{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-janvier-2019.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-janvier-2019.html", "title": "5 janvier 2019", "date_published": "2024-03-10T06:37:17Z", "date_modified": "2025-02-15T06:03:30Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
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Petit train, voyageur bien confortablement install\u00e9, regarde par la vitre la projection d\u2019un paysage cr\u00e9\u00e9 de toutes pi\u00e8ces par l\u2019accumulation de paysages d\u00e9j\u00e0 vus, r\u00e9sidus de visions pr\u00e9m\u00e2ch\u00e9es et r\u00e9gurgit\u00e9es. Fermer les paupi\u00e8res, c\u2019est affiner l\u2019ou\u00efe. La joue chaude contre la vitre glac\u00e9e, un parfum de chien mouill\u00e9 impr\u00e8gne les narines. Petit voyageur perdu dans le grand train de l\u2019instant. Plong\u00e9e dans le moir\u00e9. Caresse des joncs pendant l\u2019apn\u00e9e visuelle. Ondes et vibrations bercent, agitent. Le vent des profondeurs souffle son haleine fra\u00eeche qui se brise sur le front, l\u2019\u00e9rode, le polit. Bonjour le bel \u0153uf de dindon farci. Doliprane ta gueule, parac\u00e9tamol, merde ! Attendre que les pens\u00e9es se fanent comme de vieilles biques t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es d\u2019idiotie.<\/p>\n

Attendre que les poumons se vident et se remplissent. Attendre que le serpent s\u2019\u00e9veille et bouge dans le slip. Attendre la mar\u00e9e montante dans le creux des reins. Attendre et soudain se lever, danser, attendre encore jusqu\u2019\u00e0 se faire mal. Trembler de rage, de peur, de d\u00e9sir, de rien. D\u2019un caf\u00e9, d\u2019une clope, d\u2019une fille, d\u2019une c\u00f4te, d\u2019une entrec\u00f4te, d\u2019un bain de boue, de rien enfin. Bouger, sauter, se d\u00e9filer, passer, traverser, aller plus loin, au fond, tout au fond, dans la gorge du non-dit. Un vide sans fond, une chute, un envol \u00e0 l\u2019envers du d\u00e9cor. Un salto \u00e0 l\u2019endroit o\u00f9 l\u2019envers se redresse, fier comme un pieu en creux, tout le d\u00e9sir qui luit dans la terre labour\u00e9e sans haie, d\u00e9membrement oblige.<\/p>\n

Et puis, madame la contr\u00f4leuse arrive : « Monsieur, votre titre de transport s\u2019il vous pla\u00eet ? » Tous sont l\u00e0, en devenir de poissons non n\u00e9s, ensabl\u00e9s dans les possibles, \u00e0 la queue leu leu, en file indienne, amorphes, inscrits dans une plage sans horizon.<\/p>\n

Mais quand est-ce qu\u2019on va nager ? Quand viendra la mar\u00e9e ? r\u00e9clame le collectif \u00e9t\u00eat\u00e9. La mar\u00e9e ne viendra pas. L\u2019eau dispara\u00eet, laissant un go\u00fbt de lune. \u00c2mes en suspension autour de la carne, pour des exp\u00e9riences renouvel\u00e9es cent fois, mille fois, sans fin, dans l\u2019\u00e0-quoi-bon, dans le peut-\u00eatre.<\/p>\n

J\u00e9sus, Marie, Joseph et toute leur clique. Archanges et psychopompes au chevet des d\u00e9bris d\u2019esp\u00e9rance. Dites-le, bordel, dites-le ! Que vous vous faites chier dans l\u2019azur, que l\u2019in\u00e9luctable est toujours l\u00e0 \u00e0 vous coller les ailes, que l\u2019ennui n\u2019apporte pas toujours la gr\u00e2ce, que demain sera comme aujourd\u2019hui, que l\u2019avenir est d\u00e9j\u00e0 r\u00e9solu. Nous p\u00e9dalons pour faire tourner les bobines d\u2019un cin\u00e9ma cosmique dont le moi-je spectateur est le rien et le tout, qui s\u2019emmerde en b\u00ealant \u00e0 l\u2019amour, en se gavant de pop-corn.<\/p>", "content_text": "Petit train, voyageur bien confortablement install\u00e9, regarde par la vitre la projection d\u2019un paysage cr\u00e9\u00e9 de toutes pi\u00e8ces par l\u2019accumulation de paysages d\u00e9j\u00e0 vus, r\u00e9sidus de visions pr\u00e9m\u00e2ch\u00e9es et r\u00e9gurgit\u00e9es. Fermer les paupi\u00e8res, c\u2019est affiner l\u2019ou\u00efe. La joue chaude contre la vitre glac\u00e9e, un parfum de chien mouill\u00e9 impr\u00e8gne les narines. Petit voyageur perdu dans le grand train de l\u2019instant. Plong\u00e9e dans le moir\u00e9. Caresse des joncs pendant l\u2019apn\u00e9e visuelle. Ondes et vibrations bercent, agitent. Le vent des profondeurs souffle son haleine fra\u00eeche qui se brise sur le front, l\u2019\u00e9rode, le polit. Bonjour le bel \u0153uf de dindon farci. Doliprane ta gueule, parac\u00e9tamol, merde ! Attendre que les pens\u00e9es se fanent comme de vieilles biques t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es d\u2019idiotie. Attendre que les poumons se vident et se remplissent. Attendre que le serpent s\u2019\u00e9veille et bouge dans le slip. Attendre la mar\u00e9e montante dans le creux des reins. Attendre et soudain se lever, danser, attendre encore jusqu\u2019\u00e0 se faire mal. Trembler de rage, de peur, de d\u00e9sir, de rien. D\u2019un caf\u00e9, d\u2019une clope, d\u2019une fille, d\u2019une c\u00f4te, d\u2019une entrec\u00f4te, d\u2019un bain de boue, de rien enfin. Bouger, sauter, se d\u00e9filer, passer, traverser, aller plus loin, au fond, tout au fond, dans la gorge du non-dit. Un vide sans fond, une chute, un envol \u00e0 l\u2019envers du d\u00e9cor. Un salto \u00e0 l\u2019endroit o\u00f9 l\u2019envers se redresse, fier comme un pieu en creux, tout le d\u00e9sir qui luit dans la terre labour\u00e9e sans haie, d\u00e9membrement oblige. Et puis, madame la contr\u00f4leuse arrive : \"Monsieur, votre titre de transport s\u2019il vous pla\u00eet ?\" Tous sont l\u00e0, en devenir de poissons non n\u00e9s, ensabl\u00e9s dans les possibles, \u00e0 la queue leu leu, en file indienne, amorphes, inscrits dans une plage sans horizon. Mais quand est-ce qu\u2019on va nager ? Quand viendra la mar\u00e9e ? r\u00e9clame le collectif \u00e9t\u00eat\u00e9. La mar\u00e9e ne viendra pas. L\u2019eau dispara\u00eet, laissant un go\u00fbt de lune. \u00c2mes en suspension autour de la carne, pour des exp\u00e9riences renouvel\u00e9es cent fois, mille fois, sans fin, dans l\u2019\u00e0-quoi-bon, dans le peut-\u00eatre. J\u00e9sus, Marie, Joseph et toute leur clique. Archanges et psychopompes au chevet des d\u00e9bris d\u2019esp\u00e9rance. Dites-le, bordel, dites-le ! Que vous vous faites chier dans l\u2019azur, que l\u2019in\u00e9luctable est toujours l\u00e0 \u00e0 vous coller les ailes, que l\u2019ennui n\u2019apporte pas toujours la gr\u00e2ce, que demain sera comme aujourd\u2019hui, que l\u2019avenir est d\u00e9j\u00e0 r\u00e9solu. Nous p\u00e9dalons pour faire tourner les bobines d\u2019un cin\u00e9ma cosmique dont le moi-je spectateur est le rien et le tout, qui s\u2019emmerde en b\u00ealant \u00e0 l\u2019amour, en se gavant de pop-corn. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/plume.webp?1748065171", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-janvier-2019.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-janvier-2019.html", "title": "15 janvier 2019", "date_published": "2019-01-15T13:34:00Z", "date_modified": "2025-02-14T21:43:44Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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Les Chinois, fascin\u00e9s par la justesse de l\u2019ordre c\u00e9leste, avaient imagin\u00e9 pouvoir en faire un mod\u00e8le sur terre, et le Confucianisme devint pour un temps la r\u00e9f\u00e9rence \u00e9thique. L\u2019empereur, tel un soleil, occupait le centre du monde, symbolisant l\u2019ordre immuable des choses. Mais ce qui fonctionne pour le ciel ne fonctionne pas toujours sur terre : si nous sommes capables de pr\u00e9dire l\u2019heure du coucher du soleil dans mille ans avec une marge d\u2019erreur ridicule, nous restons impuissants face \u00e0 la m\u00e9t\u00e9o du lendemain.<\/p>\n

Sur terre, \u00e0 l\u2019inverse du ciel, r\u00e8gne l\u2019impr\u00e9visible. C\u2019est ce que Tchouang Tseu, deux mille ans avant Montaigne, avait compris en proposant une voie vers la paix, sinon le bonheur : le Tao. Le Tao consiste \u00e0 se fondre sans effort dans chaque \u00e9v\u00e9nement de la vie, \u00e0 accepter sans lutte l\u2019\u00e9vidence de ce qui survient. Pour Tchouang Tseu, comme plus tard Montaigne et Spinoza, le bonheur ne se trouve pas \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur de soi. La tristesse, elle aussi, vient d\u2019une erreur de perception, d\u2019un attachement \u00e0 ce qui ne nous concerne pas vraiment.<\/p>\n

Dans notre monde insens\u00e9, une magicienne aux allures de charlatan est pass\u00e9e, r\u00e9duisant en miettes des si\u00e8cles de philosophie, de Platon \u00e0 Spinoza en passant par les penseurs asiatiques. Ce qu\u2019elle a laiss\u00e9 derri\u00e8re elle, c\u2019est une confusion magistrale autour de la recherche du bonheur. Le progr\u00e8s, la vitesse et l\u2019oubli ont engendr\u00e9 une soci\u00e9t\u00e9 de loisirs et de plaisir instantan\u00e9, o\u00f9 kiffer est devenu l\u2019imp\u00e9ratif collectif. Gare \u00e0 celui qui n\u2019aime pas, qui ne like pas. Il est marginalis\u00e9, voire tortur\u00e9 symboliquement pour confesser son incapacit\u00e9 \u00e0 se vautrer dans les illusions de masse. Sur Facebook, l\u2019inactif est censur\u00e9, jug\u00e9 inutile \u00e0 la croissance de cette machine \u00e0 abrutir en masse.<\/p>\n

Toute la sagesse accumul\u00e9e par les philosophes a \u00e9t\u00e9 balay\u00e9e parce qu\u2019elle entravait l\u2019expansion des multinationales. Pour gouverner les foules, il faut les maintenir dans l\u2019ignorance, et leur vendre \u00e0 prix d\u2019or une illusion de libert\u00e9, de bonheur, de paix. Tout est si bien calcul\u00e9 aujourd\u2019hui : avec de l\u2019argent, du pouvoir, les r\u00e9volutions elles-m\u00eames sont pr\u00e9vues par des algorithmes, r\u00e9duites \u00e0 des fluctuations statistiques.<\/p>\n

C\u2019est pourquoi nous voyons fleurir les boutiques de bien-\u00eatre, les cabinets de voyance et les coachs en bonheur, pr\u00eats \u00e0 vendre \u00e0 prix fort des recettes simplifi\u00e9es pour se sentir libre et serein. Mais l\u2019homme, \u00e9ternel animal de d\u00e9sir, est le client id\u00e9al du grand capital. Chaque satisfaction appelle un nouveau manque, un nouveau d\u00e9sir. Les constructeurs l\u2019ont bien compris, calibrant la dur\u00e9e de vie des objets \u00e0 trois ans, synchronis\u00e9s sur nos envies renouvel\u00e9es. Le plaisir appelle \u00e0 une satisfaction toujours plus rapide, et le banquier vous serre la main par t\u00e9l\u00e9phone pour financer le prochain caprice.<\/p>\n

Sauf qu\u2019\u00e0 force de d\u00e9sirer sans fin, les choses se d\u00e9r\u00e8glent. De vieilles maladies reviennent, habill\u00e9es de nouveaux noms : d\u00e9pression, burn-out, bipolarit\u00e9, et autres fl\u00e9aux d\u2019antan. Les enfants, plus grands philosophes que nous, d\u00e9couvrent ce monde fou et y plongent plus vite que jamais. Plut\u00f4t que de relire un trait\u00e9 de philo, il n\u2019est pas rare que je m\u2019inspire de mes ateliers de peinture pour enfants, l\u00e0 o\u00f9 le bonheur, la joie et la paix se red\u00e9finissent chaque jour dans le chaos impr\u00e9visible de leurs rires et de leurs \u00e9clats de voix. Je me fonds dans leur brouhaha comme un vieux tao\u00efste, et je garde encore assez de souffle pour rire en rentrant au volant de ma vieille voiture caboss\u00e9e.<\/p>", "content_text": "Les Chinois, fascin\u00e9s par la justesse de l\u2019ordre c\u00e9leste, avaient imagin\u00e9 pouvoir en faire un mod\u00e8le sur terre, et le Confucianisme devint pour un temps la r\u00e9f\u00e9rence \u00e9thique. L\u2019empereur, tel un soleil, occupait le centre du monde, symbolisant l\u2019ordre immuable des choses. Mais ce qui fonctionne pour le ciel ne fonctionne pas toujours sur terre : si nous sommes capables de pr\u00e9dire l\u2019heure du coucher du soleil dans mille ans avec une marge d\u2019erreur ridicule, nous restons impuissants face \u00e0 la m\u00e9t\u00e9o du lendemain. Sur terre, \u00e0 l\u2019inverse du ciel, r\u00e8gne l\u2019impr\u00e9visible. C\u2019est ce que Tchouang Tseu, deux mille ans avant Montaigne, avait compris en proposant une voie vers la paix, sinon le bonheur : le Tao. Le Tao consiste \u00e0 se fondre sans effort dans chaque \u00e9v\u00e9nement de la vie, \u00e0 accepter sans lutte l\u2019\u00e9vidence de ce qui survient. Pour Tchouang Tseu, comme plus tard Montaigne et Spinoza, le bonheur ne se trouve pas \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur de soi. La tristesse, elle aussi, vient d\u2019une erreur de perception, d\u2019un attachement \u00e0 ce qui ne nous concerne pas vraiment. Dans notre monde insens\u00e9, une magicienne aux allures de charlatan est pass\u00e9e, r\u00e9duisant en miettes des si\u00e8cles de philosophie, de Platon \u00e0 Spinoza en passant par les penseurs asiatiques. Ce qu\u2019elle a laiss\u00e9 derri\u00e8re elle, c\u2019est une confusion magistrale autour de la recherche du bonheur. Le progr\u00e8s, la vitesse et l\u2019oubli ont engendr\u00e9 une soci\u00e9t\u00e9 de loisirs et de plaisir instantan\u00e9, o\u00f9 kiffer est devenu l\u2019imp\u00e9ratif collectif. Gare \u00e0 celui qui n\u2019aime pas, qui ne like pas. Il est marginalis\u00e9, voire tortur\u00e9 symboliquement pour confesser son incapacit\u00e9 \u00e0 se vautrer dans les illusions de masse. Sur Facebook, l\u2019inactif est censur\u00e9, jug\u00e9 inutile \u00e0 la croissance de cette machine \u00e0 abrutir en masse. Toute la sagesse accumul\u00e9e par les philosophes a \u00e9t\u00e9 balay\u00e9e parce qu\u2019elle entravait l\u2019expansion des multinationales. Pour gouverner les foules, il faut les maintenir dans l\u2019ignorance, et leur vendre \u00e0 prix d\u2019or une illusion de libert\u00e9, de bonheur, de paix. Tout est si bien calcul\u00e9 aujourd\u2019hui : avec de l\u2019argent, du pouvoir, les r\u00e9volutions elles-m\u00eames sont pr\u00e9vues par des algorithmes, r\u00e9duites \u00e0 des fluctuations statistiques. C\u2019est pourquoi nous voyons fleurir les boutiques de bien-\u00eatre, les cabinets de voyance et les coachs en bonheur, pr\u00eats \u00e0 vendre \u00e0 prix fort des recettes simplifi\u00e9es pour se sentir libre et serein. Mais l\u2019homme, \u00e9ternel animal de d\u00e9sir, est le client id\u00e9al du grand capital. Chaque satisfaction appelle un nouveau manque, un nouveau d\u00e9sir. Les constructeurs l\u2019ont bien compris, calibrant la dur\u00e9e de vie des objets \u00e0 trois ans, synchronis\u00e9s sur nos envies renouvel\u00e9es. Le plaisir appelle \u00e0 une satisfaction toujours plus rapide, et le banquier vous serre la main par t\u00e9l\u00e9phone pour financer le prochain caprice. Sauf qu\u2019\u00e0 force de d\u00e9sirer sans fin, les choses se d\u00e9r\u00e8glent. De vieilles maladies reviennent, habill\u00e9es de nouveaux noms : d\u00e9pression, burn-out, bipolarit\u00e9, et autres fl\u00e9aux d\u2019antan. Les enfants, plus grands philosophes que nous, d\u00e9couvrent ce monde fou et y plongent plus vite que jamais. Plut\u00f4t que de relire un trait\u00e9 de philo, il n\u2019est pas rare que je m\u2019inspire de mes ateliers de peinture pour enfants, l\u00e0 o\u00f9 le bonheur, la joie et la paix se red\u00e9finissent chaque jour dans le chaos impr\u00e9visible de leurs rires et de leurs \u00e9clats de voix. 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Parfois la d\u00e9sob\u00e9issance peut sauver de l\u2019indignit\u00e9. Je crois m\u00eame qu\u2019\u00e0 chaque fois que j\u2019ai d\u00e9sob\u00e9i \u00e0 une injonction c\u2019est que celle ci entamait mon int\u00e9grit\u00e9. Je ne parle pas de sevrage bien sur, ni de savoir patienter pour mieux d\u00e9sirer. Non ce n\u2019est pas cela, je sais ob\u00e9ir quand il s\u2019agit de calmer mes pulsions meurtri\u00e8res ou ne pas me jeter sur la premi\u00e8re jolie femme passant \u00e0 ma port\u00e9e pour l\u2019assaillir de caresses et d\u2019attouchements.<\/p>\n

La d\u00e9sob\u00e9issance advient lorsque l\u2019on touche \u00e0 une partie pr\u00e9cieuse de mon \u00eatre, ma libert\u00e9 notamment, toucher \u00e0 celle-ci c\u2019est insulter mon intelligence. Bien sur cette libert\u00e9 n\u2019est pas le droit que je m\u2019octroierais de tout faire n\u2019importe comment. Non, il faudrait vraiment que je devienne d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 pour agir de la sorte, et encore, me connaissant assez bien d\u00e9sormais je dirigerais plut\u00f4t cette violence envers moi-m\u00eame plut\u00f4t que de la reporter sur une ou un autre.<\/p>\n

Dans cette agitation magistrale que l\u2019on voit s\u2019\u00e9lever un peu partout dans le monde et qui manifeste en fait un ras le bol de notre mode de vie, l\u2019intelligence et l\u2019art ont leur r\u00f4le \u00e0 jouer.<\/p>\n

L\u2019artiste se doit de d\u00e9sob\u00e9ir \u00e0 tous les poncifs qui entament sa libert\u00e9 de cr\u00e9er naturelle. Et parfois si ses \u0153uvres manifestent de la violence, de la cruaut\u00e9 et provoquent un malaise chez le spectateur c\u2019est qu\u2019elles touchent justement \u00e0 des fronti\u00e8res fragiles entre biens\u00e9ance et sauvagerie.<\/p>\n

Or nous voici parvenus dans un univers artistique qui raconte cela la plupart du temps du bout des l\u00e8vres comme pour dire regardez je suis un artiste je sais tout cela mais je vais le dire de fa\u00e7on \u00e0 ne pas trop vous d\u00e9ranger.<\/p>\n

A quoi cela sert il en 2019 de peindre de jolis paysages, de jolies fleurs, de beaux portraits, face \u00e0 un monde qui s\u2019enfonce de plus en plus dans la barbarie. Nous voici pris entre deux types de barbaries d\u2019ailleurs et c\u2019est bien pour cela que la peur devient de plus en plus pr\u00e9gnante.<\/p>\n

La barbarie habituelle qui existe depuis le fond des ages, ou il s\u2019agit de tuer, de piller, de violer invoquant je ne sais quel pr\u00e9texte de race, de religion, et je ne sais quoi encore indique surtout qu\u2019il faut un pr\u00e9texte pour la laisser se d\u00e9ployer \u00e0 sa guise. Le pr\u00e9texte validerait la violence. Mais c\u2019est compl\u00e8tement faux , la violence est souvent sans raison, c\u2019est m\u00eame dirais je ce qui la caract\u00e9rise le plus.<\/p>\n

On assiste d\u00e9sormais \u00e0 une nouvelle forme de barbarie, plus vicieuse, plus intelligente, si je puis dire c\u2019est la barbarie \u00e9conomique qui pour accomplir le bien \u00eatre d\u2019une poign\u00e9e de nantis est capable de d\u00e9truire des pays entiers, de d\u00e9truire des \u00e9cosyst\u00e8mes ant\u00e9diluviens, saccageant tout sur son passage aussi surement qu\u2019un Attila d\u2019antan qui comme chacun le sait une fois le sabot de son cheval ayant foul\u00e9 un sol aucune herbe ne pouvait y repousser.<\/p>\n

La violence depuis toujours serait donc l\u2019\u00e9tat naturelle de l\u2019homme et dans ce cas seuls les plus puissants se seraient transmis ce secret de p\u00e8res en fils comme une caste jalouse de ne pas partager ses privil\u00e8ges.<\/p>\n

Hier aux informations t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es j\u2019apprends que 27 personnes seulement d\u00e9tiennent autant de richesses que la moiti\u00e9 de l\u2019humanit\u00e9 alors que l\u2019ann\u00e9e pr\u00e9c\u00e9dente elles \u00e9taient 50. Imaginez vous les querelles de palais qui se jouent m\u00eame au plus haut niveau de la hi\u00e9rarchie du pouvoir..M\u00eame eux, et peut-\u00eatre surtout eux ne sont pas \u00e9pargn\u00e9s par cette violence consubstantielle, d\u2019autant qu\u2019ils en connaissent parfaitement l\u2019existence comme les tenants et aboutissants.<\/p>\n

Le sage s\u2019en fout qui profite de l\u2019instant c\u2019est vrai. Le probl\u00e8me r\u00e9side dans cette sagesse qui s\u2019oppose passivement \u00e0 cette violence. Gandhi a fait beaucoup pour la non violence dans un pays ou la violence est magistrale. Et pour finir il en est mort, assassin\u00e9.<\/p>\n

Martin Luther King a fait beaucoup pour que les hommes noirs soient reconnus autrement que comme des b\u00eates et dans une grande mesure il a r\u00e9ussi. Puis il est mort assassin\u00e9.<\/p>\n

Je ne parle pas de J\u00e9sus Christ et pourtant il y aurait aussi \u00e0 dire car c\u2019est bien toujours le m\u00eame parcours qui s\u2019effectue d\u2019une voix qui s\u2019\u00e9l\u00e8ve plus haut et plus fort dans le d\u00e9sert de notre torpeur qui touche nos c\u0153urs, les \u00e9veille un instant, puis s\u2019\u00e9vanouit balay\u00e9e par le drame.<\/p>\n

Les irlandais ont voulu avoir des couilles pour lutter contre l\u2019oppression britannique, ils ont voulu reprendre le flambeau des antiques batailles qui ne souciaient pas de sagesse mais de force et de courage. Et tout cela en vain \u00e9galement.<\/p>\n

Qu\u2019est ce qui peut faire bouger les mentalit\u00e9s pour que tout cela cesse ?<\/p>\n

L\u2019aventure des gilets jaunes \u00e9tait porteuse d\u2019un espoir se rapprochant de cette volont\u00e9 que cela cesse et l\u2019on voit bien la difficult\u00e9 au sein m\u00eame du mouvement concernant la mani\u00e8re d\u2019agir. C\u2019est ce doute qu\u2019auront relev\u00e9 les observateurs, les m\u00e9dias toujours \u00e0 l\u2019aff\u00fbt des failles, et bien sur le gouvernement.<\/p>\n

Cette h\u00e9sitation naturelle entre dialogue et saccage, c\u2019est la m\u00eame h\u00e9sitation que tous les braves gens entretiennent quand l\u2019injustice devient vraiment \u00e9vidente. L\u2019\u00e9ducation et les valeurs d\u2019une soi disant R\u00e9publique incitent \u00e0 la r\u00e9flexion et \u00e0 la mesure afin de prot\u00e9ger ce que celle ci nomme encore » nos valeurs » . Mais quelqu\u2019un qui a faim et qui doit nourrir ses enfants se soucie t\u2019il vraiment encore de valeurs vraiment ? C\u2019est qu\u2019il faut une sacr\u00e9e dose de courage et surtout de b\u00eatise pour continuer \u00e0 respecter les feux rouges quand derri\u00e8re soi un tsunami rugit.<\/p>\n

Nous sommes dans une salle de cin\u00e9ma et l\u2019incendie vient de se d\u00e9clarer, notre monde br\u00fble et se d\u00e9chire sous la mont\u00e9e des tyrannies et des dictatures d\u2019une poign\u00e9e de cyniques qui eux ne sont pas dans la salle.<\/p>\n

Ils regardent les bras crois\u00e9s comment nous allons nous en sortir sachant que de toutes mani\u00e8res que nous soyons paniqu\u00e9s ou calmes ils en tireront encore les marrons du feu.<\/p>\n

Que nous soyons violents dans notre volont\u00e9 de survie, ils appelleront la troupe pour nous contenir dans le sang et les larmes.<\/p>\n

Que nous soyons pacifiques ils pondront de nouveaux d\u00e9crets pour nous inciter \u00e0 croire qu\u2019ils nous ont compris mais il n\u2019en sera rien la vie continuera comme avant soyez en certains.<\/p>\n

Comme la violence est sans raison le pouvoir est sans scrupule et fera tout pour rester en place. Quelque soit ce pouvoir.<\/p>\n

J\u2019en appelle \u00e0 toutes les bonnes volont\u00e9s, aux artistes surtout qui ont l\u2019habitude de vivre le risque et de risquer leur vies afin de proclamer la d\u00e9sob\u00e9issance g\u00e9n\u00e9rale.<\/p>\n

J\u2019en appelle \u00e0 tous les artistes du monde pour poser leurs \u0153uvres en interm\u00e9diaire entre le monde et eux et que le th\u00e8me soit leur d\u00e9sob\u00e9issance, et la notre.<\/p>", "content_text": "Parfois la d\u00e9sob\u00e9issance peut sauver de l\u2019indignit\u00e9. Je crois m\u00eame qu\u2019\u00e0 chaque fois que j\u2019ai d\u00e9sob\u00e9i \u00e0 une injonction c\u2019est que celle ci entamait mon int\u00e9grit\u00e9. Je ne parle pas de sevrage bien sur, ni de savoir patienter pour mieux d\u00e9sirer. Non ce n\u2019est pas cela, je sais ob\u00e9ir quand il s\u2019agit de calmer mes pulsions meurtri\u00e8res ou ne pas me jeter sur la premi\u00e8re jolie femme passant \u00e0 ma port\u00e9e pour l\u2019assaillir de caresses et d\u2019attouchements. La d\u00e9sob\u00e9issance advient lorsque l\u2019on touche \u00e0 une partie pr\u00e9cieuse de mon \u00eatre, ma libert\u00e9 notamment, toucher \u00e0 celle-ci c\u2019est insulter mon intelligence. Bien sur cette libert\u00e9 n\u2019est pas le droit que je m\u2019octroierais de tout faire n\u2019importe comment. Non, il faudrait vraiment que je devienne d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9 pour agir de la sorte, et encore, me connaissant assez bien d\u00e9sormais je dirigerais plut\u00f4t cette violence envers moi-m\u00eame plut\u00f4t que de la reporter sur une ou un autre. Dans cette agitation magistrale que l\u2019on voit s\u2019\u00e9lever un peu partout dans le monde et qui manifeste en fait un ras le bol de notre mode de vie, l\u2019intelligence et l\u2019art ont leur r\u00f4le \u00e0 jouer. L\u2019artiste se doit de d\u00e9sob\u00e9ir \u00e0 tous les poncifs qui entament sa libert\u00e9 de cr\u00e9er naturelle. Et parfois si ses \u0153uvres manifestent de la violence, de la cruaut\u00e9 et provoquent un malaise chez le spectateur c\u2019est qu\u2019elles touchent justement \u00e0 des fronti\u00e8res fragiles entre biens\u00e9ance et sauvagerie. Or nous voici parvenus dans un univers artistique qui raconte cela la plupart du temps du bout des l\u00e8vres comme pour dire regardez je suis un artiste je sais tout cela mais je vais le dire de fa\u00e7on \u00e0 ne pas trop vous d\u00e9ranger. A quoi cela sert il en 2019 de peindre de jolis paysages, de jolies fleurs, de beaux portraits, face \u00e0 un monde qui s\u2019enfonce de plus en plus dans la barbarie. Nous voici pris entre deux types de barbaries d\u2019ailleurs et c\u2019est bien pour cela que la peur devient de plus en plus pr\u00e9gnante. La barbarie habituelle qui existe depuis le fond des ages, ou il s\u2019agit de tuer, de piller, de violer invoquant je ne sais quel pr\u00e9texte de race, de religion, et je ne sais quoi encore indique surtout qu\u2019il faut un pr\u00e9texte pour la laisser se d\u00e9ployer \u00e0 sa guise. Le pr\u00e9texte validerait la violence. Mais c\u2019est compl\u00e8tement faux , la violence est souvent sans raison, c\u2019est m\u00eame dirais je ce qui la caract\u00e9rise le plus. On assiste d\u00e9sormais \u00e0 une nouvelle forme de barbarie, plus vicieuse, plus intelligente, si je puis dire c\u2019est la barbarie \u00e9conomique qui pour accomplir le bien \u00eatre d\u2019une poign\u00e9e de nantis est capable de d\u00e9truire des pays entiers, de d\u00e9truire des \u00e9cosyst\u00e8mes ant\u00e9diluviens, saccageant tout sur son passage aussi surement qu\u2019un Attila d\u2019antan qui comme chacun le sait une fois le sabot de son cheval ayant foul\u00e9 un sol aucune herbe ne pouvait y repousser. La violence depuis toujours serait donc l\u2019\u00e9tat naturelle de l\u2019homme et dans ce cas seuls les plus puissants se seraient transmis ce secret de p\u00e8res en fils comme une caste jalouse de ne pas partager ses privil\u00e8ges. Hier aux informations t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es j\u2019apprends que 27 personnes seulement d\u00e9tiennent autant de richesses que la moiti\u00e9 de l\u2019humanit\u00e9 alors que l\u2019ann\u00e9e pr\u00e9c\u00e9dente elles \u00e9taient 50. Imaginez vous les querelles de palais qui se jouent m\u00eame au plus haut niveau de la hi\u00e9rarchie du pouvoir..M\u00eame eux, et peut-\u00eatre surtout eux ne sont pas \u00e9pargn\u00e9s par cette violence consubstantielle, d\u2019autant qu\u2019ils en connaissent parfaitement l\u2019existence comme les tenants et aboutissants. Le sage s\u2019en fout qui profite de l\u2019instant c\u2019est vrai. Le probl\u00e8me r\u00e9side dans cette sagesse qui s\u2019oppose passivement \u00e0 cette violence. Gandhi a fait beaucoup pour la non violence dans un pays ou la violence est magistrale. Et pour finir il en est mort, assassin\u00e9. Martin Luther King a fait beaucoup pour que les hommes noirs soient reconnus autrement que comme des b\u00eates et dans une grande mesure il a r\u00e9ussi. Puis il est mort assassin\u00e9. Je ne parle pas de J\u00e9sus Christ et pourtant il y aurait aussi \u00e0 dire car c\u2019est bien toujours le m\u00eame parcours qui s\u2019effectue d\u2019une voix qui s\u2019\u00e9l\u00e8ve plus haut et plus fort dans le d\u00e9sert de notre torpeur qui touche nos c\u0153urs, les \u00e9veille un instant, puis s\u2019\u00e9vanouit balay\u00e9e par le drame. Les irlandais ont voulu avoir des couilles pour lutter contre l\u2019oppression britannique, ils ont voulu reprendre le flambeau des antiques batailles qui ne souciaient pas de sagesse mais de force et de courage. Et tout cela en vain \u00e9galement. Qu\u2019est ce qui peut faire bouger les mentalit\u00e9s pour que tout cela cesse ? L\u2019aventure des gilets jaunes \u00e9tait porteuse d\u2019un espoir se rapprochant de cette volont\u00e9 que cela cesse et l\u2019on voit bien la difficult\u00e9 au sein m\u00eame du mouvement concernant la mani\u00e8re d\u2019agir. C\u2019est ce doute qu\u2019auront relev\u00e9 les observateurs, les m\u00e9dias toujours \u00e0 l\u2019aff\u00fbt des failles, et bien sur le gouvernement. Cette h\u00e9sitation naturelle entre dialogue et saccage, c\u2019est la m\u00eame h\u00e9sitation que tous les braves gens entretiennent quand l\u2019injustice devient vraiment \u00e9vidente. L\u2019\u00e9ducation et les valeurs d\u2019une soi disant R\u00e9publique incitent \u00e0 la r\u00e9flexion et \u00e0 la mesure afin de prot\u00e9ger ce que celle ci nomme encore \u00bb nos valeurs \u00bb . Mais quelqu\u2019un qui a faim et qui doit nourrir ses enfants se soucie t\u2019il vraiment encore de valeurs vraiment ? C\u2019est qu\u2019il faut une sacr\u00e9e dose de courage et surtout de b\u00eatise pour continuer \u00e0 respecter les feux rouges quand derri\u00e8re soi un tsunami rugit. Nous sommes dans une salle de cin\u00e9ma et l\u2019incendie vient de se d\u00e9clarer, notre monde br\u00fble et se d\u00e9chire sous la mont\u00e9e des tyrannies et des dictatures d\u2019une poign\u00e9e de cyniques qui eux ne sont pas dans la salle. Ils regardent les bras crois\u00e9s comment nous allons nous en sortir sachant que de toutes mani\u00e8res que nous soyons paniqu\u00e9s ou calmes ils en tireront encore les marrons du feu. Que nous soyons violents dans notre volont\u00e9 de survie, ils appelleront la troupe pour nous contenir dans le sang et les larmes. Que nous soyons pacifiques ils pondront de nouveaux d\u00e9crets pour nous inciter \u00e0 croire qu\u2019ils nous ont compris mais il n\u2019en sera rien la vie continuera comme avant soyez en certains. Comme la violence est sans raison le pouvoir est sans scrupule et fera tout pour rester en place. Quelque soit ce pouvoir. J\u2019en appelle \u00e0 toutes les bonnes volont\u00e9s, aux artistes surtout qui ont l\u2019habitude de vivre le risque et de risquer leur vies afin de proclamer la d\u00e9sob\u00e9issance g\u00e9n\u00e9rale. J\u2019en appelle \u00e0 tous les artistes du monde pour poser leurs \u0153uvres en interm\u00e9diaire entre le monde et eux et que le th\u00e8me soit leur d\u00e9sob\u00e9issance, et la notre. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20181212_1709353271112202290703084-2048x1566.jpg?1748065121", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-janvier-2019.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-janvier-2019.html", "title": "08 janvier 2019", "date_published": "2019-01-08T20:23:00Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Et en m\u00eame temps comme un puzzle \u00e0 l\u2019envers<\/p>\n

toutes les pi\u00e8ces<\/p>\n

une \u00e0 une<\/p>\n

voltigent lentement autour de l\u2019espace de la toile<\/p>\n

ou dans celui-ci<\/p>\n

avant m\u00eame d\u2019avoir donn\u00e9 le premier coup de fusain, de pinceau.<\/p>\n

Tout est d\u00e9j\u00e0 fini comme rien ne l\u2019est vraiment.<\/p>\n

Grattement de l\u2019occiput, nerveux,<\/p>\n

\u00e0 s\u2019arracher les derniers cheveux qui me resteraient encore<\/p>\n

s\u2019il ne faisait beau.<\/p>\n

Si tout \u00e0 coup<\/p>\n

j\u2019ouvrais en grand la porte de l\u2019atelier<\/p>\n

et que je me tienne sur le seuil \u00e0 respirer \u00e0 pleins poumons.<\/p>\n

Il fait beau, oui comme jamais, comme toujours<\/p>\n

quand on touche du doigt le silence,<\/p>\n

au del\u00e0 des d\u00e9sordres apparents et des ordres aboy\u00e9s, implor\u00e9s.<\/p>\n

Je m\u2019en fiche de la surface blanche<\/p>\n

elle n\u2019existe pas plus que la main qui s\u2019\u00e9lance<\/p>\n

vers l\u2019au del\u00e0 d\u2019ici.<\/p>\n

Je m\u2019en fiche de m\u2019en foutre en prime, en sus,<\/p>\n

je nage le regard perdu dans le bleu<\/p>\n

sec et froid en tirant lentement sur ma tige.<\/p>\n

Je m\u2019en fiche qu\u2019hier tout \u00e0 commenc\u00e9<\/p>\n

demain tout sera fini<\/p>\n

je m\u2019en fiche je suis bien l\u00e0<\/p>\n

j\u2019en suis sur d\u00e9sormais<\/p>\n

quoiqu\u2019il advienne et bien sur<\/p>\n

il adviendra<\/p>\n

des jours de chien, des jours de loup,<\/p>\n

des jours aussi entre rien et tout<\/p>\n

comme d\u2019habitude<\/p>\n

Je m\u2019en fous tout est d\u00e9j\u00e0 fini<\/p>\n

Il ne manquait plus que moi comme seule ombre au tableau.<\/p>\n

Je m\u2019en fous que tout soit \u00e0 recommencer tous les jours<\/p>\n

De jouer des coudes des pieds pour na\u00eetre<\/p>\n

Tout est d\u00e9j\u00e0 fini<\/p>\n

juste le temps de fumer une cigarette<\/p>\n

si rapide si br\u00e8ve<\/p>\n

que tout est encore \u00e0 oublier<\/p>\n

que tout est encore \u00e0 r\u00e9aliser.<\/p>\n

tout est d\u00e9j\u00e0 fini m\u2019a dit l\u2019ombre d\u2019un merle sur la branche d\u2019olivier<\/p>\n

cet hiver.<\/p>", "content_text": "Et en m\u00eame temps comme un puzzle \u00e0 l\u2019envers toutes les pi\u00e8ces une \u00e0 une voltigent lentement autour de l\u2019espace de la toile ou dans celui-ci avant m\u00eame d\u2019avoir donn\u00e9 le premier coup de fusain, de pinceau. Tout est d\u00e9j\u00e0 fini comme rien ne l\u2019est vraiment. Grattement de l\u2019occiput, nerveux, \u00e0 s\u2019arracher les derniers cheveux qui me resteraient encore s\u2019il ne faisait beau. Si tout \u00e0 coup j\u2019ouvrais en grand la porte de l\u2019atelier et que je me tienne sur le seuil \u00e0 respirer \u00e0 pleins poumons. Il fait beau, oui comme jamais, comme toujours quand on touche du doigt le silence, au del\u00e0 des d\u00e9sordres apparents et des ordres aboy\u00e9s, implor\u00e9s. Je m\u2019en fiche de la surface blanche elle n\u2019existe pas plus que la main qui s\u2019\u00e9lance vers l\u2019au del\u00e0 d\u2019ici. Je m\u2019en fiche de m\u2019en foutre en prime, en sus, je nage le regard perdu dans le bleu sec et froid en tirant lentement sur ma tige. Je m\u2019en fiche qu\u2019hier tout \u00e0 commenc\u00e9 demain tout sera fini je m\u2019en fiche je suis bien l\u00e0 j\u2019en suis sur d\u00e9sormais quoiqu\u2019il advienne et bien sur il adviendra des jours de chien, des jours de loup, des jours aussi entre rien et tout comme d\u2019habitude Je m\u2019en fous tout est d\u00e9j\u00e0 fini Il ne manquait plus que moi comme seule ombre au tableau. Je m\u2019en fous que tout soit \u00e0 recommencer tous les jours De jouer des coudes des pieds pour na\u00eetre Tout est d\u00e9j\u00e0 fini juste le temps de fumer une cigarette si rapide si br\u00e8ve que tout est encore \u00e0 oublier que tout est encore \u00e0 r\u00e9aliser. tout est d\u00e9j\u00e0 fini m\u2019a dit l\u2019ombre d\u2019un merle sur la branche d\u2019olivier cet hiver.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/49897896_102815910810935_4178295119289516032_n.jpg?1748065123", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-janvier-2019.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-janvier-2019.html", "title": "07 janvier 2019", "date_published": "2019-01-07T20:20:00Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Aujourd\u2019hui, je vais contourner une grande difficult\u00e9 dans ma vie : celle de vouloir r\u00e9ussir quoi que ce soit. Je m\u2019installe devant ma toile, ferme les yeux \u00e0 chaque touche de peinture que je d\u00e9pose. Je peins \u00e0 l\u2019aveugle, jusqu\u2019\u00e0 ce que toute la surface soit recouverte de taches informes. Lorsque j\u2019ouvre enfin les yeux, je d\u00e9couvre un tableau qui n\u2019est pas r\u00e9ussi, un tableau que je classerais volontiers parmi les \u0153uvres rat\u00e9es. Me voil\u00e0 face au contraire de ce que j\u2019ai toujours per\u00e7u comme \u00e9tant la r\u00e9ussite.<\/p>\n

Mais qu\u2019est-ce qui ferait que ce tableau soit r\u00e9ussi ? Pourquoi le juger rat\u00e9 ? D\u2019o\u00f9 me viennent ces id\u00e9es de r\u00e9ussite et d\u2019\u00e9chec ? In\u00e9vitablement, je reviens \u00e0 l\u2019immense confusion de mon enfance. Pour mes parents, r\u00e9ussir sa vie, c\u2019\u00e9tait obtenir un bon emploi, progresser dans la m\u00eame entreprise pendant des ann\u00e9es, et gravir patiemment les \u00e9chelons. Cette vision leur avait \u00e9t\u00e9 transmise par leurs parents et ceux de leurs parents avant eux. En somme, l\u2019id\u00e9e de la r\u00e9ussite professionnelle n\u2019avait gu\u00e8re chang\u00e9 depuis des g\u00e9n\u00e9rations.<\/p>\n

En 1974, lorsque mon p\u00e8re re\u00e7ut sa lettre de licenciement apr\u00e8s quinze ans pass\u00e9s dans la m\u00eame entreprise, il avait gravi les \u00e9chelons de repr\u00e9sentant \u00e0 directeur commercial. Il avait travaill\u00e9 sans rel\u00e2che, passant ses soir\u00e9es et weekends au Conservatoire des Arts et M\u00e9tiers pour se former davantage. Mais \u00e0 la maison, c\u2019\u00e9tait un homme absent, stress\u00e9, souvent col\u00e9rique. Il abordait les t\u00e2ches domestiques \u00e0 contrec\u0153ur, rong\u00e9 par l\u2019id\u00e9e de n\u00e9gliger ce qu\u2019il consid\u00e9rait comme plus important que de changer une ampoule ou r\u00e9parer une prise d\u00e9fectueuse.<\/p>\n

Apr\u00e8s son licenciement, il sombra dans le mutisme et la col\u00e8re. Son mod\u00e8le de r\u00e9ussite s\u2019effondra, et avec lui, l\u2019image de stabilit\u00e9 qu\u2019il nous avait impos\u00e9e. Mes r\u00e9sultats scolaires et ceux de mon fr\u00e8re d\u00e9clin\u00e8rent en parall\u00e8le, comme si nous l\u2019accompagnions dans ce nouveau territoire d\u2019\u00e9chec. Les reproches, les insultes pleuvaient : pourquoi aggraver encore sa d\u00e9tresse par nos mauvais r\u00e9sultats ?<\/p>\n

Ce fut le d\u00e9but d\u2019une longue s\u00e9rie de tentatives et d\u2019\u00e9checs dans tous les aspects de ma vie. Loin d\u2019en bl\u00e2mer qui que ce soit, j\u2019ai assum\u00e9 cet \u00e9chec comme une constante, voyant la r\u00e9ussite comme une valeur instable et insaisissable. \u00c0 chaque \u00e9chec, mon estime de moi se d\u00e9t\u00e9riorait, mais je pers\u00e9v\u00e9rais malgr\u00e9 tout, accumulant les ratages comme autant de troph\u00e9es invisibles. Mon esprit analogique tra\u00e7ait des ponts entre \u00e9checs professionnels, sentimentaux et autres, comme si l\u2019\u00e9chec \u00e9tait devenu ma v\u00e9ritable comp\u00e9tence.<\/p>\n

Le jour o\u00f9 j\u2019ai r\u00e9alis\u00e9 que je cherchais l\u2019\u00e9chec autant que d\u2019autres cherchent la r\u00e9ussite, ma vie a chang\u00e9. J\u2019ai adopt\u00e9 une philosophie de l\u2019\u00e9chec, le tenant pour \u00e9vident, normal et in\u00e9luctable. J\u2019observais les r\u00e9ussites des autres avec un \u0153il critique : un ami dans un job en or, une belle femme \u00e0 son bras, rien de cela ne me faisait envie, car je savais combien ces r\u00e9ussites \u00e9taient fragiles et \u00e9ph\u00e9m\u00e8res. L\u2019\u00e9chec, lui, offrait une stabilit\u00e9 dans sa r\u00e9gularit\u00e9.<\/p>\n

En prenant conscience de ce m\u00e9canisme, je l\u2019ai exploit\u00e9. Travaillant comme photographe, j\u2019ai appris \u00e0 tirer le meilleur des n\u00e9gatifs dans mon laboratoire. N\u00e9gatif, positif\u2026 Un apprentissage solitaire et acharn\u00e9, o\u00f9 chaque r\u00e9ussite \u00e9tait contest\u00e9e par de nouvelles exigences. Mon travail ne satisfaisait jamais vraiment les attentes fluctuantes de ma patronne artiste, et nous oscill\u00e2mes entre louanges et critiques, en m\u00eame temps que notre relation personnelle faisait des allers-retours.<\/p>\n

J\u2019ai d\u00e9couvert que la r\u00e9ussite et le bonheur \u00e9taient pour beaucoup des chim\u00e8res poursuivies aveugl\u00e9ment, des id\u00e9es h\u00e9rit\u00e9es sans questionnement. Les catastrophes ont cette vertu de nous r\u00e9veiller de l\u2019illusion, nous ramenant \u00e0 ce qui est v\u00e9ritablement n\u00f4tre, m\u00eame si cela ressemble parfois \u00e0 un tableau rat\u00e9.<\/p>", "content_text": "Aujourd\u2019hui, je vais contourner une grande difficult\u00e9 dans ma vie : celle de vouloir r\u00e9ussir quoi que ce soit. Je m\u2019installe devant ma toile, ferme les yeux \u00e0 chaque touche de peinture que je d\u00e9pose. Je peins \u00e0 l\u2019aveugle, jusqu\u2019\u00e0 ce que toute la surface soit recouverte de taches informes. Lorsque j\u2019ouvre enfin les yeux, je d\u00e9couvre un tableau qui n\u2019est pas r\u00e9ussi, un tableau que je classerais volontiers parmi les \u0153uvres rat\u00e9es. Me voil\u00e0 face au contraire de ce que j\u2019ai toujours per\u00e7u comme \u00e9tant la r\u00e9ussite. Mais qu\u2019est-ce qui ferait que ce tableau soit r\u00e9ussi ? Pourquoi le juger rat\u00e9 ? D\u2019o\u00f9 me viennent ces id\u00e9es de r\u00e9ussite et d\u2019\u00e9chec ? In\u00e9vitablement, je reviens \u00e0 l\u2019immense confusion de mon enfance. Pour mes parents, r\u00e9ussir sa vie, c\u2019\u00e9tait obtenir un bon emploi, progresser dans la m\u00eame entreprise pendant des ann\u00e9es, et gravir patiemment les \u00e9chelons. Cette vision leur avait \u00e9t\u00e9 transmise par leurs parents et ceux de leurs parents avant eux. En somme, l\u2019id\u00e9e de la r\u00e9ussite professionnelle n\u2019avait gu\u00e8re chang\u00e9 depuis des g\u00e9n\u00e9rations. En 1974, lorsque mon p\u00e8re re\u00e7ut sa lettre de licenciement apr\u00e8s quinze ans pass\u00e9s dans la m\u00eame entreprise, il avait gravi les \u00e9chelons de repr\u00e9sentant \u00e0 directeur commercial. Il avait travaill\u00e9 sans rel\u00e2che, passant ses soir\u00e9es et weekends au Conservatoire des Arts et M\u00e9tiers pour se former davantage. Mais \u00e0 la maison, c\u2019\u00e9tait un homme absent, stress\u00e9, souvent col\u00e9rique. Il abordait les t\u00e2ches domestiques \u00e0 contrec\u0153ur, rong\u00e9 par l\u2019id\u00e9e de n\u00e9gliger ce qu\u2019il consid\u00e9rait comme plus important que de changer une ampoule ou r\u00e9parer une prise d\u00e9fectueuse. Apr\u00e8s son licenciement, il sombra dans le mutisme et la col\u00e8re. Son mod\u00e8le de r\u00e9ussite s\u2019effondra, et avec lui, l\u2019image de stabilit\u00e9 qu\u2019il nous avait impos\u00e9e. Mes r\u00e9sultats scolaires et ceux de mon fr\u00e8re d\u00e9clin\u00e8rent en parall\u00e8le, comme si nous l\u2019accompagnions dans ce nouveau territoire d\u2019\u00e9chec. Les reproches, les insultes pleuvaient : pourquoi aggraver encore sa d\u00e9tresse par nos mauvais r\u00e9sultats ? Ce fut le d\u00e9but d\u2019une longue s\u00e9rie de tentatives et d\u2019\u00e9checs dans tous les aspects de ma vie. Loin d\u2019en bl\u00e2mer qui que ce soit, j\u2019ai assum\u00e9 cet \u00e9chec comme une constante, voyant la r\u00e9ussite comme une valeur instable et insaisissable. \u00c0 chaque \u00e9chec, mon estime de moi se d\u00e9t\u00e9riorait, mais je pers\u00e9v\u00e9rais malgr\u00e9 tout, accumulant les ratages comme autant de troph\u00e9es invisibles. Mon esprit analogique tra\u00e7ait des ponts entre \u00e9checs professionnels, sentimentaux et autres, comme si l\u2019\u00e9chec \u00e9tait devenu ma v\u00e9ritable comp\u00e9tence. Le jour o\u00f9 j\u2019ai r\u00e9alis\u00e9 que je cherchais l\u2019\u00e9chec autant que d\u2019autres cherchent la r\u00e9ussite, ma vie a chang\u00e9. J\u2019ai adopt\u00e9 une philosophie de l\u2019\u00e9chec, le tenant pour \u00e9vident, normal et in\u00e9luctable. J\u2019observais les r\u00e9ussites des autres avec un \u0153il critique : un ami dans un job en or, une belle femme \u00e0 son bras, rien de cela ne me faisait envie, car je savais combien ces r\u00e9ussites \u00e9taient fragiles et \u00e9ph\u00e9m\u00e8res. L\u2019\u00e9chec, lui, offrait une stabilit\u00e9 dans sa r\u00e9gularit\u00e9. En prenant conscience de ce m\u00e9canisme, je l\u2019ai exploit\u00e9. Travaillant comme photographe, j\u2019ai appris \u00e0 tirer le meilleur des n\u00e9gatifs dans mon laboratoire. N\u00e9gatif, positif\u2026 Un apprentissage solitaire et acharn\u00e9, o\u00f9 chaque r\u00e9ussite \u00e9tait contest\u00e9e par de nouvelles exigences. Mon travail ne satisfaisait jamais vraiment les attentes fluctuantes de ma patronne artiste, et nous oscill\u00e2mes entre louanges et critiques, en m\u00eame temps que notre relation personnelle faisait des allers-retours. J\u2019ai d\u00e9couvert que la r\u00e9ussite et le bonheur \u00e9taient pour beaucoup des chim\u00e8res poursuivies aveugl\u00e9ment, des id\u00e9es h\u00e9rit\u00e9es sans questionnement. Les catastrophes ont cette vertu de nous r\u00e9veiller de l\u2019illusion, nous ramenant \u00e0 ce qui est v\u00e9ritablement n\u00f4tre, m\u00eame si cela ressemble parfois \u00e0 un tableau rat\u00e9.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/rater2.webp?1748065100", "tags": [] } ] }