et puis j’\u00e9tais tout seul durant des jours \u00e0 ne parler \u00e0 personne, sans doute peut on attribuer toute cette histoire au malheur et \u00e0 un besoin compr\u00e9hensible de sublimation.<\/p>\n

Bref, en comprenant que je glissais vers une douce folie, j’ai d\u00e9cid\u00e9 de m’imposer une plus grande discipline. Je me suis int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 la fa\u00e7on de gagner de l’argent pour pouvoir me nourrir correctement, j’ai fait de l’exercice, principalement de la marche, et je me suis rendu dans de nombreuses biblioth\u00e8ques de la ville pour c\u00f4toyer du monde, sans pour autant avoir \u00e0 lui parler.<\/p>\n

Enfin j’ai \u00f4t\u00e9 du mur ce grand tableau que j’ai roul\u00e9 et rang\u00e9 sous le lit. Pour remettre aussit\u00f4t une autre feuille du m\u00eame format au mur et recommencer.<\/p>\n

A ma grande stup\u00e9faction je vis apparaitre alors un personnage de l’ancienne Egypte, puis un autre et tout un d\u00e9cor \u00e9trange que je n’avais de m\u00e9moire jamais vu et qui pourtant me parut aussit\u00f4t familier. Il s’agissait d’un couple dont j’\u00e9tais le serviteur, peut-\u00eatre un modeste scribe.<\/p>\n

Quelques ann\u00e9es plus tard je travaillais au mus\u00e9e du Louvres comme ma\u00eetre Jacques et je tombai tout \u00e0 coup sur le Scribe accroupi dans les salles Egyptiennes. Le choc fut d’une violence telle que je faillais tomber dans les pommes. C’\u00e9tait comme si je me voyais soudain dans un miroir, mais dans la peau d’un autre. Et aussit\u00f4t je repensais \u00e0 cette peinture que j’avais effectu\u00e9 comme en transe dans ma petite chambre d’h\u00f4tel et qui repr\u00e9sentait une sc\u00e8ne de l’ancienne Egypte.<\/p>\n

Il y a donc bien malgr\u00e9 toute la raison que je me targue de poss\u00e9der une porosit\u00e9 certaine par laquelle le myst\u00e8re l’\u00e9trange, l’inconnu se fraie depuis toujours un chemin pour tenter de parvenir \u00e0 ma conscience.<\/p>\n

Et \u00e0 chaque fois le m\u00eame sc\u00e9nario recommence, je me dis que je deviens cingl\u00e9, que j’ai des hallus, que c’est probablement une carence en potassium ou en magn\u00e9sium. Bref j’\u00e9lude.<\/p>\n

Et en m\u00eame temps je ne peux me d\u00e9tacher totalement de cette part de moi-m\u00eame vuln\u00e9rable, enfantine, qui semble attir\u00e9e obstin\u00e9ment vers tous les contes \u00e0 dormir debout, vers le surnaturel, vers le hasard.<\/p>\n

C’est l\u00e0 sans doute l’essence m\u00eame du conflit qui m’habite depuis toujours, cette lutte permanente entre raison et d\u00e9raison et je ne saurais dire laquelle de ces deux forces en pr\u00e9sence a le dessus tant elles sont \u00e9quivalentes dans leur puissance.<\/p>\n

La lucidit\u00e9 me sert \u00e0 examiner ce que l’on appelle facilement la folie et cette derni\u00e8re ne cesse de remettre en question la fiction que repr\u00e9sente pour elle la pens\u00e9e logique, rationnelle. C’est ainsi que j’avance et recule sans arr\u00eat dans ce jeu de l’oie. Avec parfois la sensation d’atteindre \u00e0 la clart\u00e9 tandis que d’autres fois je m’enfonce comme un bouchon dans les profondeurs les plus troubles, les plus sombres, les moins explicables.<\/p>\n

Le fantasme de retrouver un c\u0153ur pur <\/h3>\n

Par ce projet d’\u00e9tudier l’art brut, j’esp\u00e8re r\u00e9soudre sans doute un peu plus ce conflit mais je vois d\u00e9j\u00e0 qu’il ne s’agit pas de trouver une solution plut\u00f4t que d’effectuer un choix comme dans le film \"les aventuriers de l’Arche perdue\" o\u00f9 le h\u00e9ros doit emprunter un pont invisible. Poser le premier pas dans le vide c’est faire acte de foi envers cette folie, cet inconnu. C’est aussi selon les r\u00e8gles poss\u00e9der un \"c\u0153ur pur\".<\/p>\n

Est ce que ce que j’imagine de ces artistes de l’art brut n’est pas tout simplement encore une sorte de fantasme ? Est ce qu’ils ont v\u00e9ritablement le c\u0153ur pur ? C’est \u00e0 dire est ce qu’ils ont pr\u00e9serv\u00e9 en eux la meilleure part de cette enfance que nous regrettons souvent nostalgiquement et qui sans doute n’est rien d’autre qu’une fiction comme tout le reste ?<\/p>\n

Souvent je repense \u00e0 mes d\u00e9buts en informatique et je me dis qu’ils ressemblent beaucoup \u00e0 mes d\u00e9buts en peinture. Je crois que j’ai pass\u00e9 de nombreuses ann\u00e9es \u00e0 reformater mes disques durs lorsque je d\u00e9couvrais tout \u00e0 coup que j’avais rempli leur m\u00e9moire de tout un fatras de choses inutiles. De m\u00eame que j’ai recouvert d’innombrables toiles d’enduit pour ne plus voir les sottises que j’y avais dessin\u00e9 ou peint.<\/p>\n

Cela fait longtemps que je ne formate plus et que je recouvre beaucoup moins d’enduit qu’auparavant. Je crois que ce besoin d’ordre, de perfection, comme de cette fameuse puret\u00e9 m’ont quitt\u00e9 avec l’\u00e2ge. Je suis plus tol\u00e9rant envers moi-m\u00eame. Encore que tr\u00e8s exigeant toujours. C’est \u00e0 dire que cette exigence s’appuie sur autre chose d\u00e9sormais. Peut-\u00eatre pas tant d’avoir un c\u0153ur reformat\u00e9 , un soi disant c\u0153ur pur, ce genre de c\u0153ur qui m\u00e8ne \u00e0 l’inquisition et au fascisme sans m\u00eame que l’on s’en rende compte. Je crois que c’est plus une notion musicale de justesse qui m’oblige \u00e0 cette exigence.<\/p>\n

Si la note n’est pas juste c’est que l’instrument est mal accord\u00e9 ou que le joueur s’\u00e9coute encore trop jouer.<\/p>\n

Il est possible alors que ces artistes qui ne s’appuient pas sur la pens\u00e9e, sur la logique, la rationalit\u00e9 pour cr\u00e9er, ces artistes de l’art brut, ces artistes m\u00e9dianimiques <\/em>ont trouv\u00e9 une solution en prenant ce qu’ils nomment les esprits<\/em> pour se laisser aller \u00e0 cr\u00e9er ce qui de toutes fa\u00e7ons doit se cr\u00e9er.<\/p>\n

En cela il s’agit encore une fois d’univers particuliers avec des grilles de lectures particuli\u00e8res du monde. J’ai toujours pens\u00e9 que c’\u00e9tait cela l’essentiel \u00e0 comprendre, ces langages, ces grilles de lecture. Qu’elles soient pertinemment per\u00e7ues par le plus grand nombre comme la religion, la politique, la psychanalyse, o\u00f9 bien par une minorit\u00e9 comme le spiritisme, le chamanisme, la peinture intuitive, cela ne remet pas vraiment en question leur r\u00f4le de m\u00e9diatrice avec l’inconnaissable.<\/p>\n

L’inconnaissable. <\/h3>\n

Hier je me disais encore que j’aimerais voir une chose simple, une feuille, une goutte d’eau, un pot sans tout ce que je ne cesse de coller dessus comme interpr\u00e9tation, que ce soit par le mental et par mes propres perceptions. Je me posais cette question de savoir si ces choses simples existaient vraiment en dehors de moi, sans moi, et comment elles apparaitraient alors dans ce qu’imagine \u00eatre encore un \"absolu\". Dans leur essence.<\/p>\n

C’est l\u00e0 l’extr\u00eame de mon orgueil encore tr\u00e8s certainement que de vouloir voir au del\u00e0 de l’\u00eatre, sans doute au del\u00e0 de Dieu \u00e9galement. C’est voir ce que Castan\u00e9da nomme le nagual au del\u00e0 du tonal.<\/p>\n

Est ce vraiment de l’orgueil d’ailleurs, je crois qu’on utilise aussi ce mot comme on utilise le mot hasard.<\/p>\n

Ce que dissimule l’orgueil est encore autre chose, au del\u00e0 de la superficialit\u00e9 que l’on attribue \u00e0 la b\u00eatise, au besoin d’\u00eatre aim\u00e9, \u00e0 la reconnaissance, \u00e0 l’envie de dominer, \u00e0 la peur d’\u00eatre nu.<\/p>\n

Chez les grecs anciens, on n’aurait pas compris qu’un h\u00e9ros ne soit pas orgueilleux au m\u00eame titre que les dieux eux-m\u00eames l’\u00e9taient. C’est de cet orgueil l\u00e0 dont il faudrait parler, un orgueil comme une force et qui n’aurait pas d’autre profit de celui de pouvoir se d\u00e9ployer comme la mer se d\u00e9ploie, comme le tonnerre tonne, comme le vent parcours le monde.<\/p>\n

Je demande pardon au lecteur pour la longueur inconsid\u00e9r\u00e9 de cet article que je devrais sans doute remanier comme de nombreux autres. Mais cela me semble aussi honn\u00eate de montrer la naissance d’une pens\u00e9e, d’un projet \u00e0 ses d\u00e9buts. C’est aussi montrer d’une certaine mani\u00e8re un d\u00e9but d’ob\u00e9issance \u00e0 quelque chose qui s’\u00e9crit au travers de ce personnage de blogueur. Parce qu’il n’y a \u00e9videmment pas qu’en peinture que la possibilit\u00e9 m\u00e9dianimique s’op\u00e8re, dans l’\u00e9criture aussi, cela je le sais depuis le d\u00e9but.<\/p>", "content_text": "Du spiritisme aux th\u00e9ories sur le hasard.Le hasard est comme un iceberg, on n'en voit que la partie visible, celle du temps pr\u00e9sent.\n\nPour en revenir \u00e0 l'art brut Je me suis mis en t\u00eate de trouver diff\u00e9rents angles d'attaque non pour d\u00e9finir ce qu'est celui-ci, mais afin de sugg\u00e9rer un certain nombre de pistes qui me paraissent f\u00e9condes dans ma fa\u00e7on d'aborder la peinture aujourd'hui.\n\nSi d\u00e9sormais le mot hasard revient de plus en plus dans ce que je peux recueillir des processus (les miens et aussi ceux de nombreux autres artistes dont j'ai pu d\u00e9chiffrer la d\u00e9marche) concernant la peinture abstraite, je me demande ce que recouvre v\u00e9ritablement ce mot.\n\nCar dans le fond et \u00e0 la vue de la pudibonderie de notre temps recouvrant d'un voile de pens\u00e9e mainstream tout ce qui a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 explor\u00e9 dans les mines des hauts de France par ce qu'Andr\u00e9 Breton nommait des peintres m\u00e9dianimiques, notamment Augustin Lesage, j'ai des doutes tout \u00e0 coup, et je me demande si ce terme facile de hasard n'est pas en quelque sorte de la pudeur plus que tout autre chose. Et lorsque j'emploie ce mot je parle \u00e9videmment du paradoxe excitation-g\u00e8ne qui finit par le rendre addictif\n\nIl ferait beau voir que je me targue de peindre, en public et en plein jour, \u00e0 l'\u00e9coute de voix qui me dicteraient tel rouge ou tel jaune, qui s'empareraient de mes mains pour tenir le pinceau et lui faire dessiner et peindre des \u0153uvres directement issues de l'Au-del\u00e0.\n\nJ'avoue que j'aurais bien du mal \u00e0 tenir longtemps ce discours sans pouffer \u00e0 un moment ou \u00e0 un autre, idiot que je suis , contamin\u00e9 par la raison bulldozer le rouleau compresseur de la sainte pens\u00e9e unique. Voici pourquoi le hasard convient mieux essentiellement, il ne sert qu'\u00e0 rester dans le groupe, \u00e0 ne pas \u00eatre expulser \u00e0 la marge.\n\nJe pourrais aller chercher des arguments concernant ce fameux hasard que l'on utilise d\u00e9sormais \u00e0 toutes les sauces dans le domaine de la psychologie, de la psychanalyse, de la psychiatrie, ce ne serait encore que science sans conscience, et donc ruine de l'\u00e2me par ricochet.\n\nJ'entends ici la conscience au sens le plus large, c'est \u00e0 dire la perception et qui d\u00e9passe de mille coud\u00e9es l'entendement et tout le bric \u00e0 brac raisonnable justement qui l'accompagne. Il n'y a pas de raison sans perception\n\nSuivant l'adage rien ne peut venir \u00e0 la raison sans provenir avant tout de la perception. Encore faut-il s'entendre sur la d\u00e9finition de ces deux mots \u00e9videmment.\n\nSi le but de la raison est seulement d'avoir raison, autant se jeter dans la perception totalement. C'est d'ailleurs la motivation principale de ce projet de textes autour de l'art brut.\n\nMon intuition est qu'il est une porte ouverte sur la perception \u00e0 l'\u00e9tat pur (brut?) et que tout le discours que l'on peut tisser pour tenter de l'emprisonner, notamment le discours habituel de l'\u00e9lite lorsqu'elle invente comme cela l'arrange des th\u00e9ories fumeuses sur tel ou tel artiste ne sert encore qu'\u00e0 dissimuler en grande partie ses sources les plus vives.\n\nNous nous sommes coup\u00e9s de par cette fameuse raison avec sa logique mondialis\u00e9e et blas\u00e9e et d\u00e9sormais par crainte du ridicule aussi, de bien des conversations que les intellectuels, les \u00e9crivains, les artistes du 19eme si\u00e8cle, abordaient notamment sur le spiritisme.Serions nous plus intelligents que nos pr\u00e9d\u00e9cesseurs o\u00f9 plus d\u00e9sabus\u00e9s ?\n\nSerions nous aujourd'hui plus intelligents au 21\u00e8me pour d\u00e9clarer que les th\u00e9ories du hasard , de la psychanalyse, de l'inconscient valent mieux que ce sur quoi s'appuyaient de nombreux \u00e9crivains du 19\u00e8me pour cerner le fantastique, le myst\u00e8re, l'ineffable ?\n\nAujourd'hui on voudrait que tout soit logique tellement que cette qu\u00eate en devient insens\u00e9e et ne produit plus qu'un chaos g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9.\n\nIl peut alors \u00eatre sage, et c'est un pas de g\u00e9ant sans doute vers l'humilit\u00e9 que d'accepter que ce que nous appelons le hasard aujourd'hui est synonyme d'inconnaissable. \n\nUn inconnaissable qui continue \u00e0 attirer vers lui de nombreuses personnes pas toujours bien intentionn\u00e9es et qui chercheraient \u00e9videmment encore \u00e0 contr\u00f4ler quelque chose au travers lui. A contr\u00f4ler les autres \u00e9videmment. \n\nC'est \u00e0 dire qu'il repr\u00e9sente peut-\u00eatre le m\u00eame genre de Nouveau Monde vers lequel voguaient les caravelles, presque en m\u00eame temps que la Peste Noire envahissait l'Europe, sauf l'Italie ce qui permit \u00e0 la Renaissance d'y germer puis de se d\u00e9ployer peu \u00e0 peu dans une Europe convalescence en qu\u00eate d'un sens nouveau.\n\nLa gr\u00e2ce ne s'avance pas seule h\u00e9las, elle s'accompagne de ph\u00e9nom\u00e8nes p\u00e9riph\u00e9riques li\u00e9s le plus souvent \u00e0 la vanit\u00e9 et \u00e0 l'orgueil, au profit que l'individu esp\u00e8re tirer de l'inconnaissable pour gouverner et exercer son pouvoir sur l'autre.\n\nAinsi la d\u00e9couverte du Nouveau Monde, par une nuit du mois d'octobre 1492, s'effectua t'elle totalement \"par hasard\" lorsque les deux caravelles, la Pinta, la Nina et une caraque, \u00e0 la recherche d'une route vers les Indes Orientales, abord\u00e8rent la petite \u00eele de Guanahani, actuel Salvador, dans les Cara\u00efbes. La raison pour laquelle Christophe Colomb dont le projet \u00e9tait de d\u00e9couvrir cette fameuse route, apr\u00e8s plusieurs \u00e9checs de financement fut finalement commandit\u00e9 par la reine Isabelle 1\u00e8re de Castille ( elle fut financ\u00e9e en grande partie, cette exp\u00e9dition , par les taxes et les amendes impos\u00e9s alors aux juifs et musulmans du royaume) \u00e9tait de toute \u00e9vidence principalement commerciale, et dans l'espoir d'augmenter les profits.Possible que chaque \u00e9poque r\u00eave d'un nouveau monde \n\nLes psychanalystes justement parleraient d'un ph\u00e9nom\u00e8ne r\u00e9current, de r\u00e9p\u00e9tition qui s'effectue aussi longtemps que l'on n'a pas r\u00e9solu le conflit qui en est \u00e0 l'origine.\n\nCe r\u00eave permanent qui traverse l'histoire de l'humanit\u00e9 selon les \u00e9poques se dissimule sous des couches superficielles que l'on peut appeler l'int\u00e9r\u00eat, le profit, le pouvoir, c'est \u00e0 partir de ces couches les plus superficielles dont s'entoure ce r\u00eave que nait l'histoire telle qu'on veut nous l'enseigner.\n\nIl me semble que nous sommes certainement la partie du monde, occidentale, qui a le plus besoin de revenir \u00e0 ce r\u00eave sans rel\u00e2che du fait que notre pens\u00e9e contemporaine se d\u00e9veloppe d\u00e9sormais totalement coup\u00e9e elle aussi de ses racines sacr\u00e9es. La pens\u00e9e se d\u00e9veloppant en occultant une grande partie de la perception du sacr\u00e9. Le rel\u00e9guant comme ph\u00e9nom\u00e8ne mineur, p\u00e9riph\u00e9rique, anecdotique, ce qui est sans doute une grande erreur provenant de notre individualisme.\n\nLe besoin de croire, d'imaginer, de r\u00eaver, n'est ce pas cela l'essence m\u00eame d'\u00eatre humain avant tout ? Et tous ceux qui en ont profit\u00e9 depuis la nuit des temps le savent et continue d'en profiter tous les jours. Si ce n'est plus par la religion, c'est par le marketing, par la pub, par l'art, par le sexe, par l'amour. Tout est bon d\u00e9sormais pour vendre du r\u00eave, mais ce ne sont plus que des r\u00eaves en toc.\n\nEt avec l'inflation de nos r\u00eaves est directement atteinte notre force vitale.C'est pourquoi l'art brut me semble aussi \u00eatre une voie, un sentier sur lequel cheminer dans la brume de cet automne occidental. \n\nCe projet de m'int\u00e9resser de fa\u00e7on s\u00e9rieuse, document\u00e9e, \u00e0 l'art brut ne date pas d'hier. Sans doute parce qu'en grande partie je me sens moi-m\u00eame comme un \u00e9lectron libre face \u00e0 l'Art, \u00e0 la peinture notamment, malgr\u00e9 tout le savoir engrang\u00e9, malgr\u00e9 les \u00e9tudes, malgr\u00e9 l'exp\u00e9rience acquise, le mot autodidacte me colle \u00e0 la peau.\n\nEn refusant le cheminement classique qui sans doute d\u00e9j\u00e0 repr\u00e9sentait ce que l'on appelle aujourd'hui la pens\u00e9e unique, sans vraiment le savoir je m'engageais dans le risque, dans l'inconnu, avec une croyance na\u00efve propre \u00e0 tous les jeunes gens de faire du \"nouveau\", \"du neuf\", \"de l'original\".\n\nEncore que lorsque je pense \u00e0 cette na\u00efvet\u00e9 aujourd'hui les mots dont je l'entourais ne me servaient sans doute qu'\u00e0 pr\u00e9server, ou \u00e9prouver celle-ci.\n\nLorsque j'ai vraiment commenc\u00e9 \u00e0 peindre, je ne parle pas des ann\u00e9es de formation, mais de cet instant o\u00f9 justement j'ai accept\u00e9 de ne rien savoir pour d\u00e9poser mes premi\u00e8res taches sur le papier et sur la toile, j'ai senti quelque chose s'emparer de mon crayon, de mes pinceaux et que j'ai presque aussit\u00f4t mis de cot\u00e9 tant cette chose m'effrayait.\n\nJe me souviens d'une grande feuille de papier de 2m par 1m que j'avais punais\u00e9 au mur de la chambre o\u00f9 j'avais \u00e9chou\u00e9 et sur laquelle avaient surgit des formes et des visages du type Maori. Je peignais d\u00e9j\u00e0 comme je le fais aujourd'hui, en refusant de prendre des mod\u00e8les, je me disais que tout devait venir de l'imagination ou rien.\n\nCela m'a beaucoup intrigu\u00e9 de voir apparaitre ces visages, des femmes aux formes g\u00e9n\u00e9reuses, r\u00e9alis\u00e9es \u00e0 la gouache. A un moment du tableau j'ai m\u00eame eu une \u00e9trange sensation de familiarit\u00e9 avec le personnage principal du tableau. Et je me souviens de m'\u00eatre dit c'est moi dans une autre vie.\n\nCela parait \u00e9videment totalement loufoque \u00e0 la lumi\u00e8re de la raison.\n\nEt puis je ne mangeais pas tous les jours \u00e0 ma faim, et puis j'\u00e9tais tout seul durant des jours \u00e0 ne parler \u00e0 personne, sans doute peut on attribuer toute cette histoire au malheur et \u00e0 un besoin compr\u00e9hensible de sublimation.\n\nBref, en comprenant que je glissais vers une douce folie, j'ai d\u00e9cid\u00e9 de m'imposer une plus grande discipline. Je me suis int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 la fa\u00e7on de gagner de l'argent pour pouvoir me nourrir correctement, j'ai fait de l'exercice, principalement de la marche, et je me suis rendu dans de nombreuses biblioth\u00e8ques de la ville pour c\u00f4toyer du monde, sans pour autant avoir \u00e0 lui parler.\n\nEnfin j'ai \u00f4t\u00e9 du mur ce grand tableau que j'ai roul\u00e9 et rang\u00e9 sous le lit. Pour remettre aussit\u00f4t une autre feuille du m\u00eame format au mur et recommencer.\n\nA ma grande stup\u00e9faction je vis apparaitre alors un personnage de l'ancienne Egypte, puis un autre et tout un d\u00e9cor \u00e9trange que je n'avais de m\u00e9moire jamais vu et qui pourtant me parut aussit\u00f4t familier. Il s'agissait d'un couple dont j'\u00e9tais le serviteur, peut-\u00eatre un modeste scribe. \n\nQuelques ann\u00e9es plus tard je travaillais au mus\u00e9e du Louvres comme ma\u00eetre Jacques et je tombai tout \u00e0 coup sur le Scribe accroupi dans les salles Egyptiennes. Le choc fut d'une violence telle que je faillais tomber dans les pommes. C'\u00e9tait comme si je me voyais soudain dans un miroir, mais dans la peau d'un autre. Et aussit\u00f4t je repensais \u00e0 cette peinture que j'avais effectu\u00e9 comme en transe dans ma petite chambre d'h\u00f4tel et qui repr\u00e9sentait une sc\u00e8ne de l'ancienne Egypte.\n\nIl y a donc bien malgr\u00e9 toute la raison que je me targue de poss\u00e9der une porosit\u00e9 certaine par laquelle le myst\u00e8re l'\u00e9trange, l'inconnu se fraie depuis toujours un chemin pour tenter de parvenir \u00e0 ma conscience.\n\nEt \u00e0 chaque fois le m\u00eame sc\u00e9nario recommence, je me dis que je deviens cingl\u00e9, que j'ai des hallus, que c'est probablement une carence en potassium ou en magn\u00e9sium. Bref j'\u00e9lude.\n\nEt en m\u00eame temps je ne peux me d\u00e9tacher totalement de cette part de moi-m\u00eame vuln\u00e9rable, enfantine, qui semble attir\u00e9e obstin\u00e9ment vers tous les contes \u00e0 dormir debout, vers le surnaturel, vers le hasard.\n\nC'est l\u00e0 sans doute l'essence m\u00eame du conflit qui m'habite depuis toujours, cette lutte permanente entre raison et d\u00e9raison et je ne saurais dire laquelle de ces deux forces en pr\u00e9sence a le dessus tant elles sont \u00e9quivalentes dans leur puissance.\n\nLa lucidit\u00e9 me sert \u00e0 examiner ce que l'on appelle facilement la folie et cette derni\u00e8re ne cesse de remettre en question la fiction que repr\u00e9sente pour elle la pens\u00e9e logique, rationnelle. C'est ainsi que j'avance et recule sans arr\u00eat dans ce jeu de l'oie. Avec parfois la sensation d'atteindre \u00e0 la clart\u00e9 tandis que d'autres fois je m'enfonce comme un bouchon dans les profondeurs les plus troubles, les plus sombres, les moins explicables.Le fantasme de retrouver un c\u0153ur pur \n\nPar ce projet d'\u00e9tudier l'art brut, j'esp\u00e8re r\u00e9soudre sans doute un peu plus ce conflit mais je vois d\u00e9j\u00e0 qu'il ne s'agit pas de trouver une solution plut\u00f4t que d'effectuer un choix comme dans le film \"les aventuriers de l'Arche perdue\" o\u00f9 le h\u00e9ros doit emprunter un pont invisible. Poser le premier pas dans le vide c'est faire acte de foi envers cette folie, cet inconnu. C'est aussi selon les r\u00e8gles poss\u00e9der un \"c\u0153ur pur\".\n\nEst ce que ce que j'imagine de ces artistes de l'art brut n'est pas tout simplement encore une sorte de fantasme ? Est ce qu'ils ont v\u00e9ritablement le c\u0153ur pur ? C'est \u00e0 dire est ce qu'ils ont pr\u00e9serv\u00e9 en eux la meilleure part de cette enfance que nous regrettons souvent nostalgiquement et qui sans doute n'est rien d'autre qu'une fiction comme tout le reste ?\n\nSouvent je repense \u00e0 mes d\u00e9buts en informatique et je me dis qu'ils ressemblent beaucoup \u00e0 mes d\u00e9buts en peinture. Je crois que j'ai pass\u00e9 de nombreuses ann\u00e9es \u00e0 reformater mes disques durs lorsque je d\u00e9couvrais tout \u00e0 coup que j'avais rempli leur m\u00e9moire de tout un fatras de choses inutiles. De m\u00eame que j'ai recouvert d'innombrables toiles d'enduit pour ne plus voir les sottises que j'y avais dessin\u00e9 ou peint.\n\nCela fait longtemps que je ne formate plus et que je recouvre beaucoup moins d'enduit qu'auparavant. Je crois que ce besoin d'ordre, de perfection, comme de cette fameuse puret\u00e9 m'ont quitt\u00e9 avec l'\u00e2ge. Je suis plus tol\u00e9rant envers moi-m\u00eame. Encore que tr\u00e8s exigeant toujours. C'est \u00e0 dire que cette exigence s'appuie sur autre chose d\u00e9sormais. Peut-\u00eatre pas tant d'avoir un c\u0153ur reformat\u00e9 , un soi disant c\u0153ur pur, ce genre de c\u0153ur qui m\u00e8ne \u00e0 l'inquisition et au fascisme sans m\u00eame que l'on s'en rende compte. Je crois que c'est plus une notion musicale de justesse qui m'oblige \u00e0 cette exigence.\n\nSi la note n'est pas juste c'est que l'instrument est mal accord\u00e9 ou que le joueur s'\u00e9coute encore trop jouer.\n\nIl est possible alors que ces artistes qui ne s'appuient pas sur la pens\u00e9e, sur la logique, la rationalit\u00e9 pour cr\u00e9er, ces artistes de l'art brut, ces artistes m\u00e9dianimiques ont trouv\u00e9 une solution en prenant ce qu'ils nomment les esprits pour se laisser aller \u00e0 cr\u00e9er ce qui de toutes fa\u00e7ons doit se cr\u00e9er.\n\nEn cela il s'agit encore une fois d'univers particuliers avec des grilles de lectures particuli\u00e8res du monde. J'ai toujours pens\u00e9 que c'\u00e9tait cela l'essentiel \u00e0 comprendre, ces langages, ces grilles de lecture. Qu'elles soient pertinemment per\u00e7ues par le plus grand nombre comme la religion, la politique, la psychanalyse, o\u00f9 bien par une minorit\u00e9 comme le spiritisme, le chamanisme, la peinture intuitive, cela ne remet pas vraiment en question leur r\u00f4le de m\u00e9diatrice avec l'inconnaissable.L'inconnaissable. \n\nHier je me disais encore que j'aimerais voir une chose simple, une feuille, une goutte d'eau, un pot sans tout ce que je ne cesse de coller dessus comme interpr\u00e9tation, que ce soit par le mental et par mes propres perceptions. Je me posais cette question de savoir si ces choses simples existaient vraiment en dehors de moi, sans moi, et comment elles apparaitraient alors dans ce qu'imagine \u00eatre encore un \"absolu\". Dans leur essence.\n\nC'est l\u00e0 l'extr\u00eame de mon orgueil encore tr\u00e8s certainement que de vouloir voir au del\u00e0 de l'\u00eatre, sans doute au del\u00e0 de Dieu \u00e9galement. C'est voir ce que Castan\u00e9da nomme le nagual au del\u00e0 du tonal.\n\nEst ce vraiment de l'orgueil d'ailleurs, je crois qu'on utilise aussi ce mot comme on utilise le mot hasard.\n\nCe que dissimule l'orgueil est encore autre chose, au del\u00e0 de la superficialit\u00e9 que l'on attribue \u00e0 la b\u00eatise, au besoin d'\u00eatre aim\u00e9, \u00e0 la reconnaissance, \u00e0 l'envie de dominer, \u00e0 la peur d'\u00eatre nu.\n\nChez les grecs anciens, on n'aurait pas compris qu'un h\u00e9ros ne soit pas orgueilleux au m\u00eame titre que les dieux eux-m\u00eames l'\u00e9taient. C'est de cet orgueil l\u00e0 dont il faudrait parler, un orgueil comme une force et qui n'aurait pas d'autre profit de celui de pouvoir se d\u00e9ployer comme la mer se d\u00e9ploie, comme le tonnerre tonne, comme le vent parcours le monde.\n\nJe demande pardon au lecteur pour la longueur inconsid\u00e9r\u00e9 de cet article que je devrais sans doute remanier comme de nombreux autres. Mais cela me semble aussi honn\u00eate de montrer la naissance d'une pens\u00e9e, d'un projet \u00e0 ses d\u00e9buts. C'est aussi montrer d'une certaine mani\u00e8re un d\u00e9but d'ob\u00e9issance \u00e0 quelque chose qui s'\u00e9crit au travers de ce personnage de blogueur. Parce qu'il n'y a \u00e9videmment pas qu'en peinture que la possibilit\u00e9 m\u00e9dianimique s'op\u00e8re, dans l'\u00e9criture aussi, cela je le sais depuis le d\u00e9but.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/lesage1.webp?1762181826", "tags": ["peinture", "r\u00e9flexions sur l'art"] } ] }