{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-decembre-2025-3730.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-decembre-2025-3730.html", "title": "7 d\u00e9cembre 2025", "date_published": "2025-12-07T04:20:40Z", "date_modified": "2025-12-07T04:20:40Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Pour le dehors on ne garderait qu’une phrase <\/p>\n

\n

Fin du spectacle. <\/p>\n<\/blockquote>\n

Pour le dedans <\/p>\n

\n

\u00e7a suffit. Pas besoin d’expliquer. <\/p>\n<\/blockquote>", "content_text": " Pour le dehors on ne garderait qu'une phrase >Fin du spectacle. Pour le dedans >\u00e7a suffit. Pas besoin d'expliquer. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img312.jpg?1765081038", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/6-decembre-2025.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/6-decembre-2025.html", "title": "6 d\u00e9cembre 2025", "date_published": "2025-12-06T04:28:53Z", "date_modified": "2025-12-06T04:28:53Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

H. peint du bras gauche. Elle ne parle qu’avec des onomatop\u00e9es. Aujourd’hui, j’ai appris qu’elle ne pouvait pas manger de chouquettes \u2013 elle a d\u00e9sign\u00e9 sa bouche d’un air triste quand je lui ai tendu le sachet. Droiti\u00e8re autrefois, elle apprend vite. Je lui montre en utilisant aussi mon bras gauche : la main qui court le long du manche du pinceau selon le besoin de pr\u00e9cision, d’\u00e9nergie. Son tableau \u00e9tait trop violent en couleurs. Je lui ai montr\u00e9 comment abaisser les valeurs avec du blanc seulement. Nuance, lenteur, pr\u00e9cision. M. et D. sont l\u00e0 aussi, chacune avec son handicap. Si je voulais lire les signes, j’inventerais une histoire. Mais elles m’apprennent la t\u00e9nacit\u00e9 qui s’appuie sur des raisons solides. Mes \u00e9tats d’\u00e2me, \u00e0 c\u00f4t\u00e9, sont des bulles de savon.<\/p>\n

Plus tard, en rentrant \u00e0 pied, j’ai vu une lumi\u00e8re sp\u00e9ciale \u2013 le mot est faible. Le bleu sombre du ciel sur les murs beiges et ocres fabriquait un accord qui m’a serr\u00e9 la gorge. Faut-il ne plus peindre pour peindre ? Ne plus \u00e9crire pour \u00e9crire ?<\/p>\n

Ces derniers jours, je r\u00e9\u00e9cris des textes anciens. Sans conviction d’abord. Puis j’ai utilis\u00e9 Deepseek avec un protocole strict, pour traquer mes bavardages, mes esquives. Ce que l’IA produit est m\u00e9diocre, mais cette m\u00e9diocrit\u00e9 m’oblige \u00e0 puiser dans ma propre langue. Elle me renvoie une ambigu\u00eft\u00e9 qui est la mienne : entre r\u00e9alit\u00e9 et fiction. Elle veut me conduire vers la fiction, alors que je cherche \u00e0 m’en extraire.<\/p>\n

J’ai vu une vid\u00e9o fascinante de F. \u00e0 propos de ce peintre chinois — Wu Daozi, qui dispara\u00eet dans son tableau. Un protocole, un match de boxe entre la machine et soi. Mon constat est optimiste : \u00e0 force de me montrer ce qui n’est pas moi, je commence \u00e0 voir ce qui m’appartient. Deepseek est un bon sparring-partner. Il fait des fautes de fran\u00e7ais, ce qui m’oblige \u00e0 redoubler d’attention.<\/p>\n

Comme H. avec son bras gauche, comme moi avec mes mots maladroits, mes sautillements de moineau , comme le peintre chinois qui s’efface : nous cr\u00e9ons avec ce qui nous manque. La contrainte n’est pas un obstacle, mais le pinceau m\u00eame.<\/p>\n

illustration<\/strong> : Tokyo National Museum, Japan, Image : TNM Image Archives. Nine Dragons (detail) by Chen Rong<\/p>", "content_text": " H. peint du bras gauche. Elle ne parle qu'avec des onomatop\u00e9es. Aujourd'hui, j'ai appris qu'elle ne pouvait pas manger de chouquettes \u2013 elle a d\u00e9sign\u00e9 sa bouche d'un air triste quand je lui ai tendu le sachet. Droiti\u00e8re autrefois, elle apprend vite. Je lui montre en utilisant aussi mon bras gauche : la main qui court le long du manche du pinceau selon le besoin de pr\u00e9cision, d'\u00e9nergie. Son tableau \u00e9tait trop violent en couleurs. Je lui ai montr\u00e9 comment abaisser les valeurs avec du blanc seulement. Nuance, lenteur, pr\u00e9cision. M. et D. sont l\u00e0 aussi, chacune avec son handicap. Si je voulais lire les signes, j'inventerais une histoire. Mais elles m'apprennent la t\u00e9nacit\u00e9 qui s'appuie sur des raisons solides. Mes \u00e9tats d'\u00e2me, \u00e0 c\u00f4t\u00e9, sont des bulles de savon. Plus tard, en rentrant \u00e0 pied, j'ai vu une lumi\u00e8re sp\u00e9ciale \u2013 le mot est faible. Le bleu sombre du ciel sur les murs beiges et ocres fabriquait un accord qui m'a serr\u00e9 la gorge. Faut-il ne plus peindre pour peindre ? Ne plus \u00e9crire pour \u00e9crire ? Ces derniers jours, je r\u00e9\u00e9cris des textes anciens. Sans conviction d'abord. Puis j'ai utilis\u00e9 Deepseek avec un protocole strict, pour traquer mes bavardages, mes esquives. Ce que l'IA produit est m\u00e9diocre, mais cette m\u00e9diocrit\u00e9 m'oblige \u00e0 puiser dans ma propre langue. Elle me renvoie une ambigu\u00eft\u00e9 qui est la mienne : entre r\u00e9alit\u00e9 et fiction. Elle veut me conduire vers la fiction, alors que je cherche \u00e0 m'en extraire. J'ai vu une vid\u00e9o fascinante de F. \u00e0 propos de ce peintre chinois \u2014 Wu Daozi, qui dispara\u00eet dans son tableau. Un protocole, un match de boxe entre la machine et soi. Mon constat est optimiste : \u00e0 force de me montrer ce qui n'est pas moi, je commence \u00e0 voir ce qui m'appartient. Deepseek est un bon sparring-partner. Il fait des fautes de fran\u00e7ais, ce qui m'oblige \u00e0 redoubler d'attention. Comme H. avec son bras gauche, comme moi avec mes mots maladroits, mes sautillements de moineau , comme le peintre chinois qui s'efface : nous cr\u00e9ons avec ce qui nous manque. La contrainte n'est pas un obstacle, mais le pinceau m\u00eame. **illustration** : Tokyo National Museum, Japan, Image: TNM Image Archives. Nine Dragons (detail) by Chen Rong ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/p01k6fvh.jpg?1764994924", "tags": ["Narration et Exp\u00e9rimentation", "Technologies et Postmodernit\u00e9", "ce qu'on ignore vouloir"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-decembre-2025-3715.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-decembre-2025-3715.html", "title": "5 d\u00e9cembre 2025", "date_published": "2025-12-05T07:14:21Z", "date_modified": "2025-12-05T08:01:42Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

La relecture est p\u00e9nible, trois ou quatre ans apr\u00e8s : je tombe sur des pages bavardes, des maladresses, des passages devenus verbeux, parfois incompr\u00e9hensibles. C\u2019est un autre qui a \u00e9crit tout \u00e7a, ai-je envie de me dire, pour fermer le texte, d\u00e9cliner la conversation avec cet inconnu, refuser le d\u00e9rangement. Si on remonte au temps des r\u00e9dactions, pourtant, c\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 le m\u00eame \u00e9cart : le plaisir imm\u00e9diat de raconter une histoire au moment o\u00f9 l’on \u00e9crit , puis la copie rendue, les traits rouges, la note moyenne ou pire, sans qu’on ne comprenne vraiment ce qui est reproch\u00e9. Le d\u00e9m\u00e9nagement a fini de casser ce qui restait. Du Bourbonnais au Vexin, nous avons atterri \u00e0 Parmain, sur la rive droite d\u2019une Oise sombre qui sentait le fuel. Depuis la fen\u00eatre de la cuisine, au-del\u00e0 de l\u2019all\u00e9e de gravier et de la route goudronn\u00e9e, des p\u00e9niches lourdes se trainaient laissant derri\u00e8re elles des nappes grasses \u00e0 la surface des vitres ; les berges \u00e9taient couvertes de d\u00e9chets, bouts de plastique, ferraille, branches noircies. On avait donc quitt\u00e9 le bocage et la rivi\u00e8re claire pour \u00e7a. Quand je marchais vers Jouy-le-Comte, avec ses maisons cossues, son ch\u00e2teau, les champs lourds et fertiles, je voyais bien que tout n\u2019\u00e9tait pas mis\u00e8re, mais en moi l’impression du sali demeura. Trop de choses changeaient d\u2019un coup : les lieux, les visages, le corps qui se transforme, et moi l\u00e0-dedans, sans prise. Ma vie scolaire a commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9gringoler, et je me repliais de plus en plus souvent dans ma petite chambre au premier \u00e9tage, coinc\u00e9e sous le toit, \u00e0 m\u2019enfoncer dans des bandes dessin\u00e9es et des contes et l\u00e9gendes comme si je pouvais reconstituer, avec ces histoires-l\u00e0, un territoire o\u00f9 rien n\u2019avait boug\u00e9. En lisant [Apprendre l\u2019invention] de Fran\u00e7ois Bon, r\u00e9cemment, certaines phrases m\u2019ont ramen\u00e9 d\u2019un coup cette \u00e9poque. Surtout celles qu\u2019il cite dans leur forme brute, comme ce d\u00e9but :<\/p>\n

A l\u2019\u00e2ge de 5 ans j\u2019etait Mise en passion. <\/p>\n

Cette syntaxe bancale m\u2019a renvoy\u00e9 en plein dans un cours de fran\u00e7ais. Le professeur demandait \u00e0 chacun de se pr\u00e9senter. Je croyais que c\u2019\u00e9tait un jeu. Un \u00e9l\u00e8ve a dit Mesureur, un autre Le Tourneur, encore un autre S\u00e9gur ; j\u2019en ai conclu qu\u2019il fallait s\u2019inventer un nom et, quand mon tour est venu, j\u2019ai l\u00e2ch\u00e9 Mirabeau sans bien savoir qui \u00e9tait Mirabeau. Le silence est tomb\u00e9, quelques rires \u00e9touff\u00e9s ont travers\u00e9 le fond de la classe, le professeur m\u2019a regard\u00e9 par-dessus ses lunettes et a r\u00e9p\u00e9t\u00e9 mon vrai nom, bien \u00e0 plat, pour remettre les choses en ordre. Le sang m\u2019est mont\u00e9 aux oreilles : j\u2019avais voulu faire comme les autres, je venais d\u2019ajouter une couche au d\u00e9calage. J\u2019avais un accent terrible quand je suis arriv\u00e9 en r\u00e9gion parisienne ; j\u2019\u00e9tais le gars de la cambrousse qui monte \u00e0 la ville , avec en plus mon ind\u00e9crottable timidit\u00e9, les chemises cousues par ma m\u00e8re, le pantalon trop court, les godasses fatigu\u00e9es. Il suffit de remettre ce costume dans la cour du coll\u00e8ge pour entendre la phrase qui r\u00f4de sans qu\u2019on ait besoin de l\u2019\u00e9crire : <\/p>\n

\n

\u00e0 dix ans, la vie m’a tu\u00e9 une fois de plus <\/p>\n<\/blockquote>\n

\u00c0 partir de l\u00e0, j\u2019ai appris vite \u00e0 masquer ce qui pouvait casser : gommer l\u2019accent, surveiller ce que je disais pour que \u00e7a ait l’air , donner le change. Faire semblant d\u2019\u00eatre celui qu\u2019on attendait, ou plut\u00f4t celui que j\u2019imaginais qu\u2019on attendait. <\/p>\n

Quand aujourd\u2019hui je relis les textes de 2019, je retrouve tout cela que j\u2019ai envie de renier, je vois aussi le bricolage \u00e0 l\u2019\u0153uvre : une mani\u00e8re de parler en « je » tout en gardant une distance de s\u00e9curit\u00e9. Autrement dit, la naissance du dibbouk \u2013 ce double qui parle \u00e0 ma place et encaisse pour moi \u2013 doit remonter \u00e0 peu pr\u00e8s \u00e0 cette p\u00e9riode, entre l\u2019Oise noire, le cours de fran\u00e7ais et le fou rire \u00e9touff\u00e9 de la classe, \u00e0 moins qu\u2019il ne vienne d\u2019encore bien plus loin, d\u2019un secret conserv\u00e9 de m\u00e8re en fille depuis les pogroms d\u2019Ukraine et de Bi\u00e9lorussie, et des quelques survivants r\u00e9fugi\u00e9s en Estonie, appartenant encore \u00e0 l\u2019Empire russe mais non comprise dans la zone de r\u00e9sidence.<\/p>", "content_text": " La relecture est p\u00e9nible, trois ou quatre ans apr\u00e8s : je tombe sur des pages bavardes, des maladresses, des passages devenus verbeux, parfois incompr\u00e9hensibles. C\u2019est un autre qui a \u00e9crit tout \u00e7a, ai-je envie de me dire, pour fermer le texte, d\u00e9cliner la conversation avec cet inconnu, refuser le d\u00e9rangement. Si on remonte au temps des r\u00e9dactions, pourtant, c\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 le m\u00eame \u00e9cart : le plaisir imm\u00e9diat de raconter une histoire au moment o\u00f9 l'on \u00e9crit , puis la copie rendue, les traits rouges, la note moyenne ou pire, sans qu'on ne comprenne vraiment ce qui est reproch\u00e9. Le d\u00e9m\u00e9nagement a fini de casser ce qui restait. Du Bourbonnais au Vexin, nous avons atterri \u00e0 Parmain, sur la rive droite d\u2019une Oise sombre qui sentait le fuel. Depuis la fen\u00eatre de la cuisine, au-del\u00e0 de l\u2019all\u00e9e de gravier et de la route goudronn\u00e9e, des p\u00e9niches lourdes se trainaient laissant derri\u00e8re elles des nappes grasses \u00e0 la surface des vitres ; les berges \u00e9taient couvertes de d\u00e9chets, bouts de plastique, ferraille, branches noircies. On avait donc quitt\u00e9 le bocage et la rivi\u00e8re claire pour \u00e7a. Quand je marchais vers Jouy-le-Comte, avec ses maisons cossues, son ch\u00e2teau, les champs lourds et fertiles, je voyais bien que tout n\u2019\u00e9tait pas mis\u00e8re, mais en moi l'impression du sali demeura. Trop de choses changeaient d\u2019un coup : les lieux, les visages, le corps qui se transforme, et moi l\u00e0-dedans, sans prise. Ma vie scolaire a commenc\u00e9 \u00e0 d\u00e9gringoler, et je me repliais de plus en plus souvent dans ma petite chambre au premier \u00e9tage, coinc\u00e9e sous le toit, \u00e0 m\u2019enfoncer dans des bandes dessin\u00e9es et des contes et l\u00e9gendes comme si je pouvais reconstituer, avec ces histoires-l\u00e0, un territoire o\u00f9 rien n\u2019avait boug\u00e9. En lisant [Apprendre l\u2019invention] de Fran\u00e7ois Bon, r\u00e9cemment, certaines phrases m\u2019ont ramen\u00e9 d\u2019un coup cette \u00e9poque. Surtout celles qu\u2019il cite dans leur forme brute, comme ce d\u00e9but : A l\u2019\u00e2ge de 5 ans j\u2019etait Mise en passion. Cette syntaxe bancale m\u2019a renvoy\u00e9 en plein dans un cours de fran\u00e7ais. Le professeur demandait \u00e0 chacun de se pr\u00e9senter. Je croyais que c\u2019\u00e9tait un jeu. Un \u00e9l\u00e8ve a dit Mesureur, un autre Le Tourneur, encore un autre S\u00e9gur ; j\u2019en ai conclu qu\u2019il fallait s\u2019inventer un nom et, quand mon tour est venu, j\u2019ai l\u00e2ch\u00e9 Mirabeau sans bien savoir qui \u00e9tait Mirabeau. Le silence est tomb\u00e9, quelques rires \u00e9touff\u00e9s ont travers\u00e9 le fond de la classe, le professeur m\u2019a regard\u00e9 par-dessus ses lunettes et a r\u00e9p\u00e9t\u00e9 mon vrai nom, bien \u00e0 plat, pour remettre les choses en ordre. Le sang m\u2019est mont\u00e9 aux oreilles : j\u2019avais voulu faire comme les autres, je venais d\u2019ajouter une couche au d\u00e9calage. J\u2019avais un accent terrible quand je suis arriv\u00e9 en r\u00e9gion parisienne ; j\u2019\u00e9tais le gars de la cambrousse qui monte \u00e0 la ville , avec en plus mon ind\u00e9crottable timidit\u00e9, les chemises cousues par ma m\u00e8re, le pantalon trop court, les godasses fatigu\u00e9es. Il suffit de remettre ce costume dans la cour du coll\u00e8ge pour entendre la phrase qui r\u00f4de sans qu\u2019on ait besoin de l\u2019\u00e9crire : >\u00e0 dix ans, la vie m'a tu\u00e9 une fois de plus \u00c0 partir de l\u00e0, j\u2019ai appris vite \u00e0 masquer ce qui pouvait casser : gommer l\u2019accent, surveiller ce que je disais pour que \u00e7a ait l'air , donner le change. Faire semblant d\u2019\u00eatre celui qu\u2019on attendait, ou plut\u00f4t celui que j\u2019imaginais qu\u2019on attendait. Quand aujourd\u2019hui je relis les textes de 2019, je retrouve tout cela que j\u2019ai envie de renier, je vois aussi le bricolage \u00e0 l\u2019\u0153uvre : une mani\u00e8re de parler en \u00ab je \u00bb tout en gardant une distance de s\u00e9curit\u00e9. Autrement dit, la naissance du dibbouk \u2013 ce double qui parle \u00e0 ma place et encaisse pour moi \u2013 doit remonter \u00e0 peu pr\u00e8s \u00e0 cette p\u00e9riode, entre l\u2019Oise noire, le cours de fran\u00e7ais et le fou rire \u00e9touff\u00e9 de la classe, \u00e0 moins qu\u2019il ne vienne d\u2019encore bien plus loin, d\u2019un secret conserv\u00e9 de m\u00e8re en fille depuis les pogroms d\u2019Ukraine et de Bi\u00e9lorussie, et des quelques survivants r\u00e9fugi\u00e9s en Estonie, appartenant encore \u00e0 l\u2019Empire russe mais non comprise dans la zone de r\u00e9sidence. 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R\u00eave \u00e9trange dans lequel je suis avec G., ancien comptable et \u00e9l\u00e8ve, sur la terrasse d’une maison de toute \u00e9vidence situ\u00e9e dans le sud de la France. Il y a une histoire de clefs. Je vois deux clefs sur le sol mais aucune d’elles ne correspond \u00e0 la clef de chez moi. Et donc G. m’accompagne devant chez moi (qui se trouve dans le 18\u1d49 \u00e0 Simplon), je lui rends ses clefs \u00e0 lui, et je jette toutes les clefs que j’ai dans les poches sur le sol pour trouver la mienne, mais je ne la trouve pas. Je ne peux plus entrer chez moi, nous retournons chez G. et montons sur la terrasse, il \u00e9carte des feuilles de ce que j’ai d’abord pris pour une glycine et l\u00e0 j’aper\u00e7ois du raisin noir, des grains \u00e9normes et juteux. Mais je ne me souviens pas d’en avoir mang\u00e9. La surprise vient non pas d’une salivation soudaine mais de m’\u00eatre tromp\u00e9 de mot, glycine contre vigne. Puis je me r\u00e9veille, 4 h 35 du matin, je me souviens que G. est mort depuis trois ans.<\/p>\n

Je pensais en avoir fini avec le chamanisme et donc probablement avec la peinture, sans faire le lien aussi nettement que maintenant que je l’\u00e9cris. Probablement en raison d’un doute persistant qui se sera effac\u00e9 \u00e0 force de ne plus y songer. La naissance de ce doute je peux la situer \u00e0 peu pr\u00e8s au m\u00eame moment o\u00f9 j’ai arr\u00eat\u00e9 de publier des vid\u00e9os sur YouTube, il y a trois ans.<\/p>\n

Je me rends compte que je termine les deux paragraphes au-dessus avec ce constat d’une double mort, une r\u00e9elle et une autre symbolique, bien s\u00fbr. Mais peut-\u00eatre que l’int\u00e9r\u00eat ne porte pas sur la mort mais sur trois ans.<\/p>\n

Le Covid, ajout\u00e9 aux difficult\u00e9s administratives, \u00e0 l’impossibilit\u00e9 de prendre ma retraite, \u00e0 une prise de conscience soudaine probablement de la vieillesse, d’une vuln\u00e9rabilit\u00e9 que je n’avais que peu envisag\u00e9e, \u00e0 la certitude que je n’avais jamais \u00e9t\u00e9 au bout du compte qu’un imposteur dans de multiples domaines. Une imposture qui commence et probablement s’ach\u00e8vera avec moi-m\u00eame plus qu’avec les autres. Car les autres ne sont jamais dupes.<\/p>\n

Donc s’il faut dater le tout d\u00e9but de ce qui ressemble \u00e0 un effondrement, 2022 para\u00eet correct. Non seulement je prends conscience de celui-ci mais je continue de faire comme avant, de ne pas trop m’arr\u00eater sur le sujet. Encore que, pour \u00eatre tout \u00e0 fait honn\u00eate avec l’homme que j’\u00e9tais encore en 2022, l’id\u00e9e d’imposture soit un grand mot. Il vaudrait mieux \u00e9crire que ces \u00e9tiquettes \u00e9taient us\u00e9es tout simplement, que je les trouvais soudain d\u00e9mod\u00e9es face \u00e0 la totale incompr\u00e9hension du monde et donc de moi-m\u00eame au c\u0153ur de l’\u00e9pisode surnaturel que nous traversions.<\/p>\n

Il y a deux fa\u00e7ons de changer son fusil d’\u00e9paule comme il y a deux fa\u00e7ons de faire bien des choses. De bonne ou de mauvaise gr\u00e2ce, ce qui pourrait se traduire par d’accord ou pas d’accord avec le changement. J’ai toujours \u00e9t\u00e9 d’accord avec tout changement, ou je croyais l’\u00eatre, ma propre survie en d\u00e9pendant (et c’est de l\u00e0 que na\u00eet ce sentiment d’imposture) avec l’id\u00e9e d’\u00eatre d’une souplesse \u00e0 toute \u00e9preuve qui n’avait \u00e9t\u00e9 conserv\u00e9e que pour me dissimuler les premiers ravages de la vieillesse : douleurs articulaires et ruminations.<\/p>\n

Peut-\u00eatre que 2022 marque simplement le constat de n’\u00eatre plus aussi « jeune » que je voulais encore le croire, mais vainement. C’est comme se r\u00e9veiller d’un r\u00eave, ouvrir les yeux dans la p\u00e9nombre, ignorer un instant jusqu’\u00e0 l’existence du corps, puis s’en souvenir vaguement — est-on certain d’avoir un corps ? on se t\u00e2te pour s’en assurer et les premi\u00e8res douleurs se r\u00e9veillent, et avec elles la r\u00e9alit\u00e9 devient tangible.<\/p>\n

Parall\u00e8lement \u00e0 ce constat, comment faire ? Les engagements pris pour les expositions, la r\u00e9gularit\u00e9 de m\u00e9tronome des ateliers dans divers lieux g\u00e9ographiques, les contrats... il fallait continuer \u00e0 payer les factures, impossible de se ressaisir totalement. \u00c0 la prise de conscience d’\u00eatre prisonnier d’un mauvais r\u00eave dont on peut s’\u00e9jecter en se r\u00e9veillant, ce furent trois ann\u00e9es au cours desquelles je devins un c\u00e9tac\u00e9, ne remontant \u00e0 la surface pour respirer qu’en \u00e9crivant sur un blog commenc\u00e9 mollement en 2018.<\/p>\n

De ce r\u00e9veil depuis l’apn\u00e9e en rebondissements multiples, de cette r\u00e9alit\u00e9 de plus en plus douloureuse, comment faire face. Il est plus plausible que la l\u00e2chet\u00e9 habituelle (autrement dit mon exigence d\u00e9mesur\u00e9e) m’ait conduit \u00e0 chercher une issue de secours.<\/p>\n

J’ai retrouv\u00e9 l’un de mes premiers textes lorsqu’en 2022 je m’\u00e9tais inscrit \u00e0 l’atelier d’\u00e9criture de Tierslivre.<\/p>\n

-la ville, la rue, encore elle\u2026 et cette sensation — pas un souvenir, — un frisson \u2026 quelque chose glisse, s\u2019\u00e9chappe\u2026 mais c\u2019est l\u00e0, .. \u00e7a devrait\u2026 \u00e7a pourrait\u2026 non, pas le marchand, il n\u2019est plus l\u00e0 — la fille peut-\u00eatre, ou son ombre\u2026 « Sophie », vraiment ?\u2026 non, Magali\u2026 pourquoi \u00e7a revient comme \u00e7a, brutalement, sans filtre\u2026 le reflet\u2026 c\u2019\u00e9tait qui ? une version \u2026 quelqu\u2019un regarde\u2026 de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9\u2026 le sandwich\u2026 les cornets\u2026 ce serait simple, si\u2026 non\u2026 pas maintenant\u2026 pas cette fois\u2026 quatre euros cinquante, c\u2019est cher pour un retour en enfance\u2026 revenir, ou pas\u2026<\/p>\n

D’ailleurs ce texte n’est pas l’original, il a \u00e9t\u00e9 r\u00e9\u00e9crit en f\u00e9vrier 2025 mais le fond reste le m\u00eame. Ce texte n’est qu’un tout petit morceau d’un immense iceberg. En ce mois de juin 2022, date de mon inscription, je constate une profusion suspecte de textes \u00e9crits lors d’une seule journ\u00e9e (le 13\/06). C’\u00e9tait l\u00e0 vraiment se ruer vers une issue de secours. Une repr\u00e9sentation de la panique. Le travail de r\u00e9\u00e9criture commence donc en f\u00e9vrier 2025, avec peut-\u00eatre le moteur identifi\u00e9 de vouloir sortir de ce que je consid\u00e8re \u00eatre un \u00e9garement plut\u00f4t qu’une imposture v\u00e9ritable.<\/p>\n

Hier, atelier sur le visage, M. C. me rappelle que j’ai d\u00fb conserver la clef du local de C. En effet, depuis tout ce temps, elle est rest\u00e9e accroch\u00e9e \u00e0 mon trousseau. La lui rendre est comme une d\u00e9livrance.<\/p>", "content_text": " R\u00eave \u00e9trange dans lequel je suis avec G., ancien comptable et \u00e9l\u00e8ve, sur la terrasse d'une maison de toute \u00e9vidence situ\u00e9e dans le sud de la France. Il y a une histoire de clefs. Je vois deux clefs sur le sol mais aucune d'elles ne correspond \u00e0 la clef de chez moi. Et donc G. m'accompagne devant chez moi (qui se trouve dans le 18\u1d49 \u00e0 Simplon), je lui rends ses clefs \u00e0 lui, et je jette toutes les clefs que j'ai dans les poches sur le sol pour trouver la mienne, mais je ne la trouve pas. Je ne peux plus entrer chez moi, nous retournons chez G. et montons sur la terrasse, il \u00e9carte des feuilles de ce que j'ai d'abord pris pour une glycine et l\u00e0 j'aper\u00e7ois du raisin noir, des grains \u00e9normes et juteux. Mais je ne me souviens pas d'en avoir mang\u00e9. La surprise vient non pas d'une salivation soudaine mais de m'\u00eatre tromp\u00e9 de mot, glycine contre vigne. Puis je me r\u00e9veille, 4 h 35 du matin, je me souviens que G. est mort depuis trois ans. Je pensais en avoir fini avec le chamanisme et donc probablement avec la peinture, sans faire le lien aussi nettement que maintenant que je l'\u00e9cris. Probablement en raison d'un doute persistant qui se sera effac\u00e9 \u00e0 force de ne plus y songer. La naissance de ce doute je peux la situer \u00e0 peu pr\u00e8s au m\u00eame moment o\u00f9 j'ai arr\u00eat\u00e9 de publier des vid\u00e9os sur YouTube, il y a trois ans. Je me rends compte que je termine les deux paragraphes au-dessus avec ce constat d'une double mort, une r\u00e9elle et une autre symbolique, bien s\u00fbr. Mais peut-\u00eatre que l'int\u00e9r\u00eat ne porte pas sur la mort mais sur trois ans. Le Covid, ajout\u00e9 aux difficult\u00e9s administratives, \u00e0 l'impossibilit\u00e9 de prendre ma retraite, \u00e0 une prise de conscience soudaine probablement de la vieillesse, d'une vuln\u00e9rabilit\u00e9 que je n'avais que peu envisag\u00e9e, \u00e0 la certitude que je n'avais jamais \u00e9t\u00e9 au bout du compte qu'un imposteur dans de multiples domaines. Une imposture qui commence et probablement s'ach\u00e8vera avec moi-m\u00eame plus qu'avec les autres. Car les autres ne sont jamais dupes. Donc s'il faut dater le tout d\u00e9but de ce qui ressemble \u00e0 un effondrement, 2022 para\u00eet correct. Non seulement je prends conscience de celui-ci mais je continue de faire comme avant, de ne pas trop m'arr\u00eater sur le sujet. Encore que, pour \u00eatre tout \u00e0 fait honn\u00eate avec l'homme que j'\u00e9tais encore en 2022, l'id\u00e9e d'imposture soit un grand mot. Il vaudrait mieux \u00e9crire que ces \u00e9tiquettes \u00e9taient us\u00e9es tout simplement, que je les trouvais soudain d\u00e9mod\u00e9es face \u00e0 la totale incompr\u00e9hension du monde et donc de moi-m\u00eame au c\u0153ur de l'\u00e9pisode surnaturel que nous traversions. Il y a deux fa\u00e7ons de changer son fusil d'\u00e9paule comme il y a deux fa\u00e7ons de faire bien des choses. De bonne ou de mauvaise gr\u00e2ce, ce qui pourrait se traduire par d'accord ou pas d'accord avec le changement. J'ai toujours \u00e9t\u00e9 d'accord avec tout changement, ou je croyais l'\u00eatre, ma propre survie en d\u00e9pendant (et c'est de l\u00e0 que na\u00eet ce sentiment d'imposture) avec l'id\u00e9e d'\u00eatre d'une souplesse \u00e0 toute \u00e9preuve qui n'avait \u00e9t\u00e9 conserv\u00e9e que pour me dissimuler les premiers ravages de la vieillesse : douleurs articulaires et ruminations. Peut-\u00eatre que 2022 marque simplement le constat de n'\u00eatre plus aussi \u00ab jeune \u00bb que je voulais encore le croire, mais vainement. C'est comme se r\u00e9veiller d'un r\u00eave, ouvrir les yeux dans la p\u00e9nombre, ignorer un instant jusqu'\u00e0 l'existence du corps, puis s'en souvenir vaguement \u2014 est-on certain d'avoir un corps ? on se t\u00e2te pour s'en assurer et les premi\u00e8res douleurs se r\u00e9veillent, et avec elles la r\u00e9alit\u00e9 devient tangible. Parall\u00e8lement \u00e0 ce constat, comment faire ? Les engagements pris pour les expositions, la r\u00e9gularit\u00e9 de m\u00e9tronome des ateliers dans divers lieux g\u00e9ographiques, les contrats... il fallait continuer \u00e0 payer les factures, impossible de se ressaisir totalement. \u00c0 la prise de conscience d'\u00eatre prisonnier d'un mauvais r\u00eave dont on peut s'\u00e9jecter en se r\u00e9veillant, ce furent trois ann\u00e9es au cours desquelles je devins un c\u00e9tac\u00e9, ne remontant \u00e0 la surface pour respirer qu'en \u00e9crivant sur un blog commenc\u00e9 mollement en 2018. De ce r\u00e9veil depuis l'apn\u00e9e en rebondissements multiples, de cette r\u00e9alit\u00e9 de plus en plus douloureuse, comment faire face. Il est plus plausible que la l\u00e2chet\u00e9 habituelle (autrement dit mon exigence d\u00e9mesur\u00e9e) m'ait conduit \u00e0 chercher une issue de secours. J'ai retrouv\u00e9 l'un de mes premiers textes lorsqu'en 2022 je m'\u00e9tais inscrit \u00e0 l'atelier d'\u00e9criture de Tierslivre. -la ville, la rue, encore elle\u2026 et cette sensation \u2014 pas un souvenir, \u2014 un frisson \u2026 quelque chose glisse, s\u2019\u00e9chappe\u2026 mais c\u2019est l\u00e0, .. \u00e7a devrait\u2026 \u00e7a pourrait\u2026 non, pas le marchand, il n\u2019est plus l\u00e0 \u2014 la fille peut-\u00eatre, ou son ombre\u2026 \u00ab Sophie \u00bb, vraiment ?\u2026 non, Magali\u2026 pourquoi \u00e7a revient comme \u00e7a, brutalement, sans filtre\u2026 le reflet\u2026 c\u2019\u00e9tait qui ? une version \u2026 quelqu\u2019un regarde\u2026 de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9\u2026 le sandwich\u2026 les cornets\u2026 ce serait simple, si\u2026 non\u2026 pas maintenant\u2026 pas cette fois\u2026 quatre euros cinquante, c\u2019est cher pour un retour en enfance\u2026 revenir, ou pas\u2026 D'ailleurs ce texte n'est pas l'original, il a \u00e9t\u00e9 r\u00e9\u00e9crit en f\u00e9vrier 2025 mais le fond reste le m\u00eame. Ce texte n'est qu'un tout petit morceau d'un immense iceberg. En ce mois de juin 2022, date de mon inscription, je constate une profusion suspecte de textes \u00e9crits lors d'une seule journ\u00e9e (le 13\/06). C'\u00e9tait l\u00e0 vraiment se ruer vers une issue de secours. Une repr\u00e9sentation de la panique. Le travail de r\u00e9\u00e9criture commence donc en f\u00e9vrier 2025, avec peut-\u00eatre le moteur identifi\u00e9 de vouloir sortir de ce que je consid\u00e8re \u00eatre un \u00e9garement plut\u00f4t qu'une imposture v\u00e9ritable. Hier, atelier sur le visage, M. C. me rappelle que j'ai d\u00fb conserver la clef du local de C. En effet, depuis tout ce temps, elle est rest\u00e9e accroch\u00e9e \u00e0 mon trousseau. La lui rendre est comme une d\u00e9livrance. 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Il pleut mais ne fait pas froid. Qui donc. Qui pleut, qui ne fait pas froid. Il ne convient pas de placer au bout de chaque question un signe pour l\u2019indiquer. D\u2019ailleurs qui s\u2019adresse \u00e0 qui ou quoi \u00e0 chacun, chacune. Et qui cela peut-il bien \u00eatre que ce chacune, que ce chacun. Cela m\u00e9rite-t-il vraiment une r\u00e9ponse. Des r\u00e9ponses, autant de blabla. Ce matin, le mot dessillement me dessille. Action de (se) dessiller les yeux, de voir clair au-del\u00e0 des apparences ; r\u00e9sultat de cette action : « Ses yeux [d\u2019Henriette] humides de larmes annon\u00e7aient un dessillement supr\u00eame, elle apercevait d\u00e9j\u00e0 les joies c\u00e9lestes de la terre promise. » (Balzac, Le Lys dans la vall\u00e9e). C\u2019est dans En attendant Nadeau<\/a> que je lis ce mot \u00e0 propos du b\u00e9otien qui d\u00e9couvrirait dans ces lignes (celles de l\u2019article ou du livre de Michon ?) les bronzes d\u2019Ag\u00e9ladas. Mais merci pour le mot airain qui suit un peu plus loin. Je l\u2019avais tant aim\u00e9, comme \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce que j\u2019ai tant aim\u00e9, puis fini par oublier. Et H\u00e9ron, et les statues et les cloches dans les reins, et l\u2019air et le rien, et les machines \u00e0 vapeur, et les automates grecs ou byzantins. Et Alexandrie et Constantinople. Mais \u00e9tait-ce bien Th\u00e9ophile qui lutta contre les Abbassides ? Pas tant que \u00e7a, tout de m\u00eame, car \u00e0 cette \u00e9poque on savait voir \u00e0 long terme. On savait d\u00e9j\u00e0 cr\u00e9er des r\u00e9seaux par l\u2019entremise du morse optique. Pauvres de nous qui sommes devenus si imbus de nous-m\u00eames, qu\u2019ignorants et b\u00eates. Le progr\u00e8s ne va pas vers un meilleur de l\u2019homme, pas plus que vers celui de la femme. Le progr\u00e8s va vers quoi. Vers la destruction \u00e0 plus ou moins long terme. Le progr\u00e8s est un autre mot pour dire la pulsion suicidaire. Et, comme d\u2019habitude, cela part d\u2019un « bon sentiment », le r\u00eave d\u2019un monde meilleur. Le mieux \u00e9tant l\u2019ennemi du bien<\/em>, comme disaient les vieux, et comme j\u2019ai, moi aussi, tendance \u00e0 mal vieillir. Je pense \u00e0 l\u2019\u00e9rudition et \u00e0 la mani\u00e8re de n\u2019en pas parler ouvertement. L\u2019\u00e9rudition \u00e9tant, comme les voyages pour le commun des mortels, chose si extravagante, appartenant au domaine de l\u2019imaginaire, qu\u2019il sied toujours mal de l\u2019\u00e9taler (je ne sais pas si on peut dire « sied ou va chier » comme \u00e7a, tout simplement parce que \u00e7a sonne bien). <\/p>\n

Tout \u00e7a pour dire que je n\u2019ai pas grand-chose \u00e0 dire, et de le dire en essayant de ne pas trop m\u2019apitoyer sur mon sort ou de gluxmaniser les gens qui, par hasard, me lisent <\/p>\n

Donc, je voulais aussi dire qu\u2019hier soir une sorte de dessillement en essayant d\u2019imaginer d\u2019autres civilisations que la n\u00f4tre, soit plus \u00e2g\u00e9es de quelques milliards d\u2019ann\u00e9es, dans d\u2019autres galaxies, soit d\u2019autres civilisations ayant exist\u00e9 ici sur Terre mais dont il serait impossible de trouver trace , parce qu\u2019elles n\u2019utilisaient pas les m\u00eames mat\u00e9riaux ou la m\u00eame philosophie que la n\u00f4tre en mati\u00e8re de civilisation. Bref, un dessillement face \u00e0 l\u2019insommensurable. Car nous sommes d\u00e9sormais tant dans la mesure que nous filons vers la d\u00e9mesure, mais jamais vers l\u2019impossibilit\u00e9 de mesurer. Ce concept nous est devenu \u00e9tranger. L\u2019incommensurable devrait pourtant nous interroger, sa notion en tout cas, s\u2019il est impossible de s\u2019en faire vraiment une id\u00e9e. Comment, nous, par exemple, si nous ne nous d\u00e9truisons pas avec notre environnement, devrons-nous muter pour affronter les mill\u00e9naires \u00e0 venir. L\u2019individualit\u00e9 n\u2019est pas viable, trop fragile, vuln\u00e9rable. Devrons-nous trouver des solutions hybrides bien au-del\u00e0 du concept de transhumanisme actuel pour maintenir en \u00e9tat la seule chose, finalement, qui vaille, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019information et sa propre conscience. Ceci me ram\u00e8ne \u00e9videmment, encore une fois, au peuple fourmi et aux Hopis, sans tomber dans le concept fumeux New Age d\u2019une th\u00e9orie de la race \u00e9lue, concept tout aussi fumeux donc que la th\u00e9orie de la race pure, juive ou nazie, et d\u2019un seul coup — vertige — je n\u2019en dirai pas plus. <\/p>", "content_text": " Il pleut mais ne fait pas froid. Qui donc. Qui pleut, qui ne fait pas froid. Il ne convient pas de placer au bout de chaque question un signe pour l\u2019indiquer. D\u2019ailleurs qui s\u2019adresse \u00e0 qui ou quoi \u00e0 chacun, chacune. Et qui cela peut-il bien \u00eatre que ce chacune, que ce chacun. Cela m\u00e9rite-t-il vraiment une r\u00e9ponse. Des r\u00e9ponses, autant de blabla. Ce matin, le mot dessillement me dessille. Action de (se) dessiller les yeux, de voir clair au-del\u00e0 des apparences ; r\u00e9sultat de cette action : \u00ab Ses yeux [d\u2019Henriette] humides de larmes annon\u00e7aient un dessillement supr\u00eame, elle apercevait d\u00e9j\u00e0 les joies c\u00e9lestes de la terre promise. \u00bb (Balzac, Le Lys dans la vall\u00e9e). C\u2019est dans [En attendant Nadeau->https:\/\/www.en-attendant-nadeau.fr\/2025\/12\/02\/peut-on-se-fier-a-la-parole-de-michon\/] que je lis ce mot \u00e0 propos du b\u00e9otien qui d\u00e9couvrirait dans ces lignes (celles de l\u2019article ou du livre de Michon ?) les bronzes d\u2019Ag\u00e9ladas. Mais merci pour le mot airain qui suit un peu plus loin. Je l\u2019avais tant aim\u00e9, comme \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce que j\u2019ai tant aim\u00e9, puis fini par oublier. Et H\u00e9ron, et les statues et les cloches dans les reins, et l\u2019air et le rien, et les machines \u00e0 vapeur, et les automates grecs ou byzantins. Et Alexandrie et Constantinople. Mais \u00e9tait-ce bien Th\u00e9ophile qui lutta contre les Abbassides ? Pas tant que \u00e7a, tout de m\u00eame, car \u00e0 cette \u00e9poque on savait voir \u00e0 long terme. On savait d\u00e9j\u00e0 cr\u00e9er des r\u00e9seaux par l\u2019entremise du morse optique. Pauvres de nous qui sommes devenus si imbus de nous-m\u00eames, qu\u2019ignorants et b\u00eates. Le progr\u00e8s ne va pas vers un meilleur de l\u2019homme, pas plus que vers celui de la femme. Le progr\u00e8s va vers quoi. Vers la destruction \u00e0 plus ou moins long terme. Le progr\u00e8s est un autre mot pour dire la pulsion suicidaire. Et, comme d\u2019habitude, cela part d\u2019un \u00ab bon sentiment \u00bb, le r\u00eave d\u2019un monde meilleur. *Le mieux \u00e9tant l\u2019ennemi du bien*, comme disaient les vieux, et comme j\u2019ai, moi aussi, tendance \u00e0 mal vieillir. Je pense \u00e0 l\u2019\u00e9rudition et \u00e0 la mani\u00e8re de n\u2019en pas parler ouvertement. L\u2019\u00e9rudition \u00e9tant, comme les voyages pour le commun des mortels, chose si extravagante, appartenant au domaine de l\u2019imaginaire, qu\u2019il sied toujours mal de l\u2019\u00e9taler (je ne sais pas si on peut dire \u00ab sied ou va chier \u00bb comme \u00e7a, tout simplement parce que \u00e7a sonne bien). Tout \u00e7a pour dire que je n\u2019ai pas grand-chose \u00e0 dire, et de le dire en essayant de ne pas trop m\u2019apitoyer sur mon sort ou de gluxmaniser les gens qui, par hasard, me lisent Donc, je voulais aussi dire qu\u2019hier soir une sorte de dessillement en essayant d\u2019imaginer d\u2019autres civilisations que la n\u00f4tre, soit plus \u00e2g\u00e9es de quelques milliards d\u2019ann\u00e9es, dans d\u2019autres galaxies, soit d\u2019autres civilisations ayant exist\u00e9 ici sur Terre mais dont il serait impossible de trouver trace , parce qu\u2019elles n\u2019utilisaient pas les m\u00eames mat\u00e9riaux ou la m\u00eame philosophie que la n\u00f4tre en mati\u00e8re de civilisation. Bref, un dessillement face \u00e0 l\u2019insommensurable. Car nous sommes d\u00e9sormais tant dans la mesure que nous filons vers la d\u00e9mesure, mais jamais vers l\u2019impossibilit\u00e9 de mesurer. Ce concept nous est devenu \u00e9tranger. L\u2019incommensurable devrait pourtant nous interroger, sa notion en tout cas, s\u2019il est impossible de s\u2019en faire vraiment une id\u00e9e. Comment, nous, par exemple, si nous ne nous d\u00e9truisons pas avec notre environnement, devrons-nous muter pour affronter les mill\u00e9naires \u00e0 venir. L\u2019individualit\u00e9 n\u2019est pas viable, trop fragile, vuln\u00e9rable. Devrons-nous trouver des solutions hybrides bien au-del\u00e0 du concept de transhumanisme actuel pour maintenir en \u00e9tat la seule chose, finalement, qui vaille, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019information et sa propre conscience. Ceci me ram\u00e8ne \u00e9videmment, encore une fois, au peuple fourmi et aux Hopis, sans tomber dans le concept fumeux New Age d\u2019une th\u00e9orie de la race \u00e9lue, concept tout aussi fumeux donc que la th\u00e9orie de la race pure, juive ou nazie, et d\u2019un seul coup \u2014 vertige \u2014 je n\u2019en dirai pas plus. 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Lutter contre la vitesse \u00e0 laquelle tu \u00e9cris <\/p>\n

parce que<\/del> tu ne veux pas r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 ce que tu \u00e9cris.<\/p>\n

( tu ne veux pas ou tu ne peux pas ?) <\/p>\n

Tu ne pr\u00e9f\u00e8rerais pas<\/em> <\/p>\n

Dehors<\/del> par la vitre, par l’interm\u00e9diaire ? l’entremise ? le froid se sent<\/del> pose et p\u00e8se sur les avant-bras pendant que<\/del> quand tu \u00e9cris <\/p>\n

tu \u00e9cris dehors<\/em> mais ce n’est pas juste <\/p>\n

c’est dedans qu’il fait froid de l’autre c\u00f4t\u00e9 de la vitre <\/p>\n

non <\/p>\n

en fait<\/del> il fait froid partout<\/p>\n

cesse d’expliquer \nentra\u00eene-toi <\/p>\n

la vitesse est li\u00e9e \u00e0 ce manque d’entra\u00eenement dis-tu <\/p>\n

regarde la vitesse<\/del> rapidit\u00e9 ( tagada, tagada ) avec laquelle tu \u00e9cris <\/p>\n

oh la vache dit la vache, un train vient de passer<\/p>\n

neige \npas \nr\u00eav\u00e9 ?<\/p>\n

Aujourd\u2019hui, j\u2019ai appris \u00e0 biffer en markdown.<\/p>\n

tu pourras bient\u00f4t publier des recettes de cuisine <\/p>\n

la langue de boeuf n’a plus aucun secret pour toi<\/p>\n

Et donc te voici en d\u00e9cembre. Il dit \u00e7a et je ne sais pas s\u2019il veut que je prenne \u00e7a pour une question. Je le regarde et ne r\u00e9ponds rien. <\/p>\n

-- Tu dirais que tu es triste, me dit-il encore. <\/p>\n

Silence. Pas un silence qui demande des efforts, un silence facile. Peut-\u00eatre pas tout de m\u00eame un silence r\u00e9flexe, un silence du chien de Pavlov, oui, c\u2019est \u00e7a : un silence sans bavure. <\/p>\n

-- O\u00f9 sont pass\u00e9s tes r\u00eaves ?, ajoute-t-il vicieusement. <\/p>\n

-- Mais qu\u2019est-ce que \u00e7a peut bien te foutre ?, \u00e7a sort d\u2019un coup un peu m\u00e9chamment. <\/p>\n

Il rit. <\/p>\n

-- Trop facile ! <\/p>\n

Il me vient l\u2019image d\u2019une pi\u00e8ce absolument vide, peu importe la fonction de cette pi\u00e8ce, l\u2019important est qu\u2019il ne reste aucun grain de poussi\u00e8re. L\u00e0, j\u2019apporte un tabouret de bois, je le place au milieu de la pi\u00e8ce, je m\u2019assois. <\/p>\n

-- Tu maquilles une voiture vol\u00e9e. Elle appartient \u00e0 Miller celle-l\u00e0 : Tropique du Cancer<\/em>, page 1. <\/p>\n

\n

J\u2019habite Villa Borgh\u00e8se. Il n\u2019y a pas une miette de salet\u00e9 nulle part, ni une chaise d\u00e9plac\u00e9e. Nous y sommes tout seuls, et nous sommes morts. <\/p>\n<\/blockquote>\n

-- Est-ce qu\u2019un jour tu sortiras de cette figure romantique ? <\/p>\n

-- Est-ce que l\u2019on sort jamais de l\u2019abandon ? <\/p>\n

Il est possible qu\u2019un rapport advienne entre ces deux phrases, un rapport \u00e0 ranger sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re, l\u00e0 o\u00f9 l\u2019on range tout ce qui a comme sujet la b\u00eate \u00e0 deux dos<\/em>. Un enfer sans Dante, tout simplement porno. <\/p>\n

-- Ton d\u00e9marrage sur les figures de l\u2019abandon \u00e9tait pas mal, mais comme d\u2019habitude fulgurance et chute. D\u00e8s que tu vois poindre la moindre autorit\u00e9 en toi tu te d\u00e9fenestres. <\/p>\n

-- [\u2026] ! <\/p>\n

-- L\u2019impression de radoter est une chose normale, tu ne peux pas t\u2019arr\u00eater \u00e0 ce seuil et encore une fois tourner les talons. <\/p>\n

-- Tu ne voudrais pas la fermer au moins pendant que je prends le caf\u00e9 ? <\/p>\n

-- Encore une bagnole maquill\u00e9e\u2026 Stephan Eicher, D\u00e9jeuner en paix<\/em>. <\/p>\n

-- Born in August 1960, plus jeune que moi. Mais \u00e7a ne me ram\u00e8ne qu\u2019aux ann\u00e9es 80. Je lisais aussi Djian comme tout le monde, et probablement aussi Paul Auster, Siri Hustvedt, n\u00e9e le 19 f\u00e9vrier 1955 \u00e0 Northfield, dans le Minnesota. Bien fatigu\u00e9e, cette derni\u00e8re. Tout ce que j\u2019aimais.<\/em> <\/p>\n

-- Tu ne peux d\u00e9cid\u00e9ment pas t\u2019emp\u00eacher. <\/p>\n

-- Tu veux dire que je ne suis pas assez un homme ? <\/p>\n

-- Si c\u2019est la seule r\u00e9ponse que tu attends toujours, d\u2019accord, mais je pensais au pass\u00e9 tout simplement. Tu ne peux pas t\u2019emp\u00eacher de te ruer dans le pass\u00e9. <\/p>\n

-- Le pass\u00e9 est rouge, le pass\u00e9 est un chiffon rouge et je suis le minotaure qui court dans les couloirs du labyrinthe pour essayer d\u2019attraper le fil rouge, autant dire peine perdue. <\/p>\n

-- Reviens aux sens. Arr\u00eate de t\u2019enfuir. Tiens, prends deux silex et frotte. <\/p>\n

-- Jamais personne n\u2019est parvenu \u00e0 faire du feu ainsi. <\/p>\n

-- Qui te parle de feu ? Renifle seulement l\u2019odeur. <\/p>\n

-- Mais oui, l\u2019odeur, le portail, le retour vers je ne sais quoi, tout \u00e7a me fatigue. <\/p>\n

-- Plus la fatigue augmente, plus tu seras oblig\u00e9 de l\u00e2cher du lest de toute fa\u00e7on. <\/p>\n

-- Tais-toi, je t\u2019en prie. <\/p>\n

-- Encore un v\u00e9hicule vol\u00e9, Carver cette fois, tu n\u2019as pas honte un peu ? <\/p>\n

-- Je n\u2019ai pas honte, non, je suis la honte.<\/p>\n

Tout cela n’est qu’un feu d’artifice litt\u00e9raire jamais la mise \u00e0 nu souhait\u00e9e. La souhaite tu vraiment ou t’en moque tu ? c’est une vraie question.<\/p>\n

Tu \u00e9cris : “L\u2019impression de radoter est une chose normale”, puis tu continues exactement dans le m\u00eame mouvement. Dire “je radote” n\u2019annule pas le radotage, \u00e7a l\u2019habille. De m\u00eame pour : “D\u00e8s que tu vois poindre la moindre autorit\u00e9 en toi tu te d\u00e9fenestres” : tu pointes ta fuite, mais tu fuis quand m\u00eame juste apr\u00e8s, dans une autre image.<\/p>\n

--\u00e7a veut dire quoi Doc ? Irr\u00e9cup\u00e9rable ?\n-- je dirais assez pitoyable plut\u00f4t.<\/p>\n

\n

Il \u00e9voque “les figures de l\u2019abandon”, “la figure romantique”, le Minotaure dans le labyrinthe, la b\u00eate \u00e0 deux dos. Tout cela reste en l\u2019air. O\u00f9 est l\u2019abandon concret ? Qui t\u2019a laiss\u00e9 o\u00f9 ? Quand ? Avec quoi dans les mains ? On n\u2019en saura rien. En lieu et place, on a un panoptique de m\u00e9taphores.<\/p>\n<\/blockquote>\n

-- L\u2019injonction “Reviens aux sens” est la meilleure phrase\u2026 et tu la sabotes.\nLe “il” te dit : “Reviens aux sens. Arr\u00eate de t\u2019enfuir. Tiens, prends deux silex et frotte.” L\u00e0, tu as une possibilit\u00e9 : revenir effectivement \u00e0 un souvenir sensoriel net (une odeur, un bruit, une texture). Au lieu de \u00e7a, tu r\u00e9ponds aussit\u00f4t par une g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9 (“Mais oui, l\u2019odeur, le portail, le retour vers je ne sais quoi, tout \u00e7a me fatigue.”) \u2013 une mani\u00e8re de couper court. Le texte rejoue exactement ce qu\u2019il d\u00e9nonce : d\u00e8s qu\u2019on approche d\u2019un point d\u2019ancrage, tu zappes.<\/p>\n

ok ok de toute fa\u00e7on je ne me d\u00e9barrasserai pas de toi si facilement ... <\/p>\n

[...]<\/p>\n

Et donc te voici en d\u00e9cembre. <\/p>\n

Il dit \u00e7a comme on annonce la m\u00e9t\u00e9o. Je ne sais pas s\u2019il attend une r\u00e9ponse. Je le regarde, je ne dis rien. <\/p>\n

-- Tu dirais que tu es triste, aujourd\u2019hui ? <\/p>\n

Le silence vient tout seul. Pas un silence arrach\u00e9, pas un silence boudeur. Juste le trou. <\/p>\n

-- O\u00f9 sont pass\u00e9s tes r\u00eaves ? <\/p>\n

Il en rajoute une couche. <\/p>\n

-- Mais qu\u2019est-ce que \u00e7a peut bien te foutre ? <\/p>\n

C\u2019est sorti trop vite. Un peu sec. Il sourit, sans se vexer. <\/p>\n

-- Trop facile. <\/p>\n

Je pense \u00e0 une pi\u00e8ce vide. Plus rien, ni meubles, ni cadres, ni rideaux. Juste le carrelage, les murs blancs. J\u2019apporte un tabouret en bois, je le pose au milieu, je m\u2019assois dessus. J\u2019attends. <\/p>\n

-- Tu sais que c\u2019est une voiture vol\u00e9e, ton d\u00e9cor, dit-il. <\/p>\n

Je vois tr\u00e8s bien de quoi il parle. Je connais la phrase par c\u0153ur, la chambre impeccable o\u00f9 “nous sommes morts”. Je ne la cite pas. <\/p>\n

-- Est-ce qu\u2019un jour tu sortiras de cette figure romantique ? <\/p>\n

-- Est-ce qu\u2019on sort jamais de l\u2019abandon ? <\/p>\n

Je jette \u00e7a comme une pi\u00e8ce sur la table. \u00c7a sonne bien, \u00e7a ne r\u00e9pond \u00e0 rien. <\/p>\n

Il me regarde un moment, sans parler. <\/p>\n

-- Tu avais commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9crire l\u00e0-dessus, les figures de l\u2019abandon. C\u2019\u00e9tait pas mal, dit-il. Et puis tu as tout l\u00e2ch\u00e9. Fulgurance et chute. D\u00e8s que tu vois poindre quelque chose qui ressemble \u00e0 une autorit\u00e9 en toi, tu sautes par la fen\u00eatre. <\/p>\n

Je l\u00e8ve les yeux au plafond. <\/p>\n

-- L\u2019impression de radoter, c\u2019est normal, reprend-il. Tu ne peux pas t\u2019arr\u00eater \u00e0 ce seuil et faire demi-tour \u00e0 chaque fois. <\/p>\n

-- Tu ne voudrais pas la fermer au moins pendant que je prends le caf\u00e9 ? <\/p>\n

La tasse est l\u00e0, entre nous, sur la petite table basse en verre. Le caf\u00e9 a refroidi. Une fine pellicule sombre s\u2019est form\u00e9e \u00e0 la surface. <\/p>\n

-- Tu vois ? dit-il. Tu pr\u00e9f\u00e8res m\u2019insulter plut\u00f4t que d\u2019\u00e9couter ce que tu viens de dire. <\/p>\n

Il laisse passer un silence, puis : <\/p>\n

-- Tu ne peux pas t\u2019emp\u00eacher de te jeter dans le pass\u00e9. <\/p>\n

-- Le pass\u00e9 est rouge, le pass\u00e9 est un chiffon rouge\u2026 <\/p>\n

Je m\u2019arr\u00eate. <\/p>\n

-- Continue, dit-il. Rouge comment ? <\/p>\n

Je ferme les yeux. Une image remonte, nette, aga\u00e7ante de nettet\u00e9 : le portail vert de la maison de mes grands-parents, peint trop souvent, la peinture qui craquelle par endroits. L\u2019odeur de fer rouill\u00e9 et de gasoil m\u00eal\u00e9s, parce qu\u2019on stockait des bidons juste derri\u00e8re. Le soir d\u2019hiver, la bu\u00e9e qui sort de la bouche quand je souffle dessus. <\/p>\n

Je pose la main sur l\u2019accoudoir du fauteuil. Le velours r\u00e2p\u00e9 accroche un peu sous les doigts. <\/p>\n

-- Voil\u00e0, dit-il. C\u2019est \u00e7a que je t\u2019ai demand\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure. Reviens aux sens. Arr\u00eate de t\u2019enfuir en m\u00e9taphores. <\/p>\n

-- \u00c7a me fatigue, dis-je. L\u2019odeur du portail, le retour, je ne sais m\u00eame plus vers quoi, tout \u00e7a me fatigue. <\/p>\n

-- Plus la fatigue augmente, plus tu devras l\u00e2cher du lest. <\/p>\n

-- Tais-toi, je t\u2019en prie. <\/p>\n

Il ne dit rien. Je sens qu\u2019il attend. <\/p>\n

-- Tu vois, reprend-il au bout d\u2019un moment, tu sais parfaitement que tu maquilles. Les citations, les images, c\u2019est pratique. \u00c7a passe pour de la culture, de la profondeur. Mais en dessous, c\u2019est toujours la m\u00eame sc\u00e8ne. <\/p>\n

-- Laquelle ? <\/p>\n

-- Tu restes dans le couloir, devant la porte, tu refuses d\u2019entrer, et tu passes ton temps \u00e0 commenter la couleur du bois. <\/p>\n

Je souris malgr\u00e9 moi. <\/p>\n

-- Tu n\u2019as pas honte un peu ? ajoute-t-il. <\/p>\n

-- Non. <\/p>\n

Je le dis calmement. <\/p>\n

-- Je n\u2019ai pas honte. Je suis la honte. <\/p>", "content_text": " Et donc te voici en d\u00e9cembre. Il dit \u00e7a et je ne sais pas s\u2019il veut que je prenne \u00e7a pour une question. Je le regarde et ne r\u00e9ponds rien. \u2014 Tu dirais que tu es triste, me dit-il encore. Silence. Pas un silence qui demande des efforts, un silence facile. Peut-\u00eatre pas tout de m\u00eame un silence r\u00e9flexe, un silence du chien de Pavlov, oui, c\u2019est \u00e7a : un silence sans bavure. \u2014 O\u00f9 sont pass\u00e9s tes r\u00eaves ?, ajoute-t-il vicieusement. \u2014 Mais qu\u2019est-ce que \u00e7a peut bien te foutre ?, \u00e7a sort d\u2019un coup un peu m\u00e9chamment. Il rit. \u2014 Trop facile ! Il me vient l\u2019image d\u2019une pi\u00e8ce absolument vide, peu importe la fonction de cette pi\u00e8ce, l\u2019important est qu\u2019il ne reste aucun grain de poussi\u00e8re. L\u00e0, j\u2019apporte un tabouret de bois, je le place au milieu de la pi\u00e8ce, je m\u2019assois. \u2014 Tu maquilles une voiture vol\u00e9e. Elle appartient \u00e0 Miller celle-l\u00e0 : *Tropique du Cancer*, page 1. > J\u2019habite Villa Borgh\u00e8se. Il n\u2019y a pas une miette de salet\u00e9 nulle part, ni une chaise d\u00e9plac\u00e9e. Nous y sommes tout seuls, et nous sommes morts. \u2014 Est-ce qu\u2019un jour tu sortiras de cette figure romantique ? \u2014 Est-ce que l\u2019on sort jamais de l\u2019abandon ? Il est possible qu\u2019un rapport advienne entre ces deux phrases, un rapport \u00e0 ranger sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re, l\u00e0 o\u00f9 l\u2019on range tout ce qui a comme sujet *la b\u00eate \u00e0 deux dos*. Un enfer sans Dante, tout simplement porno. \u2014 Ton d\u00e9marrage sur les figures de l\u2019abandon \u00e9tait pas mal, mais comme d\u2019habitude fulgurance et chute. D\u00e8s que tu vois poindre la moindre autorit\u00e9 en toi tu te d\u00e9fenestres. \u2014 [\u2026] ! \u2014 L\u2019impression de radoter est une chose normale, tu ne peux pas t\u2019arr\u00eater \u00e0 ce seuil et encore une fois tourner les talons. \u2014 Tu ne voudrais pas la fermer au moins pendant que je prends le caf\u00e9 ? \u2014 Encore une bagnole maquill\u00e9e\u2026 Stephan Eicher, *D\u00e9jeuner en paix*. \u2014 Born in August 1960, plus jeune que moi. Mais \u00e7a ne me ram\u00e8ne qu\u2019aux ann\u00e9es 80. Je lisais aussi Djian comme tout le monde, et probablement aussi Paul Auster, Siri Hustvedt, n\u00e9e le 19 f\u00e9vrier 1955 \u00e0 Northfield, dans le Minnesota. Bien fatigu\u00e9e, cette derni\u00e8re. *Tout ce que j\u2019aimais.* \u2014 Tu ne peux d\u00e9cid\u00e9ment pas t\u2019emp\u00eacher. \u2014 Tu veux dire que je ne suis pas assez un homme ? \u2014 Si c\u2019est la seule r\u00e9ponse que tu attends toujours, d\u2019accord, mais je pensais au pass\u00e9 tout simplement. Tu ne peux pas t\u2019emp\u00eacher de te ruer dans le pass\u00e9. \u2014 Le pass\u00e9 est rouge, le pass\u00e9 est un chiffon rouge et je suis le minotaure qui court dans les couloirs du labyrinthe pour essayer d\u2019attraper le fil rouge, autant dire peine perdue. \u2014 Reviens aux sens. Arr\u00eate de t\u2019enfuir. Tiens, prends deux silex et frotte. \u2014 Jamais personne n\u2019est parvenu \u00e0 faire du feu ainsi. \u2014 Qui te parle de feu ? Renifle seulement l\u2019odeur. \u2014 Mais oui, l\u2019odeur, le portail, le retour vers je ne sais quoi, tout \u00e7a me fatigue. \u2014 Plus la fatigue augmente, plus tu seras oblig\u00e9 de l\u00e2cher du lest de toute fa\u00e7on. \u2014 Tais-toi, je t\u2019en prie. \u2014 Encore un v\u00e9hicule vol\u00e9, Carver cette fois, tu n\u2019as pas honte un peu ? \u2014 Je n\u2019ai pas honte, non, je suis la honte. Tout cela n'est qu'un feu d'artifice litt\u00e9raire jamais la mise \u00e0 nu souhait\u00e9e. La souhaite tu vraiment ou t'en moque tu ? c'est une vraie question. Tu \u00e9cris : \u201cL\u2019impression de radoter est une chose normale\u201d, puis tu continues exactement dans le m\u00eame mouvement. Dire \u201cje radote\u201d n\u2019annule pas le radotage, \u00e7a l\u2019habille. De m\u00eame pour : \u201cD\u00e8s que tu vois poindre la moindre autorit\u00e9 en toi tu te d\u00e9fenestres\u201d : tu pointes ta fuite, mais tu fuis quand m\u00eame juste apr\u00e8s, dans une autre image. \u2014\u00e7a veut dire quoi Doc ? Irr\u00e9cup\u00e9rable ? \u2014 je dirais assez pitoyable plut\u00f4t. >Il \u00e9voque \u201cles figures de l\u2019abandon\u201d, \u201cla figure romantique\u201d, le Minotaure dans le labyrinthe, la b\u00eate \u00e0 deux dos. Tout cela reste en l\u2019air. O\u00f9 est l\u2019abandon concret ? Qui t\u2019a laiss\u00e9 o\u00f9 ? Quand ? Avec quoi dans les mains ? On n\u2019en saura rien. En lieu et place, on a un panoptique de m\u00e9taphores. \u2014 L\u2019injonction \u201cReviens aux sens\u201d est la meilleure phrase\u2026 et tu la sabotes. Le \u201cil\u201d te dit : \u201cReviens aux sens. Arr\u00eate de t\u2019enfuir. Tiens, prends deux silex et frotte.\u201d L\u00e0, tu as une possibilit\u00e9 : revenir effectivement \u00e0 un souvenir sensoriel net (une odeur, un bruit, une texture). Au lieu de \u00e7a, tu r\u00e9ponds aussit\u00f4t par une g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9 (\u201cMais oui, l\u2019odeur, le portail, le retour vers je ne sais quoi, tout \u00e7a me fatigue.\u201d) \u2013 une mani\u00e8re de couper court. Le texte rejoue exactement ce qu\u2019il d\u00e9nonce : d\u00e8s qu\u2019on approche d\u2019un point d\u2019ancrage, tu zappes. ok ok de toute fa\u00e7on je ne me d\u00e9barrasserai pas de toi si facilement ... [...] Et donc te voici en d\u00e9cembre. Il dit \u00e7a comme on annonce la m\u00e9t\u00e9o. Je ne sais pas s\u2019il attend une r\u00e9ponse. Je le regarde, je ne dis rien. \u2014 Tu dirais que tu es triste, aujourd\u2019hui ? Le silence vient tout seul. Pas un silence arrach\u00e9, pas un silence boudeur. Juste le trou. \u2014 O\u00f9 sont pass\u00e9s tes r\u00eaves ? Il en rajoute une couche. \u2014 Mais qu\u2019est-ce que \u00e7a peut bien te foutre ? C\u2019est sorti trop vite. Un peu sec. Il sourit, sans se vexer. \u2014 Trop facile. Je pense \u00e0 une pi\u00e8ce vide. Plus rien, ni meubles, ni cadres, ni rideaux. Juste le carrelage, les murs blancs. J\u2019apporte un tabouret en bois, je le pose au milieu, je m\u2019assois dessus. J\u2019attends. \u2014 Tu sais que c\u2019est une voiture vol\u00e9e, ton d\u00e9cor, dit-il. Je vois tr\u00e8s bien de quoi il parle. Je connais la phrase par c\u0153ur, la chambre impeccable o\u00f9 \u201cnous sommes morts\u201d. Je ne la cite pas. \u2014 Est-ce qu\u2019un jour tu sortiras de cette figure romantique ? \u2014 Est-ce qu\u2019on sort jamais de l\u2019abandon ? Je jette \u00e7a comme une pi\u00e8ce sur la table. \u00c7a sonne bien, \u00e7a ne r\u00e9pond \u00e0 rien. Il me regarde un moment, sans parler. \u2014 Tu avais commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9crire l\u00e0-dessus, les figures de l\u2019abandon. C\u2019\u00e9tait pas mal, dit-il. Et puis tu as tout l\u00e2ch\u00e9. Fulgurance et chute. D\u00e8s que tu vois poindre quelque chose qui ressemble \u00e0 une autorit\u00e9 en toi, tu sautes par la fen\u00eatre. Je l\u00e8ve les yeux au plafond. \u2014 L\u2019impression de radoter, c\u2019est normal, reprend-il. Tu ne peux pas t\u2019arr\u00eater \u00e0 ce seuil et faire demi-tour \u00e0 chaque fois. \u2014 Tu ne voudrais pas la fermer au moins pendant que je prends le caf\u00e9 ? La tasse est l\u00e0, entre nous, sur la petite table basse en verre. Le caf\u00e9 a refroidi. Une fine pellicule sombre s\u2019est form\u00e9e \u00e0 la surface. \u2014 Tu vois ? dit-il. Tu pr\u00e9f\u00e8res m\u2019insulter plut\u00f4t que d\u2019\u00e9couter ce que tu viens de dire. Il laisse passer un silence, puis : \u2014 Tu ne peux pas t\u2019emp\u00eacher de te jeter dans le pass\u00e9. \u2014 Le pass\u00e9 est rouge, le pass\u00e9 est un chiffon rouge\u2026 Je m\u2019arr\u00eate. \u2014 Continue, dit-il. Rouge comment ? Je ferme les yeux. Une image remonte, nette, aga\u00e7ante de nettet\u00e9 : le portail vert de la maison de mes grands-parents, peint trop souvent, la peinture qui craquelle par endroits. L\u2019odeur de fer rouill\u00e9 et de gasoil m\u00eal\u00e9s, parce qu\u2019on stockait des bidons juste derri\u00e8re. Le soir d\u2019hiver, la bu\u00e9e qui sort de la bouche quand je souffle dessus. Je pose la main sur l\u2019accoudoir du fauteuil. Le velours r\u00e2p\u00e9 accroche un peu sous les doigts. \u2014 Voil\u00e0, dit-il. C\u2019est \u00e7a que je t\u2019ai demand\u00e9 tout \u00e0 l\u2019heure. Reviens aux sens. Arr\u00eate de t\u2019enfuir en m\u00e9taphores. \u2014 \u00c7a me fatigue, dis-je. L\u2019odeur du portail, le retour, je ne sais m\u00eame plus vers quoi, tout \u00e7a me fatigue. \u2014 Plus la fatigue augmente, plus tu devras l\u00e2cher du lest. \u2014 Tais-toi, je t\u2019en prie. Il ne dit rien. Je sens qu\u2019il attend. \u2014 Tu vois, reprend-il au bout d\u2019un moment, tu sais parfaitement que tu maquilles. Les citations, les images, c\u2019est pratique. \u00c7a passe pour de la culture, de la profondeur. Mais en dessous, c\u2019est toujours la m\u00eame sc\u00e8ne. \u2014 Laquelle ? \u2014 Tu restes dans le couloir, devant la porte, tu refuses d\u2019entrer, et tu passes ton temps \u00e0 commenter la couleur du bois. Je souris malgr\u00e9 moi. \u2014 Tu n\u2019as pas honte un peu ? ajoute-t-il. \u2014 Non. Je le dis calmement. \u2014 Je n\u2019ai pas honte. Je suis la honte. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4187.jpg?1764569399", "tags": ["Autofiction et Introspection"] } ] }