{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/remonter-a-la-source-de-l-intention.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/remonter-a-la-source-de-l-intention.html", "title": "Remonter \u00e0 la source de l'intention", "date_published": "2021-12-28T08:25:19Z", "date_modified": "2025-11-01T22:06:00Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
La notion de ma\u00efeutique est-t ’elle encore d’actualit\u00e9 dans ce monde o\u00f9 le savoir semble pos\u00e9 toujours face \u00e0 l’ignorance ? Le savoir en tant que pouvoir, pr\u00e9cisa t’il.<\/p>\n
Je piochais dans mon paquet de Lucky en toute h\u00e2te car je sentais que je n’\u00e9tais pas encore tout \u00e0 fait tir\u00e9 d’affaire. Que la matin\u00e9e allait certainement \u00eatre beaucoup plus longue que pr\u00e9vue.<\/p>\n
En allumant ma cigarette et en expulsant la fum\u00e9e par la fen\u00eatre ouverte du bureau, je jetais un regard en coin vers les hlm en contrebas, vers les parkings qui les cernaient, je cherchais un espace vert o\u00f9 l’\u0153il puisse se reposer, mais comme c’\u00e9tait un jour d’hiver je ne vis que grisaille jusqu’\u00e0 l’horizon.<\/p>\n
Bill \u00e9tait sympa, il m’avait embauch\u00e9 pour monter une \u00e9tude de march\u00e9 \u00e0 propos de synth\u00e9tiseurs pour une grande marque. Sa faiblesse \u00e9tait qu’il m\u00e9langeait tout, le domaine priv\u00e9 comme le public. Au d\u00e9but j’avais trouv\u00e9 cela plut\u00f4t cool mais \u00e0 la longue, cela faisait d\u00e9sormais deux semaines que je m’\u00e9tais install\u00e9 dans les locaux et qu’il faisait ses sorties \u00e9patantes dans le saugrenu, j’en avais ras la casquette.<\/p>\n
Je venais tout juste d’avoir trente ans et j’\u00e9prouvais une n\u00e9cessit\u00e9 imp\u00e9rieuse d’ordre, aussi ma r\u00e9action ne se fit pas attendre.<\/p>\n
— Tu peux me dire ce que la ma\u00efeutique vient foutre dans une \u00e9tude sur les synth\u00e9tiseurs ? Si tu as envie de parler philo tu peux m’inviter \u00e0 diner un soir et ce sera avec plaisir, mais l\u00e0 franchement tu m’emmerdes.<\/p>\n
— Tu as tort de te braquer, la ma\u00efeutique est un \u00e9l\u00e9ment essentiel justement. Comment faire comprendre aux gens qu’ils savent d\u00e9j\u00e0 que cette marque est la meilleure, voil\u00e0 une piste int\u00e9ressante non ?<\/p>\n
— Tu d\u00e9connes ou t’es s\u00e9rieux ? je r\u00e9pliquais.<\/p>\n
Il ne daigna m\u00eame pas r\u00e9pondre et tourna les talons pour sortir du bureau, avec ce petit sourire aga\u00e7ant dont Bill a le secret.<\/p>\n
J’avais pos\u00e9 devant moi toutes mes notes et je les relisais.<\/p>\n
J’avais accumul\u00e9 ainsi des pages enti\u00e8res de notes et de r\u00e9f\u00e9rences que j’\u00e9tais aller piocher dans des collections de magazines pour musicos et je tentais d’effectuer une synth\u00e8se afin de pouvoir pondre le questionnaire qui va bien. Les d\u00e9lais \u00e9taient assez courts mais je ne m’affolais pas. J’avais confiance en mes capacit\u00e9s encore \u00e0 cette p\u00e9riode b\u00e9nie de ma vie. En fait j’\u00e9tais totalement inconscient devrais-je plut\u00f4t dire.<\/p>\n
Je tentais de remonter \u00e0 la source des intentions d’achat des prospects pour les ferrer dans un texte imparable qui les transformerait en client.<\/p>\n
De la musique je ne connaissais pas grand chose mis \u00e0 part quelques accords de guitare, p\u00e9niblement appris sur un coin de lit, pour \u00e9pater une jolie brunette dans mon adolescence.<\/p>\n
Et puis la musique de synth\u00e9tiseur franchement, pour moi ce n’\u00e9tait m\u00eame pas de la musique. A la v\u00e9rit\u00e9 la seule bonne raison pour laquelle je m’\u00e9tais engag\u00e9 \u00e0 mener \u00e0 bien ce job n’\u00e9tait rien de plus que l’app\u00e2t du gain encore une fois. Si toutefois payer ses loyers en retard et ses traites s’appelle ainsi \u00e9videmment.<\/p>\n
J’avais tir\u00e9 un trait que je consid\u00e9rais comme d\u00e9finitif sur \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce qui de pr\u00e8s ou de loin pouvait ressembler \u00e0 du romantisme, du romanesque, jugeant que tout \u00e7a n’\u00e9tait purement que du sado masochisme. Il ne fallait pas me parler d’amour pas plus que de ma\u00efeutique, je sortais d’une longue p\u00e9riode de sevrage, je savais que si je touchais \u00e0 la moindre \u00e9motion dans ces domaines, j’allais replonger irr\u00e9m\u00e9diablement et en reprendre pour je ne sais combien de temps comme un voleur \u00e0 l’\u00e9talage en chope pour des mois en zonzon.<\/p>\n
Pour m’aider Bill avait embauch\u00e9 une jolie rouquine, la quarantaine encore glorieuse qui \u00e9tait venue sp\u00e9cialement de Rome o\u00f9 elle vivait pour rejoindre Clichy. Cela m’avait \u00e9tonn\u00e9 au d\u00e9but, pourquoi aller chercher si loin ce que l’on peut trouver \u00e0 deux pas ? Mais Bill m’avait assur\u00e9 que c’\u00e9tait une chic fille et qu’en plus cela lui permettrait de \"changer d’air\" . Visiblement son couple p\u00e9riclitait, elle \u00e9tait un peu paum\u00e9e.<\/p>\n
Je ne sais pas pourquoi, sans doute quelque chose dans la posture corporelle de Bill, son intonation, une petite lueur dans l’\u0153il ou un tremblement infime de la l\u00e8vre inf\u00e9rieure, tout m’avait plus ou moins indiqu\u00e9 qu’il ne disait pas toute la v\u00e9rit\u00e9 \u00e0 propos de cette femme.<\/p>\n
Mais j’oubliais. Et effectivement elle \u00e9tait comp\u00e9tente, elle ne m\u00e9nageait pas ses efforts, et en plus le caf\u00e9 qu’elle faisait \u00e9tait excellent. Assez vite je me d\u00e9tendais et m\u00eame commen\u00e7ais \u00e0 envisager des relations extra professionnelles avec elle. Ce dont elle se d\u00e9fendit presque aussit\u00f4t pr\u00e9textant toujours devoir rencontrer de la famille qu’elle ne voyait jamais la plupart du temps, puisqu’elle vivait \u00e0 l’\u00e9tranger.<\/p>\n
Je suis du genre but\u00e9 d’autant plus qu’on me r\u00e9siste. Je ne suis jamais \u00e0 court de strat\u00e9gies toutes les plus loufoques les unes que les autres pour parvenir \u00e0 mes fins dans ces cas l\u00e0. Le but premier \u00e9tant de faire rire ce qui, comme on le sait, fait les trois quart du job avec les femmes.<\/p>\n
Sauf que l\u00e0 non, pas du tout. Elle restait cordiale, chaleureuse m\u00eame, et m\u00eame si elle riait \u00e0 mes blagues, le sourire finissait g\u00e9n\u00e9ralement par l’emporter et nous glissions inexorablement vers la pente qui m\u00e8ne \u00e0 l’amiti\u00e9.<\/p>\n
La seconde semaine s’\u00e9tait \u00e9coul\u00e9e et j’apercevais enfin le bout du tunnel gr\u00e2ce \u00e0 Nathalie, c’\u00e9tait le nom de la dame, lorsqu’un soir, de retour chez moi, je me rendis compte que j’avais oubli\u00e9 des papiers que je voulais relire.<\/p>\n
Je retournais donc \u00e0 Clichy et tournais la clef que Bill m’avait confi\u00e9e dans la serrure pour m’engouffrer dans le d\u00e9dale des couloirs.<\/p>\n
Soudain j’aper\u00e7us une lumi\u00e8re provenant du bureau de Bill ce qui m’\u00e9tonna \u00e0 cette heure tardive. Puis en m’approchant des r\u00e2les travers\u00e8rent les cloisons, j’arrivais \u00e0 la hauteur de la porte entr’ouverte et l\u00e0 j’aper\u00e7u la belle Nathalie en train de prodiguer une fellation au patron.<\/p>\n
Je me sentis b\u00eate et sur la pointe des pieds faisais marche arri\u00e8re. j’en profitais pour r\u00e9cup\u00e9rer mes papiers sans le moindre bruit et filer \u00e0 l’anglaise.<\/p>\n
En revenant chez moi je r\u00e9fl\u00e9chissais \u00e0 la phrase que Bill m’avait l\u00e2ch\u00e9e \u00e0 propos de la ma\u00efeutique et je me tapais le front du plat de la main en riant.<\/p>\n
— Bien sur que je le savais, je me suis dis, depuis le premier moment o\u00f9 j’ai vu cette femme aux cot\u00e9s de Bill.<\/p>\n
Et puis comme j’aime bien aller au fond des choses et que j’avais du temps devant moi \u00e0 pr\u00e9sent, je me suis mis \u00e0 relire dans l’\u00e9dition Folio, les pr\u00e9socratiques,<\/em> qui venaient tout juste de sortir en librairie et que j’avais achet\u00e9e sans bien savoir pourquoi.<\/p>",
"content_text": "La notion de ma\u00efeutique est-t 'elle encore d'actualit\u00e9 dans ce monde o\u00f9 le savoir semble pos\u00e9 toujours face \u00e0 l'ignorance ? Le savoir en tant que pouvoir, pr\u00e9cisa t'il.\n\nJe piochais dans mon paquet de Lucky en toute h\u00e2te car je sentais que je n'\u00e9tais pas encore tout \u00e0 fait tir\u00e9 d'affaire. Que la matin\u00e9e allait certainement \u00eatre beaucoup plus longue que pr\u00e9vue.\n\nEn allumant ma cigarette et en expulsant la fum\u00e9e par la fen\u00eatre ouverte du bureau, je jetais un regard en coin vers les hlm en contrebas, vers les parkings qui les cernaient, je cherchais un espace vert o\u00f9 l'\u0153il puisse se reposer, mais comme c'\u00e9tait un jour d'hiver je ne vis que grisaille jusqu'\u00e0 l'horizon.\n\nBill \u00e9tait sympa, il m'avait embauch\u00e9 pour monter une \u00e9tude de march\u00e9 \u00e0 propos de synth\u00e9tiseurs pour une grande marque. Sa faiblesse \u00e9tait qu'il m\u00e9langeait tout, le domaine priv\u00e9 comme le public. Au d\u00e9but j'avais trouv\u00e9 cela plut\u00f4t cool mais \u00e0 la longue, cela faisait d\u00e9sormais deux semaines que je m'\u00e9tais install\u00e9 dans les locaux et qu'il faisait ses sorties \u00e9patantes dans le saugrenu, j'en avais ras la casquette.\n\nJe venais tout juste d'avoir trente ans et j'\u00e9prouvais une n\u00e9cessit\u00e9 imp\u00e9rieuse d'ordre, aussi ma r\u00e9action ne se fit pas attendre.\n\n\u2014 Tu peux me dire ce que la ma\u00efeutique vient foutre dans une \u00e9tude sur les synth\u00e9tiseurs ? Si tu as envie de parler philo tu peux m'inviter \u00e0 diner un soir et ce sera avec plaisir, mais l\u00e0 franchement tu m'emmerdes.\n\n\u2014 Tu as tort de te braquer, la ma\u00efeutique est un \u00e9l\u00e9ment essentiel justement. Comment faire comprendre aux gens qu'ils savent d\u00e9j\u00e0 que cette marque est la meilleure, voil\u00e0 une piste int\u00e9ressante non ?\n\n\u2014 Tu d\u00e9connes ou t'es s\u00e9rieux ? je r\u00e9pliquais.\n\nIl ne daigna m\u00eame pas r\u00e9pondre et tourna les talons pour sortir du bureau, avec ce petit sourire aga\u00e7ant dont Bill a le secret.\n\nJ'avais pos\u00e9 devant moi toutes mes notes et je les relisais.. Pourquoi les gens ach\u00e8tent-ils ce genre d'instrument ?Pourquoi cette marque est-t 'elle meilleure qu'une autre ?Quel est l'acheteur type ?Pourquoi suis je venu me foutre dans cette gal\u00e8re ?\n\nJ'avais accumul\u00e9 ainsi des pages enti\u00e8res de notes et de r\u00e9f\u00e9rences que j'\u00e9tais aller piocher dans des collections de magazines pour musicos et je tentais d'effectuer une synth\u00e8se afin de pouvoir pondre le questionnaire qui va bien. Les d\u00e9lais \u00e9taient assez courts mais je ne m'affolais pas. J'avais confiance en mes capacit\u00e9s encore \u00e0 cette p\u00e9riode b\u00e9nie de ma vie. En fait j'\u00e9tais totalement inconscient devrais-je plut\u00f4t dire.\n\nJe tentais de remonter \u00e0 la source des intentions d'achat des prospects pour les ferrer dans un texte imparable qui les transformerait en client.\n\nDe la musique je ne connaissais pas grand chose mis \u00e0 part quelques accords de guitare, p\u00e9niblement appris sur un coin de lit, pour \u00e9pater une jolie brunette dans mon adolescence.\n\nEt puis la musique de synth\u00e9tiseur franchement, pour moi ce n'\u00e9tait m\u00eame pas de la musique. A la v\u00e9rit\u00e9 la seule bonne raison pour laquelle je m'\u00e9tais engag\u00e9 \u00e0 mener \u00e0 bien ce job n'\u00e9tait rien de plus que l'app\u00e2t du gain encore une fois. Si toutefois payer ses loyers en retard et ses traites s'appelle ainsi \u00e9videmment.\n\nJ'avais tir\u00e9 un trait que je consid\u00e9rais comme d\u00e9finitif sur \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce qui de pr\u00e8s ou de loin pouvait ressembler \u00e0 du romantisme, du romanesque, jugeant que tout \u00e7a n'\u00e9tait purement que du sado masochisme. Il ne fallait pas me parler d'amour pas plus que de ma\u00efeutique, je sortais d'une longue p\u00e9riode de sevrage, je savais que si je touchais \u00e0 la moindre \u00e9motion dans ces domaines, j'allais replonger irr\u00e9m\u00e9diablement et en reprendre pour je ne sais combien de temps comme un voleur \u00e0 l'\u00e9talage en chope pour des mois en zonzon.\n\nPour m'aider Bill avait embauch\u00e9 une jolie rouquine, la quarantaine encore glorieuse qui \u00e9tait venue sp\u00e9cialement de Rome o\u00f9 elle vivait pour rejoindre Clichy. Cela m'avait \u00e9tonn\u00e9 au d\u00e9but, pourquoi aller chercher si loin ce que l'on peut trouver \u00e0 deux pas ? Mais Bill m'avait assur\u00e9 que c'\u00e9tait une chic fille et qu'en plus cela lui permettrait de \"changer d'air\" . Visiblement son couple p\u00e9riclitait, elle \u00e9tait un peu paum\u00e9e.\n\nJe ne sais pas pourquoi, sans doute quelque chose dans la posture corporelle de Bill, son intonation, une petite lueur dans l'\u0153il ou un tremblement infime de la l\u00e8vre inf\u00e9rieure, tout m'avait plus ou moins indiqu\u00e9 qu'il ne disait pas toute la v\u00e9rit\u00e9 \u00e0 propos de cette femme.\n\nMais j'oubliais. Et effectivement elle \u00e9tait comp\u00e9tente, elle ne m\u00e9nageait pas ses efforts, et en plus le caf\u00e9 qu'elle faisait \u00e9tait excellent. Assez vite je me d\u00e9tendais et m\u00eame commen\u00e7ais \u00e0 envisager des relations extra professionnelles avec elle. Ce dont elle se d\u00e9fendit presque aussit\u00f4t pr\u00e9textant toujours devoir rencontrer de la famille qu'elle ne voyait jamais la plupart du temps, puisqu'elle vivait \u00e0 l'\u00e9tranger.\n\nJe suis du genre but\u00e9 d'autant plus qu'on me r\u00e9siste. Je ne suis jamais \u00e0 court de strat\u00e9gies toutes les plus loufoques les unes que les autres pour parvenir \u00e0 mes fins dans ces cas l\u00e0. Le but premier \u00e9tant de faire rire ce qui, comme on le sait, fait les trois quart du job avec les femmes.\n\nSauf que l\u00e0 non, pas du tout. Elle restait cordiale, chaleureuse m\u00eame, et m\u00eame si elle riait \u00e0 mes blagues, le sourire finissait g\u00e9n\u00e9ralement par l'emporter et nous glissions inexorablement vers la pente qui m\u00e8ne \u00e0 l'amiti\u00e9.\n\nLa seconde semaine s'\u00e9tait \u00e9coul\u00e9e et j'apercevais enfin le bout du tunnel gr\u00e2ce \u00e0 Nathalie, c'\u00e9tait le nom de la dame, lorsqu'un soir, de retour chez moi, je me rendis compte que j'avais oubli\u00e9 des papiers que je voulais relire. \n\nJe retournais donc \u00e0 Clichy et tournais la clef que Bill m'avait confi\u00e9e dans la serrure pour m'engouffrer dans le d\u00e9dale des couloirs. \n\nSoudain j'aper\u00e7us une lumi\u00e8re provenant du bureau de Bill ce qui m'\u00e9tonna \u00e0 cette heure tardive. Puis en m'approchant des r\u00e2les travers\u00e8rent les cloisons, j'arrivais \u00e0 la hauteur de la porte entr'ouverte et l\u00e0 j'aper\u00e7u la belle Nathalie en train de prodiguer une fellation au patron.\n\nJe me sentis b\u00eate et sur la pointe des pieds faisais marche arri\u00e8re. j'en profitais pour r\u00e9cup\u00e9rer mes papiers sans le moindre bruit et filer \u00e0 l'anglaise.\n\nEn revenant chez moi je r\u00e9fl\u00e9chissais \u00e0 la phrase que Bill m'avait l\u00e2ch\u00e9e \u00e0 propos de la ma\u00efeutique et je me tapais le front du plat de la main en riant.\n\n\u2014 Bien sur que je le savais, je me suis dis, depuis le premier moment o\u00f9 j'ai vu cette femme aux cot\u00e9s de Bill.\n\nEt puis comme j'aime bien aller au fond des choses et que j'avais du temps devant moi \u00e0 pr\u00e9sent, je me suis mis \u00e0 relire dans l'\u00e9dition Folio, les pr\u00e9socratiques, qui venaient tout juste de sortir en librairie et que j'avais achet\u00e9e sans bien savoir pourquoi.",
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"title": "Avant toute chose, une bonne histoire",
"date_published": "2021-12-24T00:57:04Z",
"date_modified": "2025-09-18T16:17:46Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Richard me ressert un coup de Payse puis se renverse dans son Voltaire.<\/p>\n — tu sais il y a un point commun entre la jeunesse et la vieillesse, il dit, les jeunes en g\u00e9n\u00e9ral ne savent pas ce qu’ils veulent, et les vieux ne veulent plus grand chose sauf la paix.<\/p>\n Puis il me toise comme il sait le faire lorsqu’il a une chose importante \u00e0 me dire.<\/p>\n — Est-ce que tu sais ce que tu veux ? il me demande.<\/p>\n — Finir mon verre de Payse et aller me coucher je dis pour faire le malin.<\/p>\n Mais \u00e7a ne le fait pas rire et je reste comme un con \u00e0 siroter ma piquette en maintenant ma posture de cr\u00e2neur.<\/p>\n — Depuis que je te connais j’ai un peu fait le tour me dit Richard, un coup tu veux \u00eatre chanteur, un autre tu veux \u00e9crire des romans, et un autre encore tu veux \u00eatre navigateur... tout \u00e7a ne me parait pas bien carr\u00e9 .<\/p>\n — tu veux dire que je ne tourne pas rond Richard ?<\/p>\n — Si tu arr\u00eatais de faire le mariole et que tu \u00e9coutais ce que je dis, un de ces quatre tu vas tomber sur un os tu verras, tu ne pourras plus te d\u00e9filer aussi facilement. Tu crois tromper qui avec tes pirouettes ? Pas moi en tous cas.<\/p>\n Je me demande ce que j’ai encore fait pour qu’il prenne la mouche. Et puis \u00e7a me les brise de me demander, du coup je repose le verre sur la table et je dis :<\/p>\n — bon moi tu sais la philo \u00e7a me gonfle le boudin et puis t’es pas mon p\u00e8re. Heureusement d’ailleurs. Regarde-toi t’es devenu un vieux con qui joue les proph\u00e8tes et t’es m\u00eame pas capable de te couper les ongles de pied tout seul.<\/p>\n Et je suis parti tranquillement sans me retourner ce soir l\u00e0. J’ai pas fait comme d’habitude c’est \u00e0 dire ce petit signe de la main quand j’arrive dans la rue Quincampoix et que je regarde l\u00e0 haut ses fen\u00eatres et sa vieille tronche qui d\u00e9passe des g\u00e9raniums.<\/p>\n Il \u00e9tait tard, peut-\u00eatre 2h du matin, il n’y avait plus de m\u00e9tro et j’ai d\u00e9cid\u00e9 de remonter toute la rue de Rivoli \u00e0 pince pour rejoindre la Bastille et mon gourbi au septi\u00e8me \u00e9tage de la banque de France. L’eusse tu cru ?<\/p>\n Un petit vent d\u00e9sagr\u00e9able contre lequel aller m’a g\u00e2ch\u00e9 la promenade. Et j’ai \u00e9videmment ressass\u00e9.<\/p>\n — Qu’est ce que tu veux vraiment. Cette phrase de Richard m’a obs\u00e9d\u00e9 longtemps je crois, des semaines, des mois, des ann\u00e9es. Je n’ai jamais pu r\u00e9pondre \u00e0 celle-ci de fa\u00e7on d\u00e9finitive. Sans doute parce que tout ce que j’ai voulu je ne l’ai voulu que provisoirement tant la notion de provisoire se colle \u00e0 mon existence toute enti\u00e8re.<\/p>\n Hier je voulais \u00e7a, le lendemain autre chose, j’ai toujours eu de la peine \u00e0 tisser quelque chose de solide entre tous ces d\u00e9siderata. Une \u00e9toffe qui me tiendrait au chaud et qui enfin me rassurerait, donnerait un sens \u00e0 ma vie comme on dit d\u00e9sormais.<\/p>\n Il y a pourtant des volont\u00e9s r\u00e9currentes et contre lesquelles je ne peux rien. Ces volont\u00e9s proviennent de je ne sais o\u00f9. D’une partie secr\u00e8te dans laquelle la lucidit\u00e9 comme la conscience ne peuvent p\u00e9n\u00e9trer.<\/p>\n Cela n’a pas \u00e9t\u00e9 simple de l’accepter. Que les seules volont\u00e9s auxquelles j’\u00e9tais forc\u00e9 plus ou moins d’ob\u00e9ir appartenaient \u00e0 ce qui est \"plus fort que moi\". J’en ai vu 36 chandelles, et de toutes les couleurs pour commencer \u00e0 m’approcher du pot aux roses.<\/p>\n Mais ce que moi je voulais pour moi, je crois que je suis totalement pass\u00e9 \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Ce que je voulais pour moi n’\u00e9tait que de l’\u00e9ph\u00e9m\u00e8re et du vent, il n’y avait pas grand chose de substantiel l\u00e0 dedans. Et par ricochet j’ai beaucoup envi\u00e9 les gens auxquels cet \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, ce rien suffisait.<\/p>\n Cette sensation d’\u00eatre toujours \u00e0 la marge de ce que tout le monde appelle la norme, il m’aura aussi fallu des ann\u00e9es pour comprendre qu’elle n’\u00e9tait qu’une illusion n\u00e9cessaire pour m’\u00e9garer en moi justement, \"faire le tour\" comme disait Richard, comme on fait un tour de man\u00e8ge, de chevaux de bois.<\/p>\n Mais dans le fond du fond tout ce que je voulais c’\u00e9tait me raconter des histoires. Me les raconter d’abord \u00e0 moi-m\u00eame dans le menu, avec force d\u00e9tails et pr\u00e9cision pour voir comment j’\u00e9tais capable de me leurrer tout seul. Avant toute chose je cherchais une bonne histoire plut\u00f4t qu’une bonne vie.<\/p>\n A quoi donc tout \u00e7a servirait-il ? je ne pouvais pas encore vraiment le savoir \u00e0 l’\u00e9poque, j’\u00e9tais tellement dans le flou, le fameux flou artistique.<\/p>\n Aujourd’hui je ne suis pas sur d’y voir vraiment plus clair. Je veux dire maintenant que je suis devenu ce qu’il faut bien appeler un homme ag\u00e9.<\/p>\n je repense \u00e0 cette phrase de Richard et je me sens tout \u00e0 fait capable de la dire, moi aussi, \u00e0 pr\u00e9sent comme on raconte une bonne histoire un soir entre amis.<\/p>\n — vous savez, et je me renverse dans mon fauteuil aller, il y a un point commun entre la jeunesse et la vieillesse, les jeunes en g\u00e9n\u00e9ral ne savent pas ce qu’ils veulent, et les vieux ne veulent plus grand chose d’autre que la paix, ils ont oubli\u00e9 tout le reste ou \u00e0 peu pr\u00e8s.<\/p>",
"content_text": "\n\nRichard me ressert un coup de Payse puis se renverse dans son Voltaire. \n\n\u2014 tu sais il y a un point commun entre la jeunesse et la vieillesse, il dit, les jeunes en g\u00e9n\u00e9ral ne savent pas ce qu'ils veulent, et les vieux ne veulent plus grand chose sauf la paix.\n\nPuis il me toise comme il sait le faire lorsqu'il a une chose importante \u00e0 me dire.\n\n\u2014 Est-ce que tu sais ce que tu veux ? il me demande.\n\n\u2014 Finir mon verre de Payse et aller me coucher je dis pour faire le malin.\n\nMais \u00e7a ne le fait pas rire et je reste comme un con \u00e0 siroter ma piquette en maintenant ma posture de cr\u00e2neur.\n\n\u2014 Depuis que je te connais j'ai un peu fait le tour me dit Richard, un coup tu veux \u00eatre chanteur, un autre tu veux \u00e9crire des romans, et un autre encore tu veux \u00eatre navigateur... tout \u00e7a ne me parait pas bien carr\u00e9 .\n\n\u2014 tu veux dire que je ne tourne pas rond Richard ?\n\n\u2014 Si tu arr\u00eatais de faire le mariole et que tu \u00e9coutais ce que je dis, un de ces quatre tu vas tomber sur un os tu verras, tu ne pourras plus te d\u00e9filer aussi facilement. Tu crois tromper qui avec tes pirouettes ? Pas moi en tous cas.\n\nJe me demande ce que j'ai encore fait pour qu'il prenne la mouche. Et puis \u00e7a me les brise de me demander, du coup je repose le verre sur la table et je dis:\n\n\u2014 bon moi tu sais la philo \u00e7a me gonfle le boudin et puis t'es pas mon p\u00e8re. Heureusement d'ailleurs. Regarde-toi t'es devenu un vieux con qui joue les proph\u00e8tes et t'es m\u00eame pas capable de te couper les ongles de pied tout seul.\n\nEt je suis parti tranquillement sans me retourner ce soir l\u00e0. J'ai pas fait comme d'habitude c'est \u00e0 dire ce petit signe de la main quand j'arrive dans la rue Quincampoix et que je regarde l\u00e0 haut ses fen\u00eatres et sa vieille tronche qui d\u00e9passe des g\u00e9raniums.\n\nIl \u00e9tait tard, peut-\u00eatre 2h du matin, il n'y avait plus de m\u00e9tro et j'ai d\u00e9cid\u00e9 de remonter toute la rue de Rivoli \u00e0 pince pour rejoindre la Bastille et mon gourbi au septi\u00e8me \u00e9tage de la banque de France. L'eusse tu cru ?\n\nUn petit vent d\u00e9sagr\u00e9able contre lequel aller m'a g\u00e2ch\u00e9 la promenade. Et j'ai \u00e9videmment ressass\u00e9. \n\n\u2014 Qu'est ce que tu veux vraiment. Cette phrase de Richard m'a obs\u00e9d\u00e9 longtemps je crois, des semaines, des mois, des ann\u00e9es. Je n'ai jamais pu r\u00e9pondre \u00e0 celle-ci de fa\u00e7on d\u00e9finitive. Sans doute parce que tout ce que j'ai voulu je ne l'ai voulu que provisoirement tant la notion de provisoire se colle \u00e0 mon existence toute enti\u00e8re.\n\nHier je voulais \u00e7a, le lendemain autre chose, j'ai toujours eu de la peine \u00e0 tisser quelque chose de solide entre tous ces d\u00e9siderata. Une \u00e9toffe qui me tiendrait au chaud et qui enfin me rassurerait, donnerait un sens \u00e0 ma vie comme on dit d\u00e9sormais.\n\nIl y a pourtant des volont\u00e9s r\u00e9currentes et contre lesquelles je ne peux rien. Ces volont\u00e9s proviennent de je ne sais o\u00f9. D'une partie secr\u00e8te dans laquelle la lucidit\u00e9 comme la conscience ne peuvent p\u00e9n\u00e9trer.\n\nCela n'a pas \u00e9t\u00e9 simple de l'accepter. Que les seules volont\u00e9s auxquelles j'\u00e9tais forc\u00e9 plus ou moins d'ob\u00e9ir appartenaient \u00e0 ce qui est \"plus fort que moi\". J'en ai vu 36 chandelles, et de toutes les couleurs pour commencer \u00e0 m'approcher du pot aux roses.\n\nMais ce que moi je voulais pour moi, je crois que je suis totalement pass\u00e9 \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Ce que je voulais pour moi n'\u00e9tait que de l'\u00e9ph\u00e9m\u00e8re et du vent, il n'y avait pas grand chose de substantiel l\u00e0 dedans. Et par ricochet j'ai beaucoup envi\u00e9 les gens auxquels cet \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, ce rien suffisait.\n\nCette sensation d'\u00eatre toujours \u00e0 la marge de ce que tout le monde appelle la norme, il m'aura aussi fallu des ann\u00e9es pour comprendre qu'elle n'\u00e9tait qu'une illusion n\u00e9cessaire pour m'\u00e9garer en moi justement, \"faire le tour\" comme disait Richard, comme on fait un tour de man\u00e8ge, de chevaux de bois.\n\nMais dans le fond du fond tout ce que je voulais c'\u00e9tait me raconter des histoires. Me les raconter d'abord \u00e0 moi-m\u00eame dans le menu, avec force d\u00e9tails et pr\u00e9cision pour voir comment j'\u00e9tais capable de me leurrer tout seul. Avant toute chose je cherchais une bonne histoire plut\u00f4t qu'une bonne vie.\n\nA quoi donc tout \u00e7a servirait-il ? je ne pouvais pas encore vraiment le savoir \u00e0 l'\u00e9poque, j'\u00e9tais tellement dans le flou, le fameux flou artistique.\n\nAujourd'hui je ne suis pas sur d'y voir vraiment plus clair. Je veux dire maintenant que je suis devenu ce qu'il faut bien appeler un homme ag\u00e9.\n\nje repense \u00e0 cette phrase de Richard et je me sens tout \u00e0 fait capable de la dire, moi aussi, \u00e0 pr\u00e9sent comme on raconte une bonne histoire un soir entre amis.\n\n\u2014 vous savez, et je me renverse dans mon fauteuil aller, il y a un point commun entre la jeunesse et la vieillesse, les jeunes en g\u00e9n\u00e9ral ne savent pas ce qu'ils veulent, et les vieux ne veulent plus grand chose d'autre que la paix, ils ont oubli\u00e9 tout le reste ou \u00e0 peu pr\u00e8s.",
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"title": "Cette importance",
"date_published": "2021-12-03T01:51:46Z",
"date_modified": "2025-10-22T16:24:45Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Qu’est-ce qui est important lorsque je prends un pinceau pour d\u00e9poser de la couleur sur la toile ? Quelle hi\u00e9rarchie d’importances suis-je en train de fabriquer ?<\/p>\n Cette question qui ne cesse de tourner en rond, cette h\u00e9sitation, ce doute, comme un mouvement perp\u00e9tuel.<\/p>\n Parfois je suis tent\u00e9 de donner une r\u00e9ponse \u00e0 la h\u00e2te, mais ce n’est pas la r\u00e9ponse qui r\u00e9soudra quoique ce soit.<\/p>\n Car chaque jour est un autre jour, et me rend autre vis \u00e0 vis de toute r\u00e9ponse \u00e0 cette question importance.<\/p>\n Je r\u00eave qu’un tamis me tombe soudain dans les mains, \u00e0 mailles fines, mais pas trop.<\/p>\n Je n’ai pas le palais si d\u00e9licat pour gouter \u00e0 la finesse. Mais l’\u00e2pret\u00e9 aussi est importance, aussi utile que la d\u00e9licatesse.<\/p>\n Cette question comme une fus\u00e9e qui, plus elle s’\u00e9l\u00e8ve perd du poids.<\/p>\n Cependant qu’il est n\u00e9cessaire de br\u00fbler beaucoup pour propulser sa masse.<\/p>\n Je me dis c’est le plaisir enfantin de peindre<\/em> comme r\u00e9ponse, comme pansement pour cacher la plaie.<\/p>\n Et puis cela dure quelques minutes, parfois une heure ou deux et d’autres r\u00e9ponses s’ajoutent et je fais de beaux n\u0153uds avec les brins.<\/p>\n Parfois je ne donne des r\u00e9ponses que pour parvenir \u00e0 ces n\u0153uds, pour provoquer ma patience \u00e0 tenter de les d\u00e9nouer ensuite.<\/p>\n Exactement comme lorsqu’on parvient, une fois tout l’enthousiasme, la na\u00efvet\u00e9 premi\u00e8re consum\u00e9s, \u00e0 ce moment de v\u00e9rit\u00e9 du tableau.<\/p>\n Le choix et l’ordre.<\/p>\n Cette \u00e9l\u00e8ve poss\u00e8de un c\u0153ur simple. Elle dit je suis perdu aide moi. Elle ne le dit pas pour que je la remarque plus qu’une autre, elle ne le dit pas pour que je lui fournisse une preuve d’amour. Elle le dit parce qu’elle est assoiff\u00e9e de trouver son chemin dans le fatras. Elle est ma s\u0153ur. Et je ne suis qu’un professeur.<\/p>\n Ferme les yeux je lui dis et flanque de la couleur comme \u00e7a n’importe ou n’importe comment sur la toile avec un couteau \u00e0 peindre, rentre compl\u00e8tement dans ce d\u00e9sordre, il n’y a rien d’important lorsqu’on peint comme \u00e7a. Tu verras bien o\u00f9 \u00e7a te m\u00e8ne, ce que \u00e7a donne.<\/p>\n Ferme les yeux...<\/p>\n Elle m’\u00e9coute et le fait, un bonheur d’\u00e9l\u00e8ve.<\/p>\n Nous regardons ensuite le r\u00e9sultat.<\/p>\n Est-ce que c’est bien ? elle demande. Je ne dis rien parce que parfois j’oublie ce qui est bien ou mal en peinture, le r\u00e9sultat je veux dire.<\/p>\n Trouver le bon silence, c’est aussi \u00e7a l’important.<\/p>\n
<\/p>\n
<\/p>",
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