{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-juillet-2019.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-juillet-2019.html", "title": "20 juillet 2019", "date_published": "2020-07-27T18:44:00Z", "date_modified": "2025-05-14T10:29:20Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
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Depuis l\u2019\u00e9cole, il est l\u00e0, cet insupportable qu\u2019on nous apprend \u00e0 tol\u00e9rer \u00e0 coups de mauvais points, de claques, de coups de r\u00e8gle sur les doigts. Peu \u00e0 peu, la r\u00e9signation s\u2019installe, et l\u2019habitude finit par dominer.<\/p>\n

Puis vient l\u2019entr\u00e9e \u00e0 l\u2019usine ou au bureau, et il faut bien composer avec l\u2019atmosph\u00e8re morne des petits matins, la cohue dans les transports en commun, les vocif\u00e9rations des petits chefs, et cette transparence que nous opposons aux r\u00eaves des filles qui aspirent \u00e0 quelque chose de stable et rassurant.<\/p>\n

Notre vie enti\u00e8re devient une longue habitude \u00e0 supporter l\u2019insoutenable, par oubli, fatigue, lassitude. \u00c0 quoi bon, se demande-t-on parfois ? Il faut parfois un choc, une d\u00e9flagration immense pour que nous nous r\u00e9veillions et red\u00e9couvrions cette r\u00e9alit\u00e9, intacte, toujours l\u00e0. Des tours qui s\u2019effondrent, des salles de concert jonch\u00e9es de cadavres, des \u00e9v\u00e9nements d\u2019une monstruosit\u00e9 hors norme. Alors seulement, on se dit « merde, rien n\u2019a chang\u00e9 », et tout revient nous frapper en pleine figure.<\/p>\n

Et puis, les jours passent. Nous replongeons dans le quotidien, l\u2019oubli. Nous reprenons notre place dans les files d\u2019attente, nous nous effor\u00e7ons de ne pas \u00e9gorger nos semblables, nous payons nos imp\u00f4ts et nous votons. Pas par v\u00e9ritable espoir, mais plus souvent pour choisir celui ou celle que nous rejetons le moins.<\/p>\n

Ensuite, les scandales \u00e9clatent, nous nous indignons collectivement d\u2019avoir encore \u00e9t\u00e9 dup\u00e9s, comme si c\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re fois. Et puis, l\u2019oubli revient, accompagn\u00e9 de la routine, tandis que nous nous pr\u00e9parons, encore une fois, \u00e0 revoter.<\/p>\n

Pourtant, vivre devrait \u00eatre une lutte permanente contre cet insupportable, sans attendre la guerre ou l\u2019attentat. Je crois qu\u2019il faudrait enseigner d\u00e8s l\u2019enfance cette vigilance animale, cet instinct de r\u00e9sistance.<\/p>\n

Mais pour cela, il faudrait que l\u2019\u00e9cole cesse d\u2019\u00eatre ce qu\u2019elle est, que le monde change, ainsi que les usines et les bureaux o\u00f9 nous passons notre temps \u00e0 \u00e9viter la vie, comme l\u2019insupportable.<\/p>", "content_text": "Depuis l\u2019\u00e9cole, il est l\u00e0, cet insupportable qu\u2019on nous apprend \u00e0 tol\u00e9rer \u00e0 coups de mauvais points, de claques, de coups de r\u00e8gle sur les doigts. Peu \u00e0 peu, la r\u00e9signation s\u2019installe, et l\u2019habitude finit par dominer. Puis vient l\u2019entr\u00e9e \u00e0 l\u2019usine ou au bureau, et il faut bien composer avec l\u2019atmosph\u00e8re morne des petits matins, la cohue dans les transports en commun, les vocif\u00e9rations des petits chefs, et cette transparence que nous opposons aux r\u00eaves des filles qui aspirent \u00e0 quelque chose de stable et rassurant. Notre vie enti\u00e8re devient une longue habitude \u00e0 supporter l\u2019insoutenable, par oubli, fatigue, lassitude. \u00c0 quoi bon, se demande-t-on parfois ? Il faut parfois un choc, une d\u00e9flagration immense pour que nous nous r\u00e9veillions et red\u00e9couvrions cette r\u00e9alit\u00e9, intacte, toujours l\u00e0. Des tours qui s\u2019effondrent, des salles de concert jonch\u00e9es de cadavres, des \u00e9v\u00e9nements d\u2019une monstruosit\u00e9 hors norme. Alors seulement, on se dit \u00ab merde, rien n\u2019a chang\u00e9 \u00bb, et tout revient nous frapper en pleine figure. Et puis, les jours passent. Nous replongeons dans le quotidien, l\u2019oubli. Nous reprenons notre place dans les files d\u2019attente, nous nous effor\u00e7ons de ne pas \u00e9gorger nos semblables, nous payons nos imp\u00f4ts et nous votons. Pas par v\u00e9ritable espoir, mais plus souvent pour choisir celui ou celle que nous rejetons le moins. Ensuite, les scandales \u00e9clatent, nous nous indignons collectivement d\u2019avoir encore \u00e9t\u00e9 dup\u00e9s, comme si c\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re fois. Et puis, l\u2019oubli revient, accompagn\u00e9 de la routine, tandis que nous nous pr\u00e9parons, encore une fois, \u00e0 revoter. Pourtant, vivre devrait \u00eatre une lutte permanente contre cet insupportable, sans attendre la guerre ou l\u2019attentat. Je crois qu\u2019il faudrait enseigner d\u00e8s l\u2019enfance cette vigilance animale, cet instinct de r\u00e9sistance. Mais pour cela, il faudrait que l\u2019\u00e9cole cesse d\u2019\u00eatre ce qu\u2019elle est, que le monde change, ainsi que les usines et les bureaux o\u00f9 nous passons notre temps \u00e0 \u00e9viter la vie, comme l\u2019insupportable. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/abri-bus.webp?1748065156", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ] }