{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/9-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/9-decembre-2018.html", "title": "9 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2024-03-05T06:51:45Z", "date_modified": "2025-09-17T23:35:08Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je ne me souviens plus tr\u00e8s bien, mais il me semble que ce doit \u00eatre en automne lorsque, plong\u00e9 dans un nouveau livre, j\u2019entendis grommeler un homme dans la pi\u00e8ce attenante. Celui-l\u00e0 est dessinateur et on lui a confi\u00e9, malgr\u00e9 lui visiblement, la mission de photographier la maquette d\u2019un complexe universitaire et \u00e7a l\u2019emmerde profond\u00e9ment.
\nLa pi\u00e8ce est aveugle, et la lueur du n\u00e9on clignote au plafond, projetant des ombres d\u00e9sordonn\u00e9es sur la blancheur du carton plume.
\nIl r\u00e2le, convaincu de se trouver \u00e0 bout de force. La bo\u00eete sort d\u2019une \u00e9ni\u00e8me charrette, tout le monde est nerveux, un projet pharaonique ; impossible de le rater.
\nJe m\u2019approche et, depuis la porte, j\u2019observe son man\u00e8ge. Par toute une s\u00e9rie de contorsions, l\u2019homme tente de trouver un angle ad\u00e9quat, mais \u00e0 chaque fois en vain, les ombres sont tenaces.
\n« Et si tu utilisais une feuille de papier blanc comme r\u00e9flecteur ? » lui dis-je\u2026
\nIl me toise comme on regarde un idiot qui vient de dire un truc intelligent et qui, du coup, fait douter de l\u2019idiotie.
\nJe vais chercher une ramette de papier machine et en extrais quelques feuilles que nous installons \u00e0 l\u2019aide de cales.
\nCela fonctionne et j\u2019en profite, bien s\u00fbr, tout de go, et sans que je ne sache vraiment pourquoi, pour \u00e9voquer mes talents naissants de photographe.
\n« Je pourrais bien m\u2019occuper de prendre les photos, lui dis-je la prochaine fois, et de plus, je pourrai les d\u00e9velopper et effectuer les agrandissements. »
\n\u00c0 la v\u00e9rit\u00e9, je ne savais de la photographie que tr\u00e8s peu de choses. Durant l\u2019\u00e9t\u00e9 pr\u00e9c\u00e9dent, j\u2019\u00e9tais parti en Irlande avec un vieux Nikormat d\u2019occasion et en plus achet\u00e9 \u00e0 temp\u00e9rament.
\nAu retour, c\u2019est le choc : les diapos que je regarde me restituent tr\u00e8s exactement toutes les \u00e9motions que j\u2019ai v\u00e9cues l\u00e0-bas, entre Cork et Galway. Magique ! Je retrouve l\u2019odeur de la pluie sur les champs de tourbe, le brouhaha nasillard des pubs et le go\u00fbt de la bi\u00e8re brune sur ma langue ; et par-dessus tout, les vastes ciels, cette lumi\u00e8re merveilleuse qui les traverse en jouant avec les nuages. La photo, au d\u00e9but, c\u2019est un peu ma petite madeleine de Proust.
\nJ\u2019avais d\u00e9couvert la photographie par hasard ; elle ne devait plus me l\u00e2cher, tumultueuse passion, ma\u00eetresse envahissante pendant de nombreuses ann\u00e9es.
\n« Je vais en parler au patron, » r\u00e9pliqua-t-il, et nous en rest\u00e2mes l\u00e0 pour cette journ\u00e9e. Il continua ses photos, moi ma lecture, et je n\u2019y pensais plus.
\nCe fut \u00e0 la fin de la m\u00eame semaine que je fus convoqu\u00e9 dans le bureau de la direction.
\n« Alors il para\u00eet que vous \u00eates photographe aussi ? Nous avons une nouvelle version de la maquette, des photos \u00e0 prendre, c\u2019est tr\u00e8s urgent, etc. »
\nEt c\u2019est ainsi que le soir m\u00eame, apr\u00e8s mon travail, je courus \u00e0 la petite boutique photo du boulevard Saint Antoine, toute proche de mon domicile, pour acheter un agrandisseur et tout le n\u00e9cessaire \u00e0 d\u00e9velopper les n\u00e9gatifs et \u00e0 tirer les photos. J\u2019avais pris soin d\u2019acheter une dizaine de bobines de film 24\u00d736 de la Tri-X Pan en vue du test que j\u2019allais passer.
\nDurant tout le week-end, je sillonne Paris pour prendre des photos, et me h\u00e2te de remplir mes 36 poses. \u00c0 cette \u00e9poque, pas d\u2019internet, et je ne suis m\u00eame pas s\u00fbr de savoir si je connaissais l\u2019existence des ordinateurs.
\nJe dois t\u00e2tonner un peu, me rendre \u00e0 la biblioth\u00e8que et, \u00e0 l\u2019aide de quelques notes, apprendre \u00e0 d\u00e9velopper les films et r\u00e9aliser les tirages, mais je m\u2019en fiche, j\u2019ai enfin d\u00e9couvert une vraie passion qui me hisse d\u2019une sensation d\u2019ennui profond et, du coup, \u00e7a me donne la p\u00eache, \u00e7a m\u2019excite, je sens \u00e0 nouveau la s\u00e8ve remonter.
\nJe m\u2019\u00e9tais engag\u00e9 et je ne voulais pas d\u00e9cevoir, \u00e7a a fonctionn\u00e9.
\nAu final, j\u2019ai fini par travailler comme photographe tout en conservant ma fonction premi\u00e8re d\u2019archiviste. J\u2019effectuais des photos de chantier, de maquettes, que je d\u00e9veloppais dans ma petite chambre la nuit. La bo\u00eete me remboursait mes frais de produits et de papier sans que mon salaire ne soit augment\u00e9, j\u2019en profitais donc pour acheter bien plus que n\u00e9cessaire sans \u00eatre rancunier. On peut quand m\u00eame se venger. Apr\u00e8s tout, ne m\u2019avaient-ils pas f\u00e9licit\u00e9, m\u2019apprenant que mes tirages \u00e9taient meilleurs que le labo qu\u2019ils avaient l\u2019habitude de fr\u00e9quenter ?
\nEt puis tout s\u2019est barr\u00e9 en couille \u00e0 nouveau, l\u2019ennui \u00e0 nouveau, l\u2019amour et l\u2019argent, et le d\u00e9sir d\u2019ailleurs. J\u2019avais d\u00fb oser demander une augmentation et \u00e7a n\u2019a pas du tout plu \u00e0 monsieur le directeur financier, qui m\u2019entretint de la vie, de ses nombreux \u00e9cueils, de la pluie, du beau temps mais point d\u2019argent.
\nJ\u2019ai quitt\u00e9 mon job d\u2019archiviste-photographe et j\u2019ai trouv\u00e9 un emploi de gardien de nuit, place Vend\u00f4me, dans les locaux d\u2019une bo\u00eete informatique c\u00e9l\u00e8bre. J\u2019avais pris la d\u00e9cision de devenir photographe et j\u2019avais besoin, pensais-je, de plus de temps libre pour me parfaire dans cet art. Je n\u2019ai jamais rechign\u00e9 \u00e0 trouver les pires boulots ; \u00e7a devait \u00eatre dans le fond une forme in\u00e9dite d\u2019asc\u00e8se.
\nMoquette au sol, odeur de propre, vastitude des bureaux, et du hall o\u00f9 je suis assign\u00e9 une grande partie de la nuit avec Yafsah le Kabyle \u00e9dent\u00e9, Rahim et Berouzi, deux Iraniens bac +7, la seule vraie contrainte est de monter dans les \u00e9tages de ce palais moderne suivant un itin\u00e9raire et un tempo bien r\u00e9gl\u00e9s.
\nYafsah est de jour et je le rencontre sur le seuil en train de fumer. Nous \u00e9changeons quelques banalit\u00e9s et puis je m\u2019installe derri\u00e8re un large comptoir dans ce hall d\u00e9mesur\u00e9. Peu de temps apr\u00e8s, les copains iraniens arrivent et nous voici pr\u00eats \u00e0 traverser la nuit, comme embarqu\u00e9s dans ce gigantesque vaisseau aux boiseries luxueuses pour un salaire de mis\u00e8re.
\nBeruzi sort le jeu d\u2019\u00e9chec et le dico, Rahim potasse des manuels d\u2019informatique. Ils m\u2019enseignent le farsi, le persan, les \u00e9checs, et je commence \u00e0 me d\u00e9brouiller plut\u00f4t pas mal.
\nJ\u2019adorais ces nuits pass\u00e9es ensemble \u00e0 discuter de leur ancienne vie \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran, de leur culture, qui, particuli\u00e8rement chez Beruzi, \u00e9tait immense. Il m\u2019apprit \u00e0 comprendre Omar Khayy\u00e2m, Ibn Arabi, Hafez, mais aussi l\u2019\u00c9tranger d\u2019Albert Camus comme nul prof aurait eu l\u2019id\u00e9e de le faire, ainsi que les implications terribles qu\u2019avaient eu le renversement du chah d\u2019Iran, l\u2019av\u00e8nement de Khomeiny. En 1985-86, la guerre avec l\u2019Irak \u00e9tait en cours et c\u2019\u00e9tait l\u00e0 une des raisons principales pour lesquelles mes deux amis m\u2019accompagnaient dans ces nuits \u00e9tranges et formidables. Lorsque, plus tard, j\u2019atteindrai l\u2019Iran, d\u00e8s les premiers pas effectu\u00e9s dans ce pays, je comprendrai plus profond\u00e9ment sa grandeur, malgr\u00e9 le chaos religieux et politique qui y r\u00e9gnait alors. M\u00eame les bouchers avec qui je sympathisais \u00e0 Istanbul avant de prendre le bus m\u2019avaient \u00e9mu lorsqu\u2019ils m\u2019avaient demand\u00e9, au cas o\u00f9 j\u2019eusse avec moi de la « musique am\u00e9ricaine », de pouvoir l\u2019\u00e9couter en \u00e9change du g\u00eete et du couvert dans leur modeste maison de la banlieue de T\u00e9h\u00e9ran. Y a-t-il un peuple ailleurs dans le monde o\u00f9 la po\u00e9sie est si populaire que le moindre de ses membres connaissent par c\u0153ur les paroles, les vers de ses po\u00e8tes les plus raffin\u00e9s ?
\n\u00c9trange cette ronde qu\u2019il faut effectuer, programm\u00e9e \u00e0 heures fixes et durant laquelle je peux voir par \u00e9tage s\u2019organiser le sens de la hi\u00e9rarchie. Au premier \u00e9tage, les bureaux quasiment coll\u00e9s les uns aux autres, sorte d\u2019open space pr\u00e9curseur avec son absence d\u2019intimit\u00e9, les piles de dossiers, l\u2019exigu\u00eft\u00e9 des postes de travail, les plafonniers aux n\u00e9ons pisseux. Plus on gravit des marches, plus on atteint de plus vastes bureaux avec cloison et porte verrouill\u00e9e \u00e0 double tour, de plus en plus cosy et ponctu\u00e9s de lumi\u00e8res d\u2019ambiance tr\u00e8s mignonnes - sauf les jours de m\u00e9nage o\u00f9 les femmes de m\u00e9nage, ayant besoin d\u2019y voir plus clair, actionnent les interrupteurs des plafonniers.
\nEt puis tout en haut, quasiment sous les toits, loge Dieu, ambiance ultra feutr\u00e9e d\u2019appartement bourgeois, fauteuils en cuir de je ne sais quoi mais cher, confortables, cuisine impeccable avec de quoi pr\u00e9parer un lunch, un petit d\u00e9j, un repas \u00e0 n\u2019importe quelle heure du jour, comme de la nuit. \u00c9videmment, j\u2019en profite pour siffler des litres de jus de fruits, \u00e9ventrer les sachets ap\u00e9ritifs, et me pr\u00e9parer un joli petit caf\u00e9. Dieu ici p\u00e8te dans la soie comme dans le cuir.
\n« Polyph\u00e8me, je m\u2019en fous, je suis Personne et je t\u2019emmerde. »
\nAlors je m\u2019assois sur le fauteuil en cuir, pivote silencieusement vers l\u2019\u0153il-de-b\u0153uf qui donne sur la place Vend\u00f4me et, de haut, je contemple la nuit se refl\u00e9ter sur les vitrines des joailliers. Je reste un moment l\u00e0, \u00e0 peine distrait par les ombres des couples qui se meuvent tard dans la nuit derri\u00e8re les fen\u00eatres du Ritz.
\nParfois je m\u2019endors ainsi, et c\u2019est la sonnerie du t\u00e9l\u00e9phone qui me r\u00e9veille\u2026 Beruzi, qui a rep\u00e9r\u00e9 le num\u00e9ro du poste, m\u2019avertit : le contr\u00f4leur arrive.
\nAlors je me rends \u00e0 la salle d\u2019eau en marbre sombre, me passe un peu d\u2019eau fra\u00eeche sur le visage, et redescends pour rejoindre mon poste.
\nIl y a tant de confort et de luxe que cela m\u2019abrutit, et les horaires de nuit ont compl\u00e8tement d\u00e9cal\u00e9 mon rythme de sommeil. Je passe des journ\u00e9es \u00e9tranges, \u00e0 me r\u00e9citer des quatrains en persan et en imaginant des strat\u00e9gies tout autant lumineuses que fumeuses aux \u00e9checs\u2026 Je dormais d\u00e9j\u00e0 peu \u00e0 cette \u00e9poque et, quelques heures de sommeil apr\u00e8s mon retour \u00e0 la chambre, je prends mon appareil photo et je vais par les rues photographier, amasser, avaler, croquer, d\u00e9pecer, avec une avidit\u00e9 rageuse, tout ce qui m\u2019interpelle.Les nuits o\u00f9 je suis de repos, je range la chambre, r\u00e9installe mon laboratoire et d\u00e9veloppe mes photos. Une grande ficelle traverse la pi\u00e8ce et, un \u00e0 un, comme les chasseurs accrochent leur gibier tu\u00e9, j\u2019accroche mes clich\u00e9s avec de simples pinces \u00e0 linge en bois au fur et \u00e0 mesure qu\u2019ils sont rinc\u00e9s \u00e0 l\u2019eau claire pour les d\u00e9barrasser des r\u00e9sidus de fixatif. Combien de positifs ai-je tir\u00e9 de tous ces n\u00e9gatifs\u2026 une sensation encore plus prononc\u00e9e d\u2019errance mais m\u00eal\u00e9e, cette fois, \u00e0 des accents persans, des figures d\u2019\u00e9checs, et une sensation profonde de toucher \u00e0 quelque chose d\u2019essentiel passe comme un ange pendant que j\u2019\u00e9cris ces lignes.
\nLa lecture de la po\u00e9sie persane se m\u00eale encore un peu, de fa\u00e7on mystique, \u00e0 cette qu\u00eate qui aurait, j\u2019imagine, d\u00e9but\u00e9 avec la photographie. Cette qu\u00eate, je vais encore la poursuivre en empruntant d\u2019autres chemins, d\u2019autres routes. Bien s\u00fbr, il y aura d\u2019autres chambres \u00e9troites et aussi, parfois, d\u2019autres plus vastes, tellement plus vastes que l\u00e0 non plus je ne pourrai m\u2019y r\u00e9soudre\u2026 Pourtant, j\u2019ai un peu avanc\u00e9 avant de repartir ; j\u2019ai appris \u00e0 \u00e9quilibrer les blancs, les gris, et les noirs profonds.
\nDe m\u00e9moire, encore toutes ces ann\u00e9es apr\u00e8s, je me souviens de la chanson que chantait Beruzi et Rahim : « n\u2019aie pas peur, petit oiseau perdu sur ta branche, n\u2019aie pas peur », et la suite se perd avec mon ami dans les t\u00e9n\u00e8bres de l\u2019\u00e2ge de fer dans lequel nous allions p\u00e9n\u00e9trer.
\nQuelques mois plus tard, vous me retrouverez \u00e0 la Porte de la Villette, mon sac en bandouli\u00e8re. C\u2019est enfin d\u00e9cid\u00e9 : je pars pour la Turquie. Je quitte tout, je vais faire des photos de la guerre, celle dont on parle dans les journaux pour qu\u2019on ne voit pas celle qui est en nous\u2026
\nJe ne sais quand je reprendrai ce r\u00e9cit, tout \u00e0 l\u2019heure, demain, dans un mois\u2026 ce n\u2019est pas important tant elles sont devenues plus accessibles d\u00e9sormais.
\nMoi qui autrefois notais les moindres d\u00e9tails dans des petits carnets, terrass\u00e9 par la m\u00eame trouille que le petit Poucet\u2026
\nJ\u2019ai tout br\u00fbl\u00e9 un jour de d\u00e9prime, gr\u00e2ce ou \u00e0 cause du quotidien que l\u2019on doit vivre en couple. Je m\u2019en voulais d\u2019avoir pass\u00e9 tant de temps \u00e0 vouloir \u00e9viter la vraie vie. Je me sentais si d\u00e9muni face aux obligations n\u00e9cessaires \u00e0 ce que bien des gens appellent « harmonie » ou pire encore « Amour ». Je ne voyais dans tout cela qu\u2019une suite catastrophique de compromis. Alors, j\u2019ai dit c\u2019est l\u2019\u00e9criture que je dois assassiner, br\u00fbler, \u00e9vacuer de ma vie, r\u00e9pudier. Cette distance qu\u2019elle pose entre la vie et la vie, qu\u2019on en finit par s\u2019y perdre et ne plus savoir si « je » est bien soi ou encore un autre.
\nMais non, en fait, l\u2019\u00e9criture n\u2019y est pour rien, c\u2019est seulement un autre miroir et il suffit de s\u2019en souvenir.<\/p>", "content_text": " Je ne me souviens plus tr\u00e8s bien, mais il me semble que ce doit \u00eatre en automne lorsque, plong\u00e9 dans un nouveau livre, j\u2019entendis grommeler un homme dans la pi\u00e8ce attenante. Celui-l\u00e0 est dessinateur et on lui a confi\u00e9, malgr\u00e9 lui visiblement, la mission de photographier la maquette d\u2019un complexe universitaire et \u00e7a l\u2019emmerde profond\u00e9ment. La pi\u00e8ce est aveugle, et la lueur du n\u00e9on clignote au plafond, projetant des ombres d\u00e9sordonn\u00e9es sur la blancheur du carton plume. Il r\u00e2le, convaincu de se trouver \u00e0 bout de force. La bo\u00eete sort d\u2019une \u00e9ni\u00e8me charrette, tout le monde est nerveux, un projet pharaonique ; impossible de le rater. Je m\u2019approche et, depuis la porte, j\u2019observe son man\u00e8ge. Par toute une s\u00e9rie de contorsions, l\u2019homme tente de trouver un angle ad\u00e9quat, mais \u00e0 chaque fois en vain, les ombres sont tenaces. \u00ab Et si tu utilisais une feuille de papier blanc comme r\u00e9flecteur ? \u00bb lui dis-je\u2026 Il me toise comme on regarde un idiot qui vient de dire un truc intelligent et qui, du coup, fait douter de l\u2019idiotie. Je vais chercher une ramette de papier machine et en extrais quelques feuilles que nous installons \u00e0 l\u2019aide de cales. Cela fonctionne et j\u2019en profite, bien s\u00fbr, tout de go, et sans que je ne sache vraiment pourquoi, pour \u00e9voquer mes talents naissants de photographe. \u00ab Je pourrais bien m\u2019occuper de prendre les photos, lui dis-je la prochaine fois, et de plus, je pourrai les d\u00e9velopper et effectuer les agrandissements. \u00bb \u00c0 la v\u00e9rit\u00e9, je ne savais de la photographie que tr\u00e8s peu de choses. Durant l\u2019\u00e9t\u00e9 pr\u00e9c\u00e9dent, j\u2019\u00e9tais parti en Irlande avec un vieux Nikormat d\u2019occasion et en plus achet\u00e9 \u00e0 temp\u00e9rament. Au retour, c\u2019est le choc : les diapos que je regarde me restituent tr\u00e8s exactement toutes les \u00e9motions que j\u2019ai v\u00e9cues l\u00e0-bas, entre Cork et Galway. Magique ! Je retrouve l\u2019odeur de la pluie sur les champs de tourbe, le brouhaha nasillard des pubs et le go\u00fbt de la bi\u00e8re brune sur ma langue ; et par-dessus tout, les vastes ciels, cette lumi\u00e8re merveilleuse qui les traverse en jouant avec les nuages. La photo, au d\u00e9but, c\u2019est un peu ma petite madeleine de Proust. J\u2019avais d\u00e9couvert la photographie par hasard ; elle ne devait plus me l\u00e2cher, tumultueuse passion, ma\u00eetresse envahissante pendant de nombreuses ann\u00e9es. \u00ab Je vais en parler au patron, \u00bb r\u00e9pliqua-t-il, et nous en rest\u00e2mes l\u00e0 pour cette journ\u00e9e. Il continua ses photos, moi ma lecture, et je n\u2019y pensais plus. Ce fut \u00e0 la fin de la m\u00eame semaine que je fus convoqu\u00e9 dans le bureau de la direction. \u00ab Alors il para\u00eet que vous \u00eates photographe aussi ? Nous avons une nouvelle version de la maquette, des photos \u00e0 prendre, c\u2019est tr\u00e8s urgent, etc. \u00bb Et c\u2019est ainsi que le soir m\u00eame, apr\u00e8s mon travail, je courus \u00e0 la petite boutique photo du boulevard Saint Antoine, toute proche de mon domicile, pour acheter un agrandisseur et tout le n\u00e9cessaire \u00e0 d\u00e9velopper les n\u00e9gatifs et \u00e0 tirer les photos. J\u2019avais pris soin d\u2019acheter une dizaine de bobines de film 24\u00d736 de la Tri-X Pan en vue du test que j\u2019allais passer. Durant tout le week-end, je sillonne Paris pour prendre des photos, et me h\u00e2te de remplir mes 36 poses. \u00c0 cette \u00e9poque, pas d\u2019internet, et je ne suis m\u00eame pas s\u00fbr de savoir si je connaissais l\u2019existence des ordinateurs. Je dois t\u00e2tonner un peu, me rendre \u00e0 la biblioth\u00e8que et, \u00e0 l\u2019aide de quelques notes, apprendre \u00e0 d\u00e9velopper les films et r\u00e9aliser les tirages, mais je m\u2019en fiche, j\u2019ai enfin d\u00e9couvert une vraie passion qui me hisse d\u2019une sensation d\u2019ennui profond et, du coup, \u00e7a me donne la p\u00eache, \u00e7a m\u2019excite, je sens \u00e0 nouveau la s\u00e8ve remonter. Je m\u2019\u00e9tais engag\u00e9 et je ne voulais pas d\u00e9cevoir, \u00e7a a fonctionn\u00e9. Au final, j\u2019ai fini par travailler comme photographe tout en conservant ma fonction premi\u00e8re d\u2019archiviste. J\u2019effectuais des photos de chantier, de maquettes, que je d\u00e9veloppais dans ma petite chambre la nuit. La bo\u00eete me remboursait mes frais de produits et de papier sans que mon salaire ne soit augment\u00e9, j\u2019en profitais donc pour acheter bien plus que n\u00e9cessaire sans \u00eatre rancunier. On peut quand m\u00eame se venger. Apr\u00e8s tout, ne m\u2019avaient-ils pas f\u00e9licit\u00e9, m\u2019apprenant que mes tirages \u00e9taient meilleurs que le labo qu\u2019ils avaient l\u2019habitude de fr\u00e9quenter? Et puis tout s\u2019est barr\u00e9 en couille \u00e0 nouveau, l\u2019ennui \u00e0 nouveau, l\u2019amour et l\u2019argent, et le d\u00e9sir d\u2019ailleurs. J\u2019avais d\u00fb oser demander une augmentation et \u00e7a n\u2019a pas du tout plu \u00e0 monsieur le directeur financier, qui m\u2019entretint de la vie, de ses nombreux \u00e9cueils, de la pluie, du beau temps mais point d\u2019argent. J\u2019ai quitt\u00e9 mon job d\u2019archiviste-photographe et j\u2019ai trouv\u00e9 un emploi de gardien de nuit, place Vend\u00f4me, dans les locaux d\u2019une bo\u00eete informatique c\u00e9l\u00e8bre. J\u2019avais pris la d\u00e9cision de devenir photographe et j\u2019avais besoin, pensais-je, de plus de temps libre pour me parfaire dans cet art. Je n\u2019ai jamais rechign\u00e9 \u00e0 trouver les pires boulots ; \u00e7a devait \u00eatre dans le fond une forme in\u00e9dite d\u2019asc\u00e8se. Moquette au sol, odeur de propre, vastitude des bureaux, et du hall o\u00f9 je suis assign\u00e9 une grande partie de la nuit avec Yafsah le Kabyle \u00e9dent\u00e9, Rahim et Berouzi, deux Iraniens bac +7, la seule vraie contrainte est de monter dans les \u00e9tages de ce palais moderne suivant un itin\u00e9raire et un tempo bien r\u00e9gl\u00e9s. Yafsah est de jour et je le rencontre sur le seuil en train de fumer. Nous \u00e9changeons quelques banalit\u00e9s et puis je m\u2019installe derri\u00e8re un large comptoir dans ce hall d\u00e9mesur\u00e9. Peu de temps apr\u00e8s, les copains iraniens arrivent et nous voici pr\u00eats \u00e0 traverser la nuit, comme embarqu\u00e9s dans ce gigantesque vaisseau aux boiseries luxueuses pour un salaire de mis\u00e8re. Beruzi sort le jeu d\u2019\u00e9chec et le dico, Rahim potasse des manuels d\u2019informatique. Ils m\u2019enseignent le farsi, le persan, les \u00e9checs, et je commence \u00e0 me d\u00e9brouiller plut\u00f4t pas mal. J\u2019adorais ces nuits pass\u00e9es ensemble \u00e0 discuter de leur ancienne vie \u00e0 T\u00e9h\u00e9ran, de leur culture, qui, particuli\u00e8rement chez Beruzi, \u00e9tait immense. Il m\u2019apprit \u00e0 comprendre Omar Khayy\u00e2m, Ibn Arabi, Hafez, mais aussi l\u2019\u00c9tranger d\u2019Albert Camus comme nul prof aurait eu l\u2019id\u00e9e de le faire, ainsi que les implications terribles qu\u2019avaient eu le renversement du chah d\u2019Iran, l\u2019av\u00e8nement de Khomeiny. En 1985-86, la guerre avec l\u2019Irak \u00e9tait en cours et c\u2019\u00e9tait l\u00e0 une des raisons principales pour lesquelles mes deux amis m\u2019accompagnaient dans ces nuits \u00e9tranges et formidables. Lorsque, plus tard, j\u2019atteindrai l\u2019Iran, d\u00e8s les premiers pas effectu\u00e9s dans ce pays, je comprendrai plus profond\u00e9ment sa grandeur, malgr\u00e9 le chaos religieux et politique qui y r\u00e9gnait alors. M\u00eame les bouchers avec qui je sympathisais \u00e0 Istanbul avant de prendre le bus m\u2019avaient \u00e9mu lorsqu\u2019ils m\u2019avaient demand\u00e9, au cas o\u00f9 j\u2019eusse avec moi de la \u00ab musique am\u00e9ricaine \u00bb, de pouvoir l\u2019\u00e9couter en \u00e9change du g\u00eete et du couvert dans leur modeste maison de la banlieue de T\u00e9h\u00e9ran. Y a-t-il un peuple ailleurs dans le monde o\u00f9 la po\u00e9sie est si populaire que le moindre de ses membres connaissent par c\u0153ur les paroles, les vers de ses po\u00e8tes les plus raffin\u00e9s ? \u00c9trange cette ronde qu\u2019il faut effectuer, programm\u00e9e \u00e0 heures fixes et durant laquelle je peux voir par \u00e9tage s\u2019organiser le sens de la hi\u00e9rarchie. Au premier \u00e9tage, les bureaux quasiment coll\u00e9s les uns aux autres, sorte d\u2019open space pr\u00e9curseur avec son absence d\u2019intimit\u00e9, les piles de dossiers, l\u2019exigu\u00eft\u00e9 des postes de travail, les plafonniers aux n\u00e9ons pisseux. Plus on gravit des marches, plus on atteint de plus vastes bureaux avec cloison et porte verrouill\u00e9e \u00e0 double tour, de plus en plus cosy et ponctu\u00e9s de lumi\u00e8res d\u2019ambiance tr\u00e8s mignonnes - sauf les jours de m\u00e9nage o\u00f9 les femmes de m\u00e9nage, ayant besoin d\u2019y voir plus clair, actionnent les interrupteurs des plafonniers. Et puis tout en haut, quasiment sous les toits, loge Dieu, ambiance ultra feutr\u00e9e d\u2019appartement bourgeois, fauteuils en cuir de je ne sais quoi mais cher, confortables, cuisine impeccable avec de quoi pr\u00e9parer un lunch, un petit d\u00e9j, un repas \u00e0 n\u2019importe quelle heure du jour, comme de la nuit. \u00c9videmment, j\u2019en profite pour siffler des litres de jus de fruits, \u00e9ventrer les sachets ap\u00e9ritifs, et me pr\u00e9parer un joli petit caf\u00e9. Dieu ici p\u00e8te dans la soie comme dans le cuir. \u00ab Polyph\u00e8me, je m\u2019en fous, je suis Personne et je t\u2019emmerde. \u00bb Alors je m\u2019assois sur le fauteuil en cuir, pivote silencieusement vers l\u2019\u0153il-de-b\u0153uf qui donne sur la place Vend\u00f4me et, de haut, je contemple la nuit se refl\u00e9ter sur les vitrines des joailliers. Je reste un moment l\u00e0, \u00e0 peine distrait par les ombres des couples qui se meuvent tard dans la nuit derri\u00e8re les fen\u00eatres du Ritz. Parfois je m\u2019endors ainsi, et c\u2019est la sonnerie du t\u00e9l\u00e9phone qui me r\u00e9veille\u2026 Beruzi, qui a rep\u00e9r\u00e9 le num\u00e9ro du poste, m\u2019avertit : le contr\u00f4leur arrive. Alors je me rends \u00e0 la salle d\u2019eau en marbre sombre, me passe un peu d\u2019eau fra\u00eeche sur le visage, et redescends pour rejoindre mon poste. Il y a tant de confort et de luxe que cela m\u2019abrutit, et les horaires de nuit ont compl\u00e8tement d\u00e9cal\u00e9 mon rythme de sommeil. Je passe des journ\u00e9es \u00e9tranges, \u00e0 me r\u00e9citer des quatrains en persan et en imaginant des strat\u00e9gies tout autant lumineuses que fumeuses aux \u00e9checs\u2026 Je dormais d\u00e9j\u00e0 peu \u00e0 cette \u00e9poque et, quelques heures de sommeil apr\u00e8s mon retour \u00e0 la chambre, je prends mon appareil photo et je vais par les rues photographier, amasser, avaler, croquer, d\u00e9pecer, avec une avidit\u00e9 rageuse, tout ce qui m\u2019interpelle.Les nuits o\u00f9 je suis de repos, je range la chambre, r\u00e9installe mon laboratoire et d\u00e9veloppe mes photos. Une grande ficelle traverse la pi\u00e8ce et, un \u00e0 un, comme les chasseurs accrochent leur gibier tu\u00e9, j\u2019accroche mes clich\u00e9s avec de simples pinces \u00e0 linge en bois au fur et \u00e0 mesure qu\u2019ils sont rinc\u00e9s \u00e0 l\u2019eau claire pour les d\u00e9barrasser des r\u00e9sidus de fixatif. Combien de positifs ai-je tir\u00e9 de tous ces n\u00e9gatifs\u2026 une sensation encore plus prononc\u00e9e d\u2019errance mais m\u00eal\u00e9e, cette fois, \u00e0 des accents persans, des figures d\u2019\u00e9checs, et une sensation profonde de toucher \u00e0 quelque chose d\u2019essentiel passe comme un ange pendant que j\u2019\u00e9cris ces lignes. La lecture de la po\u00e9sie persane se m\u00eale encore un peu, de fa\u00e7on mystique, \u00e0 cette qu\u00eate qui aurait, j\u2019imagine, d\u00e9but\u00e9 avec la photographie. Cette qu\u00eate, je vais encore la poursuivre en empruntant d\u2019autres chemins, d\u2019autres routes. Bien s\u00fbr, il y aura d\u2019autres chambres \u00e9troites et aussi, parfois, d\u2019autres plus vastes, tellement plus vastes que l\u00e0 non plus je ne pourrai m\u2019y r\u00e9soudre\u2026 Pourtant, j\u2019ai un peu avanc\u00e9 avant de repartir ; j\u2019ai appris \u00e0 \u00e9quilibrer les blancs, les gris, et les noirs profonds. De m\u00e9moire, encore toutes ces ann\u00e9es apr\u00e8s, je me souviens de la chanson que chantait Beruzi et Rahim : \u00ab n\u2019aie pas peur, petit oiseau perdu sur ta branche, n\u2019aie pas peur \u00bb, et la suite se perd avec mon ami dans les t\u00e9n\u00e8bres de l\u2019\u00e2ge de fer dans lequel nous allions p\u00e9n\u00e9trer. Quelques mois plus tard, vous me retrouverez \u00e0 la Porte de la Villette, mon sac en bandouli\u00e8re. C\u2019est enfin d\u00e9cid\u00e9 : je pars pour la Turquie. Je quitte tout, je vais faire des photos de la guerre, celle dont on parle dans les journaux pour qu\u2019on ne voit pas celle qui est en nous\u2026 Je ne sais quand je reprendrai ce r\u00e9cit, tout \u00e0 l\u2019heure, demain, dans un mois\u2026 ce n\u2019est pas important tant elles sont devenues plus accessibles d\u00e9sormais. Moi qui autrefois notais les moindres d\u00e9tails dans des petits carnets, terrass\u00e9 par la m\u00eame trouille que le petit Poucet\u2026 J\u2019ai tout br\u00fbl\u00e9 un jour de d\u00e9prime, gr\u00e2ce ou \u00e0 cause du quotidien que l\u2019on doit vivre en couple. Je m\u2019en voulais d\u2019avoir pass\u00e9 tant de temps \u00e0 vouloir \u00e9viter la vraie vie. Je me sentais si d\u00e9muni face aux obligations n\u00e9cessaires \u00e0 ce que bien des gens appellent \u00ab harmonie \u00bb ou pire encore \u00ab Amour \u00bb. Je ne voyais dans tout cela qu\u2019une suite catastrophique de compromis. Alors, j\u2019ai dit c\u2019est l\u2019\u00e9criture que je dois assassiner, br\u00fbler, \u00e9vacuer de ma vie, r\u00e9pudier. Cette distance qu\u2019elle pose entre la vie et la vie, qu\u2019on en finit par s\u2019y perdre et ne plus savoir si \u00ab je \u00bb est bien soi ou encore un autre. Mais non, en fait, l\u2019\u00e9criture n\u2019y est pour rien, c\u2019est seulement un autre miroir et il suffit de s\u2019en souvenir. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img023.webp?1748065188", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/29-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/29-decembre-2018.html", "title": "29 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-29T08:42:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

J\u2019ai longtemps \u00e9t\u00e9 confus dans tous les domaines de ma vie a croire parfois que je mettais un point d\u2019honneur \u00e0 ne pas \u00eatre clair, si toutefois la clart\u00e9 est le contraire v\u00e9ritable de la confusion.<\/p>\n

Quelque chose en moi projetait comme la s\u00e8che, la pieuvre, le calamar,un nuage d\u2019encre afin de me dissimuler certainement en cas de danger. Pour tromper l\u2019adversaire, \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur ou \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de moi. Et cet adversaire maintenant que j\u2019y r\u00e9fl\u00e9chis pourrait \u00eatre \u00e0 la fois l\u2019\u00e9vidence comme la certitude et le sommeil que provoquent toujours chez moi ces deux mots.<\/p>\n

Car « moi je » voulais aller plus loin, je voulais \u00eatre le meilleur en quelque chose sans savoir vraiment bien quoi. Il le fallait cela m\u2019\u00e9tait consubstantiel pensais-je. Du moins c\u2019\u00e9tait l\u00e0 le mot d\u2019ordre servant d\u2019excuse \u00e0 une certaine forme d\u2019arrogance, de m\u00e9pris envers le reste de l\u2019humanit\u00e9 qui n\u2019\u00e9tait pas sur la m\u00eame fr\u00e9quence : lanterne \u00e9teintes et lanterne allum\u00e9es.<\/p>\n

D\u00e9s les bancs de l\u2019\u00e9cole je m\u2019\u00e9tais aper\u00e7u que seuls deux ou trois de mes camarades rev\u00eataient une importance pour moi , seule forme de r\u00e9alit\u00e9 tandis que la grande partie des autres, disparaissait dans un amas de contours incertains. Ceux que je ne choisissais pas de regarder n\u2019avaient alors pas acc\u00e8s \u00e0 l\u2019existence.<\/p>\n

Il y en allait ainsi de tout, du choix que j\u2019op\u00e9rais quand au degr\u00e9 d\u2019importance que j\u2019attribuais.<\/p>\n

j\u2019ai ainsi donn\u00e9 de l\u2019importance \u00e0 certains arbres particuli\u00e8rement les cerisiers et j\u2019ai un peu aim\u00e9 les h\u00eatres, les bouleaux, et les ch\u00eanes. \u00c9ventuellement le sureau qui me donnait de quoi fumer. tout le reste de l\u2019immense for\u00eat m\u2019est parfaitement inconnu. Et souvent je me suis jur\u00e9 qu\u2019un jour j\u2019ach\u00e8terais un manuel pour combler mes lacunes, cependant ce serment n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 tenu.<\/p>\n

Dans cette notion d\u2019importance donn\u00e9e aux choses, aux \u00eatres, le moteur, la motivation qui me poussait \u00e9tait souvent la curiosit\u00e9. alors que je n\u2019\u00e9tais en fait curieux que d\u2019une seule chose : explorer une version de moi-m\u00eame encore in\u00e9dite et ce peu importe que ce fusse en amiti\u00e9, en amour, la travers\u00e9e du miroir m\u2019\u00e9tait inconnue.<\/p>\n

Pourtant je le savais, intellectuellement, je ma\u00eetrisais cette notion d\u2019ego, de projection, de transfert, de rejet \u00e9galement, et voil\u00e0 ce qui sans doute m\u2019a retard\u00e9 le plus longtemps. Cette impression, cette fabrication mentale s\u2019appuyant \u00e0 la fois sur l\u2019instinct, l\u2019analogie et le livre mais assez peu sur le corps, sur le ressenti ni sur le c\u0153ur.<\/p>\n

D\u2019ailleurs tr\u00e8s longtemps j\u2019ai pens\u00e9 \u00eatre d\u00e9pourvu de cet organe. Ne me le disait on pas \u00e0 longueur de temps, « tu n\u2019as pas de c\u0153ur, mets y du c\u0153ur », je n\u2019avais pas de c\u0153ur \u00e0 avoir du c\u0153ur et voil\u00e0 tout.<\/p>\n

Moi c\u2019\u00e9tait plut\u00f4t la t\u00eate en premier et assez rapidement les jambes que je prenais \u00e0 mon cou quand on me crachait en pleine figure les vertus cardiaques<\/p>\n

C\u2019est que du fin fond de ma confusion je comprenais bien toutes les mailles, la toile enti\u00e8re parfois que tissait ce pr\u00e9tendu « c\u0153ur \u00e0 l\u2019ouvrage » et qui me paraissait m\u2019emp\u00eatrer dans plus de confusion encore \u00e0 chaque tentative de m\u2019en \u00e9chapper.<\/p>\n

Il doit en \u00eatre de tous les mots ainsi je le crains. Nous les utilisons comme des ombres s\u2019emparant d\u2019armes tranchantes, argent\u00e9es et luisantes dans la nuit de notre ignorance. Nous croyons savoir ce que veut dire aimer, nous croyons savoir ce que veut dire ha\u00efr, nous nous formons des images mentales associ\u00e9es \u00e0 ces mots et born\u00e9es par celles ci nous tra\u00e7ons des voies labyrinthiques que nous appelons alors , simplicit\u00e9, \u00e9vidence, clart\u00e9.<\/p>\n

En peinture je n\u2019ai jamais cess\u00e9 de savoir ces bornes et j\u2019ai souvent compris qu\u2019il fallait commencer par la confusion comme dans la vie. Laisser aller sa pente naturelle \u00e0 d\u00e9sordonner le monde ou la toile ce n\u2019est pas quand m\u00eame tout \u00e0 fait semblable.<\/p>\n

Les harmonies, les lumi\u00e8res \u00e9quilibr\u00e9es d\u2019avec les ombres que je n\u2019ai pu trouver en peinture, j\u2019ai pu les recouvrir et reprendre par dessus de nouvelles toiles, cependant que les d\u00e9faites, les guerres, les pr\u00e9tendues victoires obtenues au travers les ombres et les lumi\u00e8res de ma vie pass\u00e9e je les ai laiss\u00e9es dispara\u00eetre \u00e0 jamais dans la nuit de mon oubli.<\/p>\n

« A jamais dans la nuit de mon oubli » vous voyez on y croirait !<\/p>\n

Bien sur que non, rien n\u2019est oubli\u00e9 vraiment elles me hantent souvent la nuit et m\u00eame en pleine lumi\u00e8re d\u00e9sormais.<\/p>\n

Sur la tol\u00e9rance et la conviction<\/h3>\n

Il ne peut y avoir de tol\u00e9rance sans conviction, du moins c\u2019est ce que l\u2019on pourrait imaginer puisqu\u2019on fait preuve d\u2019une pour d\u00e9couvrir l\u2019autre peu \u00e0 peu. Mais quand on part dans la vie sans aucune conviction quel curseur utiliser pour ajuster la tol\u00e9rance ?<\/p>\n

Alors je vous propose de modifier le mot conviction par intention et les choses s\u2019\u00e9claireront peut-\u00eatre d\u2019une lumi\u00e8re in\u00e9dite.<\/p>\n

Pour les chamanes la notion d\u2019intention est majeure, comme les notions d\u2019\u00e9nergie. Peu de choses dans le monde chamanique se produisent sur le plan mental, mais sur un plan \u00e9nerg\u00e9tique. Pour parvenir au plus haut degr\u00e9 de connaissance, ou de pouvoir, peu importe les mots que l\u2019on pourrait coller sur le sommet, deux qualit\u00e9s sont n\u00e9cessaires voire indispensables :<\/p>\n

Accepter de souffrir pour comprendre la quantit\u00e9 de tol\u00e9rance dont on peut faire preuve au travers d\u2019une forme d\u2019endurance \u00e0 la b\u00eatise, la sienne et celle des autres si l\u2019on veut. Quand je dis b\u00eatise il n\u2019y a vraiment rien de p\u00e9joratif, je parle bien de notre nature animale.<\/p>\n

La seconde chose est l\u2019impeccabilit\u00e9 que j\u2019appelle plus modestement la justesse. Cette justesse qui, si l\u2019on apprend \u00e0 rep\u00e9rer la fuite d\u2019\u00e9nergie en soi ou l\u2019app\u00e9tit qui commence \u00e0 sucer la notre chez autrui, r\u00e9agit de plus en plus rapidement et souplement \u00e0 tout d\u00e9bordement, de fa\u00e7on \u00e0 rester dans l\u2019axe.<\/p>\n

Nous ne savons pas grand chose des \u00e9changes gazeux et encore moins des \u00e9changes \u00e9nerg\u00e9tiques qui s\u2019op\u00e8rent entre les individus. J\u2019ai connu des ma\u00eetresses fabuleuses qui une fois que nous nous fussions s\u00e9par\u00e9s m\u2019avaient d\u00e9rob\u00e9 une tr\u00e8s grande part d\u2019\u00e9nergie et je ne parle pas ici de rapports sexuels uniquement. c\u2019est que l\u2019id\u00e9e de vampire n\u2019est pas venue du fond des temps par hasard , nous passons notre temps \u00e0 nous gorger de l\u2019\u00e9nergie des autres et eux de la notre.<\/p>\n

Je ne me souviens plus mais je ne serais pas \u00e9tonn\u00e9 que ce soit l\u2019\u00e9crivain Paul Claudel qui refusait m\u00eame de se masturber de peur de dilapider imprudemment sa pr\u00e9cieuse \u00e9nergie.. et ainsi de perdre son inspiration, sa cr\u00e9ativit\u00e9. A mon avis, il aura rater bien des moments de plaisir mais le postulat n\u2019\u00e9tait pas mauvais en soi.<\/p>\n

Les ermites aussi savent que s\u2019\u00e9loigner de la masse les pr\u00e9serve de d\u00e9penses inutiles, mais sans risque alors comment tester la tol\u00e9rance, comment construire une v\u00e9ritable conviction ? Et comment d\u00e9truire celle ci une fois construite \u2026 ?<\/p>\n

C\u2019est que peut-\u00eatre tous les chemins m\u00e8nent \u00e0 des « Rome » tr\u00e8s personnelles, nous arrivons avec une petite id\u00e9e en t\u00eate dans le monde de la confusion et c\u2019est toute cette confusion, ce chaos, qu\u2019il nous faudra traverser avec ce que j\u2019appelle « intention »<\/p>\n

Cette intention ne provient pas de notre r\u00e9flexion, le mental n\u2019est pas sa source, ni d\u2019ailleurs le c\u0153ur. On pourrait peut \u00eatre imaginer un intervalle entre deux fr\u00e9quences, plus qu\u2019une fr\u00e9quence vraiment, un tout petit vide entre deux voil\u00e0 ce serait cela l\u2019intention capable \u00e0 la fois de soulever des montagnes, de faire preuve peu \u00e0 peu d\u2019une tol\u00e9rance infinie, et d\u2019\u00e9carter ainsi un peu plus \u00e0 chaque cran la moindre de nos convictions.<\/p>\n

D\u00e9couvrir qu\u2019une intention existe au fond de soi est un jour de f\u00eate. Lui faire confiance et la suivre aveugl\u00e9ment n\u00e9cessite de traverser bien des d\u00e9serts cependant que parvenu \u00e0 l\u2019oasis, nous sommes capables de tout oublier ou presque, heureux enfin d\u2019\u00e9tancher notre soif tout simplement.<\/p>", "content_text": "J\u2019ai longtemps \u00e9t\u00e9 confus dans tous les domaines de ma vie a croire parfois que je mettais un point d\u2019honneur \u00e0 ne pas \u00eatre clair, si toutefois la clart\u00e9 est le contraire v\u00e9ritable de la confusion. Quelque chose en moi projetait comme la s\u00e8che, la pieuvre, le calamar,un nuage d\u2019encre afin de me dissimuler certainement en cas de danger. Pour tromper l\u2019adversaire, \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur ou \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de moi. Et cet adversaire maintenant que j\u2019y r\u00e9fl\u00e9chis pourrait \u00eatre \u00e0 la fois l\u2019\u00e9vidence comme la certitude et le sommeil que provoquent toujours chez moi ces deux mots. Car \u00ab moi je \u00bb voulais aller plus loin, je voulais \u00eatre le meilleur en quelque chose sans savoir vraiment bien quoi. Il le fallait cela m\u2019\u00e9tait consubstantiel pensais-je. Du moins c\u2019\u00e9tait l\u00e0 le mot d\u2019ordre servant d\u2019excuse \u00e0 une certaine forme d\u2019arrogance, de m\u00e9pris envers le reste de l\u2019humanit\u00e9 qui n\u2019\u00e9tait pas sur la m\u00eame fr\u00e9quence: lanterne \u00e9teintes et lanterne allum\u00e9es. D\u00e9s les bancs de l\u2019\u00e9cole je m\u2019\u00e9tais aper\u00e7u que seuls deux ou trois de mes camarades rev\u00eataient une importance pour moi , seule forme de r\u00e9alit\u00e9 tandis que la grande partie des autres, disparaissait dans un amas de contours incertains. Ceux que je ne choisissais pas de regarder n\u2019avaient alors pas acc\u00e8s \u00e0 l\u2019existence. Il y en allait ainsi de tout, du choix que j\u2019op\u00e9rais quand au degr\u00e9 d\u2019importance que j\u2019attribuais. j\u2019ai ainsi donn\u00e9 de l\u2019importance \u00e0 certains arbres particuli\u00e8rement les cerisiers et j\u2019ai un peu aim\u00e9 les h\u00eatres, les bouleaux, et les ch\u00eanes. \u00c9ventuellement le sureau qui me donnait de quoi fumer. tout le reste de l\u2019immense for\u00eat m\u2019est parfaitement inconnu. Et souvent je me suis jur\u00e9 qu\u2019un jour j\u2019ach\u00e8terais un manuel pour combler mes lacunes, cependant ce serment n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 tenu. Dans cette notion d\u2019importance donn\u00e9e aux choses, aux \u00eatres, le moteur, la motivation qui me poussait \u00e9tait souvent la curiosit\u00e9. alors que je n\u2019\u00e9tais en fait curieux que d\u2019une seule chose : explorer une version de moi-m\u00eame encore in\u00e9dite et ce peu importe que ce fusse en amiti\u00e9, en amour, la travers\u00e9e du miroir m\u2019\u00e9tait inconnue. Pourtant je le savais, intellectuellement, je ma\u00eetrisais cette notion d\u2019ego, de projection, de transfert, de rejet \u00e9galement, et voil\u00e0 ce qui sans doute m\u2019a retard\u00e9 le plus longtemps. Cette impression, cette fabrication mentale s\u2019appuyant \u00e0 la fois sur l\u2019instinct, l\u2019analogie et le livre mais assez peu sur le corps, sur le ressenti ni sur le c\u0153ur. D\u2019ailleurs tr\u00e8s longtemps j\u2019ai pens\u00e9 \u00eatre d\u00e9pourvu de cet organe. Ne me le disait on pas \u00e0 longueur de temps, \u00ab tu n\u2019as pas de c\u0153ur, mets y du c\u0153ur \u00bb, je n\u2019avais pas de c\u0153ur \u00e0 avoir du c\u0153ur et voil\u00e0 tout. Moi c\u2019\u00e9tait plut\u00f4t la t\u00eate en premier et assez rapidement les jambes que je prenais \u00e0 mon cou quand on me crachait en pleine figure les vertus cardiaques C\u2019est que du fin fond de ma confusion je comprenais bien toutes les mailles, la toile enti\u00e8re parfois que tissait ce pr\u00e9tendu \u00ab c\u0153ur \u00e0 l\u2019ouvrage \u00bb et qui me paraissait m\u2019emp\u00eatrer dans plus de confusion encore \u00e0 chaque tentative de m\u2019en \u00e9chapper. Il doit en \u00eatre de tous les mots ainsi je le crains. Nous les utilisons comme des ombres s\u2019emparant d\u2019armes tranchantes, argent\u00e9es et luisantes dans la nuit de notre ignorance. Nous croyons savoir ce que veut dire aimer, nous croyons savoir ce que veut dire ha\u00efr, nous nous formons des images mentales associ\u00e9es \u00e0 ces mots et born\u00e9es par celles ci nous tra\u00e7ons des voies labyrinthiques que nous appelons alors , simplicit\u00e9, \u00e9vidence, clart\u00e9. En peinture je n\u2019ai jamais cess\u00e9 de savoir ces bornes et j\u2019ai souvent compris qu\u2019il fallait commencer par la confusion comme dans la vie. Laisser aller sa pente naturelle \u00e0 d\u00e9sordonner le monde ou la toile ce n\u2019est pas quand m\u00eame tout \u00e0 fait semblable. Les harmonies, les lumi\u00e8res \u00e9quilibr\u00e9es d\u2019avec les ombres que je n\u2019ai pu trouver en peinture, j\u2019ai pu les recouvrir et reprendre par dessus de nouvelles toiles, cependant que les d\u00e9faites, les guerres, les pr\u00e9tendues victoires obtenues au travers les ombres et les lumi\u00e8res de ma vie pass\u00e9e je les ai laiss\u00e9es dispara\u00eetre \u00e0 jamais dans la nuit de mon oubli. \u00ab A jamais dans la nuit de mon oubli \u00bb vous voyez on y croirait ! Bien sur que non, rien n\u2019est oubli\u00e9 vraiment elles me hantent souvent la nuit et m\u00eame en pleine lumi\u00e8re d\u00e9sormais. {{{Sur la tol\u00e9rance et la conviction}}} Il ne peut y avoir de tol\u00e9rance sans conviction, du moins c\u2019est ce que l\u2019on pourrait imaginer puisqu\u2019on fait preuve d\u2019une pour d\u00e9couvrir l\u2019autre peu \u00e0 peu. Mais quand on part dans la vie sans aucune conviction quel curseur utiliser pour ajuster la tol\u00e9rance ? Alors je vous propose de modifier le mot conviction par intention et les choses s\u2019\u00e9claireront peut-\u00eatre d\u2019une lumi\u00e8re in\u00e9dite. Pour les chamanes la notion d\u2019intention est majeure, comme les notions d\u2019\u00e9nergie. Peu de choses dans le monde chamanique se produisent sur le plan mental, mais sur un plan \u00e9nerg\u00e9tique. Pour parvenir au plus haut degr\u00e9 de connaissance, ou de pouvoir, peu importe les mots que l\u2019on pourrait coller sur le sommet, deux qualit\u00e9s sont n\u00e9cessaires voire indispensables: Accepter de souffrir pour comprendre la quantit\u00e9 de tol\u00e9rance dont on peut faire preuve au travers d\u2019une forme d\u2019endurance \u00e0 la b\u00eatise, la sienne et celle des autres si l\u2019on veut. Quand je dis b\u00eatise il n\u2019y a vraiment rien de p\u00e9joratif, je parle bien de notre nature animale. La seconde chose est l\u2019impeccabilit\u00e9 que j\u2019appelle plus modestement la justesse. Cette justesse qui, si l\u2019on apprend \u00e0 rep\u00e9rer la fuite d\u2019\u00e9nergie en soi ou l\u2019app\u00e9tit qui commence \u00e0 sucer la notre chez autrui, r\u00e9agit de plus en plus rapidement et souplement \u00e0 tout d\u00e9bordement, de fa\u00e7on \u00e0 rester dans l\u2019axe. Nous ne savons pas grand chose des \u00e9changes gazeux et encore moins des \u00e9changes \u00e9nerg\u00e9tiques qui s\u2019op\u00e8rent entre les individus. J\u2019ai connu des ma\u00eetresses fabuleuses qui une fois que nous nous fussions s\u00e9par\u00e9s m\u2019avaient d\u00e9rob\u00e9 une tr\u00e8s grande part d\u2019\u00e9nergie et je ne parle pas ici de rapports sexuels uniquement. c\u2019est que l\u2019id\u00e9e de vampire n\u2019est pas venue du fond des temps par hasard , nous passons notre temps \u00e0 nous gorger de l\u2019\u00e9nergie des autres et eux de la notre. Je ne me souviens plus mais je ne serais pas \u00e9tonn\u00e9 que ce soit l\u2019\u00e9crivain Paul Claudel qui refusait m\u00eame de se masturber de peur de dilapider imprudemment sa pr\u00e9cieuse \u00e9nergie.. et ainsi de perdre son inspiration, sa cr\u00e9ativit\u00e9. A mon avis, il aura rater bien des moments de plaisir mais le postulat n\u2019\u00e9tait pas mauvais en soi. Les ermites aussi savent que s\u2019\u00e9loigner de la masse les pr\u00e9serve de d\u00e9penses inutiles, mais sans risque alors comment tester la tol\u00e9rance, comment construire une v\u00e9ritable conviction ? Et comment d\u00e9truire celle ci une fois construite \u2026 ? C\u2019est que peut-\u00eatre tous les chemins m\u00e8nent \u00e0 des \u00ab Rome \u00bb tr\u00e8s personnelles, nous arrivons avec une petite id\u00e9e en t\u00eate dans le monde de la confusion et c\u2019est toute cette confusion, ce chaos, qu\u2019il nous faudra traverser avec ce que j\u2019appelle \u00ab intention \u00bb Cette intention ne provient pas de notre r\u00e9flexion, le mental n\u2019est pas sa source, ni d\u2019ailleurs le c\u0153ur. On pourrait peut \u00eatre imaginer un intervalle entre deux fr\u00e9quences, plus qu\u2019une fr\u00e9quence vraiment, un tout petit vide entre deux voil\u00e0 ce serait cela l\u2019intention capable \u00e0 la fois de soulever des montagnes, de faire preuve peu \u00e0 peu d\u2019une tol\u00e9rance infinie, et d\u2019\u00e9carter ainsi un peu plus \u00e0 chaque cran la moindre de nos convictions. D\u00e9couvrir qu\u2019une intention existe au fond de soi est un jour de f\u00eate. Lui faire confiance et la suivre aveugl\u00e9ment n\u00e9cessite de traverser bien des d\u00e9serts cependant que parvenu \u00e0 l\u2019oasis, nous sommes capables de tout oublier ou presque, heureux enfin d\u2019\u00e9tancher notre soif tout simplement. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img069.webp?1748065131", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-decembre-2018.html", "title": "27 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-27T08:40:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Ce n\u2019est pas le plus facile des m\u00e9tiers mais pour moi c\u2019est l\u2019un des plus beaux. En fait comprenons nous tous les m\u00e9tiers peuvent \u00eatre beaux cela d\u00e9pend surtout de l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit de la personne qui oeuvre.<\/p>\n

Etre artiste et plus pr\u00e9cis\u00e9ment artiste peintre est le dernier m\u00e9tier que j\u2019ai choisi d\u2019effectuer apr\u00e8s de nombreux autres qui ne me permettaient plus de m\u2019exprimer. Ce m\u00e9tier ne me permet pas de vivre aussi bien que dans mes anciennes occupations qui, du reste si elles s\u00e9curisaient plus l\u2019atmosph\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale de ma vie, m\u2019obligeaient \u00e0 de nombreux compromis, \u00e0 ne pas r\u00e9v\u00e9ler pleinement ma personnalit\u00e9, \u00e0 me taire beaucoup par usure, par d\u00e9pit, par crainte aussi quelques fois de perdre mon emploi, de perdre ma s\u00e9curit\u00e9 financi\u00e8re.<\/p>\n

Cependant en r\u00e9fl\u00e9chissant bien cette pseudo s\u00e9curit\u00e9 financi\u00e8re n\u2019\u00e9tait qu\u2019un mot d\u2019ordre h\u00e9rit\u00e9 de p\u00e8re en fils, et la r\u00e9p\u00e9tition d\u2019un sch\u00e9ma ancestrale \u00e0 appliquer par un manque cruel d\u2019imagination.<\/p>\n

Quelle est la v\u00e9ritable richesse si ce ne sont pas les enfants que l\u2019on \u00e9l\u00e8ve, l\u2019\u00e9pouse que l\u2019on \u00e9paule, les amis que l\u2019on rencontre et avec lesquels on construit une amiti\u00e9, si ce n\u2019est pas toujours para\u00eetre plut\u00f4t qu\u2019\u00eatre tout simplement ?<\/p>\n

Car nous ne sommes vraiment que tr\u00e8s rarement nous m\u00eames au travers des circonstances brutales ou douces de l\u2019existence, nous sommes des copies plus ou moins am\u00e9lior\u00e9es d\u2019un syst\u00e8me \u00e9ducatif, social, \u00e9conomique et politique qui jugule la notion v\u00e9ritable d\u2019identit\u00e9 depuis tellement longtemps d\u00e9sormais. Syst\u00e8me qui craque de toutes parts et devant nous se dresse un inconnu qui comme toujours nous effraie nous rappelant trop bien l\u2019inconnu qui toujours sommeille au fond de nous.<\/p>\n

Quelle est donc la v\u00e9ritable richesse sinon aller au devant de cet inconnu qui est soi et pour ce faire pas besoin d\u2019argent mais du temps, et c\u2019est bien ce temps que l\u2019on ne nous permet pas de prendre facilement qui me parait \u00eatre le luxe le plus haut actuellement.<\/p>\n

Car il en faut du temps pour apprendre \u00e0 peindre par exemple, non pas qu\u2019il soit si difficile de ma\u00eetriser une technique, non cela est d\u00e9sormais \u00e0 la port\u00e9e d\u2019un grand nombre de personnes. Pour am\u00e9liorer le quotidien je suis moi-m\u00eame professeur et j\u2019enseigne la technique du dessin et le maniement des formes et des couleurs. Cependant que je reste toujours stup\u00e9fait par le manque de temps que pr\u00e9textent mes \u00e9l\u00e8ves.<\/p>\n

J\u2019ai beau dire, si vous voulez progresser, prenez une demi heure par jour pour dessiner, peindre, une demie heure ce n\u2019est pas grand chose mais si on le fait chaque jour, pendant 365 jours imaginez\u2026<\/p>\n

Et pourtant non , personne n\u2019y parvient invoquant chaque semaine lorsque je pose la question des pr\u00e9occupations tellement serr\u00e9es qu\u2019aucun interstice n\u2019a pu \u00eatre trouv\u00e9.<\/p>\n

Il m\u2019a fallut du temps pour comprendre comment g\u00e9rer celui-ci, pour qu\u2019\u00e0 la toute fin tout ne soit pas en vain, pour que perdure une partie pr\u00e9cieuse de mon \u00eatre inscrite dans le papier, le chant, la photographie ou la peinture, j\u2019ai test\u00e9 beaucoup de voies diverses accordant du temps \u00e0 chacune autant que le pouvais , parfois d\u2019une fa\u00e7on frugale, parfois avec exc\u00e8s.<\/p>\n

La r\u00e9gularit\u00e9 du m\u00e9tronome s\u2019accorde mal avec l\u2019id\u00e9e que l\u2019on se fait d\u2019un artiste. Elle s\u2019accorde d\u00e9j\u00e0 si mal dans le cadre que l\u2019on pose pour exercer le moindre labeur. On la subit en g\u00e9n\u00e9ral plus qu\u2019on la choisit cette r\u00e9gularit\u00e9.<\/p>\n

Alors devenir « libre » en tant qu\u2019artiste demande bien plus que de l\u2019application pour int\u00e9grer cette r\u00e9gularit\u00e9, pour diviser son temps en parcelles, pour segmenter l\u2019administratif du commercial, et du temps de cr\u00e9ation.<\/p>\n

Cela demande du temps et une certaine forme d\u2019abn\u00e9gation aussi.<\/p>\n

\u00c9tablir un emploi du temps et s\u2019y tenir demande de renoncer \u00e0 beaucoup de choses notamment \u00e0 la distraction.<\/p>\n

Je vous l\u2019avoue, j\u2019ai essay\u00e9 plein de moyens diverses pour tenter de mettre en place cet emploi du temps. Aucun n\u2019a pu tenir la route et toujours la distraction m\u2019attirait pour m\u2019extraire de ces contraintes insupportables que je m\u2019\u00e9tais fix\u00e9es.<\/p>\n

C\u2019est seulement qu\u2019il me manquait une intention v\u00e9ritable.<\/p>\n

cette intention ne se trouvait pas dans l\u2019envie de gagner de l\u2019argent, ni dans celle de r\u00e9aliser des \u0153uvres d\u2019o\u00f9 surgiraient l\u2019\u00e9vidence de ma ma\u00eetrise, encore moins dans l\u2019id\u00e9e de la beaut\u00e9 qui m\u2019aura celle ci fait perdre de nombreuses ann\u00e9es, non aucune de ses intentions ne pouvait \u00eatre vou\u00e9e au succ\u00e8s de la r\u00e9alisation d\u2019un v\u00e9ritable emploi du temps.<\/p>\n

Alors je me suis pench\u00e9 sur les t\u00e2ches d\u00e9j\u00e0 en place, les cours que je donne, l\u2019administratif \u00e0 r\u00e9gler, la communication sur les r\u00e9seaux sociaux \u00e0 ne pas n\u00e9gliger et dans chacune de ces t\u00e2ches j\u2019ai tent\u00e9 de donner le meilleur de ce que je pouvais, c\u2019est \u00e0 dire d\u2019\u00eatre le plus juste possible avec moi-m\u00eame tout d\u2019abord en esp\u00e9rant que cette justesse atteindrait les autres.<\/p>\n

Je ne dis pas que tout est en place d\u00e9sormais pour toujours, non il y a encore bien des choses \u00e0 am\u00e9liorer notamment cette propension \u00e0 vouloir trop donner d\u2019un coup comme si demain j\u2019allais mourir. J\u2019essaie de me restreindre d\u00e9sormais dans des cadres temporaires plus succincts.<\/p>\n

La cr\u00e9ation c\u2019est un peu comme l\u2019amour, donner tout d\u2019un seul coup ne sert \u00e0 rien et surtout \u00e0 ne pas durer, \u00e0 ne pas faire durer. C\u2019est sur le long terme que la passion s\u2019apaise et que la braise de la tendresse r\u00e9chauffe les vieux amants.<\/p>\n

Bien sur la tentation est grande d\u2019utiliser internet pour promouvoir mon travail et j\u2019y c\u00e8de d\u00e9sormais volontiers, non pas que j\u2019imagine atteindre \u00e0 une c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 quelconque voir \u00e0 une client\u00e8le plus large, non cela ne me parait m\u00eame pas souhaitable pour l\u2019\u00e9quilibre fragile que j\u2019installe peu \u00e0 peu dans mon emploi du temps.<\/p>\n

Internet me permet de montrer mon travail, de sortir d\u2019une certaine fa\u00e7on de l\u2019atelier, de m\u2019exposer aussi moi-m\u00eame tel que je suis sans autre retenue que celle de vouloir rester juste. C\u2019est bien de cette justesse dont il s\u2019agit en fait et qui pourrait bien devenir l\u2019intention majeure de tout mon travail d\u2019homme comme de peintre.<\/p>\n

Cette justesse emprunte des voies parfois \u00e9tranges et peut-\u00eatre parfois aussi laborieuses encore mais je ne d\u00e9sesp\u00e8re pas, j\u2019adapte peu \u00e0 peu mon emploi du temps \u00e0 sa mesure et esp\u00e8re pour 2019 des \u0153uvres nouvelles en ad\u00e9quation avec celle ci plus que jamais encore auparavant.<\/p>\n

en lisant la col\u00e8re exprim\u00e9e par certaine chroniqueuse sur l\u2019art contemporain, je peux comprendre au del\u00e0 de son vocabulaire de fa\u00e7ade l\u2019indignation qu\u2019elle ressent quant \u00e0 une grande partie de l\u2019art en France aujourd\u2019hui qui serait d\u00e9laiss\u00e9e par les institutions qui pr\u00e9f\u00e8rent miser sur des plus values rapides et des retours sur investissements plus juteux avec le denier public. C\u2019est qu\u2019on a tous oubli\u00e9 le temps dans l\u2019affaire.<\/p>\n

Il faut du temps pour construire un emploi du temps efficace, du temps pour r\u00e9aliser des tableaux qui touchent vraiment l\u2019\u00e2me et l\u2019esprit, et la h\u00e2te des institutions \u00e0 vouloir courir plus vite que la musique en fabricant des artistes trop rapidement ne r\u00e9sistera sans doute pas \u00e0 la post\u00e9rit\u00e9 qui est en fait le v\u00e9ritable tamis du talent.<\/p>\n

Ce n\u2019est jamais dans l\u2019urgence qu\u2019on d\u00e9cr\u00e8te le juste et le beau, on peut tenter de l\u2019imposer bien sur mais cela ne sert de rien, il faut attendre h\u00e9las encore la dissipation des brumes pour parvenir \u00e0 retrouver l\u2019horizon.<\/p>\n

Dans ce grand bateau qui pourrait ressembler \u00e0 celui de la M\u00e9duse, nous voici les artistes inconnus naufrag\u00e9s de l\u2019imm\u00e9diatet\u00e9. La faim et la soif et l\u2019absence de reconnaissance peut bien nous tenailler et nous rendre presque fous parfois, il faut les ignorer cela ne vient pas de nous, cela n\u2019est pas en nous. Nous sommes seulement le temps et nous n\u2019avons besoin en fait profond\u00e9ment de rien d\u2019autre que de justesse telle que nous la ressentons, toujours la m\u00eame \u00e0 la fois neuve et ancienne, toujours renouvel\u00e9e.<\/p>", "content_text": "Ce n\u2019est pas le plus facile des m\u00e9tiers mais pour moi c\u2019est l\u2019un des plus beaux. En fait comprenons nous tous les m\u00e9tiers peuvent \u00eatre beaux cela d\u00e9pend surtout de l\u2019\u00e9tat d\u2019esprit de la personne qui oeuvre. Etre artiste et plus pr\u00e9cis\u00e9ment artiste peintre est le dernier m\u00e9tier que j\u2019ai choisi d\u2019effectuer apr\u00e8s de nombreux autres qui ne me permettaient plus de m\u2019exprimer. Ce m\u00e9tier ne me permet pas de vivre aussi bien que dans mes anciennes occupations qui, du reste si elles s\u00e9curisaient plus l\u2019atmosph\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale de ma vie, m\u2019obligeaient \u00e0 de nombreux compromis, \u00e0 ne pas r\u00e9v\u00e9ler pleinement ma personnalit\u00e9, \u00e0 me taire beaucoup par usure, par d\u00e9pit, par crainte aussi quelques fois de perdre mon emploi, de perdre ma s\u00e9curit\u00e9 financi\u00e8re. Cependant en r\u00e9fl\u00e9chissant bien cette pseudo s\u00e9curit\u00e9 financi\u00e8re n\u2019\u00e9tait qu\u2019un mot d\u2019ordre h\u00e9rit\u00e9 de p\u00e8re en fils, et la r\u00e9p\u00e9tition d\u2019un sch\u00e9ma ancestrale \u00e0 appliquer par un manque cruel d\u2019imagination. Quelle est la v\u00e9ritable richesse si ce ne sont pas les enfants que l\u2019on \u00e9l\u00e8ve, l\u2019\u00e9pouse que l\u2019on \u00e9paule, les amis que l\u2019on rencontre et avec lesquels on construit une amiti\u00e9, si ce n\u2019est pas toujours para\u00eetre plut\u00f4t qu\u2019\u00eatre tout simplement ? Car nous ne sommes vraiment que tr\u00e8s rarement nous m\u00eames au travers des circonstances brutales ou douces de l\u2019existence, nous sommes des copies plus ou moins am\u00e9lior\u00e9es d\u2019un syst\u00e8me \u00e9ducatif, social, \u00e9conomique et politique qui jugule la notion v\u00e9ritable d\u2019identit\u00e9 depuis tellement longtemps d\u00e9sormais. Syst\u00e8me qui craque de toutes parts et devant nous se dresse un inconnu qui comme toujours nous effraie nous rappelant trop bien l\u2019inconnu qui toujours sommeille au fond de nous. Quelle est donc la v\u00e9ritable richesse sinon aller au devant de cet inconnu qui est soi et pour ce faire pas besoin d\u2019argent mais du temps, et c\u2019est bien ce temps que l\u2019on ne nous permet pas de prendre facilement qui me parait \u00eatre le luxe le plus haut actuellement. Car il en faut du temps pour apprendre \u00e0 peindre par exemple, non pas qu\u2019il soit si difficile de ma\u00eetriser une technique, non cela est d\u00e9sormais \u00e0 la port\u00e9e d\u2019un grand nombre de personnes. Pour am\u00e9liorer le quotidien je suis moi-m\u00eame professeur et j\u2019enseigne la technique du dessin et le maniement des formes et des couleurs. Cependant que je reste toujours stup\u00e9fait par le manque de temps que pr\u00e9textent mes \u00e9l\u00e8ves. J\u2019ai beau dire, si vous voulez progresser, prenez une demi heure par jour pour dessiner, peindre, une demie heure ce n\u2019est pas grand chose mais si on le fait chaque jour, pendant 365 jours imaginez\u2026 Et pourtant non , personne n\u2019y parvient invoquant chaque semaine lorsque je pose la question des pr\u00e9occupations tellement serr\u00e9es qu\u2019aucun interstice n\u2019a pu \u00eatre trouv\u00e9. Il m\u2019a fallut du temps pour comprendre comment g\u00e9rer celui-ci, pour qu\u2019\u00e0 la toute fin tout ne soit pas en vain, pour que perdure une partie pr\u00e9cieuse de mon \u00eatre inscrite dans le papier, le chant, la photographie ou la peinture, j\u2019ai test\u00e9 beaucoup de voies diverses accordant du temps \u00e0 chacune autant que le pouvais , parfois d\u2019une fa\u00e7on frugale, parfois avec exc\u00e8s. La r\u00e9gularit\u00e9 du m\u00e9tronome s\u2019accorde mal avec l\u2019id\u00e9e que l\u2019on se fait d\u2019un artiste. Elle s\u2019accorde d\u00e9j\u00e0 si mal dans le cadre que l\u2019on pose pour exercer le moindre labeur. On la subit en g\u00e9n\u00e9ral plus qu\u2019on la choisit cette r\u00e9gularit\u00e9. Alors devenir \u00ab libre \u00bb en tant qu\u2019artiste demande bien plus que de l\u2019application pour int\u00e9grer cette r\u00e9gularit\u00e9, pour diviser son temps en parcelles, pour segmenter l\u2019administratif du commercial, et du temps de cr\u00e9ation. Cela demande du temps et une certaine forme d\u2019abn\u00e9gation aussi. \u00c9tablir un emploi du temps et s\u2019y tenir demande de renoncer \u00e0 beaucoup de choses notamment \u00e0 la distraction. Je vous l\u2019avoue, j\u2019ai essay\u00e9 plein de moyens diverses pour tenter de mettre en place cet emploi du temps. Aucun n\u2019a pu tenir la route et toujours la distraction m\u2019attirait pour m\u2019extraire de ces contraintes insupportables que je m\u2019\u00e9tais fix\u00e9es. C\u2019est seulement qu\u2019il me manquait une intention v\u00e9ritable. cette intention ne se trouvait pas dans l\u2019envie de gagner de l\u2019argent, ni dans celle de r\u00e9aliser des \u0153uvres d\u2019o\u00f9 surgiraient l\u2019\u00e9vidence de ma ma\u00eetrise, encore moins dans l\u2019id\u00e9e de la beaut\u00e9 qui m\u2019aura celle ci fait perdre de nombreuses ann\u00e9es, non aucune de ses intentions ne pouvait \u00eatre vou\u00e9e au succ\u00e8s de la r\u00e9alisation d\u2019un v\u00e9ritable emploi du temps. Alors je me suis pench\u00e9 sur les t\u00e2ches d\u00e9j\u00e0 en place, les cours que je donne, l\u2019administratif \u00e0 r\u00e9gler, la communication sur les r\u00e9seaux sociaux \u00e0 ne pas n\u00e9gliger et dans chacune de ces t\u00e2ches j\u2019ai tent\u00e9 de donner le meilleur de ce que je pouvais, c\u2019est \u00e0 dire d\u2019\u00eatre le plus juste possible avec moi-m\u00eame tout d\u2019abord en esp\u00e9rant que cette justesse atteindrait les autres. Je ne dis pas que tout est en place d\u00e9sormais pour toujours, non il y a encore bien des choses \u00e0 am\u00e9liorer notamment cette propension \u00e0 vouloir trop donner d\u2019un coup comme si demain j\u2019allais mourir. J\u2019essaie de me restreindre d\u00e9sormais dans des cadres temporaires plus succincts. La cr\u00e9ation c\u2019est un peu comme l\u2019amour, donner tout d\u2019un seul coup ne sert \u00e0 rien et surtout \u00e0 ne pas durer, \u00e0 ne pas faire durer. C\u2019est sur le long terme que la passion s\u2019apaise et que la braise de la tendresse r\u00e9chauffe les vieux amants. Bien sur la tentation est grande d\u2019utiliser internet pour promouvoir mon travail et j\u2019y c\u00e8de d\u00e9sormais volontiers, non pas que j\u2019imagine atteindre \u00e0 une c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 quelconque voir \u00e0 une client\u00e8le plus large, non cela ne me parait m\u00eame pas souhaitable pour l\u2019\u00e9quilibre fragile que j\u2019installe peu \u00e0 peu dans mon emploi du temps. Internet me permet de montrer mon travail, de sortir d\u2019une certaine fa\u00e7on de l\u2019atelier, de m\u2019exposer aussi moi-m\u00eame tel que je suis sans autre retenue que celle de vouloir rester juste. C\u2019est bien de cette justesse dont il s\u2019agit en fait et qui pourrait bien devenir l\u2019intention majeure de tout mon travail d\u2019homme comme de peintre. Cette justesse emprunte des voies parfois \u00e9tranges et peut-\u00eatre parfois aussi laborieuses encore mais je ne d\u00e9sesp\u00e8re pas, j\u2019adapte peu \u00e0 peu mon emploi du temps \u00e0 sa mesure et esp\u00e8re pour 2019 des \u0153uvres nouvelles en ad\u00e9quation avec celle ci plus que jamais encore auparavant. en lisant la col\u00e8re exprim\u00e9e par certaine chroniqueuse sur l\u2019art contemporain, je peux comprendre au del\u00e0 de son vocabulaire de fa\u00e7ade l\u2019indignation qu\u2019elle ressent quant \u00e0 une grande partie de l\u2019art en France aujourd\u2019hui qui serait d\u00e9laiss\u00e9e par les institutions qui pr\u00e9f\u00e8rent miser sur des plus values rapides et des retours sur investissements plus juteux avec le denier public. C\u2019est qu\u2019on a tous oubli\u00e9 le temps dans l\u2019affaire. Il faut du temps pour construire un emploi du temps efficace, du temps pour r\u00e9aliser des tableaux qui touchent vraiment l\u2019\u00e2me et l\u2019esprit, et la h\u00e2te des institutions \u00e0 vouloir courir plus vite que la musique en fabricant des artistes trop rapidement ne r\u00e9sistera sans doute pas \u00e0 la post\u00e9rit\u00e9 qui est en fait le v\u00e9ritable tamis du talent. Ce n\u2019est jamais dans l\u2019urgence qu\u2019on d\u00e9cr\u00e8te le juste et le beau, on peut tenter de l\u2019imposer bien sur mais cela ne sert de rien, il faut attendre h\u00e9las encore la dissipation des brumes pour parvenir \u00e0 retrouver l\u2019horizon. Dans ce grand bateau qui pourrait ressembler \u00e0 celui de la M\u00e9duse, nous voici les artistes inconnus naufrag\u00e9s de l\u2019imm\u00e9diatet\u00e9. La faim et la soif et l\u2019absence de reconnaissance peut bien nous tenailler et nous rendre presque fous parfois, il faut les ignorer cela ne vient pas de nous, cela n\u2019est pas en nous. Nous sommes seulement le temps et nous n\u2019avons besoin en fait profond\u00e9ment de rien d\u2019autre que de justesse telle que nous la ressentons, toujours la m\u00eame \u00e0 la fois neuve et ancienne, toujours renouvel\u00e9e. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/justesse-et-spontaneite.webp?1748065082", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-decembre-2018.html", "title": "26 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-26T08:37:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

On ne sait d\u2019o\u00f9 elle vient mais on est certain qu\u2019elle est l\u00e0, elle s\u2019empare de tout notre \u00eatre et rien ne peut y faire : l\u2019\u00e9tat de si\u00e8ge s\u2019annonce long et aust\u00e8re. Les anciens attribuaient \u00e0 la bile noire sa raison d\u2019\u00eatre, r\u00e9glant ainsi le probl\u00e8me par une production d\u2019humeur anormale. Ils accompagnaient leurs observations quant au ph\u00e9nom\u00e8ne en indiquant que les personnes frapp\u00e9es de m\u00e9lancolie n\u2019\u00e9taient pas \u00e9pargn\u00e9es non plus par le g\u00e9nie. Les premiers acc\u00e8s remontent \u00e0 loin, durant les vacances sans doute, l\u2019\u00e9t\u00e9 certainement, alors que rien ne m\u2019y pr\u00e9parait. Soudain elle arriva presque en m\u00eame temps que moi dans le hameau du Bourbonnais o\u00f9 je venais rejoindre mes grands parents paternels. J\u2019aurais jur\u00e9 percevoir sa pr\u00e9sence et ce des les premiers pas sur le quai de la petite gare o\u00f9 grand-p\u00e8re venait me chercher dans son \u00e9ternelle cotte de coton noire et sale. M\u00eame si j\u2019avais voulu les surprendre et venir sans pr\u00e9venir, alors j\u2019aurais bien sur emprunt\u00e9 la route menant vers leur maison, il n\u2019y aurait rien eut \u00e0 faire, elle m\u2019aurait devanc\u00e9. Ce sentiment inou\u00ef d\u2019ennui m\u00eal\u00e9 de solitude et d\u2019\u00e0 quoi bon, \u00e0 peine poivr\u00e9 d\u2019un sentiment mortel d\u2019infini qui rend \u00e0 la fois maussade, lucide et bon \u00e0 rien.<\/p>\n

M\u00eame la p\u00eache que j\u2019adorais ne pouvait m\u2019en distraire totalement. Bien sur le soleil per\u00e7ant au travers les brumes de l\u2019aurore sur la terre meuble me charmait, bien sur le vent dans les arbres, leur longue respiration de feuille, bien sur le bouchon que l\u2019on guette et qui soudain s\u2019enfonce, bien sur l\u2019\u00e9clat d\u2019argent du poisson ferr\u00e9.. bien sur que la distraction fleurissait \u00e0 proportion que ce poison terrassait mon corps, mon c\u0153ur, ma t\u00eate.Et m\u00eame mon \u00e2me semblait inqui\u00e8te, menac\u00e9e de d\u00e9sastre comme le reste, la sournoiserie alors venait \u00e0 la rescousse comme pour m\u2019extraire du bourbier \u00e0 grande secousses d\u2019adr\u00e9naline.<\/p>\n

Ce fut l\u00e0, \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment que l\u2019amour choisit d\u2019arriver.Un jour que le gros Paula et moi fumions de vieilles lianes sur les marches de la petite maison abandonn\u00e9e, il devait \u00eatre aux alentours de 17 heures les ombres s\u2019allongeaient et les voitures sur la route d\u00e9partementale se rar\u00e9fiaient de plus en plus, il y eut un petit ploc et un petit gravier toucha mon camarade \u00e0 la t\u00eatePuis un rire l\u00e9ger stria l\u2019air et Babette surgit de derri\u00e8re une haie de prunelliers. C\u2019\u00e9tait une petite noiraude \u00e0 l\u2019air effront\u00e9, v\u00eatue d\u2019une jolie robe l\u00e9g\u00e8re, ce devait \u00eatre la premi\u00e8re fois que j\u2019apercevais la pr\u00e9sence d\u2019une fille dans le hameau que je me targuais pourtant bien connaitre.Paula devint rouge comme une pivoine et je compris qu\u2019il \u00e9tait amoureux rapidement, au fur et \u00e0 mesure ou la Babette avan\u00e7ait vers nous. Il b\u00e9gaya des paroles de bienvenue exag\u00e9r\u00e9e avec son fort accent de la campagne, celui l\u00e0 m\u00eame que je m\u2019\u00e9tais bien acharn\u00e9 \u00e0 perdre lorsque nous avions d\u00fb d\u00e9m\u00e9nager et aller vivre en r\u00e9gion parisienne.Paula c\u2019\u00e9tait un peu moi si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9 l\u00e0 bas, si je n\u2019avais jamais connu la ville, la rouerie des gamins des cit\u00e9s, la m\u00e9chancet\u00e9 crasse des filles, si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9 simple et innocent \u00e0 gober les mouches et \u00e0 croire aux bondieuseries.Paula lui \u00e9tait encore intact, une terre vierge pr\u00eate \u00e0 \u00eatre pi\u00e9tin\u00e9e. Babette arrivant je comprenais confus\u00e9ment qu\u2019elle n\u2019allait pas se g\u00eaner.<\/p>\n

La premi\u00e8re rencontre nous emporta \u00e0 la fronti\u00e8re de la nuit, nous bavard\u00e2mes tous les trois, je restais le plus silencieux cependant me sentant \u00e9tranger plus que jamais dans ce pays qui avait \u00e9t\u00e9 mien et dont l\u2019\u00e9loignement m\u2019avait banni \u00e0 tout jamais. Chaque \u00e9t\u00e9 je revenais esp\u00e9rant retrouver quelque chose que je pensais avoir perdu , et des le d\u00e9but j\u2019\u00e9prouvais l\u2019 in\u00e9luctable, la pr\u00e9sence d\u2019une absence que je ne retrouverai jamais plus.Ce soir l\u00e0 je retournais chez mes grands parents encore plus triste que jamais. tout paraissait encore plus pr\u00e9sent que jamais : le tic tac de la vieille horloge, l\u2019odeur d\u2019encaustique, celle de sueur et de tabac m\u00eal\u00e9 de grand-p\u00e8re, comme si l\u2019instant dilatait ses parois pour que mon mal \u00eatre et moi-m\u00eame puissions y tenir plus \u00e0 l\u2019aise.<\/p>\n

Mes grand parents regardaient la m\u00e9t\u00e9o, guettant l\u2019accident \u00e9ventuel de la pluie, l\u2019esp\u00e9rant sans doute , il avait vraiment fait tr\u00e8s chaud cette ann\u00e9e l\u00e0.Je grignotais un reste d\u2019omelette que grand-m\u00e8re m\u2019avait laiss\u00e9, \u00e0 m\u00eame la po\u00eale et j\u2019allais me coucher avant que grand-p\u00e8re ne me rejoigne. Il m\u2019eut \u00e9t\u00e9 impossible de m\u2019endormir avec l\u2019odeur de cigarette se consumant dans le cendrier Cinzano qui tr\u00f4nait sur la table de chevet.Le lendemain \u00e9tait si semblable \u00e0 la veille, \u00e0 peine les quelques minutes d\u2019espoir accompagn\u00e9 de tartines beurr\u00e9es et tremp\u00e9es dans le grand bol de caf\u00e9 au lait se terminaient-elles que je retrouvais cet instant incommensurable et le »ne pas savoir quoi faire ».Grand m\u00e8re s\u2019inqui\u00e9tait souvent me voyant ainsi .Elle me parlait d\u2019ennui tentant de s\u2019infiltrer mais je d\u00e9clinais vite son invitation \u00e0 discuter en allant prendre ma douche, m\u2019habiller et je m\u2019\u00e9vadais une bonne partie de la matin\u00e9e par les chemins qui m\u2019\u00e9loignaient de la ferme, du hameau, et me conduisaient vers plus de plus profondes solitudes encore.Aussi ces moments de camaraderie avec Paula le fils du facteur et plus tard avec le fils du couvreur m\u2019\u00e9taient ils chers et j\u2019aimais les retrouver en fin d\u2019apr\u00e8s midi sur les marches de la petite maison pr\u00e9s de la mare.<\/p>\n

Dans mon for int\u00e9rieur je les imaginais frapp\u00e9s du m\u00eame mal que moi d\u2019une fa\u00e7on plus trouble, plus confuse, et leurs taquineries, leurs jeux de brutes n\u2019\u00e9taient que pales tentatives pour masquer notre plaie commune cet ennui de l\u2019adolescence.<\/p>\n

Enfin la pluie surgit et nous nous r\u00e9fugi\u00e2mes tous dans la grange en face ce jour l\u00e0. J\u2019avais apport\u00e9 ma guitare et nous chantions assis dans le foin. La Babette m\u2019adressait des \u0153illades appuy\u00e9es que je prenais grand soin de ne pas soutenir eut \u00e9gard envers Paula.
\nC\u2019est \u00e0 cet instant, agrandit, \u00e9ternis\u00e9, que Nadine la s\u0153ur a\u00een\u00e9e de Babette apparut toute de blanc v\u00eatue avec ses cheveux blonds et longs et ses yeux de biche moqueurs. Le Coup de foudre fut imm\u00e9diat pour cette grande de 5 ans mon a\u00een\u00e9e.L\u2019amour m\u2019extirpa de ma m\u00e9lancolie, de mon ennui et probablement si tant est que j\u2019en eut jamais de mon g\u00e9nie, je devins parfaitement idiot et passais le reste de ces vacances dans un \u00e9tat d\u2019apesanteur et de gr\u00e2ce jamais vu. Les deux s\u0153urs habitaient en face de la petite maison de la mare et, le soir j\u2019avais pris l\u2019habitude d\u2019attendre Nadine elle aussi en plus de mes trois camarades. Lorsque je la voyais arriver de l\u2019autre cot\u00e9 de la barri\u00e8re, l\u2019attente alors si douloureuse laissait place \u00e0 une sensation d\u2019apaisement merveilleux. Je la d\u00e9vorais du regard qu\u2019elle soutenait de fa\u00e7on timide et effront\u00e9e tout en m\u00eame temps.Pour \u00eatre un peu plus seuls, nous avions convenu Nadine et moi de nous retrouver au m\u00eame endroit apr\u00e8s l\u2019heure du d\u00eener sans Babette Paula et Pierre.<\/p>\n

Alors mes grand parents riaient ils de bon coeur de me voir quitter la table et de repartir dans le soir, ils me comprenaient heureux et \u00e7a les rendait heureux je crois.Jamais je n\u2019ai \u00e9t\u00e9 capable apr\u00e8s cela d\u2019attendre aussi longtemps une fille. Parfois elle surgissait en pleine nuit et je la devinais \u00e0 la clart\u00e9 de la lune, parfois je croyais l\u2019entendre arriver, je croyais respirer l\u2019odeur de camomille de ses cheveux, sa peau parfum\u00e9e de savon de lait d\u2019amande, mais il n\u2019y avait que l\u2019obscurit\u00e9 et je devais encore patienter avant d\u2019entendre enfin le petit portail de bois grincer sur ses vieux gonds.Elle me faisait attendre, elle se faisait attendre, je n\u2019y avais jamais pris garde mais c\u2019est bien elle qui avait le dessus.<\/p>\n

Enfin r\u00e9unis, nous \u00e9voquions un vague but de promenade et nous nous \u00e9lancions dans la nuit sombre seulement guid\u00e9s par la clart\u00e9 du sable des chemins. Sa hanche fr\u00f4lant ma main , ma main fr\u00f4lant ses fesses mais jamais de contact \u00e9vident, juste une avanc\u00e9e de retenue en retenue en bavardant de tout de rien. A la v\u00e9rit\u00e9 je ne savais rien du tout de ce que les filles pouvaient vouloir d\u2019un gar\u00e7on et \u00e0 fortiori une fille plus \u00e2g\u00e9e. Peut-\u00eatre confus\u00e9ment attendais je qu\u2019elle fisse le premier pas et en m\u00eame temps cette id\u00e9e me terrorisait comme elle me d\u00e9solait.<\/p>\n

Que de chemins avons nous ainsi emprunt\u00e9s pour explorer la nuit de nos d\u00e9sirs barricad\u00e9s de pudeur et de crainte que tout ne s\u2019effondre, d\u2019un accord tacite cet \u00e9tat de fait continua jusqu\u2019\u00e0 la fin des vacances.<\/p>\n

Le dernier jour nous \u00e9change\u00e2mes nos adresses, je lui donnais celle de la pension ou j\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 depuis une ann\u00e9e. Et puis nous nous s\u00e9par\u00e2mes en nous faisant la bise \u2026<\/p>\n

Je ne pensais pas qu\u2019elle m\u2019\u00e9crirait jamais. Apr\u00e8s tout bien que de 5 ans mon a\u00een\u00e9e Nadine \u00e9tait une fille de la campagne, avait des buts arr\u00eat\u00e9s dans la vie, elle voulait devenir infirmi\u00e8re et pr\u00e9parait sa rentr\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9cole de Montlu\u00e7on. Franchement me disais-je elle va vite m\u2019oublier. La rentr\u00e9e fut maussade autant qu\u2019elle pouvait l\u2019\u00eatre. Je retrouvais toutes les t\u00e8tes connues et quelques nouvelles qui venaient agrandir la cohorte de mes camarades de classe. Les premi\u00e8res semaines pass\u00e8rent et la rectitude des horaires et des rituels , ou les habitudes retrouv\u00e9es, m\u2019\u00e9loign\u00e8rent peu \u00e0 peu de ces fabuleux souvenirs de l\u2019\u00e9t\u00e9.<\/p>\n

Nous \u00e9tions les pieds dans la Viosne, un camarade et moi en train d\u2019attraper un orvet quand le gar\u00e7on pr\u00e9pos\u00e9 au courrier me h\u00e9la de loin en brandissant une enveloppe. Comme nul ne m\u2019\u00e9crivait jamais il supposait que cela valait le coup d\u2019appuyer un peu plus l\u2019\u00e9v\u00e9nement et il alla jusqu\u2019\u00e0 nous rejoindre en courant pour me donner la lettre.Je ne connaissais pas l\u2019\u00e9criture sur l\u2019enveloppe et soudain je pensais \u00e0 elle , \u00e0 Nadine en d\u00e9couvrant le tampon de la poste de Vallon en Sully.Je la mettais dans ma poche pour ne pas la lire devant mes camarades et repartait \u00e0 la recherche des serpents et des \u00e9pinoches, seules occupations \u00e0 peu pr\u00e9s int\u00e9ressantes durant les interclasses.<\/p>\n

Ce fut le soir venu, apr\u00e8s le d\u00eener et la chapelle, lorsque je me retrouvais dans la chambre \u00e0 l\u2019abri des regards de mes camarades partis \u00e0 la douche que je d\u00e9cachetais la lettre et d\u00e9couvrais pour la premi\u00e8re fois l\u2019\u00e9criture fine et resserr\u00e9e de Nadine. La premi\u00e8re lecture fut brouill\u00e9e par la recherche de mots pr\u00e9cis que je n\u2019y d\u00e9couvrais pas. A la seconde je comprenais qu\u2019il devait sans doute y avoir la m\u00eame pudeur se cachant derri\u00e8re la banalit\u00e9 des mots que je lisais et relisais.. un vrai b\u00e9gaiement de lecture . Il n\u2019y avait l\u00e0 que des nouvelles de sa vie, toutes simples et rien d\u2019affectif ne semblait percer sinon un je t\u2019embrasse en bas de page.Mais ce n\u2019\u00e9tait pas grave, j\u2019avais une lettre de Nadine et la pension toute enti\u00e8re se transforma en un \u00e9tablissement de luxe estival dans les profondeurs de l\u2019automne cette ann\u00e9e l\u00e0 .<\/p>\n

Je crois que je r\u00e9pondis une premi\u00e8re fois \u00e0 Nadine en tentant de placer un peu plus de chaleur qu\u2019elle dans mes mots sans pour autant parler de sentiment. Finalement l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 me paraissait \u00eatre le garde fou n\u00e9cessaire \u00e0 cet \u00e9change \u00e9pistolaire. Je lui racontais mes journ\u00e9es, mes d\u00e9boires, mes r\u00e9ussites, mes r\u00eaves d\u2019adolescent , avec de temps \u00e0 autre une r\u00e9f\u00e9rence discr\u00e8te au souvenir de nos promenades. Et \u00e0 la fin j\u2019avais \u00e9crit une lettre par jour \u00e0 Nadine, il \u00e9tait temps de revenir chez mes grand parents pour un nouvel \u00e9t\u00e9..<\/p>\n

Mon c\u0153ur battait la chamade j\u2019avais la t\u00eate en feu alors que je gravissais la cote apr\u00e8s les 8 km \u00e0 pied que j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 effectu\u00e9s ma valise \u00e0 la main. Je n\u2019avais pr\u00e9venu personne du jour de mon arriv\u00e9e. Je voulais tout savourer dans le menu, que nul ne vienne d\u00e9ranger ma joie, mon bonheur.C\u2019est en fin d\u2019apr\u00e8s midi que j\u2019arrivais au hameau, les coucous se r\u00e9pondaient dans le lointain et un parfum d\u2019herbe coup\u00e9e flottait dans l\u2019air.La maison des deux s\u0153urs \u00e9tait sur mon chemin j\u2019en profitais pour faire un saut , peut \u00eatre apercevrais je Nadine enfin ? Effectivement elle \u00e9tait l\u00e0, je mis un moment \u00e0 comprendre ce que je regardais, un gros gaillard v\u00eatu de cuir chevauchant une moto dans la cour \u00e9tait en train de l\u2019embrasser . Elle \u00e9tait pendue \u00e0 son cou.. et soudain elle me vit, se d\u00e9tacha \u00e0 peine et me fit un petit signe de loin. Un sourire arriva je ne sais comment sur mes l\u00e8vres et sans un mot je tournais les talons pour rejoindre la ferme de mes grand parents.<\/p>\n

J\u2019ai gard\u00e9 longtemps toutes les lettres que m\u2019avait envoy\u00e9es Nadine, je me souviens aussi avoir regrett\u00e9 de n\u2019avoir pas conserv\u00e9 de doubles de celles que je lui avais adress\u00e9es.<\/p>\n

C\u2019est bien plus tard pr\u00e9s de la trentaine, que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de les br\u00fbler. Un nouvel amour arrivait comme une page vierge il fallait faire du vide.<\/p>\n

Il y a ainsi des histoires, des r\u00e9cits plus ou moins inscrits \u00e0 mi chemin de la r\u00e9alit\u00e9 et du r\u00eave comme d\u00e9sormais des tableaux rang\u00e9s au fond de mon atelier qui n\u2019attendent que le bon moment, le juste regard peut-\u00eatre aussi pour atteindre \u00e0 l\u2019importance qu\u2019ils m\u00e9ritent. Qui d\u00e9cide de la valeur de cette importance..? Moi bien sur car j\u2019ai bien peur qu\u2019il n\u2019y aurait personne au final si de temps \u00e0 autre je ne partageais pas ces objets enfouis comme des secrets.<\/p>\n

Un bon ami \u00e0 moi \u00e0 coutume de dire : » Qu\u2019est ce qu\u2019un homme ? et il rajoute c\u2019est tout ce qu\u2019il ne montre pas, tout ce qu\u2019il cache. » J\u2019ai longtemps cach\u00e9, dissimul\u00e9 jugeant tout cela autant impudique qu\u2019insignifiant, banal, mais mon chemin m\u2019am\u00e8ne \u00e0 rencontrer des gens qui, dans la confusion qui hier \u00e9tait mienne, peuvent entendre parfois comme un \u00e9cho de leur pr\u00e9occupations, de leurs entraves en accompagnant les miennes dans leur lecture. Et juste pour \u00e7a, pour \u00e9tablir des ponts entre les \u00eatres le partage et le don sont importants.<\/p>", "content_text": "On ne sait d\u2019o\u00f9 elle vient mais on est certain qu\u2019elle est l\u00e0, elle s\u2019empare de tout notre \u00eatre et rien ne peut y faire : l\u2019\u00e9tat de si\u00e8ge s\u2019annonce long et aust\u00e8re. Les anciens attribuaient \u00e0 la bile noire sa raison d\u2019\u00eatre, r\u00e9glant ainsi le probl\u00e8me par une production d\u2019humeur anormale. Ils accompagnaient leurs observations quant au ph\u00e9nom\u00e8ne en indiquant que les personnes frapp\u00e9es de m\u00e9lancolie n\u2019\u00e9taient pas \u00e9pargn\u00e9es non plus par le g\u00e9nie. Les premiers acc\u00e8s remontent \u00e0 loin, durant les vacances sans doute, l\u2019\u00e9t\u00e9 certainement, alors que rien ne m\u2019y pr\u00e9parait. Soudain elle arriva presque en m\u00eame temps que moi dans le hameau du Bourbonnais o\u00f9 je venais rejoindre mes grands parents paternels. J\u2019aurais jur\u00e9 percevoir sa pr\u00e9sence et ce des les premiers pas sur le quai de la petite gare o\u00f9 grand-p\u00e8re venait me chercher dans son \u00e9ternelle cotte de coton noire et sale. M\u00eame si j\u2019avais voulu les surprendre et venir sans pr\u00e9venir, alors j\u2019aurais bien sur emprunt\u00e9 la route menant vers leur maison, il n\u2019y aurait rien eut \u00e0 faire, elle m\u2019aurait devanc\u00e9. Ce sentiment inou\u00ef d\u2019ennui m\u00eal\u00e9 de solitude et d\u2019\u00e0 quoi bon, \u00e0 peine poivr\u00e9 d\u2019un sentiment mortel d\u2019infini qui rend \u00e0 la fois maussade, lucide et bon \u00e0 rien. M\u00eame la p\u00eache que j\u2019adorais ne pouvait m\u2019en distraire totalement. Bien sur le soleil per\u00e7ant au travers les brumes de l\u2019aurore sur la terre meuble me charmait, bien sur le vent dans les arbres, leur longue respiration de feuille, bien sur le bouchon que l\u2019on guette et qui soudain s\u2019enfonce, bien sur l\u2019\u00e9clat d\u2019argent du poisson ferr\u00e9.. bien sur que la distraction fleurissait \u00e0 proportion que ce poison terrassait mon corps, mon c\u0153ur, ma t\u00eate.Et m\u00eame mon \u00e2me semblait inqui\u00e8te, menac\u00e9e de d\u00e9sastre comme le reste, la sournoiserie alors venait \u00e0 la rescousse comme pour m\u2019extraire du bourbier \u00e0 grande secousses d\u2019adr\u00e9naline. Ce fut l\u00e0, \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment que l\u2019amour choisit d\u2019arriver.Un jour que le gros Paula et moi fumions de vieilles lianes sur les marches de la petite maison abandonn\u00e9e, il devait \u00eatre aux alentours de 17 heures les ombres s\u2019allongeaient et les voitures sur la route d\u00e9partementale se rar\u00e9fiaient de plus en plus, il y eut un petit ploc et un petit gravier toucha mon camarade \u00e0 la t\u00eatePuis un rire l\u00e9ger stria l\u2019air et Babette surgit de derri\u00e8re une haie de prunelliers. C\u2019\u00e9tait une petite noiraude \u00e0 l\u2019air effront\u00e9, v\u00eatue d\u2019une jolie robe l\u00e9g\u00e8re, ce devait \u00eatre la premi\u00e8re fois que j\u2019apercevais la pr\u00e9sence d\u2019une fille dans le hameau que je me targuais pourtant bien connaitre.Paula devint rouge comme une pivoine et je compris qu\u2019il \u00e9tait amoureux rapidement, au fur et \u00e0 mesure ou la Babette avan\u00e7ait vers nous. Il b\u00e9gaya des paroles de bienvenue exag\u00e9r\u00e9e avec son fort accent de la campagne, celui l\u00e0 m\u00eame que je m\u2019\u00e9tais bien acharn\u00e9 \u00e0 perdre lorsque nous avions d\u00fb d\u00e9m\u00e9nager et aller vivre en r\u00e9gion parisienne.Paula c\u2019\u00e9tait un peu moi si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9 l\u00e0 bas, si je n\u2019avais jamais connu la ville, la rouerie des gamins des cit\u00e9s, la m\u00e9chancet\u00e9 crasse des filles, si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9 simple et innocent \u00e0 gober les mouches et \u00e0 croire aux bondieuseries.Paula lui \u00e9tait encore intact, une terre vierge pr\u00eate \u00e0 \u00eatre pi\u00e9tin\u00e9e. Babette arrivant je comprenais confus\u00e9ment qu\u2019elle n\u2019allait pas se g\u00eaner. La premi\u00e8re rencontre nous emporta \u00e0 la fronti\u00e8re de la nuit, nous bavard\u00e2mes tous les trois, je restais le plus silencieux cependant me sentant \u00e9tranger plus que jamais dans ce pays qui avait \u00e9t\u00e9 mien et dont l\u2019\u00e9loignement m\u2019avait banni \u00e0 tout jamais. Chaque \u00e9t\u00e9 je revenais esp\u00e9rant retrouver quelque chose que je pensais avoir perdu , et des le d\u00e9but j\u2019\u00e9prouvais l\u2019 in\u00e9luctable, la pr\u00e9sence d\u2019une absence que je ne retrouverai jamais plus.Ce soir l\u00e0 je retournais chez mes grands parents encore plus triste que jamais. tout paraissait encore plus pr\u00e9sent que jamais: le tic tac de la vieille horloge, l\u2019odeur d\u2019encaustique, celle de sueur et de tabac m\u00eal\u00e9 de grand-p\u00e8re, comme si l\u2019instant dilatait ses parois pour que mon mal \u00eatre et moi-m\u00eame puissions y tenir plus \u00e0 l\u2019aise. Mes grand parents regardaient la m\u00e9t\u00e9o, guettant l\u2019accident \u00e9ventuel de la pluie, l\u2019esp\u00e9rant sans doute , il avait vraiment fait tr\u00e8s chaud cette ann\u00e9e l\u00e0.Je grignotais un reste d\u2019omelette que grand-m\u00e8re m\u2019avait laiss\u00e9, \u00e0 m\u00eame la po\u00eale et j\u2019allais me coucher avant que grand-p\u00e8re ne me rejoigne. Il m\u2019eut \u00e9t\u00e9 impossible de m\u2019endormir avec l\u2019odeur de cigarette se consumant dans le cendrier Cinzano qui tr\u00f4nait sur la table de chevet.Le lendemain \u00e9tait si semblable \u00e0 la veille, \u00e0 peine les quelques minutes d\u2019espoir accompagn\u00e9 de tartines beurr\u00e9es et tremp\u00e9es dans le grand bol de caf\u00e9 au lait se terminaient-elles que je retrouvais cet instant incommensurable et le \u00bbne pas savoir quoi faire \u00bb.Grand m\u00e8re s\u2019inqui\u00e9tait souvent me voyant ainsi .Elle me parlait d\u2019ennui tentant de s\u2019infiltrer mais je d\u00e9clinais vite son invitation \u00e0 discuter en allant prendre ma douche, m\u2019habiller et je m\u2019\u00e9vadais une bonne partie de la matin\u00e9e par les chemins qui m\u2019\u00e9loignaient de la ferme, du hameau, et me conduisaient vers plus de plus profondes solitudes encore.Aussi ces moments de camaraderie avec Paula le fils du facteur et plus tard avec le fils du couvreur m\u2019\u00e9taient ils chers et j\u2019aimais les retrouver en fin d\u2019apr\u00e8s midi sur les marches de la petite maison pr\u00e9s de la mare. Dans mon for int\u00e9rieur je les imaginais frapp\u00e9s du m\u00eame mal que moi d\u2019une fa\u00e7on plus trouble, plus confuse, et leurs taquineries, leurs jeux de brutes n\u2019\u00e9taient que pales tentatives pour masquer notre plaie commune cet ennui de l\u2019adolescence. Enfin la pluie surgit et nous nous r\u00e9fugi\u00e2mes tous dans la grange en face ce jour l\u00e0. J\u2019avais apport\u00e9 ma guitare et nous chantions assis dans le foin. La Babette m\u2019adressait des \u0153illades appuy\u00e9es que je prenais grand soin de ne pas soutenir eut \u00e9gard envers Paula. C\u2019est \u00e0 cet instant, agrandit, \u00e9ternis\u00e9, que Nadine la s\u0153ur a\u00een\u00e9e de Babette apparut toute de blanc v\u00eatue avec ses cheveux blonds et longs et ses yeux de biche moqueurs. Le Coup de foudre fut imm\u00e9diat pour cette grande de 5 ans mon a\u00een\u00e9e.L\u2019amour m\u2019extirpa de ma m\u00e9lancolie, de mon ennui et probablement si tant est que j\u2019en eut jamais de mon g\u00e9nie, je devins parfaitement idiot et passais le reste de ces vacances dans un \u00e9tat d\u2019apesanteur et de gr\u00e2ce jamais vu. Les deux s\u0153urs habitaient en face de la petite maison de la mare et, le soir j\u2019avais pris l\u2019habitude d\u2019attendre Nadine elle aussi en plus de mes trois camarades. Lorsque je la voyais arriver de l\u2019autre cot\u00e9 de la barri\u00e8re, l\u2019attente alors si douloureuse laissait place \u00e0 une sensation d\u2019apaisement merveilleux. Je la d\u00e9vorais du regard qu\u2019elle soutenait de fa\u00e7on timide et effront\u00e9e tout en m\u00eame temps.Pour \u00eatre un peu plus seuls, nous avions convenu Nadine et moi de nous retrouver au m\u00eame endroit apr\u00e8s l\u2019heure du d\u00eener sans Babette Paula et Pierre. Alors mes grand parents riaient ils de bon coeur de me voir quitter la table et de repartir dans le soir, ils me comprenaient heureux et \u00e7a les rendait heureux je crois.Jamais je n\u2019ai \u00e9t\u00e9 capable apr\u00e8s cela d\u2019attendre aussi longtemps une fille. Parfois elle surgissait en pleine nuit et je la devinais \u00e0 la clart\u00e9 de la lune, parfois je croyais l\u2019entendre arriver, je croyais respirer l\u2019odeur de camomille de ses cheveux, sa peau parfum\u00e9e de savon de lait d\u2019amande, mais il n\u2019y avait que l\u2019obscurit\u00e9 et je devais encore patienter avant d\u2019entendre enfin le petit portail de bois grincer sur ses vieux gonds.Elle me faisait attendre, elle se faisait attendre, je n\u2019y avais jamais pris garde mais c\u2019est bien elle qui avait le dessus. Enfin r\u00e9unis, nous \u00e9voquions un vague but de promenade et nous nous \u00e9lancions dans la nuit sombre seulement guid\u00e9s par la clart\u00e9 du sable des chemins. Sa hanche fr\u00f4lant ma main , ma main fr\u00f4lant ses fesses mais jamais de contact \u00e9vident, juste une avanc\u00e9e de retenue en retenue en bavardant de tout de rien. A la v\u00e9rit\u00e9 je ne savais rien du tout de ce que les filles pouvaient vouloir d\u2019un gar\u00e7on et \u00e0 fortiori une fille plus \u00e2g\u00e9e. Peut-\u00eatre confus\u00e9ment attendais je qu\u2019elle fisse le premier pas et en m\u00eame temps cette id\u00e9e me terrorisait comme elle me d\u00e9solait. Que de chemins avons nous ainsi emprunt\u00e9s pour explorer la nuit de nos d\u00e9sirs barricad\u00e9s de pudeur et de crainte que tout ne s\u2019effondre, d\u2019un accord tacite cet \u00e9tat de fait continua jusqu\u2019\u00e0 la fin des vacances. Le dernier jour nous \u00e9change\u00e2mes nos adresses, je lui donnais celle de la pension ou j\u2019\u00e9tais d\u00e9j\u00e0 depuis une ann\u00e9e. Et puis nous nous s\u00e9par\u00e2mes en nous faisant la bise \u2026 Je ne pensais pas qu\u2019elle m\u2019\u00e9crirait jamais. Apr\u00e8s tout bien que de 5 ans mon a\u00een\u00e9e Nadine \u00e9tait une fille de la campagne, avait des buts arr\u00eat\u00e9s dans la vie, elle voulait devenir infirmi\u00e8re et pr\u00e9parait sa rentr\u00e9e \u00e0 l\u2019\u00e9cole de Montlu\u00e7on. Franchement me disais-je elle va vite m\u2019oublier. La rentr\u00e9e fut maussade autant qu\u2019elle pouvait l\u2019\u00eatre. Je retrouvais toutes les t\u00e8tes connues et quelques nouvelles qui venaient agrandir la cohorte de mes camarades de classe. Les premi\u00e8res semaines pass\u00e8rent et la rectitude des horaires et des rituels , ou les habitudes retrouv\u00e9es, m\u2019\u00e9loign\u00e8rent peu \u00e0 peu de ces fabuleux souvenirs de l\u2019\u00e9t\u00e9. Nous \u00e9tions les pieds dans la Viosne, un camarade et moi en train d\u2019attraper un orvet quand le gar\u00e7on pr\u00e9pos\u00e9 au courrier me h\u00e9la de loin en brandissant une enveloppe. Comme nul ne m\u2019\u00e9crivait jamais il supposait que cela valait le coup d\u2019appuyer un peu plus l\u2019\u00e9v\u00e9nement et il alla jusqu\u2019\u00e0 nous rejoindre en courant pour me donner la lettre.Je ne connaissais pas l\u2019\u00e9criture sur l\u2019enveloppe et soudain je pensais \u00e0 elle , \u00e0 Nadine en d\u00e9couvrant le tampon de la poste de Vallon en Sully.Je la mettais dans ma poche pour ne pas la lire devant mes camarades et repartait \u00e0 la recherche des serpents et des \u00e9pinoches, seules occupations \u00e0 peu pr\u00e9s int\u00e9ressantes durant les interclasses. Ce fut le soir venu, apr\u00e8s le d\u00eener et la chapelle, lorsque je me retrouvais dans la chambre \u00e0 l\u2019abri des regards de mes camarades partis \u00e0 la douche que je d\u00e9cachetais la lettre et d\u00e9couvrais pour la premi\u00e8re fois l\u2019\u00e9criture fine et resserr\u00e9e de Nadine. La premi\u00e8re lecture fut brouill\u00e9e par la recherche de mots pr\u00e9cis que je n\u2019y d\u00e9couvrais pas. A la seconde je comprenais qu\u2019il devait sans doute y avoir la m\u00eame pudeur se cachant derri\u00e8re la banalit\u00e9 des mots que je lisais et relisais.. un vrai b\u00e9gaiement de lecture . Il n\u2019y avait l\u00e0 que des nouvelles de sa vie, toutes simples et rien d\u2019affectif ne semblait percer sinon un je t\u2019embrasse en bas de page.Mais ce n\u2019\u00e9tait pas grave, j\u2019avais une lettre de Nadine et la pension toute enti\u00e8re se transforma en un \u00e9tablissement de luxe estival dans les profondeurs de l\u2019automne cette ann\u00e9e l\u00e0 . Je crois que je r\u00e9pondis une premi\u00e8re fois \u00e0 Nadine en tentant de placer un peu plus de chaleur qu\u2019elle dans mes mots sans pour autant parler de sentiment. Finalement l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 me paraissait \u00eatre le garde fou n\u00e9cessaire \u00e0 cet \u00e9change \u00e9pistolaire. Je lui racontais mes journ\u00e9es, mes d\u00e9boires, mes r\u00e9ussites, mes r\u00eaves d\u2019adolescent , avec de temps \u00e0 autre une r\u00e9f\u00e9rence discr\u00e8te au souvenir de nos promenades. Et \u00e0 la fin j\u2019avais \u00e9crit une lettre par jour \u00e0 Nadine, il \u00e9tait temps de revenir chez mes grand parents pour un nouvel \u00e9t\u00e9.. Mon c\u0153ur battait la chamade j\u2019avais la t\u00eate en feu alors que je gravissais la cote apr\u00e8s les 8 km \u00e0 pied que j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 effectu\u00e9s ma valise \u00e0 la main. Je n\u2019avais pr\u00e9venu personne du jour de mon arriv\u00e9e. Je voulais tout savourer dans le menu, que nul ne vienne d\u00e9ranger ma joie, mon bonheur.C\u2019est en fin d\u2019apr\u00e8s midi que j\u2019arrivais au hameau, les coucous se r\u00e9pondaient dans le lointain et un parfum d\u2019herbe coup\u00e9e flottait dans l\u2019air.La maison des deux s\u0153urs \u00e9tait sur mon chemin j\u2019en profitais pour faire un saut , peut \u00eatre apercevrais je Nadine enfin? Effectivement elle \u00e9tait l\u00e0, je mis un moment \u00e0 comprendre ce que je regardais, un gros gaillard v\u00eatu de cuir chevauchant une moto dans la cour \u00e9tait en train de l\u2019embrasser . Elle \u00e9tait pendue \u00e0 son cou.. et soudain elle me vit, se d\u00e9tacha \u00e0 peine et me fit un petit signe de loin. Un sourire arriva je ne sais comment sur mes l\u00e8vres et sans un mot je tournais les talons pour rejoindre la ferme de mes grand parents. J\u2019ai gard\u00e9 longtemps toutes les lettres que m\u2019avait envoy\u00e9es Nadine, je me souviens aussi avoir regrett\u00e9 de n\u2019avoir pas conserv\u00e9 de doubles de celles que je lui avais adress\u00e9es. C\u2019est bien plus tard pr\u00e9s de la trentaine, que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de les br\u00fbler. Un nouvel amour arrivait comme une page vierge il fallait faire du vide. Il y a ainsi des histoires, des r\u00e9cits plus ou moins inscrits \u00e0 mi chemin de la r\u00e9alit\u00e9 et du r\u00eave comme d\u00e9sormais des tableaux rang\u00e9s au fond de mon atelier qui n\u2019attendent que le bon moment, le juste regard peut-\u00eatre aussi pour atteindre \u00e0 l\u2019importance qu\u2019ils m\u00e9ritent. Qui d\u00e9cide de la valeur de cette importance..? Moi bien sur car j\u2019ai bien peur qu\u2019il n\u2019y aurait personne au final si de temps \u00e0 autre je ne partageais pas ces objets enfouis comme des secrets. Un bon ami \u00e0 moi \u00e0 coutume de dire : \u00bb Qu\u2019est ce qu\u2019un homme ? et il rajoute c\u2019est tout ce qu\u2019il ne montre pas, tout ce qu\u2019il cache. \u00bb J\u2019ai longtemps cach\u00e9, dissimul\u00e9 jugeant tout cela autant impudique qu\u2019insignifiant, banal, mais mon chemin m\u2019am\u00e8ne \u00e0 rencontrer des gens qui, dans la confusion qui hier \u00e9tait mienne, peuvent entendre parfois comme un \u00e9cho de leur pr\u00e9occupations, de leurs entraves en accompagnant les miennes dans leur lecture. Et juste pour \u00e7a, pour \u00e9tablir des ponts entre les \u00eatres le partage et le don sont importants. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/melancolie.webp?1748065180", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-decembre-2018.html", "title": "23 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-23T08:34:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span> \n

La mode est devenue fade, comme c\u2019est l\u2019usage pour celle-ci, mais il y a eu un temps o\u00f9 j’ai essay\u00e9 de devenir positif.<\/p>\n

Tout \u00e0 commenc\u00e9 au boulot et bien sur comme il se doit : dans l\u2019ennui.<\/p>\n

Un de mes coll\u00e8gues, que j\u2019avais connu sur un site parisien revenait sur Lyon et, le soir, nous finissions notre job aux alentours de 21h, nous nous mettions en qu\u00eate d\u2019un restaurant pour d\u00eener et papoter avant de retourner chacun dans nos trous \u00e0 rat respectifs.<\/p>\n

P. n\u2019\u00e9tait pas d\u2019\u00e9querre mais faisait tout, au boulot, pour le para\u00eetre le mieux du monde. Il saquait, persiflait, chuchotait, relatait,trichait, mentait.. bref il s\u2019\u00e9tait fabriqu\u00e9 une conduite impeccable dans ce cloaque professionnel dans lequel nous pataugions depuis potron-minet jusqu\u2019\u00e0 pas d\u2019heure et souvent les week-end.<\/p>\n

N\u2019ayant encore rien compris \u00e0 l\u2019essentiel je me cantonnais \u00e0 travailler en tentant d\u2019am\u00e9liorer certains process qui m\u2019\u00e9taient aussit\u00f4t « emprunt\u00e9s », et avec lesquels mes « n+1, +2,etc » d\u00e9clenchaient en leur faveur des « oh » et des « ah » admiratifs.<\/p>\n

Je n\u2019en avais pas grand chose \u00e0 faire, l\u2019anonymat ayant toujours \u00e9t\u00e9 pour moi un refuge, si on ne m\u2019avait pas d\u00e9rang\u00e9 de ma routine, sans doute, serais je encore l\u00e0-bas. Mais la providence dans sa grande cl\u00e9mence en d\u00e9cida autrement.<\/p>\n

Donc entre la poire et le fromage, P. me parla de ses lectures, dont les auteurs la plupart du temps m\u2019\u00e9taient totalement inconnus. celles ci se situaient dans un lieu mental \u00e9tonnant \u00e0 mi chemin entre le New-age et le marketting , le d\u00e9veloppement personnel et la spiritualit\u00e9.<\/p>\n

Je me mis progressivement \u00e0 ces lectures, curieux de nature, et aussi peu \u00e0 peu \u00e0 acheter des fleurs de Bach, des b\u00e2tonnets d\u2019encens estampill\u00e9s Sathya Sai Baba, et \u00e0 refonder mon syst\u00e8me de croyances sur de nouvelles bases. Et c\u2019est aussi bien vite que je m\u2019inscrivis \u00e0 un stage de programmation neuro linguistique pour les prochaines vacances hivernales.<\/p>\n

J\u2019arrivais \u00e0 Grenoble et rencontrai un petit groupe de personnes qui, pour la plupart comme moi, d\u00e9sireuses de changer leurs vies s\u2019\u00e9taient pay\u00e9 \u00e0 temp\u00e9rament le montant cons\u00e9quent de ce stage. Le postulat de devenir libre s\u2019en trouvait l\u00e9g\u00e8rement effrit\u00e9 mais ce fait semblait passer inaper\u00e7u, y compris pour moi-m\u00eame.<\/p>\n

\u00c7a sentait un peu des pieds. Dehors les chaussures , comme les ceintures qu\u2019il valait mieux d\u00e9faire, le mot d\u2019ordre « d\u2019\u00eatre \u00e0 l\u2019aise » presque inscrit en rides grasses sur le front de notre animateur aurait du, au minimum m\u2019inciter \u00e0 me m\u00e9fier mais trop tard, j\u2019avais pay\u00e9.<\/p>\n

Nous pass\u00e2mes 3 jours enchanteurs en tous cas. Ce qui est relativement facile lorsque tout le monde se fixe sur l\u2019objectif de devenir meilleur. C\u2019\u00e9tait \u00e0 qui ferait le plus de compliments, le plus de bisous mentaux \u00e0 ses compatriotes, et des vas-y que je te flatte, que je te caresse, que je te porte au pinacle j\u2019en passe et des moins bonnes\u2026 \u00e9videmment le tout mu\u00e9 par l\u2019espoir jamais d\u00e9\u00e7u de r\u00e9flexivit\u00e9.<\/p>\n

Et si, le cas \u00e9ch\u00e9ant, ce retour sur investissement semblait un peu poussif, l\u2019animateur prenait le relais et nous nous retrouvions dans le meilleur des mondes \u2026 oh Aldeus comment j\u2019ai bien rigol\u00e9 !<\/p>\n

Le pire de tout c\u2019est de se sentir diff\u00e9rent du monde entier quand, muni de quelques croyances en la vertu des pr\u00e9dicats, on se met \u00e0 ausculter les voix, \u00e0 \u00e9valuer les regards, \u00e0 croire qu\u2019on a pig\u00e9 le signal d\u2019un croisement de jambes, \u00e0 deviner de fait tout ce que l\u2019autre ne dit pas.<\/p>\n

De ce stage donc je sortais augment\u00e9 et aussit\u00f4t dans la foul\u00e9e je m\u2019inscrivis pour la suite, qui, encore plus on\u00e9reuse pour ma bourse modeste, se d\u00e9roulerait cette fois en Belgique.<\/p>\n

Je ne me souviens plus combien de stages en tout j\u2019ai effectu\u00e9 dans ce milieu formidable des bisounours. Cependant je me souviens tr\u00e8s bien comment je me suis sorti de cette illusion.<\/p>\n

L\u2019option « stage chamanisme » \u00e9tait \u00e0 50% si on prenait le package alors me frottant les mains j\u2019en profitais.<\/p>\n

L\u00e0, c\u2019\u00e9tait le cran au dessus. Il devait y avoir une bonne cinquantaine de personnes. J »avais \u00e9pluch\u00e9 le d\u00e9pliant publicitaire et tout, pour une fois, \u00e9tait conforme \u00e0 d\u00e9faut d\u2019\u00eatre vrai !<\/p>\n

Des locaux immenses, un restaurant, des chambres proprettes, le tout dans une abbaye magnifique avec un joli parc. Au moins cela ferait une semaine de vacances si le contenu n\u2019\u00e9tait pas \u00e0 la hauteur de mes esp\u00e9rances.<\/p>\n

Port\u00e9 par cette atmosph\u00e8re magique, je rep\u00e9rai tout \u00e0 coup une petite rouquine dans la quarantaine, et comme les exercices devaient s\u2019effectuer souvent \u00e0 deux elle devint peu \u00e0 peu ma partenaire en chamaneries.<\/p>\n

On allait main dans la main faire le tour des b\u00e2timents en \u00e9coutant le vent nettoyer nos mauvaises ondes, et au besoin on aidait celui ci par des nettoyages \u00e9nerg\u00e9tiques des hugh et des papouilles \u2013 dans ma paume \u00e0 quelques cm de sa peau je pouvais sentir la chaleur, l\u2019\u00e9nergie, pas de doute \u00e7a d\u00e9potait grave.<\/p>\n

Du coup c\u2019est comme \u00e7a que nous f\u00eemes le lien de l\u2019Am\u00e9rique vers l\u2019Inde car il fut question de chakra..bon j\u2019avais bien sur un peu lu l\u00e0 dessus, et je savais que le premier se situait aux alentour du trou du cul .. c\u2019\u00e9tait le premier \u00e0 s\u2019\u00e9veiller, pour que la kundalini puisse monter \u2026<\/p>\n

Tout cela aurait pu finir en partouze gigantesque n\u2019eut \u00e9t\u00e9 le lieu, n\u2019eut \u00e9t\u00e9 les moines, n\u2019eut \u00e9t\u00e9 aussi le temps car ces quelques jours pass\u00e8rent \u00e0 une vitesse folle et je me retrouvais vite dans le TGV avec la petite rouquine sur le si\u00e8ge en face. Nous \u00e9tions redevenus deux voyageurs dans un train qui les ramenait chez eux et rien de plus.<\/p>\n

Sans doute \u00e9vitions nous l\u2019essentiel, rendus troubles et confus de par ce rapprochement intempestif. Bien sur nous n\u2019allions quand m\u00eame pas imaginer autre chose qu\u2019une alliance spirituelle, on \u00e9tait nettoy\u00e9 de tout pas question de d\u00e9conner.<\/p>\n

A la Part Dieu nous os\u00e2mes \u00e9changer nos coordonn\u00e9es quand m\u00eame et puis je m\u2019engouffrais \u00e0 nouveau dans le quotidien avec l\u2019\u00e9tonnante sensation de n\u2019\u00eatre \u00e0 peine plus avanc\u00e9 que je ne l\u2019\u00e9tais avant de devenir « chaman ».<\/p>\n

J\u2019avais tout oubli\u00e9 comme d\u2019habitude quand, \u00e0 l\u2019 heure du d\u00e9jeuner quelques jours plus tard je recevais un SMS..<\/p>\n

\u2013<\/b><\/span> « Ce soir au gros caillou ? »<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait ma rouquine et je galopais comme un adolescent vers la croix rousse le soir venu. Nous d\u00een\u00e2mes en \u00e9prouvant une excitation inextinguible \u00e0 relever tous nos points communs. Et au moment de nous quitter elle s\u2019accrocha \u00e0 moi en me priant intens\u00e9ment de l\u2019emporter vers mon 7\u00e8me \u00e9tage sans ascenseur.<\/p>\n

Je refusais tout de go pr\u00e9textant le d\u00e9sordre inou\u00ef qui y r\u00e9gnait, me r\u00e9fugiant derri\u00e8re la honte d\u2019\u00eatre d\u00e9couvert brouillon et sale alors qu\u2019en fait c\u2019\u00e9tait une trouille bien plus profonde qui m\u2019emp\u00eachait.<\/p>\n

Nous e\u00fbmes une relation un peu houleuse durant quelques mois, deux mages f\u00e9roces et potaches s\u2019envoyant des sorts n\u2019auraient pas fait mieux. Mais dans le fond des choses, ma rouquine, peut-\u00eatre se sentait-t\u2019elle vieillir et cherchait un compagnon en d\u00e9ployant comme les roses ses derniers artifices avant de se faner. Quant \u00e0 moi je n\u2019\u00e9tais pas encore pr\u00eat \u00e0 endosser la responsabilit\u00e9 d\u2019une vie de couple \u00e0 nouveau. On aurait pu faire durer le plaisir mais l\u2019anticipation nous obs\u00e9dait bien trop.<\/p>\n

Une chose fut vraiment bonne et je dois remercier P. Finalement l\u2019instigateur de ce parcours de vie, ou pion plac\u00e9 par le destin \u2026 je ne sais<\/p>\n

Sans doute l\u2019\u00e9veil du premier chakra d\u00fb \u00e0 l\u2019effort de vouloir changer de vie, restera-t\u2019il durant longtemps, dans mon esprit, une notion bien confuse. Si je n\u2019avais suivi scrupuleusement le parcours \u00e9nigmatique chuchot\u00e9 \u00e0 voix basse mais o combien insistante par mon trou de balle accompagn\u00e9 de celle de mon nombril que serais je devenu ? je l\u2019ignore totalement et finalement quelle importance ?<\/p>\n

Ce qui n\u2019\u00e9tait pas dit c\u2019est que ce r\u00e9veil allait m\u2019emporter vers de nouvelles aventures, de multiples d\u00e9faites, avant qu\u2019enfin ext\u00e9nu\u00e9 par la b\u00eatise toute bourse vide je l\u00e2che prise, abdique face \u00e0 mes nombreuses r\u00e9sistances comme autant de fiefs illusoires pour que cette \u00e9nergie enfin lib\u00e9r\u00e9e continue de s\u2019\u00e9lever, et \u00e0 atteindre le c\u0153ur.<\/p>\n

Et c\u2019est ainsi que je d\u00e9missionnais de ce travail o\u00f9 j\u2019\u00e9tais depuis de trop longues ann\u00e9es et m\u2019agrippant \u00e0 une nouvelle illusion je quittais tout \u00e0 nouveau pour me rendre vers l\u2019inconnu.<\/p>\n

De mes peintures de cette \u00e9poque j\u2019ai tout jet\u00e9 qui n\u2019\u00e9tait que vulves,mamelles,matrices, fellations exag\u00e9r\u00e9es et sodomies intempestives. La projection si l\u2019on veut du r\u00e9sultat de mes obsessions grandiloquentes de d\u00e9couvrir le myst\u00e8re de la vie, de l\u2019univers prenaient \u00e0 cette \u00e9poque naissance dans le trou de balle et je ne sais pourquoi je songe tout \u00e0 coup au po\u00e8me de Rimbaud « Le dormeur du val » :<\/p>\n

« C\u2019est un trou de verdure o\u00f9 chante une rivi\u00e8re,
\nAccrochant follement aux herbes des haillons
\nD\u2019argent ; o\u00f9 le soleil, de la montagne fi\u00e8re,
\nLuit : c\u2019est un petit val qui mousse de rayons. »<\/p>\n

\u2026.<\/p>\n

« Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
\nIl dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
\nTranquille. Il a deux trous rouges au c\u00f4t\u00e9 droit. »<\/p>\n

Le premier mensonge <\/h3>\n

Ce devait \u00eatre un matin, j\u2019ai un peu de mal \u00e0 situer l\u2019heure, mais je jurerais que c\u2019\u00e9tait vers 7h30 du matin, juste quand il faut se lever, prendre la douche, se brosser les dents et d\u00e9jeuner.<\/p>\n

C\u2019est vers 7h30 que je commis mon tout premier mensonge. J\u2019ai invent\u00e9 une maladie, et je me suis gliss\u00e9 comme un acteur dans la peau de celle ci tellement profond\u00e9ment que j\u2019ai m\u00eame pu en ressentir les effets. Maux de gorge, toussotements, f\u00e9brilit\u00e9..<\/p>\n

Tout cela je suppose pour \u00e9viter les lacis et quolibets que j\u2019essuyais \u00e0 l\u2019\u00e9cole.Car pour inventer un mensonge la premi\u00e8re fois il me semblait qu\u2019il fallait une excellente raison.<\/p>\n

Pr\u00e9voyant la catastrophe universelle que je n\u2019avais pas manqu\u00e9 de d\u00e9clencher, je mis pendant plusieurs mois un point d\u2019honneur, tous les jours \u00e0 me le rappeler. A la fin j\u2019avais m\u00eame tellement peur de l\u2019oublier que je l\u2019avais not\u00e9 sur un petit bout de papier que j\u2019avais enterr\u00e9 au fond du jardin entre deux clapiers.<\/p>\n

C\u2019est que ce premier mensonge en d\u00e9clencha tellement d\u2019autres, que tenir un registre me paraissait non seulement fastidieux mais en outre compl\u00e8tement inutile. Seul le premier valait-t\u2019il que je ne l\u2019omette pas, que j\u2019entretienne son souvenir comme la flamme d\u2019une premi\u00e8re victime inconnue. En l\u2019occurrence moi-m\u00eame tomb\u00e9 au champ d\u2019honneur des v\u00e9rit\u00e9s muettes, non assum\u00e9es.<\/p>\n

Ainsi peu \u00e0 peu m\u2019enhardis je et du mensonge passais-je au vol avec une facilit\u00e9 d\u00e9concertante. Ma toute premi\u00e8re victime fut ma m\u00e8re qui laissait tra\u00eener son porte monnaie sur la table de la cuisine.Elle fit semblant de ne pas voir que je me servais dedans. Oh ce n\u2019\u00e9tait pas grand chose \u00e0 chaque fois, de quoi juste acheter quelques bonbons chez le buraliste pr\u00e9s de l\u2019\u00e9cole, n\u00e9gocier une ou deux billes ou un calot, et puis je ne pouvais prendre que de la ferraille , nous ne roulions pas sur l\u2019or ce se serait vu.<\/p>\n

Et puis il y eut les vacances \u00e0 Paris, mes grands parents habitaient encore dans le 15eme et j\u2019accompagnais grand-p\u00e8re le matin de bonne heure pour aller aux halles, charger le camion de lourds cageots de volailles. Nous passions les matins sur les march\u00e9s des boulevards environnants. Chaque jour un nouveau, avec ses t\u00eates particuli\u00e8res tant chez les marchands que chez les chalands.<\/p>\n

Un crayon sur l\u2019oreille et un tablier blanc un peu trop grand je poussais la r\u00e9clame \u00e0 tue t\u00eate : « venez acheter mes beaux oeufs tout frais, 13 \u00e0 la douzaine, aller ma petite dame c\u2019est pas le moment d\u2019h\u00e9siter dans une heure y en aura plus et vous le regretterez\u2026 »<\/p>\n

J\u2019avais d\u00e9velopp\u00e9 l\u00e0 aussi un talent d\u2019acteur consomm\u00e9 pour toucher le c\u0153ur des clientes et les faire acheter \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce qui se trouvait sur l\u2019\u00e9talage, car une fois ferr\u00e9es, grand-p\u00e8re prenait le relais lui son truc c\u2019\u00e9tait la gaudriole et l\u2019affabilit\u00e9.<\/p>\n

Vers 11h le grand Totor s\u2019amenait , et en me voyant il soulevait un peu sa casquette en me toisant de sa hauteur de g\u00e9ant.<\/p>\n

Mais voyez vous ce sale petit menteur voleur disait il je m\u2019en vais lui couper les oreilles en pointe, et il sortait de sa poche un opinel gigantesque comme pour mieux me montrer son aptitude \u00e0 passer bient\u00f4t \u00e0 l\u2019acte.<\/p>\n

J\u2019en tremblais, non pas que je ne l\u2019adorasse pas ce Totor, mais son acuit\u00e9 \u00e0 lire mon \u00e2me par le menu, dans sa noirceur, m\u2019avait \u00e9branl\u00e9, et je courrai alors dans les jupes de grand-m\u00e8re qui \u00e0 cette heure ci nous avait rejoint.<\/p>\n

Enfin, ce petit rituel achev\u00e9 nous allions , grand p\u00e8re, Totor et moi au bistrot pour prendre un ap\u00e9ro bien m\u00e9rit\u00e9. Je crois que c\u2019est au march\u00e9 du boulevard Brune que je pr\u00e9f\u00e9rais aller, il y avait le perroquet.<\/p>\n

De son oeil rond il me regardait en inclinant un peu la t\u00eate et pendant que je sirotais ma grenadine ou mon diabolo menthe il commen\u00e7ait \u00e0 \u00e9ructer des menteur , menteur, picoteur qui me gla\u00e7aient le sang et rire \u00e0 gorge d\u00e9ploy\u00e9e.<\/p>\n

Cela faisait aussi beaucoup rire les hommes autour de me voir sursauter. Mais ils recommandaient leurs verres, chacun payant sa tourn\u00e9e \u00e7a pouvait durer un bon moment, et on nous oubliait le perroquet et moi..<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait d\u2019une \u00e9vidence limpide que j\u2019\u00e9tais un menteur pour tout \u00e0 chacun et surement aussi un voleur. M\u00eame s\u2019ils n\u2019avaient pas de preuve, ils savaient tous.<\/p>\n

Et le plus \u00e9trange pour moi c\u2019est qu\u2019ils en rigolaient.Tout comme le perroquet.<\/p>\n

Aussi ai je commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9rober des butins plus cons\u00e9quents. Dans la caisse les billets s\u2019amoncelaient, grand p\u00e8re n\u2019avait pas vraiment l\u2019air de tenir des comptes pr\u00e9cis alors j\u2019en piquais un et le cachais au fond de mes poches.<\/p>\n

Quand nous faisions la sieste aussi , je me levais en catimini et allais inspecter les poches de sa cotte de travail noire, il n\u2019avait pas de porte monnaie lui, et toutes les poches tintaient car toutes \u00e9taient charg\u00e9es de ferraille.<\/p>\n

Une poign\u00e9e d\u2019un coup que j\u2019enfouissais dans les miennes et je retournais me coucher.<\/p>\n

Un matin, alors que nous rentrions du march\u00e9, je fis tomber les billets que j\u2019avais amass\u00e9s peu \u00e0 peu toute la semaine juste devant grand m\u00e8re, dans la rue, je me baissais et d\u2019un air innocent et \u00e9tonn\u00e9 je lui montrais mon butin.<\/p>\n

Elle rit et s\u2019exclama que j\u2019\u00e9tais un fameux chanceux, et ainsi pu je valider sans soucis mes d\u00e9penses \u00e0 venir.<\/p>\n

Cette longue cohorte de m\u00e9faits non sanctionn\u00e9s dans l\u2019\u0153uf produisit de lourds effets collat\u00e9raux.<\/p>\n

Tout d\u2019abord je pris l\u2019habitude de prendre les adultes pour des idiots, et par cons\u00e9quent de me croire r\u00e9ciproquement malin. Et puis comme nul ne m\u2019arr\u00eatait jamais j\u2019ai continu\u00e9, en m\u2019am\u00e9liorant bien entendu et comme d\u00e9pendant d\u2019une drogue dure, j\u2019ai commis des larcins de tout acabit envers la droiture et l\u2019honn\u00eatet\u00e9.<\/p>\n

Celle du moins que je leur attribuais inconsciemment par ricochet de ma sensation d\u2019\u00eatre tordu et faux.<\/p>\n

Un jour, apr\u00e8s des ann\u00e9es d\u2019exil, m\u2019en revenant de je ne sais plus quel bagne je revins chez mes parents.<\/p>\n

Rien n\u2019avait chang\u00e9.Tout \u00e9tait comme je l\u2019avais laiss\u00e9 en partant. Aucun meuble n\u2019avait boug\u00e9.. et puis je demandai soudain : et grand m\u00e8re ?<\/p>\n

Ils m\u2019apprirent qu\u2019elle avait perdu la t\u00eate depuis longtemps d\u00e9j\u00e0 dans la petite maison de retraite qui leur co\u00fbtait si ch\u00e8re chaque mois, aussi le lendemain nous primes la d\u00e9cision d\u2019aller la visiter.<\/p>\n

Elle ne me reconnut pas , pas plus que mon p\u00e8re qui les larmes aux yeux sorti de la chambre et s\u2019en alla fumer dans le parc. C\u2019\u00e9tait l\u2019heure du m\u00e9nage de la chambre aussi l\u2019installa t\u2019on dans une salle au bout du couloir.<\/p>\n

L\u00e0 devant un \u00e9cran bleu de t\u00e9l\u00e9vision, tous ces visages h\u00e9b\u00e9t\u00e9s tourn\u00e9s vers une \u00e9mission d\u00e9bile de jeu , me serr\u00e8rent le c\u0153ur.<\/p>\n

M\u00eame \u00e0 l\u2019antichambre du n\u00e9ant il fallait qu\u2019on avait encore droit \u00e0 ces conneries.<\/p>\n

Je posais la main sur la t\u00eate de celle qui avait \u00e9t\u00e9 ma grand m\u00e8re, lui caressant les cheveux, la chaleur que je sentais sous mes doigts \u00e9tait r\u00e9elle, c\u2019\u00e9tait un \u00eatre humain bien plus qu\u2019une id\u00e9e, c\u2019\u00e9tait une rencontre magistrale qui arrivait bien tard.<\/p>\n

C\u2019est bon ce que vous me faites ricana t\u2019elle d\u2019une voix de petite fille, et puis tout de suite apr\u00e8s : Mais vous \u00eates qui jeune homme je ne connais aucun barbu..?<\/p>\n

Alors je me suis tu cette fois, j\u2019ai compris que c\u2019\u00e9tait mon tour de faire semblant, et j\u2019ai continu\u00e9 \u00e0 caresser ses cheveux sans dire un mot.<\/p>\n

Le lendemain tr\u00e8s t\u00f4t le m\u00e9decin de la maison de retraite t\u00e9l\u00e9phona, elle \u00e9tait partie et je pleurais toutes les larmes de mon corps.<\/p>\n

Ainsi je crois que je parvins \u00e0 l\u2019art par la fatigue du mensonge inutile et des larcins m\u00e9diocres. Ayant confus\u00e9ment d\u00e9tect\u00e9 en moi une sorte d\u2019habilet\u00e9 \u00e0 travestir les faits et les \u00eatres vis \u00e0 vis de moi-m\u00eame en tout premier lieu, j\u2019ai du me dire na\u00efvement que je pourrai donner le change au travers d\u2019une oeuvre quelle qu\u2019elle soit.<\/p>\n

La grande difficult\u00e9 qui me restait \u00e0 r\u00e9soudre, c\u2019\u00e9tait de trouver ce qui ne se montre pas , l\u2019ellipse magistrale, le non dit au del\u00e0 de ce qui est pos\u00e9 comme \u00e9vidence, comme autorit\u00e9.<\/p>", "content_text": " La mode est devenue fade, comme c\u2019est l\u2019usage pour celle-ci, mais il y a eu un temps o\u00f9 j'ai essay\u00e9 de devenir positif. Tout \u00e0 commenc\u00e9 au boulot et bien sur comme il se doit : dans l\u2019ennui. Un de mes coll\u00e8gues, que j\u2019avais connu sur un site parisien revenait sur Lyon et, le soir, nous finissions notre job aux alentours de 21h, nous nous mettions en qu\u00eate d\u2019un restaurant pour d\u00eener et papoter avant de retourner chacun dans nos trous \u00e0 rat respectifs. P. n\u2019\u00e9tait pas d\u2019\u00e9querre mais faisait tout, au boulot, pour le para\u00eetre le mieux du monde. Il saquait, persiflait, chuchotait, relatait,trichait, mentait.. bref il s\u2019\u00e9tait fabriqu\u00e9 une conduite impeccable dans ce cloaque professionnel dans lequel nous pataugions depuis potron-minet jusqu\u2019\u00e0 pas d\u2019heure et souvent les week-end. N\u2019ayant encore rien compris \u00e0 l\u2019essentiel je me cantonnais \u00e0 travailler en tentant d\u2019am\u00e9liorer certains process qui m\u2019\u00e9taient aussit\u00f4t \u00ab emprunt\u00e9s \u00bb, et avec lesquels mes \u00ab n+1, +2,etc \u00bb d\u00e9clenchaient en leur faveur des \u00ab oh \u00bb et des \u00ab ah \u00bb admiratifs. Je n\u2019en avais pas grand chose \u00e0 faire, l\u2019anonymat ayant toujours \u00e9t\u00e9 pour moi un refuge, si on ne m\u2019avait pas d\u00e9rang\u00e9 de ma routine, sans doute, serais je encore l\u00e0-bas. Mais la providence dans sa grande cl\u00e9mence en d\u00e9cida autrement. Donc entre la poire et le fromage, P. me parla de ses lectures, dont les auteurs la plupart du temps m\u2019\u00e9taient totalement inconnus. celles ci se situaient dans un lieu mental \u00e9tonnant \u00e0 mi chemin entre le New-age et le marketting , le d\u00e9veloppement personnel et la spiritualit\u00e9. Je me mis progressivement \u00e0 ces lectures, curieux de nature, et aussi peu \u00e0 peu \u00e0 acheter des fleurs de Bach, des b\u00e2tonnets d\u2019encens estampill\u00e9s Sathya Sai Baba, et \u00e0 refonder mon syst\u00e8me de croyances sur de nouvelles bases. Et c\u2019est aussi bien vite que je m\u2019inscrivis \u00e0 un stage de programmation neuro linguistique pour les prochaines vacances hivernales. J\u2019arrivais \u00e0 Grenoble et rencontrai un petit groupe de personnes qui, pour la plupart comme moi, d\u00e9sireuses de changer leurs vies s\u2019\u00e9taient pay\u00e9 \u00e0 temp\u00e9rament le montant cons\u00e9quent de ce stage. Le postulat de devenir libre s\u2019en trouvait l\u00e9g\u00e8rement effrit\u00e9 mais ce fait semblait passer inaper\u00e7u, y compris pour moi-m\u00eame. \u00c7a sentait un peu des pieds. Dehors les chaussures , comme les ceintures qu\u2019il valait mieux d\u00e9faire, le mot d\u2019ordre \u00ab d\u2019\u00eatre \u00e0 l\u2019aise \u00bb presque inscrit en rides grasses sur le front de notre animateur aurait du, au minimum m\u2019inciter \u00e0 me m\u00e9fier mais trop tard, j\u2019avais pay\u00e9. Nous pass\u00e2mes 3 jours enchanteurs en tous cas. Ce qui est relativement facile lorsque tout le monde se fixe sur l\u2019objectif de devenir meilleur. C\u2019\u00e9tait \u00e0 qui ferait le plus de compliments, le plus de bisous mentaux \u00e0 ses compatriotes, et des vas-y que je te flatte, que je te caresse, que je te porte au pinacle j\u2019en passe et des moins bonnes\u2026 \u00e9videmment le tout mu\u00e9 par l\u2019espoir jamais d\u00e9\u00e7u de r\u00e9flexivit\u00e9. Et si, le cas \u00e9ch\u00e9ant, ce retour sur investissement semblait un peu poussif, l\u2019animateur prenait le relais et nous nous retrouvions dans le meilleur des mondes \u2026 oh Aldeus comment j\u2019ai bien rigol\u00e9 ! Le pire de tout c\u2019est de se sentir diff\u00e9rent du monde entier quand, muni de quelques croyances en la vertu des pr\u00e9dicats, on se met \u00e0 ausculter les voix, \u00e0 \u00e9valuer les regards, \u00e0 croire qu\u2019on a pig\u00e9 le signal d\u2019un croisement de jambes, \u00e0 deviner de fait tout ce que l\u2019autre ne dit pas. De ce stage donc je sortais augment\u00e9 et aussit\u00f4t dans la foul\u00e9e je m\u2019inscrivis pour la suite, qui, encore plus on\u00e9reuse pour ma bourse modeste, se d\u00e9roulerait cette fois en Belgique. Je ne me souviens plus combien de stages en tout j\u2019ai effectu\u00e9 dans ce milieu formidable des bisounours. Cependant je me souviens tr\u00e8s bien comment je me suis sorti de cette illusion. L\u2019option \u00ab stage chamanisme \u00bb \u00e9tait \u00e0 50% si on prenait le package alors me frottant les mains j\u2019en profitais. L\u00e0, c\u2019\u00e9tait le cran au dessus. Il devait y avoir une bonne cinquantaine de personnes. J \u00bbavais \u00e9pluch\u00e9 le d\u00e9pliant publicitaire et tout, pour une fois, \u00e9tait conforme \u00e0 d\u00e9faut d\u2019\u00eatre vrai ! Des locaux immenses, un restaurant, des chambres proprettes, le tout dans une abbaye magnifique avec un joli parc. Au moins cela ferait une semaine de vacances si le contenu n\u2019\u00e9tait pas \u00e0 la hauteur de mes esp\u00e9rances. Port\u00e9 par cette atmosph\u00e8re magique, je rep\u00e9rai tout \u00e0 coup une petite rouquine dans la quarantaine, et comme les exercices devaient s\u2019effectuer souvent \u00e0 deux elle devint peu \u00e0 peu ma partenaire en chamaneries. On allait main dans la main faire le tour des b\u00e2timents en \u00e9coutant le vent nettoyer nos mauvaises ondes, et au besoin on aidait celui ci par des nettoyages \u00e9nerg\u00e9tiques des hugh et des papouilles \u2013 dans ma paume \u00e0 quelques cm de sa peau je pouvais sentir la chaleur, l\u2019\u00e9nergie, pas de doute \u00e7a d\u00e9potait grave. Du coup c\u2019est comme \u00e7a que nous f\u00eemes le lien de l\u2019Am\u00e9rique vers l\u2019Inde car il fut question de chakra..bon j\u2019avais bien sur un peu lu l\u00e0 dessus, et je savais que le premier se situait aux alentour du trou du cul .. c\u2019\u00e9tait le premier \u00e0 s\u2019\u00e9veiller, pour que la kundalini puisse monter \u2026 Tout cela aurait pu finir en partouze gigantesque n\u2019eut \u00e9t\u00e9 le lieu, n\u2019eut \u00e9t\u00e9 les moines, n\u2019eut \u00e9t\u00e9 aussi le temps car ces quelques jours pass\u00e8rent \u00e0 une vitesse folle et je me retrouvais vite dans le TGV avec la petite rouquine sur le si\u00e8ge en face. Nous \u00e9tions redevenus deux voyageurs dans un train qui les ramenait chez eux et rien de plus. Sans doute \u00e9vitions nous l\u2019essentiel, rendus troubles et confus de par ce rapprochement intempestif. Bien sur nous n\u2019allions quand m\u00eame pas imaginer autre chose qu\u2019une alliance spirituelle, on \u00e9tait nettoy\u00e9 de tout pas question de d\u00e9conner. A la Part Dieu nous os\u00e2mes \u00e9changer nos coordonn\u00e9es quand m\u00eame et puis je m\u2019engouffrais \u00e0 nouveau dans le quotidien avec l\u2019\u00e9tonnante sensation de n\u2019\u00eatre \u00e0 peine plus avanc\u00e9 que je ne l\u2019\u00e9tais avant de devenir \u00ab chaman \u00bb. J\u2019avais tout oubli\u00e9 comme d\u2019habitude quand, \u00e0 l\u2019 heure du d\u00e9jeuner quelques jours plus tard je recevais un SMS.. -\u00ab Ce soir au gros caillou ? \u00bb C\u2019\u00e9tait ma rouquine et je galopais comme un adolescent vers la croix rousse le soir venu. Nous d\u00een\u00e2mes en \u00e9prouvant une excitation inextinguible \u00e0 relever tous nos points communs. Et au moment de nous quitter elle s\u2019accrocha \u00e0 moi en me priant intens\u00e9ment de l\u2019emporter vers mon 7\u00e8me \u00e9tage sans ascenseur. Je refusais tout de go pr\u00e9textant le d\u00e9sordre inou\u00ef qui y r\u00e9gnait, me r\u00e9fugiant derri\u00e8re la honte d\u2019\u00eatre d\u00e9couvert brouillon et sale alors qu\u2019en fait c\u2019\u00e9tait une trouille bien plus profonde qui m\u2019emp\u00eachait. Nous e\u00fbmes une relation un peu houleuse durant quelques mois, deux mages f\u00e9roces et potaches s\u2019envoyant des sorts n\u2019auraient pas fait mieux. Mais dans le fond des choses, ma rouquine, peut-\u00eatre se sentait-t\u2019elle vieillir et cherchait un compagnon en d\u00e9ployant comme les roses ses derniers artifices avant de se faner. Quant \u00e0 moi je n\u2019\u00e9tais pas encore pr\u00eat \u00e0 endosser la responsabilit\u00e9 d\u2019une vie de couple \u00e0 nouveau. On aurait pu faire durer le plaisir mais l\u2019anticipation nous obs\u00e9dait bien trop. Une chose fut vraiment bonne et je dois remercier P. Finalement l\u2019instigateur de ce parcours de vie, ou pion plac\u00e9 par le destin \u2026 je ne sais Sans doute l\u2019\u00e9veil du premier chakra d\u00fb \u00e0 l\u2019effort de vouloir changer de vie, restera-t\u2019il durant longtemps, dans mon esprit, une notion bien confuse. Si je n\u2019avais suivi scrupuleusement le parcours \u00e9nigmatique chuchot\u00e9 \u00e0 voix basse mais o combien insistante par mon trou de balle accompagn\u00e9 de celle de mon nombril que serais je devenu ? je l\u2019ignore totalement et finalement quelle importance ? Ce qui n\u2019\u00e9tait pas dit c\u2019est que ce r\u00e9veil allait m\u2019emporter vers de nouvelles aventures, de multiples d\u00e9faites, avant qu\u2019enfin ext\u00e9nu\u00e9 par la b\u00eatise toute bourse vide je l\u00e2che prise, abdique face \u00e0 mes nombreuses r\u00e9sistances comme autant de fiefs illusoires pour que cette \u00e9nergie enfin lib\u00e9r\u00e9e continue de s\u2019\u00e9lever, et \u00e0 atteindre le c\u0153ur. Et c\u2019est ainsi que je d\u00e9missionnais de ce travail o\u00f9 j\u2019\u00e9tais depuis de trop longues ann\u00e9es et m\u2019agrippant \u00e0 une nouvelle illusion je quittais tout \u00e0 nouveau pour me rendre vers l\u2019inconnu. De mes peintures de cette \u00e9poque j\u2019ai tout jet\u00e9 qui n\u2019\u00e9tait que vulves,mamelles,matrices, fellations exag\u00e9r\u00e9es et sodomies intempestives. La projection si l\u2019on veut du r\u00e9sultat de mes obsessions grandiloquentes de d\u00e9couvrir le myst\u00e8re de la vie, de l\u2019univers prenaient \u00e0 cette \u00e9poque naissance dans le trou de balle et je ne sais pourquoi je songe tout \u00e0 coup au po\u00e8me de Rimbaud \u00ab Le dormeur du val \u00bb : \u00ab C\u2019est un trou de verdure o\u00f9 chante une rivi\u00e8re, Accrochant follement aux herbes des haillons D\u2019argent ; o\u00f9 le soleil, de la montagne fi\u00e8re, Luit : c\u2019est un petit val qui mousse de rayons. \u00bb \u2026. \u00ab Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au c\u00f4t\u00e9 droit. \u00bb {{{Le premier mensonge }}} Ce devait \u00eatre un matin, j\u2019ai un peu de mal \u00e0 situer l\u2019heure, mais je jurerais que c\u2019\u00e9tait vers 7h30 du matin, juste quand il faut se lever, prendre la douche, se brosser les dents et d\u00e9jeuner. C\u2019est vers 7h30 que je commis mon tout premier mensonge. J\u2019ai invent\u00e9 une maladie, et je me suis gliss\u00e9 comme un acteur dans la peau de celle ci tellement profond\u00e9ment que j\u2019ai m\u00eame pu en ressentir les effets. Maux de gorge, toussotements, f\u00e9brilit\u00e9.. Tout cela je suppose pour \u00e9viter les lacis et quolibets que j\u2019essuyais \u00e0 l\u2019\u00e9cole.Car pour inventer un mensonge la premi\u00e8re fois il me semblait qu\u2019il fallait une excellente raison. Pr\u00e9voyant la catastrophe universelle que je n\u2019avais pas manqu\u00e9 de d\u00e9clencher, je mis pendant plusieurs mois un point d\u2019honneur, tous les jours \u00e0 me le rappeler. A la fin j\u2019avais m\u00eame tellement peur de l\u2019oublier que je l\u2019avais not\u00e9 sur un petit bout de papier que j\u2019avais enterr\u00e9 au fond du jardin entre deux clapiers. C\u2019est que ce premier mensonge en d\u00e9clencha tellement d\u2019autres, que tenir un registre me paraissait non seulement fastidieux mais en outre compl\u00e8tement inutile. Seul le premier valait-t\u2019il que je ne l\u2019omette pas, que j\u2019entretienne son souvenir comme la flamme d\u2019une premi\u00e8re victime inconnue. En l\u2019occurrence moi-m\u00eame tomb\u00e9 au champ d\u2019honneur des v\u00e9rit\u00e9s muettes, non assum\u00e9es. Ainsi peu \u00e0 peu m\u2019enhardis je et du mensonge passais-je au vol avec une facilit\u00e9 d\u00e9concertante. Ma toute premi\u00e8re victime fut ma m\u00e8re qui laissait tra\u00eener son porte monnaie sur la table de la cuisine.Elle fit semblant de ne pas voir que je me servais dedans. Oh ce n\u2019\u00e9tait pas grand chose \u00e0 chaque fois, de quoi juste acheter quelques bonbons chez le buraliste pr\u00e9s de l\u2019\u00e9cole, n\u00e9gocier une ou deux billes ou un calot, et puis je ne pouvais prendre que de la ferraille , nous ne roulions pas sur l\u2019or ce se serait vu. Et puis il y eut les vacances \u00e0 Paris, mes grands parents habitaient encore dans le 15eme et j\u2019accompagnais grand-p\u00e8re le matin de bonne heure pour aller aux halles, charger le camion de lourds cageots de volailles. Nous passions les matins sur les march\u00e9s des boulevards environnants. Chaque jour un nouveau, avec ses t\u00eates particuli\u00e8res tant chez les marchands que chez les chalands. Un crayon sur l\u2019oreille et un tablier blanc un peu trop grand je poussais la r\u00e9clame \u00e0 tue t\u00eate: \u00ab venez acheter mes beaux oeufs tout frais, 13 \u00e0 la douzaine, aller ma petite dame c\u2019est pas le moment d\u2019h\u00e9siter dans une heure y en aura plus et vous le regretterez\u2026 \u00bb J\u2019avais d\u00e9velopp\u00e9 l\u00e0 aussi un talent d\u2019acteur consomm\u00e9 pour toucher le c\u0153ur des clientes et les faire acheter \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce qui se trouvait sur l\u2019\u00e9talage, car une fois ferr\u00e9es, grand-p\u00e8re prenait le relais lui son truc c\u2019\u00e9tait la gaudriole et l\u2019affabilit\u00e9. Vers 11h le grand Totor s\u2019amenait , et en me voyant il soulevait un peu sa casquette en me toisant de sa hauteur de g\u00e9ant. Mais voyez vous ce sale petit menteur voleur disait il je m\u2019en vais lui couper les oreilles en pointe, et il sortait de sa poche un opinel gigantesque comme pour mieux me montrer son aptitude \u00e0 passer bient\u00f4t \u00e0 l\u2019acte. J\u2019en tremblais, non pas que je ne l\u2019adorasse pas ce Totor, mais son acuit\u00e9 \u00e0 lire mon \u00e2me par le menu, dans sa noirceur, m\u2019avait \u00e9branl\u00e9, et je courrai alors dans les jupes de grand-m\u00e8re qui \u00e0 cette heure ci nous avait rejoint. Enfin, ce petit rituel achev\u00e9 nous allions , grand p\u00e8re, Totor et moi au bistrot pour prendre un ap\u00e9ro bien m\u00e9rit\u00e9. Je crois que c\u2019est au march\u00e9 du boulevard Brune que je pr\u00e9f\u00e9rais aller, il y avait le perroquet. De son oeil rond il me regardait en inclinant un peu la t\u00eate et pendant que je sirotais ma grenadine ou mon diabolo menthe il commen\u00e7ait \u00e0 \u00e9ructer des menteur , menteur, picoteur qui me gla\u00e7aient le sang et rire \u00e0 gorge d\u00e9ploy\u00e9e. Cela faisait aussi beaucoup rire les hommes autour de me voir sursauter. Mais ils recommandaient leurs verres, chacun payant sa tourn\u00e9e \u00e7a pouvait durer un bon moment, et on nous oubliait le perroquet et moi.. C\u2019\u00e9tait d\u2019une \u00e9vidence limpide que j\u2019\u00e9tais un menteur pour tout \u00e0 chacun et surement aussi un voleur. M\u00eame s\u2019ils n\u2019avaient pas de preuve, ils savaient tous. Et le plus \u00e9trange pour moi c\u2019est qu\u2019ils en rigolaient.Tout comme le perroquet. Aussi ai je commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9rober des butins plus cons\u00e9quents. Dans la caisse les billets s\u2019amoncelaient, grand p\u00e8re n\u2019avait pas vraiment l\u2019air de tenir des comptes pr\u00e9cis alors j\u2019en piquais un et le cachais au fond de mes poches. Quand nous faisions la sieste aussi , je me levais en catimini et allais inspecter les poches de sa cotte de travail noire, il n\u2019avait pas de porte monnaie lui, et toutes les poches tintaient car toutes \u00e9taient charg\u00e9es de ferraille. Une poign\u00e9e d\u2019un coup que j\u2019enfouissais dans les miennes et je retournais me coucher. Un matin, alors que nous rentrions du march\u00e9, je fis tomber les billets que j\u2019avais amass\u00e9s peu \u00e0 peu toute la semaine juste devant grand m\u00e8re, dans la rue, je me baissais et d\u2019un air innocent et \u00e9tonn\u00e9 je lui montrais mon butin. Elle rit et s\u2019exclama que j\u2019\u00e9tais un fameux chanceux, et ainsi pu je valider sans soucis mes d\u00e9penses \u00e0 venir. Cette longue cohorte de m\u00e9faits non sanctionn\u00e9s dans l\u2019\u0153uf produisit de lourds effets collat\u00e9raux. Tout d\u2019abord je pris l\u2019habitude de prendre les adultes pour des idiots, et par cons\u00e9quent de me croire r\u00e9ciproquement malin. Et puis comme nul ne m\u2019arr\u00eatait jamais j\u2019ai continu\u00e9, en m\u2019am\u00e9liorant bien entendu et comme d\u00e9pendant d\u2019une drogue dure, j\u2019ai commis des larcins de tout acabit envers la droiture et l\u2019honn\u00eatet\u00e9. Celle du moins que je leur attribuais inconsciemment par ricochet de ma sensation d\u2019\u00eatre tordu et faux. Un jour, apr\u00e8s des ann\u00e9es d\u2019exil, m\u2019en revenant de je ne sais plus quel bagne je revins chez mes parents. Rien n\u2019avait chang\u00e9.Tout \u00e9tait comme je l\u2019avais laiss\u00e9 en partant. Aucun meuble n\u2019avait boug\u00e9.. et puis je demandai soudain : et grand m\u00e8re ? Ils m\u2019apprirent qu\u2019elle avait perdu la t\u00eate depuis longtemps d\u00e9j\u00e0 dans la petite maison de retraite qui leur co\u00fbtait si ch\u00e8re chaque mois, aussi le lendemain nous primes la d\u00e9cision d\u2019aller la visiter. Elle ne me reconnut pas , pas plus que mon p\u00e8re qui les larmes aux yeux sorti de la chambre et s\u2019en alla fumer dans le parc. C\u2019\u00e9tait l\u2019heure du m\u00e9nage de la chambre aussi l\u2019installa t\u2019on dans une salle au bout du couloir. L\u00e0 devant un \u00e9cran bleu de t\u00e9l\u00e9vision, tous ces visages h\u00e9b\u00e9t\u00e9s tourn\u00e9s vers une \u00e9mission d\u00e9bile de jeu , me serr\u00e8rent le c\u0153ur. M\u00eame \u00e0 l\u2019antichambre du n\u00e9ant il fallait qu\u2019on avait encore droit \u00e0 ces conneries. Je posais la main sur la t\u00eate de celle qui avait \u00e9t\u00e9 ma grand m\u00e8re, lui caressant les cheveux, la chaleur que je sentais sous mes doigts \u00e9tait r\u00e9elle, c\u2019\u00e9tait un \u00eatre humain bien plus qu\u2019une id\u00e9e, c\u2019\u00e9tait une rencontre magistrale qui arrivait bien tard. C\u2019est bon ce que vous me faites ricana t\u2019elle d\u2019une voix de petite fille, et puis tout de suite apr\u00e8s : Mais vous \u00eates qui jeune homme je ne connais aucun barbu..? Alors je me suis tu cette fois, j\u2019ai compris que c\u2019\u00e9tait mon tour de faire semblant, et j\u2019ai continu\u00e9 \u00e0 caresser ses cheveux sans dire un mot. Le lendemain tr\u00e8s t\u00f4t le m\u00e9decin de la maison de retraite t\u00e9l\u00e9phona, elle \u00e9tait partie et je pleurais toutes les larmes de mon corps. Ainsi je crois que je parvins \u00e0 l\u2019art par la fatigue du mensonge inutile et des larcins m\u00e9diocres. Ayant confus\u00e9ment d\u00e9tect\u00e9 en moi une sorte d\u2019habilet\u00e9 \u00e0 travestir les faits et les \u00eatres vis \u00e0 vis de moi-m\u00eame en tout premier lieu, j\u2019ai du me dire na\u00efvement que je pourrai donner le change au travers d\u2019une oeuvre quelle qu\u2019elle soit. La grande difficult\u00e9 qui me restait \u00e0 r\u00e9soudre, c\u2019\u00e9tait de trouver ce qui ne se montre pas , l\u2019ellipse magistrale, le non dit au del\u00e0 de ce qui est pos\u00e9 comme \u00e9vidence, comme autorit\u00e9. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/femme-en-rouge.webp?1748065055", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-decembre-2018.html", "title": "22 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-22T08:19:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Un jour que j\u2019en avais par dessus la t\u00eate, que je pi\u00e9tinais, que je faisais des bonds, que je m\u2019allongeais des heures sur mon lit \u00e0 \u00e9couter ma respiration, un jour donc je me suis lev\u00e9 et je me suis dit : » bon \u00e7a va merde je reviens en enfance ! »<\/p>\n

Alors j\u2019ai virer toute la paperasse qui tra\u00eenait sur la table ronde de la chambre, j\u2019ai tout enfoncer d\u2019un grand coup de talon dans un carton.<\/p>\n

J\u2019ai scotch\u00e9, plut\u00f4t 5 fois qu\u2019une pour \u00eatre bien s\u00fbr.<\/p>\n

Et je me suis \u00e9tir\u00e9 en baillant un bon coup.<\/p>\n

C\u2019est \u00e0 ce moment l\u00e0 que je me suis mis \u00e0 dessiner et \u00e0 peindre comme un enfant<\/p>\n

A la gouache sur de petites feuilles de papier bon march\u00e9.<\/p>\n

Ce fut une r\u00e9v\u00e9lation vraiment, toutes ces lignes maladroites, ces erreurs, ces p\u00e2t\u00e9s quelle jouissance ! C\u2019\u00e9tait juste pour moi, pour m\u2019amuser comme un enfant.<\/p>\n

Chaque fois que je terminais une de ces petites peintures je les d\u00e9posais sur le rebord de la chemin\u00e9e de ma chambre d\u2019h\u00f4tel et je m\u2019asseyais devant pour les regarder.<\/p>\n

Je me souviens que j\u2019avais pris comme id\u00e9e de d\u00e9part le joueur de fl\u00fbte de Hamelin .. allez savoir pourquoi.. en tous cas \u00e7a a fonctionn\u00e9<\/p>\n

j\u2019ai tent\u00e9 plusieurs techniques diff\u00e9rentes gouache, aquarelle, acrylique, toujours comme un gamin jusqu\u2019\u00e0 peindre m\u00eame avec les doigts. Des dizaines de petits tableaux en quelques journ\u00e9es.<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait juste \u00e0 un moment o\u00f9 l\u2019\u00e9criture m\u2019avait tellement terrass\u00e9 que je n\u2019en pouvais plus de voir le monde au travers de son filtre.<\/p>\n

Le retour \u00e0 l\u2019enfance par la peinture m\u2019a lav\u00e9 de quelque chose de mortif\u00e8re , peut \u00eatre d\u2019une adolescence qui n\u2019en finissait pas se s\u2019achever.<\/p>\n

Evidemment j\u2019ai tout \u00e9gar\u00e9 de ces dessins et peinture dans mes multiples d\u00e9m\u00e9nagement, on avance \u00e0 condition de rester l\u00e9ger.<\/p>\n

Une chose me stup\u00e9fie encore quand j\u2019y repense : pourquoi avoir choisi ce th\u00e8me du joueur de fl\u00fbte de Hamelin \u2026 ? Je n\u2019en sais toujours fichtre rien et au fond peu importe.<\/p>\n

Et vous savez quoi ? en voulant retrouver le livre je vais sur Google et je ne trouve pas m\u00eame pas en vente chez Amazon.. bizarre non ?<\/p>\n<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Un peu plus tard Tagore et moi
\nNous nous retrouvions le soir et dans la nuit d\u2019\u00e9t\u00e9.<\/p>\n

Lorsque dans le couloir j\u2019entendais son pas l\u00e9ger je coupais la t\u00e9l\u00e9 et br\u00fblais de l\u2019encens dans ma tasse vide.<\/p>\n

Alors nous nous serrions ensemble sur le lit d\u00e9fait et il me racontait les myst\u00e8res sans trop les d\u00e9voiler.<\/p>\n

Rabindranath \u00e9tait de Calcutta, bien plus \u00e2g\u00e9 que moi qui passait mon temps \u00e0 m\u2019ab\u00eemer dans l\u2019id\u00e9e de vieillir, sa souplesse physique n\u2019avait de pendant que l\u2019habilet\u00e9 de son discours concis . Je me souviens encore : sa langue limpide et ses mots simples p\u00e9n\u00e9trant mon c\u0153ur comme la lame d\u2019un scalpel.<\/p>\n

Enivr\u00e9 par Tagore je devenais fou.<\/p>\n

Il fallait jaillir, retrouver urgemment la rue.<\/p>\n

Jaillir de la boite \u00e9troite que repr\u00e9sentait la chambre, que repr\u00e9sentait mon corps, que repr\u00e9sentait mon c\u0153ur, oui jaillir comme un diable \u00e0 ressort, s\u2019\u00e9lancer \u00e0 \u00e0 sa poursuite.<\/p>\n

Tagore marchait \u00e0 grand pas et je me demande encore s\u2019il ne l\u00e9vitait pas \u2026<\/p>\n

Irr\u00e9m\u00e9diablement et ce malgr\u00e9 toute ma mauvaise volont\u00e9, je me retrouvais devant un comptoir. Je comptais mes pi\u00e8ces en lorgnant l\u2019\u00e9chanson.. la marche donne soif alors je buvais.<\/p>\n

Je buvais \u00e0 Tagore, \u00e0 mon insignifiance, \u00e0 l\u2019indicible toujours renouvel\u00e9, et \u00e0 la fin je crois bien que je buvais tout b\u00eatement pour boire.<\/p>\n

C\u2019est tout proche de l\u2019aube que je rentrais chez moi , les premiers camions- poubelle jetaient leur lueurs bleut\u00e9es sur l\u2019asphalte mouill\u00e9, alors je remontais lentement l\u2019escalier , rejoignais mes boites, me rangeais en vrac, et pour tout oublier enfin j\u2019allumais la t\u00e9l\u00e9.<\/p>\n<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Et encore apr\u00e8s, la nuit de No\u00ebl
\nMalgr\u00e9 le froid piquant j\u2019avais ouvert la fen\u00eatre pour \u00e9couter battre le pouls de la ville affol\u00e9e. C\u2019\u00e9tait ce soir r\u00e9veillon, rien n\u2019\u00e9tait \u00e0 louper.<\/p>\n

En bas le clodo gueulait comme un beau diable, sur sa liti\u00e8re cartonn\u00e9e. Sa voix l\u00e9g\u00e8rement gutturale escaladait les fa\u00e7ades et se perdait dans le cr\u00e9puscule. Des passants passaient comme des poux tout en bas, \u00e7a me grattait la peine, \u00e7a me grattait l\u2019ennui.<\/p>\n

J\u2019avais refus\u00e9 l\u2019offrande obligatoire. Non que j\u2019eusse un manque de disponibilit\u00e9, comme disent les banquiers. Non \u00e7a m\u2019\u00e9c\u0153urait tout ce raffut, cette f\u00eate \u00e0 neuneu, cette fabuleuse orgie alimentaire, ce d\u00e9sastre d\u2019hypocrisie familialement partag\u00e9.<\/p>\n

Cela faisait plus de 8 ans que je n\u2019avais vu mes parents. Pas de coup de fil, pas de lettre, rien. La coupure totale et franche sans bavure.<\/p>\n

J\u2019imaginais no\u00ebl la bas et \u00e7a ne m\u2019enchantait pas. Ces montagnes de bidoche, de p\u00e2t\u00e9s, de foie gras, d\u2019ortolans ou de dindes additionn\u00e9s d\u2019un ou deux gros chapons \u2026non, \u00e7a ne me disait pas d\u2019entendre en t\u00e2che de fond pour \u00e9viter de se parler les chansons d\u2019Henri, les conneries de Jacques, \u00e0 la t\u00e9l\u00e9 et la voix de ma m\u00e8re ajoutant » il est bien bon ce petit Sauternes » en se r\u00e9servant copieusement.<\/p>\n

J\u2019avais choisi l\u2019exil par n\u00e9cessit\u00e9 vitale, \u00e0 rester au chaud l\u00e0-bas rien n\u2019aurait jamais pouss\u00e9, une fatalit\u00e9 st\u00e9rile, et une putain d\u2019odeur de renferm\u00e9 et de tabac froid m\u00e9lang\u00e9e aux non-dit, \u00e0 ce qui jamais ne se dit, \u00e0 ce qu\u2019il ne peut se dire.<\/p>\n

Et depuis chaque jour je pensais \u00e0 eux, ils n\u2019avaient pas quitt\u00e9 ma t\u00eate ni mon c\u0153ur, \u00e0 croire que le G\u00e9nie des familles m\u2019avait bien eut. Je l\u2019entendais ricaner, allong\u00e9 sur un profond canap\u00e9 de cuir.. fallait bien faire avec, y a toujours un prix \u00e0 payer. C\u2019est comme \u00e7a.<\/p>\n

Difficile \u00e0 comprendre cette banalit\u00e9. Mon inaptitude crasse m\u2019avait \u00e9reint\u00e9.<\/p>\n

J\u2019allumais une cigarette et regardais encore en bas. Les gens l\u2019enjambaient sans m\u00eame s\u2019excuser tant ils semblaient press\u00e9s.<\/p>\n

J\u2019avais un peu de soupe en boite et deux trois pommes de terre alors j\u2019eus une id\u00e9e dingue, comme ceux qui osent tout je me d\u00e9p\u00eachais de passer \u00e0 l\u2019acte avant qu\u2019une autre id\u00e9e aussi fameuse la supplante et annule ce bel empressement.<\/p>\n

Je descendis les escaliers de l\u2019h\u00f4tel pour apporter un bol de soupe et deux patates chaudes au clodo.<\/p>\n

Evidemment celui ci m\u2019envoya chier copieusement et je remontais dans ma boite la queue entre les jambes tout penaud voir m\u00eame en col\u00e8re contre le bougre.<\/p>\n

Quel con il a pas voulu de ma soupe\u2026 c\u2019est pourtant le soir de no\u00ebl merde !<\/p>\n

Et l\u00e0 je crois que j\u2019ai appris plusieurs choses d\u2019un coup.. dont je vous ferai l\u2019\u00e9conomie bien sur.<\/p>", "content_text": " Un jour que j\u2019en avais par dessus la t\u00eate, que je pi\u00e9tinais, que je faisais des bonds, que je m\u2019allongeais des heures sur mon lit \u00e0 \u00e9couter ma respiration, un jour donc je me suis lev\u00e9 et je me suis dit : \u00bb bon \u00e7a va merde je reviens en enfance ! \u00bb Alors j\u2019ai virer toute la paperasse qui tra\u00eenait sur la table ronde de la chambre, j\u2019ai tout enfoncer d\u2019un grand coup de talon dans un carton. J\u2019ai scotch\u00e9, plut\u00f4t 5 fois qu\u2019une pour \u00eatre bien s\u00fbr. Et je me suis \u00e9tir\u00e9 en baillant un bon coup. C\u2019est \u00e0 ce moment l\u00e0 que je me suis mis \u00e0 dessiner et \u00e0 peindre comme un enfant A la gouache sur de petites feuilles de papier bon march\u00e9. Ce fut une r\u00e9v\u00e9lation vraiment, toutes ces lignes maladroites, ces erreurs, ces p\u00e2t\u00e9s quelle jouissance ! C\u2019\u00e9tait juste pour moi, pour m\u2019amuser comme un enfant. Chaque fois que je terminais une de ces petites peintures je les d\u00e9posais sur le rebord de la chemin\u00e9e de ma chambre d\u2019h\u00f4tel et je m\u2019asseyais devant pour les regarder. Je me souviens que j\u2019avais pris comme id\u00e9e de d\u00e9part le joueur de fl\u00fbte de Hamelin .. allez savoir pourquoi.. en tous cas \u00e7a a fonctionn\u00e9 j\u2019ai tent\u00e9 plusieurs techniques diff\u00e9rentes gouache, aquarelle, acrylique, toujours comme un gamin jusqu\u2019\u00e0 peindre m\u00eame avec les doigts. Des dizaines de petits tableaux en quelques journ\u00e9es. C\u2019\u00e9tait juste \u00e0 un moment o\u00f9 l\u2019\u00e9criture m\u2019avait tellement terrass\u00e9 que je n\u2019en pouvais plus de voir le monde au travers de son filtre. Le retour \u00e0 l\u2019enfance par la peinture m\u2019a lav\u00e9 de quelque chose de mortif\u00e8re , peut \u00eatre d\u2019une adolescence qui n\u2019en finissait pas se s\u2019achever. Evidemment j\u2019ai tout \u00e9gar\u00e9 de ces dessins et peinture dans mes multiples d\u00e9m\u00e9nagement, on avance \u00e0 condition de rester l\u00e9ger. Une chose me stup\u00e9fie encore quand j\u2019y repense : pourquoi avoir choisi ce th\u00e8me du joueur de fl\u00fbte de Hamelin \u2026? Je n\u2019en sais toujours fichtre rien et au fond peu importe. Et vous savez quoi ? en voulant retrouver le livre je vais sur Google et je ne trouve pas m\u00eame pas en vente chez Amazon.. bizarre non ? Un peu plus tard Tagore et moi Nous nous retrouvions le soir et dans la nuit d\u2019\u00e9t\u00e9. Lorsque dans le couloir j\u2019entendais son pas l\u00e9ger je coupais la t\u00e9l\u00e9 et br\u00fblais de l\u2019encens dans ma tasse vide. Alors nous nous serrions ensemble sur le lit d\u00e9fait et il me racontait les myst\u00e8res sans trop les d\u00e9voiler. Rabindranath \u00e9tait de Calcutta, bien plus \u00e2g\u00e9 que moi qui passait mon temps \u00e0 m\u2019ab\u00eemer dans l\u2019id\u00e9e de vieillir, sa souplesse physique n\u2019avait de pendant que l\u2019habilet\u00e9 de son discours concis . Je me souviens encore: sa langue limpide et ses mots simples p\u00e9n\u00e9trant mon c\u0153ur comme la lame d\u2019un scalpel. Enivr\u00e9 par Tagore je devenais fou. Il fallait jaillir, retrouver urgemment la rue. Jaillir de la boite \u00e9troite que repr\u00e9sentait la chambre, que repr\u00e9sentait mon corps, que repr\u00e9sentait mon c\u0153ur, oui jaillir comme un diable \u00e0 ressort, s\u2019\u00e9lancer \u00e0 \u00e0 sa poursuite. Tagore marchait \u00e0 grand pas et je me demande encore s\u2019il ne l\u00e9vitait pas \u2026 Irr\u00e9m\u00e9diablement et ce malgr\u00e9 toute ma mauvaise volont\u00e9, je me retrouvais devant un comptoir. Je comptais mes pi\u00e8ces en lorgnant l\u2019\u00e9chanson.. la marche donne soif alors je buvais. Je buvais \u00e0 Tagore, \u00e0 mon insignifiance, \u00e0 l\u2019indicible toujours renouvel\u00e9, et \u00e0 la fin je crois bien que je buvais tout b\u00eatement pour boire. C\u2019est tout proche de l\u2019aube que je rentrais chez moi , les premiers camions- poubelle jetaient leur lueurs bleut\u00e9es sur l\u2019asphalte mouill\u00e9, alors je remontais lentement l\u2019escalier , rejoignais mes boites, me rangeais en vrac, et pour tout oublier enfin j\u2019allumais la t\u00e9l\u00e9. Et encore apr\u00e8s, la nuit de No\u00ebl Malgr\u00e9 le froid piquant j\u2019avais ouvert la fen\u00eatre pour \u00e9couter battre le pouls de la ville affol\u00e9e. C\u2019\u00e9tait ce soir r\u00e9veillon, rien n\u2019\u00e9tait \u00e0 louper. En bas le clodo gueulait comme un beau diable, sur sa liti\u00e8re cartonn\u00e9e. Sa voix l\u00e9g\u00e8rement gutturale escaladait les fa\u00e7ades et se perdait dans le cr\u00e9puscule. Des passants passaient comme des poux tout en bas, \u00e7a me grattait la peine, \u00e7a me grattait l\u2019ennui. J\u2019avais refus\u00e9 l\u2019offrande obligatoire. Non que j\u2019eusse un manque de disponibilit\u00e9, comme disent les banquiers. Non \u00e7a m\u2019\u00e9c\u0153urait tout ce raffut, cette f\u00eate \u00e0 neuneu, cette fabuleuse orgie alimentaire, ce d\u00e9sastre d\u2019hypocrisie familialement partag\u00e9. Cela faisait plus de 8 ans que je n\u2019avais vu mes parents. Pas de coup de fil, pas de lettre, rien. La coupure totale et franche sans bavure. J\u2019imaginais no\u00ebl la bas et \u00e7a ne m\u2019enchantait pas. Ces montagnes de bidoche, de p\u00e2t\u00e9s, de foie gras, d\u2019ortolans ou de dindes additionn\u00e9s d\u2019un ou deux gros chapons \u2026non, \u00e7a ne me disait pas d\u2019entendre en t\u00e2che de fond pour \u00e9viter de se parler les chansons d\u2019Henri, les conneries de Jacques, \u00e0 la t\u00e9l\u00e9 et la voix de ma m\u00e8re ajoutant \u00bb il est bien bon ce petit Sauternes \u00bb en se r\u00e9servant copieusement. J\u2019avais choisi l\u2019exil par n\u00e9cessit\u00e9 vitale, \u00e0 rester au chaud l\u00e0-bas rien n\u2019aurait jamais pouss\u00e9, une fatalit\u00e9 st\u00e9rile, et une putain d\u2019odeur de renferm\u00e9 et de tabac froid m\u00e9lang\u00e9e aux non-dit, \u00e0 ce qui jamais ne se dit, \u00e0 ce qu\u2019il ne peut se dire. Et depuis chaque jour je pensais \u00e0 eux, ils n\u2019avaient pas quitt\u00e9 ma t\u00eate ni mon c\u0153ur, \u00e0 croire que le G\u00e9nie des familles m\u2019avait bien eut. Je l\u2019entendais ricaner, allong\u00e9 sur un profond canap\u00e9 de cuir.. fallait bien faire avec, y a toujours un prix \u00e0 payer. C\u2019est comme \u00e7a. Difficile \u00e0 comprendre cette banalit\u00e9. Mon inaptitude crasse m\u2019avait \u00e9reint\u00e9. J\u2019allumais une cigarette et regardais encore en bas. Les gens l\u2019enjambaient sans m\u00eame s\u2019excuser tant ils semblaient press\u00e9s. J\u2019avais un peu de soupe en boite et deux trois pommes de terre alors j\u2019eus une id\u00e9e dingue, comme ceux qui osent tout je me d\u00e9p\u00eachais de passer \u00e0 l\u2019acte avant qu\u2019une autre id\u00e9e aussi fameuse la supplante et annule ce bel empressement. Je descendis les escaliers de l\u2019h\u00f4tel pour apporter un bol de soupe et deux patates chaudes au clodo. Evidemment celui ci m\u2019envoya chier copieusement et je remontais dans ma boite la queue entre les jambes tout penaud voir m\u00eame en col\u00e8re contre le bougre. Quel con il a pas voulu de ma soupe\u2026 c\u2019est pourtant le soir de no\u00ebl merde ! Et l\u00e0 je crois que j\u2019ai appris plusieurs choses d\u2019un coup.. dont je vous ferai l\u2019\u00e9conomie bien sur. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/retour_a_l_enfance.webp?1748065098", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-decembre-2018.html", "title": "21 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-21T07:03:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\tpeinture à l'huile tonalité orangée avec des nuances de bleu de vert.<\/a>\n
\n\t
Le p\u00e8re du Ying et du Yang\n<\/strong><\/div>\n\t
Paysage abstrait huile sur toile\n<\/div>\n\t
@PatrickBlanchon\n<\/div>\n<\/figcaption><\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je sors dans la cour pour sentir le temps qu\u2019il fait tout d\u2019abord. En g\u00e9n\u00e9ral j\u2019ai avec moi une tasse de caf\u00e9 noir que je sirote doucement en \u00e9coutant les premiers oiseaux chanter. Ce chant qui vient du fond des temps, \u00e0 la fronti\u00e8re de l\u2019aube et de la nuit , un divertissement apaisant qui m\u2019\u00e9loigne par d\u00e9s\u0153uvrement de l\u2019essentiel.<\/p>\n

Une fois le seuil de l\u2019atelier franchi, j\u2019ai toujours un petit malaise, une petite \u00e9preuve \u00e0 traverser entre l’ »\u00e0 quoi bon » et le « je ne sais pas quoi faire. »<\/p>\n

Bien sur je fais des plans sur la com\u00e8te, bien d\u00e9taill\u00e9s, fouill\u00e9s, document\u00e9s, et en les relisant je grille cigarette sur cigarette. Toute notion de planification m\u2019impose de me quitter. De retrouver ce moi qui ne sera pas moi. Cette apparence.<\/p>\n

Puis j\u2019envoie tout cela bouler et je m\u2019installe devant ma toile vierge ou inachev\u00e9e.<\/p>\n

Je reste l\u00e0 sans rien faire un petit moment. J\u2019essaie de comprendre et je ne comprend jamais. Mais je renouvelle la tentative pratiquement chaque matin. Sans cette tentative \u00e0 quoi bon renoncer ?<\/p>\n

Puis, une fois rendu \u00e0 l\u2019\u00e9vidence, d\u00e9sarm\u00e9 par celle-ci, je pr\u00e9pare mes couleurs, en g\u00e9n\u00e9ral seulement les 3 primaires avec un peu de blanc dans le centre de la palette.<\/p>\n

Et puis je disparais, r\u00e9appara\u00eet, au fur et \u00e0 mesure des effacements, des ajouts, des erreurs, des tons gris ou sales, des exc\u00e8s de gras, des manques de gras, des couleurs trop vives, des couleurs trop ternes.<\/p>\n

Et tout cela ne tient qu\u2019\u00e0 moi, et moi je tiens \u00e0 lui \u2026 \u00e0 tout ce d\u00e9sordre dont j\u2019ai besoin absolument pour trouver l\u2019ordre.<\/p>\n

Le Graal c\u2019est un peu \u00e7a la qu\u00eate\u2026 Et les pi\u00e8ges sont nombreux avant d\u2019y arriver. D\u2019ailleurs je ne cesse de tomber dans tous, sans doute parce qu\u2019au fond je sais tr\u00e8s bien de quoi il s\u2019agit.<\/p>\n

Il faut faire des centaines de tableaux pour le comprendre, pour en \u00eatre d\u00e9finitivement certain. Et des que l\u2019on croit comprendre, surtout ne pas s\u2019y arr\u00eater, ce n\u2019est jamais cela vous comprenez.<\/p>\n

Ce sont juste, chaque tableau un indice, une coquille vide, celle d\u2019une d\u00e9faite toujours renouvel\u00e9e.<\/p>\n

Il n\u2019y a rien d\u2019important l\u00e0 dedans, rien que l\u2019on puisse voir sur un seul tableau, non \u00e7a je ne pense pas qu\u2019on puisse le voir, j\u2019ai beaucoup esp\u00e9r\u00e9 la dedans.. mais c\u2019est pass\u00e9.<\/p>\n

J\u2019imagine que quelque chose se situe entre tous les tableaux, oui il y a cette histoire dont je vous parle un peu, l\u2019intimit\u00e9 du peintre si l\u2019on veut.<\/p>\n

Ah j\u2019oubliais de pr\u00e9ciser ne tentez pas de faire comme moi, vous n\u2019y parviendrez pas, je m\u2019entra\u00eene depuis trop longtemps et maintenant je me tais, il est l\u2019heure d\u2019y aller .<\/p>", "content_text": "Je sors dans la cour pour sentir le temps qu\u2019il fait tout d\u2019abord. En g\u00e9n\u00e9ral j\u2019ai avec moi une tasse de caf\u00e9 noir que je sirote doucement en \u00e9coutant les premiers oiseaux chanter. Ce chant qui vient du fond des temps, \u00e0 la fronti\u00e8re de l\u2019aube et de la nuit , un divertissement apaisant qui m\u2019\u00e9loigne par d\u00e9s\u0153uvrement de l\u2019essentiel. Une fois le seuil de l\u2019atelier franchi, j\u2019ai toujours un petit malaise, une petite \u00e9preuve \u00e0 traverser entre l' \u00bb\u00e0 quoi bon \u00bb et le \u00ab je ne sais pas quoi faire. \u00bb Bien sur je fais des plans sur la com\u00e8te, bien d\u00e9taill\u00e9s, fouill\u00e9s, document\u00e9s, et en les relisant je grille cigarette sur cigarette. Toute notion de planification m\u2019impose de me quitter. De retrouver ce moi qui ne sera pas moi. Cette apparence. Puis j\u2019envoie tout cela bouler et je m\u2019installe devant ma toile vierge ou inachev\u00e9e. Je reste l\u00e0 sans rien faire un petit moment. J\u2019essaie de comprendre et je ne comprend jamais. Mais je renouvelle la tentative pratiquement chaque matin. Sans cette tentative \u00e0 quoi bon renoncer? Puis, une fois rendu \u00e0 l\u2019\u00e9vidence, d\u00e9sarm\u00e9 par celle-ci, je pr\u00e9pare mes couleurs, en g\u00e9n\u00e9ral seulement les 3 primaires avec un peu de blanc dans le centre de la palette. Et puis je disparais, r\u00e9appara\u00eet, au fur et \u00e0 mesure des effacements, des ajouts, des erreurs, des tons gris ou sales, des exc\u00e8s de gras, des manques de gras, des couleurs trop vives, des couleurs trop ternes. Et tout cela ne tient qu\u2019\u00e0 moi, et moi je tiens \u00e0 lui \u2026 \u00e0 tout ce d\u00e9sordre dont j\u2019ai besoin absolument pour trouver l\u2019ordre. Le Graal c\u2019est un peu \u00e7a la qu\u00eate\u2026 Et les pi\u00e8ges sont nombreux avant d\u2019y arriver. D\u2019ailleurs je ne cesse de tomber dans tous, sans doute parce qu\u2019au fond je sais tr\u00e8s bien de quoi il s\u2019agit. Il faut faire des centaines de tableaux pour le comprendre, pour en \u00eatre d\u00e9finitivement certain. Et des que l\u2019on croit comprendre, surtout ne pas s\u2019y arr\u00eater, ce n\u2019est jamais cela vous comprenez. Ce sont juste, chaque tableau un indice, une coquille vide, celle d\u2019une d\u00e9faite toujours renouvel\u00e9e. Il n\u2019y a rien d\u2019important l\u00e0 dedans, rien que l\u2019on puisse voir sur un seul tableau, non \u00e7a je ne pense pas qu\u2019on puisse le voir, j\u2019ai beaucoup esp\u00e9r\u00e9 la dedans.. mais c\u2019est pass\u00e9. J\u2019imagine que quelque chose se situe entre tous les tableaux, oui il y a cette histoire dont je vous parle un peu, l\u2019intimit\u00e9 du peintre si l\u2019on veut. Ah j\u2019oubliais de pr\u00e9ciser ne tentez pas de faire comme moi, vous n\u2019y parviendrez pas, je m\u2019entra\u00eene depuis trop longtemps et maintenant je me tais, il est l\u2019heure d\u2019y aller . ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/paysages-abstaits-1.webp?1748065107", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-decembre-2018.html", "title": "19 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-19T06:56:00Z", "date_modified": "2025-09-17T05:09:17Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Cela commen\u00e7a imperceptiblement, par un l\u00e9ger frisson, sans doute d\u00fb \u00e0 la fatigue, \u00e0 ces nuits d\u2019insomnies travers\u00e9es, \u00e0 tous ces mots jet\u00e9s sur le papier comme on remplit des sacs poubelles lors de d\u00e9m\u00e9nagements.<\/p>\n

Puis cela devint plus net. Tout le corps tremblait d\u00e9sormais et j\u2019\u00e9prouvais une sensation de froid glacial.<\/p>\n

Nous \u00e9tions en ao\u00fbt et les voix fortes et \u00e9pic\u00e9es des grand Za\u00efrois s\u2019\u00e9levaient depuis la rue des Poissonniers rejoignant les cris des martinets dans une proximit\u00e9 d\u2019heure de pointe. M\u00eame la fen\u00eatre referm\u00e9e je ne pouvais pas ne pas les entendre.<\/p>\n

Des odeurs de chevreaux grill\u00e9s les avaient accompagn\u00e9es ces voix. L\u2019odeur de viande br\u00fbl\u00e9e m\u2019\u00e9tait insupportable.<\/p>\n

Me relevant mollement pour faire couler l\u2019eau de l\u2019unique robinet du lavabo, je remplis le verre et le bu d\u2019un trait. Peut-\u00eatre un peu de fi\u00e8vre aussi saisissais-je la boite de doliprane<\/p>\n

il devait \u00eatre 18h et le soleil \u00e9tait encore haut dans le ciel. Normalement, \u00e0 cette heure j\u2019aimais sortir de l\u2019h\u00f4tel et prendre le pouls de la ville dans ce coin fabuleux du 18 eme. Au rez de chauss\u00e9e je ne manquais jamais de saluer la concierge en \u00e9changeant un mot ou deux. Elle serait ainsi moins virulente qu\u2019avec d\u2019autres lorsqu\u2019il s\u2019agirait de payer le terme et puis bon dieu comme je me sentais seul. Alors \u00e9changer deux mots dans la journ\u00e9e me permettrait de conserver un rapport si minime soit il avec le reste de l\u2019humanit\u00e9.<\/p>\n

Ainsi cultivant mon gout pour la survie, entretenais je le m\u00eame type d\u2019\u00e9changes minimalistes avec les caissi\u00e8res du supermarch\u00e9 voisin, le buraliste qui me fournissait en tabac et le loufiat du bar du coin ou j\u2019aimais prendre quand je le pouvais mon petit cr\u00e8me du matin.<\/p>\n

La folle de la chambre attenante, nous n\u2019\u00e9tions s\u00e9par\u00e9s que par une cloison fine comme du papier, devait \u00eatre absente car je n\u2019entendais pas le bruit familier de ses toussotements, de ses paroles incoh\u00e9rentes qu\u2019elle jetaient d\u2019ordinaire sur les parois comme un boxeur s\u2019entra\u00eene \u00e0 molester son sac.<\/p>\n

Ce qui me d\u00e9cida c\u2019\u00e9tait qu\u2019il ne me restait presque plus de tabac. J\u2019envisageais la nuit proche et ne me r\u00e9solvant pas \u00e0 m\u2019en passer, je fouillais toutes les poches de pantalons, vestes, manteaux pour trouver un peu de monnaie, lorsqu\u2019un billet de 50 francs tomba comme une manne sur le plancher.<\/p>\n

Joyeux de ces retrouvailles et plein de gratitude envers la providence et ma nature d\u00e9sordonn\u00e9e je descendis.<\/p>\n

La concierge absente, j\u2019\u00e9conomisais mes mots puis m\u2019engouffrais dans la chaleur du soir.<\/p>\n

J\u2019avais travers\u00e9 \u00e0 grandes enjamb\u00e9es la place de Chateau-Rouge, sa cohue, ses odeurs de piment, de sueur et d\u2019\u00e9pices, pour enfin parvenir \u00e0 mon h\u00e2vre de paix, la Rue Custine.<\/p>\n

Alors peu \u00e0 peu je ralentissais le pas, la rage retombait et mon regard suivait les mouvements des feuillages des hauts platanes qui \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019une haie d\u2019honneur m\u2019accompagnaient vers Jules Joffrin.<\/p>\n

Ce doit \u00eatre dans ce caf\u00e9, que je m\u2019arr\u00eatai. La premi\u00e8re bi\u00e8re acc\u00e9l\u00e9ra rapidement mon envie d\u2019uriner et c\u2019est en ressortant des toilettes que je la vis, appuy\u00e9e contre le bar.<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait une femme sans age, mal fagot\u00e9e, je ne me souviens plus si elle \u00e9tait brune ou blonde. Elle \u00e9tait ivre \u00e7a c\u2019est certain et nous nous accroch\u00e2mes l\u2019un \u00e0 l\u2019autre sans trop tourner autour du pot.<\/p>\n

Apr\u00e8s m\u2019avoir asticot\u00e9 un bon moment elle me ferra d\u2019un « on va chez toi ? »<\/p>\n

Je me rappelle encore des ann\u00e9es apr\u00e8s cette humiliation dont elle m\u2019abreuva en critiquant ma vigueur sexuelle \u00e0 son \u00e9gard .. c\u2019\u00e9tait des vas y bon dieu baise moi mais baise donc, plus loin, plus fort .. mais je restais d\u00e9finitivement d\u2019une mollesse insultante \u00e0 son \u00e9gard.<\/p>\n

Aux environs du troisi\u00e8me ou quatri\u00e8me « qu\u2019est ce tu fous connard » je me levais, me rhabillais et la flanquais dehors.<\/p>\n

Et tu crois que c\u2019est gratuit me jeta t\u2019elle encore ?<\/p>\n

Alors je sentis dans ma poche le billet de 50 francs et lui donnais.<\/p>\n

Elle partit sans demander son reste et je m\u2019asseyais sur mon lit une migraine terrible me terrassant \u00e0 nouveau.<\/p>\n

En mettant la bouilloire en route pour me pr\u00e9parer mon nescaf\u00e9 je ne me sentais pas bien fier mais je me mis quand m\u00eame \u00e0 rigoler.<\/p>\n

Mon rire au d\u00e9but l\u00e9ger comme un coureur \u00e0 pied qui s\u2019\u00e9lance \u00e0 petite foul\u00e9e devint assez rapidement tonitruant, puis carr\u00e9ment hyst\u00e9rique enfin, il me permit de me vider les poumons, de chasser l\u2019air et les pens\u00e9es vici\u00e9es de ces derni\u00e8res heures.<\/p>\n

J\u2019ouvrai la fen\u00eatre, la nuit \u00e9tait l\u00e0 projetant ses grands bras sur les fa\u00e7ades de craie. j\u2019allumais une cigarette et respirait lentement. Peu \u00e0 peu le calme revint.<\/p>\n

Dans le couloir des bruits de talons, la folle rentrait chez elle. J\u2019entendis un moment ses hurlements \u00e9touff\u00e9s ses grattements aux murs et puis tout s\u2019arr\u00eata.<\/p>\n

Je crois que c\u2019est \u00e0 partir de ce jour que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de ne plus \u00e9crire une seule ligne.<\/p>\n

Nous fabriquons parfois des objets dans l\u2019instant pr\u00e9sent mu\u00e9s par des intentions multiples tant la confusion de vivre se m\u00e9lange dans l\u2019\u00eatre et dans l\u2019avoir. Pour retrouver la clart\u00e9, il faut bien plus biffer qu\u2019ajouter. Mais comment se s\u00e9parer de l\u2019exc\u00e8s ? Du trop plein pour retrouver la faim, la soif naturelles ? Dans la r\u00e9gularit\u00e9 peu \u00e0 peu le chaos cent fois, mille fois revisit\u00e9 par la m\u00e9moire mensong\u00e8re, par l\u2019id\u00e9e de beau et de laid qui choisit et rejette, laisse l\u2019eau troubl\u00e9e malgr\u00e9 tout effort.<\/p>\n

Sans doute par ce que cet effort ne sert \u00e0 rien que de parvenir \u00e0 la conclusion que notre lucidit\u00e9 n\u2019est rien d\u2019autre que la derni\u00e8re de nos illusions.<\/p>", "content_text": " Cela commen\u00e7a imperceptiblement, par un l\u00e9ger frisson, sans doute d\u00fb \u00e0 la fatigue, \u00e0 ces nuits d\u2019insomnies travers\u00e9es, \u00e0 tous ces mots jet\u00e9s sur le papier comme on remplit des sacs poubelles lors de d\u00e9m\u00e9nagements. Puis cela devint plus net. Tout le corps tremblait d\u00e9sormais et j\u2019\u00e9prouvais une sensation de froid glacial. Nous \u00e9tions en ao\u00fbt et les voix fortes et \u00e9pic\u00e9es des grand Za\u00efrois s\u2019\u00e9levaient depuis la rue des Poissonniers rejoignant les cris des martinets dans une proximit\u00e9 d\u2019heure de pointe. M\u00eame la fen\u00eatre referm\u00e9e je ne pouvais pas ne pas les entendre. Des odeurs de chevreaux grill\u00e9s les avaient accompagn\u00e9es ces voix. L\u2019odeur de viande br\u00fbl\u00e9e m\u2019\u00e9tait insupportable. Me relevant mollement pour faire couler l\u2019eau de l\u2019unique robinet du lavabo, je remplis le verre et le bu d\u2019un trait. Peut-\u00eatre un peu de fi\u00e8vre aussi saisissais-je la boite de doliprane il devait \u00eatre 18h et le soleil \u00e9tait encore haut dans le ciel. Normalement, \u00e0 cette heure j\u2019aimais sortir de l\u2019h\u00f4tel et prendre le pouls de la ville dans ce coin fabuleux du 18 eme. Au rez de chauss\u00e9e je ne manquais jamais de saluer la concierge en \u00e9changeant un mot ou deux. Elle serait ainsi moins virulente qu\u2019avec d\u2019autres lorsqu\u2019il s\u2019agirait de payer le terme et puis bon dieu comme je me sentais seul. Alors \u00e9changer deux mots dans la journ\u00e9e me permettrait de conserver un rapport si minime soit il avec le reste de l\u2019humanit\u00e9. Ainsi cultivant mon gout pour la survie, entretenais je le m\u00eame type d\u2019\u00e9changes minimalistes avec les caissi\u00e8res du supermarch\u00e9 voisin, le buraliste qui me fournissait en tabac et le loufiat du bar du coin ou j\u2019aimais prendre quand je le pouvais mon petit cr\u00e8me du matin. La folle de la chambre attenante, nous n\u2019\u00e9tions s\u00e9par\u00e9s que par une cloison fine comme du papier, devait \u00eatre absente car je n\u2019entendais pas le bruit familier de ses toussotements, de ses paroles incoh\u00e9rentes qu\u2019elle jetaient d\u2019ordinaire sur les parois comme un boxeur s\u2019entra\u00eene \u00e0 molester son sac. Ce qui me d\u00e9cida c\u2019\u00e9tait qu\u2019il ne me restait presque plus de tabac. J\u2019envisageais la nuit proche et ne me r\u00e9solvant pas \u00e0 m\u2019en passer, je fouillais toutes les poches de pantalons, vestes, manteaux pour trouver un peu de monnaie, lorsqu\u2019un billet de 50 francs tomba comme une manne sur le plancher. Joyeux de ces retrouvailles et plein de gratitude envers la providence et ma nature d\u00e9sordonn\u00e9e je descendis. La concierge absente, j\u2019\u00e9conomisais mes mots puis m\u2019engouffrais dans la chaleur du soir. J\u2019avais travers\u00e9 \u00e0 grandes enjamb\u00e9es la place de Chateau-Rouge, sa cohue, ses odeurs de piment, de sueur et d\u2019\u00e9pices, pour enfin parvenir \u00e0 mon h\u00e2vre de paix, la Rue Custine. Alors peu \u00e0 peu je ralentissais le pas, la rage retombait et mon regard suivait les mouvements des feuillages des hauts platanes qui \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019une haie d\u2019honneur m\u2019accompagnaient vers Jules Joffrin. Ce doit \u00eatre dans ce caf\u00e9, que je m\u2019arr\u00eatai. La premi\u00e8re bi\u00e8re acc\u00e9l\u00e9ra rapidement mon envie d\u2019uriner et c\u2019est en ressortant des toilettes que je la vis, appuy\u00e9e contre le bar. C\u2019\u00e9tait une femme sans age, mal fagot\u00e9e, je ne me souviens plus si elle \u00e9tait brune ou blonde. Elle \u00e9tait ivre \u00e7a c\u2019est certain et nous nous accroch\u00e2mes l\u2019un \u00e0 l\u2019autre sans trop tourner autour du pot. Apr\u00e8s m\u2019avoir asticot\u00e9 un bon moment elle me ferra d\u2019un \u00ab on va chez toi ? \u00bb Je me rappelle encore des ann\u00e9es apr\u00e8s cette humiliation dont elle m\u2019abreuva en critiquant ma vigueur sexuelle \u00e0 son \u00e9gard .. c\u2019\u00e9tait des vas y bon dieu baise moi mais baise donc, plus loin, plus fort .. mais je restais d\u00e9finitivement d\u2019une mollesse insultante \u00e0 son \u00e9gard. Aux environs du troisi\u00e8me ou quatri\u00e8me \u00ab qu\u2019est ce tu fous connard \u00bb je me levais, me rhabillais et la flanquais dehors. Et tu crois que c\u2019est gratuit me jeta t\u2019elle encore ? Alors je sentis dans ma poche le billet de 50 francs et lui donnais. Elle partit sans demander son reste et je m\u2019asseyais sur mon lit une migraine terrible me terrassant \u00e0 nouveau. En mettant la bouilloire en route pour me pr\u00e9parer mon nescaf\u00e9 je ne me sentais pas bien fier mais je me mis quand m\u00eame \u00e0 rigoler. Mon rire au d\u00e9but l\u00e9ger comme un coureur \u00e0 pied qui s\u2019\u00e9lance \u00e0 petite foul\u00e9e devint assez rapidement tonitruant, puis carr\u00e9ment hyst\u00e9rique enfin, il me permit de me vider les poumons, de chasser l\u2019air et les pens\u00e9es vici\u00e9es de ces derni\u00e8res heures. J\u2019ouvrai la fen\u00eatre, la nuit \u00e9tait l\u00e0 projetant ses grands bras sur les fa\u00e7ades de craie. j\u2019allumais une cigarette et respirait lentement. Peu \u00e0 peu le calme revint. Dans le couloir des bruits de talons, la folle rentrait chez elle. J\u2019entendis un moment ses hurlements \u00e9touff\u00e9s ses grattements aux murs et puis tout s\u2019arr\u00eata. Je crois que c\u2019est \u00e0 partir de ce jour que j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de ne plus \u00e9crire une seule ligne. Nous fabriquons parfois des objets dans l\u2019instant pr\u00e9sent mu\u00e9s par des intentions multiples tant la confusion de vivre se m\u00e9lange dans l\u2019\u00eatre et dans l\u2019avoir. Pour retrouver la clart\u00e9, il faut bien plus biffer qu\u2019ajouter. Mais comment se s\u00e9parer de l\u2019exc\u00e8s ? Du trop plein pour retrouver la faim, la soif naturelles ? Dans la r\u00e9gularit\u00e9 peu \u00e0 peu le chaos cent fois, mille fois revisit\u00e9 par la m\u00e9moire mensong\u00e8re, par l\u2019id\u00e9e de beau et de laid qui choisit et rejette, laisse l\u2019eau troubl\u00e9e malgr\u00e9 tout effort. Sans doute par ce que cet effort ne sert \u00e0 rien que de parvenir \u00e0 la conclusion que notre lucidit\u00e9 n\u2019est rien d\u2019autre que la derni\u00e8re de nos illusions. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/e61bea5e-56d4-49eb-a448-5ee069a02fdd.webp?1748065114", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-decembre-2018.html", "title": "17 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-17T06:42:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Plus j\u2019avance en \u00e2ge plus je suis pris d\u2019un vertige quand je pense \u00e0 tout ce que je ne sais pas faire et que probablement je ne ferai sans doute jamais. Je ne piloterai jamais un avion de chasse, je ne jouerai jamais de premier r\u00f4le dans un film d\u2019aventure, je n\u2019\u00e9pouserai pas Marylin Monroe et le souffl\u00e9 au fromage, je le crains, restera \u00e0 tout jamais une \u00e9nigme. En fait, plus je r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 ma vie, plus je me dis que jamais je n\u2019ai rien su faire vraiment de mes dix doigts. Je veux dire par l\u00e0, en y croyant vraiment, car bien sur j\u2019ai fait trente six mille m\u00e9tiers j\u2019ai connu des ma\u00eetresses qui valaient bien Marilyn et j\u2019ai aussi saut\u00e9 en parachute \u00e0 d\u00e9faut de conduire un Mirage. Mais ce n\u2019\u00e9tait toujours que moi comprenez vous ..? Bien sur la mal\u00e9diction de » l\u2019a quoi bon » pourrait expliquer en partie une telle inaptitude \u00e0 l\u2019appropriation franche et massive de mes actes pass\u00e9s et dans ce cas sans doute je pourrais me lamenter sur mon sort en me r\u00e9veillant \u00e0 presque 60 ans d\u2019une crise d\u2019adolescence un peu trop prolong\u00e9e. Cependant ce malaise s\u2019envole aussit\u00f4t d\u00e8s que je me retrouve attabl\u00e9 devant vous \u00e0 \u00e9crire ces mots. Se mettre \u00e0 table dans le cadre policier est un aveu, alors soit, puisque j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 d\u2019utiliser ce cadre je vais avouer. Je vais avouer que j\u2019ai toujours pens\u00e9 \u00eatre bien plus malin que les autres pour commencer. Plus malin que mes parents que j\u2019ai regard\u00e9 trimer toute leur vie en cherchant \u00e0 les faire sortir d\u2019eux m\u00eame de nombreuses fois par mes \u00e9carts de conduite r\u00e9p\u00e9t\u00e9s. Je n\u2019avais pas de haine, pas de col\u00e8re, non juste une envie persistante de les voir eux , en tant qu\u2019\u00eatres humains et non comme des st\u00e9r\u00e9otypes de ne je sais quelle feuilleton de s\u00e9rie B. Alors pour cela j\u2019ai utilis\u00e9 de nombreux stratag\u00e8mes, pour commencer envers moi-m\u00eame afin d\u2019oublier le but de mes actes, de mes erreurs, de mes errances. Il fallait que tout soit enfoui au plus profond de moi que je ne m\u2019en souvienne plus. Donc oui j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 de la haine, de la col\u00e8re, oui et j\u2019ai fait largement de mon mieux pour bien comprendre l\u2019entourloupe, le vol et le massacre. Et si cela vous parait contradictoire c\u2019est que vous avez encore pas mal de chemin \u00e0 faire pour \u00eatre vraiment vous. Je veux dire au del\u00e0 de moi. Moi, \u00e9ternel insatisfait tremblant de trouille et de rage.<\/p>\n

Moi capable de toutes les petitesses pour ne jamais dire je t\u2019aime.<\/p>\n

Moi hypertrophie des neurones sur pattes<\/p>\n

Moi gros con attendrissant et d\u00e9sarmant pour mieux vous planter par derriere<\/p>\n

Moi le salaud, l\u2019horrible, l\u2019insupportable.<\/p>\n

Ce sale petit gamin qui se cache derri\u00e8re un masque en esp\u00e9rant \u00eatre d\u00e9couvert un jour. Ce petit gar\u00e7on envahit par toute l\u2019ignorance du monde \u00e0 un tel point qu\u2019il s\u2019invente un rasoir de lucidit\u00e9 tranchante pour le d\u00e9couper, le d\u00e9chiqueter, l\u2019entendre se d\u00e9gonfler hurler g\u00e9mir. Tout ce que je ne sais pas faire et que je ne saurai jamais faire : c\u2019est \u00eatre sans faille, lisse et poli comme un beau galet avec lequel<\/p>\n

le vent et l\u2019eau jouent en se d\u00e9chirant, dans le cri de la mouette, la naissance des ruches.<\/p>\n<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Pourquoi pas le silence ?
\nOui tu es froid et blanc sans accroc et sans r\u00eave,<\/p>\n

l\u2019haleine des rivi\u00e8res \u00e0 l\u2019aube embrume tes lointains<\/p>\n

et mon bouchon sur l\u2019onde tremble,<\/p>\n

taquineries des algues<\/p>\n

ici pas de lourd brochet ni de fine ablette<\/p>\n

\u00e0 ferrer<\/p>\n

Pas de ploiement de scion aucune tension de fil<\/p>\n

Juste le long cri de l\u2019hirondelle l\u00e0 haut qui s\u2019appr\u00eate \u00e0 rejoindre<\/p>\n

les vents chauds du sud.<\/p>\n

Alors pourquoi pas le silence<\/p>\n

Total assourdissant comme un arbre qui tombe<\/p>\n

Et laisse derri\u00e8re lui le blanc d\u2019une trou\u00e9e<\/p>\n

Et laisse derri\u00e8re lui l\u2019amiti\u00e9 des racines, la voix de l\u2019\u00e9toile p\u00e2le jusqu\u2019\u00e0 la pierre enfouie.<\/p>\n

Pourquoi pas le silence<\/p>\n

Un chevreuil est pass\u00e9 pr\u00e8s de lui une biche<\/p>\n

Les deux m\u2019ont regard\u00e9<\/p>\n

J\u2019\u00e9tais au bord de dire au bord de leur parler<\/p>\n

quand soudain je ne sais plus je me suis rappel\u00e9<\/p>\n

Pourquoi pas le silence<\/p>\n

Alors je suis rentr\u00e9.<\/p>\n

Puis ceci sur la Dombe :
\nQuand je traverse la Dombe, je guette l\u2019envol des grues, la p\u00e2leur des marais, le bruissement des herbes et tout m\u2019appelle vers toi.<\/p>\n

Garce magnifique, am\u00e8re comme une pinte dont le souvenir reste<\/p>\n

apr\u00e8s qu\u2019on t\u2019ait bais\u00e9e , si peu qu\u2019on t\u2019ait aim\u00e9e\u2026<\/p>\n

« \u00catre vivant, c\u2019est \u00eatre pr\u00eat. Pr\u00eat \u00e0 ce qui peut arriver, dans la jungle des villes et de la journ\u00e9e. D\u2019une pr\u00e9voyance incessamment et subsconciemment ajust\u00e9e. L\u2019\u00e9tat normal, bien loin d\u2019\u00eatre un repos, est une mise sous tension en vue d\u2019efforts \u00e0 fournir\u2026 Mise sous tension si habituelle et inaper\u00e7ue qu\u2019on ne sait comment la faire baisser. L\u2019\u00e9tat normal est un \u00e9tat de pr\u00e9paration, de disposition vers les gouffres »<\/p>\n

« connaissance par les gouffres » Henri Michaux.<\/p>", "content_text": "Plus j\u2019avance en \u00e2ge plus je suis pris d\u2019un vertige quand je pense \u00e0 tout ce que je ne sais pas faire et que probablement je ne ferai sans doute jamais. Je ne piloterai jamais un avion de chasse, je ne jouerai jamais de premier r\u00f4le dans un film d\u2019aventure, je n\u2019\u00e9pouserai pas Marylin Monroe et le souffl\u00e9 au fromage, je le crains, restera \u00e0 tout jamais une \u00e9nigme. En fait, plus je r\u00e9fl\u00e9chis \u00e0 ma vie, plus je me dis que jamais je n\u2019ai rien su faire vraiment de mes dix doigts. Je veux dire par l\u00e0, en y croyant vraiment, car bien sur j\u2019ai fait trente six mille m\u00e9tiers j\u2019ai connu des ma\u00eetresses qui valaient bien Marilyn et j\u2019ai aussi saut\u00e9 en parachute \u00e0 d\u00e9faut de conduire un Mirage. Mais ce n\u2019\u00e9tait toujours que moi comprenez vous ..? Bien sur la mal\u00e9diction de \u00bb l\u2019a quoi bon \u00bb pourrait expliquer en partie une telle inaptitude \u00e0 l\u2019appropriation franche et massive de mes actes pass\u00e9s et dans ce cas sans doute je pourrais me lamenter sur mon sort en me r\u00e9veillant \u00e0 presque 60 ans d\u2019une crise d\u2019adolescence un peu trop prolong\u00e9e. Cependant ce malaise s\u2019envole aussit\u00f4t d\u00e8s que je me retrouve attabl\u00e9 devant vous \u00e0 \u00e9crire ces mots. Se mettre \u00e0 table dans le cadre policier est un aveu, alors soit, puisque j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 d\u2019utiliser ce cadre je vais avouer. Je vais avouer que j\u2019ai toujours pens\u00e9 \u00eatre bien plus malin que les autres pour commencer. Plus malin que mes parents que j\u2019ai regard\u00e9 trimer toute leur vie en cherchant \u00e0 les faire sortir d\u2019eux m\u00eame de nombreuses fois par mes \u00e9carts de conduite r\u00e9p\u00e9t\u00e9s. Je n\u2019avais pas de haine, pas de col\u00e8re, non juste une envie persistante de les voir eux , en tant qu\u2019\u00eatres humains et non comme des st\u00e9r\u00e9otypes de ne je sais quelle feuilleton de s\u00e9rie B. Alors pour cela j\u2019ai utilis\u00e9 de nombreux stratag\u00e8mes, pour commencer envers moi-m\u00eame afin d\u2019oublier le but de mes actes, de mes erreurs, de mes errances. Il fallait que tout soit enfoui au plus profond de moi que je ne m\u2019en souvienne plus. Donc oui j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 de la haine, de la col\u00e8re, oui et j\u2019ai fait largement de mon mieux pour bien comprendre l\u2019entourloupe, le vol et le massacre. Et si cela vous parait contradictoire c\u2019est que vous avez encore pas mal de chemin \u00e0 faire pour \u00eatre vraiment vous. Je veux dire au del\u00e0 de moi. Moi, \u00e9ternel insatisfait tremblant de trouille et de rage. Moi capable de toutes les petitesses pour ne jamais dire je t\u2019aime. Moi hypertrophie des neurones sur pattes Moi gros con attendrissant et d\u00e9sarmant pour mieux vous planter par derriere Moi le salaud, l\u2019horrible, l\u2019insupportable. Ce sale petit gamin qui se cache derri\u00e8re un masque en esp\u00e9rant \u00eatre d\u00e9couvert un jour. Ce petit gar\u00e7on envahit par toute l\u2019ignorance du monde \u00e0 un tel point qu\u2019il s\u2019invente un rasoir de lucidit\u00e9 tranchante pour le d\u00e9couper, le d\u00e9chiqueter, l\u2019entendre se d\u00e9gonfler hurler g\u00e9mir. Tout ce que je ne sais pas faire et que je ne saurai jamais faire : c\u2019est \u00eatre sans faille, lisse et poli comme un beau galet avec lequel le vent et l\u2019eau jouent en se d\u00e9chirant, dans le cri de la mouette, la naissance des ruches. Pourquoi pas le silence ? Oui tu es froid et blanc sans accroc et sans r\u00eave, l\u2019haleine des rivi\u00e8res \u00e0 l\u2019aube embrume tes lointains et mon bouchon sur l\u2019onde tremble, taquineries des algues ici pas de lourd brochet ni de fine ablette \u00e0 ferrer Pas de ploiement de scion aucune tension de fil Juste le long cri de l\u2019hirondelle l\u00e0 haut qui s\u2019appr\u00eate \u00e0 rejoindre les vents chauds du sud. Alors pourquoi pas le silence Total assourdissant comme un arbre qui tombe Et laisse derri\u00e8re lui le blanc d\u2019une trou\u00e9e Et laisse derri\u00e8re lui l\u2019amiti\u00e9 des racines, la voix de l\u2019\u00e9toile p\u00e2le jusqu\u2019\u00e0 la pierre enfouie. Pourquoi pas le silence Un chevreuil est pass\u00e9 pr\u00e8s de lui une biche Les deux m\u2019ont regard\u00e9 J\u2019\u00e9tais au bord de dire au bord de leur parler quand soudain je ne sais plus je me suis rappel\u00e9 Pourquoi pas le silence Alors je suis rentr\u00e9. Puis ceci sur la Dombe: Quand je traverse la Dombe, je guette l\u2019envol des grues, la p\u00e2leur des marais, le bruissement des herbes et tout m\u2019appelle vers toi. Garce magnifique, am\u00e8re comme une pinte dont le souvenir reste apr\u00e8s qu\u2019on t\u2019ait bais\u00e9e , si peu qu\u2019on t\u2019ait aim\u00e9e\u2026 \u00ab \u00catre vivant, c\u2019est \u00eatre pr\u00eat. Pr\u00eat \u00e0 ce qui peut arriver, dans la jungle des villes et de la journ\u00e9e. D\u2019une pr\u00e9voyance incessamment et subsconciemment ajust\u00e9e. L\u2019\u00e9tat normal, bien loin d\u2019\u00eatre un repos, est une mise sous tension en vue d\u2019efforts \u00e0 fournir\u2026 Mise sous tension si habituelle et inaper\u00e7ue qu\u2019on ne sait comment la faire baisser. L\u2019\u00e9tat normal est un \u00e9tat de pr\u00e9paration, de disposition vers les gouffres \u00bb \u00ab connaissance par les gouffres \u00bb Henri Michaux. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/clown.webp?1748065125", "tags": ["\u00e9criture fragmentaire", "Auteurs litt\u00e9raires", "affects"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-decembre-2018.html", "title": "14 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-14T06:18:00Z", "date_modified": "2025-10-19T16:51:09Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Intense mais calme, m\u00e9ditative, continuelle mais pas t\u00eatue, l\u2019intention polarise le sable du chemin sur lequel s’engager. Mieux, l\u2019intention est chemin. Son ennemie pourrait \u00eatre la distraction mais il n\u2019en est rien. On pourait m\u00eame imaginer que celle-ci lui est li\u00e9e ontologiquement. Comme un chauffeur de taxi dans le fond silencieux, mais avis\u00e9, l\u2019intention parlerait de la pluie du beau temps, de la politique, pour mieux reposer le voyageur en elle.<\/p>\n

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div>\n

Puis arrive le mot {revers } \nIl y aurait un endroit o\u00f9 le revers serait annonc\u00e9 par un ensemble de fifres, de hautbois et de couverts dominicaux. Le vin coulerait \u00e0 flots dans des coupes adamantines, en l\u2019honneur du H\u00e9ros , des pages et des gueux qui l\u2019accompagnent. Car le revers a tant de choses \u00e0 dire qu\u2019il se pr\u00e9sente non glorieux mais un tantinet but\u00e9 de prime abord. C\u2019est bien la l\u2019unique raison de le f\u00eater comme on cognerait sur une viande pour l\u2019attendrir. Ainsi, enivr\u00e9 par la louange et la douceur, se mettrait il \u00e0 table. Confiant de par l\u2019attention que lui pr\u00eateraient les convives, il sortirait de sa poche le butin de sa qu\u00eate. C\u2019est bien connu que chaque revers se doit de nous montrer \u00e0 son retour ce qu\u2019il n\u2019a pas atteint. Tout le monde ouvrirait alors de grands yeux et \u00e9videmment le rien deviendrait pour chacun un quelque chose \u00e0 sa mesure. C\u2019est l\u00e0 le g\u00e9nie de tout revers de nous apprendre le plan de table de l\u2019H\u00f4te qui nous convie \u00e0 \u00e9crire ou lire ces quelques lignes.<\/p>\n

\n
\n\n \n\t\tencre de chine représentant vaguement des personnages <\/a>\n
\n\t \n\t
lacedemoniens\n<\/div>\n\t
@PatrickBlanchon\n<\/div>\n<\/figcaption><\/figure>\n<\/div>\n

Suite \u00e0 une panne subite mais certainement providentielle, me voici contraint de ramasser mon propos, n\u2019ayant que mon smartphone pour assouvir mon envie d\u2019\u00e9crire. Et cela me rappelle Villiers de L\u2019Isle-Adam quand il raconte Sparte. {Situ\u00e9e \u00e0 l\u2019extr\u00e9mit\u00e9 Sud du P\u00e9loponn\u00e8se entre la Mess\u00e9nie et l\u2019Argolide se tient Sparte en Laconie.} A Sparte donc le vol est le passage oblig\u00e9 par lequel tout enfant Lac\u00e9d\u00e9monien doit jouer des coudes pour parvenir au regard de ses cong\u00e9n\u00e8res. Andr\u00e9 Gide pr\u00e9cise aussi la raison du pourcentage proche de 0 du nombre d\u2019artistes qu\u2019\u00e0 connu la ville qui pr\u00e9cipitait les gamins ch\u00e9tifs dans des oubliettes.\nEt cela me r\u00e9jouit de comprendre soudain d\u2019o\u00f9 je viens. Si j\u2019\u00e9tais moi je m\u2019applaudirais presque. Mais restons laconiques.<\/p>\n

Un tableau nomm\u00e9 L’\u00e9cuy\u00e8re et un petit po\u00e8me<\/p>\n

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div>\n

Entre ses cuisses douces et chaudes lorsqu\u2019elle chevauche, L\u2019axe des limbes, vers l\u2019oubli, ourdit l\u2019orage<\/p>\n

et des espoirs \u0153uf coup\u00e9 Immobile et vibrant, robuste Energiquement s\u2019\u00e9lance vers les sommets r\u00eav\u00e9s par la plus noire des profondeurs<\/p>\n

Se tient satin inou\u00ef, orange Am\u00e8re l\u2019amie, la mort, la vie.<\/p>", "content_text": " Intense mais calme, m\u00e9ditative, continuelle mais pas t\u00eatue, l\u2019intention polarise le sable du chemin sur lequel s'engager. Mieux, l\u2019intention est chemin. Son ennemie pourrait \u00eatre la distraction mais il n\u2019en est rien. On pourait m\u00eame imaginer que celle-ci lui est li\u00e9e ontologiquement. Comme un chauffeur de taxi dans le fond silencieux, mais avis\u00e9, l\u2019intention parlerait de la pluie du beau temps, de la politique, pour mieux reposer le voyageur en elle. Puis arrive le mot {revers } Il y aurait un endroit o\u00f9 le revers serait annonc\u00e9 par un ensemble de fifres, de hautbois et de couverts dominicaux. Le vin coulerait \u00e0 flots dans des coupes adamantines, en l\u2019honneur du H\u00e9ros , des pages et des gueux qui l\u2019accompagnent. Car le revers a tant de choses \u00e0 dire qu\u2019il se pr\u00e9sente non glorieux mais un tantinet but\u00e9 de prime abord. C\u2019est bien la l\u2019unique raison de le f\u00eater comme on cognerait sur une viande pour l\u2019attendrir. Ainsi, enivr\u00e9 par la louange et la douceur, se mettrait il \u00e0 table. Confiant de par l\u2019attention que lui pr\u00eateraient les convives, il sortirait de sa poche le butin de sa qu\u00eate. C\u2019est bien connu que chaque revers se doit de nous montrer \u00e0 son retour ce qu\u2019il n\u2019a pas atteint. Tout le monde ouvrirait alors de grands yeux et \u00e9videmment le rien deviendrait pour chacun un quelque chose \u00e0 sa mesure. C\u2019est l\u00e0 le g\u00e9nie de tout revers de nous apprendre le plan de table de l\u2019H\u00f4te qui nous convie \u00e0 \u00e9crire ou lire ces quelques lignes. Suite \u00e0 une panne subite mais certainement providentielle, me voici contraint de ramasser mon propos, n\u2019ayant que mon smartphone pour assouvir mon envie d\u2019\u00e9crire. Et cela me rappelle Villiers de L\u2019Isle-Adam quand il raconte Sparte. {Situ\u00e9e \u00e0 l\u2019extr\u00e9mit\u00e9 Sud du P\u00e9loponn\u00e8se entre la Mess\u00e9nie et l\u2019Argolide se tient Sparte en Laconie.} A Sparte donc le vol est le passage oblig\u00e9 par lequel tout enfant Lac\u00e9d\u00e9monien doit jouer des coudes pour parvenir au regard de ses cong\u00e9n\u00e8res. Andr\u00e9 Gide pr\u00e9cise aussi la raison du pourcentage proche de 0 du nombre d\u2019artistes qu\u2019\u00e0 connu la ville qui pr\u00e9cipitait les gamins ch\u00e9tifs dans des oubliettes. Et cela me r\u00e9jouit de comprendre soudain d\u2019o\u00f9 je viens. Si j\u2019\u00e9tais moi je m\u2019applaudirais presque. Mais restons laconiques. Un tableau nomm\u00e9 L'\u00e9cuy\u00e8re et un petit po\u00e8me Entre ses cuisses douces et chaudes lorsqu\u2019elle chevauche, L\u2019axe des limbes, vers l\u2019oubli, ourdit l\u2019orage et des espoirs \u0153uf coup\u00e9 Immobile et vibrant, robuste Energiquement s\u2019\u00e9lance vers les sommets r\u00eav\u00e9s par la plus noire des profondeurs Se tient satin inou\u00ef, orange Am\u00e8re l\u2019amie, la mort, la vie. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/77ccc6ce-6fd1-42e5-a473-7a027454d83c.webp?1748065183", "tags": ["Auteurs litt\u00e9raires", "id\u00e9es"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-decembre-2018.html", "title": "12 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-12T05:46:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Ce mot provient du persan, du nom d\u2019un math\u00e9maticien du XI \u00e8me si\u00e8cle, Al-Khw\u00e2rizm\u00ee,n\u00e9 dans les ann\u00e9es 780 dans une r\u00e9gion de l\u2019Ouzb\u00e9kistan nomm\u00e9e Khwarezm. Ses \u00e9crits, la plupart du temps r\u00e9dig\u00e9s en langue arabe furent traduits en latin au XII \u00e8me si\u00e8cle et permirent ainsi l\u2019introduction de l\u2019alg\u00e8bre en Europe.<\/p>\n

Le bonhomme, math\u00e9maticien, g\u00e9ographe, astronome et astrologue prodigua ses services, et probablement son enseignement dans l\u2019 une des « maisons de la sagesse » qui fleurissait dans le nouveau souffle d\u2019un nouveau monde , le temps du califat Abasside.<\/p>\n

Muhammad Ibn Musa al-Khw\u00e2rizmi exer\u00e7ait son art quant \u00e0 lui \u00e0 Bagdad.<\/p>\n

Fond\u00e9e en 762 apr\u00e8s la bataille du grand Zab contre les Omeyades , Bagdad tirerait son nom du persan (donn\u00e9e par Dieu) et c\u2019est la toute jeune capitale du monde Arabe qui dardera ses rayons pendant environ 500 ans dur\u00e9e approximative de la dynastie Abasside.<\/p>\n

Le calife Al Mansour, est en effet tr\u00e8s influenc\u00e9 par la culture persane et d\u00e9sire donc d\u00e9placer l\u2019attention du monde depuis l\u2019ancien Damas en Syrie ( La ville du Jasmin ) qui \u00e9tait la capitale administrative d\u2019une province de l\u2019empire Ottoman. Damas entretient des liens \u00e9tymologiques avec »sham », on retrouve ainsi cette \u00e9tymologie dans la province de Sham, le pays de Sham mais aussi dans le mot cham qui d\u00e9signe la gauche lorsqu\u2019on se tourne vers l\u2019orient, \u00e0 contrario du sud, le Yemen . Damas, est une \u00e9volution abr\u00e9g\u00e9e sans doute de la locution Dimachq al sham. (arabe)<\/p>\n

Dans ses maisons de sagesse , l\u2019attention est port\u00e9e sur des traductions de textes concernant les math\u00e9matiques,discipline peut-\u00eatre voire surement tir\u00e9e de l\u2019\u00e9tude des cosmogonies, branche de l\u2019astrophysique qui a pour but d\u2019\u00e9tudier l\u2019origine, la nature, la structure et l\u2019\u00e9volution de l\u2019univers, mais \u00e9galement sur l\u2019histoire, la g\u00e9ographie, la philosophie, et la po\u00e9sie tant, pour les savants de cette \u00e9poque, universalistes, des connections \u00e9videntes s\u2019effectuent encore entre toutes ces disciplines.<\/p>\n

Mais revenons \u00e0 cette notion d\u2019algorithme.<\/p>\n

Un algorithme est donc une sorte de panac\u00e9e apte, sinon \u00e0 trouver un rem\u00e8de \u00e0 tous les maux, \u00e0 r\u00e9soudre d\u2019une mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale une quantit\u00e9 importante de probl\u00e8mes donn\u00e9s. Comprenez qu\u2019il faille les pr\u00e9ciser, c\u2019est \u00e0 dire les couper en instances, de la m\u00eame mani\u00e8re qu\u2019on couperait les cheveux en quatre.<\/p>\n

C\u2019est que pour r\u00e9soudre un probl\u00e8me nous avons pris l\u2019habitude de le d\u00e9couper. Ici ce qui m\u2019importe ce n\u2019est pas le probl\u00e8me mais le mot « r\u00e9soudre » qui poss\u00e8de le triple sens de d\u00e9cider ( je me r\u00e9sous \u00e0 r\u00e9sumer mon propos ) mais aussi » d\u00e9composer » dans le sens de faire passer un corps d\u2019un \u00e9tat \u00e0 un autre. Et enfin « trouver » la solution \u00e0 un probl\u00e8me.<\/p>\n

Comme Picasso par exemple qui pour r\u00e9soudre le probl\u00e8me du sujet se mit \u00e0 le trouver dans la ligne plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 le chercher dans les m\u00e9andres de son esprit.<\/p>\n

C\u2019est la version « mystique » en quelque sorte, tout droit issue du monde Soufiste et en ce sens je reviens un peu \u00e0 l\u2019origine de mon propos de d\u00e9part, cette relation secr\u00e8te entre l\u2019 algorithme et l\u2019un de mes po\u00e8tes pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 :
\nOmar Khayy\u00e2m. qui v\u00e9cu dans le milieu de la p\u00e9riode Abasside ( 1048-1131).<\/p>\n

A cette \u00e9poque l\u2019Afghanistan s\u2019appelle encore le Khorassan et Omar passe une partie de son enfance \u00e0 Bahli puis s\u2019\u00e9tablit \u00e0 Nishapur. Entre temps on le retrouve \u00e0 Ispahan pour organiser la r\u00e9forme du calendrier solaire durant 5 ann\u00e9es durant lesquelles il s\u2019occupera d\u2019observations astronomiques en m\u00eame temps que d\u2019\u00e9laborer son oeuvre po\u00e9tique et fr\u00e9quenter les tavernes.<\/p>\n

Comme il risque la disgr\u00e2ce apr\u00e8s la mort du sultan M\u0101liksh\u0101h pour \u00eatre all\u00e9 un peu loin avec ses po\u00e8mes, il alla faire un tour \u00e0 la Mecque et tout rentrera dans l\u2019ordre pour mon plus grand bonheur car ainsi il continuera \u00e0 \u00e9crire ses quatrains et moi de les lire comme des mantra.<\/p>\n<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le nom de Khayy\u00e2m indique que probablement son p\u00e8re \u00e9tait fabriquant de tentes. Mais sous une autre lecture, selon un syst\u00e8me \u00e9sot\u00e9rique que l\u2019on appelle le systeme abjad, Kayy\u00e2m deviendrait al-Ghaqi : « le dissipateur de biens. »expression qui dans la terminologie soufie est attribu\u00e9e \u00e0 « celui qui distribue ou ignore les biens du monde constituant un fardeau dans le voyage qu\u2019il entreprend sur le sentier soufi » .d\u2019apr\u00e8s Omar Ali-Shah.<\/p>\n

« Khayyam, qui cousait les tentes de l\u2019intelligence,
\nDans une forge de souffrances tomba, subitement br\u00fbla ;
\nDes ciseaux coup\u00e8rent les attaches de la tente de sa vie ;
\nLe brocanteur de destins le mit en vente contre du vent »<\/p>\n

(Omar Khayyam (trad. Armand Robin), Rubayat, Po\u00e9sie\/Gallimard)<\/p>\n

La difficult\u00e9 du traitement de l\u2019information en tant que probl\u00e8me, instance c\u2019est sa susceptibilit\u00e9 face \u00e0 la croissance ou l\u2019inflation , c\u2019est \u00e0 dire comment interagir de fa\u00e7on \u00e9lastique, souple dans une forme donn\u00e9e lorsque celle-ci subit la pression ou la d\u00e9pression de ce qui la constitue .<\/p>\n

Quel est le filtre ou le crit\u00e8re majeur qui perp\u00e9tuera son \u00e9cologie en le faisant cro\u00eetre sans l\u2019exploser ..?<\/p>\n

Ce qu\u2019il convient de comprendre c\u2019est qu\u2019il faut un filtre. Peu importe lequel. Ce dernier est un ensemble de variables \u00e0 ajuster selon le client qui paie dans le monde de l\u2019avoir .<\/p>\n

Dans le monde de l\u2019art ce filtre, il se pourrait que ce fut longtemps la beaut\u00e9, pour des raisons de volum\u00e9trie ( la plus-value est plus longue \u00e0 obtenir et inclut le param\u00e8tre de post\u00e9rit\u00e9) .<\/p>\n

Quant au monde de l\u2019Etre si l\u2019on cherche la plus haute qualit\u00e9 mieux vaut aller au simple et ne conserver qu\u2019un filtre de justesse.<\/p>\n

« Au printemps, je vais quelques fois m\u2019asseoir \u00e0 la lisi\u00e8re d\u2019un champ fleuri.
\nLorsqu\u2019une belle jeune fille m\u2019apporte une coupe de vin, je ne pense gu\u00e8re \u00e0 mon salut.
\nSi j\u2019avais cette pr\u00e9occupation, je vaudrais moins qu\u2019un chien. »<\/p>\n

Omar Kayy\u00e2m<\/p>\n

Un peu plus tard dans la journ\u00e9e ...
\nPour cette fois c\u2019est vers le mot anglais readiness que je dirigerais mes pas \u00e9cartant dans un m\u00eame temps les mots alicrity et enthusiasm. Ces derniers contenant une aura d\u2019avidit\u00e9 pragmatique ou mystique qui ne sied pas \u00e0 mon propos.<\/p>\n

Readiness, de readi ou ready \u00eatre pr\u00eat..me propose plus une connection intime \u00e0 l\u2019instant et l\u2019ajout du suffixe ness marquant en outre une notion de qualit\u00e9 me convient dans ce contexte encore mieux.<\/p>\n

Aussi loin que remontent mes souvenirs j\u2019ai toujours fait preuve d\u2019empressement donc, de readiness.<\/p>\n

Que ce soit sur le chemin de l\u2019\u00e9cole, accompagn\u00e9 de mon p\u00e8re, je m\u2019empressais de saluer toutes les personnes rencontr\u00e9es en ressentant un trouble au cas ou je puisse en omettre la plus petite la plus insignifiante.<\/p>\n

Cet \u00e9tat, \u00e0 la fois de gr\u00e2ce et d\u2019obligation contraignante tout de m\u00eame ,s\u2019acheva lorsqu\u2019un matin, mon p\u00e8re n\u2019y tenant plus me demanda si je connaissais tous ces gens que je saluais de bon c\u0153ur.<\/p>\n

Malgr\u00e9 tout ma bonne volont\u00e9 je dus me r\u00e9soudre \u00e0 r\u00e9pondre par la n\u00e9gative ce qui occasionna deux choses :<\/p>\n

Les rides que mon p\u00e8re portait au front se renforc\u00e8rent et je crois qu\u2019il abandonna d\u00e9finitivement l\u2019id\u00e9e d\u2019\u00eatre l\u2019auteur d\u2019un g\u00e9nie.<\/p>\n

Ce qui aurait pu nous soulager tous les deux d\u2019un poids et nous rassembler une bonne fois pour toutes comme un p\u00e8re et un fils dans un magnifique sourire.<\/p>\n

Mais la providence ou peut-\u00eatre le crachin qui commen\u00e7ait \u00e0 tomber pendant que je vous raconte ce moment, entrava cette possibilit\u00e9 naissance et elle avorta dans l\u2019\u0153uf.<\/p>\n

Permettez cependant que j\u2019y revienne. A cet empressement.<\/p>\n

Car malgr\u00e9 tous les tourments, toutes les claques, tous les rires, tous les dos tourn\u00e9s qu\u2019il provoqua je parvins \u00e0 ma maintenir vivant suffisamment longtemps pour me sentir apte \u00e0 en parler.<\/p>\n

Parall\u00e8lement, mon p\u00e8re, toujours lui, avait sur son bureau une petite sculpture en laiton ou en cuivre repr\u00e9sentant les 3 singes, celui qui ne dit, ni n\u2019entends, ni ne voit.<\/p>\n

Ce symbole de la retenue magistrale, d\u2019une pudeur g\u00e9n\u00e9tique m\u2019intrigua longtemps avant que je ne comprenne qu\u2019il s\u2019agisse d\u2019un embl\u00e8me.<\/p>\n

Celui l\u00e0 m\u00eame semble t\u2019il \u00e0 opposer \u00e0 tout empressement.<\/p>\n

Il en r\u00e9sulta entre mon p\u00e8re et moi un tr\u00e8s long quiproquo qui ne s\u2019acheva et songeais je encore avant d\u2019\u00e9crire ses lignes qu\u2019\u00e0 sa mort.<\/p>\n

Il n\u2019en fut pas tout \u00e0 fait comme cela.<\/p>\n

Car depuis que je m\u2019empresse envers la moindre personne, je ne peux m\u2019emp\u00eacher concomitamment d\u2019apercevoir dans les yeux de celle ci d\u00e9sormais un regard aussi myst\u00e9rieux que simiesque et entendre le rire tonitruant de mon paternel.<\/p>", "content_text": "Ce mot provient du persan, du nom d\u2019un math\u00e9maticien du XI \u00e8me si\u00e8cle, Al-Khw\u00e2rizm\u00ee,n\u00e9 dans les ann\u00e9es 780 dans une r\u00e9gion de l\u2019Ouzb\u00e9kistan nomm\u00e9e Khwarezm. Ses \u00e9crits, la plupart du temps r\u00e9dig\u00e9s en langue arabe furent traduits en latin au XII \u00e8me si\u00e8cle et permirent ainsi l\u2019introduction de l\u2019alg\u00e8bre en Europe. Le bonhomme, math\u00e9maticien, g\u00e9ographe, astronome et astrologue prodigua ses services, et probablement son enseignement dans l\u2019 une des \u00ab maisons de la sagesse \u00bb qui fleurissait dans le nouveau souffle d\u2019un nouveau monde , le temps du califat Abasside. Muhammad Ibn Musa al-Khw\u00e2rizmi exer\u00e7ait son art quant \u00e0 lui \u00e0 Bagdad. Fond\u00e9e en 762 apr\u00e8s la bataille du grand Zab contre les Omeyades , Bagdad tirerait son nom du persan (donn\u00e9e par Dieu) et c\u2019est la toute jeune capitale du monde Arabe qui dardera ses rayons pendant environ 500 ans dur\u00e9e approximative de la dynastie Abasside. Le calife Al Mansour, est en effet tr\u00e8s influenc\u00e9 par la culture persane et d\u00e9sire donc d\u00e9placer l\u2019attention du monde depuis l\u2019ancien Damas en Syrie ( La ville du Jasmin ) qui \u00e9tait la capitale administrative d\u2019une province de l\u2019empire Ottoman. Damas entretient des liens \u00e9tymologiques avec \u00bbsham \u00bb, on retrouve ainsi cette \u00e9tymologie dans la province de Sham, le pays de Sham mais aussi dans le mot cham qui d\u00e9signe la gauche lorsqu\u2019on se tourne vers l\u2019orient, \u00e0 contrario du sud, le Yemen . Damas, est une \u00e9volution abr\u00e9g\u00e9e sans doute de la locution Dimachq al sham. (arabe) Dans ses maisons de sagesse , l\u2019attention est port\u00e9e sur des traductions de textes concernant les math\u00e9matiques,discipline peut-\u00eatre voire surement tir\u00e9e de l\u2019\u00e9tude des cosmogonies, branche de l\u2019astrophysique qui a pour but d\u2019\u00e9tudier l\u2019origine, la nature, la structure et l\u2019\u00e9volution de l\u2019univers, mais \u00e9galement sur l\u2019histoire, la g\u00e9ographie, la philosophie, et la po\u00e9sie tant, pour les savants de cette \u00e9poque, universalistes, des connections \u00e9videntes s\u2019effectuent encore entre toutes ces disciplines. Mais revenons \u00e0 cette notion d\u2019algorithme. Un algorithme est donc une sorte de panac\u00e9e apte, sinon \u00e0 trouver un rem\u00e8de \u00e0 tous les maux, \u00e0 r\u00e9soudre d\u2019une mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale une quantit\u00e9 importante de probl\u00e8mes donn\u00e9s. Comprenez qu\u2019il faille les pr\u00e9ciser, c\u2019est \u00e0 dire les couper en instances, de la m\u00eame mani\u00e8re qu\u2019on couperait les cheveux en quatre. C\u2019est que pour r\u00e9soudre un probl\u00e8me nous avons pris l\u2019habitude de le d\u00e9couper. Ici ce qui m\u2019importe ce n\u2019est pas le probl\u00e8me mais le mot \u00ab r\u00e9soudre \u00bb qui poss\u00e8de le triple sens de d\u00e9cider ( je me r\u00e9sous \u00e0 r\u00e9sumer mon propos ) mais aussi \u00bb d\u00e9composer \u00bb dans le sens de faire passer un corps d\u2019un \u00e9tat \u00e0 un autre. Et enfin \u00ab trouver \u00bb la solution \u00e0 un probl\u00e8me. Comme Picasso par exemple qui pour r\u00e9soudre le probl\u00e8me du sujet se mit \u00e0 le trouver dans la ligne plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 le chercher dans les m\u00e9andres de son esprit. C\u2019est la version \u00ab mystique \u00bb en quelque sorte, tout droit issue du monde Soufiste et en ce sens je reviens un peu \u00e0 l\u2019origine de mon propos de d\u00e9part, cette relation secr\u00e8te entre l\u2019 algorithme et l\u2019un de mes po\u00e8tes pr\u00e9f\u00e9r\u00e9: Omar Khayy\u00e2m. qui v\u00e9cu dans le milieu de la p\u00e9riode Abasside ( 1048-1131). A cette \u00e9poque l\u2019Afghanistan s\u2019appelle encore le Khorassan et Omar passe une partie de son enfance \u00e0 Bahli puis s\u2019\u00e9tablit \u00e0 Nishapur. Entre temps on le retrouve \u00e0 Ispahan pour organiser la r\u00e9forme du calendrier solaire durant 5 ann\u00e9es durant lesquelles il s\u2019occupera d\u2019observations astronomiques en m\u00eame temps que d\u2019\u00e9laborer son oeuvre po\u00e9tique et fr\u00e9quenter les tavernes. Comme il risque la disgr\u00e2ce apr\u00e8s la mort du sultan M\u0101liksh\u0101h pour \u00eatre all\u00e9 un peu loin avec ses po\u00e8mes, il alla faire un tour \u00e0 la Mecque et tout rentrera dans l\u2019ordre pour mon plus grand bonheur car ainsi il continuera \u00e0 \u00e9crire ses quatrains et moi de les lire comme des mantra. Le nom de Khayy\u00e2m indique que probablement son p\u00e8re \u00e9tait fabriquant de tentes. Mais sous une autre lecture, selon un syst\u00e8me \u00e9sot\u00e9rique que l\u2019on appelle le systeme abjad, Kayy\u00e2m deviendrait al-Ghaqi : \u00ab le dissipateur de biens. \u00bbexpression qui dans la terminologie soufie est attribu\u00e9e \u00e0 \u00ab celui qui distribue ou ignore les biens du monde constituant un fardeau dans le voyage qu\u2019il entreprend sur le sentier soufi \u00bb .d\u2019apr\u00e8s Omar Ali-Shah. \u00ab Khayyam, qui cousait les tentes de l\u2019intelligence, Dans une forge de souffrances tomba, subitement br\u00fbla ; Des ciseaux coup\u00e8rent les attaches de la tente de sa vie ; Le brocanteur de destins le mit en vente contre du vent \u00bb (Omar Khayyam (trad. Armand Robin), Rubayat, Po\u00e9sie\/Gallimard) La difficult\u00e9 du traitement de l\u2019information en tant que probl\u00e8me, instance c\u2019est sa susceptibilit\u00e9 face \u00e0 la croissance ou l\u2019inflation , c\u2019est \u00e0 dire comment interagir de fa\u00e7on \u00e9lastique, souple dans une forme donn\u00e9e lorsque celle-ci subit la pression ou la d\u00e9pression de ce qui la constitue . Quel est le filtre ou le crit\u00e8re majeur qui perp\u00e9tuera son \u00e9cologie en le faisant cro\u00eetre sans l\u2019exploser ..? Ce qu\u2019il convient de comprendre c\u2019est qu\u2019il faut un filtre. Peu importe lequel. Ce dernier est un ensemble de variables \u00e0 ajuster selon le client qui paie dans le monde de l\u2019avoir . Dans le monde de l\u2019art ce filtre, il se pourrait que ce fut longtemps la beaut\u00e9, pour des raisons de volum\u00e9trie ( la plus-value est plus longue \u00e0 obtenir et inclut le param\u00e8tre de post\u00e9rit\u00e9) . Quant au monde de l\u2019Etre si l\u2019on cherche la plus haute qualit\u00e9 mieux vaut aller au simple et ne conserver qu\u2019un filtre de justesse. \u00ab Au printemps, je vais quelques fois m\u2019asseoir \u00e0 la lisi\u00e8re d\u2019un champ fleuri. Lorsqu\u2019une belle jeune fille m\u2019apporte une coupe de vin, je ne pense gu\u00e8re \u00e0 mon salut. Si j\u2019avais cette pr\u00e9occupation, je vaudrais moins qu\u2019un chien. \u00bb Omar Kayy\u00e2m Un peu plus tard dans la journ\u00e9e ... Pour cette fois c\u2019est vers le mot anglais readiness que je dirigerais mes pas \u00e9cartant dans un m\u00eame temps les mots alicrity et enthusiasm. Ces derniers contenant une aura d\u2019avidit\u00e9 pragmatique ou mystique qui ne sied pas \u00e0 mon propos. Readiness, de readi ou ready \u00eatre pr\u00eat..me propose plus une connection intime \u00e0 l\u2019instant et l\u2019ajout du suffixe ness marquant en outre une notion de qualit\u00e9 me convient dans ce contexte encore mieux. Aussi loin que remontent mes souvenirs j\u2019ai toujours fait preuve d\u2019empressement donc, de readiness. Que ce soit sur le chemin de l\u2019\u00e9cole, accompagn\u00e9 de mon p\u00e8re, je m\u2019empressais de saluer toutes les personnes rencontr\u00e9es en ressentant un trouble au cas ou je puisse en omettre la plus petite la plus insignifiante. Cet \u00e9tat, \u00e0 la fois de gr\u00e2ce et d\u2019obligation contraignante tout de m\u00eame ,s\u2019acheva lorsqu\u2019un matin, mon p\u00e8re n\u2019y tenant plus me demanda si je connaissais tous ces gens que je saluais de bon c\u0153ur. Malgr\u00e9 tout ma bonne volont\u00e9 je dus me r\u00e9soudre \u00e0 r\u00e9pondre par la n\u00e9gative ce qui occasionna deux choses: Les rides que mon p\u00e8re portait au front se renforc\u00e8rent et je crois qu\u2019il abandonna d\u00e9finitivement l\u2019id\u00e9e d\u2019\u00eatre l\u2019auteur d\u2019un g\u00e9nie. Ce qui aurait pu nous soulager tous les deux d\u2019un poids et nous rassembler une bonne fois pour toutes comme un p\u00e8re et un fils dans un magnifique sourire. Mais la providence ou peut-\u00eatre le crachin qui commen\u00e7ait \u00e0 tomber pendant que je vous raconte ce moment, entrava cette possibilit\u00e9 naissance et elle avorta dans l\u2019\u0153uf. Permettez cependant que j\u2019y revienne. A cet empressement. Car malgr\u00e9 tous les tourments, toutes les claques, tous les rires, tous les dos tourn\u00e9s qu\u2019il provoqua je parvins \u00e0 ma maintenir vivant suffisamment longtemps pour me sentir apte \u00e0 en parler. Parall\u00e8lement, mon p\u00e8re, toujours lui, avait sur son bureau une petite sculpture en laiton ou en cuivre repr\u00e9sentant les 3 singes, celui qui ne dit, ni n\u2019entends, ni ne voit. Ce symbole de la retenue magistrale, d\u2019une pudeur g\u00e9n\u00e9tique m\u2019intrigua longtemps avant que je ne comprenne qu\u2019il s\u2019agisse d\u2019un embl\u00e8me. Celui l\u00e0 m\u00eame semble t\u2019il \u00e0 opposer \u00e0 tout empressement. Il en r\u00e9sulta entre mon p\u00e8re et moi un tr\u00e8s long quiproquo qui ne s\u2019acheva et songeais je encore avant d\u2019\u00e9crire ses lignes qu\u2019\u00e0 sa mort. Il n\u2019en fut pas tout \u00e0 fait comme cela. Car depuis que je m\u2019empresse envers la moindre personne, je ne peux m\u2019emp\u00eacher concomitamment d\u2019apercevoir dans les yeux de celle ci d\u00e9sormais un regard aussi myst\u00e9rieux que simiesque et entendre le rire tonitruant de mon paternel. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_9832.webp?1748065104", "tags": ["Technologies et Postmodernit\u00e9"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-decembre_2-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-decembre_2-2018.html", "title": "10 d\u00e9cembre_2 2018", "date_published": "2018-12-10T07:16:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n
\n\t
Autoportrait en rouge\n<\/strong><\/div>\n\t \n\t
@PatrickBlanchon\n<\/div>\n<\/figcaption><\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Dans le livre : « Le chemin des nuages blancs » \u00e9crit par le lama Anagarika Govinda , un allemand convertit au bouddhisme tib\u00e9tain et qui v\u00e9cut 30 ans en Inde du Nord, il y a un passage dans lequel il parle d\u2019un vieux moine qui entretient le temple o\u00f9 il a trouv\u00e9 refuge.<\/p>\n

C\u2019est un tr\u00e8s vieil homme qui re\u00e7oit apparemment une petite pension de la part de la confr\u00e9rie des moines et l\u2019auteur comprend qu\u2019il reverse presque tout l\u2019argent \u00e0 l\u2019entretien du Temple. Pour vivre le vieil homme ne conserve qu\u2019une natte et un bol.<\/p>\n

Il continue ensuite la description du vieux moine par petites touches, comme celle dans laquelle il \u00e9voque la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 de celui-ci quand, il lui propose de boire un breuvage d\u00e9gouttant m\u00e9lange de th\u00e9 et de beurre clarifi\u00e9 mais dont le prix est tout de m\u00eame co\u00fbteux pour le vieux qui ne roule pas sur l\u2019or on l\u2019a compris.<\/p>\n

Puis il encha\u00eene sur l\u2019occupation du temps de celui ci qui ,dit-il ,ne reste jamais inactif. On le voit alors enfiler des chaussons pour briquer chaque dalle du temple, nettoyer les bols \u00e0 offrandes, changer les chandelles consomm\u00e9es et en replacer de nouvelles\u2026 bref un emploi du temps charg\u00e9 mais qu\u2019il r\u00e9alise simplement, dans une sorte de pri\u00e8re continuelle.<\/p>\n

Ensuite l\u2019auteur parle de la puissance des mantras que lui enseigne le vieux et il explique que ces pri\u00e8res parl\u00e9es, ces sons s\u2019adressent \u00e0 la partie la plus profonde des \u00eatres et non \u00e0 leur mental ou \u00e0 leurs sentiments.<\/p>\n

Cela m\u2019a donn\u00e9 encore de quoi r\u00e9fl\u00e9chir durant mes nuits d\u2019insomnie que j\u2019occupe \u00e0 classer mes toiles, balayer mon atelier, et bien sur mettre de l\u2019ordre dans mes pens\u00e9es en \u00e9crivant.<\/p>\n

Evidemment que c\u2019est d\u2019une limpidit\u00e9 et d\u2019une simplicit\u00e9 inou\u00efe.Si l\u2019on consid\u00e9rait que tout ce que l\u2019on touche, regarde, mange, boit \u00e9tait vraiment une manifestation du divin ou de l\u2019univers, si on accordait notre esprit, notre c\u0153ur \u00e0 cette \u00e9vidence magistrale, alors la vie serait simple tellement simple que j\u2019ai bien peur de ne pouvoir soutenir encore cette simplicit\u00e9 pour le moment.<\/p>\n

Mais attendons un peu, apr\u00e8s tout je ne suis pas encore si vieux que de n\u2019avoir d\u2019autre choix que de l\u2019accepter enfin.<\/p>", "content_text": " Dans le livre : \u00ab Le chemin des nuages blancs \u00bb \u00e9crit par le lama Anagarika Govinda , un allemand convertit au bouddhisme tib\u00e9tain et qui v\u00e9cut 30 ans en Inde du Nord, il y a un passage dans lequel il parle d\u2019un vieux moine qui entretient le temple o\u00f9 il a trouv\u00e9 refuge. C\u2019est un tr\u00e8s vieil homme qui re\u00e7oit apparemment une petite pension de la part de la confr\u00e9rie des moines et l\u2019auteur comprend qu\u2019il reverse presque tout l\u2019argent \u00e0 l\u2019entretien du Temple. Pour vivre le vieil homme ne conserve qu\u2019une natte et un bol. Il continue ensuite la description du vieux moine par petites touches, comme celle dans laquelle il \u00e9voque la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 de celui-ci quand, il lui propose de boire un breuvage d\u00e9gouttant m\u00e9lange de th\u00e9 et de beurre clarifi\u00e9 mais dont le prix est tout de m\u00eame co\u00fbteux pour le vieux qui ne roule pas sur l\u2019or on l\u2019a compris. Puis il encha\u00eene sur l\u2019occupation du temps de celui ci qui ,dit-il ,ne reste jamais inactif. On le voit alors enfiler des chaussons pour briquer chaque dalle du temple, nettoyer les bols \u00e0 offrandes, changer les chandelles consomm\u00e9es et en replacer de nouvelles\u2026 bref un emploi du temps charg\u00e9 mais qu\u2019il r\u00e9alise simplement, dans une sorte de pri\u00e8re continuelle. Ensuite l\u2019auteur parle de la puissance des mantras que lui enseigne le vieux et il explique que ces pri\u00e8res parl\u00e9es, ces sons s\u2019adressent \u00e0 la partie la plus profonde des \u00eatres et non \u00e0 leur mental ou \u00e0 leurs sentiments. Cela m\u2019a donn\u00e9 encore de quoi r\u00e9fl\u00e9chir durant mes nuits d\u2019insomnie que j\u2019occupe \u00e0 classer mes toiles, balayer mon atelier, et bien sur mettre de l\u2019ordre dans mes pens\u00e9es en \u00e9crivant. Evidemment que c\u2019est d\u2019une limpidit\u00e9 et d\u2019une simplicit\u00e9 inou\u00efe.Si l\u2019on consid\u00e9rait que tout ce que l\u2019on touche, regarde, mange, boit \u00e9tait vraiment une manifestation du divin ou de l\u2019univers, si on accordait notre esprit, notre c\u0153ur \u00e0 cette \u00e9vidence magistrale, alors la vie serait simple tellement simple que j\u2019ai bien peur de ne pouvoir soutenir encore cette simplicit\u00e9 pour le moment. Mais attendons un peu, apr\u00e8s tout je ne suis pas encore si vieux que de n\u2019avoir d\u2019autre choix que de l\u2019accepter enfin. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/autoportrait-en-rouge.webp?1748065182", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-decembre-2018.html", "title": "10 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-10T07:07:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Parmi la toile, le pinceau, la peinture et le peintre, quel \u00e9l\u00e9ment pourrait le mieux \u00e9voquer l’id\u00e9e du cheval sauvage qu’il faut dresser pour pouvoir le monter et le diriger ? Faut-il l’\u00e9puiser ou, au contraire, le juguler ?
\nCette question sert de m\u00e9taphore \u00e0 la pulsion, ces forces qui r\u00e9sident au plus profond de chacun et que la famille, l’\u00e9cole, la religion, puis plus tard l’entreprise et enfin le gouvernement tentent, sinon de contr\u00f4ler, du moins de juguler pour pr\u00e9server le « savoir-vivre », \u00e9vitant ainsi les conflits violents et permettant la p\u00e9rennit\u00e9 de l’esp\u00e8ce, du mod\u00e8le \u00e9conomique et politique.
\nL’histoire montre cependant que cette approche est imparfaite. Les soci\u00e9t\u00e9s tendent \u00e0 marginaliser les ph\u00e9nom\u00e8nes p\u00e9riph\u00e9riques g\u00eanants, comme l’exclusion des forgerons des villages ou la pers\u00e9cution des druides, sorci\u00e8res, et divers groupes religieux ou sociaux.
\nLe premier niveau d’\u00e9volution d’une personne ou d’une soci\u00e9t\u00e9 concerne la gestion des pulsions pour maintenir un \u00e9quilibre \u00e9cologique global. L’opposition entre « \u00e9puiser » et « juguler » prend ici tout son sens, utilisant la strat\u00e9gie des vases communicants pour cr\u00e9er des zones d’expression vari\u00e9es, esp\u00e9rant une coexistence pacifique.
\nN\u00e9anmoins, la remise en question de ces syst\u00e8mes peut conduire \u00e0 l’exclusion ou \u00e0 la marginalisation de ceux qui les critiquent. Lorsque les individus ou les pratiques consid\u00e9r\u00e9s comme marginaux deviennent majoritaires, cela signale l’\u00e9chec des institutions traditionnelles, annon\u00e7ant potentiellement la fin d’un monde.
\nEn revenant \u00e0 la m\u00e9taphore de la pulsion et du cheval, le conditionnement appara\u00eet comme un moyen de g\u00e9rer les r\u00e9actions anarchiques des pulsions. Dans le dressage \u00e9questre, cela se traduit par des approches de renforcement positif ou n\u00e9gatif, refl\u00e9tant davantage la perspective du dresseur que celle du cheval, qui interpr\u00e8te ces m\u00e9thodes en termes de confort ou d’inconfort.
\nLes chevaux, capables de lire le langage corporel de leur dresseur, illustrent que la compr\u00e9hension et la r\u00e9action aux intentions sont possibles au-del\u00e0 des commandes explicites. Cette id\u00e9e s’\u00e9tend \u00e0 la perception publique des contradictions dans le discours des leaders, soulignant les limites du conditionnement.
\nEn peinture, apr\u00e8s avoir travers\u00e9 les conditionnements de l’apprentissage acad\u00e9mique et confront\u00e9 \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 du march\u00e9 de l’art, le peintre est face \u00e0 un choix : suivre sa propre voie ou se conformer aux attentes ext\u00e9rieures. Ce moment de d\u00e9cision peut amener \u00e0 une pulsion cr\u00e9ative renouvel\u00e9e, invitant \u00e0 \u00e9couter les voix int\u00e9rieures et ext\u00e9rieures, fusionnant les inspirations de la terre et du ciel sur la toile.<\/p>", "content_text": " Parmi la toile, le pinceau, la peinture et le peintre, quel \u00e9l\u00e9ment pourrait le mieux \u00e9voquer l'id\u00e9e du cheval sauvage qu'il faut dresser pour pouvoir le monter et le diriger? Faut-il l'\u00e9puiser ou, au contraire, le juguler? Cette question sert de m\u00e9taphore \u00e0 la pulsion, ces forces qui r\u00e9sident au plus profond de chacun et que la famille, l'\u00e9cole, la religion, puis plus tard l'entreprise et enfin le gouvernement tentent, sinon de contr\u00f4ler, du moins de juguler pour pr\u00e9server le \u00absavoir-vivre\u00bb, \u00e9vitant ainsi les conflits violents et permettant la p\u00e9rennit\u00e9 de l'esp\u00e8ce, du mod\u00e8le \u00e9conomique et politique. L'histoire montre cependant que cette approche est imparfaite. Les soci\u00e9t\u00e9s tendent \u00e0 marginaliser les ph\u00e9nom\u00e8nes p\u00e9riph\u00e9riques g\u00eanants, comme l'exclusion des forgerons des villages ou la pers\u00e9cution des druides, sorci\u00e8res, et divers groupes religieux ou sociaux. Le premier niveau d'\u00e9volution d'une personne ou d'une soci\u00e9t\u00e9 concerne la gestion des pulsions pour maintenir un \u00e9quilibre \u00e9cologique global. L'opposition entre \u00ab\u00e9puiser\u00bb et \u00abjuguler\u00bb prend ici tout son sens, utilisant la strat\u00e9gie des vases communicants pour cr\u00e9er des zones d'expression vari\u00e9es, esp\u00e9rant une coexistence pacifique. N\u00e9anmoins, la remise en question de ces syst\u00e8mes peut conduire \u00e0 l'exclusion ou \u00e0 la marginalisation de ceux qui les critiquent. Lorsque les individus ou les pratiques consid\u00e9r\u00e9s comme marginaux deviennent majoritaires, cela signale l'\u00e9chec des institutions traditionnelles, annon\u00e7ant potentiellement la fin d'un monde. En revenant \u00e0 la m\u00e9taphore de la pulsion et du cheval, le conditionnement appara\u00eet comme un moyen de g\u00e9rer les r\u00e9actions anarchiques des pulsions. Dans le dressage \u00e9questre, cela se traduit par des approches de renforcement positif ou n\u00e9gatif, refl\u00e9tant davantage la perspective du dresseur que celle du cheval, qui interpr\u00e8te ces m\u00e9thodes en termes de confort ou d'inconfort. Les chevaux, capables de lire le langage corporel de leur dresseur, illustrent que la compr\u00e9hension et la r\u00e9action aux intentions sont possibles au-del\u00e0 des commandes explicites. Cette id\u00e9e s'\u00e9tend \u00e0 la perception publique des contradictions dans le discours des leaders, soulignant les limites du conditionnement. En peinture, apr\u00e8s avoir travers\u00e9 les conditionnements de l'apprentissage acad\u00e9mique et confront\u00e9 \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 du march\u00e9 de l'art, le peintre est face \u00e0 un choix : suivre sa propre voie ou se conformer aux attentes ext\u00e9rieures. Ce moment de d\u00e9cision peut amener \u00e0 une pulsion cr\u00e9ative renouvel\u00e9e, invitant \u00e0 \u00e9couter les voix int\u00e9rieures et ext\u00e9rieures, fusionnant les inspirations de la terre et du ciel sur la toile. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/cheval.jpg?1748065086", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/9-decembre_2-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/9-decembre_2-2018.html", "title": "9 d\u00e9cembre_2 2018", "date_published": "2018-12-09T07:00:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

J\u2019aime parfois m\u2019arr\u00eater sur un mot de notre langue, si pr\u00e9cise et si belle, pour y penser. Aujourd\u2019hui, le mot « admirer » a mis son clignotant et se gare non loin de chez moi ; j\u2019en profite.
\nSuperbe carrosserie, un peu d\u00e9su\u00e8te, car d\u00e9sormais on « kiffe » plus qu\u2019on n\u2019admire. Alors, admirer va-t-il dispara\u00eetre, emport\u00e9 par le corbillard d\u2019une soi-disant « modernit\u00e9 » ?
\nL\u2019extinction d\u2019un mot, c\u2019est toujours un peu triste, mais en m\u00eame temps, cette fin correspond aussi \u00e0 de nouveaux usages, \u00e0 de nouvelles mentalit\u00e9s. Comme dirait Bob : « The times are changing » ; sacr\u00e9 Bob\u2026
\nJe ne me souviens pas d\u2019une seule femme qui m’ait dit : « Comme je t\u2019admire », autrement que sur un ton coquin ou ironique. Par contre, je sais que bien des amis le pensent, mais ne le diront jamais, et c\u2019est tant mieux, car c\u2019est tr\u00e8s g\u00eanant de se sentir admir\u00e9. C\u2019est comme si on s\u2019\u00e9tait tromp\u00e9 d\u2019eau de toilette, \u00e7a laisse une trace olfactive plut\u00f4t d\u00e9sagr\u00e9able. Enfin, je parle pour moi, \u00e9videmment, vous, je ne sais pas.
\nSi je prends un dictionnaire quelconque pour revenir \u00e0 l\u2019origine de ce mot, j\u2019entends parler de consid\u00e9ration, bien souvent. Celle-ci s\u2019effectuant avec enthousiasme, voire de l\u2019\u00e9merveillement, et participerait plus du domaine de l\u2019\u00e9motion que du ciboulot. On « \u00e9prouve » de l\u2019admiration dans un premier temps, comme on \u00e9prouve de la consid\u00e9ration, de l\u2019enthousiasme, et de l\u2019\u00e9merveillement. C\u2019est \u00e9prouv\u00e9 par A+B, mais c\u2019est un couple exceptionnel.
\nAlors, que dire de ce sentiment qui revient sans cesse, lorsque laissant aller ma playlist YouTube en boucle, je retombe sans cesse sur ces jeunes gens de moins de 30 ans, qui, arm\u00e9s d\u2019un pragmatisme \u00e0 toute \u00e9preuve et d\u2019une cr\u00e9ativit\u00e9 redoutable, cherchent \u00e0 me vendre des formations de tout acabit que j\u2019ach\u00e8terais certainement, si je n\u2019\u00e9tais pas aussi certain d\u2019\u00eatre dubitatif.
\nDubitatif, quant au fait que cela puisse m\u2019apporter quelque chose, bien s\u00fbr.
\nEt pourtant, je vous l\u2019avoue, je suis tr\u00e8s souvent tent\u00e9, tellement c\u2019est bien amen\u00e9 chez certains. Je ne citerai pas de nom, mais je suis s\u00fbr qu\u2019ils se reconna\u00eetront.
\nIl y a l\u00e0 un art de la vente, de la persuasion, qui, pour \u00eatre inn\u00e9, ne manque pas d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 \u00e9norm\u00e9ment travaill\u00e9 en long, en large, et sur les c\u00f4t\u00e9s.
\nEux savent la valeur du mot « admirer » ; ils en ont fait leur carburant, leur schnouf, leur coco. Ils ont puis\u00e9 chez leurs a\u00een\u00e9s des stratag\u00e8mes et des strat\u00e9gies qu\u2019on ne trouve gu\u00e8re dans les \u00e9coles de commerce, fussent-elles « hautes » et reconnues. L\u2019art de la persuasion et de la vente ne s\u2019apprend pas \u00e0 l\u2019\u00e9cole, et les jeunes loups du marketing digital dont je parle le savent tr\u00e8s bien. Ceux qu\u2019ils admirent leur ont enseign\u00e9 que c\u2019est l\u2019\u00e9chec qui forme le plus \u00e0 l\u2019art de vendre. Que c\u2019est l\u2019organisation du temps au quotidien qui fait fructifier le contenu comme un capital qu\u2019on engrange pour l\u2019avenir.
\nDe plus, certains parmi eux flirtent avec le g\u00e9nie, lorsque, ayant compris pr\u00e9cocement les faiblesses humaines, ils r\u00e9duisent le cercle de leurs clients afin d\u2019en extraire la substantifique moelle : la dur\u00e9e, la fid\u00e9lit\u00e9.
\n\u00c0 les \u00e9couter en boucle, on jurerait des amis, et les amis v\u00e9ritables, de tout temps, ne peuvent se compter, \u00e0 la rigueur, que sur les doigts d\u2019une seule main.
\nAh, la rigueur, c\u2019est ce dont ils ne manquent pas, et de toupet non plus.
\nUne nouvelle mani\u00e8re de vendre, c\u2019est de devenir ami avec son client. Lui offrir du contenu, et \u00e7a, le con tenu, surtout bien propre, \u00e7a n\u2019a pas de prix.
\nOn se rappellera peut-\u00eatre que l\u2019enthousiasme, chez les anciens, \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 comme un d\u00e9lire sacr\u00e9, inspir\u00e9 par le divin, ou je ne sais quoi d\u2019autre d\u2019extraordinaire\u2026 alors, tout bien consid\u00e9r\u00e9, ne laissons rien en chemin, ne l\u00e2chons rien, comme il est dit dans « Top Chef ». Je ne peux m\u2019emp\u00eacher d\u2019\u00e9prouver de l\u2019enthousiasme, et donc forc\u00e9ment de l\u2019admiration, alors que je ne « kiffe » que du bout des l\u00e8vres.
\nCar le contenu, je veux bien, j\u2019en produis moi-m\u00eame en ce moment beaucoup, sans doute m\u00eame trop. Et si le contenu peut en cacher un autre, tant pis pour vous, je vous aurais averti.
\nPour conclure, il est donc possible d\u2019admirer sans aimer et d\u2019aimer sans admirer, c\u2019est s\u00fbr, certain, \u00e9vident. D\u2019ailleurs, le v\u00e9ritable amour, \u00e7a ne nous regarde pas, nous, comme dirait C\u00e9line, des caniches et des \u00e9toiles, « on kiffe ».<\/p>", "content_text": " J\u2019aime parfois m\u2019arr\u00eater sur un mot de notre langue, si pr\u00e9cise et si belle, pour y penser. Aujourd\u2019hui, le mot \u00ab admirer \u00bb a mis son clignotant et se gare non loin de chez moi ; j\u2019en profite. Superbe carrosserie, un peu d\u00e9su\u00e8te, car d\u00e9sormais on \u00ab kiffe \u00bb plus qu\u2019on n\u2019admire. Alors, admirer va-t-il dispara\u00eetre, emport\u00e9 par le corbillard d\u2019une soi-disant \u00ab modernit\u00e9 \u00bb ? L\u2019extinction d\u2019un mot, c\u2019est toujours un peu triste, mais en m\u00eame temps, cette fin correspond aussi \u00e0 de nouveaux usages, \u00e0 de nouvelles mentalit\u00e9s. Comme dirait Bob : \u00ab The times are changing \u00bb ; sacr\u00e9 Bob\u2026 Je ne me souviens pas d\u2019une seule femme qui m'ait dit : \u00ab Comme je t\u2019admire \u00bb, autrement que sur un ton coquin ou ironique. Par contre, je sais que bien des amis le pensent, mais ne le diront jamais, et c\u2019est tant mieux, car c\u2019est tr\u00e8s g\u00eanant de se sentir admir\u00e9. C\u2019est comme si on s\u2019\u00e9tait tromp\u00e9 d\u2019eau de toilette, \u00e7a laisse une trace olfactive plut\u00f4t d\u00e9sagr\u00e9able. Enfin, je parle pour moi, \u00e9videmment, vous, je ne sais pas. Si je prends un dictionnaire quelconque pour revenir \u00e0 l\u2019origine de ce mot, j\u2019entends parler de consid\u00e9ration, bien souvent. Celle-ci s\u2019effectuant avec enthousiasme, voire de l\u2019\u00e9merveillement, et participerait plus du domaine de l\u2019\u00e9motion que du ciboulot. On \u00ab \u00e9prouve \u00bb de l\u2019admiration dans un premier temps, comme on \u00e9prouve de la consid\u00e9ration, de l\u2019enthousiasme, et de l\u2019\u00e9merveillement. C\u2019est \u00e9prouv\u00e9 par A+B, mais c\u2019est un couple exceptionnel. Alors, que dire de ce sentiment qui revient sans cesse, lorsque laissant aller ma playlist YouTube en boucle, je retombe sans cesse sur ces jeunes gens de moins de 30 ans, qui, arm\u00e9s d\u2019un pragmatisme \u00e0 toute \u00e9preuve et d\u2019une cr\u00e9ativit\u00e9 redoutable, cherchent \u00e0 me vendre des formations de tout acabit que j\u2019ach\u00e8terais certainement, si je n\u2019\u00e9tais pas aussi certain d\u2019\u00eatre dubitatif. Dubitatif, quant au fait que cela puisse m\u2019apporter quelque chose, bien s\u00fbr. Et pourtant, je vous l\u2019avoue, je suis tr\u00e8s souvent tent\u00e9, tellement c\u2019est bien amen\u00e9 chez certains. Je ne citerai pas de nom, mais je suis s\u00fbr qu\u2019ils se reconna\u00eetront. Il y a l\u00e0 un art de la vente, de la persuasion, qui, pour \u00eatre inn\u00e9, ne manque pas d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 \u00e9norm\u00e9ment travaill\u00e9 en long, en large, et sur les c\u00f4t\u00e9s. Eux savent la valeur du mot \u00ab admirer \u00bb ; ils en ont fait leur carburant, leur schnouf, leur coco. Ils ont puis\u00e9 chez leurs a\u00een\u00e9s des stratag\u00e8mes et des strat\u00e9gies qu\u2019on ne trouve gu\u00e8re dans les \u00e9coles de commerce, fussent-elles \u00ab hautes \u00bb et reconnues. L\u2019art de la persuasion et de la vente ne s\u2019apprend pas \u00e0 l\u2019\u00e9cole, et les jeunes loups du marketing digital dont je parle le savent tr\u00e8s bien. Ceux qu\u2019ils admirent leur ont enseign\u00e9 que c\u2019est l\u2019\u00e9chec qui forme le plus \u00e0 l\u2019art de vendre. Que c\u2019est l\u2019organisation du temps au quotidien qui fait fructifier le contenu comme un capital qu\u2019on engrange pour l\u2019avenir. De plus, certains parmi eux flirtent avec le g\u00e9nie, lorsque, ayant compris pr\u00e9cocement les faiblesses humaines, ils r\u00e9duisent le cercle de leurs clients afin d\u2019en extraire la substantifique moelle : la dur\u00e9e, la fid\u00e9lit\u00e9. \u00c0 les \u00e9couter en boucle, on jurerait des amis, et les amis v\u00e9ritables, de tout temps, ne peuvent se compter, \u00e0 la rigueur, que sur les doigts d\u2019une seule main. Ah, la rigueur, c\u2019est ce dont ils ne manquent pas, et de toupet non plus. Une nouvelle mani\u00e8re de vendre, c\u2019est de devenir ami avec son client. Lui offrir du contenu, et \u00e7a, le con tenu, surtout bien propre, \u00e7a n\u2019a pas de prix. On se rappellera peut-\u00eatre que l\u2019enthousiasme, chez les anciens, \u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 comme un d\u00e9lire sacr\u00e9, inspir\u00e9 par le divin, ou je ne sais quoi d\u2019autre d\u2019extraordinaire\u2026 alors, tout bien consid\u00e9r\u00e9, ne laissons rien en chemin, ne l\u00e2chons rien, comme il est dit dans \u00ab Top Chef \u00bb. Je ne peux m\u2019emp\u00eacher d\u2019\u00e9prouver de l\u2019enthousiasme, et donc forc\u00e9ment de l\u2019admiration, alors que je ne \u00ab kiffe \u00bb que du bout des l\u00e8vres. Car le contenu, je veux bien, j\u2019en produis moi-m\u00eame en ce moment beaucoup, sans doute m\u00eame trop. Et si le contenu peut en cacher un autre, tant pis pour vous, je vous aurais averti. Pour conclure, il est donc possible d\u2019admirer sans aimer et d\u2019aimer sans admirer, c\u2019est s\u00fbr, certain, \u00e9vident. D\u2019ailleurs, le v\u00e9ritable amour, \u00e7a ne nous regarde pas, nous, comme dirait C\u00e9line, des caniches et des \u00e9toiles, \u00ab on kiffe \u00bb. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2020-09-15_12.41.08-10.jpg?1748065185", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/8-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/8-decembre-2018.html", "title": "8 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-08T06:36:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>

texte original <\/h3>\n

Il y a une diff\u00e9rence majeure entre croire que nous sommes \u00e0 un certain niveau et y \u00eatre v\u00e9ritablement. La peinture n\u2019\u00e9chappe pas \u00e0 cette r\u00e8gle.<\/p>\n

Pour comprendre ce qui ne fonctionne pas dans un niveau d\u2019\u00e9volution ,il faut passer aux niveaux sup\u00e9rieurs sans quoi impossible d\u2019avoir le recul n\u00e9cessaire.<\/p>\n

Puis \u00e0 l\u2019occasion d\u2019un regard jet\u00e9 sur le chemin parcouru, s\u2019arr\u00eater pour appr\u00e9cier honn\u00eatement mais aussi \u00e0 l\u2019appui des nouvelles connaissances que nous avons acquises, le fil imperceptible qui relie l\u2019ensemble afin de suivre la trace, le fil conducteur.<\/p>\n

Sans cela nous pataugeons et tournons en rond comme un hamster dans une cage.<\/p>\n

Ces derniers jours, j\u2019ai envie de ranger, de classer, de jeter, d\u2019all\u00e9ger. Faire le tri entre l\u2019important, le n\u00e9cessaire qui peut faire levier et l\u2019inutile qui m\u2019entrave, me scotche, me lie, m\u2019ennuie.<\/p>\n

Dans des cartons je retrouve une kyrielle de travaux de jeunesse et je les regarde d\u2019un nouvel \u0153il en tentant de lutter contre l\u2019attendrissement de la nostalgie et la pulsion d\u2019ouvrir un grand sac poubelle.<\/p>\n

En retrouvant cette feuille de papier journal t\u00e2ch\u00e9e de couleur j\u2019ai un doute avant de la froisser, la d\u00e9chirer, l\u2019\u00e9vacuer. J e vais juste prendre le temps d\u2019en reparler un peu, comme on parle \u00e0 un ami sans fausse pudeur, sans artifice.<\/p>\n

Voil\u00e0 :<\/p>\n

Je peignais dans des chambres de hasard, sans confort, et seule la flamme de mes d\u00e9sirs et de mes ambitions , autant dire la flamme des illusions, me r\u00e9chauffait et me nourrissait tout en m\u00eame temps. J\u2019\u00e9tais dans le niveau le plus bas de l\u2019\u00e9chelle dont je parle plus haut. Le niveau o\u00f9 l\u2019on se pr\u00e9occupe encore beaucoup trop de l\u2019environnement, de ce qu\u2019on va manger, du comment on va payer la chambre et acheter ses titres de transport.<\/p>\n

Pour pallier les exigences requises par ce premier niveau, je travaillais comme archiviste dans une boite d\u2019architecture. Un sous-sol poussi\u00e9reux o\u00f9, s\u2019entassaient tous les dossiers des projets r\u00e9alis\u00e9s ou pas, les \u00e9tudes de plan, les calques de tout acabit, et les litiges r\u00e9gl\u00e9s ou pas.<\/p>\n

Je ne rechignais pas \u00e0 la t\u00e2che, mais celle-ci \u00e9tait si facile, je disposais de longues p\u00e9riodes durant lesquelles je lisais tout ce que je pouvais trouver chez les bouquinistes, et \u00e0 la biblioth\u00e8que de quartier. Je me souviens encore avoir lu « les vies » de Plutarque dans une vieille \u00e9dition, mais comme ma sp\u00e9cialit\u00e9 est de digresser, je ne vais pas \u00e9taler ici la liste tout aussi h\u00e9t\u00e9roclite que gargantuesque des nourritures livresques que je d\u00e9vorais d\u2019une fa\u00e7on que je consid\u00e8re aujourd\u2019hui .. aussi d\u00e9sordonn\u00e9e que d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e.<\/p>\n

Cependant voyez, je consid\u00e9rais que ma tache \u00e9tait facile, je m\u2019\u00e9tais install\u00e9 dans une jolie routine qui me procurait de quoi assouvir ma soif d\u2019apprendre, ma passion de la lecture.<\/p>\n

Je ne gagnais pas grand chose \u00e9videmment et les fins de mois \u00e9taient toujours tendues \u00e0 partir du 15. Ce n\u2019est plus trop original de nos jours, c\u2019est m\u00eame devenu banal. En fait ce qui ne serait pas banal c\u2019est qu\u2019il en fusse autrement.<\/p>\n

Pour lutter contre la routine et l\u2019ennui j\u2019avais \u00e9lev\u00e9 la r\u00eaverie \u00e0 la hauteur d\u2019un sacerdoce et il m\u2019\u00e9tait assez facile de supporter cette existence en me projetant dans un avenir dans lequel,in\u00e9luctablement je serai peintre, \u00e9crivain, photographe, chanteur, \u00e9rudit, philosophe, et bien sur « riche ».<\/p>\n

La r\u00eaverie et l\u2019espoir ne sont pas des ph\u00e9nom\u00e8nes palpables. Ce ne sont que des rustines virtuelles que l\u2019on tente de coller sur l\u2019effroyable.<\/p>\n

Sans organisation, sans plan d\u2019action, sans accepter de se fixer des objectifs autres qu\u2019hypoth\u00e9tiques, non seulement je n\u2019\u00e9tais pas libre mais en plus je faisais fausse route et j\u2019allais me retrouver encha\u00een\u00e9 plus encore par la suite.<\/p>\n

Cette suite je ne vous la raconterai pas encore. Pas aujourd\u2019hui, peut-\u00eatre m\u00eame jamais, ce n\u2019est pas bien important. La seule chose qui me para\u00eet importante ici c\u2019est que pour voir il faut fermer les yeux. Revenir \u00e0 la racine de soi et consid\u00e9rer le mental comme un p\u00e9riph\u00e9rique.<\/p>\n

Une souris, un clavier, un \u00e9cran mais pas l\u2019ordinateur.<\/p>\n

Ce n\u2019est pas le mental qui peut faire changer de niveau.<\/p>\n

Changer c\u2019est l\u00e2cher prise et ce terme est tellement galvaud\u00e9 d\u00e9sormais, r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 par des charlatans de tout acabit que je ne vais pas ajouter encore \u00e0 la mis\u00e8re du monde.<\/p>\n

Hier encore j\u2019\u00e9voquais Ulysse attach\u00e9 \u00e0 son mat, dans « le chant des Sir\u00e8nes »<\/p>\n

J\u2019adorais ce h\u00e9ros depuis l\u2019enfance dans ce qu\u2019il avait d\u2019ing\u00e9nieux et d\u2019arrogant vis \u00e0 vis des Dieux et des d\u00e9mons cependant qu\u2019il n\u2019est plus aujourd\u2019hui qu\u2019un homme comme tant d\u2019hommes prisonnier d\u2019une fausse id\u00e9e de la libert\u00e9.<\/p>\n

Alors finalement cette feuille de papier froiss\u00e9e et tach\u00e9e de couleurs que personne n\u2019a jamais vue, cach\u00e9e au fond d\u2019un carton, devrais je la jeter ou bien la garder ?<\/p>\n

Texte revisit\u00e9 le 05\/03\/2024<\/h3>

La Qu\u00eate de l’Authenticit\u00e9 dans la Cr\u00e9ation<\/h2>\n

La fronti\u00e8re entre se percevoir \u00e0 un niveau de comp\u00e9tence et y \u00eatre effectivement est souvent floue, et cela est particuli\u00e8rement vrai dans le domaine de la peinture. Reconna\u00eetre cette distinction est crucial pour toute \u00e9volution personnelle ou artistique. Il est essentiel de transcender nos niveaux actuels pour obtenir la perspective n\u00e9cessaire \u00e0 une v\u00e9ritable compr\u00e9hension de notre parcours. Sans cette \u00e9l\u00e9vation, nous nous retrouvons \u00e0 errer sans but, semblables \u00e0 un hamster dans sa roue, incapables de saisir le fil conducteur de notre \u00e9volution.<\/p>\n

Le Tri N\u00e9cessaire : Entre l’Essentiel et l’Accessoire<\/h2>\n

Ces derniers temps, j’ai \u00e9t\u00e9 pris d’une envie irr\u00e9pressible de faire le tri dans ma vie : ranger, classer, jeter, et surtout all\u00e9ger mon existence des superflus qui m’entravent. Ce processus de s\u00e9lection, distinguant l’important de l’inutile, est devenu pour moi un levier essentiel de progression. En fouillant parmi mes souvenirs et travaux pass\u00e9s, je suis confront\u00e9 \u00e0 la dualit\u00e9 entre la nostalgie et la volont\u00e9 de renouveau. Chaque objet, chaque \u0153uvre retrouv\u00e9e m’invite \u00e0 un dialogue int\u00e9rieur, o\u00f9 je p\u00e8se le poids du pass\u00e9 contre la lumi\u00e8re des connaissances acquises.<\/p>\n

Une Flamme dans l’Adversit\u00e9<\/h2>\n

Mon parcours a \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9 par des p\u00e9riodes de doute et de solitude, o\u00f9 seul le feu de mes ambitions semblait me r\u00e9chauffer. Occupant des chambres \u00e9ph\u00e9m\u00e8res, je luttai quotidiennement contre les pr\u00e9occupations mat\u00e9rielles, tout en cherchant \u00e0 nourrir ma passion pour l’art. Cet environnement pr\u00e9caire \u00e9tait le th\u00e9\u00e2tre de mes premi\u00e8res exp\u00e9riences cr\u00e9atives, des moments o\u00f9 la n\u00e9cessit\u00e9 de survie c\u00f4toyait \u00e9troitement l’impulsion cr\u00e9atrice.<\/p>\n

De l’Archivage \u00e0 la Qu\u00eate de Savoir<\/h2>\n

Ma qu\u00eate de savoir m’a men\u00e9 \u00e0 embrasser un travail d’archiviste dans une entreprise d’architecture, un emploi qui, malgr\u00e9 sa monotonie apparente, m’offrait d’immenses plages de libert\u00e9 intellectuelle. Entre les piles de dossiers et les plans \u00e9parpill\u00e9s, je trouvais refuge dans la lecture, d\u00e9vorant avec une fr\u00e9n\u00e9sie d\u00e9sordonn\u00e9e tout ouvrage \u00e0 ma port\u00e9e. Cette p\u00e9riode de ma vie \u00e9tait une lutte constante contre l’ennui, une qu\u00eate insatiable de connaissance qui forgeait, jour apr\u00e8s jour, la base de ma future identit\u00e9 cr\u00e9ative.<\/p>\n

R\u00eaverie et R\u00e9alit\u00e9<\/h2>\n

Je m’\u00e9vadais dans des r\u00eaveries, m’imaginant successivement peintre, \u00e9crivain, photographe, voire philosophe. Ces fantasmes \u00e9taient des \u00e9chappatoires face \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 souvent pr\u00e9caire, mais ils \u00e9taient d\u00e9pourvus de plans d’action concrets. Ce n’est qu’en acceptant de fermer les yeux, de me d\u00e9tourner de ces illusions, que j’ai commenc\u00e9 \u00e0 entrevoir la voie vers un changement v\u00e9ritable.<\/p>\n

Vers une Lib\u00e9ration Cr\u00e9ative<\/h2>\n

Aujourd’hui, je me questionne encore sur le devenir de ces \u0153uvres de jeunesse, symboles d’un pass\u00e9 r\u00e9volu mais t\u00e9moins de ma qu\u00eate incessante d’authenticit\u00e9. Dois-je les conserver comme reliques de mon \u00e9volution, ou les laisser partir pour mieux me lib\u00e9rer ? Cette interrogation symbolise le dilemme permanent entre attachement au pass\u00e9 et d\u00e9sir de renouveau, un \u00e9quilibre fragile que tout cr\u00e9ateur doit apprendre \u00e0 naviguer.<\/p>", "content_text": " {{{texte original }}} Il y a une diff\u00e9rence majeure entre croire que nous sommes \u00e0 un certain niveau et y \u00eatre v\u00e9ritablement. La peinture n\u2019\u00e9chappe pas \u00e0 cette r\u00e8gle. Pour comprendre ce qui ne fonctionne pas dans un niveau d\u2019\u00e9volution ,il faut passer aux niveaux sup\u00e9rieurs sans quoi impossible d\u2019avoir le recul n\u00e9cessaire. Puis \u00e0 l\u2019occasion d\u2019un regard jet\u00e9 sur le chemin parcouru, s\u2019arr\u00eater pour appr\u00e9cier honn\u00eatement mais aussi \u00e0 l\u2019appui des nouvelles connaissances que nous avons acquises, le fil imperceptible qui relie l\u2019ensemble afin de suivre la trace, le fil conducteur. Sans cela nous pataugeons et tournons en rond comme un hamster dans une cage. Ces derniers jours, j\u2019ai envie de ranger, de classer, de jeter, d\u2019all\u00e9ger. Faire le tri entre l\u2019important, le n\u00e9cessaire qui peut faire levier et l\u2019inutile qui m\u2019entrave, me scotche, me lie, m\u2019ennuie. Dans des cartons je retrouve une kyrielle de travaux de jeunesse et je les regarde d\u2019un nouvel \u0153il en tentant de lutter contre l\u2019attendrissement de la nostalgie et la pulsion d\u2019ouvrir un grand sac poubelle. En retrouvant cette feuille de papier journal t\u00e2ch\u00e9e de couleur j\u2019ai un doute avant de la froisser, la d\u00e9chirer, l\u2019\u00e9vacuer. J e vais juste prendre le temps d\u2019en reparler un peu, comme on parle \u00e0 un ami sans fausse pudeur, sans artifice. Voil\u00e0 : Je peignais dans des chambres de hasard, sans confort, et seule la flamme de mes d\u00e9sirs et de mes ambitions , autant dire la flamme des illusions, me r\u00e9chauffait et me nourrissait tout en m\u00eame temps. J\u2019\u00e9tais dans le niveau le plus bas de l\u2019\u00e9chelle dont je parle plus haut. Le niveau o\u00f9 l\u2019on se pr\u00e9occupe encore beaucoup trop de l\u2019environnement, de ce qu\u2019on va manger, du comment on va payer la chambre et acheter ses titres de transport. Pour pallier les exigences requises par ce premier niveau, je travaillais comme archiviste dans une boite d\u2019architecture. Un sous-sol poussi\u00e9reux o\u00f9, s\u2019entassaient tous les dossiers des projets r\u00e9alis\u00e9s ou pas, les \u00e9tudes de plan, les calques de tout acabit, et les litiges r\u00e9gl\u00e9s ou pas. Je ne rechignais pas \u00e0 la t\u00e2che, mais celle-ci \u00e9tait si facile, je disposais de longues p\u00e9riodes durant lesquelles je lisais tout ce que je pouvais trouver chez les bouquinistes, et \u00e0 la biblioth\u00e8que de quartier. Je me souviens encore avoir lu \u00ab les vies \u00bb de Plutarque dans une vieille \u00e9dition, mais comme ma sp\u00e9cialit\u00e9 est de digresser, je ne vais pas \u00e9taler ici la liste tout aussi h\u00e9t\u00e9roclite que gargantuesque des nourritures livresques que je d\u00e9vorais d\u2019une fa\u00e7on que je consid\u00e8re aujourd\u2019hui .. aussi d\u00e9sordonn\u00e9e que d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e. Cependant voyez, je consid\u00e9rais que ma tache \u00e9tait facile, je m\u2019\u00e9tais install\u00e9 dans une jolie routine qui me procurait de quoi assouvir ma soif d\u2019apprendre, ma passion de la lecture. Je ne gagnais pas grand chose \u00e9videmment et les fins de mois \u00e9taient toujours tendues \u00e0 partir du 15. Ce n\u2019est plus trop original de nos jours, c\u2019est m\u00eame devenu banal. En fait ce qui ne serait pas banal c\u2019est qu\u2019il en fusse autrement. Pour lutter contre la routine et l\u2019ennui j\u2019avais \u00e9lev\u00e9 la r\u00eaverie \u00e0 la hauteur d\u2019un sacerdoce et il m\u2019\u00e9tait assez facile de supporter cette existence en me projetant dans un avenir dans lequel,in\u00e9luctablement je serai peintre, \u00e9crivain, photographe, chanteur, \u00e9rudit, philosophe, et bien sur \u00ab riche \u00bb. La r\u00eaverie et l\u2019espoir ne sont pas des ph\u00e9nom\u00e8nes palpables. Ce ne sont que des rustines virtuelles que l\u2019on tente de coller sur l\u2019effroyable. Sans organisation, sans plan d\u2019action, sans accepter de se fixer des objectifs autres qu\u2019hypoth\u00e9tiques, non seulement je n\u2019\u00e9tais pas libre mais en plus je faisais fausse route et j\u2019allais me retrouver encha\u00een\u00e9 plus encore par la suite. Cette suite je ne vous la raconterai pas encore. Pas aujourd\u2019hui, peut-\u00eatre m\u00eame jamais, ce n\u2019est pas bien important. La seule chose qui me para\u00eet importante ici c\u2019est que pour voir il faut fermer les yeux. Revenir \u00e0 la racine de soi et consid\u00e9rer le mental comme un p\u00e9riph\u00e9rique. Une souris, un clavier, un \u00e9cran mais pas l\u2019ordinateur. Ce n\u2019est pas le mental qui peut faire changer de niveau. Changer c\u2019est l\u00e2cher prise et ce terme est tellement galvaud\u00e9 d\u00e9sormais, r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 par des charlatans de tout acabit que je ne vais pas ajouter encore \u00e0 la mis\u00e8re du monde. Hier encore j\u2019\u00e9voquais Ulysse attach\u00e9 \u00e0 son mat, dans \u00ab le chant des Sir\u00e8nes \u00bb J\u2019adorais ce h\u00e9ros depuis l\u2019enfance dans ce qu\u2019il avait d\u2019ing\u00e9nieux et d\u2019arrogant vis \u00e0 vis des Dieux et des d\u00e9mons cependant qu\u2019il n\u2019est plus aujourd\u2019hui qu\u2019un homme comme tant d\u2019hommes prisonnier d\u2019une fausse id\u00e9e de la libert\u00e9. Alors finalement cette feuille de papier froiss\u00e9e et tach\u00e9e de couleurs que personne n\u2019a jamais vue, cach\u00e9e au fond d\u2019un carton, devrais je la jeter ou bien la garder ? {{{Texte revisit\u00e9 le 05\/03\/2024}}} La Qu\u00eate de l'Authenticit\u00e9 dans la Cr\u00e9ation La fronti\u00e8re entre se percevoir \u00e0 un niveau de comp\u00e9tence et y \u00eatre effectivement est souvent floue, et cela est particuli\u00e8rement vrai dans le domaine de la peinture. Reconna\u00eetre cette distinction est crucial pour toute \u00e9volution personnelle ou artistique. Il est essentiel de transcender nos niveaux actuels pour obtenir la perspective n\u00e9cessaire \u00e0 une v\u00e9ritable compr\u00e9hension de notre parcours. Sans cette \u00e9l\u00e9vation, nous nous retrouvons \u00e0 errer sans but, semblables \u00e0 un hamster dans sa roue, incapables de saisir le fil conducteur de notre \u00e9volution. Le Tri N\u00e9cessaire : Entre l'Essentiel et l'Accessoire Ces derniers temps, j'ai \u00e9t\u00e9 pris d'une envie irr\u00e9pressible de faire le tri dans ma vie : ranger, classer, jeter, et surtout all\u00e9ger mon existence des superflus qui m'entravent. Ce processus de s\u00e9lection, distinguant l'important de l'inutile, est devenu pour moi un levier essentiel de progression. En fouillant parmi mes souvenirs et travaux pass\u00e9s, je suis confront\u00e9 \u00e0 la dualit\u00e9 entre la nostalgie et la volont\u00e9 de renouveau. Chaque objet, chaque \u0153uvre retrouv\u00e9e m'invite \u00e0 un dialogue int\u00e9rieur, o\u00f9 je p\u00e8se le poids du pass\u00e9 contre la lumi\u00e8re des connaissances acquises. Une Flamme dans l'Adversit\u00e9 Mon parcours a \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9 par des p\u00e9riodes de doute et de solitude, o\u00f9 seul le feu de mes ambitions semblait me r\u00e9chauffer. Occupant des chambres \u00e9ph\u00e9m\u00e8res, je luttai quotidiennement contre les pr\u00e9occupations mat\u00e9rielles, tout en cherchant \u00e0 nourrir ma passion pour l'art. Cet environnement pr\u00e9caire \u00e9tait le th\u00e9\u00e2tre de mes premi\u00e8res exp\u00e9riences cr\u00e9atives, des moments o\u00f9 la n\u00e9cessit\u00e9 de survie c\u00f4toyait \u00e9troitement l'impulsion cr\u00e9atrice. De l'Archivage \u00e0 la Qu\u00eate de Savoir Ma qu\u00eate de savoir m'a men\u00e9 \u00e0 embrasser un travail d'archiviste dans une entreprise d'architecture, un emploi qui, malgr\u00e9 sa monotonie apparente, m'offrait d'immenses plages de libert\u00e9 intellectuelle. Entre les piles de dossiers et les plans \u00e9parpill\u00e9s, je trouvais refuge dans la lecture, d\u00e9vorant avec une fr\u00e9n\u00e9sie d\u00e9sordonn\u00e9e tout ouvrage \u00e0 ma port\u00e9e. Cette p\u00e9riode de ma vie \u00e9tait une lutte constante contre l'ennui, une qu\u00eate insatiable de connaissance qui forgeait, jour apr\u00e8s jour, la base de ma future identit\u00e9 cr\u00e9ative. R\u00eaverie et R\u00e9alit\u00e9 Je m'\u00e9vadais dans des r\u00eaveries, m'imaginant successivement peintre, \u00e9crivain, photographe, voire philosophe. Ces fantasmes \u00e9taient des \u00e9chappatoires face \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 souvent pr\u00e9caire, mais ils \u00e9taient d\u00e9pourvus de plans d'action concrets. Ce n'est qu'en acceptant de fermer les yeux, de me d\u00e9tourner de ces illusions, que j'ai commenc\u00e9 \u00e0 entrevoir la voie vers un changement v\u00e9ritable. Vers une Lib\u00e9ration Cr\u00e9ative Aujourd'hui, je me questionne encore sur le devenir de ces \u0153uvres de jeunesse, symboles d'un pass\u00e9 r\u00e9volu mais t\u00e9moins de ma qu\u00eate incessante d'authenticit\u00e9. Dois-je les conserver comme reliques de mon \u00e9volution, ou les laisser partir pour mieux me lib\u00e9rer ? Cette interrogation symbolise le dilemme permanent entre attachement au pass\u00e9 et d\u00e9sir de renouveau, un \u00e9quilibre fragile que tout cr\u00e9ateur doit apprendre \u00e0 naviguer. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/p1040716.jpg?1748065127", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-decembre-2018.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-decembre-2018.html", "title": "07 d\u00e9cembre 2018", "date_published": "2018-12-07T06:24:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

L’\u00e9tude des sir\u00e8nes, ces cr\u00e9atures fascinantes de la mythologie, r\u00e9v\u00e8le une \u00e9volution captivante de leur repr\u00e9sentation \u00e0 travers les \u00e2ges. Initialement d\u00e9crites par les Grecs anciens comme des \u00eatres dot\u00e9s d’une t\u00eate et parfois d’un buste de femme sur un corps d’oiseau, ces figures mythologiques s’\u00e9loignent consid\u00e9rablement de l’image contemporaine popularis\u00e9e par les studios Disney, qui les pr\u00e9sente comme des cr\u00e9atures mi-femmes, mi-poissons, et dot\u00e9es d’un caract\u00e8re agr\u00e9able.
\nCette transformation est notable dans des \u0153uvres telles que la Lorelei de Heinrich Heine et la c\u00e9l\u00e8bre Petite Sir\u00e8ne de Copenhague. Cette divergence soul\u00e8ve la question de savoir si les sir\u00e8nes, initialement per\u00e7ues comme des \u00eatres bienveillants, ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9interpr\u00e9t\u00e9es en cr\u00e9atures malveillantes sous l’influence de p\u00e9riodes plus moralistes, peut-\u00eatre en raison de la notion taboue d’inceste associ\u00e9e aux N\u00e9r\u00e9ides, proches parentes des sir\u00e8nes dans la mythologie.
\nLa langue anglaise distingue ces interpr\u00e9tations avec deux termes : « siren » pour la sir\u00e8ne antique et « mermaid » pour la version plus moderne. Historiquement, les sir\u00e8nes, pr\u00e9sentes dans les r\u00e9cits depuis l’antiquit\u00e9 jusqu’\u00e0 Hom\u00e8re, \u00e9taient des musiciennes comparables aux Muses, un r\u00f4le bien \u00e9loign\u00e9 de celui des s\u00e9ductrices dangereuses de l’Odyss\u00e9e.
\nLe lieu pr\u00e9cis de r\u00e9sidence des sir\u00e8nes reste incertain, bien que certaines th\u00e9ories sugg\u00e8rent une localisation entre Sorrente et Capri ou pr\u00e8s du d\u00e9troit de Messine, des r\u00e9gions o\u00f9 elles \u00e9taient v\u00e9n\u00e9r\u00e9es et craintes pour leur chant envo\u00fbtant, capable de d\u00e9tourner l’attention des marins et d’apaiser les vents.
\nLes sir\u00e8nes partagent \u00e9galement des liens de parent\u00e9 avec d’autres cr\u00e9atures mythologiques, comme les Harpies, repr\u00e9sentant une autre facette de la mythologie grecque o\u00f9 la capture et l’attraction vers un destin funeste pr\u00e9dominent. Ces \u00eatres, serviteurs de H\u00e9ra, illustrent une autre dimension de la perception des femmes dans la mythologie comme sources de malveillance.
\nLe r\u00e9cit d’Ulysse, qui \u00e9chappe au chant des sir\u00e8nes gr\u00e2ce \u00e0 la ruse et non \u00e0 l’art, soul\u00e8ve des questions sur la nature de la connaissance et la qu\u00eate humaine pour comprendre l’inconnu. Ce passage a \u00e9t\u00e9 interpr\u00e9t\u00e9 de diverses mani\u00e8res, y compris \u00e0 travers le prisme de la psychanalyse, sugg\u00e9rant une exploration de l’identit\u00e9 et de la personnalit\u00e9.
\nEn conclusion, les sir\u00e8nes, avec leur riche h\u00e9ritage mythologique et leur capacit\u00e9 \u00e0 inspirer l’art et la litt\u00e9rature, nous invitent \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir sur les th\u00e8mes de la s\u00e9duction, du danger, et du myst\u00e8re de l’inconnu. Elles nous rappellent que notre qu\u00eate de compr\u00e9hension peut nous conduire \u00e0 des r\u00e9v\u00e9lations surprenantes, o\u00f9 la fronti\u00e8re entre la r\u00e9alit\u00e9 et le mythe s’estompe, nous offrant un aper\u00e7u de la complexit\u00e9 de l’existence humaine et de notre relation avec le monde naturel et surnaturel<\/p>", "content_text": " L'\u00e9tude des sir\u00e8nes, ces cr\u00e9atures fascinantes de la mythologie, r\u00e9v\u00e8le une \u00e9volution captivante de leur repr\u00e9sentation \u00e0 travers les \u00e2ges. Initialement d\u00e9crites par les Grecs anciens comme des \u00eatres dot\u00e9s d'une t\u00eate et parfois d'un buste de femme sur un corps d'oiseau, ces figures mythologiques s'\u00e9loignent consid\u00e9rablement de l'image contemporaine popularis\u00e9e par les studios Disney, qui les pr\u00e9sente comme des cr\u00e9atures mi-femmes, mi-poissons, et dot\u00e9es d'un caract\u00e8re agr\u00e9able. Cette transformation est notable dans des \u0153uvres telles que la Lorelei de Heinrich Heine et la c\u00e9l\u00e8bre Petite Sir\u00e8ne de Copenhague. Cette divergence soul\u00e8ve la question de savoir si les sir\u00e8nes, initialement per\u00e7ues comme des \u00eatres bienveillants, ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9interpr\u00e9t\u00e9es en cr\u00e9atures malveillantes sous l'influence de p\u00e9riodes plus moralistes, peut-\u00eatre en raison de la notion taboue d'inceste associ\u00e9e aux N\u00e9r\u00e9ides, proches parentes des sir\u00e8nes dans la mythologie. La langue anglaise distingue ces interpr\u00e9tations avec deux termes : \"siren\" pour la sir\u00e8ne antique et \"mermaid\" pour la version plus moderne. Historiquement, les sir\u00e8nes, pr\u00e9sentes dans les r\u00e9cits depuis l'antiquit\u00e9 jusqu'\u00e0 Hom\u00e8re, \u00e9taient des musiciennes comparables aux Muses, un r\u00f4le bien \u00e9loign\u00e9 de celui des s\u00e9ductrices dangereuses de l'Odyss\u00e9e. Le lieu pr\u00e9cis de r\u00e9sidence des sir\u00e8nes reste incertain, bien que certaines th\u00e9ories sugg\u00e8rent une localisation entre Sorrente et Capri ou pr\u00e8s du d\u00e9troit de Messine, des r\u00e9gions o\u00f9 elles \u00e9taient v\u00e9n\u00e9r\u00e9es et craintes pour leur chant envo\u00fbtant, capable de d\u00e9tourner l'attention des marins et d'apaiser les vents. Les sir\u00e8nes partagent \u00e9galement des liens de parent\u00e9 avec d'autres cr\u00e9atures mythologiques, comme les Harpies, repr\u00e9sentant une autre facette de la mythologie grecque o\u00f9 la capture et l'attraction vers un destin funeste pr\u00e9dominent. Ces \u00eatres, serviteurs de H\u00e9ra, illustrent une autre dimension de la perception des femmes dans la mythologie comme sources de malveillance. Le r\u00e9cit d'Ulysse, qui \u00e9chappe au chant des sir\u00e8nes gr\u00e2ce \u00e0 la ruse et non \u00e0 l'art, soul\u00e8ve des questions sur la nature de la connaissance et la qu\u00eate humaine pour comprendre l'inconnu. Ce passage a \u00e9t\u00e9 interpr\u00e9t\u00e9 de diverses mani\u00e8res, y compris \u00e0 travers le prisme de la psychanalyse, sugg\u00e9rant une exploration de l'identit\u00e9 et de la personnalit\u00e9. En conclusion, les sir\u00e8nes, avec leur riche h\u00e9ritage mythologique et leur capacit\u00e9 \u00e0 inspirer l'art et la litt\u00e9rature, nous invitent \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir sur les th\u00e8mes de la s\u00e9duction, du danger, et du myst\u00e8re de l'inconnu. Elles nous rappellent que notre qu\u00eate de compr\u00e9hension peut nous conduire \u00e0 des r\u00e9v\u00e9lations surprenantes, o\u00f9 la fronti\u00e8re entre la r\u00e9alit\u00e9 et le mythe s'estompe, nous offrant un aper\u00e7u de la complexit\u00e9 de l'existence humaine et de notre relation avec le monde naturel et surnaturel ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20181207_0453331.webp?1748065069", "tags": [] } ] }