{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-octobre-2025.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-octobre-2025.html", "title": "26 octobre 2025", "date_published": "2025-10-26T03:51:47Z", "date_modified": "2025-10-26T04:31:38Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Re\u00e7u M. et C. hier soir. Bonne soir\u00e9e. \u00c0 peine ont-ils franchi la porte que M. et S. se ruent sur le sujet des petits-enfants. C., \u00e0 qui je demande des nouvelles de sa sant\u00e9, m\u2019arr\u00eate dans la cuisine : il me parle de sa chimio et m\u2019annonce qu\u2019en fin de compte il y renonce. « Quatre-vingts ans, je n\u2019ai plus envie d\u2019y retourner », me dit-il, et, pour se rassurer sans doute, ajoute que si \u00e7a repart, le temps que la maladie se propage \u00e0 nouveau, ce sera sans doute lent, se rassure-t-il \u00e0 voix haute. Je ne sais quoi r\u00e9pondre. La maladie et la mort sont pour moi des sujets tellement terrifiants que je les exp\u00e9die presque aussit\u00f4t dans l\u2019indicible. J\u2019arrive assez bien, je crois, \u00e0 les \u00e9crire, mais non \u00e0 en parler dans le vif.<\/p>\n
Cela me ram\u00e8ne encore une fois \u00e0 Henri-Mondor, Cr\u00e9teil. Cette salle d\u2019attente o\u00f9 j\u2019attendais des nouvelles de l\u2019op\u00e9ration de mon p\u00e8re : l\u2019ablation d\u2019une partie de son pancr\u00e9as. Je me souviens \u00e0 tel point de cet instant que je pourrais d\u00e9crire cette pi\u00e8ce dans les moindres d\u00e9tails ainsi que les expressions des visages qui la peuplaient. Une famille \u00e9tait l\u00e0, une famille turque : une vieille femme et ses enfants. Il y avait des larmes, des corps prostr\u00e9s, des mains serr\u00e9es dont les jointures blanchies formaient comme de petites montagnes enneig\u00e9es. Il y avait le rythme des sanglots, des reniflements, des raclements de semelles sur le carrelage ; la ponctuation d\u2019un n\u00e9on d\u00e9faillant ; les bips lointains des appareils ; le va-et-vient du personnel derri\u00e8re une porte coulissante, peut-\u00eatre une cloison de plastique dont chaque froissement \u00e9tait \u00e0 la fois l\u2019espoir d\u2019avoir des nouvelles et la d\u00e9ception de n\u2019en pas obtenir.<\/p>\n
C\u2019est l\u00e0 que s\u2019est \u00e9vanoui quelque chose que je croyais \u00eatre la r\u00e9alit\u00e9. J\u2019\u00e9tais arriv\u00e9 en imaginant une op\u00e9ration b\u00e9nigne — je voulais surtout continuer \u00e0 y croire —, que mon p\u00e8re ressortirait tel qu\u2019il avait toujours \u00e9t\u00e9 dans mon esprit, indestructible, h\u00e9las. Or non. Ce jour-l\u00e0, en le d\u00e9couvrant vuln\u00e9rable comme tous les autres, je me suis retrouv\u00e9 face \u00e0 ma propre fragilit\u00e9 : ce que je nommais « la r\u00e9alit\u00e9 » devait tenir \u00e0 cela.<\/p>\n
En relisant, je suis tent\u00e9 d\u2019ajouter ce « h\u00e9las » apr\u00e8s indestructible, parce que, s\u2019il avait continu\u00e9 de l\u2019\u00eatre, il est possible que j\u2019aie moi-m\u00eame continu\u00e9 \u00e0 me laisser leurrer par ce mot. En ce sens, puis-je encore me leurrer sur cette notion d\u2019indestructibilit\u00e9, \u00e0 plus de cinquante ans ? Je ne le crois pas. C\u2019\u00e9tait sans doute l\u2019enfant que j\u2019avais \u00e9t\u00e9, battu, qui prit alors le relais de l\u2019homme, cet enfant qui voyait le sujet de sa haine risquer de s\u2019\u00e9vanouir. Et ainsi, voyant cette hargne dispara\u00eetre en m\u00eame temps que son sujet, sa cause, cette sensation d\u2019\u00eatre soudain dans une ignorance totale du monde, de la vie, de soi-m\u00eame, dans la carcasse d\u2019un homme de cinquante ans.<\/p>\n
Je revois le jeune m\u00e9decin m\u2019annoncer le peu de chances qu\u2019avait mon p\u00e8re de s\u2019en sortir. Il d\u00e9bitait lentement ses mots, d\u2019un ton clinique. Quel \u00e2ge pouvait-il avoir ? Moins de quarante ans. Qui \u00e9tait mon p\u00e8re pour lui ? Un patient comme un autre ; et moi, un interlocuteur parmi des centaines, sans doute. Je comprenais que cette froideur \u00e9tait une mani\u00e8re de se prot\u00e9ger derri\u00e8re la blouse blanche, qu\u2019il \u00e9tait difficile d\u2019adopter pour chacun une attitude vraiment personnalis\u00e9e. Je le comprenais parfaitement \u00e0 ce moment-l\u00e0 ; mais, la haine n\u2019ayant soudain plus d\u2019objet \u00e0 l\u2019annonce de cette nouvelle, je sentais que ce jeune m\u00e9decin, puis le corps m\u00e9dical tout entier, l\u2019administration hospitali\u00e8re, la ville de Cr\u00e9teil elle-m\u00eame, pourraient bien devenir le nouvel objet de cette haine.<\/p>\n
M. et C. sont repartis vers vingt deux heures. Et, oui, nous pass\u00e2mes une bonne soir\u00e9e.<\/p>\n
Ces r\u00e9flexions, notamment au sujet du bonheur et de la libert\u00e9, me reviennent. C. est issu d\u2019une famille de huit enfants ;Il d\u00fb assez vite travailler chez Rh\u00f4ne-Poulenc. Il me raconte qu\u2019il aurait pu poursuivre des \u00e9tudes ; des bourses lui \u00e9taient accessibles, bon \u00e9l\u00e8ve qu\u2019il \u00e9tait ; mais le trousseau, le d\u00e9part pour Saint-\u00c9tienne, devenir instituteur, auraient co\u00fbt\u00e9 trop cher \u00e0 la famille. Seul l\u2019a\u00een\u00e9 put aller un peu plus loin. Jusqu’\u00e0 Lyon. Il n\u2019en fut pas malheureux, dit-il ; il accepta d\u2019aller travailler sans rechigner, ne perdit pas son temps en ressentiments ni en ranc\u0153urs, pas davantage en jalousies. Au contraire, il suivit des cours du soir, tenta de s\u2019\u00e9lever \u00e0 force d\u2019efforts et d\u2019obstination. Il monta ainsi en grade et ne s\u2019en glorifie pas pour autant, car c\u2019\u00e9tait, tout compte fait, le seul choix possible \u00e0 ce moment-l\u00e0. Les choses \u00e9taient ainsi : pas d\u2019autre choix qu\u2019accepter le « c\u2019est comme \u00e7a ». Nous \u00e9voqu\u00e2mes alors des moments communs o\u00f9 quelque chose se passait entre coll\u00e8gues de travail : ces petits moments partag\u00e9s, parfois m\u00eame des solidarit\u00e9s inattendues entre « petites gens », que j\u2019ai moi-m\u00eame eu la chance de conna\u00eetre. La vie \u00e9tait diff\u00e9rente, c\u2019est certain : on ne cherchait pas tant \u00e0 \u00eatre libre et heureux qu\u2019\u00e0 assumer des responsabilit\u00e9s et \u00e0 \u00eatre en paix, \u00e0 conserver un c\u0153ur l\u00e9ger.<\/p>\n
En l\u2019\u00e9coutant raconter, je ne pouvais m\u2019emp\u00eacher de penser \u00e0 quel point ma g\u00e9n\u00e9ration, comme tant d\u2019autres, avait pu \u00eatre bern\u00e9e par le d\u00e9versement de grands id\u00e9aux, d\u00e9j\u00e0 produit par une \u00e9lite \u00e0 la solde des fabricants de r\u00e9alit\u00e9. Cette fabrication d\u2019une r\u00e9alit\u00e9, inscrite au fronton des mairies — « Libert\u00e9, \u00c9galit\u00e9, Fraternit\u00e9 » —, avait subi tant de modifications subtiles, imperceptibles, tant d\u2019amendements inaper\u00e7us, qu\u2019elle s\u2019en \u00e9tait trouv\u00e9e totalement chang\u00e9e en \u00e0 peine quelques d\u00e9cennies. On nous rabattait encore les oreilles avec de grands mots ; ils tournaient pourtant de plus en plus \u00e0 vide, ne voulaient plus dire grand-chose pour les nouvelles g\u00e9n\u00e9rations, qui, comme il se doit, \u00e9taient tenues — et maintenues — dans l\u2019ignorance, au nom de l\u2019\u00e9ternelle antienne : « n\u2019a pas su, n\u2019a pas souffert ».<\/p>\n
Pr\u00eat d’un livre \u00e0 C. « Soleil Hopi ». Collection Terres Humaines\nD\u00e9cision de se rendre au cin\u00e9ma tous les quatre une fois par mois, le mardi ? Peut-\u00eatre \u00e0 Annonay aussi pour festival premier film. Anniversaire de M. 30\/08.<\/p>", "content_text": " Re\u00e7u M. et C. hier soir. Bonne soir\u00e9e. \u00c0 peine ont-ils franchi la porte que M. et S. se ruent sur le sujet des petits-enfants. C., \u00e0 qui je demande des nouvelles de sa sant\u00e9, m\u2019arr\u00eate dans la cuisine : il me parle de sa chimio et m\u2019annonce qu\u2019en fin de compte il y renonce. \u00ab Quatre-vingts ans, je n\u2019ai plus envie d\u2019y retourner \u00bb, me dit-il, et, pour se rassurer sans doute, ajoute que si \u00e7a repart, le temps que la maladie se propage \u00e0 nouveau, ce sera sans doute lent, se rassure-t-il \u00e0 voix haute. Je ne sais quoi r\u00e9pondre. La maladie et la mort sont pour moi des sujets tellement terrifiants que je les exp\u00e9die presque aussit\u00f4t dans l\u2019indicible. J\u2019arrive assez bien, je crois, \u00e0 les \u00e9crire, mais non \u00e0 en parler dans le vif. Cela me ram\u00e8ne encore une fois \u00e0 Henri-Mondor, Cr\u00e9teil. Cette salle d\u2019attente o\u00f9 j\u2019attendais des nouvelles de l\u2019op\u00e9ration de mon p\u00e8re : l\u2019ablation d\u2019une partie de son pancr\u00e9as. Je me souviens \u00e0 tel point de cet instant que je pourrais d\u00e9crire cette pi\u00e8ce dans les moindres d\u00e9tails ainsi que les expressions des visages qui la peuplaient. Une famille \u00e9tait l\u00e0, une famille turque : une vieille femme et ses enfants. Il y avait des larmes, des corps prostr\u00e9s, des mains serr\u00e9es dont les jointures blanchies formaient comme de petites montagnes enneig\u00e9es. Il y avait le rythme des sanglots, des reniflements, des raclements de semelles sur le carrelage ; la ponctuation d\u2019un n\u00e9on d\u00e9faillant ; les bips lointains des appareils ; le va-et-vient du personnel derri\u00e8re une porte coulissante, peut-\u00eatre une cloison de plastique dont chaque froissement \u00e9tait \u00e0 la fois l\u2019espoir d\u2019avoir des nouvelles et la d\u00e9ception de n\u2019en pas obtenir. C\u2019est l\u00e0 que s\u2019est \u00e9vanoui quelque chose que je croyais \u00eatre la r\u00e9alit\u00e9. J\u2019\u00e9tais arriv\u00e9 en imaginant une op\u00e9ration b\u00e9nigne \u2014 je voulais surtout continuer \u00e0 y croire \u2014, que mon p\u00e8re ressortirait tel qu\u2019il avait toujours \u00e9t\u00e9 dans mon esprit, indestructible, h\u00e9las. Or non. Ce jour-l\u00e0, en le d\u00e9couvrant vuln\u00e9rable comme tous les autres, je me suis retrouv\u00e9 face \u00e0 ma propre fragilit\u00e9 : ce que je nommais \u00ab la r\u00e9alit\u00e9 \u00bb devait tenir \u00e0 cela. En relisant, je suis tent\u00e9 d\u2019ajouter ce \u00ab h\u00e9las \u00bb apr\u00e8s indestructible, parce que, s\u2019il avait continu\u00e9 de l\u2019\u00eatre, il est possible que j\u2019aie moi-m\u00eame continu\u00e9 \u00e0 me laisser leurrer par ce mot. En ce sens, puis-je encore me leurrer sur cette notion d\u2019indestructibilit\u00e9, \u00e0 plus de cinquante ans ? Je ne le crois pas. C\u2019\u00e9tait sans doute l\u2019enfant que j\u2019avais \u00e9t\u00e9, battu, qui prit alors le relais de l\u2019homme, cet enfant qui voyait le sujet de sa haine risquer de s\u2019\u00e9vanouir. Et ainsi, voyant cette hargne dispara\u00eetre en m\u00eame temps que son sujet, sa cause, cette sensation d\u2019\u00eatre soudain dans une ignorance totale du monde, de la vie, de soi-m\u00eame, dans la carcasse d\u2019un homme de cinquante ans. Je revois le jeune m\u00e9decin m\u2019annoncer le peu de chances qu\u2019avait mon p\u00e8re de s\u2019en sortir. Il d\u00e9bitait lentement ses mots, d\u2019un ton clinique. Quel \u00e2ge pouvait-il avoir ? Moins de quarante ans. Qui \u00e9tait mon p\u00e8re pour lui ? Un patient comme un autre ; et moi, un interlocuteur parmi des centaines, sans doute. Je comprenais que cette froideur \u00e9tait une mani\u00e8re de se prot\u00e9ger derri\u00e8re la blouse blanche, qu\u2019il \u00e9tait difficile d\u2019adopter pour chacun une attitude vraiment personnalis\u00e9e. Je le comprenais parfaitement \u00e0 ce moment-l\u00e0 ; mais, la haine n\u2019ayant soudain plus d\u2019objet \u00e0 l\u2019annonce de cette nouvelle, je sentais que ce jeune m\u00e9decin, puis le corps m\u00e9dical tout entier, l\u2019administration hospitali\u00e8re, la ville de Cr\u00e9teil elle-m\u00eame, pourraient bien devenir le nouvel objet de cette haine. M. et C. sont repartis vers vingt deux heures. Et, oui, nous pass\u00e2mes une bonne soir\u00e9e. Ces r\u00e9flexions, notamment au sujet du bonheur et de la libert\u00e9, me reviennent. C. est issu d\u2019une famille de huit enfants ;Il d\u00fb assez vite travailler chez Rh\u00f4ne-Poulenc. Il me raconte qu\u2019il aurait pu poursuivre des \u00e9tudes ; des bourses lui \u00e9taient accessibles, bon \u00e9l\u00e8ve qu\u2019il \u00e9tait ; mais le trousseau, le d\u00e9part pour Saint-\u00c9tienne, devenir instituteur, auraient co\u00fbt\u00e9 trop cher \u00e0 la famille. Seul l\u2019a\u00een\u00e9 put aller un peu plus loin. Jusqu'\u00e0 Lyon. Il n\u2019en fut pas malheureux, dit-il ; il accepta d\u2019aller travailler sans rechigner, ne perdit pas son temps en ressentiments ni en ranc\u0153urs, pas davantage en jalousies. Au contraire, il suivit des cours du soir, tenta de s\u2019\u00e9lever \u00e0 force d\u2019efforts et d\u2019obstination. Il monta ainsi en grade et ne s\u2019en glorifie pas pour autant, car c\u2019\u00e9tait, tout compte fait, le seul choix possible \u00e0 ce moment-l\u00e0. Les choses \u00e9taient ainsi : pas d\u2019autre choix qu\u2019accepter le \u00ab c\u2019est comme \u00e7a \u00bb. Nous \u00e9voqu\u00e2mes alors des moments communs o\u00f9 quelque chose se passait entre coll\u00e8gues de travail : ces petits moments partag\u00e9s, parfois m\u00eame des solidarit\u00e9s inattendues entre \u00ab petites gens \u00bb, que j\u2019ai moi-m\u00eame eu la chance de conna\u00eetre. La vie \u00e9tait diff\u00e9rente, c\u2019est certain : on ne cherchait pas tant \u00e0 \u00eatre libre et heureux qu\u2019\u00e0 assumer des responsabilit\u00e9s et \u00e0 \u00eatre en paix, \u00e0 conserver un c\u0153ur l\u00e9ger. En l\u2019\u00e9coutant raconter, je ne pouvais m\u2019emp\u00eacher de penser \u00e0 quel point ma g\u00e9n\u00e9ration, comme tant d\u2019autres, avait pu \u00eatre bern\u00e9e par le d\u00e9versement de grands id\u00e9aux, d\u00e9j\u00e0 produit par une \u00e9lite \u00e0 la solde des fabricants de r\u00e9alit\u00e9. Cette fabrication d\u2019une r\u00e9alit\u00e9, inscrite au fronton des mairies \u2014 \u00ab Libert\u00e9, \u00c9galit\u00e9, Fraternit\u00e9 \u00bb \u2014, avait subi tant de modifications subtiles, imperceptibles, tant d\u2019amendements inaper\u00e7us, qu\u2019elle s\u2019en \u00e9tait trouv\u00e9e totalement chang\u00e9e en \u00e0 peine quelques d\u00e9cennies. On nous rabattait encore les oreilles avec de grands mots ; ils tournaient pourtant de plus en plus \u00e0 vide, ne voulaient plus dire grand-chose pour les nouvelles g\u00e9n\u00e9rations, qui, comme il se doit, \u00e9taient tenues \u2014 et maintenues \u2014 dans l\u2019ignorance, au nom de l\u2019\u00e9ternelle antienne : \u00ab n\u2019a pas su, n\u2019a pas souffert \u00bb. --- Pr\u00eat d'un livre \u00e0 C. \"Soleil Hopi\". Collection Terres Humaines D\u00e9cision de se rendre au cin\u00e9ma tous les quatre une fois par mois, le mardi ? Peut-\u00eatre \u00e0 Annonay aussi pour festival premier film. Anniversaire de M. 30\/08. 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Le code et la composition des textes se r\u00e9pondent : qu\u2019une seule classe CSS soit modifi\u00e9e et tout l\u2019\u00e9difice, silencieusement, se d\u00e9place ; la marge d\u2019un paragraphe s\u2019agrandit, une grille se resserre, un contraste s\u2019att\u00e9nue, et me voil\u00e0 forc\u00e9 de remonter, de balise en balise, le fil du HTML, comme on remonte une g\u00e9n\u00e9alogie pour comprendre de quelle branche vient l\u2019inclinaison de la bouche. J\u2019ai parfois l\u2019impression de me r\u00e9fugier dans le code par crainte — crainte de quoi, je l\u2019ignore — tout comme jadis je me r\u00e9fugiais dans l\u2019\u00e9criture pour ne pas regarder en face ce que la peinture, d\u2019un seul aplat franc, m\u2019aurait montr\u00e9. Est-ce bien de la peur ? C\u2019est sans doute plus proche du d\u00e9sir : je veux quelque chose et je redoute de l\u2019obtenir, car une fois le d\u00e9sir satisfait, il faudrait lui trouver un successeur, et l\u2019on n\u2019ose pas toujours priver sa journ\u00e9e de ce moteur si commode. J\u2019ai essay\u00e9 d\u2019\u00e9carter le d\u00e9sir ; l\u2019effet fut impr\u00e9vu et, disons-le, d\u00e9primant : le plus attristant fut la disparition de l\u2019humour, car sans d\u00e9sir on perd aussi cette ironie l\u00e9g\u00e8re qui sauve la gravit\u00e9 du s\u00e9rieux ; ne restait qu\u2019une peur nue, embarrassante, \u00e0 laquelle je ne savais que faire, faute m\u00eame d\u2019un d\u00e9sir de lui r\u00e9sister. Alors je me surprenais \u00e0 singer l\u2019\u00e9nergie — taper du pied, tr\u00e9pigner, m\u2019emporter — comme on imite un dialecte sans en comprendre la syntaxe ; j\u2019ai vu tant de gens s\u2019en tirer \u00e0 grand renfort de tr\u00e9pignements que ce pastiche de r\u00e9solution est devenu une langue commune. \u00c0 quoi bon, me dis-je \u00e0 pr\u00e9sent ; mieux vaut, dans ce marasme, chercher \u00e0 faire quelque chose de la peur, lui pr\u00eater attention plut\u00f4t que de la fuir, lui demander de parler au lieu de la r\u00e9duire au silence. Il faut que je me souvienne aussi que je « d\u00e9testais » le code, et que je ne puis plus le dire avec la m\u00eame bonne foi : je ne l\u2019aime ni ne le hais ; il m\u2019est indiff\u00e9rent comme tout outil auquel la crainte avait pr\u00eat\u00e9 un affect. De quoi avais-je peur ? De me tromper, de casser le site — bagatelles si on les mesure \u00e0 la mis\u00e8re du monde, tracas tout au plus, puisqu\u2019il faudra comprendre d\u2019o\u00f9 vient la panne et la r\u00e9parer : juste cela. Le code, au fond, est reposant : binaire, il marche ou ne marche pas, et c\u2019est peut-\u00eatre pour cela qu\u2019on s\u2019y reclus, parce qu\u2019on n\u2019y attend pas de surprise autre que celle, tr\u00e8s franche, du succ\u00e8s ou de l\u2019erreur. La peinture, l\u2019\u00e9criture, elles, r\u00e9servent de vraies surprises, dont la beaut\u00e9 m\u00eame inqui\u00e8te. Et pourtant je me fais encore des id\u00e9es : il n\u2019y a peut-\u00eatre rien \u00e0 attendre de rien, et la s\u00e9cheresse m\u00eame de l\u2019\u00e9nonc\u00e9 lui donne sa chance de v\u00e9rit\u00e9. Alors je continue, pas \u00e0 pas, \u00e0 examiner ces d\u00e9pendances qui font qu\u2019un d\u00e9tail d\u00e9range l\u2019ensemble, et j\u2019essaie, plut\u00f4t que d\u2019ajouter de l\u2019agitation \u00e0 l\u2019agitation, de mettre un peu d\u2019ordre — non pour « repr\u00e9senter » quoi que ce soit, mais pour r\u00e9parer l\u2019\u00e9cart entre ce que je cherche et ce qui, sans bruit, cherche en moi.<\/p>", "content_text": "Le code et la composition des textes se r\u00e9pondent : qu\u2019une seule classe CSS soit modifi\u00e9e et tout l\u2019\u00e9difice, silencieusement, se d\u00e9place ; la marge d\u2019un paragraphe s\u2019agrandit, une grille se resserre, un contraste s\u2019att\u00e9nue, et me voil\u00e0 forc\u00e9 de remonter, de balise en balise, le fil du HTML, comme on remonte une g\u00e9n\u00e9alogie pour comprendre de quelle branche vient l\u2019inclinaison de la bouche. J\u2019ai parfois l\u2019impression de me r\u00e9fugier dans le code par crainte \u2014 crainte de quoi, je l\u2019ignore \u2014 tout comme jadis je me r\u00e9fugiais dans l\u2019\u00e9criture pour ne pas regarder en face ce que la peinture, d\u2019un seul aplat franc, m\u2019aurait montr\u00e9. Est-ce bien de la peur ? C\u2019est sans doute plus proche du d\u00e9sir : je veux quelque chose et je redoute de l\u2019obtenir, car une fois le d\u00e9sir satisfait, il faudrait lui trouver un successeur, et l\u2019on n\u2019ose pas toujours priver sa journ\u00e9e de ce moteur si commode. J\u2019ai essay\u00e9 d\u2019\u00e9carter le d\u00e9sir ; l\u2019effet fut impr\u00e9vu et, disons-le, d\u00e9primant : le plus attristant fut la disparition de l\u2019humour, car sans d\u00e9sir on perd aussi cette ironie l\u00e9g\u00e8re qui sauve la gravit\u00e9 du s\u00e9rieux ; ne restait qu\u2019une peur nue, embarrassante, \u00e0 laquelle je ne savais que faire, faute m\u00eame d\u2019un d\u00e9sir de lui r\u00e9sister. Alors je me surprenais \u00e0 singer l\u2019\u00e9nergie \u2014 taper du pied, tr\u00e9pigner, m\u2019emporter \u2014 comme on imite un dialecte sans en comprendre la syntaxe ; j\u2019ai vu tant de gens s\u2019en tirer \u00e0 grand renfort de tr\u00e9pignements que ce pastiche de r\u00e9solution est devenu une langue commune. \u00c0 quoi bon, me dis-je \u00e0 pr\u00e9sent ; mieux vaut, dans ce marasme, chercher \u00e0 faire quelque chose de la peur, lui pr\u00eater attention plut\u00f4t que de la fuir, lui demander de parler au lieu de la r\u00e9duire au silence. Il faut que je me souvienne aussi que je \u00ab d\u00e9testais \u00bb le code, et que je ne puis plus le dire avec la m\u00eame bonne foi : je ne l\u2019aime ni ne le hais ; il m\u2019est indiff\u00e9rent comme tout outil auquel la crainte avait pr\u00eat\u00e9 un affect. De quoi avais-je peur ? De me tromper, de casser le site \u2014 bagatelles si on les mesure \u00e0 la mis\u00e8re du monde, tracas tout au plus, puisqu\u2019il faudra comprendre d\u2019o\u00f9 vient la panne et la r\u00e9parer : juste cela. Le code, au fond, est reposant : binaire, il marche ou ne marche pas, et c\u2019est peut-\u00eatre pour cela qu\u2019on s\u2019y reclus, parce qu\u2019on n\u2019y attend pas de surprise autre que celle, tr\u00e8s franche, du succ\u00e8s ou de l\u2019erreur. La peinture, l\u2019\u00e9criture, elles, r\u00e9servent de vraies surprises, dont la beaut\u00e9 m\u00eame inqui\u00e8te. Et pourtant je me fais encore des id\u00e9es : il n\u2019y a peut-\u00eatre rien \u00e0 attendre de rien, et la s\u00e9cheresse m\u00eame de l\u2019\u00e9nonc\u00e9 lui donne sa chance de v\u00e9rit\u00e9. Alors je continue, pas \u00e0 pas, \u00e0 examiner ces d\u00e9pendances qui font qu\u2019un d\u00e9tail d\u00e9range l\u2019ensemble, et j\u2019essaie, plut\u00f4t que d\u2019ajouter de l\u2019agitation \u00e0 l\u2019agitation, de mettre un peu d\u2019ordre \u2014 non pour \u00ab repr\u00e9senter \u00bb quoi que ce soit, mais pour r\u00e9parer l\u2019\u00e9cart entre ce que je cherche et ce qui, sans bruit, cherche en moi.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20171013_105005.jpg?1761362109", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Technologies et Postmodernit\u00e9"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-octobre-2025.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-octobre-2025.html", "title": "24 octobre 2025", "date_published": "2025-10-24T07:24:47Z", "date_modified": "2025-10-24T07:24:47Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Il est des heures o\u00f9, sans rien d\u00e9cider encore et comme si l\u2019\u00e2me, laissant s\u2019ouvrir d\u2019elle-m\u00eame une porte que l\u2019habitude tenait close, revenait vers ce penchant si ancien que je n\u2019ai jamais su lui donner un autre nom que celui, si simple et pourtant si charg\u00e9 dans ma m\u00e9moire, de ne rien repr\u00e9senter ; et ce mot, qui pour d\u2019autres n\u2019est qu\u2019un terme d\u2019atelier, prend chez moi une r\u00e9sonance singuli\u00e8re, parce que mon p\u00e8re, repr\u00e9sentant de son \u00e9tat, avait inscrit dans notre langage domestique une ambigu\u00eft\u00e9 dont je me d\u00e9fiais, de sorte qu\u2019\u00e0 chaque fois que j\u2019entendais « repr\u00e9senter » je ne pouvais m\u2019emp\u00eacher d\u2019y entendre \u00e0 la fois la politesse des apparences et la fatigue d\u2019un m\u00e9tier, comme si, au moment m\u00eame o\u00f9 je refusais d\u2019orner mes toiles ou mes pages d\u2019une image trop prompte, je refusais aussi, sans l\u2019avouer, la r\u00e9p\u00e9tition d\u2019un geste filial ; car il m\u2019a sembl\u00e9 bien souvent que nous n\u2019h\u00e9ritons pas tant d\u2019objets ou d\u2019id\u00e9aux que d\u2019une mani\u00e8re d\u2019habiter les mots, et que c\u2019est cela, plus encore que les biens, qui p\u00e8se, et que j\u2019appellerais volontiers un anti-h\u00e9ritage, non point par esprit de d\u00e9fi mais parce que ce qui nous est transmis, si l\u2019on n\u2019y prend garde, nous repr\u00e9sente \u00e0 notre place. Lorsque vint le moment de vider la maison, je crus d\u2019abord que la d\u00e9cision serait ais\u00e9e, qu\u2019il suffirait de s\u00e9parer ce qui devait \u00eatre gard\u00e9 de ce qui pouvait \u00eatre donn\u00e9, mais chaque chose — l\u2019horloge qui battait un temps que nous n\u2019entendrions plus, les nappes repass\u00e9es dont l\u2019odeur \u00e9tait celle de dimanches \u00e9teints, les livres aux marges o\u00f9 survivait la patience d\u2019un regard — se mit \u00e0 parler d\u2019une voix douce et t\u00eatue, si bien qu\u2019il m\u2019\u00e9tait \u00e9galement impossible de garder et de jeter, et que m\u00eame la charit\u00e9, qui e\u00fbt pourtant d\u00e9livr\u00e9 ces objets de mon scrupule, me paraissait encore une mani\u00e8re de les d\u00e9savouer ; mon fr\u00e8re prit ce qu\u2019il jugea n\u00e9cessaire (et j\u2019en fus soulag\u00e9 comme on l\u2019est, les jours d\u2019orage, d\u2019un air soudain respirable), mais le reste, quoique vendu, partag\u00e9, dispers\u00e9, ne cessa pas de demeurer en moi, non comme un remords mais comme cette poussi\u00e8re claire qu\u2019on d\u00e9couvre le lendemain sur un meuble qu\u2019on croyait propre, signe que le temps, plus que la possession, a laiss\u00e9 son manteau sur nous. Et peut-\u00eatre ce refus de suivre une voie trac\u00e9e, que j\u2019aurais voulu croire lib\u00e9rateur, n\u2019\u00e9tait-il que la forme la plus obstin\u00e9e d\u2019une fid\u00e9lit\u00e9 dissimul\u00e9e, car il arrive que se d\u00e9tourner de la route des p\u00e8res soit encore se r\u00e9gler sur elle, avec l\u2019exactitude rev\u00eache de ceux qui, pour ne pas faire comme tout le monde, s\u2019astreignent plus durement que lui aux commandements de l\u2019esprit ; on oublie d\u2019ailleurs combien le cadre, le d\u00e9cor, l\u2019air du temps, qui semblent n\u2019\u00eatre rien, instruisent nos humeurs plus s\u00fbrement que notre corps m\u00eame, et qu\u2019une pens\u00e9e que nous croyons n\u00f4tre n\u2019est bien souvent qu\u2019une alliance de souvenirs et de rencontres, ces co\u00efncidences qu\u2019un regard trop press\u00e9 tient pour du hasard alors qu\u2019elles sont, au contraire, les rendez-vous pris par des causes anciennes. De l\u00e0 vient qu\u2019on rejette un jour, sans savoir pourquoi, le plus proche, le semblable, comme si la ressemblance nous exposait \u00e0 une lumi\u00e8re trop crue, et qu\u2019on cherche, dans l\u2019ext\u00e9rieur, l\u2019\u00e9tranger, non pas une nouveaut\u00e9 v\u00e9ritable mais le d\u00e9tour gr\u00e2ce auquel on supportera de se retrouver ; si l\u2019on connaissait le secret de ce mouvement qui nous emporte, peut-\u00eatre en ririons-nous, mais d\u2019un rire qui aurait la puret\u00e9 d\u2019une \u00e9vidence enfin reconnue, tandis que celui qui vient apr\u00e8s coup, quand tout est d\u00e9j\u00e0 jou\u00e9, n\u2019est qu\u2019un sourire de convenance, tardif et mince, o\u00f9 l\u2019on sent qu\u2019on a voulu \u00eatre l\u00e9ger pour ne pas avoir \u00e0 \u00eatre juste.<\/p>\n
Je m\u2019\u00e9tais jusqu\u2019ici arr\u00eat\u00e9 au seul mot « repr\u00e9senter », comme si, l\u2019ayant \u00e9clair\u00e9, j\u2019avais pour autant dissip\u00e9 ce que sa famille de termes — « commerce », « \u00e9change » — tra\u00eenait d\u2019ombres autour de lui ; or ces mots-l\u00e0, dans notre maison, n\u2019\u00e9taient pas des abstractions d\u2019\u00e9cole mais des choses presque mat\u00e9rielles, avec leur odeur (\u00e2cre de disputes rentr\u00e9es, sucr\u00e9e de r\u00e9conciliations int\u00e9ress\u00e9es), leur grain (rude sur la langue quand il fallait les prononcer), et la honte bue jusqu\u2019\u00e0 la lie d\u2019avoir vu ce que repr\u00e9senter, commercer, \u00e9changer pouvaient produire de violence minuscule et quotidienne, de mesquinerie patiente autant que de brusques injonctions, si bien qu\u2019ils me sont rest\u00e9s \u00e0 jamais en travers, non que je n\u2019aie d\u00fb, plus d\u2019une fois, par simple n\u00e9cessit\u00e9 de vivre, endosser ces r\u00f4les dont je savais d\u2019avance qu\u2019ils me si\u00e9raient mal — le col me serrait, la manche me battait, je marchais de travers — au point qu\u2019\u00e0 la longue la place devenait intenable, parce que je ne savais plus lequel, du repr\u00e9sentant, du commer\u00e7ant ou de moi-m\u00eame, tenait la parole et lequel ne faisait que pr\u00eater sa voix ; et pourtant, si j\u2019essaie de comprendre sans me d\u00e9fausser ce malaise persistant, je reconnais qu\u2019il tient moins \u00e0 une moralit\u00e9 que je me serais donn\u00e9e qu\u2019\u00e0 une mani\u00e8re, propre au temps o\u00f9 j\u2019ai v\u00e9cu, d\u2019imaginer la « chose vraie » comme une marchandise rare qu\u2019on arracherait d\u2019autant plus jalousement au monde que tant d\u2019autres choses, partout, se r\u00e9v\u00e9laient fausses, et que mon refus, qui se croyait d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9, n\u2019\u00e9tait peut-\u00eatre que la forme scrupuleuse d\u2019un m\u00eame commerce avec l\u2019illusion, de sorte que tout mon effort aura consist\u00e9 non \u00e0 condamner ces mots mais \u00e0 me soustraire \u00e0 leur circulation — repr\u00e9senter, commercer, \u00e9changer — o\u00f9 l\u2019on finit, si l\u2019on n\u2019y prend garde, par \u00eatre \u00e0 son tour repr\u00e9sent\u00e9, marchand\u00e9, \u00e9chang\u00e9 \u00e0 la place de soi-m\u00eame.<\/p>", "content_text": " Il est des heures o\u00f9, sans rien d\u00e9cider encore et comme si l\u2019\u00e2me, laissant s\u2019ouvrir d\u2019elle-m\u00eame une porte que l\u2019habitude tenait close, revenait vers ce penchant si ancien que je n\u2019ai jamais su lui donner un autre nom que celui, si simple et pourtant si charg\u00e9 dans ma m\u00e9moire, de ne rien repr\u00e9senter ; et ce mot, qui pour d\u2019autres n\u2019est qu\u2019un terme d\u2019atelier, prend chez moi une r\u00e9sonance singuli\u00e8re, parce que mon p\u00e8re, repr\u00e9sentant de son \u00e9tat, avait inscrit dans notre langage domestique une ambigu\u00eft\u00e9 dont je me d\u00e9fiais, de sorte qu\u2019\u00e0 chaque fois que j\u2019entendais \u00ab repr\u00e9senter \u00bb je ne pouvais m\u2019emp\u00eacher d\u2019y entendre \u00e0 la fois la politesse des apparences et la fatigue d\u2019un m\u00e9tier, comme si, au moment m\u00eame o\u00f9 je refusais d\u2019orner mes toiles ou mes pages d\u2019une image trop prompte, je refusais aussi, sans l\u2019avouer, la r\u00e9p\u00e9tition d\u2019un geste filial ; car il m\u2019a sembl\u00e9 bien souvent que nous n\u2019h\u00e9ritons pas tant d\u2019objets ou d\u2019id\u00e9aux que d\u2019une mani\u00e8re d\u2019habiter les mots, et que c\u2019est cela, plus encore que les biens, qui p\u00e8se, et que j\u2019appellerais volontiers un anti-h\u00e9ritage, non point par esprit de d\u00e9fi mais parce que ce qui nous est transmis, si l\u2019on n\u2019y prend garde, nous repr\u00e9sente \u00e0 notre place. Lorsque vint le moment de vider la maison, je crus d\u2019abord que la d\u00e9cision serait ais\u00e9e, qu\u2019il suffirait de s\u00e9parer ce qui devait \u00eatre gard\u00e9 de ce qui pouvait \u00eatre donn\u00e9, mais chaque chose \u2014 l\u2019horloge qui battait un temps que nous n\u2019entendrions plus, les nappes repass\u00e9es dont l\u2019odeur \u00e9tait celle de dimanches \u00e9teints, les livres aux marges o\u00f9 survivait la patience d\u2019un regard \u2014 se mit \u00e0 parler d\u2019une voix douce et t\u00eatue, si bien qu\u2019il m\u2019\u00e9tait \u00e9galement impossible de garder et de jeter, et que m\u00eame la charit\u00e9, qui e\u00fbt pourtant d\u00e9livr\u00e9 ces objets de mon scrupule, me paraissait encore une mani\u00e8re de les d\u00e9savouer ; mon fr\u00e8re prit ce qu\u2019il jugea n\u00e9cessaire (et j\u2019en fus soulag\u00e9 comme on l\u2019est, les jours d\u2019orage, d\u2019un air soudain respirable), mais le reste, quoique vendu, partag\u00e9, dispers\u00e9, ne cessa pas de demeurer en moi, non comme un remords mais comme cette poussi\u00e8re claire qu\u2019on d\u00e9couvre le lendemain sur un meuble qu\u2019on croyait propre, signe que le temps, plus que la possession, a laiss\u00e9 son manteau sur nous. Et peut-\u00eatre ce refus de suivre une voie trac\u00e9e, que j\u2019aurais voulu croire lib\u00e9rateur, n\u2019\u00e9tait-il que la forme la plus obstin\u00e9e d\u2019une fid\u00e9lit\u00e9 dissimul\u00e9e, car il arrive que se d\u00e9tourner de la route des p\u00e8res soit encore se r\u00e9gler sur elle, avec l\u2019exactitude rev\u00eache de ceux qui, pour ne pas faire comme tout le monde, s\u2019astreignent plus durement que lui aux commandements de l\u2019esprit ; on oublie d\u2019ailleurs combien le cadre, le d\u00e9cor, l\u2019air du temps, qui semblent n\u2019\u00eatre rien, instruisent nos humeurs plus s\u00fbrement que notre corps m\u00eame, et qu\u2019une pens\u00e9e que nous croyons n\u00f4tre n\u2019est bien souvent qu\u2019une alliance de souvenirs et de rencontres, ces co\u00efncidences qu\u2019un regard trop press\u00e9 tient pour du hasard alors qu\u2019elles sont, au contraire, les rendez-vous pris par des causes anciennes. De l\u00e0 vient qu\u2019on rejette un jour, sans savoir pourquoi, le plus proche, le semblable, comme si la ressemblance nous exposait \u00e0 une lumi\u00e8re trop crue, et qu\u2019on cherche, dans l\u2019ext\u00e9rieur, l\u2019\u00e9tranger, non pas une nouveaut\u00e9 v\u00e9ritable mais le d\u00e9tour gr\u00e2ce auquel on supportera de se retrouver ; si l\u2019on connaissait le secret de ce mouvement qui nous emporte, peut-\u00eatre en ririons-nous, mais d\u2019un rire qui aurait la puret\u00e9 d\u2019une \u00e9vidence enfin reconnue, tandis que celui qui vient apr\u00e8s coup, quand tout est d\u00e9j\u00e0 jou\u00e9, n\u2019est qu\u2019un sourire de convenance, tardif et mince, o\u00f9 l\u2019on sent qu\u2019on a voulu \u00eatre l\u00e9ger pour ne pas avoir \u00e0 \u00eatre juste. --- Je m\u2019\u00e9tais jusqu\u2019ici arr\u00eat\u00e9 au seul mot \u00ab repr\u00e9senter \u00bb, comme si, l\u2019ayant \u00e9clair\u00e9, j\u2019avais pour autant dissip\u00e9 ce que sa famille de termes \u2014 \u00ab commerce \u00bb, \u00ab \u00e9change \u00bb \u2014 tra\u00eenait d\u2019ombres autour de lui ; or ces mots-l\u00e0, dans notre maison, n\u2019\u00e9taient pas des abstractions d\u2019\u00e9cole mais des choses presque mat\u00e9rielles, avec leur odeur (\u00e2cre de disputes rentr\u00e9es, sucr\u00e9e de r\u00e9conciliations int\u00e9ress\u00e9es), leur grain (rude sur la langue quand il fallait les prononcer), et la honte bue jusqu\u2019\u00e0 la lie d\u2019avoir vu ce que repr\u00e9senter, commercer, \u00e9changer pouvaient produire de violence minuscule et quotidienne, de mesquinerie patiente autant que de brusques injonctions, si bien qu\u2019ils me sont rest\u00e9s \u00e0 jamais en travers, non que je n\u2019aie d\u00fb, plus d\u2019une fois, par simple n\u00e9cessit\u00e9 de vivre, endosser ces r\u00f4les dont je savais d\u2019avance qu\u2019ils me si\u00e9raient mal \u2014 le col me serrait, la manche me battait, je marchais de travers \u2014 au point qu\u2019\u00e0 la longue la place devenait intenable, parce que je ne savais plus lequel, du repr\u00e9sentant, du commer\u00e7ant ou de moi-m\u00eame, tenait la parole et lequel ne faisait que pr\u00eater sa voix ; et pourtant, si j\u2019essaie de comprendre sans me d\u00e9fausser ce malaise persistant, je reconnais qu\u2019il tient moins \u00e0 une moralit\u00e9 que je me serais donn\u00e9e qu\u2019\u00e0 une mani\u00e8re, propre au temps o\u00f9 j\u2019ai v\u00e9cu, d\u2019imaginer la \u00ab chose vraie \u00bb comme une marchandise rare qu\u2019on arracherait d\u2019autant plus jalousement au monde que tant d\u2019autres choses, partout, se r\u00e9v\u00e9laient fausses, et que mon refus, qui se croyait d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9, n\u2019\u00e9tait peut-\u00eatre que la forme scrupuleuse d\u2019un m\u00eame commerce avec l\u2019illusion, de sorte que tout mon effort aura consist\u00e9 non \u00e0 condamner ces mots mais \u00e0 me soustraire \u00e0 leur circulation \u2014 repr\u00e9senter, commercer, \u00e9changer \u2014 o\u00f9 l\u2019on finit, si l\u2019on n\u2019y prend garde, par \u00eatre \u00e0 son tour repr\u00e9sent\u00e9, marchand\u00e9, \u00e9chang\u00e9 \u00e0 la place de soi-m\u00eame. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/71ixvllcz4l__uf1000_1000_ql80__1_.jpg?1761290652", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation", "Ateliers d'\u00e9criture"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-octobre-2025.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-octobre-2025.html", "title": "23 octobre 2025", "date_published": "2025-10-23T06:26:19Z", "date_modified": "2025-10-23T06:43:44Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Adorno s\u2019amuse \u00e0 regarder les signes de ponctuation comme des petites figures avec une t\u00eate et un caract\u00e8re : le point d\u2019exclamation qui l\u00e8ve le doigt, le point-virgule moustachu, les guillemets qui se l\u00e8chent les babines. Pour lui, ce ne sont pas que des outils de grammaire, mais des gestes qui r\u00e8glent la respiration du texte, presque comme des indications musicales. Comma = demi-cadence, point = cadence parfaite : la phrase rejoue de la musique sans le dire. Il taille un costard aux points d\u2019exclamation : jadis \u00e9lan, aujourd\u2019hui posture d\u2019autorit\u00e9 — du bruit typographique qui essaie d\u2019imposer l\u2019emphase de l\u2019ext\u00e9rieur. Les avant-gardes en ont abus\u00e9, signe d\u2019une envie d\u2019effet plus que d\u2019un v\u00e9ritable travail de la langue. Le tiret (le vrai, pas le gadget suspensif) marque la cassure utile : il accepte la discontinuit\u00e9 quand deux id\u00e9es se regardent sans vraiment se toucher. Theodor Storm en a fait un art discret ; ses tirets sont des rides qui creusent le r\u00e9cit et ouvrent une distance. Il d\u00e9fend le point-virgule — oui, ce grand malade : sa disparition signale qu\u2019on ne sait plus tenir une p\u00e9riode ample, articul\u00e9e, respirant large. \u00c0 force de tout couper court, la prose capitule devant le simple “constat” et perd sa capacit\u00e9 critique. C\u00f4t\u00e9 parenth\u00e8ses : mieux vaut des tirets pour int\u00e9grer le digressif sans l\u2019exiler ; mais il pardonne \u00e0 Proust ses vraies parenth\u00e8ses, parce que, chez lui, l\u2019incise devient fleuve — il faut des digues solides pour que l\u2019\u00e9difice ne d\u00e9borde pas. Les guillemets ironiques ? \u00c0 proscrire : juger un mot “\u00e0 distance” en le mettant entre crochets typographiques, c\u2019est refuser de faire le boulot dans la phrase elle-m\u00eame. Et les points de suspension en mode ambiance\u2026 typiquement le cache-mis\u00e8re d\u2019une profondeur suppos\u00e9e. \nConclusion d\u2019Adorno<\/strong> : on ne gagne jamais compl\u00e8tement avec la ponctuation — r\u00e8gles trop raides d\u2019un c\u00f4t\u00e9, caprices expressifs de l\u2019autre. Alors on vise l\u2019asc\u00e8se : mieux vaut trop peu que trop, mais intentionnel \u00e0 chaque signe, comme un musicien qui sait quand oser la dissonance<\/p>\n Bruce Andrews<\/a> soutient que lire Gertrude Stein, c\u2019est l\u00e2cher l\u2019id\u00e9e que les mots “repr\u00e9sentent” : la langue agit directement, par sons et rythmes, en d\u00e9traquant grammaire, r\u00e9cit et expression de soi. La lecture devient une exp\u00e9rience physique et imm\u00e9diate qui nous d\u00e9soriente, fissure l\u2019ego et remplace l\u2019analyse distante par une contagion sensorielle. La “pr\u00e9sence” na\u00eet de micro-chocs mat\u00e9riels des mots : on se fait litt\u00e9ralement proth\u00e8se du texte, emport\u00e9 par ses acc\u00e9l\u00e9rations. Plut\u00f4t qu\u2019expliquer ou contextualiser, il faut accueillir cette \u00e9nergie — plaisir, surprise, excitation — comme une pratique de transformation du lecteur.<\/p>",
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"title": "22 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-22T06:15:07Z",
"date_modified": "2025-10-22T07:31:32Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Vu la vid\u00e9o de F. B. hier soir et j\u2019ai \u00e9crit sept petits textes d\u2019affil\u00e9e que j\u2019ai rang\u00e9s pour l\u2019instant dans la rubrique Ateliers. Encore une fois, il faut que je parle de l\u2019intention. Quelle intention \u00e9tait \u00e0 cet instant la plus forte ? Me d\u00e9barrasser une premi\u00e8re fois de l\u2019exercice, puis, comme je le fais souvent, y revenir, comme on dit que l\u2019assassin revient toujours sur les lieux de son crime. Ensuite, lever la main pour dire « je sais » alors qu\u2019il y a probablement de grandes chances que ce soit tout le contraire. Dans ce cas, l\u2019intention, encore une fois, d\u2019appara\u00eetre parfaitement ridicule. Il se peut aussi que cela ait un rapport avec le mot sept comme avec le mot r\u00eaves. \u00c9tant donn\u00e9 que j\u2019ai vraiment cette sensation p\u00e9nible d\u2019\u00eatre dans une suite incessante de r\u00eaves s\u2019embo\u00eetant les uns dans les autres comme des poup\u00e9es russes. \u00c0 chaque fois, l\u2019illusion d\u2019entrer dans un nouveau r\u00eave me procure une sorte de joie tr\u00e8s vite contrari\u00e9e par l\u2019\u00e9troitesse que propose la lucidit\u00e9 quant \u00e0 l\u2019\u00e9troitesse des parois de ce nouveau d\u00e9cor onirique. C\u2019est-\u00e0-dire que, plus le r\u00eave avance, plus il faut se courber, se mettre \u00e0 quatre pattes dans les passages interm\u00e9diaires, sortes de boyaux naus\u00e9abonds, qui souvent inspirent l\u2019effroi, parce qu\u2019on imagine facilement qu\u2019il ne s\u2019agit de rien d\u2019autre que d\u2019impasses. Et qu\u2019on peut y rester bloqu\u00e9 durant des ann\u00e9es. Cela, pour l\u2019avoir d\u00e9j\u00e0 vu ou v\u00e9cu, peut-\u00eatre dix, cent, mille fois. La solution est alors d\u2019ob\u00e9ir \u00e0 l\u2019injonction inconsciente en premier lieu : \u00e9crire ce qui vient, dict\u00e9 par cette urgence loufoque. Ensuite, il se peut que le publier soit pour s\u2019en d\u00e9barrasser, comme on retourne un tableau contre un mur pour ne plus le voir, se laver les yeux. \u00c0 ce stade, je ne pense pas que l\u2019envie de lever un doigt, d\u2019\u00eatre bon \u00e9l\u00e8ve, soit le propos. J\u2019ai toujours eu une sorte de haine visc\u00e9rale pour les « bons \u00e9l\u00e8ves ». Ensuite, je me suis demand\u00e9 : une fois qu\u2019on a cette mati\u00e8re plein les mains, qu\u2019en fait-on ? Et l\u00e0, j\u2019ai interverti l\u2019ordre des textes, pour commencer. Je ne sais pas du tout o\u00f9 \u00e7a m\u00e8ne. Sans doute \u00e0 une impression de mouvement qui se dissipera devant une autre, comme d\u2019habitude.<\/p>\n Pour en revenir au code il suffisait d’aller regarder les statistiques et logs sur le site de l’h\u00e9bergeur. Pas difficile de comprendre qu’un robot r\u00e9f\u00e9renceur s’\u00e9tait balad\u00e9 dans tout le site et avait touch\u00e9 4100 articles en une journ\u00e9e. La solution \u00e9tait donc de le temp\u00e9rer en ajoutant deux lignes de code sur le robot.txt\n:User-agent : AhrefsBot\nCrawl-delay : 5<\/strong>\n\u00e0 suivre...<\/p>",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-octobre-2025.html",
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"date_published": "2025-10-21T04:24:00Z",
"date_modified": "2025-10-21T07:44:54Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " J\u2019ai tent\u00e9 de saisir les premi\u00e8res images hypnagogiques surgissant derri\u00e8re mes paupi\u00e8res, mais le produit anesth\u00e9sique m\u2019a pris de vitesse ; au moment m\u00eame o\u00f9 j\u2019essayais de tirer parti de la mauvaise posture dans laquelle je me trouvais, je crois l\u2019avoir juste effleur\u00e9 et puis plus rien, noir total — ou plut\u00f4t blanc total —, car les lumi\u00e8res que je fixais \u00e0 cet instant pr\u00e9cis \u00e9taient totalement aveuglantes. Dommage. J\u2019aurais aim\u00e9 voir appara\u00eetre les falaises d\u2019\u00c9tretat. Il para\u00eetrait qu\u2019elles, ainsi que tout le calcaire de la c\u00f4te environnante, sont constitu\u00e9s de fossiles v\u00e9g\u00e9taux et animaux, peut-\u00eatre m\u00eame de fossiles remontant \u00e0 bien au-del\u00e0 de ce que nous savons reconna\u00eetre \u00e0 pr\u00e9sent comme des fossiles « classiques ». Mais la science ne peut pas trouver ce qu\u2019elle est incapable d\u2019imaginer. Les faits, rien que les faits, toujours les faits, et qui vont dans le sens d\u2019un narratif b\u00e9tonn\u00e9 depuis\u2026 la naissance de la science. Quand je me suis r\u00e9veill\u00e9, il y avait un plafond cr\u00e8me au-dessus de ma t\u00eate, un plafond assez laid, si toutefois on peut \u00e9mettre des avis esth\u00e9tiques \u00e0 l\u2019h\u00f4pital. Et pourquoi ne le pourrait-on pas, comme dans les toilettes turques d\u2019une pizzeria, au demeurant fameuse, de la rue Franklin \u00e0 Lyon. D\u00e9gueulasse, ce d\u00e9cor, m\u2019\u00e9tais-je ainsi surpris \u00e0 penser tout haut apr\u00e8s avoir savour\u00e9 une des meilleures pizzas de ma vie. Vie qui est ainsi faite : le pire et le meilleur se c\u00f4toyant sans cesse. Il para\u00eet aussi — je l\u2019ai lu dans une chronique de jenesaispluso\u00f9 — que l\u2019univers n\u2019a pas seulement de l\u2019humour, il serait aussi conscient. Et \u00e0 part \u00e7a, \u00e0 part le plafond cr\u00e8me, les toilettes \u00e0 la turque et l\u2019univers, je ne trouve gu\u00e8re d\u2019autre sujet pour continuer ce billet d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s ennuyeux. Mais si on ne pointe pas l\u2019ennui, comment savoir qu\u2019il s\u2019agit d\u2019ennui ? Encore une journ\u00e9e d\u2019ennui travers\u00e9e. Mais ce dont je suis \u00e0 peu pr\u00e8s certain, c\u2019est qu\u2019il n\u2019y a pas que l\u2019univers dans la vie<\/em> ; je ne sais m\u00eame plus o\u00f9 j\u2019ai relev\u00e9 cette phrase, il est imp\u00e9ratif que je me donne \u00e0 fond dans l\u2019entra\u00eenement au r\u00eave lucide, car j\u2019ai bien peur que l\u2019Alzheimer me guette. <\/p>\n Toutefois, en fin de journ\u00e9e, un peu de code ne peut pas faire de mal. Mon h\u00e9bergeur m\u2019avertit par email qu\u2019ils ont bloqu\u00e9 1 200 requ\u00eates vers mon site et qu\u2019il faut que je fasse de toute urgence quelque chose<\/em>, sinon, il se pourrait que mon site subisse des ralentissements, voire qu\u2019il soit mis hors service\u2026 Une simple histoire de cache et des boucles un peu plus resserr\u00e9es feront sans doute l\u2019affaire, et, pour le moment, je n\u2019ob\u00e9irai pas \u00e0 l\u2019injonction de m\u2019abonner \u00e0 leur service Webcloud. Surtout qu\u2019il y a de \u00e7a plusieurs mois, ne les avais-je pas interrog\u00e9s sur la possibilit\u00e9 qu\u2019ils puissent bloquer ainsi le site s\u2019ils voyaient des requ\u00eates affluer ? Que nenni, m\u2019avaient-ils r\u00e9pondu\u2026 Donc je subodore presque une sorte de strat\u00e9gie mercantile de leur part en envoyant ce genre de missive, et je pr\u00e9f\u00e8re retrousser les manches, soulever le capot, me salir les mains, seul.<\/p>",
"content_text": " J\u2019ai tent\u00e9 de saisir les premi\u00e8res images hypnagogiques surgissant derri\u00e8re mes paupi\u00e8res, mais le produit anesth\u00e9sique m\u2019a pris de vitesse ; au moment m\u00eame o\u00f9 j\u2019essayais de tirer parti de la mauvaise posture dans laquelle je me trouvais, je crois l\u2019avoir juste effleur\u00e9 et puis plus rien, noir total \u2014 ou plut\u00f4t blanc total \u2014, car les lumi\u00e8res que je fixais \u00e0 cet instant pr\u00e9cis \u00e9taient totalement aveuglantes. Dommage. J\u2019aurais aim\u00e9 voir appara\u00eetre les falaises d\u2019\u00c9tretat. Il para\u00eetrait qu\u2019elles, ainsi que tout le calcaire de la c\u00f4te environnante, sont constitu\u00e9s de fossiles v\u00e9g\u00e9taux et animaux, peut-\u00eatre m\u00eame de fossiles remontant \u00e0 bien au-del\u00e0 de ce que nous savons reconna\u00eetre \u00e0 pr\u00e9sent comme des fossiles \u00ab classiques \u00bb. Mais la science ne peut pas trouver ce qu\u2019elle est incapable d\u2019imaginer. Les faits, rien que les faits, toujours les faits, et qui vont dans le sens d\u2019un narratif b\u00e9tonn\u00e9 depuis\u2026 la naissance de la science. Quand je me suis r\u00e9veill\u00e9, il y avait un plafond cr\u00e8me au-dessus de ma t\u00eate, un plafond assez laid, si toutefois on peut \u00e9mettre des avis esth\u00e9tiques \u00e0 l\u2019h\u00f4pital. Et pourquoi ne le pourrait-on pas, comme dans les toilettes turques d\u2019une pizzeria, au demeurant fameuse, de la rue Franklin \u00e0 Lyon. D\u00e9gueulasse, ce d\u00e9cor, m\u2019\u00e9tais-je ainsi surpris \u00e0 penser tout haut apr\u00e8s avoir savour\u00e9 une des meilleures pizzas de ma vie. Vie qui est ainsi faite : le pire et le meilleur se c\u00f4toyant sans cesse. Il para\u00eet aussi \u2014 je l\u2019ai lu dans une chronique de jenesaispluso\u00f9 \u2014 que l\u2019univers n\u2019a pas seulement de l\u2019humour, il serait aussi conscient. Et \u00e0 part \u00e7a, \u00e0 part le plafond cr\u00e8me, les toilettes \u00e0 la turque et l\u2019univers, je ne trouve gu\u00e8re d\u2019autre sujet pour continuer ce billet d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s ennuyeux. Mais si on ne pointe pas l\u2019ennui, comment savoir qu\u2019il s\u2019agit d\u2019ennui ? Encore une journ\u00e9e d\u2019ennui travers\u00e9e. Mais ce dont je suis \u00e0 peu pr\u00e8s certain, *c\u2019est qu\u2019il n\u2019y a pas que l\u2019univers dans la vie* ; je ne sais m\u00eame plus o\u00f9 j\u2019ai relev\u00e9 cette phrase, il est imp\u00e9ratif que je me donne \u00e0 fond dans l\u2019entra\u00eenement au r\u00eave lucide, car j\u2019ai bien peur que l\u2019Alzheimer me guette. --- Toutefois, en fin de journ\u00e9e, un peu de code ne peut pas faire de mal. Mon h\u00e9bergeur m\u2019avertit par email qu\u2019ils ont bloqu\u00e9 1 200 requ\u00eates vers mon site et qu\u2019*il faut que je fasse de toute urgence quelque chose*, sinon, il se pourrait que mon site subisse des ralentissements, voire qu\u2019il soit mis hors service\u2026 Une simple histoire de cache et des boucles un peu plus resserr\u00e9es feront sans doute l\u2019affaire, et, pour le moment, je n\u2019ob\u00e9irai pas \u00e0 l\u2019injonction de m\u2019abonner \u00e0 leur service Webcloud. Surtout qu\u2019il y a de \u00e7a plusieurs mois, ne les avais-je pas interrog\u00e9s sur la possibilit\u00e9 qu\u2019ils puissent bloquer ainsi le site s\u2019ils voyaient des requ\u00eates affluer ? Que nenni, m\u2019avaient-ils r\u00e9pondu\u2026 Donc je subodore presque une sorte de strat\u00e9gie mercantile de leur part en envoyant ce genre de missive, et je pr\u00e9f\u00e8re retrousser les manches, soulever le capot, me salir les mains, seul. ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-ocotbre-2025.html",
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"title": "20 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-19T23:53:17Z",
"date_modified": "2025-10-20T06:39:50Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " L\u2019accumulation des r\u00eaves lucides de ces derniers jours semble corr\u00e9l\u00e9e \u00e0 la nourriture, notamment aux soupes maison<\/em> que je confectionne. En effet, certains l\u00e9gumes riches en vitamine B6, tels que la carotte et la pomme de terre, en contiennent. Int\u00e9ressant aussi de constater que, pour ne rien perdre des vertus de la B6, il est pr\u00e9f\u00e9rable de mixer la soupe, ce que je fais naturellement. \u00c0 noter aussi la consommation de l\u00e9gumineuses comme les lentilles et les pois chiches, et, en ce moment, des ch\u00e2taignes. Mais c\u2019est certainement le poulet qui en contient le plus (environ 0,5 \u00e0 0,6 mg de B6 pour 100 g cuits, soit pr\u00e8s d\u2019un tiers des besoins journaliers ; le foie de volaille monte encore plus haut). Tout ceci d\u00e9coulant des ennuis dentaires, \u00e9videmment. Un mal pour un bien, comme on dit.\nJe note aussi que, au-del\u00e0 de la B6, certaines \u00e9pices que j\u2019utilise ces temps-ci — romarin, sauge, curcuma — pourraient jouer un r\u00f4le d\u2019arri\u00e8re-plan : leurs compos\u00e9s ralentiraient l\u00e9g\u00e8rement la d\u00e9gradation de l\u2019ac\u00e9tylcholine (rien \u00e0 voir avec la force d\u2019une galantamine, mais assez pour compter au quotidien). Et puis il y a les \u0153ufs, riches en choline, ce pr\u00e9curseur de l\u2019ac\u00e9tylcholine qui nourrit la machinerie elle-m\u00eame. Disons que la cuisine fait sa part : elle ne “provoque” pas la lucidit\u00e9, mais elle pr\u00e9pare le terrain, et le terrain aide — surtout quand je combine \u00e7a avec mes routines de r\u00e9veil l\u00e9ger et de prise de notes au matin.<\/p>\n J\u2019\u00e9cris ces lignes dans la nuit du dix-neuf au vingt octobre ; je n\u2019aurai pas la possibilit\u00e9 d\u2019\u00e9crire beaucoup demain puisque je dois me rendre \u00e0 l\u2019h\u00f4pital pour une intervention (b\u00e9nigne). Ensuite, si tout va bien, le prochain rendez-vous m\u00e9dical sera au mois de d\u00e9cembre, ce qui me laissera un peu de r\u00e9pit.<\/p>\n Je r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 tous ces textes et \u00e0 la forme, aux formes dans lesquelles les organiser. Aujourd\u2019hui, j\u2019ai pu am\u00e9liorer le flipbook — Livre \u00e0 feuilleter — associ\u00e9 aux diff\u00e9rents mots-cl\u00e9s du site. Notamment la table des mati\u00e8res, qui d\u00e9sormais fonctionne correctement, bien que la mise en page ne me satisfasse pas encore compl\u00e8tement. Lorsque je vois l\u2019\u00e9tendue de mon ignorance en mati\u00e8re d\u2019outils informatiques, il arrive que je me d\u00e9prime. Plus je d\u00e9couvre, plus je m\u2019enfonce dans l\u2019inconnu : \u00e0 la fois excitant et d\u00e9primant, car l\u2019horloge tourne ; je me dis : pourquoi ne t\u2019es-tu pas int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 tout cela plus t\u00f4t ? Et pourtant c\u2019est un plaisir, toujours, presque charnel, de se gratter les cro\u00fbtes. Je crois que ce fonctionnement remonte \u00e0 l\u2019origine du monde — ou de moi —, ce qui est globalement une sorte de pl\u00e9onasme. Cela fait aussi r\u00e9fl\u00e9chir sur la notion de monde et de moi. Ce qui, en outre, permet certaines perspectives in\u00e9dites sur la mani\u00e8re de d\u00e9placer le point d\u2019assemblage, c\u2019est-\u00e0-dire cette soi-disant s\u00e9paration entre le monde et soi.<\/p>\n De l\u00e0, s\u2019engouffrer dans la fiction corps et \u00e2me. Car, ainsi que le dit Conrad, l\u2019imagination peut aller beaucoup plus loin dans la r\u00e9flexion que la r\u00e9flexion seule. Cependant, il est terriblement difficile de s\u2019y engouffrer comme je le voudrais. L\u2019ennemi principal est le d\u00e9rangement : ne jamais \u00eatre certain d\u2019avoir quelques heures de r\u00e9pit devant soi. La contingence est r\u00e9solument l\u2019ennemie num\u00e9ro un. Et, en m\u00eame temps que j\u2019\u00e9cris ces mots, je sens bien que c\u2019est faux : ce n\u2019est pas ainsi, de mani\u00e8re binaire, que se produit l\u2019\u00e9v\u00e9nement. La contrainte permet aussi de mieux utiliser le temps, une fois certain que nous n\u2019en avons pas beaucoup : une fen\u00eatre spatio-temporelle pour s\u2019engouffrer dans l\u2019onirisme de tout son saoul, r\u00eaver, \u00e9crire des fictions.<\/p>\n illustration<\/strong> Salvador Dali, le bateau papillon<\/p>",
"content_text": " L\u2019accumulation des r\u00eaves lucides de ces derniers jours semble corr\u00e9l\u00e9e \u00e0 la nourriture, notamment aux soupes *maison* que je confectionne. En effet, certains l\u00e9gumes riches en vitamine B6, tels que la carotte et la pomme de terre, en contiennent. Int\u00e9ressant aussi de constater que, pour ne rien perdre des vertus de la B6, il est pr\u00e9f\u00e9rable de mixer la soupe, ce que je fais naturellement. \u00c0 noter aussi la consommation de l\u00e9gumineuses comme les lentilles et les pois chiches, et, en ce moment, des ch\u00e2taignes. Mais c\u2019est certainement le poulet qui en contient le plus (environ 0,5 \u00e0 0,6 mg de B6 pour 100 g cuits, soit pr\u00e8s d\u2019un tiers des besoins journaliers ; le foie de volaille monte encore plus haut). Tout ceci d\u00e9coulant des ennuis dentaires, \u00e9videmment. Un mal pour un bien, comme on dit. Je note aussi que, au-del\u00e0 de la B6, certaines \u00e9pices que j\u2019utilise ces temps-ci \u2014 romarin, sauge, curcuma \u2014 pourraient jouer un r\u00f4le d\u2019arri\u00e8re-plan : leurs compos\u00e9s ralentiraient l\u00e9g\u00e8rement la d\u00e9gradation de l\u2019ac\u00e9tylcholine (rien \u00e0 voir avec la force d\u2019une galantamine, mais assez pour compter au quotidien). Et puis il y a les \u0153ufs, riches en choline, ce pr\u00e9curseur de l\u2019ac\u00e9tylcholine qui nourrit la machinerie elle-m\u00eame. Disons que la cuisine fait sa part : elle ne \u201cprovoque\u201d pas la lucidit\u00e9, mais elle pr\u00e9pare le terrain, et le terrain aide \u2014 surtout quand je combine \u00e7a avec mes routines de r\u00e9veil l\u00e9ger et de prise de notes au matin. J\u2019\u00e9cris ces lignes dans la nuit du dix-neuf au vingt octobre ; je n\u2019aurai pas la possibilit\u00e9 d\u2019\u00e9crire beaucoup demain puisque je dois me rendre \u00e0 l\u2019h\u00f4pital pour une intervention (b\u00e9nigne). Ensuite, si tout va bien, le prochain rendez-vous m\u00e9dical sera au mois de d\u00e9cembre, ce qui me laissera un peu de r\u00e9pit. Je r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 tous ces textes et \u00e0 la forme, aux formes dans lesquelles les organiser. Aujourd\u2019hui, j\u2019ai pu am\u00e9liorer le flipbook \u2014 Livre \u00e0 feuilleter \u2014 associ\u00e9 aux diff\u00e9rents mots-cl\u00e9s du site. Notamment la table des mati\u00e8res, qui d\u00e9sormais fonctionne correctement, bien que la mise en page ne me satisfasse pas encore compl\u00e8tement. Lorsque je vois l\u2019\u00e9tendue de mon ignorance en mati\u00e8re d\u2019outils informatiques, il arrive que je me d\u00e9prime. Plus je d\u00e9couvre, plus je m\u2019enfonce dans l\u2019inconnu : \u00e0 la fois excitant et d\u00e9primant, car l\u2019horloge tourne ; je me dis : pourquoi ne t\u2019es-tu pas int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 tout cela plus t\u00f4t ? Et pourtant c\u2019est un plaisir, toujours, presque charnel, de se gratter les cro\u00fbtes. Je crois que ce fonctionnement remonte \u00e0 l\u2019origine du monde \u2014 ou de moi \u2014, ce qui est globalement une sorte de pl\u00e9onasme. Cela fait aussi r\u00e9fl\u00e9chir sur la notion de monde et de moi. Ce qui, en outre, permet certaines perspectives in\u00e9dites sur la mani\u00e8re de d\u00e9placer le point d\u2019assemblage, c\u2019est-\u00e0-dire cette soi-disant s\u00e9paration entre le monde et soi. De l\u00e0, s\u2019engouffrer dans la fiction corps et \u00e2me. Car, ainsi que le dit Conrad, l\u2019imagination peut aller beaucoup plus loin dans la r\u00e9flexion que la r\u00e9flexion seule. Cependant, il est terriblement difficile de s\u2019y engouffrer comme je le voudrais. L\u2019ennemi principal est le d\u00e9rangement : ne jamais \u00eatre certain d\u2019avoir quelques heures de r\u00e9pit devant soi. La contingence est r\u00e9solument l\u2019ennemie num\u00e9ro un. Et, en m\u00eame temps que j\u2019\u00e9cris ces mots, je sens bien que c\u2019est faux : ce n\u2019est pas ainsi, de mani\u00e8re binaire, que se produit l\u2019\u00e9v\u00e9nement. La contrainte permet aussi de mieux utiliser le temps, une fois certain que nous n\u2019en avons pas beaucoup : une fen\u00eatre spatio-temporelle pour s\u2019engouffrer dans l\u2019onirisme de tout son saoul, r\u00eaver, \u00e9crire des fictions. **illustration** Salvador Dali, le bateau papillon ",
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"title": "19 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-19T04:58:42Z",
"date_modified": "2025-10-19T04:58:42Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " assumer la r\u00e9tractation<\/strong><\/p>\n Par curiosit\u00e9, je suis all\u00e9 voir l\u2019\u00e9tymologie de « suffoquer » : du latin suffocare, sub- (« sous ») et focare (« exposer \u00e0 la chaleur », de focus). D\u2019abord « \u00e9touffer par la fum\u00e9e », puis « priver d\u2019air », enfin « troubler, oppresser ». Cela m\u2019a ramen\u00e9 \u00e0 l\u2019enfance, aux jeudis et dimanches trop longs o\u00f9 nous braquions le soleil dans une loupe pour voir l\u2019herbe gr\u00e9siller, noircir, s\u2019embraser, pendant que l\u2019ennui commen\u00e7ait, lui, \u00e0 suffoquer. De cette petite combustion \u00e0 une plus vaste, le m\u00e9canisme tient : une chaleur se concentre, l\u2019air se rar\u00e9fie, puis vient l\u2019inflammation. Peut-\u00eatre que l\u2019empilement des taxes et des injustices, cette convergence obstin\u00e9e sur les plus vuln\u00e9rables, produira le m\u00eame effet et fera lever une parole qui dise clairement non. Par « peuple », j\u2019entends l\u2019ensemble dispers\u00e9 des vies ordinaires aux contraintes communes, non un bloc mythique. Reste \u00e0 savoir si cet ensemble tient encore : je vois surtout des communaut\u00e9s, des chapelles qui s\u2019oxyg\u00e8nent entre elles et s\u2019\u00e9touffent entre elles, comme un budget sans recettes d\u2019air. \u00c0 ce point, on voit bien ce qu\u2019il manque : non une manne providentielle, mais faire quelque chose qui change quelque chose. « Travailler » se glisse aussit\u00f4t, et ne dit rien ; produire — de l\u2019usage, du commun — semblerait moins vain. Aussit\u00f4t \u00e9crits, ces mots m\u2019appauvrissent encore. L\u2019individualisme qui me gouverne — comme, je le crains, nous tous — m\u2019inciterait \u00e0 tout raturer, \u00e0 feindre une douleur, un regret, un remords, pour tromper le m\u00eame vieil ennemi. Et voil\u00e0 : une parole qui s\u2019avance en sachant qu\u2019elle retiendra son souffle.<\/p>\n Tenir l’appel<\/strong><\/p>\n Par curiosit\u00e9, je suis all\u00e9 voir l\u2019\u00e9tymologie de « suffoquer » : du latin suffocare, « \u00e9touffer par la fum\u00e9e », puis « priver d\u2019air », enfin « oppresser ». L\u2019image m\u2019a renvoy\u00e9 \u00e0 l\u2019enfance : la loupe, l\u2019herbe qui gr\u00e9sille, le point de chaleur qui concentre la lumi\u00e8re jusqu\u2019\u00e0 l\u2019embrasement, et l\u2019ennui qui, un instant, suffoque. Le m\u00e9canisme est simple : la chaleur se concentre, l\u2019air se rar\u00e9fie, vient l\u2019inflammation. Aujourd\u2019hui, l\u2019accumulation des taxes et des injustices concentre \u00e0 son tour : l\u2019iniquit\u00e9 converge sur les plus vuln\u00e9rables. Peut-\u00eatre cela suffira-t-il \u00e0 faire lever une parole qui dise non. Par « peuple », j\u2019appelle l\u2019ensemble dispers\u00e9 des vies ordinaires, pas un bloc mythique. Tient-il encore ? Je vois surtout des chapelles, antagonistes, qui ferment l\u2019air comme on ferme un budget sans recettes. Ce qui manque n\u2019est pas la manne : c\u2019est faire quelque chose qui ouvre l\u2019oxyg\u00e8ne commun. « Travailler » ne r\u00e9pond pas \u00e0 la faille ; produire — de la valeur d\u2019usage, des lieux, des liens — y r\u00e9pond mieux. \u00c9crire ces mots m\u2019expose \u00e0 leur appauvrissement, je le sais, mais je ne les rature pas. Qu\u2019ils fassent au moins ce qu\u2019ils disent : rouvrir un peu d\u2019air, assez pour un nous t\u00e9nu qui ne s\u2019\u00e9touffe pas.<\/p>",
"content_text": " **assumer la r\u00e9tractation** Par curiosit\u00e9, je suis all\u00e9 voir l\u2019\u00e9tymologie de \u00ab suffoquer \u00bb : du latin suffocare, sub- (\u00ab sous \u00bb) et focare (\u00ab exposer \u00e0 la chaleur \u00bb, de focus). D\u2019abord \u00ab \u00e9touffer par la fum\u00e9e \u00bb, puis \u00ab priver d\u2019air \u00bb, enfin \u00ab troubler, oppresser \u00bb. Cela m\u2019a ramen\u00e9 \u00e0 l\u2019enfance, aux jeudis et dimanches trop longs o\u00f9 nous braquions le soleil dans une loupe pour voir l\u2019herbe gr\u00e9siller, noircir, s\u2019embraser, pendant que l\u2019ennui commen\u00e7ait, lui, \u00e0 suffoquer. De cette petite combustion \u00e0 une plus vaste, le m\u00e9canisme tient : une chaleur se concentre, l\u2019air se rar\u00e9fie, puis vient l\u2019inflammation. Peut-\u00eatre que l\u2019empilement des taxes et des injustices, cette convergence obstin\u00e9e sur les plus vuln\u00e9rables, produira le m\u00eame effet et fera lever une parole qui dise clairement non. Par \u00ab peuple \u00bb, j\u2019entends l\u2019ensemble dispers\u00e9 des vies ordinaires aux contraintes communes, non un bloc mythique. Reste \u00e0 savoir si cet ensemble tient encore : je vois surtout des communaut\u00e9s, des chapelles qui s\u2019oxyg\u00e8nent entre elles et s\u2019\u00e9touffent entre elles, comme un budget sans recettes d\u2019air. \u00c0 ce point, on voit bien ce qu\u2019il manque : non une manne providentielle, mais faire quelque chose qui change quelque chose. \u00ab Travailler \u00bb se glisse aussit\u00f4t, et ne dit rien ; produire \u2014 de l\u2019usage, du commun \u2014 semblerait moins vain. Aussit\u00f4t \u00e9crits, ces mots m\u2019appauvrissent encore. L\u2019individualisme qui me gouverne \u2014 comme, je le crains, nous tous \u2014 m\u2019inciterait \u00e0 tout raturer, \u00e0 feindre une douleur, un regret, un remords, pour tromper le m\u00eame vieil ennemi. Et voil\u00e0 : une parole qui s\u2019avance en sachant qu\u2019elle retiendra son souffle. **Tenir l'appel** Par curiosit\u00e9, je suis all\u00e9 voir l\u2019\u00e9tymologie de \u00ab suffoquer \u00bb : du latin suffocare, \u00ab \u00e9touffer par la fum\u00e9e \u00bb, puis \u00ab priver d\u2019air \u00bb, enfin \u00ab oppresser \u00bb. L\u2019image m\u2019a renvoy\u00e9 \u00e0 l\u2019enfance : la loupe, l\u2019herbe qui gr\u00e9sille, le point de chaleur qui concentre la lumi\u00e8re jusqu\u2019\u00e0 l\u2019embrasement, et l\u2019ennui qui, un instant, suffoque. Le m\u00e9canisme est simple : la chaleur se concentre, l\u2019air se rar\u00e9fie, vient l\u2019inflammation. Aujourd\u2019hui, l\u2019accumulation des taxes et des injustices concentre \u00e0 son tour : l\u2019iniquit\u00e9 converge sur les plus vuln\u00e9rables. Peut-\u00eatre cela suffira-t-il \u00e0 faire lever une parole qui dise non. Par \u00ab peuple \u00bb, j\u2019appelle l\u2019ensemble dispers\u00e9 des vies ordinaires, pas un bloc mythique. Tient-il encore ? Je vois surtout des chapelles, antagonistes, qui ferment l\u2019air comme on ferme un budget sans recettes. Ce qui manque n\u2019est pas la manne : c\u2019est faire quelque chose qui ouvre l\u2019oxyg\u00e8ne commun. \u00ab Travailler \u00bb ne r\u00e9pond pas \u00e0 la faille ; produire \u2014 de la valeur d\u2019usage, des lieux, des liens \u2014 y r\u00e9pond mieux. \u00c9crire ces mots m\u2019expose \u00e0 leur appauvrissement, je le sais, mais je ne les rature pas. Qu\u2019ils fassent au moins ce qu\u2019ils disent : rouvrir un peu d\u2019air, assez pour un nous t\u00e9nu qui ne s\u2019\u00e9touffe pas. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation", "dispositif"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-octobre-2025.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-octobre-2025.html",
"title": "18 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-18T07:01:59Z",
"date_modified": "2025-10-18T07:01:59Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " \u00c9prouver physiquement la vitesse du temps me terrifie autant qu\u2019elle me soulage. Au bout du compte il faut accepter de crever, de quitter cette cuvette de deuil, d\u2019\u00eatre devenu quantit\u00e9 n\u00e9gligeable : une statistique dans la gueule noire des algorithmes qui nous forent la cervelle, le c\u0153ur, l\u2019\u00e2me, et nous apprennent \u00e0 nous d\u00e9valuer. Nous ne sommes plus tout \u00e0 fait humains mais des laiss\u00e9s-pour-compte d\u2019une minorit\u00e9 assoiff\u00e9e d\u2019argent, de pouvoir et de sexe. Ce qui m\u2019accable, c\u2019est de voir les plus proches ne rien percevoir de l\u2019avachissement g\u00e9n\u00e9ral ; ils n\u2019en saisissent qu\u2019un fragment, souvent par \u00e9go\u00efsme. Persiste alors l\u2019image fant\u00f4me des manuels : d\u00e9mocratie, R\u00e9publique, r\u00e9cit lisse fabriqu\u00e9 par une \u00e9lite d\u2019argent ou de naissance. Le pillage commenc\u00e9 \u00e0 la chute de l\u2019Empire romain n\u2019a jamais cess\u00e9 ; il avance masqu\u00e9, affubl\u00e9 de slogans ternes, mal rejou\u00e9 sur la sc\u00e8ne qu\u2019on appelle encore l\u2019\u00c9tat, l\u2019Assembl\u00e9e, le S\u00e9nat, le Gouvernement. Je me suis \u00e9loign\u00e9, j\u2019ai creus\u00e9 l\u2019\u00e9cart, puis je me suis terr\u00e9. Non par h\u00e9ro\u00efsme : par manque d\u2019insouciance. Pour \u00e9viter les querelles et la douleur d\u2019une vigilance que j\u2019appelle, parfois, lucidit\u00e9. Qu\u2019y a-t-il de plus attristant que voir ce que d\u2019autres ne voient pas et vivre parmi des somnambules ? Cela vous fait aussit\u00f4t douter de l\u2019\u00eatre vous-m\u00eame. La nuit, les r\u00eaves insistent : je marche dans des ruines avec un groupe ; des impasses, des couloirs bouch\u00e9s ; quelqu\u2019un m\u00e8ne et c\u2019est peut-\u00eatre moi, un moi qui sait s\u2019orienter. Nous traversons la cour vide d\u2019un camp d\u2019extermination ; ce moi onirique nous fait grimper sur un \u00e2ne gigantesque qui refuse d\u2019avancer, puis se d\u00e9cide, nous emporte vers un portail. La vitesse devient ahurissante, comme si nous allions passer de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 du monde. Tout s\u2019arr\u00eate. Silence, obscurit\u00e9. La moindre lueur, f\u00fbt-elle d\u2019une imb\u00e9cillit\u00e9 affligeante, nous attire et nous ram\u00e8ne. Au r\u00e9veil, il reste une phrase : tant pis, au moins aurons-nous essay\u00e9.<\/p>",
"content_text": " \u00c9prouver physiquement la vitesse du temps me terrifie autant qu\u2019elle me soulage. Au bout du compte il faut accepter de crever, de quitter cette cuvette de deuil, d\u2019\u00eatre devenu quantit\u00e9 n\u00e9gligeable: une statistique dans la gueule noire des algorithmes qui nous forent la cervelle, le c\u0153ur, l\u2019\u00e2me, et nous apprennent \u00e0 nous d\u00e9valuer. Nous ne sommes plus tout \u00e0 fait humains mais des laiss\u00e9s-pour-compte d\u2019une minorit\u00e9 assoiff\u00e9e d\u2019argent, de pouvoir et de sexe. Ce qui m\u2019accable, c\u2019est de voir les plus proches ne rien percevoir de l\u2019avachissement g\u00e9n\u00e9ral; ils n\u2019en saisissent qu\u2019un fragment, souvent par \u00e9go\u00efsme. Persiste alors l\u2019image fant\u00f4me des manuels: d\u00e9mocratie, R\u00e9publique, r\u00e9cit lisse fabriqu\u00e9 par une \u00e9lite d\u2019argent ou de naissance. Le pillage commenc\u00e9 \u00e0 la chute de l\u2019Empire romain n\u2019a jamais cess\u00e9; il avance masqu\u00e9, affubl\u00e9 de slogans ternes, mal rejou\u00e9 sur la sc\u00e8ne qu\u2019on appelle encore l\u2019\u00c9tat, l\u2019Assembl\u00e9e, le S\u00e9nat, le Gouvernement. Je me suis \u00e9loign\u00e9, j\u2019ai creus\u00e9 l\u2019\u00e9cart, puis je me suis terr\u00e9. Non par h\u00e9ro\u00efsme: par manque d\u2019insouciance. Pour \u00e9viter les querelles et la douleur d\u2019une vigilance que j\u2019appelle, parfois, lucidit\u00e9. Qu\u2019y a-t-il de plus attristant que voir ce que d\u2019autres ne voient pas et vivre parmi des somnambules? Cela vous fait aussit\u00f4t douter de l\u2019\u00eatre vous-m\u00eame. La nuit, les r\u00eaves insistent: je marche dans des ruines avec un groupe; des impasses, des couloirs bouch\u00e9s; quelqu\u2019un m\u00e8ne et c\u2019est peut-\u00eatre moi, un moi qui sait s\u2019orienter. Nous traversons la cour vide d\u2019un camp d\u2019extermination; ce moi onirique nous fait grimper sur un \u00e2ne gigantesque qui refuse d\u2019avancer, puis se d\u00e9cide, nous emporte vers un portail. La vitesse devient ahurissante, comme si nous allions passer de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 du monde. Tout s\u2019arr\u00eate. Silence, obscurit\u00e9. La moindre lueur, f\u00fbt-elle d\u2019une imb\u00e9cillit\u00e9 affligeante, nous attire et nous ram\u00e8ne. Au r\u00e9veil, il reste une phrase: tant pis, au moins aurons-nous essay\u00e9. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-octobre-2025.html",
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"title": "17 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-17T05:28:03Z",
"date_modified": "2025-10-17T05:29:23Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Je suis reparti en apn\u00e9e. Ce que j’\u00e9cris ne me semble pas partageable, voil\u00e0 le probl\u00e8me. Partageable vers les r\u00e9seaux, ces endroits o\u00f9 l’on partage justement tout, absolument tout, sauf peut-\u00eatre l’essentiel. Pourtant je m’acharne \u00e0 tenir le rythme, \u00e0 publier tous les jours. Comme un gardon qui gigote au bout d’une ligne — l’hame\u00e7on s’enfon\u00e7ant un peu plus dans la m\u00e2choire \u00e0 chaque tentative sans succ\u00e8s.\nSans succ\u00e8s, c’est-\u00e0-dire quoi ? Je ne le sais pas. Trouver une belle phrase, un bon texte ? Non, je ne crois pas que \u00e7a puisse se r\u00e9sumer ainsi. C’est autre chose, de plus cach\u00e9. Essayer d’en finir avec la honte peut-\u00eatre. Boire la coupe jusqu’\u00e0 la lie, comme on dit dans les livres, m\u00eame si personne ne boit plus de coupes depuis belle lurette. On boit des canettes, des gobelets en carton, des bouteilles en plastique. Mais l’expression demeure, tenace comme un vieux meuble qu’on n’arrive pas \u00e0 jeter.\nHier j’ai pens\u00e9 que j’en avais termin\u00e9 avec ce long cycle d’autofiction. Qu’il ne faudrait plus rien ajouter. Relire, d\u00e9couper dans le vif, r\u00e9\u00e9crire une version lisible par quelqu’un qui s’int\u00e9resserait \u00e0 l’autofiction — c’est-\u00e0-dire trois personnes en France, dont deux sont des parents. Mais sit\u00f4t que je me suis mis \u00e0 penser \u00e0 la somme de travail que j’avais devant moi, j’ai \u00e9crit deux petites fictions. Comme pour m’enfuir encore. Je ne sais faire que \u00e7a, je crois.<\/p>\n Hier apr\u00e8s-midi nous nous rendions sur le parking pour apporter la Twingo au contr\u00f4le technique. Ma femme conduisait. Mon regard s’est pos\u00e9 sur des feuilles jaunes qui contrastaient tr\u00e8s fort avec l’asphalte gris. Trois feuilles exactement, dispos\u00e9es en triangle isoc\u00e8le. J’ai pens\u00e9 que cette \u00e9motion que je ressentais soudain \u00e0 leur vision semblait m’emporter vers un autre monde. Un monde o\u00f9 les feuilles mortes auraient de l’importance, o\u00f9 leur arrangement g\u00e9om\u00e9trique signifierait quelque chose.\nJ’imagine qu’\u00e0 un degr\u00e9 particulier de solitude, de d\u00e9sesp\u00e9rance, il est assez ais\u00e9 de trouver des portails vers d’autres mondes. Et m\u00eame, au besoin, de s’en cr\u00e9er un. Par la fiction, ainsi recr\u00e9er une r\u00e9alit\u00e9 plus acceptable sans doute. Sauf que je ne sais pas ce que peut \u00eatre une r\u00e9alit\u00e9 « plus acceptable ». Je vis ici et maintenant, j’ai des cartes en main — un brelan de huit, pour \u00eatre pr\u00e9cis — je ne peux changer la donne en cours de route, me suis-je dit.\nMais je philosophe beaucoup trop. Je fuis certainement encore quelque chose en m’\u00e9garant dans la philosophie, en essayant de chercher je ne sais quelles « raisons ». Les raisons ne sont jamais l\u00e0 o\u00f9 on les cherche. Elles sont derri\u00e8re, sur le c\u00f4t\u00e9, parfois carr\u00e9ment dans l’autre pi\u00e8ce en train de faire la vaisselle. Non, il faut revenir en arri\u00e8re, \u00e0 ces feuilles jaunes sur l’asphalte gris. Se dire : tiens, c’est vraiment chouette, ces couleurs avec le gris. Et puis pas plus.<\/p>\n Pas plus de ce c\u00f4t\u00e9-l\u00e0. Mais de l’autre, va savoir. Toujours des id\u00e9es qui fourmillent. Pas sp\u00e9cialement bonnes, mais on ne va quand m\u00eame pas se plaindre. Les mauvaises id\u00e9es m\u00e8nent parfois quelque part, c’est leur principal avantage sur les bonnes id\u00e9es qui, elles, savent d\u00e9j\u00e0 o\u00f9 elles vont et deviennent vite ennuyeuses.\nParfois les id\u00e9es ne sont d’ailleurs pas des id\u00e9es, mais de l’information qui parvient \u00e0 sa cervelle avec un temps de retard. Qui entre en gare neuronale et synaptique avec un \u00e9norme nuage de fum\u00e9e, un crissement de m\u00e9tal et une odeur de feu. Une gare du XIXe si\u00e8cle. Certainement pas une de ces gares modernes dans lesquelles on n’entend plus que des retards annonc\u00e9s via des voix melliflu\u00e9es. Des voix qui s’excusent poliment de vous faire perdre votre temps, comme si les excuses pouvaient compenser l’attente sur un quai glac\u00e9.\nComme id\u00e9es, par exemple : s’int\u00e9resser aux noms propres. Non qu’ils soient plus propres que les autres — en r\u00e9alit\u00e9 beaucoup sont sales, porteurs d’histoires douteuses, de collaborations, de trahisons, de faillites. Les patronymes, que n’importe quel substantif, mais qu’ils veuillent bien indiquer, pas leur sonorit\u00e9 d\u00e9j\u00e0, un personnage. Tout comme le nom d’une rue, d’un lieu peut tant \u00eatre porteur de faits divers, de fiction. Ou plus g\u00e9n\u00e9ralement de d\u00e9go\u00fbt.\nEt le d\u00e9go\u00fbt est aussi une mati\u00e8re comme les autres. On peut le travailler, le fa\u00e7onner, lui donner une forme. Le d\u00e9go\u00fbt a sa noblesse, sa texture propre. Il est m\u00eame plus int\u00e9ressant que l’admiration, sentiment trop lisse, trop satisfait de lui-m\u00eame.\nCe qui produit deux pistes : la description des lieux et la description de personnages. Il faudrait accumuler des exemples, des bons et des mauvais. Pour \u00e0 la fin, soupirer, souffler, r\u00e2ler, se dire : ne suivons pas tous ces exemples, ne suivons plus rien du tout, allons seul de l’avant.<\/p>\n Encore que lorsqu’on est d\u00e9sorient\u00e9, aller de l’avant soit une gageure. Il pourrait tout autant aller en arri\u00e8re que \u00e7a n’y changerait pas grand-chose. Dans le noir complet, toutes les directions se valent. Peut-\u00eatre que l’expression « aller de l’avant » fait semblant d’indiquer une « bonne » direction, et qu’elle n’est, \u00e0 l’instar de toutes les autres directions, qu’une direction. Ni bonne ni mauvaise. Juste une direction avec des obstacles diff\u00e9rents.\nJ’ai \u00e9crit un texte sur la description des paysages il y a longtemps. Je crois que c’\u00e9tait en 1988 ou 89. Il \u00e9tait dans un de mes carnets \u00e9videmment, le premier jet. Un carnet \u00e0 couverture verte, si ma m\u00e9moire est bonne, mais elle ne l’est jamais vraiment. La couverture pouvait tout aussi bien \u00eatre bleue, rouge, ou ne pas exister du tout. J’ai certainement reparl\u00e9 de cette affaire plusieurs fois — pas le genre \u00e0 l\u00e2cher si facilement une id\u00e9e ou une information. Les id\u00e9es sont comme des chiens qu’on prom\u00e8ne : elles reviennent constamment, redemandent de l’attention, vous fixent avec insistance jusqu’\u00e0 ce que vous vous en occupiez \u00e0 nouveau.\nMais le probl\u00e8me, c’est de retrouver l’information. On a beau installer des rubriques, des groupes de mots, des mots-cl\u00e9s, elle s’\u00e9chappe. Elle se faufile entre les cat\u00e9gories comme un poisson entre les mailles d’un filet. Cela vaudrait certainement le coup de s’interroger vraiment sur le pourquoi les choses nous \u00e9chappent \u00e0 ce point qu’on ne les retrouve jamais lorsqu’on en a besoin. Et qu’elles resurgissent comme par miracle lorsqu’on n’en a plus du tout l’int\u00e9r\u00eat.\nC’est une loi physique sans doute. La loi de Murphy appliqu\u00e9e \u00e0 la m\u00e9moire. Ou peut-\u00eatre une forme de mal\u00e9diction douce, supportable, qui nous accompagne depuis toujours. On pourrait l’appeler : syndrome de la cl\u00e9 retrouv\u00e9e apr\u00e8s avoir fait refaire toutes les serrures. Ou : principe de la recette de cuisine qui r\u00e9appara\u00eet juste apr\u00e8s avoir command\u00e9 le plat au restaurant.<\/p>\n Je viens de relire ces pages. Elles ne valent probablement pas grand-chose. Mais elles existent, c’est d\u00e9j\u00e0 \u00e7a. Elles occupent de l’espace, du papier, des pixels, de la m\u00e9moire vive. Elles font partie du monde, comme les feuilles jaunes sur l’asphalte gris. Elles t\u00e9moignent d’un passage, d’une tentative, d’une respiration entre deux apn\u00e9es.\nDemain je recommencerai. Pas parce que c’est une bonne id\u00e9e, mais parce que je ne sais pas faire autrement. Le gardon continuera de gigoter au bout de sa ligne. L’hame\u00e7on s’enfoncera un peu plus. Et peut-\u00eatre qu’un jour, par accident, par fatigue ou par chance, quelque chose d’int\u00e9ressant finira par sortir de tout \u00e7a.\nEn attendant, je note : penser \u00e0 retrouver ce texte de 1988 sur les paysages. Chercher dans le carnet vert. Ou bleu. Ou rouge.<\/p>\n illustration<\/strong> trouv\u00e9e sur le site actiroute.com, par hasard. « La couleur jaune peut indiquer un marquage temporaire, un arr\u00eat ou un stationnement interdit. »<\/p>",
"content_text": " Je suis reparti en apn\u00e9e. Ce que j'\u00e9cris ne me semble pas partageable, voil\u00e0 le probl\u00e8me. Partageable vers les r\u00e9seaux, ces endroits o\u00f9 l'on partage justement tout, absolument tout, sauf peut-\u00eatre l'essentiel. Pourtant je m'acharne \u00e0 tenir le rythme, \u00e0 publier tous les jours. Comme un gardon qui gigote au bout d'une ligne \u2014 l'hame\u00e7on s'enfon\u00e7ant un peu plus dans la m\u00e2choire \u00e0 chaque tentative sans succ\u00e8s. Sans succ\u00e8s, c'est-\u00e0-dire quoi ? Je ne le sais pas. Trouver une belle phrase, un bon texte ? Non, je ne crois pas que \u00e7a puisse se r\u00e9sumer ainsi. C'est autre chose, de plus cach\u00e9. Essayer d'en finir avec la honte peut-\u00eatre. Boire la coupe jusqu'\u00e0 la lie, comme on dit dans les livres, m\u00eame si personne ne boit plus de coupes depuis belle lurette. On boit des canettes, des gobelets en carton, des bouteilles en plastique. Mais l'expression demeure, tenace comme un vieux meuble qu'on n'arrive pas \u00e0 jeter. Hier j'ai pens\u00e9 que j'en avais termin\u00e9 avec ce long cycle d'autofiction. Qu'il ne faudrait plus rien ajouter. Relire, d\u00e9couper dans le vif, r\u00e9\u00e9crire une version lisible par quelqu'un qui s'int\u00e9resserait \u00e0 l'autofiction \u2014 c'est-\u00e0-dire trois personnes en France, dont deux sont des parents. Mais sit\u00f4t que je me suis mis \u00e0 penser \u00e0 la somme de travail que j'avais devant moi, j'ai \u00e9crit deux petites fictions. Comme pour m'enfuir encore. Je ne sais faire que \u00e7a, je crois. Hier apr\u00e8s-midi nous nous rendions sur le parking pour apporter la Twingo au contr\u00f4le technique. Ma femme conduisait. Mon regard s'est pos\u00e9 sur des feuilles jaunes qui contrastaient tr\u00e8s fort avec l'asphalte gris. Trois feuilles exactement, dispos\u00e9es en triangle isoc\u00e8le. J'ai pens\u00e9 que cette \u00e9motion que je ressentais soudain \u00e0 leur vision semblait m'emporter vers un autre monde. Un monde o\u00f9 les feuilles mortes auraient de l'importance, o\u00f9 leur arrangement g\u00e9om\u00e9trique signifierait quelque chose. J'imagine qu'\u00e0 un degr\u00e9 particulier de solitude, de d\u00e9sesp\u00e9rance, il est assez ais\u00e9 de trouver des portails vers d'autres mondes. Et m\u00eame, au besoin, de s'en cr\u00e9er un. Par la fiction, ainsi recr\u00e9er une r\u00e9alit\u00e9 plus acceptable sans doute. Sauf que je ne sais pas ce que peut \u00eatre une r\u00e9alit\u00e9 \"plus acceptable\". Je vis ici et maintenant, j'ai des cartes en main \u2014 un brelan de huit, pour \u00eatre pr\u00e9cis \u2014 je ne peux changer la donne en cours de route, me suis-je dit. Mais je philosophe beaucoup trop. Je fuis certainement encore quelque chose en m'\u00e9garant dans la philosophie, en essayant de chercher je ne sais quelles \"raisons\". Les raisons ne sont jamais l\u00e0 o\u00f9 on les cherche. Elles sont derri\u00e8re, sur le c\u00f4t\u00e9, parfois carr\u00e9ment dans l'autre pi\u00e8ce en train de faire la vaisselle. Non, il faut revenir en arri\u00e8re, \u00e0 ces feuilles jaunes sur l'asphalte gris. Se dire : tiens, c'est vraiment chouette, ces couleurs avec le gris. Et puis pas plus. Pas plus de ce c\u00f4t\u00e9-l\u00e0. Mais de l'autre, va savoir. Toujours des id\u00e9es qui fourmillent. Pas sp\u00e9cialement bonnes, mais on ne va quand m\u00eame pas se plaindre. Les mauvaises id\u00e9es m\u00e8nent parfois quelque part, c'est leur principal avantage sur les bonnes id\u00e9es qui, elles, savent d\u00e9j\u00e0 o\u00f9 elles vont et deviennent vite ennuyeuses. Parfois les id\u00e9es ne sont d'ailleurs pas des id\u00e9es, mais de l'information qui parvient \u00e0 sa cervelle avec un temps de retard. Qui entre en gare neuronale et synaptique avec un \u00e9norme nuage de fum\u00e9e, un crissement de m\u00e9tal et une odeur de feu. Une gare du XIXe si\u00e8cle. Certainement pas une de ces gares modernes dans lesquelles on n'entend plus que des retards annonc\u00e9s via des voix melliflu\u00e9es. Des voix qui s'excusent poliment de vous faire perdre votre temps, comme si les excuses pouvaient compenser l'attente sur un quai glac\u00e9. Comme id\u00e9es, par exemple : s'int\u00e9resser aux noms propres. Non qu'ils soient plus propres que les autres \u2014 en r\u00e9alit\u00e9 beaucoup sont sales, porteurs d'histoires douteuses, de collaborations, de trahisons, de faillites. Les patronymes, que n'importe quel substantif, mais qu'ils veuillent bien indiquer, pas leur sonorit\u00e9 d\u00e9j\u00e0, un personnage. Tout comme le nom d'une rue, d'un lieu peut tant \u00eatre porteur de faits divers, de fiction. Ou plus g\u00e9n\u00e9ralement de d\u00e9go\u00fbt. Et le d\u00e9go\u00fbt est aussi une mati\u00e8re comme les autres. On peut le travailler, le fa\u00e7onner, lui donner une forme. Le d\u00e9go\u00fbt a sa noblesse, sa texture propre. Il est m\u00eame plus int\u00e9ressant que l'admiration, sentiment trop lisse, trop satisfait de lui-m\u00eame. Ce qui produit deux pistes : la description des lieux et la description de personnages. Il faudrait accumuler des exemples, des bons et des mauvais. Pour \u00e0 la fin, soupirer, souffler, r\u00e2ler, se dire : ne suivons pas tous ces exemples, ne suivons plus rien du tout, allons seul de l'avant. Encore que lorsqu'on est d\u00e9sorient\u00e9, aller de l'avant soit une gageure. Il pourrait tout autant aller en arri\u00e8re que \u00e7a n'y changerait pas grand-chose. Dans le noir complet, toutes les directions se valent. Peut-\u00eatre que l'expression \"aller de l'avant\" fait semblant d'indiquer une \"bonne\" direction, et qu'elle n'est, \u00e0 l'instar de toutes les autres directions, qu'une direction. Ni bonne ni mauvaise. Juste une direction avec des obstacles diff\u00e9rents. J'ai \u00e9crit un texte sur la description des paysages il y a longtemps. Je crois que c'\u00e9tait en 1988 ou 89. Il \u00e9tait dans un de mes carnets \u00e9videmment, le premier jet. Un carnet \u00e0 couverture verte, si ma m\u00e9moire est bonne, mais elle ne l'est jamais vraiment. La couverture pouvait tout aussi bien \u00eatre bleue, rouge, ou ne pas exister du tout. J'ai certainement reparl\u00e9 de cette affaire plusieurs fois \u2014 pas le genre \u00e0 l\u00e2cher si facilement une id\u00e9e ou une information. Les id\u00e9es sont comme des chiens qu'on prom\u00e8ne : elles reviennent constamment, redemandent de l'attention, vous fixent avec insistance jusqu'\u00e0 ce que vous vous en occupiez \u00e0 nouveau. Mais le probl\u00e8me, c'est de retrouver l'information. On a beau installer des rubriques, des groupes de mots, des mots-cl\u00e9s, elle s'\u00e9chappe. Elle se faufile entre les cat\u00e9gories comme un poisson entre les mailles d'un filet. Cela vaudrait certainement le coup de s'interroger vraiment sur le pourquoi les choses nous \u00e9chappent \u00e0 ce point qu'on ne les retrouve jamais lorsqu'on en a besoin. Et qu'elles resurgissent comme par miracle lorsqu'on n'en a plus du tout l'int\u00e9r\u00eat. C'est une loi physique sans doute. La loi de Murphy appliqu\u00e9e \u00e0 la m\u00e9moire. Ou peut-\u00eatre une forme de mal\u00e9diction douce, supportable, qui nous accompagne depuis toujours. On pourrait l'appeler : syndrome de la cl\u00e9 retrouv\u00e9e apr\u00e8s avoir fait refaire toutes les serrures. Ou : principe de la recette de cuisine qui r\u00e9appara\u00eet juste apr\u00e8s avoir command\u00e9 le plat au restaurant. Je viens de relire ces pages. Elles ne valent probablement pas grand-chose. Mais elles existent, c'est d\u00e9j\u00e0 \u00e7a. Elles occupent de l'espace, du papier, des pixels, de la m\u00e9moire vive. Elles font partie du monde, comme les feuilles jaunes sur l'asphalte gris. Elles t\u00e9moignent d'un passage, d'une tentative, d'une respiration entre deux apn\u00e9es. Demain je recommencerai. Pas parce que c'est une bonne id\u00e9e, mais parce que je ne sais pas faire autrement. Le gardon continuera de gigoter au bout de sa ligne. L'hame\u00e7on s'enfoncera un peu plus. Et peut-\u00eatre qu'un jour, par accident, par fatigue ou par chance, quelque chose d'int\u00e9ressant finira par sortir de tout \u00e7a. En attendant, je note : penser \u00e0 retrouver ce texte de 1988 sur les paysages. Chercher dans le carnet vert. Ou bleu. Ou rouge. **illustration** trouv\u00e9e sur le site actiroute.com, par hasard. \"La couleur jaune peut indiquer un marquage temporaire, un arr\u00eat ou un stationnement interdit.\" ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-octobre-2025.html",
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"title": "16 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-16T02:06:33Z",
"date_modified": "2025-10-16T02:17:04Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Il regarde, et ce n\u2019est jamais le m\u00eame monde. Ce qu\u2019il a vu hier n\u2019est pas ce qu\u2019il voit aujourd\u2019hui, ni ce qu\u2019il verra demain. Trois personnes devant la m\u00eame fen\u00eatre produiraient trois paysages. Pourtant la vitre reste froide, la paume r\u00e2pe le rebord, et la tasse revient toujours au m\u00eame point sur la soucoupe. Quand tout passe, que reste-t-il de lui ? Non un moi sauf, plut\u00f4t le corps rendu \u00e0 la mati\u00e8re. Les mots tristesse, joie, douleur, plaisir ne lui appartiennent pas : des \u00e9tats le traversent puis se retirent. L\u2019\u00e9nigme demeure.<\/p>\n Il serre les dents. La col\u00e8re entre par les \u00e9paules, p\u00e8se sur les mains. Le point est minuscule, une asp\u00e9rit\u00e9 qui grippe. Avant, il croit \u00e0 la sc\u00e8ne. Apr\u00e8s, il sait. Parfois un bruit suffit : les cuill\u00e8res qui s\u2019entrechoquent, la tasse qui touche la soucoupe. Il joue les dupes : souffle r\u00e9gulier, gestes r\u00e9p\u00e9t\u00e9s. Le fil blanc se montre \u00e0 la lumi\u00e8re. Inutile de tirer.<\/p>\n Elle arrive. Caf\u00e9. Sujet : mati\u00e8res et collages. Elle choisit une photographie. Il dit : prends les masses, les lignes, les formes. Au fusain, bouillie. Collage, plus sec. Puis : « Oublie tout. Peins le moment. » Elle fabrique sa palette, peint. Ils regardent sans parler. Il pose la tasse sur la soucoupe, exactement au point. L\u00e0 o\u00f9, tout \u00e0 l\u2019heure, il avait cru que la place bougeait.<\/p>",
"content_text": " Il regarde, et ce n\u2019est jamais le m\u00eame monde. Ce qu\u2019il a vu hier n\u2019est pas ce qu\u2019il voit aujourd\u2019hui, ni ce qu\u2019il verra demain. Trois personnes devant la m\u00eame fen\u00eatre produiraient trois paysages. Pourtant la vitre reste froide, la paume r\u00e2pe le rebord, et la tasse revient toujours au m\u00eame point sur la soucoupe. Quand tout passe, que reste-t-il de lui ? Non un moi sauf, plut\u00f4t le corps rendu \u00e0 la mati\u00e8re. Les mots tristesse, joie, douleur, plaisir ne lui appartiennent pas : des \u00e9tats le traversent puis se retirent. L\u2019\u00e9nigme demeure. Il serre les dents. La col\u00e8re entre par les \u00e9paules, p\u00e8se sur les mains. Le point est minuscule, une asp\u00e9rit\u00e9 qui grippe. Avant, il croit \u00e0 la sc\u00e8ne. Apr\u00e8s, il sait. Parfois un bruit suffit : les cuill\u00e8res qui s\u2019entrechoquent, la tasse qui touche la soucoupe. Il joue les dupes : souffle r\u00e9gulier, gestes r\u00e9p\u00e9t\u00e9s. Le fil blanc se montre \u00e0 la lumi\u00e8re. Inutile de tirer. Elle arrive. Caf\u00e9. Sujet : mati\u00e8res et collages. Elle choisit une photographie. Il dit : prends les masses, les lignes, les formes. Au fusain, bouillie. Collage, plus sec. Puis : \u00ab Oublie tout. Peins le moment. \u00bb Elle fabrique sa palette, peint. Ils regardent sans parler. Il pose la tasse sur la soucoupe, exactement au point. L\u00e0 o\u00f9, tout \u00e0 l\u2019heure, il avait cru que la place bougeait. ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-octobre-2025.html",
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"title": "15 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-15T02:20:09Z",
"date_modified": "2025-10-15T03:39:28Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " L\u2019\u00e9picerie a un nouveau toit. Nous pensons revendre la maison qui nous co\u00fbte trop cher, trouver un appartement, peut-\u00eatre dans Vienne. Pas de tristesse. Avoir un projet tient. Nous avons commenc\u00e9 \u00e0 nous projeter. Les toiles rang\u00e9es dans l\u2019atelier. Les meubles. Les livres de mon p\u00e8re \u00e0 l\u2019\u00e9tage et au grenier. Toutes ces choses dont il faudra se d\u00e9faire. Repartir sur une nouvelle tranche de vie. Ce ne sera pas la premi\u00e8re fois. Il me faudra une solution pour les livres. Personne ne nous aidera \u00e0 d\u00e9m\u00e9nager. A. et L. ont pr\u00e9venu : « Ne comptez pas sur nous. » Sur la route, en longeant la Sa\u00f4ne, je me suis dit qu\u2019il y avait plus de morts que de vivants. Vertige. Puis la concession que S. a achet\u00e9e \u00e0 Caluire. J\u2019essaie d\u2019imaginer ma tombe, S. venant d\u00e9poser un pot de fleurs de temps \u00e0 autre. J\u2019ai toujours pens\u00e9 partir le premier. Ce serait trop triste autrement. Les silhouettes sur les trottoirs marchent vers leur fin, et moi, d\u00e9j\u00e0 un peu mort, je regarde sans rien dire. La route gr\u00e9sille. Klaxons, appels de phares, nervosit\u00e9. Un 4x4 arrive par la gauche, plaque boueuse, antenne tordue, clignotant oubli\u00e9, il se rabat au dernier moment sous les fl\u00e8ches du r\u00e9tr\u00e9cissement. \u00c0 Feyzin, palissades et tags criards sur ciel gris. Plus haut, Arkema. \u00c0 Pierre-B\u00e9nite, on \u00e9vite les \u0153ufs. On dit que les femmes enceintes s\u2019inqui\u00e8tent. Produits partout : air, sols, bouffe, jusque dans le lait maternel. On continue, parce que la cha\u00eene tourne et que certains y tiennent leur mesure. La col\u00e8re baisse. \u00c0 Caluire, je revois la dalle vide et, pos\u00e9 de travers, un pot de chrysanth\u00e8mes.<\/p>\n Livraison d’un toit en pi\u00e8ces d\u00e9tach\u00e9es<\/p>\n La colline qui prie<\/p>\n La colline qui travaille<\/p>\n Sinon, en rentrant j’ai pu r\u00e9gler le bug de la mise \u00e0 jour 4.4.6 de SPIP. J’ai cr\u00e9e un patch, envoy\u00e9 au forum spip dev ( Patrick.B.)<\/p>\n Titre : [statistiques] table_objet_sql() re\u00e7oit un array dans referenceurs.php \u2192 fatal PHP 8<\/p>\n Contexte<\/p>\n SPIP : x.y.z (prod)\nPHP : 8.x\nPlugins noyau : statistiques (version livr\u00e9e avec x.y.z)\nPlugins : statsobjets 2.1.0, referer_spam 1.2.1\nH\u00e9bergeur\/OS : \u2026\nReproduction<\/p>\n Activer Statistiques et StatsObjets.\nAller dans : Activit\u00e9s \u2192 Statistiques \u2192 Liens entrants.\nAvec certains objets pass\u00e9s par l\u2019interface, l\u2019erreur survient.\nR\u00e9sultat obtenu<\/p>\n table_objet_sql() : Argument #1 ($type) must be of type string, array given\n\u2026\/ecrire\/base\/objets.php:1074\nappel\u00e9 depuis \u2026\/plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php:191\nR\u00e9sultat attendu\nAffichage normal des r\u00e9f\u00e9rents.<\/p>\n Analyse\nreferenceurs.php::referes() peut recevoir $objets sous forme de tableau (extraction depuis spip_referers_objets ou appels externes). La boucle foreach ($objets as $objet) envoie ensuite un \u00e9l\u00e9ment potentiellement tableau \u00e0 table_objet_sql($objet), qui attend une cha\u00eene.<\/p>\n Correctif propos\u00e9 (d\u00e9fensif)<\/p>\n Extraire proprement la colonne objet depuis sql_allfetsel.\nAplatir\/normaliser $objets en tableau de cha\u00eenes.\nPasser chaque $objet par objet_type() avant table_objet_sql().\nDiff minimal sur plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php :<\/p>\n --- a\/plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php\n+++ b\/plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php\n@@ function referes(string $referermd5, $objets = null, string $serveur = ’’) : string {<\/p>\n if ($objets = sql_allfetsel(’DISTINCT objet’, ’spip_referers_objets’)) {<\/p>\n<\/li>\n $objets_par_defaut = array_values($objets) ;<\/p>\n<\/li>\n }<\/p>\n<\/li>\n }<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n if ($tmp = sql_allfetsel(’DISTINCT objet’, ’spip_referers_objets’)) {<\/p>\n<\/li>\n \/\/ extraire colonne ’objet’, nettoyer et d\u00e9dupliquer<\/p>\n<\/li>\n $liste = array_column($tmp, ’objet’) ;<\/p>\n<\/li>\n $liste = array_filter(array_map(’strval’, $liste)) ;<\/p>\n<\/li>\n $liste = array_values(array_unique($liste)) ;<\/p>\n<\/li>\n $objets_par_defaut = $liste ;<\/p>\n<\/li>\n }<\/p>\n<\/li>\n }\nif (sql_fetsel(’*’, ’spip_visites_articles’, ’’, ’’, ’’, ’0,1’)) {\n$objets_par_defaut[] = ’article’ ;<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n @@<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n elseif (is_array($objets)) {<\/p>\n<\/li>\n \/\/ laisser tel quel<\/p>\n<\/li>\n }<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n elseif (is_array($objets)) {<\/p>\n<\/li>\n \/\/ aplatir d\u2019\u00e9ventuels sous-tableaux<\/p>\n<\/li>\n $flat = [] ;<\/p>\n<\/li>\n foreach ($objets as $o) {<\/p>\n<\/li>\n $flat[] = is_array($o) ? reset($o) : $o ;<\/p>\n<\/li>\n }<\/p>\n<\/li>\n $objets = array_values(array_unique(array_filter(array_map(’strval’, $flat)))) ;<\/p>\n<\/li>\n }\n@@<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n foreach ($objets as $objet) {<\/p>\n<\/li>\n $table_objet_sql = table_objet_sql($objet) ;<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n foreach ($objets as $objet) {<\/p>\n<\/li>\n if (is_array($objet)) {<\/p>\n<\/li>\n $objet = reset($objet) ;<\/p>\n<\/li>\n }<\/p>\n<\/li>\n $objet = objet_type($objet) ;<\/p>\n<\/li>\n $table_objet_sql = table_objet_sql($objet) ;\n$id_table_objet = id_table_objet($objet) ;\nRemarque front\/squelettes (optionnel)\nDans prive\/squelettes\/contenu\/stats_referers.html, on peut aussi normaliser c\u00f4t\u00e9 gabarit pour \u00e9viter de passer un tableau :<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n #SETobjet_norm,#ENVobjet<\/i>|table_valeur0,#ENVobjet<\/i><\/i><\/i><\/p>\n \u2026 utiliser #GET{objet_norm} \u00e0 la place de #ENV{objet} \u2026\nMais le correctif robuste est c\u00f4t\u00e9 PHP.<\/p>",
"content_text": " L\u2019\u00e9picerie a un nouveau toit. Nous pensons revendre la maison qui nous co\u00fbte trop cher, trouver un appartement, peut-\u00eatre dans Vienne. Pas de tristesse. Avoir un projet tient. Nous avons commenc\u00e9 \u00e0 nous projeter. Les toiles rang\u00e9es dans l\u2019atelier. Les meubles. Les livres de mon p\u00e8re \u00e0 l\u2019\u00e9tage et au grenier. Toutes ces choses dont il faudra se d\u00e9faire. Repartir sur une nouvelle tranche de vie. Ce ne sera pas la premi\u00e8re fois. Il me faudra une solution pour les livres. Personne ne nous aidera \u00e0 d\u00e9m\u00e9nager. A. et L. ont pr\u00e9venu : \u00ab Ne comptez pas sur nous. \u00bb Sur la route, en longeant la Sa\u00f4ne, je me suis dit qu\u2019il y avait plus de morts que de vivants. Vertige. Puis la concession que S. a achet\u00e9e \u00e0 Caluire. J\u2019essaie d\u2019imaginer ma tombe, S. venant d\u00e9poser un pot de fleurs de temps \u00e0 autre. J\u2019ai toujours pens\u00e9 partir le premier. Ce serait trop triste autrement. Les silhouettes sur les trottoirs marchent vers leur fin, et moi, d\u00e9j\u00e0 un peu mort, je regarde sans rien dire. La route gr\u00e9sille. Klaxons, appels de phares, nervosit\u00e9. Un 4x4 arrive par la gauche, plaque boueuse, antenne tordue, clignotant oubli\u00e9, il se rabat au dernier moment sous les fl\u00e8ches du r\u00e9tr\u00e9cissement. \u00c0 Feyzin, palissades et tags criards sur ciel gris. Plus haut, Arkema. \u00c0 Pierre-B\u00e9nite, on \u00e9vite les \u0153ufs. On dit que les femmes enceintes s\u2019inqui\u00e8tent. Produits partout : air, sols, bouffe, jusque dans le lait maternel. On continue, parce que la cha\u00eene tourne et que certains y tiennent leur mesure. La col\u00e8re baisse. \u00c0 Caluire, je revois la dalle vide et, pos\u00e9 de travers, un pot de chrysanth\u00e8mes. --- Livraison d'un toit en pi\u00e8ces d\u00e9tach\u00e9es --- La colline qui prie --- La colline qui travaille --- Sinon, en rentrant j'ai pu r\u00e9gler le bug de la mise \u00e0 jour 4.4.6 de SPIP. J'ai cr\u00e9e un patch, envoy\u00e9 au forum spip dev ( Patrick.B.) Titre : [statistiques] table_objet_sql() re\u00e7oit un array dans referenceurs.php \u2192 fatal PHP 8 Contexte SPIP : x.y.z (prod) PHP : 8.x Plugins noyau : statistiques (version livr\u00e9e avec x.y.z) Plugins : statsobjets 2.1.0, referer_spam 1.2.1 H\u00e9bergeur\/OS : \u2026 Reproduction Activer Statistiques et StatsObjets. Aller dans : Activit\u00e9s \u2192 Statistiques \u2192 Liens entrants. Avec certains objets pass\u00e9s par l\u2019interface, l\u2019erreur survient. R\u00e9sultat obtenu table_objet_sql(): Argument #1 ($type) must be of type string, array given \u2026\/ecrire\/base\/objets.php:1074 appel\u00e9 depuis \u2026\/plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php:191 R\u00e9sultat attendu Affichage normal des r\u00e9f\u00e9rents. Analyse referenceurs.php::referes() peut recevoir $objets sous forme de tableau (extraction depuis spip_referers_objets ou appels externes). La boucle foreach ($objets as $objet) envoie ensuite un \u00e9l\u00e9ment potentiellement tableau \u00e0 table_objet_sql($objet), qui attend une cha\u00eene. Correctif propos\u00e9 (d\u00e9fensif) Extraire proprement la colonne objet depuis sql_allfetsel. Aplatir\/normaliser $objets en tableau de cha\u00eenes. Passer chaque $objet par objet_type() avant table_objet_sql(). Diff minimal sur plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php : --- a\/plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php +++ b\/plugins-dist\/statistiques\/inc\/referenceurs.php @@ function referes(string $referermd5, $objets = null, string $serveur = ''): string { - if ($stats_objets) { - if ($objets = sql_allfetsel('DISTINCT objet', 'spip_referers_objets')) { - $objets_par_defaut = array_values($objets); - } - } + if ($stats_objets) { + if ($tmp = sql_allfetsel('DISTINCT objet', 'spip_referers_objets')) { + \/\/ extraire colonne 'objet', nettoyer et d\u00e9dupliquer + $liste = array_column($tmp, 'objet'); + $liste = array_filter(array_map('strval', $liste)); + $liste = array_values(array_unique($liste)); + $objets_par_defaut = $liste; + } + } if (sql_fetsel('*', 'spip_visites_articles', '', '', '', '0,1')) { $objets_par_defaut[] = 'article'; - \/\/ (pas de d\u00e9duplication ici) + $objets_par_defaut = array_values(array_unique($objets_par_defaut)); } @@ - elseif (is_array($objets)) { - \/\/ laisser tel quel - } + elseif (is_array($objets)) { + \/\/ aplatir d\u2019\u00e9ventuels sous-tableaux + $flat = []; + foreach ($objets as $o) { + $flat[] = is_array($o) ? reset($o) : $o; + } + $objets = array_values(array_unique(array_filter(array_map('strval', $flat)))); + } @@ - foreach ($objets as $objet) { - $table_objet_sql = table_objet_sql($objet); + foreach ($objets as $objet) { + if (is_array($objet)) { + $objet = reset($objet); + } + $objet = objet_type($objet); + $table_objet_sql = table_objet_sql($objet); $id_table_objet = id_table_objet($objet); Remarque front\/squelettes (optionnel) Dans prive\/squelettes\/contenu\/stats_referers.html, on peut aussi normaliser c\u00f4t\u00e9 gabarit pour \u00e9viter de passer un tableau : #SET{objet_norm,#ENV{objet}|table_valeur{0,#ENV{objet}}} \u2026 utiliser #GET{objet_norm} \u00e0 la place de #ENV{objet} \u2026 Mais le correctif robuste est c\u00f4t\u00e9 PHP. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection", "La mort"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-octobre-2025.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-octobre-2025.html",
"title": "14 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-14T07:57:52Z",
"date_modified": "2025-10-14T07:58:16Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Pas grand-chose \u00e0 dire. Mon cousin C. est mort hier en pleine conversation t\u00e9l\u00e9phonique. Il avait 66 ans. La litt\u00e9rature, l’\u00e9criture para\u00eessent tellement futiles soudain. Comme si j’\u00e9tais en col\u00e8re de ne pas l’avoir mieux connu. Combien de personnes ainsi n’ai-je pas « mieux connues »... \n10h d\u00e9part vers Lyon, nous allons voir E. puis ce sera le retour chez le m\u00e9decin. Et il faut prendre des dispositions pour l’op\u00e9ration du 20\/10.\nEncore des frais. Des frais de partout. Une h\u00e9morragie. Et tout \u00e0 l’heure en prenant ma douche : « rendez \u00e0 C\u00e9sar ce qui appartient \u00e0 C\u00e9sar ». Ce qui soudain ce traduit par une bouff\u00e9e d’oxyg\u00e8ne. Oui, apr\u00e8s tout l’argent, tout ce syst\u00e8me, cette prison, on y est parce qu’on le veut bien non ? Donc revenir \u00e0 de vieux slogans qui ont fait leur preuve jadis, Ne pas se plaindre de n’avoir pas d’argent, plut\u00f4t s’en r\u00e9jouir : cela permet, parfois, de penser \u00e0 autre chose.\nM.T.P avec un ton que je ne saurais qualifier vraiment, \u00e9tait-il ironique, doctoral, hautain, culott\u00e9 ? :— Tu parles tout de m\u00eame souvent d’argent. \nC’est dr\u00f4le ce sont souvent ceux qui en ont qui remarquent ce genre de chose. \nVoil\u00e0 ce sera tout pour aujourd’hui. Honte de tout ce matin et id\u00e9e de tout flanquer dans une archive, de passer \u00e0 toute autre chose, la poterie peut-\u00eatre.. <\/p>",
"content_text": " Pas grand-chose \u00e0 dire. Mon cousin C. est mort hier en pleine conversation t\u00e9l\u00e9phonique. Il avait 66 ans. La litt\u00e9rature, l'\u00e9criture para\u00eessent tellement futiles soudain. Comme si j'\u00e9tais en col\u00e8re de ne pas l'avoir mieux connu. Combien de personnes ainsi n'ai-je pas \"mieux connues\"... 10h d\u00e9part vers Lyon, nous allons voir E. puis ce sera le retour chez le m\u00e9decin. Et il faut prendre des dispositions pour l'op\u00e9ration du 20\/10. Encore des frais. Des frais de partout. Une h\u00e9morragie. Et tout \u00e0 l'heure en prenant ma douche : \"rendez \u00e0 C\u00e9sar ce qui appartient \u00e0 C\u00e9sar\". Ce qui soudain ce traduit par une bouff\u00e9e d'oxyg\u00e8ne. Oui, apr\u00e8s tout l'argent, tout ce syst\u00e8me, cette prison, on y est parce qu'on le veut bien non ? Donc revenir \u00e0 de vieux slogans qui ont fait leur preuve jadis, Ne pas se plaindre de n'avoir pas d'argent, plut\u00f4t s'en r\u00e9jouir : cela permet, parfois, de penser \u00e0 autre chose. M.T.P avec un ton que je ne saurais qualifier vraiment, \u00e9tait-il ironique, doctoral, hautain, culott\u00e9 ? :\u2014 Tu parles tout de m\u00eame souvent d'argent. C'est dr\u00f4le ce sont souvent ceux qui en ont qui remarquent ce genre de chose. Voil\u00e0 ce sera tout pour aujourd'hui. Honte de tout ce matin et id\u00e9e de tout flanquer dans une archive, de passer \u00e0 toute autre chose, la poterie peut-\u00eatre.. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-octobre-2025.html",
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"title": "13 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-13T14:00:23Z",
"date_modified": "2025-10-13T14:00:23Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Bien que r\u00e9veill\u00e9 de bonne heure, je n\u2019ai pas \u00e9crit. Je me suis emp\u00each\u00e9. La mise \u00e0 jour du site a pris le relais ; puis, au bug de la derni\u00e8re version, l\u2019urgence d\u2019une bonne soupe m\u2019a d\u00e9tourn\u00e9 : avais-je envie d\u2019aller faire mes emplettes ? Oui. \u00c0 pied ou en carrosse ? J\u2019ouvre la porte, la fra\u00eecheur au fond de l\u2019air, je choisis le carrosse. S. a tant bourr\u00e9 le v\u00e9hicule que je ne peux pas reculer le si\u00e8ge ; contrit, recroquevill\u00e9, je parcours les cinq cents m\u00e8tres jusqu\u2019au primeur. J\u2019en profite pour la bouffe de la chatte : plus de croquettes au b\u0153uf en hebdo, seulement de grands sacs au trimestre tout en bas. Astuce de rayon. Je les laisse. Ce sera saumon, ma belle. Et moi, le saumon \u00e0 chaque repas ? Non. Plaisir par procuration, \u00e7a ira. J\u2019\u00e9cris en milieu d\u2019apr\u00e8s-midi ; on n\u2019\u00e9crit pas les m\u00eames choses qu\u2019au matin ou le soir. J. O. publie souvent le soir, peut-\u00eatre \u00e9crit-il t\u00f4t et laisse reposer. Pendant que la soupe cuit , je lis Gros \u0153uvre<\/em> de Joy Sorman. Connexion imm\u00e9diate avec « habiter » : l\u2019habitable et l\u2019inhabitable. Rousseau revient : « les fruits \u00e0 tous, la terre \u00e0 personne ». Avant la soupe, j\u2019\u00e9pluchais les l\u00e9gumes et je pensais \u00e0 la veille, au stage, aux trois anciennes \u00e9l\u00e8ves venues, et \u00e0 mes dents manquantes ; toute la journ\u00e9e \u00e0 retenir le sourire, de peur de trahir je ne sais quoi, vieillesse, d\u00e9cr\u00e9pitude, pauvret\u00e9, tout ce qu\u2019on imagine quand on s\u2019y met. La journ\u00e9e fut pourtant excellente ; elles le disent, le r\u00e9p\u00e8te en partant, en promettant de revenir en janvier ou en f\u00e9vrier. En finissant les pommes de terre, j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 appeler l\u2019huissier pour l\u2019eau. Personne ne d\u00e9croche. Sur leur site, identifiants, mot de passe, bonne surprise : la facture est pass\u00e9e en « r\u00e9gl\u00e9e » entre-temps. Des frais tout de m\u00eame : sept euros et des poussi\u00e8res. On paie pour confirmer qu\u2019on a pay\u00e9. Je vois que c\u2019est un regroupement de commissaires de justice, aucun num\u00e9ro. Portail seulement. Usager tenu dehors. On pense \u00e0 l\u2019Ancien R\u00e9gime, \u00e0 la naissance, au privil\u00e8ge, aux deux bourgeoisies, au colonialisme, tout l\u2019attirail. La brute qui pr\u00e9side file tout droit ; comment l\u2019arr\u00eater, qui le sait. L\u2019\u00e9cran dit « paiment accept\u00e9 », pas de merci, la vapeur embue la vitre, la soupe a pris. <\/p>",
"content_text": " Bien que r\u00e9veill\u00e9 de bonne heure, je n\u2019ai pas \u00e9crit. Je me suis emp\u00each\u00e9. La mise \u00e0 jour du site a pris le relais ; puis, au bug de la derni\u00e8re version, l\u2019urgence d\u2019une bonne soupe m\u2019a d\u00e9tourn\u00e9 : avais-je envie d\u2019aller faire mes emplettes ? Oui. \u00c0 pied ou en carrosse ? J\u2019ouvre la porte, la fra\u00eecheur au fond de l\u2019air, je choisis le carrosse. S. a tant bourr\u00e9 le v\u00e9hicule que je ne peux pas reculer le si\u00e8ge ; contrit, recroquevill\u00e9, je parcours les cinq cents m\u00e8tres jusqu\u2019au primeur. J\u2019en profite pour la bouffe de la chatte : plus de croquettes au b\u0153uf en hebdo, seulement de grands sacs au trimestre tout en bas. Astuce de rayon. Je les laisse. Ce sera saumon, ma belle. Et moi, le saumon \u00e0 chaque repas ? Non. Plaisir par procuration, \u00e7a ira. J\u2019\u00e9cris en milieu d\u2019apr\u00e8s-midi ; on n\u2019\u00e9crit pas les m\u00eames choses qu\u2019au matin ou le soir. J. O. publie souvent le soir, peut-\u00eatre \u00e9crit-il t\u00f4t et laisse reposer. Pendant que la soupe cuit , je lis *Gros \u0153uvre* de Joy Sorman. Connexion imm\u00e9diate avec \u00ab habiter \u00bb : l\u2019habitable et l\u2019inhabitable. Rousseau revient : \u00ab les fruits \u00e0 tous, la terre \u00e0 personne \u00bb. Avant la soupe, j\u2019\u00e9pluchais les l\u00e9gumes et je pensais \u00e0 la veille, au stage, aux trois anciennes \u00e9l\u00e8ves venues, et \u00e0 mes dents manquantes ; toute la journ\u00e9e \u00e0 retenir le sourire, de peur de trahir je ne sais quoi, vieillesse, d\u00e9cr\u00e9pitude, pauvret\u00e9, tout ce qu\u2019on imagine quand on s\u2019y met. La journ\u00e9e fut pourtant excellente ; elles le disent, le r\u00e9p\u00e8te en partant, en promettant de revenir en janvier ou en f\u00e9vrier. En finissant les pommes de terre, j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 appeler l\u2019huissier pour l\u2019eau. Personne ne d\u00e9croche. Sur leur site, identifiants, mot de passe, bonne surprise : la facture est pass\u00e9e en \u00ab r\u00e9gl\u00e9e \u00bb entre-temps. Des frais tout de m\u00eame : sept euros et des poussi\u00e8res. On paie pour confirmer qu\u2019on a pay\u00e9. Je vois que c\u2019est un regroupement de commissaires de justice, aucun num\u00e9ro. Portail seulement. Usager tenu dehors. On pense \u00e0 l\u2019Ancien R\u00e9gime, \u00e0 la naissance, au privil\u00e8ge, aux deux bourgeoisies, au colonialisme, tout l\u2019attirail. La brute qui pr\u00e9side file tout droit ; comment l\u2019arr\u00eater, qui le sait. L\u2019\u00e9cran dit \u00ab paiment accept\u00e9 \u00bb, pas de merci, la vapeur embue la vitre, la soupe a pris. ",
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"title": "12 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-12T06:18:58Z",
"date_modified": "2025-10-12T06:19:14Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " On dit vivre au pr\u00e9sent. Le pr\u00e9sent n\u2019a pas lieu. Il se soutient d\u2019une lacune qu\u2019on nomme instant. Une \u00e9poque r\u00e9pond \u00e0 une autre, sans rencontre. Revenir ne rejoint rien. Cela r\u00e9p\u00e8te. Nommer l\u2019instant le retire. Ce qui se montre se d\u00e9fait. Rien \u00e0 retenir.\nAller sans objet. Passages. Lire. Relire. Couper. Laisser le reste. Parfois l\u2019\u00e9criture a lieu dans le sommeil. Au r\u00e9veil, rien. Mieux, peut-\u00eatre.\nSe soustraire au pr\u00e9sent nomm\u00e9 n\u2019\u00e9claire pas. Une ouverture a lieu, sans lieu. Expos\u00e9 au neutre. Sans accueil, sans refus. L\u2019inqui\u00e9tude pr\u00e9vaut sur l\u2019assurance.\nIl y a, peut-\u00eatre, urgence. Non \u00e0 comprendre. \u00c0 sortir. Un pas se fait, sans direction. Pourquoi, comment, en suspens. Rien n\u2019est d\u00e9cid\u00e9.<\/p>\n Le pr\u00e9sent n\u2019a pas lieu. S\u2019il n\u2019a pas lieu, il oblige. Tenir l\u2019\u00e9cart. Suspendre l\u2019assentiment. Reporter le jugement. R\u00e9duire la phrase.\n\u00c9preuve minimale. L\u2019horloge passe de 12:00 \u00e0 12:01. Rien n\u2019a eu lieu. Le fichier porte une date. Rien ne s\u2019est pass\u00e9. Diff\u00e9rence constat\u00e9e sans \u00e9v\u00e9nement.\nCons\u00e9quence. Conduite basse intensit\u00e9. Ne pas conclure. Laisser ouvert. Geste minimal. Sortir plut\u00f4t que comprendre.\nRisque. S\u00e9paration. Silence pris pour refus. Perte d\u2019usage.\nCe que cela sauve. Attention. Possibilit\u00e9 d\u2019entendre. Place pour quiconque.\nIl y a, peut-\u00eatre, urgence. Un pas se fait, sans destination. Ni adh\u00e9sion ni d\u00e9ni. Le neutre travaille. Rien n\u2019est d\u00e9cid\u00e9.<\/p>\n illustration<\/strong> : Whistler, nocturne en bleu et or, 1872-75, huile sur toile, Tate, Londres.<\/p>",
"content_text": " On dit vivre au pr\u00e9sent. Le pr\u00e9sent n\u2019a pas lieu. Il se soutient d\u2019une lacune qu\u2019on nomme instant. Une \u00e9poque r\u00e9pond \u00e0 une autre, sans rencontre. Revenir ne rejoint rien. Cela r\u00e9p\u00e8te. Nommer l\u2019instant le retire. Ce qui se montre se d\u00e9fait. Rien \u00e0 retenir. Aller sans objet. Passages. Lire. Relire. Couper. Laisser le reste. Parfois l\u2019\u00e9criture a lieu dans le sommeil. Au r\u00e9veil, rien. Mieux, peut-\u00eatre. Se soustraire au pr\u00e9sent nomm\u00e9 n\u2019\u00e9claire pas. Une ouverture a lieu, sans lieu. Expos\u00e9 au neutre. Sans accueil, sans refus. L\u2019inqui\u00e9tude pr\u00e9vaut sur l\u2019assurance. Il y a, peut-\u00eatre, urgence. Non \u00e0 comprendre. \u00c0 sortir. Un pas se fait, sans direction. Pourquoi, comment, en suspens. Rien n\u2019est d\u00e9cid\u00e9. --- Le pr\u00e9sent n\u2019a pas lieu. S\u2019il n\u2019a pas lieu, il oblige. Tenir l\u2019\u00e9cart. Suspendre l\u2019assentiment. Reporter le jugement. R\u00e9duire la phrase. \u00c9preuve minimale. L\u2019horloge passe de 12:00 \u00e0 12:01. Rien n\u2019a eu lieu. Le fichier porte une date. Rien ne s\u2019est pass\u00e9. Diff\u00e9rence constat\u00e9e sans \u00e9v\u00e9nement. Cons\u00e9quence. Conduite basse intensit\u00e9. Ne pas conclure. Laisser ouvert. Geste minimal. Sortir plut\u00f4t que comprendre. Risque. S\u00e9paration. Silence pris pour refus. Perte d\u2019usage. Ce que cela sauve. Attention. Possibilit\u00e9 d\u2019entendre. Place pour quiconque. Il y a, peut-\u00eatre, urgence. Un pas se fait, sans destination. Ni adh\u00e9sion ni d\u00e9ni. Le neutre travaille. Rien n\u2019est d\u00e9cid\u00e9. **illustration**: Whistler, nocturne en bleu et or, 1872-75, huile sur toile, Tate, Londres. ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-octobre-2025.html",
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"title": "11 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-11T06:12:51Z",
"date_modified": "2025-10-11T06:12:51Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Ordinateur, lumi\u00e8re bleue ; caf\u00e9 froid, amertume. Page nue, marge large, blancs bloqu\u00e9s. Frisson, angoisse, joie, ivresse (courte). L\u2019\u00e9diteur, au guet ; contre l\u2019effacement. Barre d\u2019outils ; onglets ouverts ; dossiers en enfilade : dates, num\u00e9ros, \u00e9tiquettes. Papier mental, grain fin ; \u00e9cran mat, reflets ; poussi\u00e8re de bord d\u2019\u00e9cran. Silence de pi\u00e8ce ; tic sec du trackpad ; souffle mesur\u00e9. Groupe nominal en charpente : tasse, paume, fen\u00eatre, nuit ; le jour, au rebord. Blancs porteurs ; seuils ; interlignes ; marges en garde. Atlas du site : rubriques, mois, fil d\u2019Ariane ; cartes, \u00e9pingles, toponymes. Inventaire d\u2019objets : porcelaine, stylo, carnet, c\u00e2ble ; odeur d\u2019encre, m\u00e9tal ti\u00e8de. \u00c9tude, protocole, gabarits ; sobri\u00e9t\u00e9 typographique ; hi\u00e9rarchie de titres. Progressivit\u00e9 : l\u2019ind\u00e9fini d\u2019abord, la pr\u00e9cision ensuite ; singulier en pr\u00e9f\u00e9rence. Maison d\u2019\u00e9dition : poutre, paille, joints ; toit au-dessus des pages. Paroi du temps : versions, sauvegardes, bornes. L\u2019angoisse, ici ; la r\u00e8gle, l\u00e0 ; le blanc, entre. Maison plut\u00f4t qu\u2019\u00e9dition ; page plut\u00f4t que phrase ; relation plut\u00f4t que mot.<\/p>\n Un ordinateur, d\u2019abord — bleu d\u2019\u00e9cran. L\u2019ordinateur, ensuite, veille froide ; cet \u00e9cran, lumi\u00e8re serr\u00e9e. Caf\u00e9, froid ; amertume, au bord de la tasse. La page, nue ; la marge, large ; blancs, bloqu\u00e9s ; le blanc de marge, de page, de nuit ; ce blanc-ci, charpente. Frisson, angoisse, joie, ivresse (courte). Un \u00e9diteur, au guet ; l\u2019\u00e9diteur, dans le courant ; cet \u00e9diteur, contre l\u2019effacement. Navigation : dossiers, onglets, seuils ; dates, num\u00e9ros, \u00e9tiquettes ; versions, sauvegardes, bornes. \u00c9tude : d\u2019abord ; \u00e9tude, encore ; contre l\u2019angoisse, l\u2019\u00e9tude. Une grammaire : invention ; groupe nominal contre groupe verbal ; nom, avant ; verbe, rel\u00e9gu\u00e9. Appositions : tasse, paume, vitre ; fen\u00eatre, nuit ; jour, au rebord. G\u00e9nitifs en cha\u00eene : silence de pi\u00e8ce, de souffle, de doigt ; poussi\u00e8re de clavier, de c\u00e2ble, de livre. Maison d\u2019\u00e9dition : poutre, paille, joints ; toit au-dessus des pages ; la maison, plus que l\u2019\u00e9dition. R\u00e8gle visible : fil d\u2019Ariane, cartes, rubriques ; les mois, en frise ; titres, corps, interlignes. Progressivit\u00e9 : un blanc, le blanc, ce blanc-ci ; une page, la page, cette page. Hypoth\u00e8se, retrait, reprise ; fragments ; s\u00e9ries. L\u2019oubli, dehors ; l\u2019effacement, repouss\u00e9 aux bords. Le texte : objet ; la page : surface ; le regard : passage. Un coup de page : l\u2019espace : phrase ; la relation : sens.<\/p>\n Ici, j\u2019ai supprim\u00e9 les verbes pour \u00e9prouver l\u2019hypostase du nom. J\u2019expose la r\u00e8gle afin qu\u2019on lise l\u2019agencement : progressivit\u00e9 (un\/le\/ce), cha\u00eenes g\u00e9nitives, deux appositions longues, blancs op\u00e9ratoires. La page sert d\u2019unit\u00e9, non la phrase. On voit ce que gagne la pr\u00e9cision d\u00e9plac\u00e9e. Plus tard, je remettrai un verbe, un seul, pour mesurer l\u2019\u00e9cart.<\/p>\n Revenir sur les lieux par l\u2019imagination — quels lieux, et pourquoi l\u2019insistance de certains plut\u00f4t que d\u2019autres — ce ne sont pas des questions \u00e0 trop creuser, au risque de ne plus savoir remonter le m\u00e9canisme.<\/p>\n<\/blockquote>\n Rester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais au guet. Attention br\u00e8ve : surgissement, mine, raclage, succion, \u00e9ponge.<\/p>\n S\u2019\u00e9loigner, revenir, s\u2019\u00e9loigner. Accommoder. Je dis que je reconnais la fa\u00e7ade parce qu\u2019elle n\u2019a jamais tenu que par trois signes simples : un vieux num\u00e9ro viss\u00e9 de travers, un joint de silicone jauni autour d\u2019une fen\u00eatre, une tache plus claire l\u00e0 o\u00f9 pendait autrefois un store. Je dis que c\u2019est incontestable, que ces trois signes suffisent pour dire “c\u2019est ici”, et je retire ma certitude puisque le num\u00e9ro a pu \u00eatre reviss\u00e9 par le nouveau propri\u00e9taire, que le silicone a pu \u00eatre refait \u00e0 l\u2019identique, que la tache claire n\u2019est peut-\u00eatre que l\u2019ombre r\u00e9cente d\u2019une enseigne d\u2019agence qui aurait pris la maison pour un bureau. Je soutiens que l\u2019entr\u00e9e \u00e9tait \u00e0 gauche, qu\u2019on poussait une porte lourde avec un ressort fatigu\u00e9 qui revenait trop vite, que la b\u00e9quille marquait la peinture d\u2019un arc gris, et j\u2019annule aussit\u00f4t : la m\u00e9moire adore les trajets courts et les gestes ronds, elle met des ressorts partout pour tenir, elle invente le couinement comme on invente une \u00e9chelle, je n\u2019en ai pas la preuve, je ne poss\u00e8de que cette conviction qui r\u00e9arrange. Je dis que le gravier du devant \u00e9tait grossier, m\u00e9lange de blanc et de clinker, que la roue du v\u00e9lo s\u2019y plantait, que c\u2019est pour \u00e7a que je descendais toujours avant, et je d\u00e9fais : la roue plant\u00e9e c\u2019est peut-\u00eatre autre part, un autre \u00e9t\u00e9, une autre cour ; je confonds les granulom\u00e9tries et les chutes. Je d\u00e9clare que la bo\u00eete aux lettres, normalis\u00e9e avec un petit tambour pour les journaux, portait notre nom \u00e9crit au marqueur noir qui bavait sous la pluie, et je retire : le marqueur pourrait appartenir \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 nous n\u2019\u00e9tions d\u00e9j\u00e0 plus l\u00e0, le bavement \u00eatre celui des nouveaux, leurs lettres \u00e0 eux, leur mani\u00e8re d\u2019exister sur la porte.<\/p>\n Je dis que la campagne n\u2019\u00e9tait pas vide, qu\u2019elle posait seulement des distances trop \u00e9gales : entre les poteaux \u00e9lectriques, entre deux fermes, entre un talus et la bande blanche de la route, une \u00e9galit\u00e9 qui fatigue l\u2019\u0153il et apaise les voix, et je dis que c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment cette \u00e9galit\u00e9 qui est devenue une chambre int\u00e9rieure, un syst\u00e8me de rep\u00e8res pour respirer, et je me contredis : je sais tr\u00e8s bien que j\u2019importe ici des mots appris plus tard, que je donne \u00e0 la plaine une syntaxe qui lui est \u00e9trang\u00e8re, que la chambre int\u00e9rieure n\u2019existait pas ; il y avait des ronces au mauvais endroit, un foss\u00e9 plein d\u2019eau brune, une signalisation qui se d\u00e9colorait sans \u00e9l\u00e9gance, un abribus qui sonnait creux quand on le touchait du poing. Je dis que je peux atteindre la maison en me fiant au panneau “Vallon-en-Sully” et au tournant juste apr\u00e8s la rivi\u00e8re, pont \u00e9troit, bordures griff\u00e9es par les camions, et je retire : tout pont se ressemble quand on parle au pass\u00e9, on lui pr\u00eate toujours la m\u00eame fatigue, la m\u00eame rature de pneus, on l\u2019am\u00e8ne o\u00f9 l\u2019on veut pour y faire passer nos phrases.<\/p>\n Je dis que dans la maison on se parle encore \u00e0 voix basse, que l\u2019acoustique de la cage d\u2019escalier remonte les mots et les renvoie comme dans un entonnoir, que j\u2019entends “descends”, “pose \u00e7a”, “pas maintenant”, et j\u2019annule : ces mots sont des \u00e9tiquettes coll\u00e9es depuis, l\u2019intonation est fabriqu\u00e9e, je fais venir des voix pour habiller un volume. Je dis que la cuisine faisait chaud sans raison parce que la fen\u00eatre donnait plein ouest et que personne ne pensait \u00e0 baisser le store, que le carrelage avait un d\u00e9faut d\u2019alignement sur trois rangs, qu\u2019on butait dessus sans le dire, et je retire : cet ouest obstin\u00e9 appartient peut-\u00eatre \u00e0 un autre plan, une autre fa\u00e7ade, un croquis mental qui a rang\u00e9 toutes les pi\u00e8ces sur un m\u00eame soleil, parce que c\u2019est plus simple de tenir un souvenir comme un plan. Je dis que l\u2019odeur l\u00e0-bas n\u2019\u00e9tait pas “foin”, n\u2019\u00e9tait pas “linge propre”, n\u2019\u00e9tait pas “confiture”, mais quelque chose d\u2019industriel et de discret : la colle d\u2019un stratifi\u00e9, le plastique d\u2019une nappe, l\u2019encre d\u2019un journal qui s\u00e8che ; et je retire : si je pr\u00e9cise \u00e0 ce point c\u2019est que la pr\u00e9cision m\u2019arrange, je place des produits chimiques pour \u00e9viter l\u2019histoire, pour me prot\u00e9ger du roman, je remplace la famille par des solvants et je demande qu\u2019on me croie.<\/p>\n Je dis que la douleur de ne plus savoir vrai ou faux tient \u00e0 un d\u00e9tail bien localisable : le compteur au mur, bo\u00eete grise, plombs bleus, chiffres qui tournent derri\u00e8re un verre ray\u00e9, j\u2019affirme que c\u2019est l\u00e0 que la m\u00e9moire se grippe, parce que je le vois si nettement que c\u2019en est suspect, et je d\u00e9fais : un compteur est toujours un compteur, c\u2019est ce qu\u2019il y a de plus interchangeable, il suffit d\u2019un drap de poussi\u00e8re et d\u2019un plomb tordu pour qu\u2019on dise “c\u2019est celui-l\u00e0”, je pourrais l\u2019avoir import\u00e9 de n\u2019importe quelle remise. Je dis que l\u2019ext\u00e9rieur a \u00e9t\u00e9 refait propre, goutti\u00e8re PVC, cr\u00e9pi \u00e0 grains serr\u00e9s, cl\u00f4ture grillag\u00e9e aux piquets vert bouteille, et je retire : ce propre m\u2019a servi d\u2019argument contre le pass\u00e9, un alibi commode pour dire “on nous remplace”, or personne ne remplace personne, on retrouve seulement le chantier l\u00e0 o\u00f9 on l\u2019a laiss\u00e9, on d\u00e9couvre qu\u2019on n\u2019a jamais sign\u00e9 de r\u00e9ception des travaux. Je dis que la campagne aujourd\u2019hui est plus vide, que la ligne de car ne passe plus, que la sup\u00e9rette a repli\u00e9 son rideau et laiss\u00e9 ses stickers comme des \u00e9cailles, que le lavoir est combl\u00e9, et je me contredis : \u00e0 force de compter les manques, je fabrique une m\u00e9thode, une mani\u00e8re d\u2019avoir raison en empilant des absences ; ce n\u2019est pas une preuve, c\u2019est une playlist.<\/p>\n Je dis que la fa\u00e7ade se souvient mieux que moi, qu\u2019elle conserve dans ses rectangles ce que j\u2019essaie de dire, que les d\u00e9calages des percements, les proportions, l\u2019inclinaison des tuiles disent ce qui fut sans pathos, et je retire : je pr\u00eate \u00e0 des angles le pouvoir de me parler parce que c\u2019est moins douloureux que d\u2019admettre que la voix qui manque est la mienne. Je dis que j\u2019accepte de ne pas savoir si le tilleul \u00e9tait un tilleul, si le banc \u00e9tait un banc, si la marche \u00e9tait fendue en deux ou en trois, et je retire jusqu\u2019\u00e0 cette acceptation, car j\u2019entends tr\u00e8s bien la petite musique de l\u2019\u00e9poque : je me vois arrangeant mes ignorances comme on classe des vis ; je m\u2019offre des pauses nobles, je baptise mon incertitude pour ne pas passer pour n\u00e9gligent.<\/p>\n Je dis que je poss\u00e8de au moins un point fixe : l\u2019angle de vue depuis la route, parce qu\u2019il impose son horizon et sa perspective ind\u00e9pendamment de moi, que c\u2019est la g\u00e9om\u00e9trie qui me tient quand je flotte, et j\u2019annule : je n\u2019ai jamais regard\u00e9 que depuis mes chevilles et mes \u00e9paules, et mes chevilles et mes \u00e9paules ont chang\u00e9 ; il n\u2019y a pas d\u2019angle objectif, seulement une posture qu\u2019on r\u00e9p\u00e8te pour se convaincre qu\u2019on revient quelque part. Je dis que la preuve de l\u2019enfance, c\u2019est la hauteur des poign\u00e9es par rapport \u00e0 la main, que je me souviens pr\u00e9cis\u00e9ment de lever le bras pour atteindre, et je retire : ce geste est un clich\u00e9 internalis\u00e9, tout enfant l\u00e8ve le bras, je lui donne un statut d\u2019archive parce qu\u2019il est exportable, parce que je peux l\u2019\u00e9crire sans me br\u00fbler. Je dis que je peux reconstituer la table du matin gr\u00e2ce au bruit des verres quand on les pose sur la toile cir\u00e9e : un son mat, un peu collant, suivi d\u2019un petit arrachement, et je retire : j\u2019ai appris ce bruit dans d\u2019autres cuisines, j\u2019en fais revenir un sample ici, je fais de l\u2019ing\u00e9nierie du sonore pour recoller un lieu.<\/p>\n Je dis que ce qui reste, c\u2019est un geste ext\u00e9rieur : la main sur le verrou du portail, la friction l\u00e9g\u00e8re, le clac sec, le retour contre but\u00e9e, que je le tiens, que ce geste prouve une r\u00e9sidence, et je retire : un verrou est un verbe transitif, il ferme ce qu\u2019on ne dira pas, il n\u2019ouvre rien. Je dis que je vais quitter la route, que j\u2019avance, que je m\u2019aligne sur la fen\u00eatre du rez-de-chauss\u00e9e, que je compte jusqu\u2019\u00e0 quatre pour atteindre le coin, et je retire : je tourne autour d\u2019un rectangle mental comme autour d\u2019une planche \u00e0 dessin.<\/p>\n Je dis, pour finir en le d\u00e9faisant, que la v\u00e9rit\u00e9 de ces souvenirs tient dans la mani\u00e8re m\u00eame dont ils m\u2019\u00e9chappent, et je retire le mot v\u00e9rit\u00e9 parce qu\u2019il m\u2019aide trop ; il reste une pratique : dire, enlever, dire encore, rayer, remettre une vis, en enlever deux, revenir le lendemain sans excuses. Je dis que je n\u2019ai plus besoin des images attendues, et je retire : j\u2019en aurai besoin demain, parce qu\u2019elles sont pratiques pour ne pas sombrer dans le blanc. Alors je t\u2019indique seulement ceci, sans y mettre autre chose : il y a une fa\u00e7ade qui a chang\u00e9 de mains, un bout de route trop droite, un panneau qui promet une commune avant que la rivi\u00e8re ne tourne, et entre tout \u00e7a et moi une s\u00e9rie de corrections que je n\u2019arrive pas \u00e0 finir.<\/p>",
"content_text": " Je dis que je reconnais la fa\u00e7ade parce qu\u2019elle n\u2019a jamais tenu que par trois signes simples: un vieux num\u00e9ro viss\u00e9 de travers, un joint de silicone jauni autour d\u2019une fen\u00eatre, une tache plus claire l\u00e0 o\u00f9 pendait autrefois un store. Je dis que c\u2019est incontestable, que ces trois signes suffisent pour dire \u201cc\u2019est ici\u201d, et je retire ma certitude puisque le num\u00e9ro a pu \u00eatre reviss\u00e9 par le nouveau propri\u00e9taire, que le silicone a pu \u00eatre refait \u00e0 l\u2019identique, que la tache claire n\u2019est peut-\u00eatre que l\u2019ombre r\u00e9cente d\u2019une enseigne d\u2019agence qui aurait pris la maison pour un bureau. Je soutiens que l\u2019entr\u00e9e \u00e9tait \u00e0 gauche, qu\u2019on poussait une porte lourde avec un ressort fatigu\u00e9 qui revenait trop vite, que la b\u00e9quille marquait la peinture d\u2019un arc gris, et j\u2019annule aussit\u00f4t: la m\u00e9moire adore les trajets courts et les gestes ronds, elle met des ressorts partout pour tenir, elle invente le couinement comme on invente une \u00e9chelle, je n\u2019en ai pas la preuve, je ne poss\u00e8de que cette conviction qui r\u00e9arrange. Je dis que le gravier du devant \u00e9tait grossier, m\u00e9lange de blanc et de clinker, que la roue du v\u00e9lo s\u2019y plantait, que c\u2019est pour \u00e7a que je descendais toujours avant, et je d\u00e9fais: la roue plant\u00e9e c\u2019est peut-\u00eatre autre part, un autre \u00e9t\u00e9, une autre cour; je confonds les granulom\u00e9tries et les chutes. Je d\u00e9clare que la bo\u00eete aux lettres, normalis\u00e9e avec un petit tambour pour les journaux, portait notre nom \u00e9crit au marqueur noir qui bavait sous la pluie, et je retire: le marqueur pourrait appartenir \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 nous n\u2019\u00e9tions d\u00e9j\u00e0 plus l\u00e0, le bavement \u00eatre celui des nouveaux, leurs lettres \u00e0 eux, leur mani\u00e8re d\u2019exister sur la porte. Je dis que la campagne n\u2019\u00e9tait pas vide, qu\u2019elle posait seulement des distances trop \u00e9gales: entre les poteaux \u00e9lectriques, entre deux fermes, entre un talus et la bande blanche de la route, une \u00e9galit\u00e9 qui fatigue l\u2019\u0153il et apaise les voix, et je dis que c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment cette \u00e9galit\u00e9 qui est devenue une chambre int\u00e9rieure, un syst\u00e8me de rep\u00e8res pour respirer, et je me contredis: je sais tr\u00e8s bien que j\u2019importe ici des mots appris plus tard, que je donne \u00e0 la plaine une syntaxe qui lui est \u00e9trang\u00e8re, que la chambre int\u00e9rieure n\u2019existait pas; il y avait des ronces au mauvais endroit, un foss\u00e9 plein d\u2019eau brune, une signalisation qui se d\u00e9colorait sans \u00e9l\u00e9gance, un abribus qui sonnait creux quand on le touchait du poing. Je dis que je peux atteindre la maison en me fiant au panneau \u201cVallon-en-Sully\u201d et au tournant juste apr\u00e8s la rivi\u00e8re, pont \u00e9troit, bordures griff\u00e9es par les camions, et je retire: tout pont se ressemble quand on parle au pass\u00e9, on lui pr\u00eate toujours la m\u00eame fatigue, la m\u00eame rature de pneus, on l\u2019am\u00e8ne o\u00f9 l\u2019on veut pour y faire passer nos phrases. Je dis que dans la maison on se parle encore \u00e0 voix basse, que l\u2019acoustique de la cage d\u2019escalier remonte les mots et les renvoie comme dans un entonnoir, que j\u2019entends \u201cdescends\u201d, \u201cpose \u00e7a\u201d, \u201cpas maintenant\u201d, et j\u2019annule: ces mots sont des \u00e9tiquettes coll\u00e9es depuis, l\u2019intonation est fabriqu\u00e9e, je fais venir des voix pour habiller un volume. Je dis que la cuisine faisait chaud sans raison parce que la fen\u00eatre donnait plein ouest et que personne ne pensait \u00e0 baisser le store, que le carrelage avait un d\u00e9faut d\u2019alignement sur trois rangs, qu\u2019on butait dessus sans le dire, et je retire: cet ouest obstin\u00e9 appartient peut-\u00eatre \u00e0 un autre plan, une autre fa\u00e7ade, un croquis mental qui a rang\u00e9 toutes les pi\u00e8ces sur un m\u00eame soleil, parce que c\u2019est plus simple de tenir un souvenir comme un plan. Je dis que l\u2019odeur l\u00e0-bas n\u2019\u00e9tait pas \u201cfoin\u201d, n\u2019\u00e9tait pas \u201clinge propre\u201d, n\u2019\u00e9tait pas \u201cconfiture\u201d, mais quelque chose d\u2019industriel et de discret: la colle d\u2019un stratifi\u00e9, le plastique d\u2019une nappe, l\u2019encre d\u2019un journal qui s\u00e8che; et je retire: si je pr\u00e9cise \u00e0 ce point c\u2019est que la pr\u00e9cision m\u2019arrange, je place des produits chimiques pour \u00e9viter l\u2019histoire, pour me prot\u00e9ger du roman, je remplace la famille par des solvants et je demande qu\u2019on me croie. Je dis que la douleur de ne plus savoir vrai ou faux tient \u00e0 un d\u00e9tail bien localisable: le compteur au mur, bo\u00eete grise, plombs bleus, chiffres qui tournent derri\u00e8re un verre ray\u00e9, j\u2019affirme que c\u2019est l\u00e0 que la m\u00e9moire se grippe, parce que je le vois si nettement que c\u2019en est suspect, et je d\u00e9fais: un compteur est toujours un compteur, c\u2019est ce qu\u2019il y a de plus interchangeable, il suffit d\u2019un drap de poussi\u00e8re et d\u2019un plomb tordu pour qu\u2019on dise \u201cc\u2019est celui-l\u00e0\u201d, je pourrais l\u2019avoir import\u00e9 de n\u2019importe quelle remise. Je dis que l\u2019ext\u00e9rieur a \u00e9t\u00e9 refait propre, goutti\u00e8re PVC, cr\u00e9pi \u00e0 grains serr\u00e9s, cl\u00f4ture grillag\u00e9e aux piquets vert bouteille, et je retire: ce propre m\u2019a servi d\u2019argument contre le pass\u00e9, un alibi commode pour dire \u201con nous remplace\u201d, or personne ne remplace personne, on retrouve seulement le chantier l\u00e0 o\u00f9 on l\u2019a laiss\u00e9, on d\u00e9couvre qu\u2019on n\u2019a jamais sign\u00e9 de r\u00e9ception des travaux. Je dis que la campagne aujourd\u2019hui est plus vide, que la ligne de car ne passe plus, que la sup\u00e9rette a repli\u00e9 son rideau et laiss\u00e9 ses stickers comme des \u00e9cailles, que le lavoir est combl\u00e9, et je me contredis: \u00e0 force de compter les manques, je fabrique une m\u00e9thode, une mani\u00e8re d\u2019avoir raison en empilant des absences; ce n\u2019est pas une preuve, c\u2019est une playlist. Je dis que la fa\u00e7ade se souvient mieux que moi, qu\u2019elle conserve dans ses rectangles ce que j\u2019essaie de dire, que les d\u00e9calages des percements, les proportions, l\u2019inclinaison des tuiles disent ce qui fut sans pathos, et je retire: je pr\u00eate \u00e0 des angles le pouvoir de me parler parce que c\u2019est moins douloureux que d\u2019admettre que la voix qui manque est la mienne. Je dis que j\u2019accepte de ne pas savoir si le tilleul \u00e9tait un tilleul, si le banc \u00e9tait un banc, si la marche \u00e9tait fendue en deux ou en trois, et je retire jusqu\u2019\u00e0 cette acceptation, car j\u2019entends tr\u00e8s bien la petite musique de l\u2019\u00e9poque: je me vois arrangeant mes ignorances comme on classe des vis; je m\u2019offre des pauses nobles, je baptise mon incertitude pour ne pas passer pour n\u00e9gligent. Je dis que je poss\u00e8de au moins un point fixe: l\u2019angle de vue depuis la route, parce qu\u2019il impose son horizon et sa perspective ind\u00e9pendamment de moi, que c\u2019est la g\u00e9om\u00e9trie qui me tient quand je flotte, et j\u2019annule: je n\u2019ai jamais regard\u00e9 que depuis mes chevilles et mes \u00e9paules, et mes chevilles et mes \u00e9paules ont chang\u00e9; il n\u2019y a pas d\u2019angle objectif, seulement une posture qu\u2019on r\u00e9p\u00e8te pour se convaincre qu\u2019on revient quelque part. Je dis que la preuve de l\u2019enfance, c\u2019est la hauteur des poign\u00e9es par rapport \u00e0 la main, que je me souviens pr\u00e9cis\u00e9ment de lever le bras pour atteindre, et je retire: ce geste est un clich\u00e9 internalis\u00e9, tout enfant l\u00e8ve le bras, je lui donne un statut d\u2019archive parce qu\u2019il est exportable, parce que je peux l\u2019\u00e9crire sans me br\u00fbler. Je dis que je peux reconstituer la table du matin gr\u00e2ce au bruit des verres quand on les pose sur la toile cir\u00e9e: un son mat, un peu collant, suivi d\u2019un petit arrachement, et je retire: j\u2019ai appris ce bruit dans d\u2019autres cuisines, j\u2019en fais revenir un sample ici, je fais de l\u2019ing\u00e9nierie du sonore pour recoller un lieu. Je dis que ce qui reste, c\u2019est un geste ext\u00e9rieur: la main sur le verrou du portail, la friction l\u00e9g\u00e8re, le clac sec, le retour contre but\u00e9e, que je le tiens, que ce geste prouve une r\u00e9sidence, et je retire: un verrou est un verbe transitif, il ferme ce qu\u2019on ne dira pas, il n\u2019ouvre rien. Je dis que je vais quitter la route, que j\u2019avance, que je m\u2019aligne sur la fen\u00eatre du rez-de-chauss\u00e9e, que je compte jusqu\u2019\u00e0 quatre pour atteindre le coin, et je retire: je tourne autour d\u2019un rectangle mental comme autour d\u2019une planche \u00e0 dessin. Je dis, pour finir en le d\u00e9faisant, que la v\u00e9rit\u00e9 de ces souvenirs tient dans la mani\u00e8re m\u00eame dont ils m\u2019\u00e9chappent, et je retire le mot v\u00e9rit\u00e9 parce qu\u2019il m\u2019aide trop; il reste une pratique: dire, enlever, dire encore, rayer, remettre une vis, en enlever deux, revenir le lendemain sans excuses. Je dis que je n\u2019ai plus besoin des images attendues, et je retire: j\u2019en aurai besoin demain, parce qu\u2019elles sont pratiques pour ne pas sombrer dans le blanc. Alors je t\u2019indique seulement ceci, sans y mettre autre chose: il y a une fa\u00e7ade qui a chang\u00e9 de mains, un bout de route trop droite, un panneau qui promet une commune avant que la rivi\u00e8re ne tourne, et entre tout \u00e7a et moi une s\u00e9rie de corrections que je n\u2019arrive pas \u00e0 finir. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation", "dispositif"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-octobre-2025.html",
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"title": "09 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-09T07:30:46Z",
"date_modified": "2025-10-09T07:30:46Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Je te le dis \u00e0 toi parce que tu vois le tableau quand j\u2019ouvre la porte : mal dormi, mauvaise humeur, et tout de suite l\u2019immense camion plant\u00e9 devant la maison — la rue bloqu\u00e9e, les trottoirs aussi — pour la nouvelle charpente de l\u2019\u00e9picerie turque, ils sont trois \u00e0 d\u00e9charger dont le patron juch\u00e9 tout en haut, inspecteur des travaux finis, donc ils sont deux seulement \u00e0 tirer pendant que la grue bascule et que tous les fils \u00e9lectriques traversent la rue trop bas, alors je dois faire le tour du p\u00e2t\u00e9 de maisons pour aller au march\u00e9 et, l\u00e0-bas, au loin, deux types en uniformes — la municipale, bien gras, placides — qui observent ; et en plus un temps gris, maussade, et en plus les gens au volant encore moins mis\u00e9ricordieux que d\u2019habitude, ils foncent, ne laissent pas passer, vocif\u00e8rent si je traverse, surtout si je passe en leur faisant, oui, un bras d\u2019honneur, et en plus ce matin le march\u00e9 est quasi vide, le Sagittaire n\u2019est pas l\u00e0, seulement des employ\u00e9s, mine maussade, peu locaces, tous en noir, pas grand-chose au bout de l\u2019\u00e9tal, les plateaux \u00e0 un euro pourris, des l\u00e9gumes, des fruits qui s\u2019affaissent sur eux-m\u00eames — quelle mis\u00e8re — et, par-dessus le march\u00e9, la femme \u00e0 qui je demande un kilo de navets qui veut me les faire payer plus cher que l\u2019affich\u00e9 ; tu vois la journ\u00e9e, je me dis que j\u2019aurais mieux fait de me recoucher, j\u2019ai si mal dormi, je suis de si mauvaise humeur, et ce camion qui va probablement rester l\u00e0 toute la journ\u00e9e, et mon \u00e9l\u00e8ve handicap\u00e9e qui vient, qui ne pourra pas passer, et parfois je pense \u00e0 la mort, j\u2019avoue, \u00e7a n\u2019a pas l\u2019air de grand-chose, \u00e7a a l\u2019air exag\u00e9r\u00e9 peut-\u00eatre, mais j\u2019y pense quand m\u00eame — mourir, ne plus voir tout \u00e7a, fermer les yeux et que \u00e7a aille comme \u00e7a peut —, bon d\u00e9barras de part et d\u2019autre, sans rancune, tu comprends ce que je veux dire.<\/p>",
"content_text": " Je te le dis \u00e0 toi parce que tu vois le tableau quand j\u2019ouvre la porte : mal dormi, mauvaise humeur, et tout de suite l\u2019immense camion plant\u00e9 devant la maison \u2014 la rue bloqu\u00e9e, les trottoirs aussi \u2014 pour la nouvelle charpente de l\u2019\u00e9picerie turque, ils sont trois \u00e0 d\u00e9charger dont le patron juch\u00e9 tout en haut, inspecteur des travaux finis, donc ils sont deux seulement \u00e0 tirer pendant que la grue bascule et que tous les fils \u00e9lectriques traversent la rue trop bas, alors je dois faire le tour du p\u00e2t\u00e9 de maisons pour aller au march\u00e9 et, l\u00e0-bas, au loin, deux types en uniformes \u2014 la municipale, bien gras, placides \u2014 qui observent; et en plus un temps gris, maussade, et en plus les gens au volant encore moins mis\u00e9ricordieux que d\u2019habitude, ils foncent, ne laissent pas passer, vocif\u00e8rent si je traverse, surtout si je passe en leur faisant, oui, un bras d\u2019honneur, et en plus ce matin le march\u00e9 est quasi vide, le Sagittaire n\u2019est pas l\u00e0, seulement des employ\u00e9s, mine maussade, peu locaces, tous en noir, pas grand-chose au bout de l\u2019\u00e9tal, les plateaux \u00e0 un euro pourris, des l\u00e9gumes, des fruits qui s\u2019affaissent sur eux-m\u00eames \u2014 quelle mis\u00e8re \u2014 et, par-dessus le march\u00e9, la femme \u00e0 qui je demande un kilo de navets qui veut me les faire payer plus cher que l\u2019affich\u00e9; tu vois la journ\u00e9e, je me dis que j\u2019aurais mieux fait de me recoucher, j\u2019ai si mal dormi, je suis de si mauvaise humeur, et ce camion qui va probablement rester l\u00e0 toute la journ\u00e9e, et mon \u00e9l\u00e8ve handicap\u00e9e qui vient, qui ne pourra pas passer, et parfois je pense \u00e0 la mort, j\u2019avoue, \u00e7a n\u2019a pas l\u2019air de grand-chose, \u00e7a a l\u2019air exag\u00e9r\u00e9 peut-\u00eatre, mais j\u2019y pense quand m\u00eame \u2014 mourir, ne plus voir tout \u00e7a, fermer les yeux et que \u00e7a aille comme \u00e7a peut \u2014, bon d\u00e9barras de part et d\u2019autre, sans rancune, tu comprends ce que je veux dire. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-octobre-2025.html",
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"title": "08 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-08T04:53:56Z",
"date_modified": "2025-10-08T04:53:56Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " si nos raisons sont des figures, ainsi que le dit Joubert, elles sont rempla\u00e7ables par d\u2019autres, et le dialogue consiste moins \u00e0 imposer la « v\u00e9rit\u00e9 » qu\u2019\u00e0 proposer une meilleure mise en forme du vrai. Pour \u00e9crire comme pour enqu\u00eater, la bonne question devient alors : quelle figure donner \u00e0 ce que je cherche \u00e0 comprendre —et qu\u2019est-ce que cette figure occulte ou r\u00e9v\u00e8le ?<\/p>\n Cette page d’accueil du site ne me pla\u00eet plus autant. J’ai pris une feuille de papier et j’ai dessin\u00e9 ce qui me para\u00eet \u00eatre plus proche de la r\u00e9alit\u00e9 de tous ces textes. Des blocs qui se cotoient, parfois peuvent se regrouper sur un th\u00e8me, un mot-cl\u00e9. Ce qui me rappelle une phrase que F. m’avait dit et que j’avais cr\u00fb comprendre \u00e0 propos de SPIP : —« ce sont des briques ». Ce qui se traduit concr\u00e8tement par des inclusions, par la confection de cartes par rubrique, par sous-rubrique, par mot-cl\u00e9, etc. Ensuite je mesure le temps que je pourrais passer \u00e0 trifouiller encore le code au d\u00e9pens de ce que je pourrais \u00e9crire. Et je chiffonne la feuille, la jette \u00e0 la corbeille. Mais je conserve cette id\u00e9e : la page d’accueil d’un site est aussi difficile \u00e0 trouver que la premi\u00e8re page d’un livre. Et encore je vois les deux pages et je me dis —reste simple.<\/p>\n La simplicit\u00e9 est sans doute la qualit\u00e9 que j’ai fuie le plus souvent dans ma vie, parce qu’elle est sans doute la plus proche, proche jusqu’\u00e0 l’insupportable. Mais il semble que le temps qui passe aide \u00e0 mieux supporter.<\/p>\n Cette vanit\u00e9, cette pr\u00e9tention, fatuit\u00e9 que je d\u00e9tecte syst\u00e9matiquement en moi et souvent en miroir chez l’autre, c’est la simplicit\u00e9 qui s’insurge de ne pas \u00eatre accept\u00e9e.<\/p>\n En peinture peindre des fleurs, des paysages, des arbres, un visage, ce n’est pas si simple et pourtant \u00e7a l’est, mais apr\u00e8s bien des complications.<\/p>\n Ce qui est simple, tellement, c’est se jeter dans l’\u00e9criture, dans la peinture. C’est justement parce que ce l’est que je ne le fais pas assez.<\/p>\n Un crime pour ouvrir l\u2019humain.<\/strong>\nLe meurtre n\u2019est pas une fin mais un levier : il force les personnages \u00e0 se d\u00e9voiler (honte, jalousie, fatigue, d\u00e9sir). Le polar sert d\u2019\u00e9pure psychologique.<\/p>\n<\/li>\n Le milieu comme cause.<\/strong>\nF\u00e9camp, les Terre-Neuvas, le bord : conditions rudes, hi\u00e9rarchie, manque de sommeil, promiscuit\u00e9. Chez Simenon, le cadre social et mat\u00e9riel presse les \u00eatres et “explique” plus qu\u2019une th\u00e8se morale.<\/p>\n<\/li>\n Compassion avant morale<\/strong>.\nMaigret cherche \u00e0 comprendre, pas \u00e0 condamner. Le commissaire incarne l\u2019humanisme froid de Simenon : laisser la justice faire son \u0153uvre, mais r\u00e9parer silencieusement quand on peut.<\/p>\n<\/li>\n La honte comme moteur<\/strong>.\nHonte sociale et sexuelle, secrets de cabine, dignit\u00e9 bless\u00e9e : c\u2019est la mati\u00e8re noire des romans de Simenon. Elle d\u00e9place plus s\u00fbrement l\u2019action que la haine.<\/p>\n<\/li>\n Le groupe contre l\u2019individu.<\/strong>\nUn \u00e9quipage = une micro-soci\u00e9t\u00e9, avec ses codes et son omerta. Simenon aime ces huis clos (navire, h\u00f4tel, immeuble) o\u00f9 l\u2019on voit comment le groupe fabrique les actes de chacun.<\/p>\n<\/li>\n L\u2019\u00e9vidence concr\u00e8te plut\u00f4t que la psychologie<\/strong>\nObjets, odeurs, gestes (verres sur le marbre, sel sur les v\u00eatements) valent diagnostic. Simenon montre ; il commente tr\u00e8s peu. Le r\u00e9el parle.<\/p>\n<\/li>\n Une intrigue mince, une densit\u00e9 forte<\/strong>\nFil simple, sc\u00e8nes courtes, dialogues nets : la tension vient de la pression du milieu et du non-dit, pas des surprises de sc\u00e9nario.<\/p>\n<\/li>\n Le sexe, la fatigue, l\u2019argent — sans lyrisme.<\/strong>\nTrio simenonien constant, trait\u00e9 comme des faits (besoin, manque, arrangement), jamais comme motifs romantiques.<\/p>\n<\/li>\n Maigret comme prisme \u00e9thique.<\/strong>\nRegard patient, corporel (manger\/boire\/fumer\/marcher), attention aux d\u00e9tails : c\u2019est la m\u00e9thode “anthropologue” de Simenon, plus que “d\u00e9tective-puzzle”.<\/p>\n<\/li>\n La fin par d\u00e9tail, pas par sentence.<\/strong>\nCl\u00f4tures discr\u00e8tes : un geste, une image, une porte qui se referme. Le lecteur conclut — Simenon s\u2019abstient.<\/p>\n<\/li>\n<\/ul>\n En somme, l\u2019histoire de F\u00e9camp r\u00e9v\u00e8le la signature simenonienne : un r\u00e9alisme sensuel et sans cruaut\u00e9, o\u00f9 le crime est l\u2019occasion d\u2019examiner ce que le monde fait aux gens — et ce que les gens font pour rester debout.<\/p>",
"content_text": " si nos raisons sont des figures, ainsi que le dit Joubert, elles sont rempla\u00e7ables par d\u2019autres, et le dialogue consiste moins \u00e0 imposer la \u00ab v\u00e9rit\u00e9 \u00bb qu\u2019\u00e0 proposer une meilleure mise en forme du vrai. Pour \u00e9crire comme pour enqu\u00eater, la bonne question devient alors : quelle figure donner \u00e0 ce que je cherche \u00e0 comprendre \u2014et qu\u2019est-ce que cette figure occulte ou r\u00e9v\u00e8le ? --- Cette page d'accueil du site ne me pla\u00eet plus autant. J'ai pris une feuille de papier et j'ai dessin\u00e9 ce qui me para\u00eet \u00eatre plus proche de la r\u00e9alit\u00e9 de tous ces textes. Des blocs qui se cotoient, parfois peuvent se regrouper sur un th\u00e8me, un mot-cl\u00e9. Ce qui me rappelle une phrase que F. m'avait dit et que j'avais cr\u00fb comprendre \u00e0 propos de SPIP : \u2014\"ce sont des briques\". Ce qui se traduit concr\u00e8tement par des inclusions, par la confection de cartes par rubrique, par sous-rubrique, par mot-cl\u00e9, etc. Ensuite je mesure le temps que je pourrais passer \u00e0 trifouiller encore le code au d\u00e9pens de ce que je pourrais \u00e9crire. Et je chiffonne la feuille, la jette \u00e0 la corbeille. Mais je conserve cette id\u00e9e : la page d'accueil d'un site est aussi difficile \u00e0 trouver que la premi\u00e8re page d'un livre. Et encore je vois les deux pages et je me dis \u2014reste simple. --- La simplicit\u00e9 est sans doute la qualit\u00e9 que j'ai fuie le plus souvent dans ma vie, parce qu'elle est sans doute la plus proche, proche jusqu'\u00e0 l'insupportable. Mais il semble que le temps qui passe aide \u00e0 mieux supporter. --- Cette vanit\u00e9, cette pr\u00e9tention, fatuit\u00e9 que je d\u00e9tecte syst\u00e9matiquement en moi et souvent en miroir chez l'autre, c'est la simplicit\u00e9 qui s'insurge de ne pas \u00eatre accept\u00e9e. --- En peinture peindre des fleurs, des paysages, des arbres, un visage, ce n'est pas si simple et pourtant \u00e7a l'est, mais apr\u00e8s bien des complications. --- Ce qui est simple, tellement, c'est se jeter dans l'\u00e9criture, dans la peinture. C'est justement parce que ce l'est que je ne le fais pas assez. --- ## Lecture de Simenon : Le pr\u00e9texte de l'histoire, que r\u00e9v\u00e8le t'il ? * **Un crime pour ouvrir l\u2019humain.** Le meurtre n\u2019est pas une fin mais un levier : il force les personnages \u00e0 se d\u00e9voiler (honte, jalousie, fatigue, d\u00e9sir). Le polar sert d\u2019\u00e9pure psychologique. * **Le milieu comme cause.** F\u00e9camp, les Terre-Neuvas, le bord : conditions rudes, hi\u00e9rarchie, manque de sommeil, promiscuit\u00e9. Chez Simenon, le cadre social et mat\u00e9riel presse les \u00eatres et \u201cexplique\u201d plus qu\u2019une th\u00e8se morale. * **Compassion avant morale**. Maigret cherche \u00e0 comprendre, pas \u00e0 condamner. Le commissaire incarne l\u2019humanisme froid de Simenon : laisser la justice faire son \u0153uvre, mais r\u00e9parer silencieusement quand on peut. * **La honte comme moteur**. Honte sociale et sexuelle, secrets de cabine, dignit\u00e9 bless\u00e9e : c\u2019est la mati\u00e8re noire des romans de Simenon. Elle d\u00e9place plus s\u00fbrement l\u2019action que la haine. * **Le groupe contre l\u2019individu.** Un \u00e9quipage = une micro-soci\u00e9t\u00e9, avec ses codes et son omerta. Simenon aime ces huis clos (navire, h\u00f4tel, immeuble) o\u00f9 l\u2019on voit comment le groupe fabrique les actes de chacun. * **L\u2019\u00e9vidence concr\u00e8te plut\u00f4t que la psychologie** Objets, odeurs, gestes (verres sur le marbre, sel sur les v\u00eatements) valent diagnostic. Simenon montre ; il commente tr\u00e8s peu. Le r\u00e9el parle. * **Une intrigue mince, une densit\u00e9 forte** Fil simple, sc\u00e8nes courtes, dialogues nets : la tension vient de la pression du milieu et du non-dit, pas des surprises de sc\u00e9nario. * **Le sexe, la fatigue, l\u2019argent \u2014 sans lyrisme.** Trio simenonien constant, trait\u00e9 comme des faits (besoin, manque, arrangement), jamais comme motifs romantiques. * **Maigret comme prisme \u00e9thique.** Regard patient, corporel (manger\/boire\/fumer\/marcher), attention aux d\u00e9tails : c\u2019est la m\u00e9thode \u201canthropologue\u201d de Simenon, plus que \u201cd\u00e9tective-puzzle\u201d. * **La fin par d\u00e9tail, pas par sentence.** Cl\u00f4tures discr\u00e8tes : un geste, une image, une porte qui se referme. Le lecteur conclut \u2014 Simenon s\u2019abstient. En somme, l\u2019histoire de F\u00e9camp r\u00e9v\u00e8le la signature simenonienne : un r\u00e9alisme sensuel et sans cruaut\u00e9, o\u00f9 le crime est l\u2019occasion d\u2019examiner ce que le monde fait aux gens \u2014 et ce que les gens font pour rester debout. ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-octobre-2025.html",
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"title": "07 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-07T07:22:31Z",
"date_modified": "2025-10-07T07:22:31Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Quelqu’un a dit que c’\u00e9tait un cauchemar et qu’on allait se r\u00e9veiller. « Vous ne trouvez pas ? » m’a-t-il demand\u00e9 alors que je comptais mes pi\u00e8ces en attendant mon tour. J’ai fait hmm, histoire de ne pas contredire. Quand les gens dorment debout, il ne faut pas les contredire ni les r\u00e9veiller. Je ne sais pas, personnellement, si je ne dors pas profond\u00e9ment moi aussi. Mais ce dont je suis certain, c’est qu’on a toujours le choix de voir \u00e7a ou pas comme un cauchemar. Je veux dire qu’on est conscient de r\u00eaver, d’accord, que c’est une excellente chose d’\u00eatre conscient d’\u00eatre conscient, mais que \u00e7a ne r\u00e9sout pas tout. J’admets qu’en r\u00eave, et dans les cauchemars particuli\u00e8rement, prendre les jambes \u00e0 son cou n’est pas \u00e9vident : cela demande de l’entra\u00eenement ; il faut passer par une conversion pas toujours ais\u00e9e, se dire : « Voici, ceci est un cauchemar dans lequel je ne peux rien faire, mais je peux me dire que c’est r\u00e9el, et l\u00e0 il y aura les lois de la nature, la pesanteur, la gravit\u00e9, et de nouveau je serai mobile », mobile comme vecteur fon\u00e7ant \u00e0 travers les illusions en tant qu’illusion consciente d’elle-m\u00eame.<\/p>\n Au point o\u00f9 nous en sommes, l\u2019\u00e9tonnement, la surprise seraient encore des pr\u00e9textes pour fabriquer du r\u00e9el. Mais tellement cheap. Un \u00e9tonnement, une surprise low cost, un ersatz, une combinaison g\u00e9n\u00e9rique de choses anciennes appartenant \u00e0 des civilisations englouties. Un \u00e9tonnement, une surprise de pacotille. Ce qui me rappelle, \u00e9videmment, ces grands cornets pointus tr\u00e8s color\u00e9s, dans lesquels beaucoup de papier journal et un jouet chinois, d\u00e9j\u00e0 — de la came.<\/p>\n Bouff\u00e9e d\u00e9lirante, j’allais dire. Puis je me suis repris. D\u00e9lirant, pas tant que \u00e7a. Car un fou qui sait sa folie vaut bien deux sages s’ignorant. Et, souvent, une autre r\u00e9alit\u00e9, un dr\u00f4le de sentiment de d\u00e9j\u00e0-vu<\/em> au fond m\u00eame du pire cauchemar, du r\u00eave le plus merveilleux, ce que je nomme la lucidit\u00e9. Une lucidit\u00e9 qui peut vous p\u00e9ter entre les mains \u00e0 tout instant, il faut ici le pr\u00e9ciser. Un genre de lampe-torche pour se diriger dans les t\u00e9n\u00e8bres et qui sert \u00e9galement de lunettes noires en cas de beau temps. Et l\u00e0 se dire : tout est possible, absolument tout, du surgissement d’un L\u00e9viathan au clin d\u2019\u0153il de cette nouvelle vendeuse \u00e0 la boulangerie habituelle. Tout est possible, merde.<\/p>\n Illustration<\/strong> :The Pillars of Society by George Grosz (1926) <\/p>",
"content_text": " Quelqu'un a dit que c'\u00e9tait un cauchemar et qu'on allait se r\u00e9veiller. \u00ab Vous ne trouvez pas ? \u00bb m'a-t-il demand\u00e9 alors que je comptais mes pi\u00e8ces en attendant mon tour. J'ai fait hmm, histoire de ne pas contredire. Quand les gens dorment debout, il ne faut pas les contredire ni les r\u00e9veiller. Je ne sais pas, personnellement, si je ne dors pas profond\u00e9ment moi aussi. Mais ce dont je suis certain, c'est qu'on a toujours le choix de voir \u00e7a ou pas comme un cauchemar. Je veux dire qu'on est conscient de r\u00eaver, d'accord, que c'est une excellente chose d'\u00eatre conscient d'\u00eatre conscient, mais que \u00e7a ne r\u00e9sout pas tout. J'admets qu'en r\u00eave, et dans les cauchemars particuli\u00e8rement, prendre les jambes \u00e0 son cou n'est pas \u00e9vident : cela demande de l'entra\u00eenement ; il faut passer par une conversion pas toujours ais\u00e9e, se dire : \u00ab Voici, ceci est un cauchemar dans lequel je ne peux rien faire, mais je peux me dire que c'est r\u00e9el, et l\u00e0 il y aura les lois de la nature, la pesanteur, la gravit\u00e9, et de nouveau je serai mobile \u00bb, mobile comme vecteur fon\u00e7ant \u00e0 travers les illusions en tant qu'illusion consciente d'elle-m\u00eame. Au point o\u00f9 nous en sommes, l\u2019\u00e9tonnement, la surprise seraient encore des pr\u00e9textes pour fabriquer du r\u00e9el. Mais tellement cheap. Un \u00e9tonnement, une surprise low cost, un ersatz, une combinaison g\u00e9n\u00e9rique de choses anciennes appartenant \u00e0 des civilisations englouties. Un \u00e9tonnement, une surprise de pacotille. Ce qui me rappelle, \u00e9videmment, ces grands cornets pointus tr\u00e8s color\u00e9s, dans lesquels beaucoup de papier journal et un jouet chinois, d\u00e9j\u00e0 \u2014 de la came. Bouff\u00e9e d\u00e9lirante, j'allais dire. Puis je me suis repris. D\u00e9lirant, pas tant que \u00e7a. Car un fou qui sait sa folie vaut bien deux sages s'ignorant. Et, souvent, une autre r\u00e9alit\u00e9, un dr\u00f4le de sentiment de *d\u00e9j\u00e0-vu* au fond m\u00eame du pire cauchemar, du r\u00eave le plus merveilleux, ce que je nomme la lucidit\u00e9. Une lucidit\u00e9 qui peut vous p\u00e9ter entre les mains \u00e0 tout instant, il faut ici le pr\u00e9ciser. Un genre de lampe-torche pour se diriger dans les t\u00e9n\u00e8bres et qui sert \u00e9galement de lunettes noires en cas de beau temps. Et l\u00e0 se dire : tout est possible, absolument tout, du surgissement d'un L\u00e9viathan au clin d\u2019\u0153il de cette nouvelle vendeuse \u00e0 la boulangerie habituelle. Tout est possible, merde. **Illustration** :The Pillars of Society by George Grosz (1926) ",
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"title": "06 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-06T05:13:47Z",
"date_modified": "2025-10-06T05:13:47Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Plusieurs fois que je reprends le m\u00eame texte et, \u00e0 la fin, je l\u2019efface. Peut-\u00eatre qu\u2019aujourd\u2019hui il ne faut rien \u00e9crire. Seulement ce que je fais sur le site : carte interactive dans chaque en-t\u00eate de rubrique — poser des points, nourrir l\u2019index, ouvrir une autre navigation ; export PDF en Markdown pour la rubrique enti\u00e8re — tests bons en local ; question ouverte : afficher ou non les dates. Deux nouvelles rubriques, pour l\u2019instant ferm\u00e9es : « \u00e0 la semaine » (t\u00e2ches men\u00e9es ou en cours, synth\u00e8se des notes par th\u00e9matiques) ; « Phrases » (une par jour, parfois deux, pas plus, prises dans les lectures, litt\u00e9raires ou non). Attendre un \u00e0 deux mois avant d\u2019ouvrir. Garder la possibilit\u00e9 de les laisser priv\u00e9es. Hier, lecture d\u2019un texte de J. O. sur le journal. M\u00eame bouff\u00e9e en me relisant. Plut\u00f4t que « dire », consid\u00e9rer le journal\/carnets comme une sismographie — quelque chose de graphique. Retour \u00e0 mon c\u0153ur de m\u00e9tier : image, peinture, ligne, forme, vide et plein.<\/p>\n Illustration<\/strong> devanture de la librairie Tropisme, Bruxelles.<\/p>",
"content_text": " Plusieurs fois que je reprends le m\u00eame texte et, \u00e0 la fin, je l\u2019efface. Peut-\u00eatre qu\u2019aujourd\u2019hui il ne faut rien \u00e9crire. Seulement ce que je fais sur le site : carte interactive dans chaque en-t\u00eate de rubrique \u2014 poser des points, nourrir l\u2019index, ouvrir une autre navigation ; export PDF en Markdown pour la rubrique enti\u00e8re \u2014 tests bons en local ; question ouverte : afficher ou non les dates. Deux nouvelles rubriques, pour l\u2019instant ferm\u00e9es : \u00ab \u00e0 la semaine \u00bb (t\u00e2ches men\u00e9es ou en cours, synth\u00e8se des notes par th\u00e9matiques) ; \u00ab Phrases \u00bb (une par jour, parfois deux, pas plus, prises dans les lectures, litt\u00e9raires ou non). Attendre un \u00e0 deux mois avant d\u2019ouvrir. Garder la possibilit\u00e9 de les laisser priv\u00e9es. Hier, lecture d\u2019un texte de J. O. sur le journal. M\u00eame bouff\u00e9e en me relisant. Plut\u00f4t que \u00ab dire \u00bb, consid\u00e9rer le journal\/carnets comme une sismographie \u2014 quelque chose de graphique. Retour \u00e0 mon c\u0153ur de m\u00e9tier : image, peinture, ligne, forme, vide et plein. **Illustration** devanture de la librairie Tropisme, Bruxelles. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection", "Esth\u00e9tique et Exp\u00e9rience Sensorielle", "dispositif"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-octobre-2025.html",
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"title": "05 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-05T05:44:41Z",
"date_modified": "2025-10-05T05:44:41Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Je me r\u00e9veille d\u2019un coup. La masse arrive, d\u00e9j\u00e0 sur moi. Uniforme, torse, souffle. Le noir tient encore les murs. L\u2019odeur avant la lumi\u00e8re. Sueur ti\u00e8de, un peu de m\u00e9tal. Je ne sais pas \u00e0 qui elle appartient. Je descends. Carrelage froid. La machine claque. Le caf\u00e9 tombe, mince filet qui remet la bouche en ordre. Il revient comme \u00e7a, mon p\u00e8re. Sans pr\u00e9venir. En travers de la marche, de la table, du matin. Ancien militaire sans uniforme. La coupe reste dans les gestes. Dans ma sueur, la sienne. Sel. Tabac. Cuir. Il se rue. M\u2019empoigne. Me couche au sol. Ne parle pas. Les mots sont us\u00e9s. Trempe. Maintien. Faire l\u2019homme. Je respire court. Le souffle cherche sa place et n\u2019en trouve pas.\nJe tiens la tasse. Je bois br\u00fblant. La chaleur pousse l\u2019eau froide de la nuit. La fen\u00eatre garde des plaques de bu\u00e9e. Dans la cour, un seau bleu renvers\u00e9. Je m\u2019y accroche. Tasse. Table. Torchon. Align\u00e9s. \u00c7a tient. Je sais la seconde d\u2019avant. Toujours elle. Silence bref. Le corps sait et ne sait pas encore. J\u2019habite l\u00e0 souvent. Les phrases viennent avant les bouches. La main avant la prise.\nJe pense \u00e0 B., un soir, sur le quai. Il dit qu\u2019il a perdu l\u2019appartement. Rien d\u2019autre. Je n\u2019entends que \u00e7a. Je voudrais effacer. Je regarde sa main serrer la sangle. Je me tais. Le souffle de la rame couvre tout. Un autre soir. Trop bu. J\u2019appelle la famille de P. La sonnerie insiste. La voix du p\u00e8re r\u00e9pond. Elle comprend. Le visage se place net dans ma t\u00eate. Puis P. : encore toi, tu es ivre. Mon pouce p\u00e8se. Le silence derri\u00e8re tient comme un frigo la nuit.\nJe remonte la tasse sur la soucoupe. Le rond brun h\u00e9site entre cible et m\u00e9daille. Je passe la main sur la nuque. Peau humide. Vieille alarme. Je respire par le nez. Lent. Jusqu\u2019au ventre. Quelque chose l\u00e2che un peu. Pas lui. Pas moi. La corde entre. Elle prend du mou. \u00c7a suffit pour tenir debout. Je n\u2019ai pas besoin d\u2019autre chose.\nOn dit p\u00e8re normal. Je teste le mot. Il glisse. Rien n\u2019y reste. Je n\u2019en fais pas une id\u00e9e. Je regarde seulement ce que \u00e7a fait. Les visages qui p\u00e2lissent quand \u00e7a serre trop. Les regards qui coupent sans lever la main. Le froid dans le dos qui vient sans bruit. \u00c7a s\u2019arr\u00eate l\u00e0.\nCes souvenirs me prennent. Ils reviennent seuls. Je les laisse passer. Je range les objets. Tasse. Table. Torchon. Je pose les paumes \u00e0 plat. Le bois est ti\u00e8de. La maison respire. Le frigo. La chaudi\u00e8re. Tout ce qui tient sans r\u00e9clamer. J\u2019y mets mon poids. Un peu. Pas trop. Juste assez.\nJe ne sais pas ce qu\u2019est r\u00e9ussir une vie. Je sais ce que c\u2019est que ne pas tomber. Le matin est l\u00e0. Le caf\u00e9 pass\u00e9. Le seau bleu n\u2019a pas boug\u00e9. La bu\u00e9e d\u00e9croche par bords. Dans la gorge, l\u2019air circule mieux. Je reprends la tasse. Je souffle. Je bois. La seconde d\u2019avant recule d\u2019un pas. Elle n\u2019est pas loin. Elle attend. Aujourd\u2019hui, elle me laisse passer.<\/p>\n La journ\u00e9e bleue a gliss\u00e9. Je m\u2019\u00e9tais pr\u00e9par\u00e9 \u00e0 tenir, elle est pass\u00e9e vite. Douce, presque bon enfant. J\u2019ai refus\u00e9 le d\u00e9jeuner avec tous. Pr\u00e9text\u00e9 des amis. Parti avant l\u2019ap\u00e9ro. Une belle journ\u00e9\u00e9 ensoleill\u00e9e qui vire soudain \u00e0 la pluie vers dix-sept heures. Arriv\u00e9 \u00e0 la maison la premi\u00e8re chose que S. me dit : Il n’y a plus de t\u00e9l\u00e9phone ni de t\u00e9l\u00e9vision. Internet reviendra vers vingt-trois heures, apr\u00e8s que j’ai lu une bonne partie de Perturbation de Bernhart. Passage terrible sur la mani\u00e8re de tuer les oiseaux exotiques dans le moulin, au fond de cette gorge cr\u00e9pusculaire.<\/p>",
"content_text": " Je me r\u00e9veille d\u2019un coup. La masse arrive, d\u00e9j\u00e0 sur moi. Uniforme, torse, souffle. Le noir tient encore les murs. L\u2019odeur avant la lumi\u00e8re. Sueur ti\u00e8de, un peu de m\u00e9tal. Je ne sais pas \u00e0 qui elle appartient. Je descends. Carrelage froid. La machine claque. Le caf\u00e9 tombe, mince filet qui remet la bouche en ordre. Il revient comme \u00e7a, mon p\u00e8re. Sans pr\u00e9venir. En travers de la marche, de la table, du matin. Ancien militaire sans uniforme. La coupe reste dans les gestes. Dans ma sueur, la sienne. Sel. Tabac. Cuir. Il se rue. M\u2019empoigne. Me couche au sol. Ne parle pas. Les mots sont us\u00e9s. Trempe. Maintien. Faire l\u2019homme. Je respire court. Le souffle cherche sa place et n\u2019en trouve pas. Je tiens la tasse. Je bois br\u00fblant. La chaleur pousse l\u2019eau froide de la nuit. La fen\u00eatre garde des plaques de bu\u00e9e. Dans la cour, un seau bleu renvers\u00e9. Je m\u2019y accroche. Tasse. Table. Torchon. Align\u00e9s. \u00c7a tient. Je sais la seconde d\u2019avant. Toujours elle. Silence bref. Le corps sait et ne sait pas encore. J\u2019habite l\u00e0 souvent. Les phrases viennent avant les bouches. La main avant la prise. Je pense \u00e0 B., un soir, sur le quai. Il dit qu\u2019il a perdu l\u2019appartement. Rien d\u2019autre. Je n\u2019entends que \u00e7a. Je voudrais effacer. Je regarde sa main serrer la sangle. Je me tais. Le souffle de la rame couvre tout. Un autre soir. Trop bu. J\u2019appelle la famille de P. La sonnerie insiste. La voix du p\u00e8re r\u00e9pond. Elle comprend. Le visage se place net dans ma t\u00eate. Puis P. : encore toi, tu es ivre. Mon pouce p\u00e8se. Le silence derri\u00e8re tient comme un frigo la nuit. Je remonte la tasse sur la soucoupe. Le rond brun h\u00e9site entre cible et m\u00e9daille. Je passe la main sur la nuque. Peau humide. Vieille alarme. Je respire par le nez. Lent. Jusqu\u2019au ventre. Quelque chose l\u00e2che un peu. Pas lui. Pas moi. La corde entre. Elle prend du mou. \u00c7a suffit pour tenir debout. Je n\u2019ai pas besoin d\u2019autre chose. On dit p\u00e8re normal. Je teste le mot. Il glisse. Rien n\u2019y reste. Je n\u2019en fais pas une id\u00e9e. Je regarde seulement ce que \u00e7a fait. Les visages qui p\u00e2lissent quand \u00e7a serre trop. Les regards qui coupent sans lever la main. Le froid dans le dos qui vient sans bruit. \u00c7a s\u2019arr\u00eate l\u00e0. Ces souvenirs me prennent. Ils reviennent seuls. Je les laisse passer. Je range les objets. Tasse. Table. Torchon. Je pose les paumes \u00e0 plat. Le bois est ti\u00e8de. La maison respire. Le frigo. La chaudi\u00e8re. Tout ce qui tient sans r\u00e9clamer. J\u2019y mets mon poids. Un peu. Pas trop. Juste assez. Je ne sais pas ce qu\u2019est r\u00e9ussir une vie. Je sais ce que c\u2019est que ne pas tomber. Le matin est l\u00e0. Le caf\u00e9 pass\u00e9. Le seau bleu n\u2019a pas boug\u00e9. La bu\u00e9e d\u00e9croche par bords. Dans la gorge, l\u2019air circule mieux. Je reprends la tasse. Je souffle. Je bois. La seconde d\u2019avant recule d\u2019un pas. Elle n\u2019est pas loin. Elle attend. Aujourd\u2019hui, elle me laisse passer. --- La journ\u00e9e bleue a gliss\u00e9. Je m\u2019\u00e9tais pr\u00e9par\u00e9 \u00e0 tenir, elle est pass\u00e9e vite. Douce, presque bon enfant. J\u2019ai refus\u00e9 le d\u00e9jeuner avec tous. Pr\u00e9text\u00e9 des amis. Parti avant l\u2019ap\u00e9ro. Une belle journ\u00e9\u00e9 ensoleill\u00e9e qui vire soudain \u00e0 la pluie vers dix-sept heures. Arriv\u00e9 \u00e0 la maison la premi\u00e8re chose que S. me dit : Il n'y a plus de t\u00e9l\u00e9phone ni de t\u00e9l\u00e9vision. Internet reviendra vers vingt-trois heures, apr\u00e8s que j'ai lu une bonne partie de Perturbation de Bernhart. Passage terrible sur la mani\u00e8re de tuer les oiseaux exotiques dans le moulin, au fond de cette gorge cr\u00e9pusculaire. ",
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"tags": ["Autofiction et Introspection"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/4-octobre-2025.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/4-octobre-2025.html",
"title": "4 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-04T05:09:29Z",
"date_modified": "2025-10-04T05:10:12Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " ostinato<\/strong> <\/p>\n maintenant \u00e7a me revient. Mon p\u00e8re dans le couloir entre le salon et la chambre \u00e0 coucher, chez lui, dans sa maison de L. Il parle, je ne sais plus ce qu\u2019il dit mais je vois sa bouche s\u2019ouvrir et se fermer et, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de cette bouche, l\u2019absence de dents, d\u2019o\u00f9 cette voix \u00e9trange que je reconnais \u00e0 peine. Hier je me suis regard\u00e9 dans la glace de la salle de bain et j\u2019ai ouvert la bouche. Constat bizarre, je ne sais m\u00eame pas si j\u2019\u00e9prouve de la tristesse, je ne crois pas que ce soit \u00e7a vraiment, non, plut\u00f4t quelque chose du genre : nous sommes pareils. Et, contrairement \u00e0 ce que j\u2019aurais pu imaginer hier encore, \u00eatre pareil ne m\u2019appara\u00eet plus aussi monstrueux. C\u2019est m\u00eame apaisant d\u2019une certaine fa\u00e7on. Ou encore je peux me dire tu n\u2019es pas moins monstrueux que lui. Ni plus ni moins. Et en m\u00eame temps de l\u2019empathie. Peut-\u00eatre que le silence des derniers temps est-il d\u00fb \u00e0 cette g\u00eane provenant de la disparition de ses dents. Et maintenant \u00e7a me revient, cette toute petite sc\u00e8ne : il r\u00e2le parce que l\u2019appareil se d\u00e9colle du palais, qu\u2019il ne tient pas. Et cette phrase en \u00e9cho entendue, une phrase que le dernier toubib que j\u2019ai vu m\u2019a dite : « vous savez, \u00e7a ne convient pas \u00e0 tout le monde ces appareils, c\u2019est souvent une affaire de salive ». \u00c0 moins que je ne cherche encore \u00e0 me rallier \u00e0 quelque chose, \u00e0 une id\u00e9e d\u2019appartenance familiale, h\u00e9r\u00e9ditaire. \u00c0 moins que je ne m\u2019obstine \u00e0 chercher encore et encore parce que trouver me d\u00e9pla\u00eet fondamentalement.<\/p>\n J’\u00e9cris de bonne heure car je serai dehors toute la journ\u00e9e. La journ\u00e9e bleue<\/em> dans une commune voisine, des ateliers propos\u00e9s au tout venant. J’imagine d\u00e9j\u00e0 toutes les strat\u00e9gies pour ouvrir la bouche, sourire, rire le moins possible.<\/p>",
"content_text": " **ostinato** maintenant \u00e7a me revient. Mon p\u00e8re dans le couloir entre le salon et la chambre \u00e0 coucher, chez lui, dans sa maison de L. Il parle, je ne sais plus ce qu\u2019il dit mais je vois sa bouche s\u2019ouvrir et se fermer et, \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de cette bouche, l\u2019absence de dents, d\u2019o\u00f9 cette voix \u00e9trange que je reconnais \u00e0 peine. Hier je me suis regard\u00e9 dans la glace de la salle de bain et j\u2019ai ouvert la bouche. Constat bizarre, je ne sais m\u00eame pas si j\u2019\u00e9prouve de la tristesse, je ne crois pas que ce soit \u00e7a vraiment, non, plut\u00f4t quelque chose du genre : nous sommes pareils. Et, contrairement \u00e0 ce que j\u2019aurais pu imaginer hier encore, \u00eatre pareil ne m\u2019appara\u00eet plus aussi monstrueux. C\u2019est m\u00eame apaisant d\u2019une certaine fa\u00e7on. Ou encore je peux me dire tu n\u2019es pas moins monstrueux que lui. Ni plus ni moins. Et en m\u00eame temps de l\u2019empathie. Peut-\u00eatre que le silence des derniers temps est-il d\u00fb \u00e0 cette g\u00eane provenant de la disparition de ses dents. Et maintenant \u00e7a me revient, cette toute petite sc\u00e8ne : il r\u00e2le parce que l\u2019appareil se d\u00e9colle du palais, qu\u2019il ne tient pas. Et cette phrase en \u00e9cho entendue, une phrase que le dernier toubib que j\u2019ai vu m\u2019a dite : \u00ab vous savez, \u00e7a ne convient pas \u00e0 tout le monde ces appareils, c\u2019est souvent une affaire de salive \u00bb. \u00c0 moins que je ne cherche encore \u00e0 me rallier \u00e0 quelque chose, \u00e0 une id\u00e9e d\u2019appartenance familiale, h\u00e9r\u00e9ditaire. \u00c0 moins que je ne m\u2019obstine \u00e0 chercher encore et encore parce que trouver me d\u00e9pla\u00eet fondamentalement. --- J'\u00e9cris de bonne heure car je serai dehors toute la journ\u00e9e. La *journ\u00e9e bleue* dans une commune voisine, des ateliers propos\u00e9s au tout venant. J'imagine d\u00e9j\u00e0 toutes les strat\u00e9gies pour ouvrir la bouche, sourire, rire le moins possible. ",
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"tags": ["\u00e9criture fragmentaire", "Autofiction et Introspection"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/3-octobre-2025.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/3-octobre-2025.html",
"title": "3 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-03T05:23:52Z",
"date_modified": "2025-10-03T05:23:52Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " \u00c9crire est d\u2019abord une affaire avec soi-m\u00eame. J\u2019en fais un dossier sans t\u00e9moin, porte close, bouton tourn\u00e9 jusqu\u2019au clic. Parler de ce que j\u2019\u00e9cris m\u2019appara\u00eet obsc\u00e8ne : question d\u2019hygi\u00e8ne de proc\u00e9dure, on ne commente pas une instruction en cours. Je reste seul, et cela me va. Seul dans l\u2019\u00e9criture, seulement : pour le reste je fais comme tout le monde, hauts et bas, un temp\u00e9rament qui grince au r\u00e9veil et mord \u00e0 la remarque. J\u2019ai longtemps cru \u00e0 la sagesse qui s\u2019installe : clause de style. Je garde une pellicule de bienveillance, vernis utile pour que la poussi\u00e8re n\u2019accroche pas. Autrefois je me pensais g\u00e9n\u00e9reux jusqu\u2019au fond ; d\u00e9sormais j\u2019\u00e9carte ces mains ti\u00e8des qui piochent dans le stock de patience. Mon dernier bastion est l\u00e0. \u00c9crire, c\u2019est instruire : rassembler les pi\u00e8ces, num\u00e9roter, classer, et quand rien ne tient, tamponner “\u00e0 revoir” plut\u00f4t que “sans suite”. Parfois je me dis que la m\u00eame opini\u00e2tret\u00e9, plac\u00e9e dans des affaires plus juteuses, m\u2019aurait donn\u00e9 ce regard cassant, la journ\u00e9e d\u00e9coup\u00e9e au quart d\u2019heure, la m\u00e2choire serr\u00e9e. Mais je n\u2019y respire pas. Malgr\u00e9 mes j\u00e9r\u00e9miades, je ne suis pas sans paix : une ataraxie ti\u00e8de o\u00f9 je me plais tant qu\u2019on ne me surprend pas \u00e0 y nager. Qu\u2019on me voie, et je rel\u00e8ve la herse : ironie, mauvais esprit, deux calembours pour la route — l\u2019a\u00een\u00e9 qu\u2019on adore d\u00e9tester, le fameux mauvais objet<\/i>, pr\u00eat \u00e0 signer. Toute affaire s\u00e9rieuse commence porte close. L\u2019atelier ne d\u00e9roge pas. Ce matin, j\u2019ai mis un peu de chauffage ; l\u2019air a chang\u00e9 d\u2019odeur, m\u00e9lange de plinthe ti\u00e9die et d\u2019essence maigre, et une poussi\u00e8re dor\u00e9e tenait en l\u2019air au-dessus du radiateur. Personne n\u2019est venu. Je me suis plant\u00e9 devant la toile : deux heures \u00e0 chercher des clairs qui tiennent, \u00e0 remplacer ces couleurs qui viraient criardes d\u00e8s qu\u2019elles buvaient l\u2019air. \u00c0 la fin, j\u2019ai recul\u00e9 jusqu\u2019au mur : j\u2019avais d\u00e9truit une grande part de ce qui tenait. Et pourtant, c\u2019est de cette disparition que je tire la preuve de ce qui avait tenu — comme on lit un d\u00e9lit \u00e0 la forme exacte du vide qu\u2019il laisse. Je ne m\u2019installe plus. Ni dans la peinture, ni dans l\u2019\u00e9criture. Je marche. D\u2019un point immobile vers un point immobile. Battement court. Battement long. Relance. Entre-deux de r\u00eave. Le blanc cesse de couler ; je d\u00e9visse. Crissement min\u00e9ral du pas de vis : petit plaisir malade. Je cure, j\u2019essuie, je revisse ; capuchon sur sa lani\u00e8re, clic net. Demi-tour : l\u2019escalier, le bureau, l\u2019\u00e9cran. Je code comme on ajoute une pi\u00e8ce au dossier : nom de fichier, date, motif. Cette nuit, long m\u00e9trage en Technicolor : couloirs, portes lourdes en bois exotique, ferrures cisel\u00e9es, gonds d\u2019argent. \u00c0 quoi bon des gonds d\u2019argent si la porte ne sait pas sur quoi elle bat ? J\u2019appelle cela le bastion. Un danger approche ; on se pr\u00e9pare. Une femme para\u00eet, une lettre \u00e0 la main, devant une porte qui n\u2019a pas boug\u00e9 ; personne ne l\u2019a vue entrer. Ce n\u2019est pas d\u2019elle que vient l\u2019attaque. Un homme se crispe, l\u2019aveu passe par la peau ; on le d\u00e9signe, tra\u00eetre. Il tire un long couteau ; je pare — je ne sais comment — et la lame lui tranche net la gorge. Son regard s\u2019ouvre, comme s\u2019il voyait le plan depuis le plafond ; puis il tombe. Je sais. J\u2019avance : enfilade de salles de plus en plus vastes, guerriers immobiles — samoura\u00efs peut-\u00eatre — micromouvements \u00e0 mon passage, signe convenu : laissez-le. Fin de couloir : un vide propre, pr\u00e9cipice, bout des locaux donc bout du monde. Silence. Je me r\u00e9veille avec l\u2019odeur de t\u00e9r\u00e9benthine dans la gorge. Le chauffage ronronne faiblement. Le capuchon du blanc a cliquet\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure — je l\u2019entends encore. Dossier rouvert demain matin : m\u00eame porte, m\u00eame clic, m\u00eame froid aux doigts.<\/p>\n [Anacrouse]<\/strong> \u00c9crire est d\u2019abord une affaire avec soi-m\u00eame.\n[Hypotaxe]<\/strong> J\u2019en fais un dossier sans t\u00e9moin, porte close, bouton tourn\u00e9 jusqu\u2019au clic.\n[Hypotaxe]<\/strong> Parler de ce que j\u2019\u00e9cris m\u2019appara\u00eet obsc\u00e8ne : question d\u2019hygi\u00e8ne de proc\u00e9dure, on ne commente pas une instruction en cours.\n[Parataxe]<\/strong> Je reste seul, et cela me va.\n[Isocolon]<\/strong> Seul dans l\u2019\u00e9criture, seulement : pour le reste je fais comme tout le monde, hauts et bas, un temp\u00e9rament qui grince au r\u00e9veil et mord \u00e0 la remarque.\n[Hypotaxe]<\/strong> J\u2019ai longtemps cru \u00e0 la sagesse qui s\u2019installe : clause de style.\n[Hypotaxe]<\/strong> Je garde une pellicule de bienveillance, vernis utile pour que la poussi\u00e8re n\u2019accroche pas.\n[Hypotaxe]<\/strong> Autrefois je me pensais g\u00e9n\u00e9reux jusqu\u2019au fond ; d\u00e9sormais j\u2019\u00e9carte ces mains ti\u00e8des qui piochent dans le stock de patience.\n[Clausule]<\/strong> Mon dernier bastion est l\u00e0.<\/p>\n [Anacrouse]<\/strong> \u00c9crire, c\u2019est instruire :\n[Carrure 1-2-3-4]<\/strong> rassembler les pi\u00e8ces, num\u00e9roter, classer, et quand rien ne tient, tamponner “\u00e0 revoir” plut\u00f4t que “sans suite”.\n[Hypotaxe]<\/strong> Parfois je me dis que la m\u00eame opini\u00e2tret\u00e9, plac\u00e9e dans des affaires plus juteuses, m\u2019aurait donn\u00e9 ce regard cassant, la journ\u00e9e d\u00e9coup\u00e9e au quart d\u2019heure, la m\u00e2choire serr\u00e9e.\n[Clausule]<\/strong> Mais je n\u2019y respire pas.\n[Hypotaxe]<\/strong> Malgr\u00e9 mes j\u00e9r\u00e9miades, je ne suis pas sans paix : une ataraxie ti\u00e8de o\u00f9 je me plais tant qu\u2019on ne me surprend pas \u00e0 y nager.\n[Tirets d\u2019incise]<\/strong> Qu\u2019on me voie, et je rel\u00e8ve la herse : ironie, mauvais esprit, deux calembours pour la route — l\u2019a\u00een\u00e9 qu\u2019on adore d\u00e9tester, mauvais objet notoire, pr\u00eat \u00e0 signer.<\/p>\n [Anacrouse]<\/strong> Toute affaire s\u00e9rieuse commence porte close.\n[Parataxe]<\/strong> L\u2019atelier ne d\u00e9roge pas.\n[Hypotaxe]<\/strong> Ce matin, j\u2019ai mis un peu de chauffage ; l\u2019air a chang\u00e9 d\u2019odeur, m\u00e9lange de plinthe ti\u00e9die et d\u2019essence maigre, et une poussi\u00e8re dor\u00e9e tenait en l\u2019air au-dessus du radiateur.\n[Parataxe]<\/strong> Personne n\u2019est venu.\n[Hypotaxe]<\/strong> Je me suis plant\u00e9 devant la toile : deux heures \u00e0 chercher des clairs qui tiennent, \u00e0 remplacer ces couleurs qui viraient criardes d\u00e8s qu\u2019elles buvaient l\u2019air.\n[Hypotaxe]<\/strong> \u00c0 la fin, j\u2019ai recul\u00e9 jusqu\u2019au mur : j\u2019avais d\u00e9truit une grande part de ce qui tenait.\n[Clausule]<\/strong> Et pourtant, c\u2019est de cette disparition que je tire la preuve de ce qui avait tenu — comme on lit un d\u00e9lit \u00e0 la forme exacte du vide qu\u2019il laisse.<\/p>\n [Parataxe]<\/strong> Je ne m\u2019installe plus.\n[Isocolon]<\/strong> Ni dans la peinture, ni dans l\u2019\u00e9criture.\n[Marche ternaire]<\/strong> Je marche. D\u2019un point immobile vers un point immobile. Battement court.\n[Marche 1-2-3-4]<\/strong> Battement long. Relance. Entre-deux de r\u00eave. Le blanc cesse de couler ; je d\u00e9visse.\n[Hypotaxe]<\/strong> Crissement min\u00e9ral du pas de vis : petit plaisir malade.\n[Marche ternaire]<\/strong> Je cure, j\u2019essuie, je revisse ; capuchon sur sa lani\u00e8re, clic net.\n[Carrure 1-2-3-4]<\/strong> Demi-tour : l\u2019escalier, le bureau, l\u2019\u00e9cran, le code.\n[Isocolon]<\/strong> Je code comme on ajoute une pi\u00e8ce au dossier : nom de fichier, date, motif.<\/p>\n [Anacrouse]<\/strong> Cette nuit, long m\u00e9trage en Technicolor :\n[Asynd\u00e8te]<\/strong> couloirs, portes lourdes en bois exotique, ferrures cisel\u00e9es, gonds d\u2019argent.\n[Isocolon]<\/strong> \u00c0 quoi bon des gonds d\u2019argent si la porte ne sait pas sur quoi elle bat ? J\u2019appelle cela le bastion.\n[Parataxe]<\/strong> Un danger approche ; on se pr\u00e9pare.\n[Hypotaxe]<\/strong> Une femme para\u00eet, une lettre \u00e0 la main, devant une porte qui n\u2019a pas boug\u00e9 ; personne ne l\u2019a vue entrer.\n[Parataxe]<\/strong> Ce n\u2019est pas d\u2019elle que vient l\u2019attaque.\n[Hypotaxe]<\/strong> Un homme se crispe, l\u2019aveu passe par la peau ; on le d\u00e9signe, tra\u00eetre.\n[Polysynd\u00e8te l\u00e9g\u00e8re]<\/strong> Il tire un long couteau ; je pare — je ne sais comment — et la lame lui tranche net la gorge.\n[Clausule]<\/strong> Son regard s\u2019ouvre, comme s\u2019il voyait le plan depuis le plafond ; puis il tombe.\n[Syncope]<\/strong> Je sais.\n[Hypotaxe]<\/strong> J\u2019avance : enfilade de salles de plus en plus vastes, guerriers immobiles — samoura\u00efs peut-\u00eatre — micromouvements \u00e0 mon passage, signe convenu : laissez-le.\n[Clausule]<\/strong> Fin de couloir : un vide propre, pr\u00e9cipice, bout des locaux donc bout du monde.\n[Syncope]<\/strong> Silence.<\/p>\n [Hypotaxe]<\/strong> Je me r\u00e9veille avec l\u2019odeur de t\u00e9r\u00e9benthine dans la gorge.\n[Parataxe]<\/strong> Le chauffage ronronne faiblement.\n[Clausule]<\/strong> Le capuchon du blanc a cliquet\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure — je l\u2019entends encore.\n[Isocolon + Anaphore]<\/strong> Dossier rouvert demain matin : m\u00eame porte, m\u00eame clic, m\u00eame froid aux doigts.<\/p> Illustration : Augustin Lesage<\/p>",
"content_text": "\u00c9crire est d\u2019abord une affaire avec soi-m\u00eame. J\u2019en fais un dossier sans t\u00e9moin, porte close, bouton tourn\u00e9 jusqu\u2019au clic. Parler de ce que j\u2019\u00e9cris m\u2019appara\u00eet obsc\u00e8ne : question d\u2019hygi\u00e8ne de proc\u00e9dure, on ne commente pas une instruction en cours. Je reste seul, et cela me va. Seul dans l\u2019\u00e9criture, seulement : pour le reste je fais comme tout le monde, hauts et bas, un temp\u00e9rament qui grince au r\u00e9veil et mord \u00e0 la remarque. J\u2019ai longtemps cru \u00e0 la sagesse qui s\u2019installe : clause de style. Je garde une pellicule de bienveillance, vernis utile pour que la poussi\u00e8re n\u2019accroche pas. Autrefois je me pensais g\u00e9n\u00e9reux jusqu\u2019au fond ; d\u00e9sormais j\u2019\u00e9carte ces mains ti\u00e8des qui piochent dans le stock de patience. Mon dernier bastion est l\u00e0. \u00c9crire, c\u2019est instruire : rassembler les pi\u00e8ces, num\u00e9roter, classer, et quand rien ne tient, tamponner \u201c\u00e0 revoir\u201d plut\u00f4t que \u201csans suite\u201d. Parfois je me dis que la m\u00eame opini\u00e2tret\u00e9, plac\u00e9e dans des affaires plus juteuses, m\u2019aurait donn\u00e9 ce regard cassant, la journ\u00e9e d\u00e9coup\u00e9e au quart d\u2019heure, la m\u00e2choire serr\u00e9e. Mais je n\u2019y respire pas. Malgr\u00e9 mes j\u00e9r\u00e9miades, je ne suis pas sans paix : une ataraxie ti\u00e8de o\u00f9 je me plais tant qu\u2019on ne me surprend pas \u00e0 y nager. Qu\u2019on me voie, et je rel\u00e8ve la herse : ironie, mauvais esprit, deux calembours pour la route \u2014 l\u2019a\u00een\u00e9 qu\u2019on adore d\u00e9tester, le fameux {mauvais objet}, pr\u00eat \u00e0 signer. Toute affaire s\u00e9rieuse commence porte close. L\u2019atelier ne d\u00e9roge pas. Ce matin, j\u2019ai mis un peu de chauffage ; l\u2019air a chang\u00e9 d\u2019odeur, m\u00e9lange de plinthe ti\u00e9die et d\u2019essence maigre, et une poussi\u00e8re dor\u00e9e tenait en l\u2019air au-dessus du radiateur. Personne n\u2019est venu. Je me suis plant\u00e9 devant la toile : deux heures \u00e0 chercher des clairs qui tiennent, \u00e0 remplacer ces couleurs qui viraient criardes d\u00e8s qu\u2019elles buvaient l\u2019air. \u00c0 la fin, j\u2019ai recul\u00e9 jusqu\u2019au mur : j\u2019avais d\u00e9truit une grande part de ce qui tenait. Et pourtant, c\u2019est de cette disparition que je tire la preuve de ce qui avait tenu \u2014 comme on lit un d\u00e9lit \u00e0 la forme exacte du vide qu\u2019il laisse. Je ne m\u2019installe plus. Ni dans la peinture, ni dans l\u2019\u00e9criture. Je marche. D\u2019un point immobile vers un point immobile. Battement court. Battement long. Relance. Entre-deux de r\u00eave. Le blanc cesse de couler ; je d\u00e9visse. Crissement min\u00e9ral du pas de vis : petit plaisir malade. Je cure, j\u2019essuie, je revisse ; capuchon sur sa lani\u00e8re, clic net. Demi-tour : l\u2019escalier, le bureau, l\u2019\u00e9cran. Je code comme on ajoute une pi\u00e8ce au dossier : nom de fichier, date, motif. Cette nuit, long m\u00e9trage en Technicolor : couloirs, portes lourdes en bois exotique, ferrures cisel\u00e9es, gonds d\u2019argent. \u00c0 quoi bon des gonds d\u2019argent si la porte ne sait pas sur quoi elle bat ? J\u2019appelle cela le bastion. Un danger approche ; on se pr\u00e9pare. Une femme para\u00eet, une lettre \u00e0 la main, devant une porte qui n\u2019a pas boug\u00e9 ; personne ne l\u2019a vue entrer. Ce n\u2019est pas d\u2019elle que vient l\u2019attaque. Un homme se crispe, l\u2019aveu passe par la peau ; on le d\u00e9signe, tra\u00eetre. Il tire un long couteau ; je pare \u2014 je ne sais comment \u2014 et la lame lui tranche net la gorge. Son regard s\u2019ouvre, comme s\u2019il voyait le plan depuis le plafond ; puis il tombe. Je sais. J\u2019avance : enfilade de salles de plus en plus vastes, guerriers immobiles \u2014 samoura\u00efs peut-\u00eatre \u2014 micromouvements \u00e0 mon passage, signe convenu : laissez-le. Fin de couloir : un vide propre, pr\u00e9cipice, bout des locaux donc bout du monde. Silence. Je me r\u00e9veille avec l\u2019odeur de t\u00e9r\u00e9benthine dans la gorge. Le chauffage ronronne faiblement. Le capuchon du blanc a cliquet\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure \u2014 je l\u2019entends encore. Dossier rouvert demain matin : m\u00eame porte, m\u00eame clic, m\u00eame froid aux doigts. ### D\u00e9chiffrage des rythmes **[Anacrouse]** \u00c9crire est d\u2019abord une affaire avec soi-m\u00eame. **[Hypotaxe]** J\u2019en fais un dossier sans t\u00e9moin, porte close, bouton tourn\u00e9 jusqu\u2019au clic. **[Hypotaxe]** Parler de ce que j\u2019\u00e9cris m\u2019appara\u00eet obsc\u00e8ne : question d\u2019hygi\u00e8ne de proc\u00e9dure, on ne commente pas une instruction en cours. **[Parataxe]** Je reste seul, et cela me va. **[Isocolon]** Seul dans l\u2019\u00e9criture, seulement : pour le reste je fais comme tout le monde, hauts et bas, un temp\u00e9rament qui grince au r\u00e9veil et mord \u00e0 la remarque. **[Hypotaxe]** J\u2019ai longtemps cru \u00e0 la sagesse qui s\u2019installe : clause de style. **[Hypotaxe]** Je garde une pellicule de bienveillance, vernis utile pour que la poussi\u00e8re n\u2019accroche pas. **[Hypotaxe]** Autrefois je me pensais g\u00e9n\u00e9reux jusqu\u2019au fond ; d\u00e9sormais j\u2019\u00e9carte ces mains ti\u00e8des qui piochent dans le stock de patience. **[Clausule]** Mon dernier bastion est l\u00e0. **[Anacrouse]** \u00c9crire, c\u2019est instruire : **[Carrure 1-2-3-4]** rassembler les pi\u00e8ces, num\u00e9roter, classer, et quand rien ne tient, tamponner \u201c\u00e0 revoir\u201d plut\u00f4t que \u201csans suite\u201d. **[Hypotaxe]** Parfois je me dis que la m\u00eame opini\u00e2tret\u00e9, plac\u00e9e dans des affaires plus juteuses, m\u2019aurait donn\u00e9 ce regard cassant, la journ\u00e9e d\u00e9coup\u00e9e au quart d\u2019heure, la m\u00e2choire serr\u00e9e. **[Clausule]** Mais je n\u2019y respire pas. **[Hypotaxe]** Malgr\u00e9 mes j\u00e9r\u00e9miades, je ne suis pas sans paix : une ataraxie ti\u00e8de o\u00f9 je me plais tant qu\u2019on ne me surprend pas \u00e0 y nager. **[Tirets d\u2019incise]** Qu\u2019on me voie, et je rel\u00e8ve la herse : ironie, mauvais esprit, deux calembours pour la route \u2014 l\u2019a\u00een\u00e9 qu\u2019on adore d\u00e9tester, mauvais objet notoire, pr\u00eat \u00e0 signer. **[Anacrouse]** Toute affaire s\u00e9rieuse commence porte close. **[Parataxe]** L\u2019atelier ne d\u00e9roge pas. **[Hypotaxe]** Ce matin, j\u2019ai mis un peu de chauffage ; l\u2019air a chang\u00e9 d\u2019odeur, m\u00e9lange de plinthe ti\u00e9die et d\u2019essence maigre, et une poussi\u00e8re dor\u00e9e tenait en l\u2019air au-dessus du radiateur. **[Parataxe]** Personne n\u2019est venu. **[Hypotaxe]** Je me suis plant\u00e9 devant la toile : deux heures \u00e0 chercher des clairs qui tiennent, \u00e0 remplacer ces couleurs qui viraient criardes d\u00e8s qu\u2019elles buvaient l\u2019air. **[Hypotaxe]** \u00c0 la fin, j\u2019ai recul\u00e9 jusqu\u2019au mur : j\u2019avais d\u00e9truit une grande part de ce qui tenait. **[Clausule]** Et pourtant, c\u2019est de cette disparition que je tire la preuve de ce qui avait tenu \u2014 comme on lit un d\u00e9lit \u00e0 la forme exacte du vide qu\u2019il laisse. **[Parataxe]** Je ne m\u2019installe plus. **[Isocolon]** Ni dans la peinture, ni dans l\u2019\u00e9criture. **[Marche ternaire]** Je marche. D\u2019un point immobile vers un point immobile. Battement court. **[Marche 1-2-3-4]** Battement long. Relance. Entre-deux de r\u00eave. Le blanc cesse de couler ; je d\u00e9visse. **[Hypotaxe]** Crissement min\u00e9ral du pas de vis : petit plaisir malade. **[Marche ternaire]** Je cure, j\u2019essuie, je revisse ; capuchon sur sa lani\u00e8re, clic net. **[Carrure 1-2-3-4]** Demi-tour : l\u2019escalier, le bureau, l\u2019\u00e9cran, le code. **[Isocolon]** Je code comme on ajoute une pi\u00e8ce au dossier : nom de fichier, date, motif. **[Anacrouse]** Cette nuit, long m\u00e9trage en Technicolor : **[Asynd\u00e8te]** couloirs, portes lourdes en bois exotique, ferrures cisel\u00e9es, gonds d\u2019argent. **[Isocolon]** \u00c0 quoi bon des gonds d\u2019argent si la porte ne sait pas sur quoi elle bat ? J\u2019appelle cela le bastion. **[Parataxe]** Un danger approche ; on se pr\u00e9pare. **[Hypotaxe]** Une femme para\u00eet, une lettre \u00e0 la main, devant une porte qui n\u2019a pas boug\u00e9 ; personne ne l\u2019a vue entrer. **[Parataxe]** Ce n\u2019est pas d\u2019elle que vient l\u2019attaque. **[Hypotaxe]** Un homme se crispe, l\u2019aveu passe par la peau ; on le d\u00e9signe, tra\u00eetre. **[Polysynd\u00e8te l\u00e9g\u00e8re]** Il tire un long couteau ; je pare \u2014 je ne sais comment \u2014 et la lame lui tranche net la gorge. **[Clausule]** Son regard s\u2019ouvre, comme s\u2019il voyait le plan depuis le plafond ; puis il tombe. **[Syncope]** Je sais. **[Hypotaxe]** J\u2019avance : enfilade de salles de plus en plus vastes, guerriers immobiles \u2014 samoura\u00efs peut-\u00eatre \u2014 micromouvements \u00e0 mon passage, signe convenu : laissez-le. **[Clausule]** Fin de couloir : un vide propre, pr\u00e9cipice, bout des locaux donc bout du monde. **[Syncope]** Silence. **[Hypotaxe]** Je me r\u00e9veille avec l\u2019odeur de t\u00e9r\u00e9benthine dans la gorge. **[Parataxe]** Le chauffage ronronne faiblement. **[Clausule]** Le capuchon du blanc a cliquet\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure \u2014 je l\u2019entends encore. **[Isocolon + Anaphore]** Dossier rouvert demain matin : m\u00eame porte, m\u00eame clic, m\u00eame froid aux doigts. 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"title": "2 octobre 2025",
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"date_modified": "2025-10-02T06:48:32Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " hier soir visionnage passionnant d’une vid\u00e9o d’atelier \u00e0 propos du rythme dans l’\u00e9criture en fait je n’ai visionn\u00e9 qu’une toute petite partie seulement car d\u00e9j\u00e0 les id\u00e9es surgissaient de toutes parts, des connexions s’\u00e9tablissaient. Bref, j’\u00e9cris soudain une premi\u00e8re histoire, une sorte de brouillon, comme je le fais d’ordinaire. Puis j’essaie de comprendre le rythme interne de mes phrases ... je compte 123, 1234, 123, de mani\u00e8re tr\u00e8s classique. Je d\u00e9cide de modifier le rythme en supprimant la ponctuation. Cela devient une psalmodie. J’observe attentivement les \u00e9motions qui surgissent \u00e0 relecture du texte et je per\u00e7ois une diff\u00e9rence li\u00e9e au changement de respiration, de rythme. L’\u00e9motion ne vient plus tant de ce que j’\u00e9cris, que de la mani\u00e8re dont je le lis. Int\u00e9ressant. Je n’ai pas invent\u00e9 l’eau chaude, tout cela est bien entendu connu de tous, m\u00eame si l’on ne s’arr\u00e8te pas \u00e0 chaque phrase qu’on \u00e9crit pour compter sur ses doigts. Ensuite je me demande quels sont les rythmes possibles, tous les rythmes \u00e0 ma disposition j’en dresse un rapide inventaire que j’ai not\u00e9 dans fil rouge<\/a> et je me dis que si finalement il se pourrait bien que dans mon petit coin j’ai invent\u00e9 l’eau chaude. J’ai des id\u00e9es qui se bousculent encore. Prendre un fait divers bien crade et le transformer par le rythme en un chant. Trouver des extraits de litt\u00e9rature pornographique et les transformer en hymnes. Puis finalement je me rabats sur une histoire que j’ai lue il y a peu la mutinerie d’\u00c9taples<\/a> texte que j’\u00e9cris selon un rythme tintal hindou \u00e0 16 temps.<\/p>\n — -<\/p>\n sueurs froides \u00e0 nouveau en voulant am\u00e9liorer mon squelette article. Je voulais mieux voir les liens hypertextes et, pour cela modifier aussi le css afin de voir les textes en noir soulign\u00e9s d’une fine ligne de pointill\u00e9s orang\u00e9s. Je suis all\u00e9 de Charybde en Scylla pendant deux bonnes heures, jusqu’\u00e0 perdre totalement \u00e0 un moment la mise en page du site. Puis j’ai trouv\u00e9 la faille, une classe css qui bloquait une autre classe css comme souvent. J’en ai profit\u00e9 aussi pour modifier la police des textes, les rendre ainsi plus lisibles.<\/p>\n — - Lecture nocturne de Perturbation<\/i>, Bernhard. Cette lecture m\u2019apaise. Rien n\u2019y est apaisant pourtant : la crudit\u00e9 avec laquelle les choses sont dites, les d\u00e9cors, les personnages, les \u00e9v\u00e9nements. Aucune illusion. C\u2019est cela qui calme. On croit ne pas savoir pourquoi, puis on comprend que c\u2019est l\u2019absence d\u2019illusion, cette crudit\u00e9 m\u00eame, qui agit.<\/p>\n Pourquoi le manque d\u2019illusion apaise ? \u00c0 chacune, \u00e0 chacun, de retourner la question sur sa tempe. Le danger est dans la r\u00e9ponse trop rapide.<\/p>\n Bref. Hier. Sit\u00f4t que je m\u2019interroge, tout devient un fatras : faits, gestes, pens\u00e9es, tentatives h\u00e9t\u00e9roclites. Ce mot fatras<\/i>, ajout\u00e9 \u00e0 h\u00e9t\u00e9roclite<\/i>, n\u2019est-il pas d\u00e9j\u00e0 une encre de seiche, pour masquer ?<\/p>\n Trente septembre. Fin du mois. Peut-\u00eatre faudrait-il un r\u00e9capitulatif. Je pourrais le faire ici,<\/p>\n
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if ($stats_objets) {<\/code><\/pre>\n<\/li>\n\n
if ($stats_objets) {<\/code><\/pre>\n<\/li>\n\n
\/\/ (pas de d\u00e9duplication ici)<\/code><\/pre>\n<\/li>\n<\/ul>\n\n
$objets_par_defaut = array_values(array_unique($objets_par_defaut)) ;\n }<\/code><\/pre>\n\n
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\nnommer<\/h2>\n
agencer<\/h2>\n
paratexte, l\u2019\u00e9cart, le rapprochement<\/h2>\n
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\nRester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais dans la tenue.
\nRester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais dans la disponibilit\u00e9.<\/p>\n
\nCe blanc-ci, seuil.<\/p>",
"content_text": " ## nommer Ordinateur, lumi\u00e8re bleue ; caf\u00e9 froid, amertume. Page nue, marge large, blancs bloqu\u00e9s. Frisson, angoisse, joie, ivresse (courte). L\u2019\u00e9diteur, au guet ; contre l\u2019effacement. Barre d\u2019outils ; onglets ouverts ; dossiers en enfilade : dates, num\u00e9ros, \u00e9tiquettes. Papier mental, grain fin ; \u00e9cran mat, reflets ; poussi\u00e8re de bord d\u2019\u00e9cran. Silence de pi\u00e8ce ; tic sec du trackpad ; souffle mesur\u00e9. Groupe nominal en charpente : tasse, paume, fen\u00eatre, nuit ; le jour, au rebord. Blancs porteurs ; seuils ; interlignes ; marges en garde. Atlas du site : rubriques, mois, fil d\u2019Ariane ; cartes, \u00e9pingles, toponymes. Inventaire d\u2019objets : porcelaine, stylo, carnet, c\u00e2ble ; odeur d\u2019encre, m\u00e9tal ti\u00e8de. \u00c9tude, protocole, gabarits ; sobri\u00e9t\u00e9 typographique ; hi\u00e9rarchie de titres. Progressivit\u00e9 : l\u2019ind\u00e9fini d\u2019abord, la pr\u00e9cision ensuite ; singulier en pr\u00e9f\u00e9rence. Maison d\u2019\u00e9dition : poutre, paille, joints ; toit au-dessus des pages. Paroi du temps : versions, sauvegardes, bornes. L\u2019angoisse, ici ; la r\u00e8gle, l\u00e0 ; le blanc, entre. Maison plut\u00f4t qu\u2019\u00e9dition ; page plut\u00f4t que phrase ; relation plut\u00f4t que mot. ## agencer Un ordinateur, d\u2019abord \u2014 bleu d\u2019\u00e9cran. L\u2019ordinateur, ensuite, veille froide ; cet \u00e9cran, lumi\u00e8re serr\u00e9e. Caf\u00e9, froid ; amertume, au bord de la tasse. La page, nue ; la marge, large ; blancs, bloqu\u00e9s ; le blanc de marge, de page, de nuit ; ce blanc-ci, charpente. Frisson, angoisse, joie, ivresse (courte). Un \u00e9diteur, au guet ; l\u2019\u00e9diteur, dans le courant ; cet \u00e9diteur, contre l\u2019effacement. Navigation : dossiers, onglets, seuils ; dates, num\u00e9ros, \u00e9tiquettes ; versions, sauvegardes, bornes. \u00c9tude : d\u2019abord ; \u00e9tude, encore ; contre l\u2019angoisse, l\u2019\u00e9tude. Une grammaire : invention ; groupe nominal contre groupe verbal ; nom, avant ; verbe, rel\u00e9gu\u00e9. Appositions : tasse, paume, vitre ; fen\u00eatre, nuit ; jour, au rebord. G\u00e9nitifs en cha\u00eene : silence de pi\u00e8ce, de souffle, de doigt ; poussi\u00e8re de clavier, de c\u00e2ble, de livre. Maison d\u2019\u00e9dition : poutre, paille, joints ; toit au-dessus des pages ; la maison, plus que l\u2019\u00e9dition. R\u00e8gle visible : fil d\u2019Ariane, cartes, rubriques ; les mois, en frise ; titres, corps, interlignes. Progressivit\u00e9 : un blanc, le blanc, ce blanc-ci ; une page, la page, cette page. Hypoth\u00e8se, retrait, reprise ; fragments ; s\u00e9ries. L\u2019oubli, dehors ; l\u2019effacement, repouss\u00e9 aux bords. Le texte : objet ; la page : surface ; le regard : passage. Un coup de page : l\u2019espace : phrase ; la relation : sens. ## paratexte, l\u2019\u00e9cart, le rapprochement Ici, j\u2019ai supprim\u00e9 les verbes pour \u00e9prouver l\u2019hypostase du nom. J\u2019expose la r\u00e8gle afin qu\u2019on lise l\u2019agencement : progressivit\u00e9 (un\/le\/ce), cha\u00eenes g\u00e9nitives, deux appositions longues, blancs op\u00e9ratoires. La page sert d\u2019unit\u00e9, non la phrase. On voit ce que gagne la pr\u00e9cision d\u00e9plac\u00e9e. Plus tard, je remettrai un verbe, un seul, pour mesurer l\u2019\u00e9cart. > Revenir sur les lieux par l\u2019imagination \u2014 quels lieux, et pourquoi l\u2019insistance de certains plut\u00f4t que d\u2019autres \u2014 ce ne sont pas des questions \u00e0 trop creuser, au risque de ne plus savoir remonter le m\u00e9canisme. Rester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais au guet. Rester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais dans la tenue. Rester dans l\u2019ignorance et s\u2019y tenir, non dans l\u2019accablement mais dans la disponibilit\u00e9. Attention br\u00e8ve : surgissement, mine, raclage, succion, \u00e9ponge. S\u2019\u00e9loigner, revenir, s\u2019\u00e9loigner. Accommoder. Ce blanc-ci, seuil. ",
"image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/_mg_4140.jpg?1760163136",
"tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation", "dispositif"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-octobre-2025.html",
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"title": "10 octobre 2025",
"date_published": "2025-10-10T14:42:33Z",
"date_modified": "2025-10-10T16:29:33Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
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\nLecture de Simenon : Le pr\u00e9texte de l’histoire, que r\u00e9v\u00e8le t’il ?<\/h2>\n
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\nD\u00e9chiffrage des rythmes<\/h3>
\navons re\u00e7u \u00e0 d\u00e9jeuner m et b que j\u2019aime beaucoup et b avait pris la peine de r\u00e9colter des ch\u00e2taignes provenant de la maison en ard\u00e8che et il me raconta que l\u2019arbre d\u2019o\u00f9 elles venaient il le connaissait depuis l\u2019enfance et que ce terrain \u00e9tait abrupt difficile d\u2019acc\u00e8s ce dont je le remerciai d\u2019autant mais bient\u00f4t les conversations comme toujours s\u2019orient\u00e8rent vers les maladies la sant\u00e9 en g\u00e9n\u00e9ral chacun y allait de son \u00e9num\u00e9ration des outrages que l\u2019existence inflige aux corps m\u00eame les plus solides et je sentais peu \u00e0 peu l\u2019ennui s\u2019installer une lassitude devant cette comptabilit\u00e9 des douleurs et je pensais que c\u2019\u00e9tait \u00e0 ce moment pr\u00e9cis que je me levais d\u2019habitude pour pr\u00e9parer le caf\u00e9 pour sortir dans la cour respirer un peu et je me surpris \u00e0 songer \u00e0 mon impossibilit\u00e9 de sourire comme autrefois car sourire maintenant c\u2019est montrer moi aussi toutes les offenses du temps et je restai ainsi dans ce double mouvement de gratitude pour la pr\u00e9sence des amis et de fuite vers un silence qui m\u2019appartient seul.<\/p>",
"content_text": "hier soir visionnage passionnant d'une vid\u00e9o d'atelier \u00e0 propos du rythme dans l'\u00e9criture en fait je n'ai visionn\u00e9 qu'une toute petite partie seulement car d\u00e9j\u00e0 les id\u00e9es surgissaient de toutes parts, des connexions s'\u00e9tablissaient. Bref, j'\u00e9cris soudain une premi\u00e8re histoire, une sorte de brouillon, comme je le fais d'ordinaire. Puis j'essaie de comprendre le rythme interne de mes phrases ... je compte 123, 1234, 123, de mani\u00e8re tr\u00e8s classique. Je d\u00e9cide de modifier le rythme en supprimant la ponctuation. Cela devient une psalmodie. J'observe attentivement les \u00e9motions qui surgissent \u00e0 relecture du texte et je per\u00e7ois une diff\u00e9rence li\u00e9e au changement de respiration, de rythme. L'\u00e9motion ne vient plus tant de ce que j'\u00e9cris, que de la mani\u00e8re dont je le lis. Int\u00e9ressant. Je n'ai pas invent\u00e9 l'eau chaude, tout cela est bien entendu connu de tous, m\u00eame si l'on ne s'arr\u00e8te pas \u00e0 chaque phrase qu'on \u00e9crit pour compter sur ses doigts. Ensuite je me demande quels sont les rythmes possibles, tous les rythmes \u00e0 ma disposition j'en dresse un rapide inventaire que j'ai not\u00e9 dans [fil rouge->https:\/\/ledibbouk.net\/fil-rouge.html] et je me dis que si finalement il se pourrait bien que dans mon petit coin j'ai invent\u00e9 l'eau chaude. J'ai des id\u00e9es qui se bousculent encore. Prendre un fait divers bien crade et le transformer par le rythme en un chant. Trouver des extraits de litt\u00e9rature pornographique et les transformer en hymnes. Puis finalement je me rabats sur une histoire que j'ai lue il y a peu [la mutinerie d'\u00c9taples->https:\/\/ledibbouk.net\/dans-la-poussiere-d-etaples.html] texte que j'\u00e9cris selon un rythme tintal hindou \u00e0 16 temps. --- sueurs froides \u00e0 nouveau en voulant am\u00e9liorer mon squelette article. Je voulais mieux voir les liens hypertextes et, pour cela modifier aussi le css afin de voir les textes en noir soulign\u00e9s d'une fine ligne de pointill\u00e9s orang\u00e9s. Je suis all\u00e9 de Charybde en Scylla pendant deux bonnes heures, jusqu'\u00e0 perdre totalement \u00e0 un moment la mise en page du site. Puis j'ai trouv\u00e9 la faille, une classe css qui bloquait une autre classe css comme souvent. J'en ai profit\u00e9 aussi pour modifier la police des textes, les rendre ainsi plus lisibles. --- avons re\u00e7u \u00e0 d\u00e9jeuner m et b que j\u2019aime beaucoup et b avait pris la peine de r\u00e9colter des ch\u00e2taignes provenant de la maison en ard\u00e8che et il me raconta que l\u2019arbre d\u2019o\u00f9 elles venaient il le connaissait depuis l\u2019enfance et que ce terrain \u00e9tait abrupt difficile d\u2019acc\u00e8s ce dont je le remerciai d\u2019autant mais bient\u00f4t les conversations comme toujours s\u2019orient\u00e8rent vers les maladies la sant\u00e9 en g\u00e9n\u00e9ral chacun y allait de son \u00e9num\u00e9ration des outrages que l\u2019existence inflige aux corps m\u00eame les plus solides et je sentais peu \u00e0 peu l\u2019ennui s\u2019installer une lassitude devant cette comptabilit\u00e9 des douleurs et je pensais que c\u2019\u00e9tait \u00e0 ce moment pr\u00e9cis que je me levais d\u2019habitude pour pr\u00e9parer le caf\u00e9 pour sortir dans la cour respirer un peu et je me surpris \u00e0 songer \u00e0 mon impossibilit\u00e9 de sourire comme autrefois car sourire maintenant c\u2019est montrer moi aussi toutes les offenses du temps et je restai ainsi dans ce double mouvement de gratitude pour la pr\u00e9sence des amis et de fuite vers un silence qui m\u2019appartient seul.",
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"tags": ["Autofiction et Introspection", "r\u00e9flexions sur l'art", "musique"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/1er-octobre-2025.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/1er-octobre-2025.html",
"title": "1er octobre 2025",
"date_published": "2025-10-01T07:38:42Z",
"date_modified": "2025-10-01T07:38:42Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
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