{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/31-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/31-mai-2024.html", "title": "31 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:23:22Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Lecture de The Writing Life d\u2019Annie Dillard<\/p>\n

Le titre en fran\u00e7ais est En vivant, en \u00e9crivant, trouv\u00e9 chez Christian Bourgois \u00e9diteur ; traduction de Brice Matthieussent. Collection 1018, 1989.<\/p>\n

Pourquoi n\u2019ai-je pas lu ce livre \u00e0 sa parution ? Parce que je n\u2019aurais pas pu comprendre son contenu. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, j\u2019\u00e9tais trop concentr\u00e9 sur l\u2019accumulation de mat\u00e9riaux pour tracer mon propre chemin. Son contenu m\u2019aurait paru abscons. J\u2019aurais probablement lu quelques paragraphes puis referm\u00e9 le livre. Peut-\u00eatre pas. Et, dans ce cas, est-ce que ce livre aurait chang\u00e9 quelque chose \u00e0 ma vie ? Je l\u2019ignore.<\/p>\n

En lisant le premier chapitre d\u2019une traite, je me rends compte que ce n\u2019est pas suffisant. Je lis trop vite. J\u2019ai donc entrepris de recopier ce texte sur un document LibreOffice Writer. J\u2019ai aussi ralenti ma vitesse de frappe ces derniers jours. Je suis rest\u00e9 bloqu\u00e9 \u00e0 80 mots par minute, et cela m\u2019a fait r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 cette \u00e9trange obsession de vouloir atteindre les 100 mots par minute. De plus, les sites d\u2019entra\u00eenement ne se valent pas tous. J\u2019en ai test\u00e9 plusieurs ; certains omettent des signes typographiques, ce qui facilite la vitesse, mais n\u2019apprend pas \u00e0 taper correctement avec les dix doigts.<\/p>\n

Je recopie donc le texte entier d\u2019Annie Dillard, ou plut\u00f4t la traduction de Brice Matthieussent, tout en consultant parfois le texte original. Je profite de cette opportunit\u00e9 pour approfondir ma compr\u00e9hension. La proposition d\u2019une nouvelle boucle d\u2019\u00e9criture bas\u00e9e sur un texte d\u2019Annie Dillard me pousse \u00e0 m\u2019\u00e9loigner de quelque chose dont les contours me paraissent encore trop flous pour que je m\u2019y engage t\u00eate baiss\u00e9e.<\/p>\n

Recopier lentement un texte, le dactylographier de ses dix doigts, permet d\u2019\u00e9tablir une relation privil\u00e9gi\u00e9e avec son auteur, ou son traducteur. Il faut lire la phrase en silence depuis le document d\u2019origine, puis basculer entre les fen\u00eatres pour l\u2019\u00e9crire. Durant ce court laps de temps entre le souvenir de la phrase et sa restitution mot pour mot, une s\u00e9rie de m\u00e9canismes se met en place. Il semble qu\u2019on doit se r\u00e9p\u00e9ter plusieurs fois la phrase pour ne pas l\u2019oublier, ce qui est \u00e9trange car le chemin d\u2019une fen\u00eatre \u00e0 l\u2019autre ne semble pas long. Pourtant, il l\u2019est infiniment. Je ne veux pas juste recopier les mots et la ponctuation. Je veux comprendre ce que je recopie. Chaque portion de phrase, chaque mot, chaque signe de ponctuation cr\u00e9e tout un r\u00e9seau d\u2019associations avec mon exp\u00e9rience de l\u2019\u00e9criture.<\/p>\n

Par exemple, ce qui m\u2019a touch\u00e9 dans ce premier chapitre, c\u2019est ce qu\u2019Annie Dillard dit du fond en peinture, destin\u00e9 \u00e0 \u00eatre recouvert par de nouvelles couches jusqu\u2019\u00e0 devenir invisible. Pour les \u00e9crivains, c\u2019est diff\u00e9rent. Nous progressons de la gauche vers la droite et entretenons des affinit\u00e9s parfois douteuses avec ce qui est \u00e0 gauche, soit par satisfaction exag\u00e9r\u00e9e de soi-m\u00eame, soit par les efforts que cela nous aura demand\u00e9s. C\u2019est une chose dont je crois m\u2019\u00eatre d\u00e9barrass\u00e9 sans avoir lu ce livre. Je ne suis pas particuli\u00e8rement attach\u00e9 \u00e0 tout ce que j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 \u00e9crit. Je n\u2019entretiens pas un culte avec mes textes. En m\u00eame temps, pour avoir fait l\u2019exp\u00e9rience douloureuse de perdre des textes, je ne les effacerais pas de mes disques durs. Je les sauvegarde m\u00eame sur divers supports, peut-\u00eatre parce que j\u2019ai compris qu\u2019un jour, il me faudra revenir \u00e0 ces mat\u00e9riaux. Ils sont comme des fragments de mon parcours, des \u00e9clats de r\u00e9flexion et de cr\u00e9ativit\u00e9. Je n\u2019aurai pas d\u2019autre choix que d\u2019y revenir, car chaque mot, chaque phrase que j\u2019ai \u00e9crits contient une part de moi-m\u00eame, une part de cette qu\u00eate de sens \u00e0 travers l\u2019\u00e9criture.<\/p>\n

Image d\u2019illustration. Je continue \u00e0 num\u00e9riser de vieux n\u00e9gatifs des ann\u00e9es 80. Sur une bande de film Kodak Tri-X Pan 400 je retrouve cette image prise dans un bus pour rejoindre Aubervilliers.<\/p>", "content_text": "Lecture de The Writing Life d\u2019Annie Dillard Le titre en fran\u00e7ais est En vivant, en \u00e9crivant, trouv\u00e9 chez Christian Bourgois \u00e9diteur; traduction de Brice Matthieussent. Collection 1018, 1989. Pourquoi n\u2019ai-je pas lu ce livre \u00e0 sa parution ? Parce que je n\u2019aurais pas pu comprendre son contenu. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, j\u2019\u00e9tais trop concentr\u00e9 sur l\u2019accumulation de mat\u00e9riaux pour tracer mon propre chemin. Son contenu m\u2019aurait paru abscons. J\u2019aurais probablement lu quelques paragraphes puis referm\u00e9 le livre. Peut-\u00eatre pas. Et, dans ce cas, est-ce que ce livre aurait chang\u00e9 quelque chose \u00e0 ma vie ? Je l\u2019ignore. En lisant le premier chapitre d\u2019une traite, je me rends compte que ce n\u2019est pas suffisant. Je lis trop vite. J\u2019ai donc entrepris de recopier ce texte sur un document LibreOffice Writer. J\u2019ai aussi ralenti ma vitesse de frappe ces derniers jours. Je suis rest\u00e9 bloqu\u00e9 \u00e0 80 mots par minute, et cela m\u2019a fait r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 cette \u00e9trange obsession de vouloir atteindre les 100 mots par minute. De plus, les sites d\u2019entra\u00eenement ne se valent pas tous. J\u2019en ai test\u00e9 plusieurs ; certains omettent des signes typographiques, ce qui facilite la vitesse, mais n\u2019apprend pas \u00e0 taper correctement avec les dix doigts. Je recopie donc le texte entier d\u2019Annie Dillard, ou plut\u00f4t la traduction de Brice Matthieussent, tout en consultant parfois le texte original. Je profite de cette opportunit\u00e9 pour approfondir ma compr\u00e9hension. La proposition d\u2019une nouvelle boucle d\u2019\u00e9criture bas\u00e9e sur un texte d\u2019Annie Dillard me pousse \u00e0 m\u2019\u00e9loigner de quelque chose dont les contours me paraissent encore trop flous pour que je m\u2019y engage t\u00eate baiss\u00e9e. Recopier lentement un texte, le dactylographier de ses dix doigts, permet d\u2019\u00e9tablir une relation privil\u00e9gi\u00e9e avec son auteur, ou son traducteur. Il faut lire la phrase en silence depuis le document d\u2019origine, puis basculer entre les fen\u00eatres pour l\u2019\u00e9crire. Durant ce court laps de temps entre le souvenir de la phrase et sa restitution mot pour mot, une s\u00e9rie de m\u00e9canismes se met en place. Il semble qu\u2019on doit se r\u00e9p\u00e9ter plusieurs fois la phrase pour ne pas l\u2019oublier, ce qui est \u00e9trange car le chemin d\u2019une fen\u00eatre \u00e0 l\u2019autre ne semble pas long. Pourtant, il l\u2019est infiniment. Je ne veux pas juste recopier les mots et la ponctuation. Je veux comprendre ce que je recopie. Chaque portion de phrase, chaque mot, chaque signe de ponctuation cr\u00e9e tout un r\u00e9seau d\u2019associations avec mon exp\u00e9rience de l\u2019\u00e9criture. Par exemple, ce qui m\u2019a touch\u00e9 dans ce premier chapitre, c\u2019est ce qu\u2019Annie Dillard dit du fond en peinture, destin\u00e9 \u00e0 \u00eatre recouvert par de nouvelles couches jusqu\u2019\u00e0 devenir invisible. Pour les \u00e9crivains, c\u2019est diff\u00e9rent. Nous progressons de la gauche vers la droite et entretenons des affinit\u00e9s parfois douteuses avec ce qui est \u00e0 gauche, soit par satisfaction exag\u00e9r\u00e9e de soi-m\u00eame, soit par les efforts que cela nous aura demand\u00e9s. C\u2019est une chose dont je crois m\u2019\u00eatre d\u00e9barrass\u00e9 sans avoir lu ce livre. Je ne suis pas particuli\u00e8rement attach\u00e9 \u00e0 tout ce que j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 \u00e9crit. Je n\u2019entretiens pas un culte avec mes textes. En m\u00eame temps, pour avoir fait l\u2019exp\u00e9rience douloureuse de perdre des textes, je ne les effacerais pas de mes disques durs. Je les sauvegarde m\u00eame sur divers supports, peut-\u00eatre parce que j\u2019ai compris qu\u2019un jour, il me faudra revenir \u00e0 ces mat\u00e9riaux. Ils sont comme des fragments de mon parcours, des \u00e9clats de r\u00e9flexion et de cr\u00e9ativit\u00e9. Je n\u2019aurai pas d\u2019autre choix que d\u2019y revenir, car chaque mot, chaque phrase que j\u2019ai \u00e9crits contient une part de moi-m\u00eame, une part de cette qu\u00eate de sens \u00e0 travers l\u2019\u00e9criture. Image d\u2019illustration. Je continue \u00e0 num\u00e9riser de vieux n\u00e9gatifs des ann\u00e9es 80. Sur une bande de film Kodak Tri-X Pan 400 je retrouve cette image prise dans un bus pour rejoindre Aubervilliers. 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Nous sommes samedi 25 mai. En tenant compte de l\u2019avance des textes planifi\u00e9s, celui-ci sera publi\u00e9 le 30 mai au matin, \u00e0 7h00.<\/p>\n

Cinq jours d\u2019avance, c\u2019est \u00e0 la fois peu et beaucoup. Maintenir cet \u00e9cart, voire l\u2019augmenter, reste myst\u00e9rieux. Peut-\u00eatre est-ce une volont\u00e9 de mise \u00e0 distance, empirique, comme effectuer cinq pas en arri\u00e8re pour observer la toile en cours sur le chevalet, puis la retourner contre un mur, ne plus la voir pendant des jours. Peut-\u00eatre est-ce une fa\u00e7on de nourrir et de conserver le d\u00e9sir.<\/p>\n

Hier, j\u2019ai song\u00e9 \u00e0 n\u2019\u00e9crire plus que des choses joyeuses, des choses sans gravit\u00e9 aucune. Je trouvais dommage de toujours rester sur cette fr\u00e9quence introspective, avec cet air p\u00e9n\u00e9tr\u00e9, toujours pr\u00eat \u00e0 creuser plus avant dans le creux. Comme si l\u2019inspiration, la seule que je voulais bien suivre dans les ruelles sales de mon esprit, \u00e9tait cette femme perdue, sans illusion, d\u00e9sesp\u00e9rante, et probablement v\u00e9nale. Elle ne me demanderait pas d\u2019argent, bien s\u00fbr, mais mon temps, cette \u00e9nergie pr\u00e9cieuse que j\u2019ai coutume de dilapider comme un riche son or. Et aujourd\u2019hui, rien de joyeux ne me vient. L\u2019air du temps charrie des relents putrides, la b\u00eatise fait concurrence \u00e0 ma belle tentatrice, incitant au meurtre des belles r\u00eaveries, caduques, d\u00e9cid\u00e9ment caduques.<\/p>\n

Entre ce que l\u2019on croit faire et ce que l\u2019on fait vraiment, quel \u00e9cart ! Je suis encore en retard pour la remise des comptes annuels. D\u00e9cid\u00e9ment, malgr\u00e9 toutes les sanctions accumul\u00e9es, quelque chose de farouche, de t\u00eatu, de forcen\u00e9, r\u00e9siste toujours. Je crois surtout que je ne crois plus un tra\u00eetre mot de ce qu\u2019on m\u2019a jadis enfonc\u00e9 de force dans le cr\u00e2ne. Je ne crois plus en l\u2019\u00c9tat, je ne crois plus que l\u2019\u00c9tat veuille le bonheur de ses concitoyens. Il y a belle lurette que je n\u2019y crois plus. Pour moi, l\u2019\u00c9tat est un vieux pou imbu de lui-m\u00eame qui se gave du sang de la collectivit\u00e9 tout en jetant l\u2019argent par les fen\u00eatres. Qu\u2019Hidalgo et Macron aillent donc barboter dans la Seine, qu\u2019ils fabriquent des brioches pour les Parisiens, les jeux du cirque. Je n\u2019y crois pas un seul instant. Est-ce que je crois au peuple ? Non plus. Ce \u00e0 quoi je crois encore un peu, c\u2019est \u00e0 la r\u00e9gularit\u00e9, bien que m\u00eame d\u2019elle, je me m\u00e9fie.<\/p>\n

R. s\u2019\u00e9tait autrefois plaint du dosage. Il avait surpris une conversation entre ce couple. C\u2019\u00e9taient de jeunes gens qui se relayaient pour lui tenir compagnie. La jeune femme aurait dit : « R., il est bien gentil, mais \u00e0 petite dose. » R. en avait \u00e9t\u00e9 malade durant des jours. Il avait \u00e9t\u00e9 profond\u00e9ment bless\u00e9 par cette phrase. Il en avait \u00e9t\u00e9 vex\u00e9 comme un vieux pou. Quelle dr\u00f4le d\u2019expression, mais qui signifie exactement ce qu\u2019elle veut dire : l\u2019incongruit\u00e9 de trouver de la vanit\u00e9 chez un pou suceur de sang.<\/p>\n

En peinture aussi, le m\u00e9lange des couleurs est une question de dosage. L\u2019innombrable provient, tout compte fait, des trois couleurs primaires et d\u2019un peu de blanc et de noir. C\u2019est l\u00e0 que la peinture est \u00e0 la fois enseignante et th\u00e9rapeutique. Elle nous enseigne le dosage, par la pratique, peu \u00e0 peu, jusqu\u2019\u00e0 ce que cela devienne une seconde nature, un automatisme.<\/p>\n

L\u2019\u00e9criture aussi, probablement. Le danger alors est de se fier uniquement \u00e0 ces automatismes. Cela pourrait expliquer pourquoi je fais autant de peintures et d\u2019\u00e9crits diff\u00e9rents. Se fier uniquement aux automatismes risque de nous enfermer dans une routine cr\u00e9ative, \u00e9touffant ainsi l\u2019innovation et la spontan\u00e9it\u00e9. C\u2019est en sortant de ces sch\u00e9mas r\u00e9p\u00e9titifs que l\u2019on peut r\u00e9ellement se renouveler et explorer de nouvelles voies.<\/p>\n

Mes d\u00e9buts dans la photographie de spectacle, une pi\u00e8ce d\u2019Arrabal — Fando et Lis — mont\u00e9e par une troupe amateur. Ils avaient fait appel \u00e0 moi, je crois, car j\u2019avais d\u00fb dire que je faisais de la photo, que je cherchais des mod\u00e8les, voire des r\u00e9p\u00e9titions pour m\u2019entra\u00eener. C\u2019\u00e9tait encore au lyc\u00e9e, \u00e0 l\u2019Isle-Adam. L\u2019\u00eele de la terre rouge, l\u2019\u00eele sanglante. Tout cela allait bien ensemble avec le recul. On ne fait pas plus de la litt\u00e9rature avec des bonnes intentions que de la photographie. C\u2019est pourquoi les bonnes intentions, je devrais toujours m\u2019en m\u00e9fier. Voil\u00e0 comment je cl\u00f4ture v\u00e9ritablement ce billet.<\/p>", "content_text": "Nous sommes samedi 25 mai. En tenant compte de l\u2019avance des textes planifi\u00e9s, celui-ci sera publi\u00e9 le 30 mai au matin, \u00e0 7h00. Cinq jours d\u2019avance, c\u2019est \u00e0 la fois peu et beaucoup. Maintenir cet \u00e9cart, voire l\u2019augmenter, reste myst\u00e9rieux. Peut-\u00eatre est-ce une volont\u00e9 de mise \u00e0 distance, empirique, comme effectuer cinq pas en arri\u00e8re pour observer la toile en cours sur le chevalet, puis la retourner contre un mur, ne plus la voir pendant des jours. Peut-\u00eatre est-ce une fa\u00e7on de nourrir et de conserver le d\u00e9sir. Hier, j\u2019ai song\u00e9 \u00e0 n\u2019\u00e9crire plus que des choses joyeuses, des choses sans gravit\u00e9 aucune. Je trouvais dommage de toujours rester sur cette fr\u00e9quence introspective, avec cet air p\u00e9n\u00e9tr\u00e9, toujours pr\u00eat \u00e0 creuser plus avant dans le creux. Comme si l\u2019inspiration, la seule que je voulais bien suivre dans les ruelles sales de mon esprit, \u00e9tait cette femme perdue, sans illusion, d\u00e9sesp\u00e9rante, et probablement v\u00e9nale. Elle ne me demanderait pas d\u2019argent, bien s\u00fbr, mais mon temps, cette \u00e9nergie pr\u00e9cieuse que j\u2019ai coutume de dilapider comme un riche son or. Et aujourd\u2019hui, rien de joyeux ne me vient. L\u2019air du temps charrie des relents putrides, la b\u00eatise fait concurrence \u00e0 ma belle tentatrice, incitant au meurtre des belles r\u00eaveries, caduques, d\u00e9cid\u00e9ment caduques. Entre ce que l\u2019on croit faire et ce que l\u2019on fait vraiment, quel \u00e9cart ! Je suis encore en retard pour la remise des comptes annuels. D\u00e9cid\u00e9ment, malgr\u00e9 toutes les sanctions accumul\u00e9es, quelque chose de farouche, de t\u00eatu, de forcen\u00e9, r\u00e9siste toujours. Je crois surtout que je ne crois plus un tra\u00eetre mot de ce qu\u2019on m\u2019a jadis enfonc\u00e9 de force dans le cr\u00e2ne. Je ne crois plus en l\u2019\u00c9tat, je ne crois plus que l\u2019\u00c9tat veuille le bonheur de ses concitoyens. Il y a belle lurette que je n\u2019y crois plus. Pour moi, l\u2019\u00c9tat est un vieux pou imbu de lui-m\u00eame qui se gave du sang de la collectivit\u00e9 tout en jetant l\u2019argent par les fen\u00eatres. Qu\u2019Hidalgo et Macron aillent donc barboter dans la Seine, qu\u2019ils fabriquent des brioches pour les Parisiens, les jeux du cirque. Je n\u2019y crois pas un seul instant. Est-ce que je crois au peuple ? Non plus. Ce \u00e0 quoi je crois encore un peu, c\u2019est \u00e0 la r\u00e9gularit\u00e9, bien que m\u00eame d\u2019elle, je me m\u00e9fie. R. s\u2019\u00e9tait autrefois plaint du dosage. Il avait surpris une conversation entre ce couple. C\u2019\u00e9taient de jeunes gens qui se relayaient pour lui tenir compagnie. La jeune femme aurait dit : \u00ab R., il est bien gentil, mais \u00e0 petite dose. \u00bb R. en avait \u00e9t\u00e9 malade durant des jours. Il avait \u00e9t\u00e9 profond\u00e9ment bless\u00e9 par cette phrase. 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Se fier uniquement aux automatismes risque de nous enfermer dans une routine cr\u00e9ative, \u00e9touffant ainsi l\u2019innovation et la spontan\u00e9it\u00e9. C\u2019est en sortant de ces sch\u00e9mas r\u00e9p\u00e9titifs que l\u2019on peut r\u00e9ellement se renouveler et explorer de nouvelles voies. Mes d\u00e9buts dans la photographie de spectacle, une pi\u00e8ce d\u2019Arrabal \u2014 Fando et Lis \u2014 mont\u00e9e par une troupe amateur. Ils avaient fait appel \u00e0 moi, je crois, car j\u2019avais d\u00fb dire que je faisais de la photo, que je cherchais des mod\u00e8les, voire des r\u00e9p\u00e9titions pour m\u2019entra\u00eener. C\u2019\u00e9tait encore au lyc\u00e9e, \u00e0 l\u2019Isle-Adam. L\u2019\u00eele de la terre rouge, l\u2019\u00eele sanglante. Tout cela allait bien ensemble avec le recul. On ne fait pas plus de la litt\u00e9rature avec des bonnes intentions que de la photographie. C\u2019est pourquoi les bonnes intentions, je devrais toujours m\u2019en m\u00e9fier. 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Cela pourrait durer \u00e0 l\u2019infini, \u00e9crire ainsi, chaque jour, parfois plusieurs fois par jour. Comme on s\u2019enfonce dans une for\u00eat, au hasard, en empruntant les sentiers que l\u2019on d\u00e9couvre au fur et \u00e0 mesure de l\u2019avanc\u00e9e. Je me souviens de ce beau titre de Calvino, Le sentier des nids d\u2019araign\u00e9es. Parfois, je le confonds avec un titre de Borges Le Jardin aux sentiers qui bifurquent . La fourche que dessine la crois\u00e9e des chemins me rappelle le trident de Neptune et aussi le tas de fumier o\u00f9, dans ma jeunesse, elle \u00e9tait plant\u00e9e. Mon p\u00e8re ou moi-m\u00eame remuions l\u2019humus en qu\u00eate de lombrics gras que nous accrochions sans piti\u00e9 \u00e0 nos hame\u00e7ons. La pointe d\u2019un hame\u00e7on n\u2019est-elle pas aussi un sentier que l\u2019on suit par faim, par gourmandise, par curiosit\u00e9, qui nous transperce la l\u00e8vre, la gorge, nous pi\u00e9geant jusqu\u2019\u00e0 la d\u00e9chirure ?<\/p>\n

Je me suis fix\u00e9 la t\u00e2che d\u2019\u00e9crire chaque jour, mais parfois, je ne me souviens plus pour quelle v\u00e9ritable raison je me suis impos\u00e9 cette discipline. Je me sens alors comme un programme qui bugue, s\u2019interrogeant sur sa v\u00e9ritable raison d\u2019\u00eatre, sur son utilit\u00e9 r\u00e9elle. J\u2019ai beaucoup de difficult\u00e9 avec la notion d\u2019utile et d\u2019inutile. Parfois, je me trouve plut\u00f4t binaire sur ce sujet, sans doute en raison de mon \u00e9ducation. La nuance est probablement une sorte de but cach\u00e9. Apprendre \u00e0 mieux nuancer l\u2019utile et l\u2019inutile pourrait \u00eatre une des v\u00e9ritables raisons pour lesquelles je m\u2019oblige \u00e0 \u00e9crire chaque jour.<\/p>\n

En tout cas, beaucoup de r\u00eaveries proviennent des livres, de leurs auteurs, de la litt\u00e9rature. C\u2019est sans doute une fa\u00e7on de m\u2019inventer un au-del\u00e0. Apr\u00e8s tout, les biblioth\u00e8ques ressemblent \u00e0 des cimeti\u00e8res, et les ouvrages \u00e0 des tombes, parfois avec la m\u00eame vanit\u00e9 ou humilit\u00e9 que l\u2019on voit au P\u00e8re-Lachaise \u00e0 Paris, un cimeti\u00e8re que j\u2019affectionnais.<\/p>\n

Des phrases sans fin, des phrases se d\u00e9ployant comme des sentiers tordus, des phrases qui ne vont parfois nulle part, que l\u2019on suit pour voir, et qui ne m\u00e8nent qu\u2019\u00e0 la fin d\u2019une phrase, pour rien.<\/p>\n

Le jeu d\u2019\u00e9crire comme le Je \u00e0 l\u2019action d\u2019\u00e9crire m\u2019agace. Je suis une sorte de romantique qui ne veut pas se l\u2019avouer. Je crois toujours, dans un lieu secret de mon esprit, de mon c\u0153ur, que l\u2019\u00e9criture peut \u00eatre une sorte de chemin de croix, une crucifixion, une mort, et donc une renaissance. Mais non, ce n\u2019est pas encore assez : une transmutation. Parvenir au dor\u00e9, pas loin d\u2019ador\u00e9 d\u00e8s lors. C\u2019est ce que j\u2019observe encore ce matin, me plaignant int\u00e9rieurement en relisant les premi\u00e8res lignes des Gestes de W. Flusser. Ce que je vois, c\u2019est un reflet dans le miroir. Un reflet qui ne me convient pas parce qu\u2019on esp\u00e8re une autre image que celle qu\u2019on voit. Un reflet de l\u2019insignifiance ? C\u2019est le premier mot qui me vient et que je garde pour la fin. Mais j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 eu cette m\u00eame difficult\u00e9 avec Calvino, avec Cort\u00e1zar, avec Borges. J\u2019en ai honte. J\u2019ai honte de voir mon reflet dans ces \u0153uvres, ou de reconna\u00eetre ma vanit\u00e9 lorsque j\u2019imagine voir mon propre reflet, ma propre insignifiance dans ma mati\u00e8re jug\u00e9e insignifiante tout pareillement dans leurs \u0153uvres. Comme si je me prenais tout seul en d\u00e9faut vis-\u00e0-vis de ce que je pr\u00eache du matin au soir en peinture, concernant la beaut\u00e9, l\u2019adresse, l\u2019habilet\u00e9, privil\u00e9giant l\u2019audace, la sinc\u00e9rit\u00e9 du geste spontan\u00e9, l\u2019amusement. Le paradoxe m\u2019\u00e9branle.<\/p>\n

Que c\u2019est difficile de parvenir \u00e0 l\u2019\u00e9vidence. Elle est l\u00e0 et l\u2019on sent qu\u2019elle nous \u00e9chappe continuellement. L\u2019objet de l\u2019\u00e9criture est rarement celui que je crois. Et c\u2019est tout \u00e0 fait \u00e0 cet endroit que le discernement m\u2019\u00e9chappe. Je crois parfois \u00e9crire des choses s\u00e9rieuses, mais celles-ci s\u2019\u00e9vanouissent presque aussit\u00f4t. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 not\u00e9 cette \u00e9tranget\u00e9 dans mes vieux carnets autrefois. Ce qui me paraissait le plus « solide », qui ne se d\u00e9pr\u00e9ciait pas avec le temps, c\u2019est lorsque je d\u00e9crivais un lieu, une personne, un objet, en quelques mots \u00e0 peine. Lorsque l\u2019objet n\u2019\u00e9tait pas « moi », lorsque je disposais encore de cette inconscience ou de cette na\u00efvet\u00e9 de le croire ext\u00e9rieur. Tout le reste, la philosophie, la litt\u00e9rature, les jugements sur ceci ou cela me paraissaient toujours si path\u00e9tiques, j\u2019en \u00e9tais honteux. Honteux comme un privil\u00e9gi\u00e9 s\u2019apercevant de l\u2019abus qu\u2019il commet par ce m\u00eame privil\u00e8ge.<\/p>\n

\u00c9crire sans comprendre ce que j\u2019\u00e9cris rejoint peindre sans savoir ce que je peins. C\u2019est la m\u00eame d\u00e9marche. Ensuite, le travail de relecture devrait \u00eatre comme le travail de distance que l\u2019\u0153il op\u00e8re vis-\u00e0-vis de la toile, un regard d\u00e9tach\u00e9 de la notion d\u2019auteur, de peintre, le regard de tous ou de personne d\u00e9couvrant le tableau pour la premi\u00e8re fois, sans ces notions de propri\u00e9t\u00e9, de satisfaction ou de d\u00e9nigrement qui, au bout du processus, ne servent \u00e0 rien.<\/p>\n

Une photographie prise vers le quartier de Crim\u00e9e. Je m\u2019y \u00e9tais rendu parce qu\u2019il y avait non loin de l\u00e0 des ateliers d\u2019artistes. Dans l\u2019un d\u2019eux, j\u2019avais jou\u00e9 au ping-pong avec le fr\u00e8re de F., cette peintre rencontr\u00e9e Quai de la Gare. Son fr\u00e8re s\u2019occupait de musique et de cin\u00e9ma, il y avait aussi D., le joueur d\u2019harmonica avec ses jeans trou\u00e9s, l\u2019un des musiciens d\u2019Higelin. Impression d\u2019avoir visit\u00e9 un autre monde totalement diff\u00e9rent du mien. Des gosses de riches, qui semblaient poss\u00e9der toute la confiance en eux-m\u00eames dont je ne disposais pas \u00e0 l\u2019\u00e9poque. C\u2019est ce que j\u2019avais pens\u00e9 ou pr\u00e9text\u00e9 pour ne plus y remettre jamais les pieds. Au retour, le ciel \u00e9tait blanc, j\u2019avais vu deux enfants traversant ce pont \u00e9trange, j\u2019avais pris cette image, sans savoir pourquoi, je n\u2019avais pas plus de pourquoi \u00e0 ce moment que je n\u2019en ai \u00e0 l\u2019\u00e9crire maintenant.<\/p>", "content_text": "Cela pourrait durer \u00e0 l\u2019infini, \u00e9crire ainsi, chaque jour, parfois plusieurs fois par jour. Comme on s\u2019enfonce dans une for\u00eat, au hasard, en empruntant les sentiers que l\u2019on d\u00e9couvre au fur et \u00e0 mesure de l\u2019avanc\u00e9e. Je me souviens de ce beau titre de Calvino, Le sentier des nids d\u2019araign\u00e9es. Parfois, je le confonds avec un titre de Borges Le Jardin aux sentiers qui bifurquent . La fourche que dessine la crois\u00e9e des chemins me rappelle le trident de Neptune et aussi le tas de fumier o\u00f9, dans ma jeunesse, elle \u00e9tait plant\u00e9e. Mon p\u00e8re ou moi-m\u00eame remuions l\u2019humus en qu\u00eate de lombrics gras que nous accrochions sans piti\u00e9 \u00e0 nos hame\u00e7ons. La pointe d\u2019un hame\u00e7on n\u2019est-elle pas aussi un sentier que l\u2019on suit par faim, par gourmandise, par curiosit\u00e9, qui nous transperce la l\u00e8vre, la gorge, nous pi\u00e9geant jusqu\u2019\u00e0 la d\u00e9chirure ? Je me suis fix\u00e9 la t\u00e2che d\u2019\u00e9crire chaque jour, mais parfois, je ne me souviens plus pour quelle v\u00e9ritable raison je me suis impos\u00e9 cette discipline. Je me sens alors comme un programme qui bugue, s\u2019interrogeant sur sa v\u00e9ritable raison d\u2019\u00eatre, sur son utilit\u00e9 r\u00e9elle. J\u2019ai beaucoup de difficult\u00e9 avec la notion d\u2019utile et d\u2019inutile. Parfois, je me trouve plut\u00f4t binaire sur ce sujet, sans doute en raison de mon \u00e9ducation. La nuance est probablement une sorte de but cach\u00e9. Apprendre \u00e0 mieux nuancer l\u2019utile et l\u2019inutile pourrait \u00eatre une des v\u00e9ritables raisons pour lesquelles je m\u2019oblige \u00e0 \u00e9crire chaque jour. En tout cas, beaucoup de r\u00eaveries proviennent des livres, de leurs auteurs, de la litt\u00e9rature. C\u2019est sans doute une fa\u00e7on de m\u2019inventer un au-del\u00e0. Apr\u00e8s tout, les biblioth\u00e8ques ressemblent \u00e0 des cimeti\u00e8res, et les ouvrages \u00e0 des tombes, parfois avec la m\u00eame vanit\u00e9 ou humilit\u00e9 que l\u2019on voit au P\u00e8re-Lachaise \u00e0 Paris, un cimeti\u00e8re que j\u2019affectionnais. Des phrases sans fin, des phrases se d\u00e9ployant comme des sentiers tordus, des phrases qui ne vont parfois nulle part, que l\u2019on suit pour voir, et qui ne m\u00e8nent qu\u2019\u00e0 la fin d\u2019une phrase, pour rien. Le jeu d\u2019\u00e9crire comme le Je \u00e0 l\u2019action d\u2019\u00e9crire m\u2019agace. Je suis une sorte de romantique qui ne veut pas se l\u2019avouer. Je crois toujours, dans un lieu secret de mon esprit, de mon c\u0153ur, que l\u2019\u00e9criture peut \u00eatre une sorte de chemin de croix, une crucifixion, une mort, et donc une renaissance. Mais non, ce n\u2019est pas encore assez : une transmutation. Parvenir au dor\u00e9, pas loin d\u2019ador\u00e9 d\u00e8s lors. C\u2019est ce que j\u2019observe encore ce matin, me plaignant int\u00e9rieurement en relisant les premi\u00e8res lignes des Gestes de W. Flusser. Ce que je vois, c\u2019est un reflet dans le miroir. Un reflet qui ne me convient pas parce qu\u2019on esp\u00e8re une autre image que celle qu\u2019on voit. Un reflet de l\u2019insignifiance ? C\u2019est le premier mot qui me vient et que je garde pour la fin. Mais j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 eu cette m\u00eame difficult\u00e9 avec Calvino, avec Cort\u00e1zar, avec Borges. J\u2019en ai honte. J\u2019ai honte de voir mon reflet dans ces \u0153uvres, ou de reconna\u00eetre ma vanit\u00e9 lorsque j\u2019imagine voir mon propre reflet, ma propre insignifiance dans ma mati\u00e8re jug\u00e9e insignifiante tout pareillement dans leurs \u0153uvres. Comme si je me prenais tout seul en d\u00e9faut vis-\u00e0-vis de ce que je pr\u00eache du matin au soir en peinture, concernant la beaut\u00e9, l\u2019adresse, l\u2019habilet\u00e9, privil\u00e9giant l\u2019audace, la sinc\u00e9rit\u00e9 du geste spontan\u00e9, l\u2019amusement. Le paradoxe m\u2019\u00e9branle. Que c\u2019est difficile de parvenir \u00e0 l\u2019\u00e9vidence. Elle est l\u00e0 et l\u2019on sent qu\u2019elle nous \u00e9chappe continuellement. L\u2019objet de l\u2019\u00e9criture est rarement celui que je crois. Et c\u2019est tout \u00e0 fait \u00e0 cet endroit que le discernement m\u2019\u00e9chappe. Je crois parfois \u00e9crire des choses s\u00e9rieuses, mais celles-ci s\u2019\u00e9vanouissent presque aussit\u00f4t. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 not\u00e9 cette \u00e9tranget\u00e9 dans mes vieux carnets autrefois. Ce qui me paraissait le plus \u00ab solide \u00bb, qui ne se d\u00e9pr\u00e9ciait pas avec le temps, c\u2019est lorsque je d\u00e9crivais un lieu, une personne, un objet, en quelques mots \u00e0 peine. Lorsque l\u2019objet n\u2019\u00e9tait pas \u00ab moi \u00bb, lorsque je disposais encore de cette inconscience ou de cette na\u00efvet\u00e9 de le croire ext\u00e9rieur. Tout le reste, la philosophie, la litt\u00e9rature, les jugements sur ceci ou cela me paraissaient toujours si path\u00e9tiques, j\u2019en \u00e9tais honteux. Honteux comme un privil\u00e9gi\u00e9 s\u2019apercevant de l\u2019abus qu\u2019il commet par ce m\u00eame privil\u00e8ge. \u00c9crire sans comprendre ce que j\u2019\u00e9cris rejoint peindre sans savoir ce que je peins. C\u2019est la m\u00eame d\u00e9marche. Ensuite, le travail de relecture devrait \u00eatre comme le travail de distance que l\u2019\u0153il op\u00e8re vis-\u00e0-vis de la toile, un regard d\u00e9tach\u00e9 de la notion d\u2019auteur, de peintre, le regard de tous ou de personne d\u00e9couvrant le tableau pour la premi\u00e8re fois, sans ces notions de propri\u00e9t\u00e9, de satisfaction ou de d\u00e9nigrement qui, au bout du processus, ne servent \u00e0 rien. Une photographie prise vers le quartier de Crim\u00e9e. Je m\u2019y \u00e9tais rendu parce qu\u2019il y avait non loin de l\u00e0 des ateliers d\u2019artistes. Dans l\u2019un d\u2019eux, j\u2019avais jou\u00e9 au ping-pong avec le fr\u00e8re de F., cette peintre rencontr\u00e9e Quai de la Gare. Son fr\u00e8re s\u2019occupait de musique et de cin\u00e9ma, il y avait aussi D., le joueur d\u2019harmonica avec ses jeans trou\u00e9s, l\u2019un des musiciens d\u2019Higelin. Impression d\u2019avoir visit\u00e9 un autre monde totalement diff\u00e9rent du mien. Des gosses de riches, qui semblaient poss\u00e9der toute la confiance en eux-m\u00eames dont je ne disposais pas \u00e0 l\u2019\u00e9poque. C\u2019est ce que j\u2019avais pens\u00e9 ou pr\u00e9text\u00e9 pour ne plus y remettre jamais les pieds. Au retour, le ciel \u00e9tait blanc, j\u2019avais vu deux enfants traversant ce pont \u00e9trange, j\u2019avais pris cette image, sans savoir pourquoi, je n\u2019avais pas plus de pourquoi \u00e0 ce moment que je n\u2019en ai \u00e0 l\u2019\u00e9crire maintenant. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-22-0001.jpg?1748065193", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/28-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/28-mai-2024.html", "title": "28 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:18:40Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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Nous voici presque arriv\u00e9s \u00e0 la fin mai. Tel un \u00e9cureuil, j\u2019amasse ces petits textes pour les saisons \u00e0 venir. Nous sommes vendredi 24, mais ce texte sera publi\u00e9 sur le blog le 28. Je n\u2019ai plus beaucoup d\u2019avance, mais mon emploi du temps, ainsi qu\u2019une sorte de r\u00e9signation tranquille, m\u2019emp\u00eachent d\u2019\u00e9crire davantage, bien que les id\u00e9es, les pens\u00e9es et les r\u00eaveries me submergent. Avoir tout son temps pour n\u2019en rien faire : voici le luxe ultime que je n\u2019ai jamais cess\u00e9 de briguer. Ce paragraphe contient beaucoup de « je ».<\/p>\n

Il para\u00eet que parler de soi est tr\u00e8s ennuyeux. Il para\u00eet que de nombreuses choses sont devenues si ennuyeuses. Moi-m\u00eame face \u00e0 moi-m\u00eame n\u2019est pas la moindre. Mais c\u2019est une mati\u00e8re comme une autre. Comme un artiste qui re\u00e7oit un bloc de granit informe et entreprend, jour apr\u00e8s jour, d\u2019y apercevoir de la beaut\u00e9, puis tente de l\u2019extraire. S\u2019aimer soi-m\u00eame n\u2019est pas une mince affaire, mais cela aussi est sujet \u00e0 caution. Je ne parle \u00e9videmment pas de cet amour d\u00e9goulinant de fausset\u00e9 que l\u2019on exhibe partout de nos jours.<\/p>\n

Chercher l\u2019authenticit\u00e9 est sans doute l\u2019un des plus grands d\u00e9fis de toute d\u00e9marche cr\u00e9ative. \u00c9crire sur soi, c\u2019est tenter de saisir des fragments de v\u00e9rit\u00e9 dans un monde satur\u00e9 de faux-semblants. Tout comme un sculpteur extrait une forme d\u2019un bloc de pierre brute, l\u2019\u00e9crivain doit d\u00e9gager l\u2019essence de ses pens\u00e9es, souvent enfouies sous des couches de conventions et de pr\u00e9jug\u00e9s. Cette entreprise est parsem\u00e9e de doutes et d\u2019h\u00e9sitations. Chaque mot pos\u00e9 sur le papier semble parfois insuffisant, chaque phrase imparfaite. Mais c\u2019est dans cette qu\u00eate imparfaite que r\u00e9side la v\u00e9ritable beaut\u00e9 de l\u2019art. Accepter l\u2019imperfection, embrasser la vuln\u00e9rabilit\u00e9, c\u2019est l\u00e0 que l\u2019\u00e9criture trouve son pouvoir unique de r\u00e9v\u00e9lation et de transformation. Et peut-\u00eatre, en chemin, parvient-on \u00e0 d\u00e9couvrir un peu plus de cette note juste, celle qui r\u00e9sonne avec sinc\u00e9rit\u00e9 et profondeur.<\/p>\n

Parfois, j\u2019aimerais disposer d\u2019une autre na\u00efvet\u00e9, une qui me permettrait de m\u2019exprimer sur des sujets ext\u00e9rieurs comme il est de mode, ou de convention. Ignorer totalement , en \u00e9voquant la laideur ou la beaut\u00e9 d\u2019un paysage, d\u2019une rue, d\u2019un visage, d\u2019une main, que tout cela n\u2019a rien \u00e0 voir avec qui je suis. Mais c\u2019est d\u00e9sormais impossible. Comme beaucoup qui me connaissent le pensent, je ram\u00e8ne tout \u00e0 moi-m\u00eame. Ce qu\u2019ils ignorent, c\u2019est que ce moi-m\u00eame est une b\u00e9ance, un trou noir, un fleuve d\u2019encre et de peinture, pas grand-chose d\u2019autre.<\/p>", "content_text": "Nous voici presque arriv\u00e9s \u00e0 la fin mai. Tel un \u00e9cureuil, j\u2019amasse ces petits textes pour les saisons \u00e0 venir. Nous sommes vendredi 24, mais ce texte sera publi\u00e9 sur le blog le 28. Je n\u2019ai plus beaucoup d\u2019avance, mais mon emploi du temps, ainsi qu\u2019une sorte de r\u00e9signation tranquille, m\u2019emp\u00eachent d\u2019\u00e9crire davantage, bien que les id\u00e9es, les pens\u00e9es et les r\u00eaveries me submergent. Avoir tout son temps pour n\u2019en rien faire : voici le luxe ultime que je n\u2019ai jamais cess\u00e9 de briguer. Ce paragraphe contient beaucoup de \u00ab je \u00bb. Il para\u00eet que parler de soi est tr\u00e8s ennuyeux. Il para\u00eet que de nombreuses choses sont devenues si ennuyeuses. Moi-m\u00eame face \u00e0 moi-m\u00eame n\u2019est pas la moindre. Mais c\u2019est une mati\u00e8re comme une autre. Comme un artiste qui re\u00e7oit un bloc de granit informe et entreprend, jour apr\u00e8s jour, d\u2019y apercevoir de la beaut\u00e9, puis tente de l\u2019extraire. S\u2019aimer soi-m\u00eame n\u2019est pas une mince affaire, mais cela aussi est sujet \u00e0 caution. Je ne parle \u00e9videmment pas de cet amour d\u00e9goulinant de fausset\u00e9 que l\u2019on exhibe partout de nos jours. Chercher l\u2019authenticit\u00e9 est sans doute l\u2019un des plus grands d\u00e9fis de toute d\u00e9marche cr\u00e9ative. \u00c9crire sur soi, c\u2019est tenter de saisir des fragments de v\u00e9rit\u00e9 dans un monde satur\u00e9 de faux-semblants. Tout comme un sculpteur extrait une forme d\u2019un bloc de pierre brute, l\u2019\u00e9crivain doit d\u00e9gager l\u2019essence de ses pens\u00e9es, souvent enfouies sous des couches de conventions et de pr\u00e9jug\u00e9s. Cette entreprise est parsem\u00e9e de doutes et d\u2019h\u00e9sitations. Chaque mot pos\u00e9 sur le papier semble parfois insuffisant, chaque phrase imparfaite. Mais c\u2019est dans cette qu\u00eate imparfaite que r\u00e9side la v\u00e9ritable beaut\u00e9 de l\u2019art. Accepter l\u2019imperfection, embrasser la vuln\u00e9rabilit\u00e9, c\u2019est l\u00e0 que l\u2019\u00e9criture trouve son pouvoir unique de r\u00e9v\u00e9lation et de transformation. Et peut-\u00eatre, en chemin, parvient-on \u00e0 d\u00e9couvrir un peu plus de cette note juste, celle qui r\u00e9sonne avec sinc\u00e9rit\u00e9 et profondeur. Parfois, j\u2019aimerais disposer d\u2019une autre na\u00efvet\u00e9, une qui me permettrait de m\u2019exprimer sur des sujets ext\u00e9rieurs comme il est de mode, ou de convention. Ignorer totalement , en \u00e9voquant la laideur ou la beaut\u00e9 d\u2019un paysage, d\u2019une rue, d\u2019un visage, d\u2019une main, que tout cela n\u2019a rien \u00e0 voir avec qui je suis. Mais c\u2019est d\u00e9sormais impossible. Comme beaucoup qui me connaissent le pensent, je ram\u00e8ne tout \u00e0 moi-m\u00eame. Ce qu\u2019ils ignorent, c\u2019est que ce moi-m\u00eame est une b\u00e9ance, un trou noir, un fleuve d\u2019encre et de peinture, pas grand-chose d\u2019autre. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-22-0004_1.jpg?1748065055", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-mai-2024.html", "title": "27 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:17:04Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le paradoxe de l\u2019\u00e9criture r\u00e9side dans cette distance qu\u2019elle impose. \u00c9crire les textes \u00e0 l\u2019avance supprime l\u2019urgence. Nous sommes jeudi 23, et ce texte sera publi\u00e9 lundi 27 mai, cr\u00e9ant ainsi un d\u00e9calage avec le temps collectif, ce temps commun qui presse, oblige et exige sans rel\u00e2che. \u00c9crire plusieurs textes d\u2019avance procure-t-il un sentiment de protection et de s\u00e9curit\u00e9 ? Cela aide-t-il \u00e0 franchir une fronti\u00e8re temporelle, \u00e0 maintenir l\u2019espoir d\u2019une \u00e9vasion ?<\/p>\n

Tout ce que j\u2019apprends, je l\u2019apprends en grande partie de l\u2019\u00e9criture, comme j\u2019ai appris de la peinture. \u00c0 vrai dire, je ne peux pr\u00e9tendre que ce soit beaucoup, mais l\u2019int\u00e9r\u00eat ne r\u00e9side pas dans la quantit\u00e9. Seule compte la note juste. Si je meurs et que l\u2019on me demande de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 \u00e0 quoi j\u2019aurais pass\u00e9 mon temps, ce que j\u2019ai fait de mes talents, je suis en mesure de dire que ce n\u2019est que \u00e7a : am\u00e9liorer mon oreille, m\u2019efforcer vers l\u2019accord qui sonne juste. Et ce n\u2019est pas une mince affaire. Cet accord est une v\u00e9ritable anguille.<\/p>\n

Je regarde leurs gestes, leurs visages, j\u2019\u00e9coute leurs r\u00e9flexions. Les conversations tournent autour de la f\u00eate de fin de mois et des inscriptions pour l\u2019ann\u00e9e prochaine. L\u2019une me dit qu\u2019elle ne reviendra pas l\u2019ann\u00e9e prochaine, trop de travail pour obtenir son dipl\u00f4me de coiffure. Une autre h\u00e9site, tandis qu\u2019une troisi\u00e8me affirme qu\u2019elle reviendra sans aucun doute. Certaines personnes me suivent de ville en ville pour assister \u00e0 mon cours. Je les observe, je les \u00e9coute, et je pense que l\u2019ann\u00e9e prochaine, je ne serai plus l\u00e0. Je ne leur ai pas encore annonc\u00e9. Quand vais-je le faire ? Peut-\u00eatre ne dirai-je rien du tout. J\u2019enverrai ma lettre de d\u00e9mission et demanderai \u00e0 la direction de rester discr\u00e8te, si possible. Ils trouveront bien un autre professeur. Ils auront trois mois pour cela.<\/p>\n

J\u2019ai lu quelques articles, dont un concernant la d\u00e9couverte de salles souterraines en \u00c9gypte, sous les pyramides. Bien que les fouilles n\u2019aient pas encore commenc\u00e9, un syst\u00e8me de radar non intrusif a d\u00e9tect\u00e9 deux salles sous le sable : l\u2019une, en forme de L, assez peu profonde, et l\u2019autre \u00e0 environ 11 m\u00e8tres plus bas. Les deux seraient reli\u00e9es. Ce qui, bien s\u00fbr, n\u2019est pas une nouveaut\u00e9, puisque Pline l\u2019Ancien et Jamblique \u00e9voquent d\u00e9j\u00e0 ces souterrains dans leurs r\u00e9cits, lesquels semblaient poss\u00e9der une fonction initiatique \u00e0 leur \u00e9poque.<\/p>\n

Cette d\u00e9couverte me fait penser \u00e0 La Fl\u00fbte enchant\u00e9e, le dernier op\u00e9ra de Mozart d\u2019o\u00f9 s\u2019\u00e9l\u00e8ve l\u2019air fameux de la Reine de la nuit. Et \u00e0 la franc-ma\u00e7onnerie qui, depuis belle lurette, entretient de jolis secrets sur l\u2019Histoire qu\u2019elle ne partage qu\u2019entre initi\u00e9s. D\u2019ailleurs, c\u2019est amusant de consid\u00e9rer cet op\u00e9ra divertissant \u00e0 ce point qu\u2019on puisse le faire \u00e9couter aux enfants. \u00c0 l\u2019\u00e9cole primaire de V., je me souviens tr\u00e8s bien de la toute premi\u00e8re fois o\u00f9 j\u2019entendis parler de Tamino perdant connaissance apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 attaqu\u00e9 par un serpent. Et de la Reine de la Nuit. Encore que, dans mon souvenir, cet air se confonde \u00e9trangement avec celui de Pierre et le Loup de Prokofiev. Sans doute parce qu\u2019il s\u2019agit d\u2019une seule et m\u00eame chose dans le fond. Le hautbois et la fl\u00fbte de pan ont toujours eu un vif int\u00e9r\u00eat pour l\u2019\u00e9colier que je fus autrefois. Peut-\u00eatre que c\u2019est dans ces vieux plaisirs enfantins que tout est dit d\u00e9j\u00e0. Voil\u00e0 en tout cas une belle digression, une envol\u00e9e qui pourrait me faire traverser bien des fronti\u00e8res si je la poursuis.<\/p>\n

Ce que l\u2019on poursuit, qu\u2019on ne poursuit plus, que l\u2019on se retient de poursuivre. Car il est bien plus int\u00e9ressant de s\u2019arr\u00eater au bord d\u2019un d\u00e9sir pour le garder vivace que de l\u2019achever en le satisfaisant, trop souvent dans une urgence. Il y a sans doute un lien avec le fait d\u2019\u00e9crire quelques textes d\u2019avance tranquillement chaque jour, puis d\u2019assister \u00e0 leur publication programm\u00e9e comme si l\u2019on \u00e9tait un autre, un simple lecteur qui les red\u00e9couvre comme \u00e9crits par un autre. La contrainte est de ne rien modifier quant aux id\u00e9es, pens\u00e9es, m\u00e9chancet\u00e9 ou gentillesse qui surgissent selon l\u2019humeur. \u00c9videmment, cette honn\u00eatet\u00e9 finira par \u00eatre suspecte. Comme \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce que je vois en moi, ou au dehors (comment peut-il y avoir un v\u00e9ritable dehors ?).<\/p>\n

La r\u00e9alit\u00e9 n\u2019est rien d\u2019autre que notre attention \u00e0 celle-ci. On dit parfois qu\u2019elle nous rattrape, mais qu\u2019est-ce qui nous rattrape ? Notre aveuglement, notre ignorance, notre manque d\u2019attention\u2026 notre mauvaise fa\u00e7on de chanter, de chanter faux, la m\u00e9chancet\u00e9.<\/p>\n

Hier, cette \u00e9l\u00e8ve est venue avec sa chienne teckel naine en cours. La chatte les a examin\u00e9es un instant puis s\u2019est d\u00e9tourn\u00e9e pour monter \u00e0 l\u2019\u00e9tage au-dessus de l\u2019atelier. La pluie drue dans l\u2019apr\u00e8s-midi rendait l\u2019atmosph\u00e8re froide. J\u2019avais h\u00e2te que tout le monde s\u2019en aille, pour faire quoi ? Rien, fermer les yeux, respirer, me laisser emporter par le hou hou des tourterelles.<\/p>", "content_text": "Le paradoxe de l\u2019\u00e9criture r\u00e9side dans cette distance qu\u2019elle impose. \u00c9crire les textes \u00e0 l\u2019avance supprime l\u2019urgence. Nous sommes jeudi 23, et ce texte sera publi\u00e9 lundi 27 mai, cr\u00e9ant ainsi un d\u00e9calage avec le temps collectif, ce temps commun qui presse, oblige et exige sans rel\u00e2che. \u00c9crire plusieurs textes d\u2019avance procure-t-il un sentiment de protection et de s\u00e9curit\u00e9 ? Cela aide-t-il \u00e0 franchir une fronti\u00e8re temporelle, \u00e0 maintenir l\u2019espoir d\u2019une \u00e9vasion ? Tout ce que j\u2019apprends, je l\u2019apprends en grande partie de l\u2019\u00e9criture, comme j\u2019ai appris de la peinture. \u00c0 vrai dire, je ne peux pr\u00e9tendre que ce soit beaucoup, mais l\u2019int\u00e9r\u00eat ne r\u00e9side pas dans la quantit\u00e9. Seule compte la note juste. Si je meurs et que l\u2019on me demande de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 \u00e0 quoi j\u2019aurais pass\u00e9 mon temps, ce que j\u2019ai fait de mes talents, je suis en mesure de dire que ce n\u2019est que \u00e7a : am\u00e9liorer mon oreille, m\u2019efforcer vers l\u2019accord qui sonne juste. Et ce n\u2019est pas une mince affaire. Cet accord est une v\u00e9ritable anguille. Je regarde leurs gestes, leurs visages, j\u2019\u00e9coute leurs r\u00e9flexions. Les conversations tournent autour de la f\u00eate de fin de mois et des inscriptions pour l\u2019ann\u00e9e prochaine. L\u2019une me dit qu\u2019elle ne reviendra pas l\u2019ann\u00e9e prochaine, trop de travail pour obtenir son dipl\u00f4me de coiffure. Une autre h\u00e9site, tandis qu\u2019une troisi\u00e8me affirme qu\u2019elle reviendra sans aucun doute. Certaines personnes me suivent de ville en ville pour assister \u00e0 mon cours. Je les observe, je les \u00e9coute, et je pense que l\u2019ann\u00e9e prochaine, je ne serai plus l\u00e0. Je ne leur ai pas encore annonc\u00e9. Quand vais-je le faire ? Peut-\u00eatre ne dirai-je rien du tout. J\u2019enverrai ma lettre de d\u00e9mission et demanderai \u00e0 la direction de rester discr\u00e8te, si possible. Ils trouveront bien un autre professeur. Ils auront trois mois pour cela. J\u2019ai lu quelques articles, dont un concernant la d\u00e9couverte de salles souterraines en \u00c9gypte, sous les pyramides. Bien que les fouilles n\u2019aient pas encore commenc\u00e9, un syst\u00e8me de radar non intrusif a d\u00e9tect\u00e9 deux salles sous le sable : l\u2019une, en forme de L, assez peu profonde, et l\u2019autre \u00e0 environ 11 m\u00e8tres plus bas. Les deux seraient reli\u00e9es. Ce qui, bien s\u00fbr, n\u2019est pas une nouveaut\u00e9, puisque Pline l\u2019Ancien et Jamblique \u00e9voquent d\u00e9j\u00e0 ces souterrains dans leurs r\u00e9cits, lesquels semblaient poss\u00e9der une fonction initiatique \u00e0 leur \u00e9poque. Cette d\u00e9couverte me fait penser \u00e0 La Fl\u00fbte enchant\u00e9e, le dernier op\u00e9ra de Mozart d\u2019o\u00f9 s\u2019\u00e9l\u00e8ve l\u2019air fameux de la Reine de la nuit. Et \u00e0 la franc-ma\u00e7onnerie qui, depuis belle lurette, entretient de jolis secrets sur l\u2019Histoire qu\u2019elle ne partage qu\u2019entre initi\u00e9s. D\u2019ailleurs, c\u2019est amusant de consid\u00e9rer cet op\u00e9ra divertissant \u00e0 ce point qu\u2019on puisse le faire \u00e9couter aux enfants. \u00c0 l\u2019\u00e9cole primaire de V., je me souviens tr\u00e8s bien de la toute premi\u00e8re fois o\u00f9 j\u2019entendis parler de Tamino perdant connaissance apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 attaqu\u00e9 par un serpent. Et de la Reine de la Nuit. Encore que, dans mon souvenir, cet air se confonde \u00e9trangement avec celui de Pierre et le Loup de Prokofiev. Sans doute parce qu\u2019il s\u2019agit d\u2019une seule et m\u00eame chose dans le fond. Le hautbois et la fl\u00fbte de pan ont toujours eu un vif int\u00e9r\u00eat pour l\u2019\u00e9colier que je fus autrefois. Peut-\u00eatre que c\u2019est dans ces vieux plaisirs enfantins que tout est dit d\u00e9j\u00e0. Voil\u00e0 en tout cas une belle digression, une envol\u00e9e qui pourrait me faire traverser bien des fronti\u00e8res si je la poursuis. Ce que l\u2019on poursuit, qu\u2019on ne poursuit plus, que l\u2019on se retient de poursuivre. Car il est bien plus int\u00e9ressant de s\u2019arr\u00eater au bord d\u2019un d\u00e9sir pour le garder vivace que de l\u2019achever en le satisfaisant, trop souvent dans une urgence. Il y a sans doute un lien avec le fait d\u2019\u00e9crire quelques textes d\u2019avance tranquillement chaque jour, puis d\u2019assister \u00e0 leur publication programm\u00e9e comme si l\u2019on \u00e9tait un autre, un simple lecteur qui les red\u00e9couvre comme \u00e9crits par un autre. La contrainte est de ne rien modifier quant aux id\u00e9es, pens\u00e9es, m\u00e9chancet\u00e9 ou gentillesse qui surgissent selon l\u2019humeur. \u00c9videmment, cette honn\u00eatet\u00e9 finira par \u00eatre suspecte. Comme \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce que je vois en moi, ou au dehors (comment peut-il y avoir un v\u00e9ritable dehors ?). La r\u00e9alit\u00e9 n\u2019est rien d\u2019autre que notre attention \u00e0 celle-ci. On dit parfois qu\u2019elle nous rattrape, mais qu\u2019est-ce qui nous rattrape ? Notre aveuglement, notre ignorance, notre manque d\u2019attention\u2026 notre mauvaise fa\u00e7on de chanter, de chanter faux, la m\u00e9chancet\u00e9. Hier, cette \u00e9l\u00e8ve est venue avec sa chienne teckel naine en cours. La chatte les a examin\u00e9es un instant puis s\u2019est d\u00e9tourn\u00e9e pour monter \u00e0 l\u2019\u00e9tage au-dessus de l\u2019atelier. La pluie drue dans l\u2019apr\u00e8s-midi rendait l\u2019atmosph\u00e8re froide. J\u2019avais h\u00e2te que tout le monde s\u2019en aille, pour faire quoi ? Rien, fermer les yeux, respirer, me laisser emporter par le hou hou des tourterelles. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le secret. L\u2019id\u00e9e d\u2019un secret non r\u00e9v\u00e9l\u00e9, associ\u00e9 \u00e0 un savoir, ressemble beaucoup \u00e0 une emprise. Ou tout du moins \u00e0 la volont\u00e9 larv\u00e9e d\u2019une emprise, d\u2019autant plus pernicieuse que cette volont\u00e9 est souvent inconsciente. Jadis, j\u2019accusais silencieusement mes professeurs de d\u00e9tenir un secret qu\u2019ils ne voulaient pas livrer. Aujourd\u2019hui, par un retournement ironique, mes propres \u00e9l\u00e8ves semblent penser la m\u00eame chose de moi.<\/p>\n

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce ph\u00e9nom\u00e8ne. Premi\u00e8rement, il y a le myst\u00e8re inh\u00e9rent \u00e0 l\u2019enseignement : la ma\u00eetrise du sujet par les professeurs cr\u00e9e une aura de myst\u00e8re. Ensuite, il y a la transmission incompl\u00e8te du savoir ; il est impossible de tout transmettre, et cela peut \u00eatre per\u00e7u comme une r\u00e9tention volontaire. De plus, chaque professeur interpr\u00e8te le savoir \u00e0 travers son exp\u00e9rience personnelle, ce qui peut donner l\u2019impression d\u2019un savoir partiel ou d\u2019un secret. Il y a aussi la qu\u00eate de l\u2019autonomie : les professeurs incitent souvent leurs \u00e9l\u00e8ves \u00e0 d\u00e9couvrir par eux-m\u00eames, cr\u00e9ant un sentiment d\u2019inaccessibilit\u00e9. Enfin, la complexit\u00e9 du savoir cr\u00e9e parfois une barri\u00e8re cognitive, et les \u00e9l\u00e8ves, se sentant d\u00e9pass\u00e9s, peuvent croire que les professeurs retiennent volontairement des informations.<\/p>\n

Depuis que j\u2019enseigne la peinture, je vois bien que je me d\u00e9bats avec le fantasme d\u2019une clart\u00e9 p\u00e9dagogique. Celle que je souhaiterais atteindre et que chaque \u00e9l\u00e8ve semble consid\u00e9rer comme un d\u00fb. Si j\u2019\u00e9tais salari\u00e9, et il m\u2019arrive de l\u2019\u00eatre, est-ce que la difficult\u00e9 serait plus aigu\u00eb ou moindre ? Je ne le pense pas. C\u2019est d\u2019un domaine qui peut sembler appartenir \u00e0 une exigence personnelle, \u00e0 moins qu\u2019il ne soit le lieu m\u00eame d\u2019un orgueil, d\u2019une vanit\u00e9, que de savoir \u00e9noncer le plus simplement possible ce que l\u2019on veut transmettre. Encore que l\u2019\u00e9cueil de l\u2019adverbe me saute aussit\u00f4t aux yeux sit\u00f4t que je le vois \u00e9crit noir sur blanc.<\/p>\n

En cherchant une suite \u00e0 cette r\u00e9flexion, je me prom\u00e8ne dans mes albums num\u00e9riques. Je tombe soudain sur la photographie 17_IMG_3892.jpg. Je ne peux plus la quitter du regard. Ce tableau a \u00e9t\u00e9 vendu deux fois ; il a fallu que je le repeigne pour une amie peintre qui avait eu un coup de c\u0153ur en voyant sa photographie sur les r\u00e9seaux sociaux. Cela m\u2019a permis de faire l\u2019exercice que je ne pratique jamais : reproduire l\u2019un de mes tableaux. Je me souviens encore des difficult\u00e9s \u00e0 revenir sur les traits du personnage central, une sorte de jeune moine bouddhiste aux prises dans une m\u00e9ditation avec ce que j\u2019avais nomm\u00e9 Samsara, mot qui signifie en sanskrit « ensemble de ce qui circule » ou plus simplement transition, voire transmigration. Il s\u2019agit d\u2019une petite toile de format 40 x 40 cm r\u00e9alis\u00e9e en noir et blanc \u00e0 l\u2019acrylique. Le visage a les yeux mi-clos, le fond est noir avec \u00e7\u00e0 et l\u00e0 des sortes de volutes de brume.<\/p>\n

Je me souviens de l\u2019\u00e9poque o\u00f9 j\u2019avais peint ce tableau, en 2021 alors que nous subissions encore les cons\u00e9quences du Covid. Je n\u2019avais presque plus d\u2019\u00e9l\u00e8ves, j\u2019\u00e9crivais beaucoup sur mon autre blog, parfois quatre ou cinq textes que je m\u2019empressais de publier dans une m\u00eame journ\u00e9e. L\u2019\u00e9criture me permettait de compenser l\u2019inactivit\u00e9 dans laquelle je sombrais jour apr\u00e8s jour, incapable de peindre pour moi-m\u00eame, incapable de tenir un th\u00e8me quelconque, je me r\u00e9fugiais dans ces textes souvent sans queue ni t\u00eate. C\u2019est \u00e0 cette p\u00e9riode que je suivais sur les r\u00e9seaux sociaux David Ferriol, qui donnait sur sa cha\u00eene YouTube un certain nombre de conseils aux artistes pour am\u00e9liorer leur visibilit\u00e9. Mais trop \u00e2g\u00e9 d\u00e9j\u00e0 \u00e0 l\u2019\u00e9poque, lorsque je me suis inscrit sur sa plateforme, j\u2019eus l\u2019impression presque aussit\u00f4t d\u2019\u00eatre d\u00e9cal\u00e9, de ne pas utiliser les m\u00eames codes que les nombreux jeunes artistes qui se tenaient l\u00e0. J\u2019\u00e9coutais ses \u00e9missions de podcast dans l\u2019atelier, devant ma toile vide, tandis que mes peintures sicativaient sur la palette. Au bout d\u2019un an, j\u2019ai fait mes comptes, pes\u00e9 le pour et le contre, analys\u00e9 mes motivations v\u00e9ritables, et je me suis exclu de la plateforme en lui envoyant un petit message de remerciement et d\u2019excuse.<\/p>\n

Ce visage est sans doute une sorte d\u2019autoportrait, comme les nombreux visages que je peins, y compris les visages f\u00e9minins. Malgr\u00e9 la rudesse de la p\u00e9riode travers\u00e9e, o\u00f9 tout est en mouvement (d\u2019ailleurs \u00e7a me revient, sa plateforme payante se nommait « le mouvement ») en transition, une certaine s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 semble s\u2019\u00eatre install\u00e9e sur le visage du jeune moine. \u00c0 l\u2019\u00e9poque aussi, je n\u2019avais pas pris soin de v\u00e9rifier la d\u00e9finition du terme Samsara, vivant sur des r\u00e9serves m\u00e9morielles discutables, j\u2019avais confondu mouvement et enfer. Il y a de la qui\u00e9tude comme une douce fermet\u00e9 dans ce visage, qui se rapproche sans doute de la mienne, n\u00e9cessaire \u00e0 ma survie malgr\u00e9 les vicissitudes de l\u2019\u00e9poque travers\u00e9e.<\/p>\n

Ces derniers jours, je me pose \u00e0 peu pr\u00e8s les m\u00eames questions concernant l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture auquel je me suis inscrit en juin 2022. J\u2019\u00e9coute volontiers les propos sur l\u2019\u00e9criture de F.B., avec une pr\u00e9f\u00e9rence peut-\u00eatre d\u00e9sormais pour sa cha\u00eene priv\u00e9e « les carnets ». Mais en ce qui concerne les ateliers, je me sens tout aussi d\u00e9cal\u00e9 qu\u2019avec D.F. Souvent l\u2019impression d\u2019appartenir \u00e0 un autre monde, un monde disparu, et ce m\u00eame si F. d\u00e9ploie des ressources innombrables pour que je persiste \u00e0 ne pas vouloir m\u2019en rendre compte dans ses contenus.<\/p>\n

On en revient toujours \u00e0 une notion de savoir occulte. C\u2019est autour de cela que mes pens\u00e9es tournent le plus actuellement. Un savoir un peu trop proche du pouvoir \u00e0 mon avis. Alors de plus en plus, je me souviens que je ne sais rien, que je ne veux rien savoir, surtout de cette fa\u00e7on d\u2019int\u00e9grer un savoir. Ce savoir-l\u00e0 ne m\u2019int\u00e9resse pas, il me semble bien trop dangereux vis-\u00e0-vis de ma sensibilit\u00e9. Cette sensibilit\u00e9 qui fait de moi une proie si facile. \u00c0 moins que cela ne fasse partie du jeu de me le faire croire.<\/p>\n

\u00c0 mesure que je contemple cette \u0153uvre, une \u00e9trange sensation m\u2019envahit. Le visage du jeune moine semble m\u2019observer, ses yeux mi-clos paraissant soudain s\u2019ouvrir l\u00e9g\u00e8rement. Est-ce mon imagination, ou le tableau prend-il vie devant moi ? Les volutes de brume semblent se d\u00e9placer, formant des motifs toujours changeants. Je cligne des yeux, certain d\u2019avoir hallucin\u00e9. Mais lorsque je regarde de nouveau, les changements sont encore l\u00e0, imperceptibles mais bien r\u00e9els. Une pens\u00e9e me traverse l\u2019esprit : et si l\u2019art poss\u00e8de r\u00e9ellement le pouvoir de r\u00e9v\u00e9ler des myst\u00e8res enfouis au-del\u00e0 du visible ? Cette id\u00e9e m\u2019\u00e9treint, m\u00ealant fascination et effroi, alors que je me demande si ce que je vois est r\u00e9el ou simplement le fruit de mon esprit fatigu\u00e9.<\/p>", "content_text": "Le secret. L\u2019id\u00e9e d\u2019un secret non r\u00e9v\u00e9l\u00e9, associ\u00e9 \u00e0 un savoir, ressemble beaucoup \u00e0 une emprise. Ou tout du moins \u00e0 la volont\u00e9 larv\u00e9e d\u2019une emprise, d\u2019autant plus pernicieuse que cette volont\u00e9 est souvent inconsciente. Jadis, j\u2019accusais silencieusement mes professeurs de d\u00e9tenir un secret qu\u2019ils ne voulaient pas livrer. Aujourd\u2019hui, par un retournement ironique, mes propres \u00e9l\u00e8ves semblent penser la m\u00eame chose de moi. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce ph\u00e9nom\u00e8ne. Premi\u00e8rement, il y a le myst\u00e8re inh\u00e9rent \u00e0 l\u2019enseignement : la ma\u00eetrise du sujet par les professeurs cr\u00e9e une aura de myst\u00e8re. Ensuite, il y a la transmission incompl\u00e8te du savoir ; il est impossible de tout transmettre, et cela peut \u00eatre per\u00e7u comme une r\u00e9tention volontaire. De plus, chaque professeur interpr\u00e8te le savoir \u00e0 travers son exp\u00e9rience personnelle, ce qui peut donner l\u2019impression d\u2019un savoir partiel ou d\u2019un secret. Il y a aussi la qu\u00eate de l\u2019autonomie : les professeurs incitent souvent leurs \u00e9l\u00e8ves \u00e0 d\u00e9couvrir par eux-m\u00eames, cr\u00e9ant un sentiment d\u2019inaccessibilit\u00e9. Enfin, la complexit\u00e9 du savoir cr\u00e9e parfois une barri\u00e8re cognitive, et les \u00e9l\u00e8ves, se sentant d\u00e9pass\u00e9s, peuvent croire que les professeurs retiennent volontairement des informations. Depuis que j\u2019enseigne la peinture, je vois bien que je me d\u00e9bats avec le fantasme d\u2019une clart\u00e9 p\u00e9dagogique. Celle que je souhaiterais atteindre et que chaque \u00e9l\u00e8ve semble consid\u00e9rer comme un d\u00fb. Si j\u2019\u00e9tais salari\u00e9, et il m\u2019arrive de l\u2019\u00eatre, est-ce que la difficult\u00e9 serait plus aigu\u00eb ou moindre ? Je ne le pense pas. C\u2019est d\u2019un domaine qui peut sembler appartenir \u00e0 une exigence personnelle, \u00e0 moins qu\u2019il ne soit le lieu m\u00eame d\u2019un orgueil, d\u2019une vanit\u00e9, que de savoir \u00e9noncer le plus simplement possible ce que l\u2019on veut transmettre. Encore que l\u2019\u00e9cueil de l\u2019adverbe me saute aussit\u00f4t aux yeux sit\u00f4t que je le vois \u00e9crit noir sur blanc. En cherchant une suite \u00e0 cette r\u00e9flexion, je me prom\u00e8ne dans mes albums num\u00e9riques. Je tombe soudain sur la photographie 17_IMG_3892.jpg. Je ne peux plus la quitter du regard. Ce tableau a \u00e9t\u00e9 vendu deux fois ; il a fallu que je le repeigne pour une amie peintre qui avait eu un coup de c\u0153ur en voyant sa photographie sur les r\u00e9seaux sociaux. Cela m\u2019a permis de faire l\u2019exercice que je ne pratique jamais : reproduire l\u2019un de mes tableaux. Je me souviens encore des difficult\u00e9s \u00e0 revenir sur les traits du personnage central, une sorte de jeune moine bouddhiste aux prises dans une m\u00e9ditation avec ce que j\u2019avais nomm\u00e9 Samsara, mot qui signifie en sanskrit \u00ab ensemble de ce qui circule \u00bb ou plus simplement transition, voire transmigration. Il s\u2019agit d\u2019une petite toile de format 40 x 40 cm r\u00e9alis\u00e9e en noir et blanc \u00e0 l\u2019acrylique. Le visage a les yeux mi-clos, le fond est noir avec \u00e7\u00e0 et l\u00e0 des sortes de volutes de brume. Je me souviens de l\u2019\u00e9poque o\u00f9 j\u2019avais peint ce tableau, en 2021 alors que nous subissions encore les cons\u00e9quences du Covid. Je n\u2019avais presque plus d\u2019\u00e9l\u00e8ves, j\u2019\u00e9crivais beaucoup sur mon autre blog, parfois quatre ou cinq textes que je m\u2019empressais de publier dans une m\u00eame journ\u00e9e. L\u2019\u00e9criture me permettait de compenser l\u2019inactivit\u00e9 dans laquelle je sombrais jour apr\u00e8s jour, incapable de peindre pour moi-m\u00eame, incapable de tenir un th\u00e8me quelconque, je me r\u00e9fugiais dans ces textes souvent sans queue ni t\u00eate. C\u2019est \u00e0 cette p\u00e9riode que je suivais sur les r\u00e9seaux sociaux David Ferriol, qui donnait sur sa cha\u00eene YouTube un certain nombre de conseils aux artistes pour am\u00e9liorer leur visibilit\u00e9. Mais trop \u00e2g\u00e9 d\u00e9j\u00e0 \u00e0 l\u2019\u00e9poque, lorsque je me suis inscrit sur sa plateforme, j\u2019eus l\u2019impression presque aussit\u00f4t d\u2019\u00eatre d\u00e9cal\u00e9, de ne pas utiliser les m\u00eames codes que les nombreux jeunes artistes qui se tenaient l\u00e0. J\u2019\u00e9coutais ses \u00e9missions de podcast dans l\u2019atelier, devant ma toile vide, tandis que mes peintures sicativaient sur la palette. Au bout d\u2019un an, j\u2019ai fait mes comptes, pes\u00e9 le pour et le contre, analys\u00e9 mes motivations v\u00e9ritables, et je me suis exclu de la plateforme en lui envoyant un petit message de remerciement et d\u2019excuse. Ce visage est sans doute une sorte d\u2019autoportrait, comme les nombreux visages que je peins, y compris les visages f\u00e9minins. Malgr\u00e9 la rudesse de la p\u00e9riode travers\u00e9e, o\u00f9 tout est en mouvement (d\u2019ailleurs \u00e7a me revient, sa plateforme payante se nommait \u00ab le mouvement \u00bb) en transition, une certaine s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 semble s\u2019\u00eatre install\u00e9e sur le visage du jeune moine. \u00c0 l\u2019\u00e9poque aussi, je n\u2019avais pas pris soin de v\u00e9rifier la d\u00e9finition du terme Samsara, vivant sur des r\u00e9serves m\u00e9morielles discutables, j\u2019avais confondu mouvement et enfer. Il y a de la qui\u00e9tude comme une douce fermet\u00e9 dans ce visage, qui se rapproche sans doute de la mienne, n\u00e9cessaire \u00e0 ma survie malgr\u00e9 les vicissitudes de l\u2019\u00e9poque travers\u00e9e. Ces derniers jours, je me pose \u00e0 peu pr\u00e8s les m\u00eames questions concernant l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture auquel je me suis inscrit en juin 2022. J\u2019\u00e9coute volontiers les propos sur l\u2019\u00e9criture de F.B., avec une pr\u00e9f\u00e9rence peut-\u00eatre d\u00e9sormais pour sa cha\u00eene priv\u00e9e \u00ab les carnets \u00bb. Mais en ce qui concerne les ateliers, je me sens tout aussi d\u00e9cal\u00e9 qu\u2019avec D.F. Souvent l\u2019impression d\u2019appartenir \u00e0 un autre monde, un monde disparu, et ce m\u00eame si F. d\u00e9ploie des ressources innombrables pour que je persiste \u00e0 ne pas vouloir m\u2019en rendre compte dans ses contenus. On en revient toujours \u00e0 une notion de savoir occulte. C\u2019est autour de cela que mes pens\u00e9es tournent le plus actuellement. Un savoir un peu trop proche du pouvoir \u00e0 mon avis. Alors de plus en plus, je me souviens que je ne sais rien, que je ne veux rien savoir, surtout de cette fa\u00e7on d\u2019int\u00e9grer un savoir. Ce savoir-l\u00e0 ne m\u2019int\u00e9resse pas, il me semble bien trop dangereux vis-\u00e0-vis de ma sensibilit\u00e9. Cette sensibilit\u00e9 qui fait de moi une proie si facile. \u00c0 moins que cela ne fasse partie du jeu de me le faire croire. \u00c0 mesure que je contemple cette \u0153uvre, une \u00e9trange sensation m\u2019envahit. Le visage du jeune moine semble m\u2019observer, ses yeux mi-clos paraissant soudain s\u2019ouvrir l\u00e9g\u00e8rement. Est-ce mon imagination, ou le tableau prend-il vie devant moi ? Les volutes de brume semblent se d\u00e9placer, formant des motifs toujours changeants. Je cligne des yeux, certain d\u2019avoir hallucin\u00e9. Mais lorsque je regarde de nouveau, les changements sont encore l\u00e0, imperceptibles mais bien r\u00e9els. Une pens\u00e9e me traverse l\u2019esprit : et si l\u2019art poss\u00e8de r\u00e9ellement le pouvoir de r\u00e9v\u00e9ler des myst\u00e8res enfouis au-del\u00e0 du visible ? Cette id\u00e9e m\u2019\u00e9treint, m\u00ealant fascination et effroi, alors que je me demande si ce que je vois est r\u00e9el ou simplement le fruit de mon esprit fatigu\u00e9.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/17_img_3892.jpg?1748065226", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/25-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/25-mai-2024.html", "title": "25 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:14:03Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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L\u2019exposition s\u2019est achev\u00e9e hier soir, lundi 21 mai. J\u2019ai aid\u00e9 autant que mes jambes le permettaient ; des dizaines de grilles \u00e0 d\u00e9monter, \u00e0 ramener dans le petit local attenant \u00e0 la nef de l\u2019\u00e9glise. \u00c0 19 h, une pluie drue s\u2019est abattue. P. voulait la place de mon v\u00e9hicule pour d\u00e9crocher ses toiles. J\u2019en ai profit\u00e9 pour partir.<\/p>\n

En marchant sur les grandes marches de verre \u00e9pais de la nef, en portant les grilles, j\u2019aper\u00e7ois des ruines en dessous, une pierre tr\u00e8s blanche, sans doute du gypse ou du calcaire. Toujours cette impression d\u2019\u00eatre appel\u00e9 en passant par ici. R\u00e9el ou imaginaire ?<\/p>\n

Puis soudain, cette femme qui vient vers moi, E., une \u00e9l\u00e8ve du cours de R., me dit qu\u2019elle veut ou qu\u2019elle m\u2019a achet\u00e9 un petit tableau. En y repensant au moment d\u2019\u00e9crire ces lignes, je me souviens que, plus jeune, j\u2019utilisais souvent la r\u00e9alit\u00e9 ainsi comme support \u00e0 me raconter des histoires abracadabrantes. Ce n\u2019\u00e9taient jamais des personnes lambda que je croisais alors mais des cr\u00e9atures d\u2019un autre monde d\u00e9guis\u00e9es en \u00eatres humains, m\u00e2les ou femelles.<\/p>\n

Les femelles m\u2019ont toujours beaucoup plus donn\u00e9 de fil \u00e0 retordre que les m\u00e2les. Il semble qu\u2019elles soient bien plus aptes \u00e0 sonder les c\u0153urs, les esprits, les \u00e2mes que les m\u00e2les, plus volontiers adeptes des confrontations directes. Enfin, voici le genre de sc\u00e9nographie camp\u00e9e par mes d\u00e9lires adolescents. Une fa\u00e7on d\u2019aborder le r\u00e9el qui para\u00eet bien absurde quand j\u2019y pense \u00e0 diff\u00e9rentes p\u00e9riodes de ma vie, mais que je ne suis jamais parvenu \u00e0 r\u00e9pudier vraiment.<\/p>\n

Je m\u2019y prends encore mal avec ce journal. J\u2019essaie encore bien trop de faire de la litt\u00e9rature, comme si je ne pouvais m\u2019emp\u00eacher de m\u2019inventer seul des fables afin de me distraire. L\u2019id\u00e9e de noter les choses telles qu\u2019elles sont, de les lister le plus simplement possible, s\u2019enfuit presque aussit\u00f4t que je m\u2019en approche. Comme si une voix me disait : \u00e9cris ceci et laisse tomber cela.<\/p>\n

C\u2019est comme si, au-del\u00e0 des conversations banales, des gestes sans importance, toute une reconstruction mentale s\u2019op\u00e9rait, une sorte de traduction simultan\u00e9e. Avec m\u00eame un mode d\u2019emploi l\u2019accompagnant afin d\u2019y faire face de mani\u00e8re incognito, sans se faire remarquer. Ce qui me fait songer \u00e0 cet anonymat que je cherchais tant jadis dans la ville. Ce refuge de l\u2019anonymat. Au moins une fois la porte de ces innombrables chambres d\u2019h\u00f4tel referm\u00e9e derri\u00e8re moi, rien ni personne ne pouvait plus m\u2019atteindre, me tromper, me trahir, me blesser. Il n\u2019y avait plus que la solitude, cette entit\u00e9 femelle \u00e9galement, avec ses sautes d\u2019humeur, ses lubies, ses hauts et ses bas \u00e0 tenter d\u2019amadouer.<\/p>\n

Encore que l\u2019hyst\u00e9rie ne soit pas r\u00e9serv\u00e9e au f\u00e9minin, loin de l\u00e0, j\u2019ai connu beaucoup d\u2019individus ou d\u2019entit\u00e9s masculines secou\u00e9s par ce d\u00e9s\u00e9quilibre hormonal (?).<\/p>\n

Ce qui \u00e9videmment me renvoie \u00e0 cette s\u00e9ance de ouija durant laquelle j\u2019appris avoir \u00e9t\u00e9 scribe sous je ne sais quel monarque \u00e9gyptien, en des temps imm\u00e9moriaux. J\u2019avais alors une telle haine pour toutes ces choses spirites dans lesquelles s\u2019enfon\u00e7ait progressivement ma m\u00e8re en m\u00eame temps que l\u2019alcool, que je n\u2019avais que tr\u00e8s peu fait cas de cette soi-disant r\u00e9miniscence. Et voil\u00e0 o\u00f9 j\u2019en suis d\u00e9sormais, \u00e0 me tenir presque toujours \u00e0 la fronti\u00e8re dans cette sorte de brume propice aux apparitions les plus loufoques, terrifiantes voire merveilleuses.<\/p>\n

L\u2019\u00e9criture ne m\u2019a jamais servi \u00e0 autre chose qu\u2019\u00e0 explorer cette fronti\u00e8re. Je crois m\u00eame que je ne me sens bien (moi-m\u00eame vraiment ?) que dans celle-ci, toutes les incartades au-del\u00e0 m\u2019\u00e9tant comme interdites.<\/p>\n

Hier, en revenant de C., \u00e9coute de la proposition 4 de ce second cycle sur la nouvelle. F. a lu quelques paragraphes de Pierre Michon, \u00e0 propos d\u2019un inventeur de la sp\u00e9l\u00e9ologie. C\u2019\u00e9tait d\u00e9cortiqu\u00e9 \u00e0 l\u2019extr\u00eame sauf qu\u2019\u00e0 un moment, je me suis demand\u00e9 pourquoi il ne parlait pas de l\u2019essentiel. Et juste au moment o\u00f9 je pensais \u00e0 \u00e7a, il lit la derni\u00e8re phrase d\u2019o\u00f9 surgit le mot scribe. Et l\u00e0, je comprends \u00e0 quel point je reste fascin\u00e9 par F. tout en prenant bien garde de rester \u00e0 distance.<\/p>\n

Ce qui me fait penser que certaines personnes (\u00eatres) peuvent entretenir de tr\u00e8s profondes affinit\u00e9s sans avoir besoin de se fr\u00e9quenter r\u00e9ellement. J\u2019ai mis, je crois, un temps fou \u00e0 l\u2019accepter. Consid\u00e9rer qu\u2019on n\u2019entretient pas de relation si diff\u00e9rente avec les auteurs morts quand on lit leurs ouvrages. Ce qui signifie, au bout du compte, que ni la mort ni la vie ne sont en fin de compte des probl\u00e8mes. Le courant passe entre \u00e9metteur et r\u00e9cepteur sans obstacle. \u00c0 moins que ce ne soit le fait de se tenir \u00e0 cette fronti\u00e8re, dans cette sorte de redoute, qui permette cette aptitude.<\/p>\n

Enfin, je me fais tant d\u2019id\u00e9es \u00e0 partir de rien, me disait-on toujours, rien n\u2019a beaucoup chang\u00e9. Et si malgr\u00e9 tant d\u2019efforts \u00e7a ne change pas, c\u2019est bien que \u00e7a m\u2019appartient, que je ne peux rien faire contre cette nature des choses.<\/p>\n

Une photographie du festival de Cannes (1983 ou 1984 ?) encore une photo rat\u00e9e par rapport \u00e0 ce qu\u2019autrefois je consid\u00e9rais \u00eatre rat\u00e9 ou r\u00e9ussi. Je l\u2019ai retravaill\u00e9e avec le tampon de clonage de Gimp, supprimant ainsi tous les parasites dus \u00e0 l\u2019usure, \u00e0 la maltraitance de cette bande argentique qui avait gliss\u00e9 hors de sa pochette cristal.<\/p>", "content_text": "L\u2019exposition s\u2019est achev\u00e9e hier soir, lundi 21 mai. J\u2019ai aid\u00e9 autant que mes jambes le permettaient; des dizaines de grilles \u00e0 d\u00e9monter, \u00e0 ramener dans le petit local attenant \u00e0 la nef de l\u2019\u00e9glise. \u00c0 19 h, une pluie drue s\u2019est abattue. P. voulait la place de mon v\u00e9hicule pour d\u00e9crocher ses toiles. J\u2019en ai profit\u00e9 pour partir. En marchant sur les grandes marches de verre \u00e9pais de la nef, en portant les grilles, j\u2019aper\u00e7ois des ruines en dessous, une pierre tr\u00e8s blanche, sans doute du gypse ou du calcaire. Toujours cette impression d\u2019\u00eatre appel\u00e9 en passant par ici. R\u00e9el ou imaginaire ? Puis soudain, cette femme qui vient vers moi, E., une \u00e9l\u00e8ve du cours de R., me dit qu\u2019elle veut ou qu\u2019elle m\u2019a achet\u00e9 un petit tableau. En y repensant au moment d\u2019\u00e9crire ces lignes, je me souviens que, plus jeune, j\u2019utilisais souvent la r\u00e9alit\u00e9 ainsi comme support \u00e0 me raconter des histoires abracadabrantes. Ce n\u2019\u00e9taient jamais des personnes lambda que je croisais alors mais des cr\u00e9atures d\u2019un autre monde d\u00e9guis\u00e9es en \u00eatres humains, m\u00e2les ou femelles. Les femelles m\u2019ont toujours beaucoup plus donn\u00e9 de fil \u00e0 retordre que les m\u00e2les. Il semble qu\u2019elles soient bien plus aptes \u00e0 sonder les c\u0153urs, les esprits, les \u00e2mes que les m\u00e2les, plus volontiers adeptes des confrontations directes. Enfin, voici le genre de sc\u00e9nographie camp\u00e9e par mes d\u00e9lires adolescents. Une fa\u00e7on d\u2019aborder le r\u00e9el qui para\u00eet bien absurde quand j\u2019y pense \u00e0 diff\u00e9rentes p\u00e9riodes de ma vie, mais que je ne suis jamais parvenu \u00e0 r\u00e9pudier vraiment. Je m\u2019y prends encore mal avec ce journal. J\u2019essaie encore bien trop de faire de la litt\u00e9rature, comme si je ne pouvais m\u2019emp\u00eacher de m\u2019inventer seul des fables afin de me distraire. L\u2019id\u00e9e de noter les choses telles qu\u2019elles sont, de les lister le plus simplement possible, s\u2019enfuit presque aussit\u00f4t que je m\u2019en approche. Comme si une voix me disait : \u00e9cris ceci et laisse tomber cela. C\u2019est comme si, au-del\u00e0 des conversations banales, des gestes sans importance, toute une reconstruction mentale s\u2019op\u00e9rait, une sorte de traduction simultan\u00e9e. Avec m\u00eame un mode d\u2019emploi l\u2019accompagnant afin d\u2019y faire face de mani\u00e8re incognito, sans se faire remarquer. Ce qui me fait songer \u00e0 cet anonymat que je cherchais tant jadis dans la ville. Ce refuge de l\u2019anonymat. Au moins une fois la porte de ces innombrables chambres d\u2019h\u00f4tel referm\u00e9e derri\u00e8re moi, rien ni personne ne pouvait plus m\u2019atteindre, me tromper, me trahir, me blesser. Il n\u2019y avait plus que la solitude, cette entit\u00e9 femelle \u00e9galement, avec ses sautes d\u2019humeur, ses lubies, ses hauts et ses bas \u00e0 tenter d\u2019amadouer. Encore que l\u2019hyst\u00e9rie ne soit pas r\u00e9serv\u00e9e au f\u00e9minin, loin de l\u00e0, j\u2019ai connu beaucoup d\u2019individus ou d\u2019entit\u00e9s masculines secou\u00e9s par ce d\u00e9s\u00e9quilibre hormonal (?). Ce qui \u00e9videmment me renvoie \u00e0 cette s\u00e9ance de ouija durant laquelle j\u2019appris avoir \u00e9t\u00e9 scribe sous je ne sais quel monarque \u00e9gyptien, en des temps imm\u00e9moriaux. J\u2019avais alors une telle haine pour toutes ces choses spirites dans lesquelles s\u2019enfon\u00e7ait progressivement ma m\u00e8re en m\u00eame temps que l\u2019alcool, que je n\u2019avais que tr\u00e8s peu fait cas de cette soi-disant r\u00e9miniscence. Et voil\u00e0 o\u00f9 j\u2019en suis d\u00e9sormais, \u00e0 me tenir presque toujours \u00e0 la fronti\u00e8re dans cette sorte de brume propice aux apparitions les plus loufoques, terrifiantes voire merveilleuses. L\u2019\u00e9criture ne m\u2019a jamais servi \u00e0 autre chose qu\u2019\u00e0 explorer cette fronti\u00e8re. Je crois m\u00eame que je ne me sens bien (moi-m\u00eame vraiment ?) que dans celle-ci, toutes les incartades au-del\u00e0 m\u2019\u00e9tant comme interdites. Hier, en revenant de C., \u00e9coute de la proposition 4 de ce second cycle sur la nouvelle. F. a lu quelques paragraphes de Pierre Michon, \u00e0 propos d\u2019un inventeur de la sp\u00e9l\u00e9ologie. C\u2019\u00e9tait d\u00e9cortiqu\u00e9 \u00e0 l\u2019extr\u00eame sauf qu\u2019\u00e0 un moment, je me suis demand\u00e9 pourquoi il ne parlait pas de l\u2019essentiel. Et juste au moment o\u00f9 je pensais \u00e0 \u00e7a, il lit la derni\u00e8re phrase d\u2019o\u00f9 surgit le mot scribe. Et l\u00e0, je comprends \u00e0 quel point je reste fascin\u00e9 par F. tout en prenant bien garde de rester \u00e0 distance. Ce qui me fait penser que certaines personnes (\u00eatres) peuvent entretenir de tr\u00e8s profondes affinit\u00e9s sans avoir besoin de se fr\u00e9quenter r\u00e9ellement. J\u2019ai mis, je crois, un temps fou \u00e0 l\u2019accepter. Consid\u00e9rer qu\u2019on n\u2019entretient pas de relation si diff\u00e9rente avec les auteurs morts quand on lit leurs ouvrages. Ce qui signifie, au bout du compte, que ni la mort ni la vie ne sont en fin de compte des probl\u00e8mes. Le courant passe entre \u00e9metteur et r\u00e9cepteur sans obstacle. \u00c0 moins que ce ne soit le fait de se tenir \u00e0 cette fronti\u00e8re, dans cette sorte de redoute, qui permette cette aptitude. Enfin, je me fais tant d\u2019id\u00e9es \u00e0 partir de rien, me disait-on toujours, rien n\u2019a beaucoup chang\u00e9. Et si malgr\u00e9 tant d\u2019efforts \u00e7a ne change pas, c\u2019est bien que \u00e7a m\u2019appartient, que je ne peux rien faire contre cette nature des choses. Une photographie du festival de Cannes (1983 ou 1984 ?) encore une photo rat\u00e9e par rapport \u00e0 ce qu\u2019autrefois je consid\u00e9rais \u00eatre rat\u00e9 ou r\u00e9ussi. Je l\u2019ai retravaill\u00e9e avec le tampon de clonage de Gimp, supprimant ainsi tous les parasites dus \u00e0 l\u2019usure, \u00e0 la maltraitance de cette bande argentique qui avait gliss\u00e9 hors de sa pochette cristal. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-20-0010.jpg?1748065122", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-mai-2024.html", "title": "24 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:12:50Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je profite de ce jour de Pentec\u00f4te ( lundi ) pour avancer, jeter ici toutes les id\u00e9es qui m\u2019occupent. Cette f\u00eate c\u00e9l\u00e8bre le cinquanti\u00e8me jour \u00e0 partir de P\u00e2ques, on dit aussi qu\u2019elle repr\u00e9sente une « effusion » qui jaillit sur les disciples du Christ. Enfin, elle cl\u00f4t un cycle certainement li\u00e9 \u00e0 l\u2019agraire. Le loup a fait son oeuvre, la nature rena\u00eet. Ce qui me fait penser \u00e0 cette connaissance ancestrale, probablement pr\u00e9historique des cycles de la nature, et \u00e0 ces gardiens qui prenaient la forme de loups-garous dans l\u2019imaginaire collectif. A l\u2019origine ils n\u2019\u00e9taient pas ces caricatures hollywoodiennes qu\u2019on nous pr\u00e9sente dans des films d\u2019horreur ; cela n\u2019est qu\u2019une r\u00e9sultante de la main mise de l\u2019Eglise sur des connaissances pa\u00efennes. Combien de milliers d\u2019ann\u00e9es faut-il pour oublier tout un savoir, pour qu\u2019il meurt deux fois. Il y a peu on r\u00e9inventait les haies, les bosquets. Grande trouvaille scientifique. Cependant que ce « nouveau savoir » ne s\u2019embarrasse plus de ce qu\u2019on nomme superstitions d\u00e9sormais. La science d\u2019aujourd\u2019hui, nouvelle religion tout aussi orgueilleuse, vaniteuse que tant d\u2019autres est une couche suppl\u00e9mentaire d\u2019oubli, et qui nous aura totalement coup\u00e9 de tout un monde autrefois enchant\u00e9. Peut-\u00eatre qu\u2019au bout du compte un nouvel enchantement na\u00eetra de tout cela, car j\u2019imagine qu\u2019on peut prendre la r\u00e9alit\u00e9 par tous les plis, le m\u00eame myst\u00e8re, la m\u00eame \u00e9nigme n\u2019en sera pas mieux r\u00e9solue. Accepter ce myst\u00e8re c\u2019est retrouver une place avec la modestie, l\u2019humilit\u00e9 qui la caract\u00e9rise.<\/p>\n

La vitalit\u00e9 des symboles s\u2019estompe comme la vigueur des \u00eatres. Un moment d\u2019h\u00e9sitation ensuite entre mort et renaissance, le myst\u00e8re r\u00e9side, seul, imputrescible. La f\u00eate des sept semaines \u00e9tait autrefois nomm\u00e9e « Chavouot » chez les h\u00e9breux et elle \u00e9tait inscrite cinquante jours apr\u00e8s Pessa\u2019h. Mais d\u00e9j\u00e0 \u00e0 l\u2019av\u00e8nement du second Temple cette f\u00eate appartenant \u00e0 un univers de pens\u00e9e proph\u00e9tique s\u2019estompe pour laisser la place \u00e0 un rituel sacerdotal, qui semble d\u00e9pourvu de ses v\u00e9ritables raisons d\u2019\u00eatre. J\u2019aime me dire qu\u2019il s\u2019agit de la f\u00eate des moissons tout simplement. M\u00eame si derri\u00e8re cette apparente simplicit\u00e9 le myst\u00e8re reste intact, qu\u2019il me touche d\u2019autant qu\u2019il reste intact.<\/p>\n

Je travaille malgr\u00e9 tout cet apr\u00e8s-midi. Il y a eut trop de jours de cong\u00e9 ces derni\u00e8res semaines en raison des vacances de printemps, et des ponts du mois de mai. Le groupe de C. est d\u00e9sormais r\u00e9duit \u00e0 cinq personnes. Celles qui voulaient obtenir de beaux tableaux r\u00e9alis\u00e9s \u00e0 partir de mod\u00e8les, comme de beaux miroirs leur renvoyant leur belle image sont parties. Et c\u2019est \u00e9trange comme ce malentendu me renforce d\u2019autant dans mes convictions concernant la peinture. La peinture n\u2019est pas l\u00e0 pour peindre le r\u00e9el de cette fa\u00e7on, celle que nous connaissons depuis Mathusalem, celle que nous aura impos\u00e9 la Renaissance surtout. En ce moment je fais travailler tous les ateliers sur les \u0153uvres de Joan Mitchell. j\u2019ai moi-m\u00eame r\u00e9alis\u00e9 un petit tableau \u00e0 la peinture acrylique tout de jaune et d\u2019orang\u00e9 avec quelques ombres de parme et de bleu fonc\u00e9, si j\u2019ai le temps cette semaine je le finirai \u00e0 l\u2019huile pour atteindre, je l\u2019esp\u00e8re, \u00e0 toute la profondeur que j\u2019y ai entrevue.<\/p>\n

Je continue \u00e0 scanner mes vieux n\u00e9gatifs au hasard de ce que renferme les pochettes cristal. Retrouv\u00e9 toute une s\u00e9rie sur un festival de Cannes. Je me souviens de ma d\u00e9ception sous l\u2019agrandisseur en voyant ces n\u00e9gatifs. Les acteurs disparaissaient sous la foule, on ne voyait qu\u2019une mar\u00e9e humaine. Je les red\u00e9couvre aujourd\u2019hui et je leur trouve un tout autre sens.<\/p>", "content_text": "Je profite de ce jour de Pentec\u00f4te ( lundi ) pour avancer, jeter ici toutes les id\u00e9es qui m\u2019occupent. Cette f\u00eate c\u00e9l\u00e8bre le cinquanti\u00e8me jour \u00e0 partir de P\u00e2ques, on dit aussi qu\u2019elle repr\u00e9sente une \u00ab effusion \u00bb qui jaillit sur les disciples du Christ. Enfin, elle cl\u00f4t un cycle certainement li\u00e9 \u00e0 l\u2019agraire. Le loup a fait son oeuvre, la nature rena\u00eet. Ce qui me fait penser \u00e0 cette connaissance ancestrale, probablement pr\u00e9historique des cycles de la nature, et \u00e0 ces gardiens qui prenaient la forme de loups-garous dans l\u2019imaginaire collectif. A l\u2019origine ils n\u2019\u00e9taient pas ces caricatures hollywoodiennes qu\u2019on nous pr\u00e9sente dans des films d\u2019horreur; cela n\u2019est qu\u2019une r\u00e9sultante de la main mise de l\u2019Eglise sur des connaissances pa\u00efennes. Combien de milliers d\u2019ann\u00e9es faut-il pour oublier tout un savoir, pour qu\u2019il meurt deux fois. Il y a peu on r\u00e9inventait les haies, les bosquets. Grande trouvaille scientifique. Cependant que ce \u00ab nouveau savoir \u00bb ne s\u2019embarrasse plus de ce qu\u2019on nomme superstitions d\u00e9sormais. La science d\u2019aujourd\u2019hui, nouvelle religion tout aussi orgueilleuse, vaniteuse que tant d\u2019autres est une couche suppl\u00e9mentaire d\u2019oubli, et qui nous aura totalement coup\u00e9 de tout un monde autrefois enchant\u00e9. Peut-\u00eatre qu\u2019au bout du compte un nouvel enchantement na\u00eetra de tout cela, car j\u2019imagine qu\u2019on peut prendre la r\u00e9alit\u00e9 par tous les plis, le m\u00eame myst\u00e8re, la m\u00eame \u00e9nigme n\u2019en sera pas mieux r\u00e9solue. Accepter ce myst\u00e8re c\u2019est retrouver une place avec la modestie, l\u2019humilit\u00e9 qui la caract\u00e9rise. La vitalit\u00e9 des symboles s\u2019estompe comme la vigueur des \u00eatres. Un moment d\u2019h\u00e9sitation ensuite entre mort et renaissance, le myst\u00e8re r\u00e9side, seul, imputrescible. La f\u00eate des sept semaines \u00e9tait autrefois nomm\u00e9e \u00ab Chavouot \u00bb chez les h\u00e9breux et elle \u00e9tait inscrite cinquante jours apr\u00e8s Pessa\u2019h. Mais d\u00e9j\u00e0 \u00e0 l\u2019av\u00e8nement du second Temple cette f\u00eate appartenant \u00e0 un univers de pens\u00e9e proph\u00e9tique s\u2019estompe pour laisser la place \u00e0 un rituel sacerdotal, qui semble d\u00e9pourvu de ses v\u00e9ritables raisons d\u2019\u00eatre. J\u2019aime me dire qu\u2019il s\u2019agit de la f\u00eate des moissons tout simplement. M\u00eame si derri\u00e8re cette apparente simplicit\u00e9 le myst\u00e8re reste intact, qu\u2019il me touche d\u2019autant qu\u2019il reste intact. Je travaille malgr\u00e9 tout cet apr\u00e8s-midi. Il y a eut trop de jours de cong\u00e9 ces derni\u00e8res semaines en raison des vacances de printemps, et des ponts du mois de mai. Le groupe de C. est d\u00e9sormais r\u00e9duit \u00e0 cinq personnes. Celles qui voulaient obtenir de beaux tableaux r\u00e9alis\u00e9s \u00e0 partir de mod\u00e8les, comme de beaux miroirs leur renvoyant leur belle image sont parties. Et c\u2019est \u00e9trange comme ce malentendu me renforce d\u2019autant dans mes convictions concernant la peinture. La peinture n\u2019est pas l\u00e0 pour peindre le r\u00e9el de cette fa\u00e7on, celle que nous connaissons depuis Mathusalem, celle que nous aura impos\u00e9 la Renaissance surtout. En ce moment je fais travailler tous les ateliers sur les \u0153uvres de Joan Mitchell. j\u2019ai moi-m\u00eame r\u00e9alis\u00e9 un petit tableau \u00e0 la peinture acrylique tout de jaune et d\u2019orang\u00e9 avec quelques ombres de parme et de bleu fonc\u00e9, si j\u2019ai le temps cette semaine je le finirai \u00e0 l\u2019huile pour atteindre, je l\u2019esp\u00e8re, \u00e0 toute la profondeur que j\u2019y ai entrevue. Je continue \u00e0 scanner mes vieux n\u00e9gatifs au hasard de ce que renferme les pochettes cristal. Retrouv\u00e9 toute une s\u00e9rie sur un festival de Cannes. Je me souviens de ma d\u00e9ception sous l\u2019agrandisseur en voyant ces n\u00e9gatifs. Les acteurs disparaissaient sous la foule, on ne voyait qu\u2019une mar\u00e9e humaine. Je les red\u00e9couvre aujourd\u2019hui et je leur trouve un tout autre sens.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-19-0006.jpg?1748065162", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-mai-2024.html", "title": "23 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:11:05Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

il fait froid. J\u2019ai ajout\u00e9 un pull. Pas question de remettre le chauffage. Stopper l\u2019h\u00e9morragie, \u00e9coper, pr\u00e9voyons repas froids. Salades de riz, de perles, de lentilles.<\/p>\n

Hier (dimanche) sommes partis \u00e0 Pont d\u2019Is\u00e8re chez les R. qui nous avaient invit\u00e9s. Promenade le long de l\u2019Is\u00e8re presque en crue qui a comme d\u00e9vor\u00e9 les berges. Sensation irr\u00e9elle en voyant cette masse d\u2019eau gigantesque filer \u00e0 vive allure, avec ses tourbillons et remous. B. dit que si l\u2019on tombe il ne faut pas se d\u00e9mener, faire la planche autant que possible, puis nager furieusement lorsque le courant nous rapproche de la berge. Il y a un peu partout de nombreux arbres jet\u00e9s \u00e0 bas par les derniers orages. Notamment un gigantesque S\u00e9quoia coup\u00e9 net \u00e0 mi hauteur. Peine \u00e0 voir les arbres abattus le long du fleuve, comme cet \u00e9norme peuplier en travers de notre sentier. Je n\u2019ai fait aucune photographie. Trop d\u2019efforts d\u00e9j\u00e0 pour effectuer cette promenade.<\/p>\n

Nous nous amusons \u00e0 compter les minutes entre deux coups de canon. Un artifice sens\u00e9 \u00e9loigner les corbeaux des cerises dont la plupart sont d\u00e9j\u00e0 mures. Ici il y a eut un camp de romanos me dit B. m\u00e2le (leurs deux pr\u00e9noms commencent par un B) On aper\u00e7oit encore un pilier et les vestiges d\u2019une boite \u00e0 lettres. Le voisin d\u2019\u00e0 c\u00f4t\u00e9 a plac\u00e9 des affichettes un peu partout sur les haies, les grilles, les portails. Propri\u00e9t\u00e9 priv\u00e9e d\u00e9fense d\u2019entrer. Il ne s\u2019agit que d\u2019un jardin, pas de maison car il n\u2019a pas obtenu les autorisations n\u00e9cessaires. Un peu plus loin des dizaines de cerisiers laiss\u00e9s \u00e0 l\u2019abandon. Cela co\u00fbterait plus cher de les cueillir que de ne pas, donc les fruits pourriront. Nous nous arr\u00eatons quelques instants pour saisir les plus rouges, elles sont encore gorg\u00e9es d\u2019eau, pas beaucoup de go\u00fbt, trop de pluies ces derniers temps.<\/p>\n

Ce n\u2019est pas si souvent que nous rencontrons les R. seuls. Habituellement, nous sommes accompagn\u00e9s des enfants, et eux aussi. B. (lui) travaille encore alors que B. (elle) est compl\u00e8tement en retraite. Lui m\u00e9decin, elle jadis infirmi\u00e8re. Les conversations ne sont pas conflictuelles, tout le monde \u00e9vite les sujets p\u00e9nibles. Pas de politique, pas grand chose sur l\u2019actualit\u00e9. Ils partent en Asie cet \u00e9t\u00e9 rencontrer un membre de leur famille qui vit \u00e0 Chang Mai. Nous pr\u00e9voyons de nous retrouver en ao\u00fbt \u00e0 leur retour, cette fois avec les enfants. Ils avaient chauff\u00e9 l\u2019eau de la piscine mais nous avons d\u00e9clin\u00e9 l\u2019invitation \u00e0 nous baigner malgr\u00e9 les 27 ° de la temp\u00e9rature de l\u2019eau.<\/p>\n

Tout ce que j\u2019ai \u00e9crit ces derniers jours me semble d\u00e9pourvu d\u2019int\u00e9r\u00eat. Aussi je n\u2019ai rien voulu ajouter sur le blog pot commun de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture. Je ne suis m\u00eame pas all\u00e9 voir la proposition quatre, qui est sens\u00e9e cl\u00f4turer cette nouvelle boucle. Peut-\u00eatre que j »estime enfin qu\u2019il est temps d\u2019avoir un peu de pudeur, de ne pas ennuyer les gens avec mes monologues. Il m\u2019est venu soudain en m\u00e9moire un commentaire qu\u2019on m\u2019avait fait concernant la description d\u2019une trempe re\u00e7ue. Du genre t\u2019es encore l\u00e0 dedans, change de disque. Quelque chose comme \u00e7a. Et puis F. a tellement de monde d\u00e9sormais, des ateliers dans tous les sens, que peu d\u2019importance qu\u2019un s\u2019en aille, disparaisse. Je lis parfois les textes sur le blog, et aussi tous les efforts de commentaires des participant(es) , toujours si bienveillants en apparence ce qui justement ne m\u2019encourage gu\u00e8re d\u2019en faire le moindre. De loin, on pourrait croire \u00e0 une famille tiens. Evidemment que je n\u2019y crois pas un seul instant. Enfin bref je ne peux me d\u00e9partir de mon \u00e9ternel malaise vis \u00e0 vis de tout \u00e7a, je continuerai \u00e0 soutenir le projet, la fresque en restant simple abonn\u00e9, mais m\u2019\u00e9loignerai des publications collectives. Peut-\u00eatre que finalement et contre toute attente le but est atteint. Je ne sais pas si je peux parler de confiance en moi, de certitude, d\u2019assurance. Disons que le travail r\u00e9alis\u00e9 entre les divers blogs, la r\u00e9gularit\u00e9 install\u00e9e pour \u00e9crire, peut-\u00eatre que tout cela m\u2019aide \u00e0 mieux me projeter dans un chantier v\u00e9ritable. Et quand j\u2019y songe, la seule motivation pourrait bien \u00eatre d\u2019atteindre enfin \u00e0 l\u2019unit\u00e9 de ton. Parler avec sa propre voix, ma propre langue, nettoy\u00e9e, rinc\u00e9e de toutes les scories, je l\u2019esp\u00e8re d\u00e9sormais.<\/p>", "content_text": "il fait froid. J\u2019ai ajout\u00e9 un pull. Pas question de remettre le chauffage. Stopper l\u2019h\u00e9morragie, \u00e9coper, pr\u00e9voyons repas froids. Salades de riz, de perles, de lentilles. Hier (dimanche) sommes partis \u00e0 Pont d\u2019Is\u00e8re chez les R. qui nous avaient invit\u00e9s. Promenade le long de l\u2019Is\u00e8re presque en crue qui a comme d\u00e9vor\u00e9 les berges. Sensation irr\u00e9elle en voyant cette masse d\u2019eau gigantesque filer \u00e0 vive allure, avec ses tourbillons et remous. B. dit que si l\u2019on tombe il ne faut pas se d\u00e9mener, faire la planche autant que possible, puis nager furieusement lorsque le courant nous rapproche de la berge. Il y a un peu partout de nombreux arbres jet\u00e9s \u00e0 bas par les derniers orages. Notamment un gigantesque S\u00e9quoia coup\u00e9 net \u00e0 mi hauteur. Peine \u00e0 voir les arbres abattus le long du fleuve, comme cet \u00e9norme peuplier en travers de notre sentier. Je n\u2019ai fait aucune photographie. Trop d\u2019efforts d\u00e9j\u00e0 pour effectuer cette promenade. Nous nous amusons \u00e0 compter les minutes entre deux coups de canon. Un artifice sens\u00e9 \u00e9loigner les corbeaux des cerises dont la plupart sont d\u00e9j\u00e0 mures. Ici il y a eut un camp de romanos me dit B. m\u00e2le (leurs deux pr\u00e9noms commencent par un B) On aper\u00e7oit encore un pilier et les vestiges d\u2019une boite \u00e0 lettres. Le voisin d\u2019\u00e0 c\u00f4t\u00e9 a plac\u00e9 des affichettes un peu partout sur les haies, les grilles, les portails. Propri\u00e9t\u00e9 priv\u00e9e d\u00e9fense d\u2019entrer. Il ne s\u2019agit que d\u2019un jardin, pas de maison car il n\u2019a pas obtenu les autorisations n\u00e9cessaires. Un peu plus loin des dizaines de cerisiers laiss\u00e9s \u00e0 l\u2019abandon. Cela co\u00fbterait plus cher de les cueillir que de ne pas, donc les fruits pourriront. Nous nous arr\u00eatons quelques instants pour saisir les plus rouges, elles sont encore gorg\u00e9es d\u2019eau, pas beaucoup de go\u00fbt, trop de pluies ces derniers temps. Ce n\u2019est pas si souvent que nous rencontrons les R. seuls. Habituellement, nous sommes accompagn\u00e9s des enfants, et eux aussi. B. (lui) travaille encore alors que B. (elle) est compl\u00e8tement en retraite. Lui m\u00e9decin, elle jadis infirmi\u00e8re. Les conversations ne sont pas conflictuelles, tout le monde \u00e9vite les sujets p\u00e9nibles. Pas de politique, pas grand chose sur l\u2019actualit\u00e9. Ils partent en Asie cet \u00e9t\u00e9 rencontrer un membre de leur famille qui vit \u00e0 Chang Mai. Nous pr\u00e9voyons de nous retrouver en ao\u00fbt \u00e0 leur retour, cette fois avec les enfants. Ils avaient chauff\u00e9 l\u2019eau de la piscine mais nous avons d\u00e9clin\u00e9 l\u2019invitation \u00e0 nous baigner malgr\u00e9 les 27 \u00b0 de la temp\u00e9rature de l\u2019eau. Tout ce que j\u2019ai \u00e9crit ces derniers jours me semble d\u00e9pourvu d\u2019int\u00e9r\u00eat. Aussi je n\u2019ai rien voulu ajouter sur le blog pot commun de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture. Je ne suis m\u00eame pas all\u00e9 voir la proposition quatre, qui est sens\u00e9e cl\u00f4turer cette nouvelle boucle. Peut-\u00eatre que j \u00bbestime enfin qu\u2019il est temps d\u2019avoir un peu de pudeur, de ne pas ennuyer les gens avec mes monologues. Il m\u2019est venu soudain en m\u00e9moire un commentaire qu\u2019on m\u2019avait fait concernant la description d\u2019une trempe re\u00e7ue. Du genre t\u2019es encore l\u00e0 dedans, change de disque. Quelque chose comme \u00e7a. Et puis F. a tellement de monde d\u00e9sormais, des ateliers dans tous les sens, que peu d\u2019importance qu\u2019un s\u2019en aille, disparaisse. Je lis parfois les textes sur le blog, et aussi tous les efforts de commentaires des participant(es) , toujours si bienveillants en apparence ce qui justement ne m\u2019encourage gu\u00e8re d\u2019en faire le moindre. De loin, on pourrait croire \u00e0 une famille tiens. Evidemment que je n\u2019y crois pas un seul instant. Enfin bref je ne peux me d\u00e9partir de mon \u00e9ternel malaise vis \u00e0 vis de tout \u00e7a, je continuerai \u00e0 soutenir le projet, la fresque en restant simple abonn\u00e9, mais m\u2019\u00e9loignerai des publications collectives. Peut-\u00eatre que finalement et contre toute attente le but est atteint. Je ne sais pas si je peux parler de confiance en moi, de certitude, d\u2019assurance. Disons que le travail r\u00e9alis\u00e9 entre les divers blogs, la r\u00e9gularit\u00e9 install\u00e9e pour \u00e9crire, peut-\u00eatre que tout cela m\u2019aide \u00e0 mieux me projeter dans un chantier v\u00e9ritable. Et quand j\u2019y songe, la seule motivation pourrait bien \u00eatre d\u2019atteindre enfin \u00e0 l\u2019unit\u00e9 de ton. Parler avec sa propre voix, ma propre langue, nettoy\u00e9e, rinc\u00e9e de toutes les scories, je l\u2019esp\u00e8re d\u00e9sormais. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-18-0032.jpg?1748065198", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-mai-2024.html", "title": "22 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:09:48Z", "date_modified": "2025-09-18T15:46:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

R\u00eaver d\u2019\u00eatre happ\u00e9 par un projet ressemble curieusement \u00e0 ces vieux cauchemars o\u00f9 la b\u00eate du G\u00e9vaudan se jetait sur moi. Cette b\u00eate, dont j\u2019entendais parler dans ma famille, tuait des moutons, et parfois aussi des enfants, des adultes en Loz\u00e8re, et m\u00eame un membre \u00e9loign\u00e9 de notre famille. J\u2019ai fait des r\u00eaves r\u00e9currents \u00e0 partir de cette histoire durant des mois. Elle apparaissait sur le seuil de ma chambre, effrayante, avec ses yeux rouges, ses longues dents, et la bave coulant de sa gueule. Elle se jetait alors sur moi pour me d\u00e9vorer, et j\u2019avais l\u2019\u00e9trange sensation de m\u2019\u00e9vanouir dans une sorte d\u2019extase. Jusqu\u2019\u00e0 cette nuit o\u00f9 j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de ne plus me laisser faire et que je l\u2019ai \u00e9cras\u00e9e avec mes jambes contre un mur en m\u2019arc-boutant contre le pied de mon lit.<\/p>\n

Je me demande si, en commettant cet effroyable geste, je ne me suis pas condamn\u00e9 \u00e0 rester \u00e0 tout jamais sans projet. Ou pire, \u00e0 caresser des projets qui n\u2019aboutissent jamais parce qu\u2019une mal\u00e9diction veille pour les contrarier. Bien s\u00fbr, je pourrais faire de la psychologie de bas \u00e9tage, me dire que l\u2019id\u00e9e de mal\u00e9diction a bon dos, qu\u2019il faudrait bien plut\u00f4t regarder du c\u00f4t\u00e9 de la paresse, du manque de confiance en soi, de la d\u00e9pression nerveuse, etc. Mais je crois avoir fait mille fois le tour de toutes ces bonnes raisons sans les trouver r\u00e9solument raisonnables. J\u2019ai toujours ce doute quant \u00e0 la raison ; de plus en plus, elle me semble \u00eatre une forme d\u2019hypnose comme bon nombre d\u2019autres.<\/p>\n

Peu \u00e0 peu, je m\u2019aper\u00e7ois aussi que je me suis mis \u00e0 rejeter plus que l\u2019id\u00e9e de famille, celle de l\u2019esp\u00e8ce tout enti\u00e8re. Ma m\u00e8re, d\u2019origine estonienne, se plaignait toujours de la n\u00e9gligence des gens en mati\u00e8re de sentiments. D\u2019une grande sensibilit\u00e9, elle se d\u00e9s\u00e9quilibrait \u00e0 la moindre fausse note. Elle voyait l\u2019Estonie comme une terre merveilleuse o\u00f9 les gens \u00e9taient plus attentifs, plus d\u00e9licats, plus cultiv\u00e9s. Comme si je d\u00e9couvrais que je suis d\u2019une esp\u00e8ce diff\u00e9rente. En ce cas, le meurtre de la b\u00eate jadis serait, je l\u2019ai souvent pens\u00e9, une des pires choses faites dans ma vie ou dans mes r\u00eaves. Le meurtre symbolique ou tr\u00e8s r\u00e9el d\u2019une partie intime de moi-m\u00eame au profit d\u2019une part plus polic\u00e9e, domestiqu\u00e9e, celle des humains vivant en soci\u00e9t\u00e9, comptant sur l\u2019id\u00e9e de celle-ci pour s\u2019inventer autant que se rassurer.<\/p>\n

Le glapissement final dans l\u2019agonie de la B\u00eate, alors que je l\u2019\u00e9crasais de toutes mes forces \u00e0 l\u2019\u00e2ge de 7 ans contre le mur de la chambre, r\u00e9sonne toujours dans mon cr\u00e2ne. Ensuite viennent tout autour les ombres n\u00e9fastes de la nuit, les mauvaises pens\u00e9es, la mal\u00e9diction, la confusion. « Tu es d\u00e9sormais des n\u00f4tres, tu as tu\u00e9 comme nous avons tu\u00e9. »<\/p>\n

L\u2019id\u00e9e chevaleresque d\u2019une qu\u00eate \u00e0 poursuivre envers et contre tout me hante dans les m\u00eames proportions exactement que celle d\u2019une d\u00e9ch\u00e9ance dont je serais le seul responsable. Nous vivons dans un monde o\u00f9 de nombreuses valeurs sont invers\u00e9es. Une sorte d\u2019esprit chevaleresque me pousse \u00e0 contrecarrer toute id\u00e9e de « r\u00e9ussite », car cette fausse r\u00e9ussite repr\u00e9sente pour moi la vraie d\u00e9faite : profit, tromperie, pouvoir sur les autres, manipulation. Ce sont sans doute les deux faces d\u2019une seule pi\u00e8ce ; sur chacune est grav\u00e9 le visage archa\u00efque du dieu Janus. Mais ne sommes-nous pas tous ainsi tiraill\u00e9s plus ou moins consciemment par des forces contraires ? Voici une mani\u00e8re de se raccrocher \u00e0 un morceau d\u2019\u00e9pave qui flotte au sein m\u00eame du naufrage : le fait de songer qu\u2019on n\u2019est pas unique \u00e0 cet instant semble r\u00e9confortant pour nous ramener tr\u00e8s vite ensuite \u00e0 la plus extr\u00eame des solitudes. Car nous savons que cette affaire de partage est illusoire \u00e9galement. Que ce sont toujours les m\u00eames qui partagent surtout comme ce sont toujours les m\u00eames qui profitent.<\/p>", "content_text": "R\u00eaver d\u2019\u00eatre happ\u00e9 par un projet ressemble curieusement \u00e0 ces vieux cauchemars o\u00f9 la b\u00eate du G\u00e9vaudan se jetait sur moi. Cette b\u00eate, dont j\u2019entendais parler dans ma famille, tuait des moutons, et parfois aussi des enfants, des adultes en Loz\u00e8re, et m\u00eame un membre \u00e9loign\u00e9 de notre famille. J\u2019ai fait des r\u00eaves r\u00e9currents \u00e0 partir de cette histoire durant des mois. Elle apparaissait sur le seuil de ma chambre, effrayante, avec ses yeux rouges, ses longues dents, et la bave coulant de sa gueule. Elle se jetait alors sur moi pour me d\u00e9vorer, et j\u2019avais l\u2019\u00e9trange sensation de m\u2019\u00e9vanouir dans une sorte d\u2019extase. Jusqu\u2019\u00e0 cette nuit o\u00f9 j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de ne plus me laisser faire et que je l\u2019ai \u00e9cras\u00e9e avec mes jambes contre un mur en m\u2019arc-boutant contre le pied de mon lit. Je me demande si, en commettant cet effroyable geste, je ne me suis pas condamn\u00e9 \u00e0 rester \u00e0 tout jamais sans projet. Ou pire, \u00e0 caresser des projets qui n\u2019aboutissent jamais parce qu\u2019une mal\u00e9diction veille pour les contrarier. Bien s\u00fbr, je pourrais faire de la psychologie de bas \u00e9tage, me dire que l\u2019id\u00e9e de mal\u00e9diction a bon dos, qu\u2019il faudrait bien plut\u00f4t regarder du c\u00f4t\u00e9 de la paresse, du manque de confiance en soi, de la d\u00e9pression nerveuse, etc. Mais je crois avoir fait mille fois le tour de toutes ces bonnes raisons sans les trouver r\u00e9solument raisonnables. J\u2019ai toujours ce doute quant \u00e0 la raison ; de plus en plus, elle me semble \u00eatre une forme d\u2019hypnose comme bon nombre d\u2019autres. Peu \u00e0 peu, je m\u2019aper\u00e7ois aussi que je me suis mis \u00e0 rejeter plus que l\u2019id\u00e9e de famille, celle de l\u2019esp\u00e8ce tout enti\u00e8re. Ma m\u00e8re, d\u2019origine estonienne, se plaignait toujours de la n\u00e9gligence des gens en mati\u00e8re de sentiments. D\u2019une grande sensibilit\u00e9, elle se d\u00e9s\u00e9quilibrait \u00e0 la moindre fausse note. Elle voyait l\u2019Estonie comme une terre merveilleuse o\u00f9 les gens \u00e9taient plus attentifs, plus d\u00e9licats, plus cultiv\u00e9s. Comme si je d\u00e9couvrais que je suis d\u2019une esp\u00e8ce diff\u00e9rente. En ce cas, le meurtre de la b\u00eate jadis serait, je l\u2019ai souvent pens\u00e9, une des pires choses faites dans ma vie ou dans mes r\u00eaves. Le meurtre symbolique ou tr\u00e8s r\u00e9el d\u2019une partie intime de moi-m\u00eame au profit d\u2019une part plus polic\u00e9e, domestiqu\u00e9e, celle des humains vivant en soci\u00e9t\u00e9, comptant sur l\u2019id\u00e9e de celle-ci pour s\u2019inventer autant que se rassurer. Le glapissement final dans l\u2019agonie de la B\u00eate, alors que je l\u2019\u00e9crasais de toutes mes forces \u00e0 l\u2019\u00e2ge de 7 ans contre le mur de la chambre, r\u00e9sonne toujours dans mon cr\u00e2ne. Ensuite viennent tout autour les ombres n\u00e9fastes de la nuit, les mauvaises pens\u00e9es, la mal\u00e9diction, la confusion. \u00ab Tu es d\u00e9sormais des n\u00f4tres, tu as tu\u00e9 comme nous avons tu\u00e9. \u00bb L\u2019id\u00e9e chevaleresque d\u2019une qu\u00eate \u00e0 poursuivre envers et contre tout me hante dans les m\u00eames proportions exactement que celle d\u2019une d\u00e9ch\u00e9ance dont je serais le seul responsable. Nous vivons dans un monde o\u00f9 de nombreuses valeurs sont invers\u00e9es. Une sorte d\u2019esprit chevaleresque me pousse \u00e0 contrecarrer toute id\u00e9e de \u00ab r\u00e9ussite \u00bb, car cette fausse r\u00e9ussite repr\u00e9sente pour moi la vraie d\u00e9faite : profit, tromperie, pouvoir sur les autres, manipulation. Ce sont sans doute les deux faces d\u2019une seule pi\u00e8ce ; sur chacune est grav\u00e9 le visage archa\u00efque du dieu Janus. Mais ne sommes-nous pas tous ainsi tiraill\u00e9s plus ou moins consciemment par des forces contraires ? Voici une mani\u00e8re de se raccrocher \u00e0 un morceau d\u2019\u00e9pave qui flotte au sein m\u00eame du naufrage : le fait de songer qu\u2019on n\u2019est pas unique \u00e0 cet instant semble r\u00e9confortant pour nous ramener tr\u00e8s vite ensuite \u00e0 la plus extr\u00eame des solitudes. Car nous savons que cette affaire de partage est illusoire \u00e9galement. Que ce sont toujours les m\u00eames qui partagent surtout comme ce sont toujours les m\u00eames qui profitent. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-04-25-0088.jpg?1748065084", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-mai-2024.html", "title": "21 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:07:49Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Ce texte parle d\u2019un personnage nomm\u00e9 Elias Grimshaw qui r\u00e9fl\u00e9chit sur son identit\u00e9 et le choix d\u2019un pseudonyme. Il explore la notion de se r\u00e9inventer pour atteindre une sinc\u00e9rit\u00e9 et une justesse dans sa vie, loin des pens\u00e9es n\u00e9gatives qu\u2019il appelle « le dibbouk ». Elias se sent d\u00e9connect\u00e9 de son identit\u00e9 r\u00e9elle, la consid\u00e9rant comme une fiction. Il se moque de lui-m\u00eame et de son nom de famille, exprimant une haine envers sa famille et un rejet de son pass\u00e9.<\/p>\n

Il \u00e9voque des images de loups, symbolisant peut-\u00eatre son c\u00f4t\u00e9 sauvage et une solitude ressentie apr\u00e8s avoir quitt\u00e9 ou \u00e9t\u00e9 chass\u00e9 d\u2019un groupe. Il regrette la perte de l\u2019intimit\u00e9 et de la libert\u00e9 qu\u2019il associait autrefois \u00e0 la nuit, contrastant avec la banalit\u00e9 du quotidien qui efface ses aspirations nocturnes. Enfin, il exprime une dualit\u00e9 entre son amour pour la nuit et sa haine pour le jour, r\u00e9v\u00e9lant une lutte int\u00e9rieure entre deux aspects de lui-m\u00eame.<\/p>\n

Les origines.<\/p>\n

Elias Grimshaw est stopp\u00e9 net. Peut-\u00eatre que la seule chose int\u00e9ressante dans cette histoire est l\u2019invention du pseudonyme. Et aussi, par cons\u00e9quent, le fait d\u2019oser sortir d\u2019une fiction de ma propre identit\u00e9 pour en reconstruire non pas une nouvelle, mais une autre qui aurait un ton plus juste, plus honn\u00eate. Une fa\u00e7on d\u2019avoir une nouvelle chance. Mais mal entam\u00e9e d\u00e8s le d\u00e9part, j\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 en rester l\u00e0. Cette nuit, j\u2019ai certainement r\u00eav\u00e9 \u00e0 cette histoire de justesse ou de justice, et probablement r\u00e9gl\u00e9 des comptes. Avec qui, je l\u2019ignore. Mais les premi\u00e8res id\u00e9es qui surgissent au matin sont associ\u00e9es \u00e0 une affaire de ton, de fr\u00e9quence sans fausse note, je n\u2019ose pas dire de sinc\u00e9rit\u00e9 absolue. Car aussit\u00f4t celle-ci risque d\u2019\u00eatre mise en charpie par les pens\u00e9es soi-disant lucides qui ne cessent de me pourrir la vie. Il me vient \u00e0 nouveau cette id\u00e9e obs\u00e9dante de r\u00e9\u00e9crire toute ma vie depuis le d\u00e9part avec cette fameuse tonalit\u00e9 juste et sans me laisser berner par ces pens\u00e9es sombres que je nomme ici le dibbouk faute de mieux.<\/p>\n

Mais cette affaire d\u2019anonymat a commenc\u00e9 il y a d\u00e9j\u00e0 au moins deux ans d\u00e9sormais. La n\u00e9cessit\u00e9 de trouver le ton juste l\u2019accompagne. Le fait d\u2019inventer un pseudonyme ne surgit pas d\u2019embl\u00e9e. J\u2019ai commenc\u00e9 par m\u2019en prendre \u00e0 ma propre identit\u00e9, celle que je pr\u00e9sente d\u2019ordinaire aux gens et qui n\u2019est pas mieux, pas pire, pour moi qu\u2019un personnage de fiction finalement. J\u2019en suis horrifi\u00e9, mais c\u2019est ainsi. Il me semble que j\u2019esquive depuis des ann\u00e9es tout contact v\u00e9ritable avec les autres, que je ne leur pr\u00e9sente qu\u2019un double, un genre de bouffon. De ma propre identit\u00e9, je me suis moqu\u00e9, j\u2019en ai fait de la charpie, comme de tout le reste. Ce nom de famille, comment s\u2019en d\u00e9barrasser au mieux sinon en en faisant une caricature. C\u2019est toute ma haine, le rejet de cette famille que je constate \u00e0 pr\u00e9sent.<\/p>\n

Quelqu\u2019un ou quelque chose semble vouloir me poss\u00e9der depuis les origines. Mais en fin de compte, rien qui ne m\u2019appartienne vraiment. Il n\u2019y a rien d\u2019ext\u00e9rieur. Simplement des pans d\u2019ombre inexplor\u00e9s volontairement tant ils m\u2019ont jadis d\u00e9concert\u00e9. Pourtant, il me semblait \u00eatre d\u00e9j\u00e0 beaucoup aventur\u00e9 dans la noirceur. Des images de loups m\u2019accompagnent dans la nuit. Je ne sais pas si je suis l\u2019un d\u2019eux, en tous cas je n\u2019ai pas peur, j\u2019ai m\u00eame de la peine car il me semble soudain \u00e9vident avoir abandonn\u00e9 la meute, ou bien en avoir \u00e9t\u00e9 chass\u00e9 pour je ne sais quelle raison.<\/p>\n

L\u2019intimit\u00e9 de la nuit aussi m\u2019aura abandonn\u00e9 depuis des ann\u00e9es quand j\u2019y songe, marcher ou courir dans la neige, les for\u00eats, sentir l\u2019oxyg\u00e8ne envahir ma poitrine, mon sang, mes os. N\u00e9cessit\u00e9 de la faim si souvent confondue avec son homonymie la fin. Sentir au creux des reins le d\u00e9sir ardent. Quelque chose de l\u2019ordre du loup plus que de l\u2019homme, d\u2019o\u00f9 cette impression d\u2019\u00eatre un genre de loup-garou. Mais c\u2019est toujours fugitif. Le quotidien efface toutes ces images syst\u00e9matiquement avec le jour qui se l\u00e8ve. Longtemps j\u2019aurais aussi entretenu une haine du jour, un amour profond envers la nuit. Car on n\u2019a qu\u2019un seul c\u0153ur.<\/p>", "content_text": "Ce texte parle d\u2019un personnage nomm\u00e9 Elias Grimshaw qui r\u00e9fl\u00e9chit sur son identit\u00e9 et le choix d\u2019un pseudonyme. 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Les origines. Elias Grimshaw est stopp\u00e9 net. Peut-\u00eatre que la seule chose int\u00e9ressante dans cette histoire est l\u2019invention du pseudonyme. Et aussi, par cons\u00e9quent, le fait d\u2019oser sortir d\u2019une fiction de ma propre identit\u00e9 pour en reconstruire non pas une nouvelle, mais une autre qui aurait un ton plus juste, plus honn\u00eate. Une fa\u00e7on d\u2019avoir une nouvelle chance. Mais mal entam\u00e9e d\u00e8s le d\u00e9part, j\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 en rester l\u00e0. Cette nuit, j\u2019ai certainement r\u00eav\u00e9 \u00e0 cette histoire de justesse ou de justice, et probablement r\u00e9gl\u00e9 des comptes. Avec qui, je l\u2019ignore. Mais les premi\u00e8res id\u00e9es qui surgissent au matin sont associ\u00e9es \u00e0 une affaire de ton, de fr\u00e9quence sans fausse note, je n\u2019ose pas dire de sinc\u00e9rit\u00e9 absolue. Car aussit\u00f4t celle-ci risque d\u2019\u00eatre mise en charpie par les pens\u00e9es soi-disant lucides qui ne cessent de me pourrir la vie. Il me vient \u00e0 nouveau cette id\u00e9e obs\u00e9dante de r\u00e9\u00e9crire toute ma vie depuis le d\u00e9part avec cette fameuse tonalit\u00e9 juste et sans me laisser berner par ces pens\u00e9es sombres que je nomme ici le dibbouk faute de mieux. Mais cette affaire d\u2019anonymat a commenc\u00e9 il y a d\u00e9j\u00e0 au moins deux ans d\u00e9sormais. La n\u00e9cessit\u00e9 de trouver le ton juste l\u2019accompagne. Le fait d\u2019inventer un pseudonyme ne surgit pas d\u2019embl\u00e9e. J\u2019ai commenc\u00e9 par m\u2019en prendre \u00e0 ma propre identit\u00e9, celle que je pr\u00e9sente d\u2019ordinaire aux gens et qui n\u2019est pas mieux, pas pire, pour moi qu\u2019un personnage de fiction finalement. J\u2019en suis horrifi\u00e9, mais c\u2019est ainsi. Il me semble que j\u2019esquive depuis des ann\u00e9es tout contact v\u00e9ritable avec les autres, que je ne leur pr\u00e9sente qu\u2019un double, un genre de bouffon. De ma propre identit\u00e9, je me suis moqu\u00e9, j\u2019en ai fait de la charpie, comme de tout le reste. Ce nom de famille, comment s\u2019en d\u00e9barrasser au mieux sinon en en faisant une caricature. C\u2019est toute ma haine, le rejet de cette famille que je constate \u00e0 pr\u00e9sent. Quelqu\u2019un ou quelque chose semble vouloir me poss\u00e9der depuis les origines. Mais en fin de compte, rien qui ne m\u2019appartienne vraiment. Il n\u2019y a rien d\u2019ext\u00e9rieur. Simplement des pans d\u2019ombre inexplor\u00e9s volontairement tant ils m\u2019ont jadis d\u00e9concert\u00e9. Pourtant, il me semblait \u00eatre d\u00e9j\u00e0 beaucoup aventur\u00e9 dans la noirceur. Des images de loups m\u2019accompagnent dans la nuit. Je ne sais pas si je suis l\u2019un d\u2019eux, en tous cas je n\u2019ai pas peur, j\u2019ai m\u00eame de la peine car il me semble soudain \u00e9vident avoir abandonn\u00e9 la meute, ou bien en avoir \u00e9t\u00e9 chass\u00e9 pour je ne sais quelle raison. L\u2019intimit\u00e9 de la nuit aussi m\u2019aura abandonn\u00e9 depuis des ann\u00e9es quand j\u2019y songe, marcher ou courir dans la neige, les for\u00eats, sentir l\u2019oxyg\u00e8ne envahir ma poitrine, mon sang, mes os. N\u00e9cessit\u00e9 de la faim si souvent confondue avec son homonymie la fin. Sentir au creux des reins le d\u00e9sir ardent. Quelque chose de l\u2019ordre du loup plus que de l\u2019homme, d\u2019o\u00f9 cette impression d\u2019\u00eatre un genre de loup-garou. Mais c\u2019est toujours fugitif. Le quotidien efface toutes ces images syst\u00e9matiquement avec le jour qui se l\u00e8ve. Longtemps j\u2019aurais aussi entretenu une haine du jour, un amour profond envers la nuit. 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Si \u00e9loign\u00e9 d\u2019un esprit de famille, il me semble d\u00e9sormais impossible de r\u00e9unir ces fragments. D\u2019\u00eatre toujours , \u00e0 pr\u00e9sent, dans une h\u00e9sitation \u00e0 leur trouver un air de famille, une ressemblance, des points communs. Au moins l\u2019avantage de cette proposition d\u2019\u00e9criture m\u2019aura fait soulever un \u00e9l\u00e9phant. Normalement quand ce texte sera publi\u00e9 nous serons lundi et je ne suis pas du tout certain d\u2019avoir apport\u00e9 ma petite pierre \u00e0 l\u2019\u00e9difice sur le blog o\u00f9 est r\u00e9unie la masse de tous les billets des participants. C\u2019est une petite d\u00e9faite mais qui bizarrement me fait du bien. Comme lorsque je courrais autour d\u2019un stade et que tout \u00e0 coup l\u2019absurdit\u00e9 me devenant si \u00e9vidente je m\u2019arr\u00eatai net malgr\u00e9 les avertissements, les encouragements, les menaces du prof de gym. Peut-\u00eatre que toutes les mauvaises raisons de vouloir participer \u00e0 cet atelier d\u2019\u00e9criture se seront soudain dissip\u00e9es avec cette affaire de « famille ». L\u2019envie de vouloir int\u00e9grer la famille pour, une fois \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, trouver toutes les raisons de la rejeter. Et puis s\u2019en rendre compte, \u00eatre penaud de s\u2019\u00eatre encore fait prendre au m\u00eame pi\u00e8ge. Peut-\u00eatre qu\u2019on n\u2019est v\u00e9ritablement bon, utile, viable en famille qu\u2019\u00e0 l\u2019instant m\u00eame o\u00f9 le d\u00e9sir d\u2019\u00eatre « en famille » et toutes les mauvaises raisons de s\u2019y trouver se sont dissip\u00e9es. Et qu\u2019\u00e0 ce moment l\u00e0 toute la violence, les dissensions les suspicions, s\u2019\u00e9tant envol\u00e9es, une grande acceptation, semblable \u00e0 celle de la mort s\u2019installe.<\/p>\n

J\u2019ai peu jou\u00e9 au jeu des sept familles, comme j\u2019ai peu jou\u00e9 aux cartes, comme j\u2019ai peu jou\u00e9 tout court. C\u2019\u00e9tait, mais je l\u2019ignorais, la meilleure fa\u00e7on d\u2019entrer dans le jeu que de conserver l\u2019ignorance qu\u2019il s\u2019agit d\u2019un jeu. Comment une obstination \u00e0 vouloir l\u2019ignorer pour jouer son r\u00f4le encore mieux. Alors que dans le fond il n\u2019y a pas \u00e0 vouloir faire pire ou mieux, il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 jouer ce que l\u2019on est, tout simplement.<\/p>\n

Cette grande d\u00e9sesp\u00e9rance qui accompagne en moi l\u2019id\u00e9e du groupe, de la famille, d\u2019en \u00eatre oppress\u00e9, \u00e9reint\u00e9, il me vient \u00e0 pr\u00e9sent de la trouver suspecte. Comme si j\u2019avais besoin de cette d\u00e9sesp\u00e9rance qui m\u2019attribue toujours la m\u00eame place, en marge. Une place enfantine finalement. Celle d\u2019un roi d\u00e9chu.<\/p>\n

Car les autres sont toujours mieux, ils le doivent et c\u2019est par ce creusement dans l\u2019abomination de soi-m\u00eame que l\u2019on construit se doux fantasme consolateur. C\u2019est Ponce Pilate crucifi\u00e9 tandis que J\u00e9sus se lave les mains.<\/p>", "content_text": "Si \u00e9loign\u00e9 d\u2019un esprit de famille, il me semble d\u00e9sormais impossible de r\u00e9unir ces fragments. D\u2019\u00eatre toujours , \u00e0 pr\u00e9sent, dans une h\u00e9sitation \u00e0 leur trouver un air de famille, une ressemblance, des points communs. Au moins l\u2019avantage de cette proposition d\u2019\u00e9criture m\u2019aura fait soulever un \u00e9l\u00e9phant. Normalement quand ce texte sera publi\u00e9 nous serons lundi et je ne suis pas du tout certain d\u2019avoir apport\u00e9 ma petite pierre \u00e0 l\u2019\u00e9difice sur le blog o\u00f9 est r\u00e9unie la masse de tous les billets des participants. C\u2019est une petite d\u00e9faite mais qui bizarrement me fait du bien. Comme lorsque je courrais autour d\u2019un stade et que tout \u00e0 coup l\u2019absurdit\u00e9 me devenant si \u00e9vidente je m\u2019arr\u00eatai net malgr\u00e9 les avertissements, les encouragements, les menaces du prof de gym. Peut-\u00eatre que toutes les mauvaises raisons de vouloir participer \u00e0 cet atelier d\u2019\u00e9criture se seront soudain dissip\u00e9es avec cette affaire de \u00ab famille \u00bb. L\u2019envie de vouloir int\u00e9grer la famille pour, une fois \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, trouver toutes les raisons de la rejeter. Et puis s\u2019en rendre compte, \u00eatre penaud de s\u2019\u00eatre encore fait prendre au m\u00eame pi\u00e8ge. Peut-\u00eatre qu\u2019on n\u2019est v\u00e9ritablement bon, utile, viable en famille qu\u2019\u00e0 l\u2019instant m\u00eame o\u00f9 le d\u00e9sir d\u2019\u00eatre \u00ab en famille \u00bb et toutes les mauvaises raisons de s\u2019y trouver se sont dissip\u00e9es. Et qu\u2019\u00e0 ce moment l\u00e0 toute la violence, les dissensions les suspicions, s\u2019\u00e9tant envol\u00e9es, une grande acceptation, semblable \u00e0 celle de la mort s\u2019installe. J\u2019ai peu jou\u00e9 au jeu des sept familles, comme j\u2019ai peu jou\u00e9 aux cartes, comme j\u2019ai peu jou\u00e9 tout court. C\u2019\u00e9tait, mais je l\u2019ignorais, la meilleure fa\u00e7on d\u2019entrer dans le jeu que de conserver l\u2019ignorance qu\u2019il s\u2019agit d\u2019un jeu. Comment une obstination \u00e0 vouloir l\u2019ignorer pour jouer son r\u00f4le encore mieux. Alors que dans le fond il n\u2019y a pas \u00e0 vouloir faire pire ou mieux, il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 jouer ce que l\u2019on est, tout simplement. Cette grande d\u00e9sesp\u00e9rance qui accompagne en moi l\u2019id\u00e9e du groupe, de la famille, d\u2019en \u00eatre oppress\u00e9, \u00e9reint\u00e9, il me vient \u00e0 pr\u00e9sent de la trouver suspecte. Comme si j\u2019avais besoin de cette d\u00e9sesp\u00e9rance qui m\u2019attribue toujours la m\u00eame place, en marge. Une place enfantine finalement. Celle d\u2019un roi d\u00e9chu. Car les autres sont toujours mieux, ils le doivent et c\u2019est par ce creusement dans l\u2019abomination de soi-m\u00eame que l\u2019on construit se doux fantasme consolateur. C\u2019est Ponce Pilate crucifi\u00e9 tandis que J\u00e9sus se lave les mains. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-18-0016-2.jpg?1748065114", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-mai-2024.html", "title": "19 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:05:05Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Autre approche, indienne ?
\nNous formons une grande famille. J\u2019avais l\u2019impression que \u00e7a commen\u00e7ait comme \u00e7a. Mais non. La musique \u00e9tait la m\u00eame, mais les paroles avaient chang\u00e9. Nous devions \u00eatre dans une de ces entreprises, avec des bureaux \u00e0 perte de vue, des couloirs tapiss\u00e9s de moquette, exhalant cette odeur caract\u00e9ristique de pieds et de graillon. N\u2019y avait-il pas un restaurant grec au rez de chauss\u00e9e , un de ces kebabs o\u00f9 les frites sont plong\u00e9es dans une huile rance, r\u00e9pandant des effluves ent\u00eatants ? Maintenant, les souvenirs reviennent par bouff\u00e9es, avec un arri\u00e8re-go\u00fbt de mouton grill\u00e9.<\/p>\n

Nous formons une grande famille. C\u2019\u00e9tait dit sur un ton morne, \u00e0 la Snoopy sur son toit sa niche. Paupi\u00e8res lourdes, l\u00e8vres tombantes, ventre d\u00e9bordant de la ceinture, mais chaussures bien cir\u00e9es et raie impeccablement trac\u00e9e. Ma m\u00e8re disait souvent, ou \u00e9tait-ce ma grand-m\u00e8re, qu\u2019un homme se jugeait \u00e0 la tenue de ses chaussures et de ses cheveux. Je ne sais plus dans quel hall, quel open space, quelle salle de r\u00e9union. Et les vitres, derri\u00e8re lesquelles je cherchais d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment un point d\u2019accroche pour m\u2019\u00e9vader loin, tr\u00e8s loin.<\/p>\n

Nous formons une grande famille. Les musiciens avaient remball\u00e9 leurs instruments, la salle de bal se vidait. Je redescendais de l\u2019estrade apr\u00e8s m\u2019\u00eatre \u00e9gosill\u00e9 sur « Be-Bop-A-Lula » : « Be-bop-a-lula, c\u2019est mon b\u00e9b\u00e9 d\u2019amour\u2026 ». Je ne sais plus si c\u2019est \u00e0 ce moment-l\u00e0 que j\u2019ai rencontr\u00e9 V. Elle \u00e9tait blonde, cheveux longs, regard effront\u00e9 et poss\u00e9dait tous les atouts n\u00e9cessaires comme on disait en ces temps-l\u00e0. Nous avons travers\u00e9 la rue pour aller au bistrot. Tout s\u2019ach\u00e8ve au bistrot. Les naissances, les enterrements, et tout ce qui se produit entre les deux, de l\u2019\u00e9tonnant au d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment banal. L\u2019odeur de vin blanc lim\u00e9 et de tabac froid. On fumait encore partout en 1976. Je revois ma t\u00eate dans le miroir, une cigarette au bec, les cheveux en bataille, jetant un regard oblique vers les seins de V. On a vite sympathis\u00e9, l\u2019ennui aidant, lors de ce bal en pleine campagne, pr\u00e8s de Saint-Amand-Montrond. Ensuite, nous avons roul\u00e9 sur une vieille « bleue », elle avait pass\u00e9 ses bras autour de mes hanches, appuy\u00e9 son menton sur mon \u00e9paule. Mais la seule sensation qu\u2019il me reste est celle de la duret\u00e9 de ses t\u00e9tons, alors que nous empruntions de petites routes jusqu\u2019\u00e0 la maison de sa m\u00e8re. Il devait \u00eatre tr\u00e8s tard. En arrivant, nous avons eu l\u2019impression de d\u00e9ranger. Il y avait un gros paysan rougeaud, d\u00e9braill\u00e9, pr\u00e8s de la maman tout aussi mal habill\u00e9e. Quelle rigolade int\u00e9rieure. « Tu arrives tard, je ne t\u2019attendais plus. Bonjour jeune homme, voulez-vous un verre de limonade ? » Puis je suis reparti avec ma vieille bleue. Les histoires de famille, ce n\u2019est pas vraiment mon truc. C\u2019\u00e9tait une chaude nuit d\u2019\u00e9t\u00e9, les \u00e9toiles ponctuaient le ciel. Je me r\u00e9p\u00e9tais « c\u2019est la nature, c\u2019est la nature », pour me rassurer ou m\u2019effrayer de quelque chose d\u2019ind\u00e9finissable.<\/p>\n

Nous formons une grande famille. Cette fille, je ne l\u2019aimais pas. Je crois que c\u2019\u00e9tait par convention que j\u2019avais accept\u00e9 de sortir avec elle. J\u2019avais la sensation d\u2019avoir une hu\u00eetre au bras. Elle \u00e9tait molle, cendreuse, avec une carapace d\u2019enfance encore luisante d\u2019algues et de varech. Parfois, l\u2019id\u00e9e de mollusque se m\u00ealait \u00e0 celle de l\u2019ectoplasme. Puis j\u2019ai rencontr\u00e9 sa m\u00e8re et compris que cette pauvre fille n\u2019avait jamais eu la moindre chance. Sa m\u00e8re travaillait pour une grande marque de cosm\u00e9tiques, ce qu\u2019elle mentionnait d\u00e8s les premi\u00e8res paroles. L\u2019aura de luxe associ\u00e9e au nom de la marque n\u2019avait aucun effet sur moi. Elle semblait heureuse, ou soulag\u00e9e, que sa fille-hu\u00eetre ait trouv\u00e9 un gar\u00e7on-anguille. Elle d\u00e9clina toute une s\u00e9rie de substantifs pour \u00e9voquer tout ce qui rampe, serpente, s\u2019insinue. C\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re fois que je voyais un brin de rose sur les joues p\u00e2les de sa fille qui, \u00e0 ce moment-l\u00e0, levait les yeux au ciel. Cette grande dame , f\u00e9rue d\u2019occultisme, avait invit\u00e9 quelques voisines pour une s\u00e9ance de spiritisme. Toutes du m\u00eame tonneau, les parfums capiteux se m\u00ealant \u00e0 ceux plus fruit\u00e9s et \u00e9pic\u00e9s. Le gu\u00e9ridon se mit \u00e0 bringuebaler, un pied inconnu fr\u00f4la mon mollet, puis s\u2019y attarda tandis que je voyais ma compagne m\u00e9l\u00e9agrine s\u2019enfoncer dans le mutisme le plus profond. L\u2019excitation \u00e9tait presque palpable. L\u2019esprit dut dire quelque chose d\u2019incongru tout commen\u00e7a \u00e0 se figer comme de la gel\u00e9e . Un air glac\u00e9 envahit la pi\u00e8ce et j\u2019eus la sensation que le temps s\u2019\u00e9tait arr\u00eat\u00e9. Nous \u00e9tions tous p\u00e9trifi\u00e9s sous des kilom\u00e8tres de glace pil\u00e9e. Le paroxysme de la soir\u00e9e avait \u00e9t\u00e9 atteint. Il \u00e9tait tard. On m\u2019invita \u00e0 dormir sur un petit canap\u00e9 sur la mezzanine. Je ne fermai pas l\u2019\u0153il de la nuit. Des bruits \u00e9tranges se promenaient de pi\u00e8ce en pi\u00e8ce. Vers trois heures du matin, une porte s\u2019ouvrit et je vis la m\u00e8re de mon amie surgir de l\u2019obscurit\u00e9 vers la p\u00e9nombre en nuisette transparente. Je fermai les yeux, feignant de dormir. Je sentis son parfum de luxe quand elle pencha son buste au-dessus de mon visage\u2026 Puis le contact d\u2019une main sur mon sexe. Au matin, je crus avoir r\u00eav\u00e9, les conventions \u00e9tant d\u2019un grand secours dans ces moments-l\u00e0. Nous pr\u00eemes le petit d\u00e9jeuner en silence, puis je repris mon v\u00e9lo pour rentrer chez moi. Mon p\u00e8re \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 parti au travail, ma m\u00e8re \u00e9pluchait des l\u00e9gumes sur de vieux journaux. Je retrouvai tant bien que mal mes marques. Quelques jours plus tard, je d\u00e9cidais de ne plus fr\u00e9quenter les coquillages et de m\u2019\u00e9loigner du luxe le plus possible.<\/p>\n

Nous formons une grande famille. Souvent, j\u2019ai ressenti cette d\u00e9sagr\u00e9able sensation d\u2019\u00eatre \u00e0 l\u2019avant-garde, une pointe de fl\u00e8che, avec l\u2019impression que des milliers de personnes derri\u00e8re moi esp\u00e8rent que j\u2019ach\u00e8ve quelque chose qu\u2019elles ont laiss\u00e9 inachev\u00e9. \u00catre \u00e0 la pointe de ce d\u00e9sir inassouvi me fait penser \u00e0 la petite barque qu\u2019on aper\u00e7oit \u00e0 peine dans le tableau Hokusai, La Vague. Accabl\u00e9 par la force des \u00e9l\u00e9ments et des vieux d\u00e9sirs cherchant \u00e0 se renouveler de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration, mais succombant \u00e0 leurs n\u00e9cessit\u00e9s obscures.<\/p>\n

D\u00e8s mon plus jeune \u00e2ge, j\u2019ai ressenti le poids des g\u00e9n\u00e9rations pr\u00e9c\u00e9dentes comme une responsabilit\u00e9 \u00e0 endosser, un costume du dimanche aux manches trop courtes. Orgueil et vanit\u00e9 de la jeunesse, sensation d\u2019une tr\u00e8s haute importance et les ravages qui l\u2019accompagnent. Pour contrer cette pression, je me suis invent\u00e9 une origine parall\u00e8le : un univers d\u2019amphibiens baignant dans des lueurs bleut\u00e9es, provenant forc\u00e9ment d\u2019une galaxie lointaine, un \u00c9den. Souvenir de baignades dans des oc\u00e9ans amniotiques o\u00f9 le f\u00e9minin joue un r\u00f4le primordial, avec toute son ambigu\u00eft\u00e9, capable de receler autant d\u2019horrible que de merveilleux.<\/p>\n

Parfois, au fond de mes r\u00eaves, je parviens presque \u00e0 franchir la porte secr\u00e8te menant \u00e0 ces souvenirs imm\u00e9moriaux. Je la retrouve alors, cette moiti\u00e9 qui est \u00e0 la fois m\u00e8re, amie, amante, capable de prodiguer la vie autant que la mort. Mais je remonte encore plus loin, car je ne me satisfais jamais de rien, il m\u2019en faut toujours plus, le d\u00e9sir reste inassouvi. Alors, je d\u00e9couvre l\u2019entit\u00e9 source dans sa plus extr\u00eame solitude. Elle a la forme d\u2019une roue qui tourne en tout sens sur elle-m\u00eame, une particule ontologiquement seule. Je m\u2019assois en ce lieu sans espace ni dur\u00e9e, et j\u2019observe la scission de l\u2019Aleph, la naissance des chiffres et des lettres, le commencement du temps et de l\u2019espace, la gen\u00e8se de l\u2019infini, en en mesurant toute la n\u00e9cessit\u00e9, l\u2019exigence, l\u2019effroi et la beaut\u00e9.<\/p>\n

Puis, au r\u00e9veil, je me retrouve dans la peau de ce petit \u00eatre mis\u00e9rable, juste un point minuscule inscrit sur une longue ligne sinueuse.<\/p>", "content_text": "Autre approche, indienne ? Nous formons une grande famille. J\u2019avais l\u2019impression que \u00e7a commen\u00e7ait comme \u00e7a. Mais non. La musique \u00e9tait la m\u00eame, mais les paroles avaient chang\u00e9. Nous devions \u00eatre dans une de ces entreprises, avec des bureaux \u00e0 perte de vue, des couloirs tapiss\u00e9s de moquette, exhalant cette odeur caract\u00e9ristique de pieds et de graillon. N\u2019y avait-il pas un restaurant grec au rez de chauss\u00e9e , un de ces kebabs o\u00f9 les frites sont plong\u00e9es dans une huile rance, r\u00e9pandant des effluves ent\u00eatants ? Maintenant, les souvenirs reviennent par bouff\u00e9es, avec un arri\u00e8re-go\u00fbt de mouton grill\u00e9. Nous formons une grande famille. C\u2019\u00e9tait dit sur un ton morne, \u00e0 la Snoopy sur son toit sa niche. Paupi\u00e8res lourdes, l\u00e8vres tombantes, ventre d\u00e9bordant de la ceinture, mais chaussures bien cir\u00e9es et raie impeccablement trac\u00e9e. Ma m\u00e8re disait souvent, ou \u00e9tait-ce ma grand-m\u00e8re, qu\u2019un homme se jugeait \u00e0 la tenue de ses chaussures et de ses cheveux. Je ne sais plus dans quel hall, quel open space, quelle salle de r\u00e9union. Et les vitres, derri\u00e8re lesquelles je cherchais d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment un point d\u2019accroche pour m\u2019\u00e9vader loin, tr\u00e8s loin. Nous formons une grande famille. Les musiciens avaient remball\u00e9 leurs instruments, la salle de bal se vidait. Je redescendais de l\u2019estrade apr\u00e8s m\u2019\u00eatre \u00e9gosill\u00e9 sur \u00ab Be-Bop-A-Lula \u00bb : \u00ab Be-bop-a-lula, c\u2019est mon b\u00e9b\u00e9 d\u2019amour\u2026 \u00bb. Je ne sais plus si c\u2019est \u00e0 ce moment-l\u00e0 que j\u2019ai rencontr\u00e9 V. Elle \u00e9tait blonde, cheveux longs, regard effront\u00e9 et poss\u00e9dait tous les atouts n\u00e9cessaires comme on disait en ces temps-l\u00e0. Nous avons travers\u00e9 la rue pour aller au bistrot. Tout s\u2019ach\u00e8ve au bistrot. Les naissances, les enterrements, et tout ce qui se produit entre les deux, de l\u2019\u00e9tonnant au d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment banal. L\u2019odeur de vin blanc lim\u00e9 et de tabac froid. On fumait encore partout en 1976. Je revois ma t\u00eate dans le miroir, une cigarette au bec, les cheveux en bataille, jetant un regard oblique vers les seins de V. On a vite sympathis\u00e9, l\u2019ennui aidant, lors de ce bal en pleine campagne, pr\u00e8s de Saint-Amand-Montrond. Ensuite, nous avons roul\u00e9 sur une vieille \u00ab bleue \u00bb, elle avait pass\u00e9 ses bras autour de mes hanches, appuy\u00e9 son menton sur mon \u00e9paule. Mais la seule sensation qu\u2019il me reste est celle de la duret\u00e9 de ses t\u00e9tons, alors que nous empruntions de petites routes jusqu\u2019\u00e0 la maison de sa m\u00e8re. Il devait \u00eatre tr\u00e8s tard. En arrivant, nous avons eu l\u2019impression de d\u00e9ranger. Il y avait un gros paysan rougeaud, d\u00e9braill\u00e9, pr\u00e8s de la maman tout aussi mal habill\u00e9e. Quelle rigolade int\u00e9rieure. \u00ab Tu arrives tard, je ne t\u2019attendais plus. Bonjour jeune homme, voulez-vous un verre de limonade ? \u00bb Puis je suis reparti avec ma vieille bleue. Les histoires de famille, ce n\u2019est pas vraiment mon truc. C\u2019\u00e9tait une chaude nuit d\u2019\u00e9t\u00e9, les \u00e9toiles ponctuaient le ciel. Je me r\u00e9p\u00e9tais \u00ab c\u2019est la nature, c\u2019est la nature \u00bb, pour me rassurer ou m\u2019effrayer de quelque chose d\u2019ind\u00e9finissable. Nous formons une grande famille. Cette fille, je ne l\u2019aimais pas. Je crois que c\u2019\u00e9tait par convention que j\u2019avais accept\u00e9 de sortir avec elle. J\u2019avais la sensation d\u2019avoir une hu\u00eetre au bras. Elle \u00e9tait molle, cendreuse, avec une carapace d\u2019enfance encore luisante d\u2019algues et de varech. Parfois, l\u2019id\u00e9e de mollusque se m\u00ealait \u00e0 celle de l\u2019ectoplasme. Puis j\u2019ai rencontr\u00e9 sa m\u00e8re et compris que cette pauvre fille n\u2019avait jamais eu la moindre chance. Sa m\u00e8re travaillait pour une grande marque de cosm\u00e9tiques, ce qu\u2019elle mentionnait d\u00e8s les premi\u00e8res paroles. L\u2019aura de luxe associ\u00e9e au nom de la marque n\u2019avait aucun effet sur moi. Elle semblait heureuse, ou soulag\u00e9e, que sa fille-hu\u00eetre ait trouv\u00e9 un gar\u00e7on-anguille. Elle d\u00e9clina toute une s\u00e9rie de substantifs pour \u00e9voquer tout ce qui rampe, serpente, s\u2019insinue. C\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re fois que je voyais un brin de rose sur les joues p\u00e2les de sa fille qui, \u00e0 ce moment-l\u00e0, levait les yeux au ciel. Cette grande dame , f\u00e9rue d\u2019occultisme, avait invit\u00e9 quelques voisines pour une s\u00e9ance de spiritisme. Toutes du m\u00eame tonneau, les parfums capiteux se m\u00ealant \u00e0 ceux plus fruit\u00e9s et \u00e9pic\u00e9s. Le gu\u00e9ridon se mit \u00e0 bringuebaler, un pied inconnu fr\u00f4la mon mollet, puis s\u2019y attarda tandis que je voyais ma compagne m\u00e9l\u00e9agrine s\u2019enfoncer dans le mutisme le plus profond. L\u2019excitation \u00e9tait presque palpable. L\u2019esprit dut dire quelque chose d\u2019incongru tout commen\u00e7a \u00e0 se figer comme de la gel\u00e9e . Un air glac\u00e9 envahit la pi\u00e8ce et j\u2019eus la sensation que le temps s\u2019\u00e9tait arr\u00eat\u00e9. Nous \u00e9tions tous p\u00e9trifi\u00e9s sous des kilom\u00e8tres de glace pil\u00e9e. Le paroxysme de la soir\u00e9e avait \u00e9t\u00e9 atteint. Il \u00e9tait tard. On m\u2019invita \u00e0 dormir sur un petit canap\u00e9 sur la mezzanine. Je ne fermai pas l\u2019\u0153il de la nuit. Des bruits \u00e9tranges se promenaient de pi\u00e8ce en pi\u00e8ce. Vers trois heures du matin, une porte s\u2019ouvrit et je vis la m\u00e8re de mon amie surgir de l\u2019obscurit\u00e9 vers la p\u00e9nombre en nuisette transparente. Je fermai les yeux, feignant de dormir. Je sentis son parfum de luxe quand elle pencha son buste au-dessus de mon visage\u2026 Puis le contact d\u2019une main sur mon sexe. Au matin, je crus avoir r\u00eav\u00e9, les conventions \u00e9tant d\u2019un grand secours dans ces moments-l\u00e0. Nous pr\u00eemes le petit d\u00e9jeuner en silence, puis je repris mon v\u00e9lo pour rentrer chez moi. Mon p\u00e8re \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 parti au travail, ma m\u00e8re \u00e9pluchait des l\u00e9gumes sur de vieux journaux. Je retrouvai tant bien que mal mes marques. Quelques jours plus tard, je d\u00e9cidais de ne plus fr\u00e9quenter les coquillages et de m\u2019\u00e9loigner du luxe le plus possible. Nous formons une grande famille. Souvent, j\u2019ai ressenti cette d\u00e9sagr\u00e9able sensation d\u2019\u00eatre \u00e0 l\u2019avant-garde, une pointe de fl\u00e8che, avec l\u2019impression que des milliers de personnes derri\u00e8re moi esp\u00e8rent que j\u2019ach\u00e8ve quelque chose qu\u2019elles ont laiss\u00e9 inachev\u00e9. \u00catre \u00e0 la pointe de ce d\u00e9sir inassouvi me fait penser \u00e0 la petite barque qu\u2019on aper\u00e7oit \u00e0 peine dans le tableau Hokusai, La Vague. Accabl\u00e9 par la force des \u00e9l\u00e9ments et des vieux d\u00e9sirs cherchant \u00e0 se renouveler de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration, mais succombant \u00e0 leurs n\u00e9cessit\u00e9s obscures. D\u00e8s mon plus jeune \u00e2ge, j\u2019ai ressenti le poids des g\u00e9n\u00e9rations pr\u00e9c\u00e9dentes comme une responsabilit\u00e9 \u00e0 endosser, un costume du dimanche aux manches trop courtes. Orgueil et vanit\u00e9 de la jeunesse, sensation d\u2019une tr\u00e8s haute importance et les ravages qui l\u2019accompagnent. Pour contrer cette pression, je me suis invent\u00e9 une origine parall\u00e8le : un univers d\u2019amphibiens baignant dans des lueurs bleut\u00e9es, provenant forc\u00e9ment d\u2019une galaxie lointaine, un \u00c9den. Souvenir de baignades dans des oc\u00e9ans amniotiques o\u00f9 le f\u00e9minin joue un r\u00f4le primordial, avec toute son ambigu\u00eft\u00e9, capable de receler autant d\u2019horrible que de merveilleux. Parfois, au fond de mes r\u00eaves, je parviens presque \u00e0 franchir la porte secr\u00e8te menant \u00e0 ces souvenirs imm\u00e9moriaux. Je la retrouve alors, cette moiti\u00e9 qui est \u00e0 la fois m\u00e8re, amie, amante, capable de prodiguer la vie autant que la mort. Mais je remonte encore plus loin, car je ne me satisfais jamais de rien, il m\u2019en faut toujours plus, le d\u00e9sir reste inassouvi. Alors, je d\u00e9couvre l\u2019entit\u00e9 source dans sa plus extr\u00eame solitude. Elle a la forme d\u2019une roue qui tourne en tout sens sur elle-m\u00eame, une particule ontologiquement seule. Je m\u2019assois en ce lieu sans espace ni dur\u00e9e, et j\u2019observe la scission de l\u2019Aleph, la naissance des chiffres et des lettres, le commencement du temps et de l\u2019espace, la gen\u00e8se de l\u2019infini, en en mesurant toute la n\u00e9cessit\u00e9, l\u2019exigence, l\u2019effroi et la beaut\u00e9. Puis, au r\u00e9veil, je me retrouve dans la peau de ce petit \u00eatre mis\u00e9rable, juste un point minuscule inscrit sur une longue ligne sinueuse.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-18-0001_2.jpg?1748065146", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-mai-2024.html", "title": "18 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:03:34Z", "date_modified": "2025-05-28T06:45:56Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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Trouv\u00e9 les deux tomes Pl\u00e9iade des \u0153uvres compl\u00e8tes de Nerval. Mais le formatage du document num\u00e9rique n\u2019est pas terrible. J\u2019ai rev\u00e9rifi\u00e9 le document original dans Foliate, il n\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 pas terrible, le convertir en Epub via Calibre n\u2019a rien am\u00e9lior\u00e9. Ce qui provoque des efforts de d\u00e9chiffrage car les lettres de certains mots sont en d\u00e9sordre. Mais pour ce que je veux en faire \u00e7a n\u2019a pas trop d\u2019importance. J\u2019utilise le CTRL F et je pioche au hasard. R\u00e9p\u00e9ter le mot terrible deux fois, trois avec celle-ci.<\/p>\n

Il faut un d\u00e9sabusement formidable vis \u00e0 vis de toute fiction telle qu\u2019elle nous est brandie, avec son cort\u00e8ge d\u2019impl\u00e9mentations moralisatrices, religieuses, philosophiques, scientifiques, raisonnables en fin de compte, tellement raisonnables, pour qu\u2019on ait envie de se d\u00e9tourner de toute fiction de ce tonneau l\u00e0. Cependant ce que l\u2019on fabrique en d\u00e9sirant la contrer est aussi une fiction \u00e0 n\u2019en pas douter. Une fiction \u00e0 notre convenance ?<\/p>\n

La v\u00e9rit\u00e9 est une fiction d\u2019une fiction.<\/p>\n

Ces moments que l\u2019on peut \u00e0 tort consid\u00e9rer comme du d\u00e9sespoir quand on est jeune ne sont rien \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de cette sorte d\u2019indiff\u00e9rence envers toute forme de d\u00e9sespoir apport\u00e9e par l\u2019\u00e2ge, la d\u00e9ception d\u2019avoir vu une vie s\u2019\u00e9couler aussi rapidement que se vide une baignoire. C\u2019est une indiff\u00e9rence n\u00e9cessaire, car si on commence \u00e0 s\u2019\u00e9couter on sait d\u2019avance qu\u2019on n\u2019entendra plus que \u00e7a de la journ\u00e9e. Cela viendra de toutes les bouches de toutes les l\u00e8vres, de tous les regards, de tous les murs.<\/p>\n

Comment vous qui f\u00fbtes un dieu immortel, vous vous seriez donc r\u00e9incarn\u00e9 en humain, mazette, quelle foutue chute, c\u2019est ce que vous disiez hier encore. La chute la seule c\u2019est tout simplement \u00e7a. L\u2019orgueil m\u00eame celui des dieux ne vaut pas tripette pour l\u2019impassible \u00e9toile. C\u2019est simplement une affaire de temps. On n\u2019a pas le temps de trop s\u2019appesantir qu\u2019il est d\u00e9j\u00e0 temps de repartir.<\/p>\n

C\u2019est pour cela que les v\u00e9ritables choses il ne faut jamais les dire, pour se donner une chance de futur. Je peux parler en connaissance de cause, j\u2019en ai tellement dit, mais ce n\u2019\u00e9tait rien, un nuage d\u2019encre et pffuittt la pieuvre a d\u00e9j\u00e0 d\u00e9m\u00e9nag\u00e9e.<\/p>\n

Lire Nerval est bien charmant comme d\u00e9suet, comme Lovecraft, comme beaucoup d\u2019autres des temps anciens. C\u2019est l\u2019astuce que l\u2019ironie a trouv\u00e9e pour qu\u2019on ne les lise pas justement. Leur style nous extirpe d\u2019une facilit\u00e9 de langage comme d\u2019un pens\u00e9e confortable. Alors que tout est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0 \u00e9crit noir sur blanc. Et, bien s\u00fbr on croit qu\u2019on va dire quelque chose de diff\u00e9rent, mais c\u2019est la m\u00eame chose, et souvent accompagn\u00e9 des puanteurs des exhalaisons de l\u2019air du temps. A quel niveau s\u2019abaisser vraiment pour passer sous la mitraille, survivre \u00e0 cela. Un bon refuge serait la po\u00e9sie bien s\u00fbr. Et soudain j\u2019entends la voix de la doublure de Stephen King \u00e9voquant la po\u00e9sie brumeuse de ses camarades d\u2019universit\u00e9, et bien \u00e9videmment, j\u2019ai des frissons dans le dos.<\/p>\n

On peut s\u2019hypnotiser tout seul avec des mots, puis le r\u00e9veil sonne, la baignoire est vide.<\/p>", "content_text": "Trouv\u00e9 les deux tomes Pl\u00e9iade des \u0153uvres compl\u00e8tes de Nerval. Mais le formatage du document num\u00e9rique n\u2019est pas terrible. J\u2019ai rev\u00e9rifi\u00e9 le document original dans Foliate, il n\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 pas terrible, le convertir en Epub via Calibre n\u2019a rien am\u00e9lior\u00e9. Ce qui provoque des efforts de d\u00e9chiffrage car les lettres de certains mots sont en d\u00e9sordre. Mais pour ce que je veux en faire \u00e7a n\u2019a pas trop d\u2019importance. J\u2019utilise le CTRL F et je pioche au hasard. R\u00e9p\u00e9ter le mot terrible deux fois, trois avec celle-ci. Il faut un d\u00e9sabusement formidable vis \u00e0 vis de toute fiction telle qu\u2019elle nous est brandie, avec son cort\u00e8ge d\u2019impl\u00e9mentations moralisatrices, religieuses, philosophiques, scientifiques, raisonnables en fin de compte, tellement raisonnables, pour qu\u2019on ait envie de se d\u00e9tourner de toute fiction de ce tonneau l\u00e0. Cependant ce que l\u2019on fabrique en d\u00e9sirant la contrer est aussi une fiction \u00e0 n\u2019en pas douter. Une fiction \u00e0 notre convenance ? La v\u00e9rit\u00e9 est une fiction d\u2019une fiction. Ces moments que l\u2019on peut \u00e0 tort consid\u00e9rer comme du d\u00e9sespoir quand on est jeune ne sont rien \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de cette sorte d\u2019indiff\u00e9rence envers toute forme de d\u00e9sespoir apport\u00e9e par l\u2019\u00e2ge, la d\u00e9ception d\u2019avoir vu une vie s\u2019\u00e9couler aussi rapidement que se vide une baignoire. C\u2019est une indiff\u00e9rence n\u00e9cessaire, car si on commence \u00e0 s\u2019\u00e9couter on sait d\u2019avance qu\u2019on n\u2019entendra plus que \u00e7a de la journ\u00e9e. Cela viendra de toutes les bouches de toutes les l\u00e8vres, de tous les regards, de tous les murs. Comment vous qui f\u00fbtes un dieu immortel, vous vous seriez donc r\u00e9incarn\u00e9 en humain, mazette, quelle foutue chute, c\u2019est ce que vous disiez hier encore. La chute la seule c\u2019est tout simplement \u00e7a. L\u2019orgueil m\u00eame celui des dieux ne vaut pas tripette pour l\u2019impassible \u00e9toile. C\u2019est simplement une affaire de temps. On n\u2019a pas le temps de trop s\u2019appesantir qu\u2019il est d\u00e9j\u00e0 temps de repartir. C\u2019est pour cela que les v\u00e9ritables choses il ne faut jamais les dire, pour se donner une chance de futur. Je peux parler en connaissance de cause, j\u2019en ai tellement dit, mais ce n\u2019\u00e9tait rien, un nuage d\u2019encre et pffuittt la pieuvre a d\u00e9j\u00e0 d\u00e9m\u00e9nag\u00e9e. Lire Nerval est bien charmant comme d\u00e9suet, comme Lovecraft, comme beaucoup d\u2019autres des temps anciens. C\u2019est l\u2019astuce que l\u2019ironie a trouv\u00e9e pour qu\u2019on ne les lise pas justement. Leur style nous extirpe d\u2019une facilit\u00e9 de langage comme d\u2019un pens\u00e9e confortable. Alors que tout est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0 \u00e9crit noir sur blanc. Et, bien s\u00fbr on croit qu\u2019on va dire quelque chose de diff\u00e9rent, mais c\u2019est la m\u00eame chose, et souvent accompagn\u00e9 des puanteurs des exhalaisons de l\u2019air du temps. A quel niveau s\u2019abaisser vraiment pour passer sous la mitraille, survivre \u00e0 cela. Un bon refuge serait la po\u00e9sie bien s\u00fbr. Et soudain j\u2019entends la voix de la doublure de Stephen King \u00e9voquant la po\u00e9sie brumeuse de ses camarades d\u2019universit\u00e9, et bien \u00e9videmment, j\u2019ai des frissons dans le dos. On peut s\u2019hypnotiser tout seul avec des mots, puis le r\u00e9veil sonne, la baignoire est vide. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-16-0011_2.jpg?1748065134", "tags": ["Lovecraft"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-mai-2024.html", "title": "17 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T23:01:59Z", "date_modified": "2025-09-30T03:37:52Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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des bribes de notes sans conviction au sujet de la proposition en cours de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture.<\/p>\n

Des flashs d\u2019un feuilleton t\u00e9l\u00e9vis\u00e9 en noir et blanc, « Sans famille ». Et tous ces souvenirs qui remontent. D\u2019abord la question de savoir si je suis un enfant adopt\u00e9, puis si on va me vendre \u00e0 un montreur d\u2019ours. D\u00e9j\u00e0 une imagination plus que fertile. La question \u00e9tant de savoir s\u2019il peut vraiment y avoir de la fum\u00e9e sans feu. Si l\u2019imagination sert \u00e0 quelque chose, \u00e0 part passer le temps, elle doit aussi servir de bouclier, du moins je l\u2019envisage ainsi d\u00e9sormais. Une sorte de protection contre la banalit\u00e9 du mal. En fabriquant un mal parfois encore plus gigantesque, plus effroyable, c\u2019est \u00e0 dire un mal spectaculaire. Pendant qu\u2019on passe du temps ainsi \u00e0 s\u2019effrayer du produit de sa propre imagination, on s\u2019angoisse peut-\u00eatre moins de tout le reste. A moins aussi que ce ne soit qu\u2019un ph\u00e9nom\u00e8ne de vase communiquant.<\/p>\n

Je n\u2019arrive toujours pas \u00e0 me d\u00e9cider pour faire cet exercice le plus simplement du monde, c\u2019est \u00e0 dire prendre la premi\u00e8re famille qui viendrait, la d\u00e9cr\u00e9ter instance et \u00e0 cheval sur mon bidet. Non je n\u2019y arrive pas. Peut-\u00eatre que je repousse. L\u2019instant je le repousse aux calendes grecques. Bref je n\u2019ai pas envie de me fourrer dans cette affaire.<\/p>\n

Du coup je pr\u00e9f\u00e8re comme d\u2019habitude le retrait.<\/p>\n

Quand je serai \u00e0 la retraite peut-\u00eatre que je pourrai m\u2019y mettre, comme d\u2019autres d\u00e9cident de se mettre au puzzle, \u00e0 la p\u00e8che \u00e0 la ligne, au v\u00e9lo, \u00e0 la sieste. C\u2019est dans pas bien longtemps, mais \u00e7a doit faire deux ans que je dis \u00e7a. C\u2019est aussi une marche d\u2019approche fameuse pour parvenir \u00e0 la retraite sans qu\u2019elle devienne une B\u00e9r\u00e9zina. Suffit de glisser sur la savonnette sous la douche et hop l\u00e0, Waterloo morne vol plan\u00e9.<\/p>\n

Je dis n\u2019importe quoi comme quand je peins, aujourd\u2019hui j\u2019ai fait par exemple deux tableaux uniquement avec cette technique. Elle aura fait ses preuves. Je ne comprends d\u00e9cid\u00e9ment pas mes \u00e9l\u00e8ves lorsqu\u2019ils se plaignent d\u2019arriver \u00e0 rien, de faire n\u2019importe quoi. Au moins \u00e7a ne ressemble \u00e0 rien d\u2019autre non ? C\u2019est ce que je dis, mais il n\u2019ont pas l\u2019air de go\u00fbter toute la subtilit\u00e9 de cette remarque.<\/p>\n

Au moins je continue imperturbablement \u00e0 scanner mes vieux n\u00e9gatifs argentiques. J\u2019ai retrouv\u00e9 toute une s\u00e9rie d\u2019images de P. avec son chien, comment s\u2019appelait-il d\u00e9j\u00e0 \u2026 et bien \u00e7a je l\u2019ai oubli\u00e9. Dans le fond je suis assez heureux de voir que je suis parvenu \u00e0 oublier pas mal de petites choses.<\/p>\n

Ah oui, toute cette histoire \u00e0 propos de l\u2019imagination, il ne faut pas que j\u2019oublie de dire quelque chose \u00e0 ce sujet. Il faut que je parle de ces visions qui me tombaient dessus deux ou trois fois par jour et qui me faisaient perdre compl\u00e8tement pied. Je crois que j\u2019\u00e9tais parvenu \u00e0 les voir arriver juste un peu avant qu\u2019elles ne d\u00e9boulent. Juste le temps de m\u2019isoler, de m\u2019\u00e9carter des autres suffisamment pour qu\u2019on ne s\u2019interroge pas sur mon comportement \u00e9trange. Donc la vision arrivait par une certaine qualit\u00e9 de lumi\u00e8re , la vue ne se brouillait pas, mais tous les plans s\u2019enchev\u00eatraient, il n\u2019y avait plus de profondeur de champ. Je n\u2019ai jamais trop parler de ces visions, je crois que je n\u2019en ai jamais parl\u00e9 du tout. Si je n\u2019en ai pas parl\u00e9 c\u2019est que j\u2019avais peur de les oublier compl\u00e8tement je crois. Ce qui me fait penser par ricochet \u00e0 tout un tas de choses dont je n\u2019ai encore jamais parl\u00e9 dans ce journal, , ni \u00e0 personne dans la vraie vie. Il y aurait comme une sorte d\u2019instinct de pr\u00e9servation l\u00e0 aussi. Une peur de perdre quelque chose d\u2019important, m\u00eame si toute notion d\u2019importance semble nous avoir abandonn\u00e9, celle l\u00e0 non.<\/p>\n

Le bon moment. Attendre le bon moment. Y a t\u2019il vraiment un bon moment. Pour que je les \u00e9crive ces visions, que je m\u2019en d\u00e9barrasse d\u2019une certaine mani\u00e8re, en beaut\u00e9 si possible. Peut-\u00eatre que c\u2019est ce mot, la beaut\u00e9 qui me fait prendre parfois un certain retard. Ce ne sera jamais assez beau bien s\u00fbr, ni aussi effroyable que \u00e7a le m\u00e9rite. Parvenir \u00e0 trouver l\u2019harmonie entre les deux, un po\u00e8me.<\/p>", "content_text": "des bribes de notes sans conviction au sujet de la proposition en cours de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture. Des flashs d\u2019un feuilleton t\u00e9l\u00e9vis\u00e9 en noir et blanc, \u00ab Sans famille \u00bb. Et tous ces souvenirs qui remontent. D\u2019abord la question de savoir si je suis un enfant adopt\u00e9, puis si on va me vendre \u00e0 un montreur d\u2019ours. D\u00e9j\u00e0 une imagination plus que fertile. La question \u00e9tant de savoir s\u2019il peut vraiment y avoir de la fum\u00e9e sans feu. Si l\u2019imagination sert \u00e0 quelque chose, \u00e0 part passer le temps, elle doit aussi servir de bouclier, du moins je l\u2019envisage ainsi d\u00e9sormais. Une sorte de protection contre la banalit\u00e9 du mal. En fabriquant un mal parfois encore plus gigantesque, plus effroyable, c\u2019est \u00e0 dire un mal spectaculaire. Pendant qu\u2019on passe du temps ainsi \u00e0 s\u2019effrayer du produit de sa propre imagination, on s\u2019angoisse peut-\u00eatre moins de tout le reste. A moins aussi que ce ne soit qu\u2019un ph\u00e9nom\u00e8ne de vase communiquant. Je n\u2019arrive toujours pas \u00e0 me d\u00e9cider pour faire cet exercice le plus simplement du monde, c\u2019est \u00e0 dire prendre la premi\u00e8re famille qui viendrait, la d\u00e9cr\u00e9ter instance et \u00e0 cheval sur mon bidet. Non je n\u2019y arrive pas. Peut-\u00eatre que je repousse. L\u2019instant je le repousse aux calendes grecques. Bref je n\u2019ai pas envie de me fourrer dans cette affaire. Du coup je pr\u00e9f\u00e8re comme d\u2019habitude le retrait. Quand je serai \u00e0 la retraite peut-\u00eatre que je pourrai m\u2019y mettre, comme d\u2019autres d\u00e9cident de se mettre au puzzle, \u00e0 la p\u00e8che \u00e0 la ligne, au v\u00e9lo, \u00e0 la sieste. C\u2019est dans pas bien longtemps, mais \u00e7a doit faire deux ans que je dis \u00e7a. C\u2019est aussi une marche d\u2019approche fameuse pour parvenir \u00e0 la retraite sans qu\u2019elle devienne une B\u00e9r\u00e9zina. Suffit de glisser sur la savonnette sous la douche et hop l\u00e0, Waterloo morne vol plan\u00e9. Je dis n\u2019importe quoi comme quand je peins, aujourd\u2019hui j\u2019ai fait par exemple deux tableaux uniquement avec cette technique. Elle aura fait ses preuves. Je ne comprends d\u00e9cid\u00e9ment pas mes \u00e9l\u00e8ves lorsqu\u2019ils se plaignent d\u2019arriver \u00e0 rien, de faire n\u2019importe quoi. Au moins \u00e7a ne ressemble \u00e0 rien d\u2019autre non ? C\u2019est ce que je dis, mais il n\u2019ont pas l\u2019air de go\u00fbter toute la subtilit\u00e9 de cette remarque. Au moins je continue imperturbablement \u00e0 scanner mes vieux n\u00e9gatifs argentiques. J\u2019ai retrouv\u00e9 toute une s\u00e9rie d\u2019images de P. avec son chien, comment s\u2019appelait-il d\u00e9j\u00e0 \u2026 et bien \u00e7a je l\u2019ai oubli\u00e9. Dans le fond je suis assez heureux de voir que je suis parvenu \u00e0 oublier pas mal de petites choses. Ah oui, toute cette histoire \u00e0 propos de l\u2019imagination, il ne faut pas que j\u2019oublie de dire quelque chose \u00e0 ce sujet. Il faut que je parle de ces visions qui me tombaient dessus deux ou trois fois par jour et qui me faisaient perdre compl\u00e8tement pied. Je crois que j\u2019\u00e9tais parvenu \u00e0 les voir arriver juste un peu avant qu\u2019elles ne d\u00e9boulent. Juste le temps de m\u2019isoler, de m\u2019\u00e9carter des autres suffisamment pour qu\u2019on ne s\u2019interroge pas sur mon comportement \u00e9trange. Donc la vision arrivait par une certaine qualit\u00e9 de lumi\u00e8re , la vue ne se brouillait pas, mais tous les plans s\u2019enchev\u00eatraient, il n\u2019y avait plus de profondeur de champ. Je n\u2019ai jamais trop parler de ces visions, je crois que je n\u2019en ai jamais parl\u00e9 du tout. Si je n\u2019en ai pas parl\u00e9 c\u2019est que j\u2019avais peur de les oublier compl\u00e8tement je crois. Ce qui me fait penser par ricochet \u00e0 tout un tas de choses dont je n\u2019ai encore jamais parl\u00e9 dans ce journal, , ni \u00e0 personne dans la vraie vie. Il y aurait comme une sorte d\u2019instinct de pr\u00e9servation l\u00e0 aussi. Une peur de perdre quelque chose d\u2019important, m\u00eame si toute notion d\u2019importance semble nous avoir abandonn\u00e9, celle l\u00e0 non. Le bon moment. Attendre le bon moment. Y a t\u2019il vraiment un bon moment. Pour que je les \u00e9crive ces visions, que je m\u2019en d\u00e9barrasse d\u2019une certaine mani\u00e8re, en beaut\u00e9 si possible. Peut-\u00eatre que c\u2019est ce mot, la beaut\u00e9 qui me fait prendre parfois un certain retard. Ce ne sera jamais assez beau bien s\u00fbr, ni aussi effroyable que \u00e7a le m\u00e9rite. Parvenir \u00e0 trouver l\u2019harmonie entre les deux, un po\u00e8me.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-05-0012_2.jpg?1748065130", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-mai-2024.html", "title": "16 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:59:59Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Encore un peu de recherche sur la proposition 3 de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture,( comme je l\u2019ai dit dans la j.257)<\/p>\n

Je suis venu jusque ici avec le mot compagnie. Dans mon esprit, ou souvenir, assez secr\u00e8te et enfantine, telle est pour tout ce qu\u2019il m\u2019en reste et par exemple : la compagnie de J\u00e9hu. Certainement dans un feuilleton entrevu \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision. En noir et blanc. Ce qui rend le contraste encore plus fort et l\u2019absence de nuance notable. Beaucoup de noirceur. Je m\u00e9lange cette compagnie l\u00e0 avec plusieurs autres et en toute insouciance, puisque comme je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 dit, rien, rien de rien n\u2019est plus semblable ici \u00e0 une compagnie qu\u2019une autre compagnie. Ainsi, la compagnie des Chemins de Fer, les compagnons de la Chanson, la compagnie des auteurs, la compagnie r\u00e9publicaine de s\u00e9curit\u00e9, la mini\u00e8re, celle des Indes, toutes, \u00e0 cet instant pr\u00e9cis o\u00f9 j\u2019\u00e9cris le mot compagnie, toutes se valent. C\u2019est probablement une erreur logique mais certainement pas de vocabulaire ni de syntaxe. Pourquoi soudain la compagnie de J\u00e9hu, la fameuse « terreur blanche » tellement contre r\u00e9volutionnaire sinon \u00e0 cause de Charles Nodier et Alexandre Dumas, dont j\u2019ai hier rang\u00e9 quelques ouvrages sur une \u00e9tag\u00e8re. On croit que J\u00e9hu, enfin moi je le crus enfant, que c\u2019est une sorte de d\u00e9formation du nom J\u00e9sus. Or d\u2019apr\u00e8s Nodier il s\u2019agirait plut\u00f4t de ce J\u00e9hu \u00e9tant, comme on sait, un roi d\u2019Isra\u00ebl qui avait \u00e9t\u00e9 sacr\u00e9 par \u00c9lis\u00e9e sous la condition de punir les crimes de la maison d\u2019Achab et de J\u00e9zabel, et de mettre \u00e0 mort tous les pr\u00eatres de Baal4 ». ( je laisse l\u2019enti\u00e8ret\u00e9 des liens au cas o\u00f9 l\u2019envie me prenne de les suivre un de ces quatre)<\/p>\n

La marche d\u2019approche n\u00e9cessaire \u00e0 l\u2019\u00e9laboration d\u2019une nouvelle me laisse mi figue mi raisin. En fait je ne suis pas s\u00fbr que ce n\u2019est pas ce que je fais d\u00e9j\u00e0 sans le savoir. Des marches d\u2019approche \u00e0 la pelle et ce depuis des ann\u00e9es. Monsieur Jourdain se frappe le front. Je faisais donc de la prose sans le savoir. Mais comme c\u2019est bien, comme c\u2019est rigolo de visionner le zoom. On se croirait tout \u00e0 fait dans mon atelier de peinture. Le pour, le contre. Entre les deux un ange passe. C\u2019est qu\u2019ils voudraient sans doute une nouvelle vraiment nouvelle comme chez moi ils veulent des chefs d\u2019\u0153uvres vraiment chefs d\u2019\u0153uvres. J\u2019exag\u00e8re ? \u00e0 peine.<\/p>\n

Je cherche une famille. Je n\u2019en trouve pas. Pour r\u00e9gler cette affaire de famille suis bien en peine. Non que je soies sans famille du tout, j\u2019en ai encore quelques bribes par ci par l\u00e0 et aussi celle du c\u00f4t\u00e9 de mon \u00e9pouse. Mais une habitude d\u2019indiff\u00e9rence ou plut\u00f4t l\u2019acceptation finale de ne jamais me trouver viable au sein de n\u2019importe quelle famille m\u2019ayant contraint \u00e0 cette indiff\u00e9rence, me bloque dans l\u2019exercice. C\u2019est comme Nerval qui promet son histoire de livre ou d\u2019Abb\u00e9 \u00e0 son \u00e9diteur et qui ne les trouvent pas. Il explique en feuilleton qu\u2019il ne les trouve pas. Comme c\u2019est charmant. C\u2019est comme \u00e7a peut-\u00eatre, par ce genre de marche d\u2019approche qu\u2019on s\u2019approche du moment de secouer le cocotier.<\/p>\n

« Bardamu me sciait le cul ! Ferdinand taillait \u00e0 tous des costards pure haine, il secouait tellement fort le cocotier que tous les clich\u00e9s d\u00e9gringolaient, il foutait le feu aux poncifs, chiait dans la colle et s\u2019essuyait aux b\u00e9gonias. » — (\u00c9mile Brami, Louis-Ferdinand C\u00e9line : « Je ne suis pas assez m\u00e9chant pour me donner en exemple », \u00c9ditions \u00c9critures, 2003, page 293)<\/p>\n

S\u2019inventer une famille. J\u2019aurais certainement encore bien du mal \u00e0 le faire ; c\u2019est parce que je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 beaucoup fait. Tellement fatiguant rien que d\u2019y penser. Mettre en mot l\u2019indicible m\u00eame sous l\u2019angle le plus bienveillant possible, \u00e9reintant. C\u2019est certainement un beau sujet \u00e0 creuser, la fatigue du mensonge, et l\u2019infranchissable mur d\u2019enceinte d\u2019une hypoth\u00e9tique v\u00e9rit\u00e9. Bien s\u00fbr changer les noms, brouiller les pistes, \u00e7a peut. Mais moi je sais toujours ce qui se cache sous l\u2019invention, ou du moins ce que je veux dire c\u2019est qu\u2019inventer ne r\u00e9sout rien, laisse la plaie dans sa plus grande b\u00e9ance, l\u2019accro\u00eet m\u00eame. Ou la croit semblable parce que tout simplement le m\u00eame s\u2019impose de fa\u00e7on syst\u00e9matique.<\/p>\n

J\u2019ai bien s\u00fbr aper\u00e7u d\u2019autres familles. L\u2019illusion ou le souhait ardent me conduisant \u00e0 souhaiter, \u00e0 m\u2019illusionner qu\u2019elles soient mieux que celle que je connaissais m\u2019aveugla tout autant que la d\u00e9ception, l\u2019effroi, la tristesse de constater ce que fut la mienne. En suis-je parvenu \u00e0 force de t\u00e2tonnements, \u00e0 penser que toutes les familles se valent, \u00e0 m\u2019en convaincre surtout, c\u2019est bien possible.<\/p>\n

Je ne suis pas certain de ne pas abandonner cet exercice tout simplement. D\u00e9crire des choses au travers de l\u2019instance d\u2019une famille ce serait essayer de passer un fil \u00e0 travers le chas d\u2019une aiguille sans lunette et en comptant sur la chance. Or la chance se pr\u00e9pare, je n\u2019ai rien pr\u00e9par\u00e9, suis pris au d\u00e9pourvu.<\/p>\n

Est-ce que pour autant je hais la famille, non. Elle ressemble plut\u00f4t \u00e0 l\u2019un de ces vieux exercices de math\u00e9matique qu\u2019on laisse en plan, n\u2019arrivant pas le r\u00e9soudre. Dehors il fait beau, on n\u2019a pas envie de rester enferm\u00e9, on referme la cahier, on court vers la porte, on d\u00e9vale le grand escalier, on touche enfin la terre ferme, et on prend les jambes \u00e0 son cou.<\/p>", "content_text": "Encore un peu de recherche sur la proposition 3 de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture,( comme je l\u2019ai dit dans la j.257) Je suis venu jusque ici avec le mot compagnie. Dans mon esprit, ou souvenir, assez secr\u00e8te et enfantine, telle est pour tout ce qu\u2019il m\u2019en reste et par exemple : la compagnie de J\u00e9hu. Certainement dans un feuilleton entrevu \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision. En noir et blanc. Ce qui rend le contraste encore plus fort et l\u2019absence de nuance notable. Beaucoup de noirceur. Je m\u00e9lange cette compagnie l\u00e0 avec plusieurs autres et en toute insouciance, puisque comme je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 dit, rien, rien de rien n\u2019est plus semblable ici \u00e0 une compagnie qu\u2019une autre compagnie. Ainsi, la compagnie des Chemins de Fer, les compagnons de la Chanson, la compagnie des auteurs, la compagnie r\u00e9publicaine de s\u00e9curit\u00e9, la mini\u00e8re, celle des Indes, toutes, \u00e0 cet instant pr\u00e9cis o\u00f9 j\u2019\u00e9cris le mot compagnie, toutes se valent. C\u2019est probablement une erreur logique mais certainement pas de vocabulaire ni de syntaxe. Pourquoi soudain la compagnie de J\u00e9hu, la fameuse \u00ab terreur blanche \u00bb tellement contre r\u00e9volutionnaire sinon \u00e0 cause de Charles Nodier et Alexandre Dumas, dont j\u2019ai hier rang\u00e9 quelques ouvrages sur une \u00e9tag\u00e8re. On croit que J\u00e9hu, enfin moi je le crus enfant, que c\u2019est une sorte de d\u00e9formation du nom J\u00e9sus. Or d\u2019apr\u00e8s Nodier il s\u2019agirait plut\u00f4t de ce J\u00e9hu \u00e9tant, comme on sait, un roi d\u2019Isra\u00ebl qui avait \u00e9t\u00e9 sacr\u00e9 par \u00c9lis\u00e9e sous la condition de punir les crimes de la maison d\u2019Achab et de J\u00e9zabel, et de mettre \u00e0 mort tous les pr\u00eatres de Baal4\u00bb. ( je laisse l\u2019enti\u00e8ret\u00e9 des liens au cas o\u00f9 l\u2019envie me prenne de les suivre un de ces quatre) La marche d\u2019approche n\u00e9cessaire \u00e0 l\u2019\u00e9laboration d\u2019une nouvelle me laisse mi figue mi raisin. En fait je ne suis pas s\u00fbr que ce n\u2019est pas ce que je fais d\u00e9j\u00e0 sans le savoir. Des marches d\u2019approche \u00e0 la pelle et ce depuis des ann\u00e9es. Monsieur Jourdain se frappe le front. Je faisais donc de la prose sans le savoir. Mais comme c\u2019est bien, comme c\u2019est rigolo de visionner le zoom. On se croirait tout \u00e0 fait dans mon atelier de peinture. Le pour, le contre. Entre les deux un ange passe. C\u2019est qu\u2019ils voudraient sans doute une nouvelle vraiment nouvelle comme chez moi ils veulent des chefs d\u2019\u0153uvres vraiment chefs d\u2019\u0153uvres. J\u2019exag\u00e8re ? \u00e0 peine. Je cherche une famille. Je n\u2019en trouve pas. Pour r\u00e9gler cette affaire de famille suis bien en peine. Non que je soies sans famille du tout, j\u2019en ai encore quelques bribes par ci par l\u00e0 et aussi celle du c\u00f4t\u00e9 de mon \u00e9pouse. Mais une habitude d\u2019indiff\u00e9rence ou plut\u00f4t l\u2019acceptation finale de ne jamais me trouver viable au sein de n\u2019importe quelle famille m\u2019ayant contraint \u00e0 cette indiff\u00e9rence, me bloque dans l\u2019exercice. C\u2019est comme Nerval qui promet son histoire de livre ou d\u2019Abb\u00e9 \u00e0 son \u00e9diteur et qui ne les trouvent pas. Il explique en feuilleton qu\u2019il ne les trouve pas. Comme c\u2019est charmant. C\u2019est comme \u00e7a peut-\u00eatre, par ce genre de marche d\u2019approche qu\u2019on s\u2019approche du moment de secouer le cocotier. \u00ab Bardamu me sciait le cul ! Ferdinand taillait \u00e0 tous des costards pure haine, il secouait tellement fort le cocotier que tous les clich\u00e9s d\u00e9gringolaient, il foutait le feu aux poncifs, chiait dans la colle et s\u2019essuyait aux b\u00e9gonias. \u00bb \u2014 (\u00c9mile Brami, Louis-Ferdinand C\u00e9line : \u00ab Je ne suis pas assez m\u00e9chant pour me donner en exemple \u00bb, \u00c9ditions \u00c9critures, 2003, page 293) S\u2019inventer une famille. J\u2019aurais certainement encore bien du mal \u00e0 le faire; c\u2019est parce que je l\u2019ai d\u00e9j\u00e0 beaucoup fait. Tellement fatiguant rien que d\u2019y penser. Mettre en mot l\u2019indicible m\u00eame sous l\u2019angle le plus bienveillant possible, \u00e9reintant. C\u2019est certainement un beau sujet \u00e0 creuser, la fatigue du mensonge, et l\u2019infranchissable mur d\u2019enceinte d\u2019une hypoth\u00e9tique v\u00e9rit\u00e9. Bien s\u00fbr changer les noms, brouiller les pistes, \u00e7a peut. Mais moi je sais toujours ce qui se cache sous l\u2019invention, ou du moins ce que je veux dire c\u2019est qu\u2019inventer ne r\u00e9sout rien, laisse la plaie dans sa plus grande b\u00e9ance, l\u2019accro\u00eet m\u00eame. Ou la croit semblable parce que tout simplement le m\u00eame s\u2019impose de fa\u00e7on syst\u00e9matique. J\u2019ai bien s\u00fbr aper\u00e7u d\u2019autres familles. L\u2019illusion ou le souhait ardent me conduisant \u00e0 souhaiter, \u00e0 m\u2019illusionner qu\u2019elles soient mieux que celle que je connaissais m\u2019aveugla tout autant que la d\u00e9ception, l\u2019effroi, la tristesse de constater ce que fut la mienne. En suis-je parvenu \u00e0 force de t\u00e2tonnements, \u00e0 penser que toutes les familles se valent, \u00e0 m\u2019en convaincre surtout, c\u2019est bien possible. Je ne suis pas certain de ne pas abandonner cet exercice tout simplement. D\u00e9crire des choses au travers de l\u2019instance d\u2019une famille ce serait essayer de passer un fil \u00e0 travers le chas d\u2019une aiguille sans lunette et en comptant sur la chance. Or la chance se pr\u00e9pare, je n\u2019ai rien pr\u00e9par\u00e9, suis pris au d\u00e9pourvu. Est-ce que pour autant je hais la famille, non. Elle ressemble plut\u00f4t \u00e0 l\u2019un de ces vieux exercices de math\u00e9matique qu\u2019on laisse en plan, n\u2019arrivant pas le r\u00e9soudre. Dehors il fait beau, on n\u2019a pas envie de rester enferm\u00e9, on referme la cahier, on court vers la porte, on d\u00e9vale le grand escalier, on touche enfin la terre ferme, et on prend les jambes \u00e0 son cou. 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Atelier d\u2019\u00e9criture, la fameuse proposition 3 de la boucle 2.<\/p>\n

A propos de la d\u00e9marche de Gertrude Stein. J\u2019ai tout d\u2019abord essay\u00e9 de lister les diff\u00e9rents processus qu\u2019elle utilise comme la r\u00e9p\u00e9tition, la fragmentation, le flux de conscience abolissant la structure et la ponctuation traditionnelles, l\u2019effacement des fronti\u00e8res entre sujet et objet, surtout visible quand G.S. d\u00e9crit les interactions et similitudes entre les personnes, l\u2019exploration de l\u2019identit\u00e9 dans ce quelle peut contenir \u00e0 la fois de commun et d\u2019unique, l\u2019oscillation entre l\u2019abstraction et le concret, l\u2019utilisation de la syntaxe si personnelle qui veut rendre compte de l\u2019absence de lin\u00e9arit\u00e9 de la pens\u00e9e, les diff\u00e9rents angles avec quoi elle pr\u00e9sente ses personnages, en utilisant notamment la comparaison ce qui cr\u00e9e des images plus nuanc\u00e9es et compl\u00e8tes des individus tout en soulignant les th\u00e8mes de similarit\u00e9 et de diff\u00e9rence ;<\/p>\n

A propos de l\u2019usage de la r\u00e9p\u00e9tition, « Depuis le d\u00e9but, tout ce qui vit est pour moi de la r\u00e9p\u00e9tition » dit-elle (Au moment de parler de Martha Hersland\u2026 »<\/p>\n

Je suis tout \u00e0 fait d\u2019accord avec l\u2019irritation qu\u2019elle \u00e9voque. La r\u00e9p\u00e9tition subie est un r\u00e9el probl\u00e8me. Dans ce cas utiliser cette r\u00e9p\u00e9tition pour exorciser la r\u00e9p\u00e9tition est une d\u00e9marche plut\u00f4t int\u00e9ressante. Ne l\u2019ai-je pas exp\u00e9riment\u00e9 mille fois. Dans tous ces boulots alimentaires notamment, o\u00f9 chaque journ\u00e9e se ressemble, o\u00f9 chaque parole \u00e9chang\u00e9e avec les coll\u00e8gues de travail est la m\u00eame qu\u2019hier et semblable demain. Cette sensation d\u2019\u00eatre coinc\u00e9 dans une effarante bouche de r\u00e9p\u00e9titions perp\u00e9tuelles, nous avons deux fa\u00e7ons de l\u2019appr\u00e9hender, en la subissant, comme une donn\u00e9e incontournable de l\u2019existence, ou de l\u2019\u00eatre, quelque chose d\u2019ontologique, contre quoi nous ne pouvons rien, qui sera toujours beaucoup plus forte que notre individualit\u00e9 ou soit nous pouvons chercher, \u00e0 travers les micro changements dans lesquels s\u2019op\u00e8re la r\u00e9p\u00e9tition, une fluctuation subtile, peut-\u00eatre une po\u00e9sie. Et la trouver ou l\u2019inventer est du domaine des petites victoires personnelles contre l\u2019apparence, le r\u00e9el, le commun dans ce que ces mots rec\u00e8lent de d\u00e9finitif la plupart du temps, pour la plupart d\u2019entre nous.<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Il y a ainsi une sorte de jeu \u00e0 se servir de la r\u00e9p\u00e9tition contre la r\u00e9p\u00e9tition, \u00e0 l\u2019amener \u00e0 une fr\u00e9quence de subtilit\u00e9 qui ressemble \u00e0 un nouveau monde. D\u00e9couvrir la possibilit\u00e9 d\u2019user ainsi de la r\u00e9p\u00e9tition est une d\u00e9couverte de l\u2019Am\u00e9rique, tout aussi excitante que la v\u00e9ritable d\u00e9couverte de l\u2019Am\u00e9rique. A n\u2019en pas douter.<\/p>\n

Toutes les familles sont rang\u00e9es sous l\u2019appellation famille, c\u2019est un fait. Rien ne ressemble plus au mot famille que le mot famille. Le groupe n\u2019est pas du m\u00eame ordre, mais rien ne ressemble plus \u00e0 un groupe qu\u2019un autre groupe au sein m\u00eame d\u2019une phrase. Il y a de ces mots communs qui irritent tant ils sont communs. Ils irritent, puis ensuite, personnellement, ils me fatiguent. On est bien oblig\u00e9 d\u2019utiliser ce mat\u00e9riel commun, de le secouer dans tous les sens pour examiner ce qu\u2019il en ressort. La plupart du temps il est fatiguant de constater qu\u2019il n\u2019en ressort que du commun. Est-ce que ce qui est v\u00e9ritablement fatiguant et irritant c\u2019est notre fantasme de vouloir d\u00e9gager quelque chose d\u2019autre du commun, de l\u2019individuel, c\u2019est possible, et alors, dans ce cas, c\u2019est cette confrontation permanente entre individuel et commun qui est la source de l\u2019irritation comme de la fatigue.<\/p>\n

Pour \u00e9crire j\u2019utilise souvent cette possibilit\u00e9 du flux de conscience, une id\u00e9e surgit et je l\u2019\u00e9cris, je ne sais m\u00eame pas si je vais aller au bout de cette id\u00e9e car d\u00e9j\u00e0 une autre se greffe sur la premi\u00e8re et je la suis tout \u00e0 fait de bon c\u0153ur, je pr\u00e9f\u00e8re dire de bon c\u0153ur que servilement. Enfin je n\u2019ai pas l\u2019air d\u2019\u00eatre attach\u00e9 \u00e0 une id\u00e9e, j\u2019ai plus l\u2019impression d\u2019\u00eatre travers\u00e9 par toutes ces id\u00e9es, de mani\u00e8re assez passive en apparence mais je pr\u00e9f\u00e8re dire accueillante, il faut bien le dire. Les difficult\u00e9s de ponctuation traditionnelle ou de logique structurelles ne me paraissent pas suffisamment importantes pour que je pr\u00e9f\u00e8re m\u2019y attacher, je suis plut\u00f4t ce flux de conscience, cette r\u00e9p\u00e9tition qui ne cesse de s\u2019\u00e9couler sur le papier, mais aussi toute la sainte journ\u00e9e dans mon esprit.<\/p>\n

Ainsi je tourne autour de cette proposition d\u2019\u00e9criture exactement comme Gertrude Stein tourne autour de son personnage : Martha Hersland. Moi j\u2019\u00e9cris : Je vais vous parler de la famille, mais avant de vous parler de la famille je vais vous dire comme j\u2019en suis venu \u00e0 me dire qu\u2019il serait souhaitable que je vous parle de la famille. Comment c\u2019\u00e9tait aussi souhaitable que d\u00e9sesp\u00e9rant, avec toute la gamme des poncifs des clich\u00e9s des r\u00e9p\u00e9titions de l\u2019un \u00e0 l\u2019autre. J\u2019en suis venu \u00e0 me le dire lorsque j\u2019ai d\u00e9couvert \u00e0 quel point la famille, ce mot est un mot irritant et fatiguant, un mot commun si commun que j\u2019ai toujours \u00e9prouv\u00e9 un mal de chien \u00e0 ne pas le laisser glisser comme la plupart des gens dans le commun. A d\u00e9sirer en faire quelque chose d\u2019individuel, d\u2019extraordinaire m\u00eame, d\u2019effroyable vraiment ou de merveilleux autant que possible.<\/p>\n

Puis vient la question de savoir si c\u2019est du lard ou du cochon, \u00e9videmment. Est-ce que ce que j\u2019\u00e9cris plus haut \u00e0 quelque chose \u00e0 voir avec cette proposition d\u2019\u00e9criture, ou pas du tout. Est-ce que c\u2019est bien, pas bien, est-ce que c\u2019est noir ou blanc etc . Binaire , comme d\u2019habitude Ce qui me fait penser que la r\u00e9p\u00e9tition est une chose, mais que la peur de la r\u00e9p\u00e9tition est une autre chose.<\/p>", "content_text": "Atelier d\u2019\u00e9criture, la fameuse proposition 3 de la boucle 2. A propos de la d\u00e9marche de Gertrude Stein. 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Cette sensation d\u2019\u00eatre coinc\u00e9 dans une effarante bouche de r\u00e9p\u00e9titions perp\u00e9tuelles, nous avons deux fa\u00e7ons de l\u2019appr\u00e9hender, en la subissant, comme une donn\u00e9e incontournable de l\u2019existence, ou de l\u2019\u00eatre, quelque chose d\u2019ontologique, contre quoi nous ne pouvons rien, qui sera toujours beaucoup plus forte que notre individualit\u00e9 ou soit nous pouvons chercher, \u00e0 travers les micro changements dans lesquels s\u2019op\u00e8re la r\u00e9p\u00e9tition, une fluctuation subtile, peut-\u00eatre une po\u00e9sie. Et la trouver ou l\u2019inventer est du domaine des petites victoires personnelles contre l\u2019apparence, le r\u00e9el, le commun dans ce que ces mots rec\u00e8lent de d\u00e9finitif la plupart du temps, pour la plupart d\u2019entre nous. Il y a ainsi une sorte de jeu \u00e0 se servir de la r\u00e9p\u00e9tition contre la r\u00e9p\u00e9tition, \u00e0 l\u2019amener \u00e0 une fr\u00e9quence de subtilit\u00e9 qui ressemble \u00e0 un nouveau monde. D\u00e9couvrir la possibilit\u00e9 d\u2019user ainsi de la r\u00e9p\u00e9tition est une d\u00e9couverte de l\u2019Am\u00e9rique, tout aussi excitante que la v\u00e9ritable d\u00e9couverte de l\u2019Am\u00e9rique. A n\u2019en pas douter. Toutes les familles sont rang\u00e9es sous l\u2019appellation famille, c\u2019est un fait. Rien ne ressemble plus au mot famille que le mot famille. Le groupe n\u2019est pas du m\u00eame ordre, mais rien ne ressemble plus \u00e0 un groupe qu\u2019un autre groupe au sein m\u00eame d\u2019une phrase. Il y a de ces mots communs qui irritent tant ils sont communs. Ils irritent, puis ensuite, personnellement, ils me fatiguent. On est bien oblig\u00e9 d\u2019utiliser ce mat\u00e9riel commun, de le secouer dans tous les sens pour examiner ce qu\u2019il en ressort. La plupart du temps il est fatiguant de constater qu\u2019il n\u2019en ressort que du commun. Est-ce que ce qui est v\u00e9ritablement fatiguant et irritant c\u2019est notre fantasme de vouloir d\u00e9gager quelque chose d\u2019autre du commun, de l\u2019individuel, c\u2019est possible, et alors, dans ce cas, c\u2019est cette confrontation permanente entre individuel et commun qui est la source de l\u2019irritation comme de la fatigue. Pour \u00e9crire j\u2019utilise souvent cette possibilit\u00e9 du flux de conscience, une id\u00e9e surgit et je l\u2019\u00e9cris, je ne sais m\u00eame pas si je vais aller au bout de cette id\u00e9e car d\u00e9j\u00e0 une autre se greffe sur la premi\u00e8re et je la suis tout \u00e0 fait de bon c\u0153ur, je pr\u00e9f\u00e8re dire de bon c\u0153ur que servilement. Enfin je n\u2019ai pas l\u2019air d\u2019\u00eatre attach\u00e9 \u00e0 une id\u00e9e, j\u2019ai plus l\u2019impression d\u2019\u00eatre travers\u00e9 par toutes ces id\u00e9es, de mani\u00e8re assez passive en apparence mais je pr\u00e9f\u00e8re dire accueillante, il faut bien le dire. Les difficult\u00e9s de ponctuation traditionnelle ou de logique structurelles ne me paraissent pas suffisamment importantes pour que je pr\u00e9f\u00e8re m\u2019y attacher, je suis plut\u00f4t ce flux de conscience, cette r\u00e9p\u00e9tition qui ne cesse de s\u2019\u00e9couler sur le papier, mais aussi toute la sainte journ\u00e9e dans mon esprit. Ainsi je tourne autour de cette proposition d\u2019\u00e9criture exactement comme Gertrude Stein tourne autour de son personnage : Martha Hersland. Moi j\u2019\u00e9cris : Je vais vous parler de la famille, mais avant de vous parler de la famille je vais vous dire comme j\u2019en suis venu \u00e0 me dire qu\u2019il serait souhaitable que je vous parle de la famille. Comment c\u2019\u00e9tait aussi souhaitable que d\u00e9sesp\u00e9rant, avec toute la gamme des poncifs des clich\u00e9s des r\u00e9p\u00e9titions de l\u2019un \u00e0 l\u2019autre. J\u2019en suis venu \u00e0 me le dire lorsque j\u2019ai d\u00e9couvert \u00e0 quel point la famille, ce mot est un mot irritant et fatiguant, un mot commun si commun que j\u2019ai toujours \u00e9prouv\u00e9 un mal de chien \u00e0 ne pas le laisser glisser comme la plupart des gens dans le commun. A d\u00e9sirer en faire quelque chose d\u2019individuel, d\u2019extraordinaire m\u00eame, d\u2019effroyable vraiment ou de merveilleux autant que possible. Puis vient la question de savoir si c\u2019est du lard ou du cochon, \u00e9videmment. 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La nuit \u00e0 Paris, ces longues marches qu\u2019il faisait la nuit dans Paris, il cherchait quelque chose, je crois que c\u2019est \u00e7a, il cherchait quelque chose mais ce n\u2019\u00e9tait jamais \u00e7a. Et m\u00eame quand \u00e7a s\u2019en rapprochait, ce n\u2019\u00e9tait pas \u00e7a. C\u2019\u00e9tait \u00e7a qui le faisait marcher la nuit dans la ville, il essayait de savoir ce que \u00e7a pouvait \u00eatre. Il photographiait au petit bonheur la chance, \u00e0 vitesse lente, souvent en dessous du 15 \u00e8me de seconde, il imaginait que \u00e7a avait quelque chose \u00e0 voir avec le temps, qu\u2019\u00e0 basse vitesse il y aurait plus de chance, que \u00e7a pourrait se retrouver emprisonn\u00e9 dans la cellulo\u00efd, nitrate de cellulose, camphre, sels d\u2019argent. Je me souviens que de cette m\u00e9thode il \u00e9tait assez fier, c\u2019\u00e9tait sa m\u00e9thode \u00e0 lui. Personne ne s\u2019amusait \u00e0 g\u00e2cher du film ainsi. En g\u00e9n\u00e9ral la plupart des gens savaient ce qu\u2019ils voulaient. C\u2019est ce qu\u2019il pensait. Il ne se posait pas la question de savoir s\u2019il pensait \u00e0 tort ou \u00e0 raison ce genre de chose. Les gens savaient toujours mieux que lui ce qu\u2019ils voulaient. On leur avait suffisamment pr\u00e9par\u00e9 le terrain pour savoir ce que l\u2019on \u00e9tait sens\u00e9 vouloir ou pas. D\u2019ailleurs pour en revenir \u00e0 la photographie, une bonne photographie n\u00e9cessitait certains crit\u00e8res, composition, valeurs, contrastes, sans oublier l\u2019essentiel : un sujet, un th\u00e8me, un pr\u00e9texte. Mais lui je crois qu\u2019il s\u2019en fichait de ces crit\u00e8res l\u00e0, il cherchait quelque chose d\u2019autre, et qui n\u2019avait rien \u00e0 voir avec \u00e7a, avec ces choses l\u00e0. Il d\u00e9sirait ardemment quelque chose, dans la nuit, dans le noir, sans trop de lumi\u00e8re si possible. Je ne me souviens pas qu\u2019il eut envie de composer avec tout \u00e7a, pas plus que de mettre de l\u2019eau dans son vin. Pour lui c\u2019\u00e9tait un ensemble. Voil\u00e0, je crois que c\u2019est ce mot l\u00e0, un ensemble, le fait de sortir la nuit, de marcher dans la ville, de ne pas savoir o\u00f9 aller, et de temps \u00e0 autre, \u00e0 vitesse basse appuyer sur le d\u00e9clencheur au petit bonheur la chance. Il ne savait pas si c\u2019\u00e9tait \u00e7a, il faisait tout pour que \u00e7a ne soit pas \u00e7a. Et au bout du compte, mais longtemps apr\u00e8s on se rendit compte, toute la bande qu\u2019il n\u2019avait pas si tort que nous le pensions. En fait c\u2019\u00e9tait \u00e7a, on ne pouvait pas voir \u00e0 ce moment l\u00e0.<\/p>\n

Voil\u00e0 pour l\u2019effort litt\u00e9raire. Faire des efforts un peu chaque jour jusqu\u2019\u00e0 ne plus en faire. Encore une m\u00e9thode. Mais elle ne lui appartenait pas, elle se transmet de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration cette m\u00e9thode, elle a fait ses preuves. Et pas qu\u2019un peu.<\/p>\n

Hier encore des palabres incessantes concernant l\u2019atelier de peinture \u00e0 C. Aucune envie de me justifier. Parfois j\u2019ai cette sensation \u00e9trange de me retrouver crucifi\u00e9, mais \u00e9videmment, pas en tant que J.C, je ne suis pas cingl\u00e9 \u00e0 ce point l\u00e0. Non un acolyte de Barabas plut\u00f4t anonyme, quelqu\u2019un qui se serait fait prendre la main dans le sac et qui doit payer pour \u00e7a. On ne remet pas en question l\u2019existence du sac, de la main, de l\u2019acte, de l\u2019interdit. et c\u2019est pour cette raison qu\u2019il faut des croix, des crucifi\u00e9s, rien n\u2019a chang\u00e9 sur ce point depuis le Golgotha. Ce que j\u2019ai toujours un mal de chien \u00e0 comprendre c\u2019est la docilit\u00e9 avec laquelle la plupart se couche au pied d\u2019un ma\u00eetre pour lui mordre ensuite la main quelques instants plus tard. Comme si de fa\u00e7on binaire une logique en ressortait, une logique rassurante. Du coup je l\u2019ai dit \u00e0 haute voix, c\u2019est venu d\u2019un coup : tout ce qui est binaire m\u2019emmerde, puis j\u2019ai tourn\u00e9 les talons. Il devait pleuvoir, mais il n\u2019a pas plu, j\u2019ai baiss\u00e9 la vitre car il faisait m\u00eame chaud, et j\u2019ai \u00e9cout\u00e9 la proposition d\u2019\u00e9criture sur la notion de famille, d\u2019apr\u00e8s Les am\u00e9ricains de G. Stein. L\u2019instance de la famille, je me suis pos\u00e9 la question. O\u00f9 j\u2019en suis sur ce sujet ? C\u2019\u00e9tait plut\u00f4t douloureux, alors je me suis mis \u00e0 rager contre la proposition en sourdine, puis je crois que j\u2019ai song\u00e9 \u00e0 autre chose. Quoi ? je ne m\u2019en souviens plus.<\/p>", "content_text": "La nuit \u00e0 Paris, ces longues marches qu\u2019il faisait la nuit dans Paris, il cherchait quelque chose, je crois que c\u2019est \u00e7a, il cherchait quelque chose mais ce n\u2019\u00e9tait jamais \u00e7a. Et m\u00eame quand \u00e7a s\u2019en rapprochait, ce n\u2019\u00e9tait pas \u00e7a. C\u2019\u00e9tait \u00e7a qui le faisait marcher la nuit dans la ville, il essayait de savoir ce que \u00e7a pouvait \u00eatre. Il photographiait au petit bonheur la chance, \u00e0 vitesse lente, souvent en dessous du 15 \u00e8me de seconde, il imaginait que \u00e7a avait quelque chose \u00e0 voir avec le temps, qu\u2019\u00e0 basse vitesse il y aurait plus de chance, que \u00e7a pourrait se retrouver emprisonn\u00e9 dans la cellulo\u00efd, nitrate de cellulose, camphre, sels d\u2019argent. Je me souviens que de cette m\u00e9thode il \u00e9tait assez fier, c\u2019\u00e9tait sa m\u00e9thode \u00e0 lui. Personne ne s\u2019amusait \u00e0 g\u00e2cher du film ainsi. En g\u00e9n\u00e9ral la plupart des gens savaient ce qu\u2019ils voulaient. C\u2019est ce qu\u2019il pensait. Il ne se posait pas la question de savoir s\u2019il pensait \u00e0 tort ou \u00e0 raison ce genre de chose. Les gens savaient toujours mieux que lui ce qu\u2019ils voulaient. On leur avait suffisamment pr\u00e9par\u00e9 le terrain pour savoir ce que l\u2019on \u00e9tait sens\u00e9 vouloir ou pas. D\u2019ailleurs pour en revenir \u00e0 la photographie, une bonne photographie n\u00e9cessitait certains crit\u00e8res, composition, valeurs, contrastes, sans oublier l\u2019essentiel : un sujet, un th\u00e8me, un pr\u00e9texte. Mais lui je crois qu\u2019il s\u2019en fichait de ces crit\u00e8res l\u00e0, il cherchait quelque chose d\u2019autre, et qui n\u2019avait rien \u00e0 voir avec \u00e7a, avec ces choses l\u00e0. Il d\u00e9sirait ardemment quelque chose, dans la nuit, dans le noir, sans trop de lumi\u00e8re si possible. Je ne me souviens pas qu\u2019il eut envie de composer avec tout \u00e7a, pas plus que de mettre de l\u2019eau dans son vin. Pour lui c\u2019\u00e9tait un ensemble. Voil\u00e0, je crois que c\u2019est ce mot l\u00e0, un ensemble, le fait de sortir la nuit, de marcher dans la ville, de ne pas savoir o\u00f9 aller, et de temps \u00e0 autre, \u00e0 vitesse basse appuyer sur le d\u00e9clencheur au petit bonheur la chance. Il ne savait pas si c\u2019\u00e9tait \u00e7a, il faisait tout pour que \u00e7a ne soit pas \u00e7a. Et au bout du compte, mais longtemps apr\u00e8s on se rendit compte, toute la bande qu\u2019il n\u2019avait pas si tort que nous le pensions. En fait c\u2019\u00e9tait \u00e7a, on ne pouvait pas voir \u00e0 ce moment l\u00e0. Voil\u00e0 pour l\u2019effort litt\u00e9raire. Faire des efforts un peu chaque jour jusqu\u2019\u00e0 ne plus en faire. Encore une m\u00e9thode. Mais elle ne lui appartenait pas, elle se transmet de g\u00e9n\u00e9ration en g\u00e9n\u00e9ration cette m\u00e9thode, elle a fait ses preuves. Et pas qu\u2019un peu. Hier encore des palabres incessantes concernant l\u2019atelier de peinture \u00e0 C. Aucune envie de me justifier. Parfois j\u2019ai cette sensation \u00e9trange de me retrouver crucifi\u00e9, mais \u00e9videmment, pas en tant que J.C, je ne suis pas cingl\u00e9 \u00e0 ce point l\u00e0. Non un acolyte de Barabas plut\u00f4t anonyme, quelqu\u2019un qui se serait fait prendre la main dans le sac et qui doit payer pour \u00e7a. On ne remet pas en question l\u2019existence du sac, de la main, de l\u2019acte, de l\u2019interdit. et c\u2019est pour cette raison qu\u2019il faut des croix, des crucifi\u00e9s, rien n\u2019a chang\u00e9 sur ce point depuis le Golgotha. Ce que j\u2019ai toujours un mal de chien \u00e0 comprendre c\u2019est la docilit\u00e9 avec laquelle la plupart se couche au pied d\u2019un ma\u00eetre pour lui mordre ensuite la main quelques instants plus tard. Comme si de fa\u00e7on binaire une logique en ressortait, une logique rassurante. Du coup je l\u2019ai dit \u00e0 haute voix, c\u2019est venu d\u2019un coup : tout ce qui est binaire m\u2019emmerde, puis j\u2019ai tourn\u00e9 les talons. Il devait pleuvoir, mais il n\u2019a pas plu, j\u2019ai baiss\u00e9 la vitre car il faisait m\u00eame chaud, et j\u2019ai \u00e9cout\u00e9 la proposition d\u2019\u00e9criture sur la notion de famille, d\u2019apr\u00e8s Les am\u00e9ricains de G. Stein. L\u2019instance de la famille, je me suis pos\u00e9 la question. O\u00f9 j\u2019en suis sur ce sujet ? C\u2019\u00e9tait plut\u00f4t douloureux, alors je me suis mis \u00e0 rager contre la proposition en sourdine, puis je crois que j\u2019ai song\u00e9 \u00e0 autre chose. Quoi ? je ne m\u2019en souviens plus.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-05-0014.jpg?1748065098", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-mai-2024.html", "title": "13 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:55:45Z", "date_modified": "2025-09-18T15:41:17Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

J\u2019ai r\u00eav\u00e9 d\u2019une \u00e9ponge pleine de trous, et presque aussit\u00f4t, une certitude \u00e9trange m\u2019a envahi : tous ces trous \u00e9taient parfaitement align\u00e9s. Et j\u2019imagine, \u00e0 mesure que l\u2019\u00e9ponge se dilate, elle dessine une courbe impeccable, comme si chaque trou connaissait sa place, fix\u00e9e par une r\u00e8gle invisible. Cette distance constante entre eux, c\u2019est ce qui permet \u00e0 l\u2019\u00e9ponge de grandir sans jamais se perdre.<\/p>\n

Est-ce que la vie ressemble \u00e0 une \u00e9ponge ou \u00e0 une peau de chagrin ? Trouver la bonne distance avec les autres n\u2019est pas une mince affaire. Trop proche, et on risque de se perdre soi-m\u00eame ; trop loin, et c\u2019est la solitude qui s\u2019installe. Ma grand-m\u00e8re estonienne parlait souvent du « juste milieu », et aujourd\u2019hui, je pense comprendre ce qu\u2019elle voulait dire. C\u2019est un peu comme marcher sur un fil tendu entre deux tours : il faut un \u00e9quilibre parfait pour ne pas chuter.<\/p>\n

Pour jouer au savant je pourrais dire que je retrouve un \u00e9cho \u00e0 ce que les bouddhistes appellent « la voie du milieu » \u2013 cette id\u00e9e de balance, de ne pencher ni trop d\u2019un c\u00f4t\u00e9, ni trop de l\u2019autre. Peut-\u00eatre est-ce cette r\u00e8gle secr\u00e8te, cette distance jamais modifi\u00e9e entre les trous de l\u2019\u00e9ponge, qui nous aide \u00e0 nous dilater, \u00e0 grandir sans dispara\u00eetre.<\/p>\n

L\u2019\u00e9nergie noire pousse les galaxies \u00e0 s\u2019\u00e9loigner de fa\u00e7on croissante les unes des autres mais le rapport est conserv\u00e9. Il faut un puissant t\u00e9lescope pour l\u2019observer. Mais ma vie est tout \u00e0 fait comme celle d\u2019un univers, les choses s\u2019\u00e9loignent, les souvenirs de ces choses \u00e9galement, tout comme la prise de conscience \u00e0 \u00e9tage de leur oubli ; mais le rapport, la relation de l\u2019une \u00e0 l\u2019un de l\u2019un aux autres , dans une partie secr\u00e8te, myst\u00e9rieuse de moi-m\u00eame, restent inchang\u00e9s. Est-ce que c\u2019est ainsi que l\u2019on maintient en soi le fantasme de l\u2019infini comme celui de l\u2019\u00e9ternit\u00e9 ?<\/p>\n

E. ne mange presque plus rien, elle oublie de plus en plus et jusqu\u2019\u00e0 ces chers souvenirs de Marengo. Avons feuillet\u00e9 un album photo, elle reconnaissait \u00e0 peine les visages, heureusement que les l\u00e9gendes permettaient de s\u2019y retrouver. Et comme \u00e0 chaque fois les fils de la t\u00e9l\u00e9 sont d\u00e9branch\u00e9s. C\u2019est \u00e0 cause de la lumi\u00e8re rouge, elle ne peut supporter l\u2019id\u00e9e d\u2019un appareil en veille.<\/p>\n

Peut-\u00eatre que ce journal ne devrait servir qu\u2019\u00e0 cela. Servirait-il \u00e0 cela , il serait au moins utile. A se souvenir. Si je croyais au souvenir, il servirait \u00e0 se souvenir. T\u00e9l\u00e9charg\u00e9 Je suis Providence de S.T. Joshi sur Anna\u2019s archive que je peux d\u00e9sormais lire sur l\u2019excellent Foliate d\u00e9couvert r\u00e9cemment sur les snaps de Ubuntu<\/p>\n

Rappel de quelques commandes de base :<\/p>\n

Installer un Snap : sudo snap install [nom_du_snap]
\nLister les Snaps Install\u00e9s : snap list
\nMettre \u00e0 Jour Tous les Snaps : sudo snap refresh
\nSupprimer un Snap : sudo snap remove [nom_du_snap]
\nMais d\u00e9j\u00e0 beaucoup trop de mati\u00e8re. Voil\u00e0 comment on invente un souvenir \u00e0 venir. On ne se rappellera sans doute pas de cela dans moins d\u2019un mois, mais de l\u2019odeur de la pluie m\u00e9lang\u00e9e \u00e0 celle que d\u00e9gage parfois l\u2019ancienne \u00e9curie, l\u2019odeur des chevaux fant\u00f4mes, tout comme parfois l\u2019odeur du p\u00e8re quand je monte au grenier par l\u2019\u00e9chelle escamotable. Cette r\u00e9flexion qui accompagne l\u2019exercice, en profiter pleinement pendant qu\u2019on peut encore le faire.<\/p>\n

J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 rep\u00e9r\u00e9 que ce dont on se souvient le moins c\u2019est ce dont on pense au moment o\u00f9 l\u2019on y pense qu\u2019il soit indispensable de se souvenir. Sauf que ce qui nous appara\u00eet indispensable est souvent une posture issue de l\u2019air du temps, de la digestion, etc etc.<\/p>\n

Int\u00e9ressante r\u00e9flexion sur l\u2019id\u00e9e qu\u2019une phrase ne doit pas \u00eatre \u00e9motionnelle, elle ne l\u2019est pas, le paragraphe si. (G. Stein. how to write ) Et aussi l\u2019emploi du terme bassin de vocabulaire. Ce qui me fait aussit\u00f4t associer petit et grand bassin \u00e0 la piscine municipale de \u2026 ? La sensation d\u00e9sagr\u00e9able de soupe ti\u00e8de, ce contact de la plante pieds sur le carrelage, l\u2019odeur de chlore, les peaux glissantes, semblable en cela \u00e0 celles des anguilles, des poissons, poisseuses. Les mots qui nous \u00e9chappent continuellement, les contenir un moment comme des carpes Ko\u00ef. Les choses que l\u2019on voudrait retenir, d\u2019une seule journ\u00e9e, les mots et les choses, les trous filent \u00e0 vive allure, mais toujours selon une constance math\u00e9matique.<\/p>\n

Tenir un rythme quotidien. Le tenir pendant quelques jours, puis ne plus le tenir, sentir qu\u2019il nous \u00e9chappe. Ainsi par exemple avant hier et hier je n\u2019ai scann\u00e9 aucun n\u00e9gatif noir et blanc. Et, en y pensant ce pincement, comme d\u2019\u00eatre pris en faute de n\u2019avoir pas respect\u00e9 un engagement. Sauf que je ne me souviens pas d\u2019avoir pris le moindre engagement. Et donc je peux m\u2019y remettre d\u00e8s maintenant, \u00e0 cet instant m\u00eame.<\/p>\n

Encore des n\u00e9gatifs une bande prise depuis les hauteurs de Beaubourg, l\u2019autre \u00e0 Karachi. De quoi je me souviens \u00e0 partir de ces images, de cette derni\u00e8re notamment, d\u2019une atmosph\u00e8re, d\u2019une luminosit\u00e9 particuli\u00e8re li\u00e9e \u00e0 la ville, les cris des oiseaux que nous entendions d\u00e8s l\u2019aube depuis la chambre, et tr\u00e8s vite la chaleur. Mais, de cet instant particulier, cet instant o\u00f9 la photographie a \u00e9t\u00e9 prise, pourquoi elle a \u00e9t\u00e9 prise, rien du tout, c\u2019est comme d\u00e9sirer viser \u00e0 l\u2019arc \u00e0 c\u00f4t\u00e9 dans l\u2019espoir de toucher une cible en plein c\u0153ur.<\/p>\n<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Commenc\u00e9 \u00e0 remplir les « exhibits » directement sur l\u2019h\u00e9bergement, cr\u00e9ation de galeries par ann\u00e9e\u2026 aucun texte, que des images, une sorte d\u2019accumulation progressive, une mar\u00e9e montante, un espoir de la voir se retirer par la suite, pour voir les coquillages luisants sur le sable. Sur ce site, pas de contact, pas de like, pas de commentaire. Juste des images de peinture, un chantier. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 d\u2019ajouter une section photographies, mais ce sera sans doute plus pertinent sur l\u2019autre site, celui o\u00f9 je ne vais plus depuis plusieurs semaines<\/p>", "content_text": "J\u2019ai r\u00eav\u00e9 d\u2019une \u00e9ponge pleine de trous, et presque aussit\u00f4t, une certitude \u00e9trange m\u2019a envahi : tous ces trous \u00e9taient parfaitement align\u00e9s. Et j\u2019imagine, \u00e0 mesure que l\u2019\u00e9ponge se dilate, elle dessine une courbe impeccable, comme si chaque trou connaissait sa place, fix\u00e9e par une r\u00e8gle invisible. Cette distance constante entre eux, c\u2019est ce qui permet \u00e0 l\u2019\u00e9ponge de grandir sans jamais se perdre. Est-ce que la vie ressemble \u00e0 une \u00e9ponge ou \u00e0 une peau de chagrin ? Trouver la bonne distance avec les autres n\u2019est pas une mince affaire. Trop proche, et on risque de se perdre soi-m\u00eame; trop loin, et c\u2019est la solitude qui s\u2019installe. Ma grand-m\u00e8re estonienne parlait souvent du \u00ab juste milieu \u00bb, et aujourd\u2019hui, je pense comprendre ce qu\u2019elle voulait dire. C\u2019est un peu comme marcher sur un fil tendu entre deux tours : il faut un \u00e9quilibre parfait pour ne pas chuter. Pour jouer au savant je pourrais dire que je retrouve un \u00e9cho \u00e0 ce que les bouddhistes appellent \u00ab la voie du milieu \u00bb \u2013 cette id\u00e9e de balance, de ne pencher ni trop d\u2019un c\u00f4t\u00e9, ni trop de l\u2019autre. Peut-\u00eatre est-ce cette r\u00e8gle secr\u00e8te, cette distance jamais modifi\u00e9e entre les trous de l\u2019\u00e9ponge, qui nous aide \u00e0 nous dilater, \u00e0 grandir sans dispara\u00eetre. L\u2019\u00e9nergie noire pousse les galaxies \u00e0 s\u2019\u00e9loigner de fa\u00e7on croissante les unes des autres mais le rapport est conserv\u00e9. Il faut un puissant t\u00e9lescope pour l\u2019observer. Mais ma vie est tout \u00e0 fait comme celle d\u2019un univers, les choses s\u2019\u00e9loignent, les souvenirs de ces choses \u00e9galement, tout comme la prise de conscience \u00e0 \u00e9tage de leur oubli ; mais le rapport, la relation de l\u2019une \u00e0 l\u2019un de l\u2019un aux autres , dans une partie secr\u00e8te, myst\u00e9rieuse de moi-m\u00eame, restent inchang\u00e9s. Est-ce que c\u2019est ainsi que l\u2019on maintient en soi le fantasme de l\u2019infini comme celui de l\u2019\u00e9ternit\u00e9 ? E. ne mange presque plus rien, elle oublie de plus en plus et jusqu\u2019\u00e0 ces chers souvenirs de Marengo. Avons feuillet\u00e9 un album photo, elle reconnaissait \u00e0 peine les visages, heureusement que les l\u00e9gendes permettaient de s\u2019y retrouver. Et comme \u00e0 chaque fois les fils de la t\u00e9l\u00e9 sont d\u00e9branch\u00e9s. C\u2019est \u00e0 cause de la lumi\u00e8re rouge, elle ne peut supporter l\u2019id\u00e9e d\u2019un appareil en veille. Peut-\u00eatre que ce journal ne devrait servir qu\u2019\u00e0 cela. Servirait-il \u00e0 cela , il serait au moins utile. A se souvenir. Si je croyais au souvenir, il servirait \u00e0 se souvenir. T\u00e9l\u00e9charg\u00e9 Je suis Providence de S.T. Joshi sur Anna\u2019s archive que je peux d\u00e9sormais lire sur l\u2019excellent Foliate d\u00e9couvert r\u00e9cemment sur les snaps de Ubuntu Rappel de quelques commandes de base: Installer un Snap : sudo snap install [nom_du_snap] Lister les Snaps Install\u00e9s : snap list Mettre \u00e0 Jour Tous les Snaps : sudo snap refresh Supprimer un Snap : sudo snap remove [nom_du_snap] Mais d\u00e9j\u00e0 beaucoup trop de mati\u00e8re. Voil\u00e0 comment on invente un souvenir \u00e0 venir. On ne se rappellera sans doute pas de cela dans moins d\u2019un mois, mais de l\u2019odeur de la pluie m\u00e9lang\u00e9e \u00e0 celle que d\u00e9gage parfois l\u2019ancienne \u00e9curie, l\u2019odeur des chevaux fant\u00f4mes, tout comme parfois l\u2019odeur du p\u00e8re quand je monte au grenier par l\u2019\u00e9chelle escamotable. Cette r\u00e9flexion qui accompagne l\u2019exercice, en profiter pleinement pendant qu\u2019on peut encore le faire. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 rep\u00e9r\u00e9 que ce dont on se souvient le moins c\u2019est ce dont on pense au moment o\u00f9 l\u2019on y pense qu\u2019il soit indispensable de se souvenir. Sauf que ce qui nous appara\u00eet indispensable est souvent une posture issue de l\u2019air du temps, de la digestion, etc etc. Int\u00e9ressante r\u00e9flexion sur l\u2019id\u00e9e qu\u2019une phrase ne doit pas \u00eatre \u00e9motionnelle, elle ne l\u2019est pas, le paragraphe si. (G. Stein. how to write ) Et aussi l\u2019emploi du terme bassin de vocabulaire. Ce qui me fait aussit\u00f4t associer petit et grand bassin \u00e0 la piscine municipale de \u2026? La sensation d\u00e9sagr\u00e9able de soupe ti\u00e8de, ce contact de la plante pieds sur le carrelage, l\u2019odeur de chlore, les peaux glissantes, semblable en cela \u00e0 celles des anguilles, des poissons, poisseuses. Les mots qui nous \u00e9chappent continuellement, les contenir un moment comme des carpes Ko\u00ef. Les choses que l\u2019on voudrait retenir, d\u2019une seule journ\u00e9e, les mots et les choses, les trous filent \u00e0 vive allure, mais toujours selon une constance math\u00e9matique. Tenir un rythme quotidien. Le tenir pendant quelques jours, puis ne plus le tenir, sentir qu\u2019il nous \u00e9chappe. Ainsi par exemple avant hier et hier je n\u2019ai scann\u00e9 aucun n\u00e9gatif noir et blanc. Et, en y pensant ce pincement, comme d\u2019\u00eatre pris en faute de n\u2019avoir pas respect\u00e9 un engagement. Sauf que je ne me souviens pas d\u2019avoir pris le moindre engagement. Et donc je peux m\u2019y remettre d\u00e8s maintenant, \u00e0 cet instant m\u00eame. Encore des n\u00e9gatifs une bande prise depuis les hauteurs de Beaubourg, l\u2019autre \u00e0 Karachi. De quoi je me souviens \u00e0 partir de ces images, de cette derni\u00e8re notamment, d\u2019une atmosph\u00e8re, d\u2019une luminosit\u00e9 particuli\u00e8re li\u00e9e \u00e0 la ville, les cris des oiseaux que nous entendions d\u00e8s l\u2019aube depuis la chambre, et tr\u00e8s vite la chaleur. Mais, de cet instant particulier, cet instant o\u00f9 la photographie a \u00e9t\u00e9 prise, pourquoi elle a \u00e9t\u00e9 prise, rien du tout, c\u2019est comme d\u00e9sirer viser \u00e0 l\u2019arc \u00e0 c\u00f4t\u00e9 dans l\u2019espoir de toucher une cible en plein c\u0153ur. Commenc\u00e9 \u00e0 remplir les \u00ab exhibits \u00bb directement sur l\u2019h\u00e9bergement, cr\u00e9ation de galeries par ann\u00e9e\u2026 aucun texte, que des images, une sorte d\u2019accumulation progressive, une mar\u00e9e montante, un espoir de la voir se retirer par la suite, pour voir les coquillages luisants sur le sable. Sur ce site, pas de contact, pas de like, pas de commentaire. Juste des images de peinture, un chantier. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 tent\u00e9 d\u2019ajouter une section photographies, mais ce sera sans doute plus pertinent sur l\u2019autre site, celui o\u00f9 je ne vais plus depuis plusieurs semaines", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-04-27-0002.jpg?1748065091", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-mai-2024.html", "title": "12 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:53:19Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Bizarre, cette difficult\u00e9 \u00e0 passer de l\u2019empirique au th\u00e9orique, d\u2019extraire le d\u00e9duit de l\u2019un vers l\u2019autre, ou, autrement dit, plus simplement, de se d\u00e9faire d\u2019une habitude. Ainsi , tel geste dans un cadre associ\u00e9 inconsciemment le plus souvent \u00e0 celui-ci, tel autre dans un autre et ainsi de suite, comme si l\u2019environnement , le lieu, l\u2019ambiance imposaient une mani\u00e8re d\u2019agir, par la position physique qu\u2019on occupe dans tel ou tel espace. Et c\u2019est comme \u00e7a que je m\u2019efforce de prendre conscience au moment d\u2019\u00e9crire au clavier, de redresser le dos, de positionner les mains, de me recr\u00e9er une nouvelle habitude. Ce qui n\u2019est pas naturel, pas spontan\u00e9, difficile encore. Comme un paysan d\u00e9m\u00e9nage d\u2019une r\u00e9gion vers une autre, s\u2019adapte peu \u00e0 peu.<\/p>\n

R\u00e9ussi ce matin de bonne heure \u00e0 installer un nouveau n\u00e9on dans la d\u00e9pendance. La publicit\u00e9 vante 20% d\u2019\u00e9conomie gr\u00e2ce \u00e0 la technologie LED. Et puis plus besoin de starter. Que des avantages. Une petite victoire au bout d\u2019une longue s\u00e9rie d\u2019\u00e9checs. Ce qui fait r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019aborder les victoires quand on en a perdu l\u2019habitude. L\u2019attention \u00e0 leur accorder devrait se situer sur un niveau \u00e9quilibr\u00e9, ni trop peu ni trop. L\u2019absence ou l\u2019exc\u00e8s d\u2019attention \u00e9tant dans la zone d\u2019erreur, ou de p\u00e9ch\u00e9, c\u2019est \u00e0 dire une offense, ni plus ni moins \u00e0 soi-m\u00eame.<\/p>\n

Encore bien tarabiscot\u00e9e comme r\u00e9flexion.<\/p>\n

L\u2019autocritique permanente si fatigante, \u00e0 quoi sert-elle sinon d\u2019\u00e9cran \u00e0 quelque chose qu\u2019on ne veut pas voir. Et puis soudain on passe de l\u2019autocritique \u00e0 l\u2019auto-compassion. C\u2019est exactement comme \u00e7a. Syst\u00e8me binaire. Syst\u00e8me des temps actuels. On se rejette puis on s\u2019\u00e9treint tout seul, pour combler le vide sid\u00e9ral du monde qui nous entoure. Une sorte d\u2019impressionnisme du vivant, de petites touches dans tous les sens qui finissent par donner l\u2019impression de vivre.<\/p>\n

C\u2019est comme \u00e9crire et peindre, on emploie les formes jusqu\u2019au moment o\u00f9 on ne les emploie plus, tout simplement parce qu\u2019employer est quelque chose de contre nature, on finit par sentir \u00e7a, que l\u2019on est en dehors de la nature. Sa propre nature ? On effectue une incartade dans le n\u00e9ant, puis on revient tr\u00e8s vite au pragmatique au concret, une sorte de va et vient, ou une danse, une transe de derviche. Que cherche t\u2019on \u00e0 travers tout \u00e7a ? On cherche quelque chose, voil\u00e0 le hic.<\/p>\n

Enfin r\u00e9ussi \u00e0 comprendre qu\u2019il fallait charger les dossiers d\u2019Indexhibit directement sur l\u2019emplacement allou\u00e9 par l\u2019h\u00e9bergeur, que ce n\u2019\u00e9tait pas pr\u00e9vu pour \u00eatre install\u00e9 sur un serveur local. Encore une information utile. Le fait de partir bille en t\u00eate sur une id\u00e9e sans m\u00eame aller regarder sur les forums . Je reconnais l\u00e0 ce m\u00e9lange de pr\u00e9tention et de b\u00eatise, tout \u00e0 fait n\u00e9cessaire \u00e0 temp\u00e9rer mon g\u00e9nie naturel. Et cette pugnacit\u00e9 \u00e0 creuser l\u2019insondable si risible.<\/p>\n

On n\u2019est pas vraiment romain si on ne se martyrise pas un peu. Il est m\u00eame envisageable que certains foncent vers une crucifixion dans le seul but d\u2019exp\u00e9rimenter l\u2019au-del\u00e0, le paradis, l\u2019enfer, et tout le tutti, sans oublier bien s\u00fbr la r\u00e9surrection.<\/p>", "content_text": "Bizarre, cette difficult\u00e9 \u00e0 passer de l\u2019empirique au th\u00e9orique, d\u2019extraire le d\u00e9duit de l\u2019un vers l\u2019autre, ou, autrement dit, plus simplement, de se d\u00e9faire d\u2019une habitude. Ainsi , tel geste dans un cadre associ\u00e9 inconsciemment le plus souvent \u00e0 celui-ci, tel autre dans un autre et ainsi de suite, comme si l\u2019environnement , le lieu, l\u2019ambiance imposaient une mani\u00e8re d\u2019agir, par la position physique qu\u2019on occupe dans tel ou tel espace. Et c\u2019est comme \u00e7a que je m\u2019efforce de prendre conscience au moment d\u2019\u00e9crire au clavier, de redresser le dos, de positionner les mains, de me recr\u00e9er une nouvelle habitude. Ce qui n\u2019est pas naturel, pas spontan\u00e9, difficile encore. Comme un paysan d\u00e9m\u00e9nage d\u2019une r\u00e9gion vers une autre, s\u2019adapte peu \u00e0 peu. R\u00e9ussi ce matin de bonne heure \u00e0 installer un nouveau n\u00e9on dans la d\u00e9pendance. La publicit\u00e9 vante 20% d\u2019\u00e9conomie gr\u00e2ce \u00e0 la technologie LED. Et puis plus besoin de starter. Que des avantages. Une petite victoire au bout d\u2019une longue s\u00e9rie d\u2019\u00e9checs. Ce qui fait r\u00e9fl\u00e9chir \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019aborder les victoires quand on en a perdu l\u2019habitude. L\u2019attention \u00e0 leur accorder devrait se situer sur un niveau \u00e9quilibr\u00e9, ni trop peu ni trop. L\u2019absence ou l\u2019exc\u00e8s d\u2019attention \u00e9tant dans la zone d\u2019erreur, ou de p\u00e9ch\u00e9, c\u2019est \u00e0 dire une offense, ni plus ni moins \u00e0 soi-m\u00eame. Encore bien tarabiscot\u00e9e comme r\u00e9flexion. L\u2019autocritique permanente si fatigante, \u00e0 quoi sert-elle sinon d\u2019\u00e9cran \u00e0 quelque chose qu\u2019on ne veut pas voir. Et puis soudain on passe de l\u2019autocritique \u00e0 l\u2019auto-compassion. C\u2019est exactement comme \u00e7a. Syst\u00e8me binaire. Syst\u00e8me des temps actuels. On se rejette puis on s\u2019\u00e9treint tout seul, pour combler le vide sid\u00e9ral du monde qui nous entoure. Une sorte d\u2019impressionnisme du vivant, de petites touches dans tous les sens qui finissent par donner l\u2019impression de vivre. C\u2019est comme \u00e9crire et peindre, on emploie les formes jusqu\u2019au moment o\u00f9 on ne les emploie plus, tout simplement parce qu\u2019employer est quelque chose de contre nature, on finit par sentir \u00e7a, que l\u2019on est en dehors de la nature. Sa propre nature ? On effectue une incartade dans le n\u00e9ant, puis on revient tr\u00e8s vite au pragmatique au concret, une sorte de va et vient, ou une danse, une transe de derviche. Que cherche t\u2019on \u00e0 travers tout \u00e7a ? On cherche quelque chose, voil\u00e0 le hic. Enfin r\u00e9ussi \u00e0 comprendre qu\u2019il fallait charger les dossiers d\u2019Indexhibit directement sur l\u2019emplacement allou\u00e9 par l\u2019h\u00e9bergeur, que ce n\u2019\u00e9tait pas pr\u00e9vu pour \u00eatre install\u00e9 sur un serveur local. Encore une information utile. Le fait de partir bille en t\u00eate sur une id\u00e9e sans m\u00eame aller regarder sur les forums . Je reconnais l\u00e0 ce m\u00e9lange de pr\u00e9tention et de b\u00eatise, tout \u00e0 fait n\u00e9cessaire \u00e0 temp\u00e9rer mon g\u00e9nie naturel. Et cette pugnacit\u00e9 \u00e0 creuser l\u2019insondable si risible. On n\u2019est pas vraiment romain si on ne se martyrise pas un peu. Il est m\u00eame envisageable que certains foncent vers une crucifixion dans le seul but d\u2019exp\u00e9rimenter l\u2019au-del\u00e0, le paradis, l\u2019enfer, et tout le tutti, sans oublier bien s\u00fbr la r\u00e9surrection. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-04-0007.jpg?1748065122", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-mai-2024.html", "title": "11 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:50:24Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Plusieurs fois que je refais l\u2019exercice, puis l\u2019efface, et recommence, et patati et patata, \u00e7a devient r\u00e9flexe. Que ce soit en peinture, \u00e0 l\u2019\u00e9crit, ce ne sera jamais assez bien, ou trop pr\u00e9tentieux, ou trop ceci et encore tellement cela. Ce sont des p\u00e9riodes de patinage pas vraiment artistique \u00e0 traverser. M\u2019en tire vis \u00e0 vis de moi-m\u00eame ainsi, Charlot de dos, marche en canard, un cercle l\u2019avalant peu \u00e0 peu sur l\u2019\u00e9cran. Mentir ainsi. Je me mens tu te mens il ou elle se ment\u2026 nous vous ils ; Tout le monde s\u2019en tire comme \u00e7a. Ou pas. De cette exigence qui vient d\u2019un sombre recoin de notre obscurit\u00e9 d\u2019andouille. Mais l\u2019insulter ne la diminue pas. Au contraire. Elle se braque.<\/p>\n

Le projet Grimshaw est stopp\u00e9 en plein vol. C\u2019est difficile de mener de front plusieurs projets. Surement est-ce d\u00fb \u00e0 une propension \u00e0 la monomanie et , ou bien, en plus, ou \u00e0 moins, tr\u00e8s vite surbook\u00e9. Ou alors je deviens de plus en plus flemmard, ce qui n\u2019est pas une \u00e9ventualit\u00e9 \u00e0 n\u00e9gliger, une propension tr\u00e8s forte \u00e0 la paresse, \u00e0 l\u2019oisivet\u00e9, m\u2019accompagnant depuis toujours. La m\u00e8re de tous les vices. Encore que je reprends mot pour mot ce que l\u2019on m\u2019a toujours dit. Je le reprends comme on parle d\u2019argent content, quasi joyeusement, de peur que derri\u00e8re cette facilit\u00e9 collective je d\u00e9couvre des abysses insondables d\u2019inepties personnelles. Lorsque les \u00e9cailles me tombent des yeux je r\u00eave de poisson nageant entre deux eaux. Derni\u00e8rement j\u2019ai d\u00e9couvert cette \u00e9trange possibilit\u00e9 d\u2019allumer ou d\u2019\u00e9teindre une ampoule \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de mon cr\u00e2ne. Je vois toute l\u2019horreur de l\u2019hypocrisie de ce monde humain. Je suis dans le noir. J\u2019appuie sur un interrupteur et voici : je me retrouve \u00e0 Disneyland en train d\u2019applaudir, d\u2019hurler, de souffrir et de jouir dans le train fant\u00f4me. Ce qu\u2019on appelle la vie. J\u2019aurais pu le dire plus simplement en une phrase : ouvrir ou fermer les yeux. Sans sujet.<\/p>\n

Je ne me bats pas pour ceci ou cela, on me l\u2019a reproch\u00e9, on me le reproche encore, je ne suis pas ce genre de battant. Je me sens d\u00e9pourvu de cette na\u00efvet\u00e9 l\u00e0. Parfois je le regrette. Les \u00e9cailles tombent au ralenti, elles peuvent mettre parfois des mois, des ann\u00e9es, des d\u00e9cennies, toute une vie. En attendant qu\u2019elles tombent totalement j\u2019essaie de gagner ma vie, du temps, de voler quelque chose \u00e0 l\u2019in\u00e9luctable, en vain.<\/p>\n

Depuis trois jours, je suis enferm\u00e9 dans mon bureau \u00e0 tenter de recr\u00e9er un site d\u2019artiste avec Indexhibit. Je n\u2019ai pas choisi la facilit\u00e9 en restant sur Ubuntu, en ne ma\u00eetrisant rien des serveurs Lampp, et d\u2019ailleurs des serveurs en g\u00e9n\u00e9ral. Bien que la version 2 soit compatible avec PHP8.0.0 ( j\u2019ai d\u00fb recompiler pour \u00e7a sans conna\u00eetre les cons\u00e9quences que \u00e7a pourrait engendrer au syst\u00e8me dans son ensemble), fiasco et r\u00e9ussite se sont c\u00f4toy\u00e9s puis fiasco a gagn\u00e9. J\u2019ai utilis\u00e9 tout mon cr\u00e9dit journalier sur ChatGpt pour essayer de m\u2019en d\u00e9patouiller, en vain. Puis je suis pass\u00e9 \u00e0 la version de base qui m\u2019a largement fait tourn\u00e9 en bourrique, alternant des solutions fumeuses avec des solutions d\u00e9biles.<\/p>\n

Donc il va falloir que je r\u00e9installe un Windows avec un Wampserver, pour tester diff\u00e9rentes versions de php et Mysql. C\u2019est cela ou r\u00e9installer Ubuntu sur la machine avec le risque de perdre notamment les fichiers de configuration de mon antique scanner que j\u2019ai eu tant de mal \u00e0 cr\u00e9er ;<\/p>\n

Mais ces \u00e9checs finalement se superposent \u00e0 tous les autres, fabriquant ainsi une sorte de double encore qui peu \u00e0 peu sort de l\u2019ombre. De l\u00e0 \u00e0 songer que ma vraie nature est cette masse d\u2019\u00e9checs, cette obsession de l\u2019\u00e9chec, une b\u00eate du G\u00e9vaudan inqui\u00e9tante, terrifiante que je ne pourrai pas, cette fois, \u00e9crabouiller de toutes mes forces contre un mur enfantin. Il faut plut\u00f4t que j\u2019aille chercher du petit bois, que je fabrique un feu, que je m\u2019assoie \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la flamme, dans le disposition la plus aimable possible \u00e0 voir surgir la b\u00eate et tenir en joue non celle-ci, mais toutes mes peurs.<\/p>\n

Une phrase tourne dans ma t\u00eate. On ne doit pas pr\u00e9senter ses gouffres \u00e0 autrui. Elle me met dans tous mes \u00e9tats cette phrase. Plus bas que terre surtout depuis que je l\u2019ai entendue. Mais aussi, comme je suis parano\u00efaque, je me dis qu\u2019elle fait partie d\u2019une conspiration plus vaste, que c\u2019est une sorte de poison, de manipulation, de complot\u2026 Comme si le seul recours qui m\u2019\u00e9tait ainsi propos\u00e9 \u00e9tait de sombrer dans cette folie furieuse que serait le silence total, absolu.<\/p>\n

Pour aujourd\u2019hui une photo rat\u00e9e, compl\u00e8tement floue, une image qui illustre ce billet.<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>", "content_text": "Plusieurs fois que je refais l\u2019exercice, puis l\u2019efface, et recommence, et patati et patata, \u00e7a devient r\u00e9flexe. Que ce soit en peinture, \u00e0 l\u2019\u00e9crit, ce ne sera jamais assez bien, ou trop pr\u00e9tentieux, ou trop ceci et encore tellement cela. Ce sont des p\u00e9riodes de patinage pas vraiment artistique \u00e0 traverser. M\u2019en tire vis \u00e0 vis de moi-m\u00eame ainsi, Charlot de dos, marche en canard, un cercle l\u2019avalant peu \u00e0 peu sur l\u2019\u00e9cran. Mentir ainsi. Je me mens tu te mens il ou elle se ment\u2026 nous vous ils; Tout le monde s\u2019en tire comme \u00e7a. Ou pas. De cette exigence qui vient d\u2019un sombre recoin de notre obscurit\u00e9 d\u2019andouille. Mais l\u2019insulter ne la diminue pas. Au contraire. Elle se braque. Le projet Grimshaw est stopp\u00e9 en plein vol. C\u2019est difficile de mener de front plusieurs projets. Surement est-ce d\u00fb \u00e0 une propension \u00e0 la monomanie et , ou bien, en plus, ou \u00e0 moins, tr\u00e8s vite surbook\u00e9. Ou alors je deviens de plus en plus flemmard, ce qui n\u2019est pas une \u00e9ventualit\u00e9 \u00e0 n\u00e9gliger, une propension tr\u00e8s forte \u00e0 la paresse, \u00e0 l\u2019oisivet\u00e9, m\u2019accompagnant depuis toujours. La m\u00e8re de tous les vices. Encore que je reprends mot pour mot ce que l\u2019on m\u2019a toujours dit. Je le reprends comme on parle d\u2019argent content, quasi joyeusement, de peur que derri\u00e8re cette facilit\u00e9 collective je d\u00e9couvre des abysses insondables d\u2019inepties personnelles. Lorsque les \u00e9cailles me tombent des yeux je r\u00eave de poisson nageant entre deux eaux. Derni\u00e8rement j\u2019ai d\u00e9couvert cette \u00e9trange possibilit\u00e9 d\u2019allumer ou d\u2019\u00e9teindre une ampoule \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de mon cr\u00e2ne. Je vois toute l\u2019horreur de l\u2019hypocrisie de ce monde humain. Je suis dans le noir. J\u2019appuie sur un interrupteur et voici : je me retrouve \u00e0 Disneyland en train d\u2019applaudir, d\u2019hurler, de souffrir et de jouir dans le train fant\u00f4me. Ce qu\u2019on appelle la vie. J\u2019aurais pu le dire plus simplement en une phrase : ouvrir ou fermer les yeux. Sans sujet. Je ne me bats pas pour ceci ou cela, on me l\u2019a reproch\u00e9, on me le reproche encore, je ne suis pas ce genre de battant. Je me sens d\u00e9pourvu de cette na\u00efvet\u00e9 l\u00e0. Parfois je le regrette. Les \u00e9cailles tombent au ralenti, elles peuvent mettre parfois des mois, des ann\u00e9es, des d\u00e9cennies, toute une vie. En attendant qu\u2019elles tombent totalement j\u2019essaie de gagner ma vie, du temps, de voler quelque chose \u00e0 l\u2019in\u00e9luctable, en vain. Depuis trois jours, je suis enferm\u00e9 dans mon bureau \u00e0 tenter de recr\u00e9er un site d\u2019artiste avec Indexhibit. Je n\u2019ai pas choisi la facilit\u00e9 en restant sur Ubuntu, en ne ma\u00eetrisant rien des serveurs Lampp, et d\u2019ailleurs des serveurs en g\u00e9n\u00e9ral. Bien que la version 2 soit compatible avec PHP8.0.0 ( j\u2019ai d\u00fb recompiler pour \u00e7a sans conna\u00eetre les cons\u00e9quences que \u00e7a pourrait engendrer au syst\u00e8me dans son ensemble), fiasco et r\u00e9ussite se sont c\u00f4toy\u00e9s puis fiasco a gagn\u00e9. J\u2019ai utilis\u00e9 tout mon cr\u00e9dit journalier sur ChatGpt pour essayer de m\u2019en d\u00e9patouiller, en vain. Puis je suis pass\u00e9 \u00e0 la version de base qui m\u2019a largement fait tourn\u00e9 en bourrique, alternant des solutions fumeuses avec des solutions d\u00e9biles. Donc il va falloir que je r\u00e9installe un Windows avec un Wampserver, pour tester diff\u00e9rentes versions de php et Mysql. C\u2019est cela ou r\u00e9installer Ubuntu sur la machine avec le risque de perdre notamment les fichiers de configuration de mon antique scanner que j\u2019ai eu tant de mal \u00e0 cr\u00e9er; Mais ces \u00e9checs finalement se superposent \u00e0 tous les autres, fabriquant ainsi une sorte de double encore qui peu \u00e0 peu sort de l\u2019ombre. De l\u00e0 \u00e0 songer que ma vraie nature est cette masse d\u2019\u00e9checs, cette obsession de l\u2019\u00e9chec, une b\u00eate du G\u00e9vaudan inqui\u00e9tante, terrifiante que je ne pourrai pas, cette fois, \u00e9crabouiller de toutes mes forces contre un mur enfantin. Il faut plut\u00f4t que j\u2019aille chercher du petit bois, que je fabrique un feu, que je m\u2019assoie \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la flamme, dans le disposition la plus aimable possible \u00e0 voir surgir la b\u00eate et tenir en joue non celle-ci, mais toutes mes peurs. Une phrase tourne dans ma t\u00eate. On ne doit pas pr\u00e9senter ses gouffres \u00e0 autrui. Elle me met dans tous mes \u00e9tats cette phrase. Plus bas que terre surtout depuis que je l\u2019ai entendue. Mais aussi, comme je suis parano\u00efaque, je me dis qu\u2019elle fait partie d\u2019une conspiration plus vaste, que c\u2019est une sorte de poison, de manipulation, de complot\u2026 Comme si le seul recours qui m\u2019\u00e9tait ainsi propos\u00e9 \u00e9tait de sombrer dans cette folie furieuse que serait le silence total, absolu. Pour aujourd\u2019hui une photo rat\u00e9e, compl\u00e8tement floue, une image qui illustre ce billet.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/252-1.jpg?1748065150", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-mai-2024.html", "title": "10 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:48:43Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

ce qui vient, la toute premi\u00e8re id\u00e9e qui vient. Trop tard. D\u00e9j\u00e0 envol\u00e9e. Ensuite on r\u00e9invente une id\u00e9e de remplacement, et ainsi de suite. Impossible de compter sur un petit carnet pos\u00e9 sur la table de chevet, et un crayon, et de compter sur la possibilit\u00e9 de noter la premi\u00e8re id\u00e9e qui vient. Ne pas d\u00e9ranger l\u2019autre qui dort. Ou alors il faudrait s\u2019extraire de la couette avec cette envie pressante d\u2019aller noter dans l\u2019urgence, l\u2019effervescence, cette id\u00e9e premi\u00e8re. Prendre soin de refermer doucement la porte de la chambre. Allumer la lumi\u00e8re du corridor, faire un saut de carpe, ou ce genre de petit bond que fait Charlot, \u00e0 moins que ce ne soit qu\u2019un moulinet avec une canne. Et courir jusqu\u2019au clavier, positionner ses index sur F et J et redresser ses lombaires afin de parvenir \u00e0 la vitesse ad\u00e9quate pour graver cette premi\u00e8re id\u00e9e dans le marbre.<\/p>\n

Trop tard. Encore loup\u00e9, la premi\u00e8re id\u00e9e finalement pourrait tout \u00e0 fait \u00eatre celle-ci, un homme veut noter quelque chose qui chaque matin lui \u00e9chappe.<\/p>\n

C\u2019est comme le mot au bout de la langue.<\/p>\n

Ensuite une fois que l\u2019on est bien install\u00e9, les doigts semblent avoir acquis une sorte d\u2019autonomie ; leur propre autonomie. Ce qu\u2019ils disent n\u2019est plus de la t\u00eate mais de plus loin. Je le voudrais bien, je voudrais bien y croire, voil\u00e0 ce que dit la main pleine de doigts \u00e0 cette autre main pleine de doigts.<\/p>\n

c\u2019est encore trop de la litt\u00e9rature, voil\u00e0 ce que dit la t\u00eate. Les doigts s\u2019\u00e9l\u00e8vent, restent un instant en suspens, puis se retire du clavier. Une main, disons la droite se rapproche dangereusement de la souris, la trouve, la manipule. tandis que l\u2019autre main, la gauche monte vers le sommet du cr\u00e2ne, pour toucher l\u2019occiput. Voil\u00e0 nous y sommes enfin, une main sur la machine, l\u2019autre sur l\u2019os, ainsi s\u2019effectue la navigation de ce jour. Je regarde dans l\u2019historique du navigateur pour retrouver ce site que j\u2019avais visit\u00e9 il y a de cela quelque jours dans le cadre du projet Elias Grimshaw. Les livres perdus. The lostbooks. L\u2019auteur du site, Tim Boucher, se d\u00e9crit comme artiste, bookmaker, et activiste IA.<\/p>\n

Que tu t\u2019entendes bien avec toi-m\u00eame \u00e0 ce point du billet. Si tu places un lien ce n\u2019est pas strat\u00e9gique, c\u2019est juste un n\u0153ud \u00e0 ton mouchoir d\u00e9sormais.<\/p>\n

donc quelque chose d\u2019int\u00e9ressant. Une sorte de signal d\u2019alerte qui secoue les neurones. Plus de 100 livres \u00e9crits avec l\u2019intelligence artificielle, tous disponibles sous la forme d\u2019ebook sur Gumroad.<\/p>\n

« Je vends mes livres uniquement sur Gumroad , pas sur Amazon. Amazon a trop de pouvoir sur l\u2019\u00e9dition (surtout ind\u00e9pendante), et l\u2019h\u00e9g\u00e9monie croissante des quatre ou cinq grands \u00e9diteurs fait que le secteur de l\u2019\u00e9dition professionnelle ne vaut pas la peine d\u2019\u00eatre d\u00e9fendu , \u00e0 mon avis. Le pouvoir aux petits ! Nous pouvons trouver de nouvelles \u2013 et anciennes \u2013 fa\u00e7ons de publier. »<\/p>\n

1.99$ l\u2019ebook en moyenne, avec des illustrations superbes qui rappellent les couvertures des ann\u00e9es 1920 de Weird Tales.<\/p>\n

Ensuite, je regarde les dates de publication du dernier titre, f\u00e9vrier 2024 qui \u00e9voque la suppression de son compte Midjourney apr\u00e8s un article r\u00e9dig\u00e9 sur son site concernant un biais de l\u2019application IA permettant d\u2019obtenir sans m\u00eame le demander des images de femmes d\u00e9nud\u00e9es. Le sujet ne semble ne pas \u00eatre le fait d\u2019obtenir des images « choquantes » mais plut\u00f4t de ne pas pouvoir contacter le service client pour faire part d\u2019un tel biais. La seule adresse mail disponible \u00e9tant li\u00e9e \u00e0 la facturation. Ce qui n\u2019a pas plu \u00e0 l\u2019entreprise num\u00e9ro 1 en cr\u00e9ation d\u2019images \u00e0 l\u2019aide de l\u2019IA.<\/p>\n

Perdre le fil de la r\u00e9alit\u00e9, voil\u00e0 bien ce qui caract\u00e9rise l\u2019\u00e9poque. C\u2019est ce que je me dis en lisant les diff\u00e9rents articles \u00e0 la queue leu leu durant une bonne heure ce matin. Ce qui me fait r\u00e9fl\u00e9chir sur ce malaise \u00e9prouv\u00e9 syst\u00e9matiquement \u00e0 chaque bulletin d\u2019info d\u00e9sormais. j\u2019ai comme un doute, un doute l\u00e9ger qui flotte sans cesse sur la v\u00e9racit\u00e9 de tous ces r\u00e9cits « officiels ». Ce doute est aussi une forme de r\u00e9sistance, la manifestation m\u00eame de toute r\u00e9sistance. Et l\u2019origine de cette r\u00e9sistance vient du fait que je sens de mani\u00e8re concr\u00e8te que c\u2019est un r\u00e9cit plaqu\u00e9 sur la r\u00e9alit\u00e9 et qui n\u2019est pas mon propre r\u00e9cit. Je crois que j\u2019\u00e9prouve cela depuis le tout d\u00e9but, enfant d\u00e9j\u00e0 c\u2019\u00e9tait ainsi. D\u2019o\u00f9 cette trouille perp\u00e9tuelle d\u2019\u00eatre tomb\u00e9 dans un bouquin de Swift.<\/p>\n

Quelques images scann\u00e9es ce matin, \u00e9voquant des reflets dans la rue.<\/p>\n<\/span>

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Et courir jusqu\u2019au clavier, positionner ses index sur F et J et redresser ses lombaires afin de parvenir \u00e0 la vitesse ad\u00e9quate pour graver cette premi\u00e8re id\u00e9e dans le marbre. Trop tard. Encore loup\u00e9, la premi\u00e8re id\u00e9e finalement pourrait tout \u00e0 fait \u00eatre celle-ci, un homme veut noter quelque chose qui chaque matin lui \u00e9chappe. C\u2019est comme le mot au bout de la langue. Ensuite une fois que l\u2019on est bien install\u00e9, les doigts semblent avoir acquis une sorte d\u2019autonomie; leur propre autonomie. Ce qu\u2019ils disent n\u2019est plus de la t\u00eate mais de plus loin. Je le voudrais bien, je voudrais bien y croire, voil\u00e0 ce que dit la main pleine de doigts \u00e0 cette autre main pleine de doigts. c\u2019est encore trop de la litt\u00e9rature, voil\u00e0 ce que dit la t\u00eate. Les doigts s\u2019\u00e9l\u00e8vent, restent un instant en suspens, puis se retire du clavier. Une main, disons la droite se rapproche dangereusement de la souris, la trouve, la manipule. tandis que l\u2019autre main, la gauche monte vers le sommet du cr\u00e2ne, pour toucher l\u2019occiput. Voil\u00e0 nous y sommes enfin, une main sur la machine, l\u2019autre sur l\u2019os, ainsi s\u2019effectue la navigation de ce jour. Je regarde dans l\u2019historique du navigateur pour retrouver ce site que j\u2019avais visit\u00e9 il y a de cela quelque jours dans le cadre du projet Elias Grimshaw. Les livres perdus. The lostbooks. L\u2019auteur du site, Tim Boucher, se d\u00e9crit comme artiste, bookmaker, et activiste IA. Que tu t\u2019entendes bien avec toi-m\u00eame \u00e0 ce point du billet. Si tu places un lien ce n\u2019est pas strat\u00e9gique, c\u2019est juste un n\u0153ud \u00e0 ton mouchoir d\u00e9sormais. donc quelque chose d\u2019int\u00e9ressant. Une sorte de signal d\u2019alerte qui secoue les neurones. Plus de 100 livres \u00e9crits avec l\u2019intelligence artificielle, tous disponibles sous la forme d\u2019ebook sur Gumroad. \u00ab Je vends mes livres uniquement sur Gumroad , pas sur Amazon. Amazon a trop de pouvoir sur l\u2019\u00e9dition (surtout ind\u00e9pendante), et l\u2019h\u00e9g\u00e9monie croissante des quatre ou cinq grands \u00e9diteurs fait que le secteur de l\u2019\u00e9dition professionnelle ne vaut pas la peine d\u2019\u00eatre d\u00e9fendu , \u00e0 mon avis. Le pouvoir aux petits ! Nous pouvons trouver de nouvelles \u2013 et anciennes \u2013 fa\u00e7ons de publier. \u00bb 1.99$ l\u2019ebook en moyenne, avec des illustrations superbes qui rappellent les couvertures des ann\u00e9es 1920 de Weird Tales. Ensuite, je regarde les dates de publication du dernier titre, f\u00e9vrier 2024 qui \u00e9voque la suppression de son compte Midjourney apr\u00e8s un article r\u00e9dig\u00e9 sur son site concernant un biais de l\u2019application IA permettant d\u2019obtenir sans m\u00eame le demander des images de femmes d\u00e9nud\u00e9es. Le sujet ne semble ne pas \u00eatre le fait d\u2019obtenir des images \u00ab choquantes \u00bb mais plut\u00f4t de ne pas pouvoir contacter le service client pour faire part d\u2019un tel biais. La seule adresse mail disponible \u00e9tant li\u00e9e \u00e0 la facturation. Ce qui n\u2019a pas plu \u00e0 l\u2019entreprise num\u00e9ro 1 en cr\u00e9ation d\u2019images \u00e0 l\u2019aide de l\u2019IA. Perdre le fil de la r\u00e9alit\u00e9, voil\u00e0 bien ce qui caract\u00e9rise l\u2019\u00e9poque. C\u2019est ce que je me dis en lisant les diff\u00e9rents articles \u00e0 la queue leu leu durant une bonne heure ce matin. Ce qui me fait r\u00e9fl\u00e9chir sur ce malaise \u00e9prouv\u00e9 syst\u00e9matiquement \u00e0 chaque bulletin d\u2019info d\u00e9sormais. j\u2019ai comme un doute, un doute l\u00e9ger qui flotte sans cesse sur la v\u00e9racit\u00e9 de tous ces r\u00e9cits \u00ab officiels \u00bb. Ce doute est aussi une forme de r\u00e9sistance, la manifestation m\u00eame de toute r\u00e9sistance. Et l\u2019origine de cette r\u00e9sistance vient du fait que je sens de mani\u00e8re concr\u00e8te que c\u2019est un r\u00e9cit plaqu\u00e9 sur la r\u00e9alit\u00e9 et qui n\u2019est pas mon propre r\u00e9cit. Je crois que j\u2019\u00e9prouve cela depuis le tout d\u00e9but, enfant d\u00e9j\u00e0 c\u2019\u00e9tait ainsi. D\u2019o\u00f9 cette trouille perp\u00e9tuelle d\u2019\u00eatre tomb\u00e9 dans un bouquin de Swift. Quelques images scann\u00e9es ce matin, \u00e9voquant des reflets dans la rue. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

l\u2019urgence cr\u00e9e un stimulus. Et si je n\u2019avais plus que dix minutes avant d\u2019\u00eatre aval\u00e9 par la journ\u00e9e ? j\u2019\u00e9crirais certainement cette hypoth\u00e8se. Puis tout de m\u00eame content de l\u2019avoir not\u00e9, je me laisserai avaler joyeusement.<\/p>", "content_text": "l\u2019urgence cr\u00e9e un stimulus. Et si je n\u2019avais plus que dix minutes avant d\u2019\u00eatre aval\u00e9 par la journ\u00e9e ? j\u2019\u00e9crirais certainement cette hypoth\u00e8se. Puis tout de m\u00eame content de l\u2019avoir not\u00e9, je me laisserai avaler joyeusement.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-05-05-0016-2.jpg?1748065081", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/8-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/8-mai-2024.html", "title": "8 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:34:14Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le manque de clart\u00e9 de certains textes ne signifie pas une absence totale de lumi\u00e8re. Ils sont simplement peu \u00e9clair\u00e9s. Encore dans une p\u00e9nombre de l\u2019esprit. Bien qu\u2019au moment de les \u00e9crire je dispose d\u2019une sorte de limpidit\u00e9, elle se trouble aussit\u00f4t \u00e0 la relecture. Il y aurait donc de ces esprits malicieux dans les profondeurs de l\u2019\u00e9criture, korrigans, lutins, entit\u00e9s de toute sorte s\u2019ennuyant \u00e0 un tel point dans leur monde qu\u2019ils viennent d\u00e9ranger le notre d\u00e9j\u00e0 pas mal d\u00e9rang\u00e9. Le mien.<\/p>\n

Et dans ce paragraphe juste au-dessus, on dirait bien que non, l\u00e0 non plus.<\/p>\n

C\u2019est parce que je me suis lev\u00e9 tard, qu\u2019il ne me reste que tr\u00e8s peu de temps pour effectuer mes ablutions litt\u00e9raires matinales. Ensuite la journ\u00e9e de travail m\u2019avalera tout entier pour ne recracher qu\u2019un petit paquet d\u2019os vers le soir. Je num\u00e9roterai mes abattis. T\u00e2che \u00e9reintante.<\/p>\n

Encore ce ton de litt\u00e9rateur \u00e0 la gomme.<\/p>\n

Mieux vaut tenir la distance, revenir \u00e0 ces photographies noir et blanc, un bon exercice d\u2019\u00e9crire ce qui vient en les regardant \u00e0 nouveau.<\/p>\n

Dans une p\u00e9nombre aussi. Comme je n\u2019avais pas peur alors, j\u2019\u00e9tais inconscient. Je voyais quelque chose qui attirait l\u2019\u0153il aussit\u00f4t je braquai le Leica et d\u00e9clenchai. Pas d\u2019histoire de belle image, il fallait juste capturer quelque chose d\u2019urgence. C\u2019\u00e9tait souvent rat\u00e9 quand, ensuite,je regardais les planches contact. Encore que rat\u00e9 n\u2019est pas le terme juste, c\u2019est plut\u00f4t l\u2019expression » d\u00e9j\u00e0-vu ». Cette horreur provoqu\u00e9e par le d\u00e9j\u00e0-vu.<\/p>\n

D\u2019ailleurs dans un autre registre le d\u00e9j\u00e0-vu en g\u00e9n\u00e9ral, savoir que l\u2019on va \u00e9crire cette phrase, qu\u2019on l\u2019a d\u00e9j\u00e0 \u00e9crite, sans doute mille fois au cours de mille vies, une horreur aussi.<\/p>\n

Ou encore tu parles et soudain tu sais que ce que tu dis tu l\u2019as d\u00e9j\u00e0 dit \u00e0 cette m\u00eame personne comme dans une autre vie ; Ce n\u2019\u00e9tait pas cette personne et \u00e7a l\u2019\u00e9tait et ce n\u2019\u00e9tait pas toi non plus mais c\u2019\u00e9tait toi.<\/p>\n

toute ma s\u00e9ance de ce matin avec cette seule image que j\u2019ai \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9 de retoucher tant le n\u00e9gatif \u00e9tait ab\u00eem\u00e9.<\/p>", "content_text": "Le manque de clart\u00e9 de certains textes ne signifie pas une absence totale de lumi\u00e8re. Ils sont simplement peu \u00e9clair\u00e9s. Encore dans une p\u00e9nombre de l\u2019esprit. Bien qu\u2019au moment de les \u00e9crire je dispose d\u2019une sorte de limpidit\u00e9, elle se trouble aussit\u00f4t \u00e0 la relecture. Il y aurait donc de ces esprits malicieux dans les profondeurs de l\u2019\u00e9criture, korrigans, lutins, entit\u00e9s de toute sorte s\u2019ennuyant \u00e0 un tel point dans leur monde qu\u2019ils viennent d\u00e9ranger le notre d\u00e9j\u00e0 pas mal d\u00e9rang\u00e9. Le mien. Et dans ce paragraphe juste au-dessus, on dirait bien que non, l\u00e0 non plus. C\u2019est parce que je me suis lev\u00e9 tard, qu\u2019il ne me reste que tr\u00e8s peu de temps pour effectuer mes ablutions litt\u00e9raires matinales. Ensuite la journ\u00e9e de travail m\u2019avalera tout entier pour ne recracher qu\u2019un petit paquet d\u2019os vers le soir. Je num\u00e9roterai mes abattis. T\u00e2che \u00e9reintante. Encore ce ton de litt\u00e9rateur \u00e0 la gomme. Mieux vaut tenir la distance, revenir \u00e0 ces photographies noir et blanc, un bon exercice d\u2019\u00e9crire ce qui vient en les regardant \u00e0 nouveau. Dans une p\u00e9nombre aussi. Comme je n\u2019avais pas peur alors, j\u2019\u00e9tais inconscient. Je voyais quelque chose qui attirait l\u2019\u0153il aussit\u00f4t je braquai le Leica et d\u00e9clenchai. Pas d\u2019histoire de belle image, il fallait juste capturer quelque chose d\u2019urgence. C\u2019\u00e9tait souvent rat\u00e9 quand, ensuite,je regardais les planches contact. Encore que rat\u00e9 n\u2019est pas le terme juste, c\u2019est plut\u00f4t l\u2019expression \u00bb d\u00e9j\u00e0-vu \u00bb. Cette horreur provoqu\u00e9e par le d\u00e9j\u00e0-vu. D\u2019ailleurs dans un autre registre le d\u00e9j\u00e0-vu en g\u00e9n\u00e9ral, savoir que l\u2019on va \u00e9crire cette phrase, qu\u2019on l\u2019a d\u00e9j\u00e0 \u00e9crite, sans doute mille fois au cours de mille vies, une horreur aussi. Ou encore tu parles et soudain tu sais que ce que tu dis tu l\u2019as d\u00e9j\u00e0 dit \u00e0 cette m\u00eame personne comme dans une autre vie; Ce n\u2019\u00e9tait pas cette personne et \u00e7a l\u2019\u00e9tait et ce n\u2019\u00e9tait pas toi non plus mais c\u2019\u00e9tait toi. toute ma s\u00e9ance de ce matin avec cette seule image que j\u2019ai \u00e9t\u00e9 oblig\u00e9 de retoucher tant le n\u00e9gatif \u00e9tait ab\u00eem\u00e9. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/trainpourlahore.jpg?1748065089", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-mai-2024.html", "title": "7 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:31:37Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je ne publie plus comme je le faisais l\u2019ann\u00e9e pass\u00e9e encore plusieurs textes dans une m\u00eame journ\u00e9e. J\u2019\u00e9cris toujours autant cependant, et j\u2019ai trouv\u00e9 le truc de planifier chaque salve les jours suivants. Ainsi, plus j\u2019\u00e9cris, plus je reporte la publication d\u2019autant. Ce ne me semble pas \u00eatre une sanction, j\u2019y ai pens\u00e9, mais non. C\u2019est plus une sorte d\u2019entra\u00eenement. Un travail sur soi. Parfois je ne touche \u00e0 rien, je laisse en l\u2019\u00e9tat, d\u2019autres fois non. Il m\u2019arrive d\u2019effacer une journ\u00e9e enti\u00e8re pour la remplacer par une autre. C\u2019est au gr\u00e8s des impressions de justesse et de fausset\u00e9 qui me traversent. Il n\u2019y a que \u00e7a qui semble me guider, la musique. Peut-\u00eatre que je crois peindre alors que j\u2019\u00e9cris, et qu\u2019au bout du compte je n\u2019\u00e9cris m\u00eame pas, je compose de la musique. Ce que l\u2019on pense faire et ce que l\u2019on r\u00e9alise v\u00e9ritablement reste un myst\u00e8re. Il faut donc tant que cela reste un myst\u00e8re ? Sans doute \u00e9lucidera t\u2019on beaucoup de choses \u00e0 l\u2019avenir, mais on sera tenu de conserver ce myst\u00e8re. Sans ce myst\u00e8re, tout peut s\u2019effondrer d\u2019un moment \u00e0 l\u2019autre, c\u2019est math\u00e9matique. C\u2019est m\u00eame le myst\u00e8re des math\u00e9matiques. Un myst\u00e8re rest\u00e9 intact pour ma part. Je crois que j\u2019aurais tout fait pour refuser de comprendre le moindre th\u00e9or\u00e8me, le plus petit axiome, un peu comme on se retient de faire l\u2019amour avec un \u00eatre qu\u2019on aime tant les pens\u00e9es sont boueuses, les intentions troubles. C\u2019est \u00e9videmment une idiotie faramineuse quand on la voit, qu\u2019on la regarde dans le blanc de l\u2019\u0153il.<\/p>\n

Je continue d\u2019illustrer ces billets de fa\u00e7on al\u00e9atoire. Exactement comme j\u2019ai pris \u00e0 l\u2019\u00e9poque ces clich\u00e9s. Dans le fond il semble impossible qu\u2019il puisse exister des \u00e9l\u00e9ments qui soient sans rapport, sans relation. Voil\u00e0 aussi certainement une raison tout \u00e0 fait plausible pour laquelle je suis tr\u00e8s peu en relation avec autrui. Les rapports superficiels, de convenance, » parce qu\u2019il faut un raison » m\u2019ennuient. C\u2019est tout \u00e0 fait d\u00e9raisonnable, ce qui convient \u00e0 quelqu\u2019un de d\u00e9raisonnable comme moi. Donc il peut s\u2019agir d\u2019un protocole. Le but s\u2019il en faut un serait d\u2019\u00e9carter toute raison qui expliquerait la relation entre texte et image. C\u2019est un but inatteignable \u00e9videmment. C\u2019est pour \u00e7a que c\u2019est un but.<\/p>", "content_text": "Je ne publie plus comme je le faisais l\u2019ann\u00e9e pass\u00e9e encore plusieurs textes dans une m\u00eame journ\u00e9e. J\u2019\u00e9cris toujours autant cependant, et j\u2019ai trouv\u00e9 le truc de planifier chaque salve les jours suivants. Ainsi, plus j\u2019\u00e9cris, plus je reporte la publication d\u2019autant. Ce ne me semble pas \u00eatre une sanction, j\u2019y ai pens\u00e9, mais non. C\u2019est plus une sorte d\u2019entra\u00eenement. Un travail sur soi. Parfois je ne touche \u00e0 rien, je laisse en l\u2019\u00e9tat, d\u2019autres fois non. Il m\u2019arrive d\u2019effacer une journ\u00e9e enti\u00e8re pour la remplacer par une autre. C\u2019est au gr\u00e8s des impressions de justesse et de fausset\u00e9 qui me traversent. Il n\u2019y a que \u00e7a qui semble me guider, la musique. Peut-\u00eatre que je crois peindre alors que j\u2019\u00e9cris, et qu\u2019au bout du compte je n\u2019\u00e9cris m\u00eame pas, je compose de la musique. Ce que l\u2019on pense faire et ce que l\u2019on r\u00e9alise v\u00e9ritablement reste un myst\u00e8re. Il faut donc tant que cela reste un myst\u00e8re ? Sans doute \u00e9lucidera t\u2019on beaucoup de choses \u00e0 l\u2019avenir, mais on sera tenu de conserver ce myst\u00e8re. Sans ce myst\u00e8re, tout peut s\u2019effondrer d\u2019un moment \u00e0 l\u2019autre, c\u2019est math\u00e9matique. C\u2019est m\u00eame le myst\u00e8re des math\u00e9matiques. Un myst\u00e8re rest\u00e9 intact pour ma part. Je crois que j\u2019aurais tout fait pour refuser de comprendre le moindre th\u00e9or\u00e8me, le plus petit axiome, un peu comme on se retient de faire l\u2019amour avec un \u00eatre qu\u2019on aime tant les pens\u00e9es sont boueuses, les intentions troubles. C\u2019est \u00e9videmment une idiotie faramineuse quand on la voit, qu\u2019on la regarde dans le blanc de l\u2019\u0153il. Je continue d\u2019illustrer ces billets de fa\u00e7on al\u00e9atoire. Exactement comme j\u2019ai pris \u00e0 l\u2019\u00e9poque ces clich\u00e9s. Dans le fond il semble impossible qu\u2019il puisse exister des \u00e9l\u00e9ments qui soient sans rapport, sans relation. Voil\u00e0 aussi certainement une raison tout \u00e0 fait plausible pour laquelle je suis tr\u00e8s peu en relation avec autrui. Les rapports superficiels, de convenance, \u00bb parce qu\u2019il faut un raison \u00bb m\u2019ennuient. C\u2019est tout \u00e0 fait d\u00e9raisonnable, ce qui convient \u00e0 quelqu\u2019un de d\u00e9raisonnable comme moi. Donc il peut s\u2019agir d\u2019un protocole. Le but s\u2019il en faut un serait d\u2019\u00e9carter toute raison qui expliquerait la relation entre texte et image. C\u2019est un but inatteignable \u00e9videmment. C\u2019est pour \u00e7a que c\u2019est un but. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/ifyouli-pleaseifyoug.jpg?1748065087", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/6-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/6-mai-2024.html", "title": "6 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:29:09Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Arr\u00eat de nuit sur la ligne Quetta-Lahore. Basse vitesse, peut-\u00eatre au 15 \u00e8me. Des \u00e9l\u00e9ments restent fixent tandis que d\u2019autres bougent, s\u2019\u00e9vanouissent. Et soudain je vois cette ombre projet\u00e9e sur le mur \u00e0 gauche de la photographie. Elle appartient \u00e0 quelqu\u2019un qui est hors champ. Un jeune gar\u00e7on j\u2019imagine. Une ombre en retrait. Le personnage au premier plan est en \u00e9quilibre parfait avec cette ombre. impression qu\u2019il dit la m\u00eame chose, autrement.<\/p>\n

J\u2019ai peu parl\u00e9 de mes photographies. Si j\u2019en parlais c\u2019\u00e9tait pour dire mes photographies, ou encore je suis photographe. En fait je ne savais pas vraiment en dire quoi que ce soit \u00e0 part le fait qu\u2019elles soient r\u00e9ussies ou rat\u00e9es. Je regardais le clich\u00e9 monter dans cuvette du r\u00e9v\u00e9lateur, et presque aussit\u00f4t je d\u00e9cidai r\u00e9ussi ou rat\u00e9, c\u2019\u00e9tait une question d\u2019\u00e9quilibre des noirs et des blancs, rien de plus. Parfois j\u2019avais un doute, je retirais alors plusieurs fois le m\u00eame clich\u00e9, temps de pose plus long, plus bref, masquages et tours de passe passe. Je sentais une possibilit\u00e9 mais elle ne provenait que du doute. J\u2019entretenais beaucoup le doute. Il devait bien me servir \u00e0 quelque chose. A combler une ignorance s\u00fbrement.<\/p>\n

Peut-\u00eatre ai-je entretenu ce doute jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il se confonde avec ma propre idiotie. Ainsi devient-il aujourd\u2019hui plus visible, plus \u00e9vident. Dans le fond le doute est un n\u00e9gatif lui aussi. On a beau le passer de nombreuses fois dans le passe-vue de l\u2019agrandisseur, il ne se laisse pas cueillir si facilement. Il n\u2019y a pas que le noir et le blanc, bien s\u00fbr tous les gris entre les deux comptent aussi.<\/p>\n

Ce que \u00e7a donne \u00e0 la fin souvent on ne sait pas le dire non plus. Des id\u00e9es bateaux nous emportent vers une conclusion, on r\u00eave de r\u00e9cifs, de naufrages encore pour ne pas y parvenir. Car dans le fond des choses on sait tr\u00e8s bien que tout \u00e7a ne nous regarde pas, ne nous regarde plus.<\/p>", "content_text": "Arr\u00eat de nuit sur la ligne Quetta-Lahore. Basse vitesse, peut-\u00eatre au 15 \u00e8me. Des \u00e9l\u00e9ments restent fixent tandis que d\u2019autres bougent, s\u2019\u00e9vanouissent. Et soudain je vois cette ombre projet\u00e9e sur le mur \u00e0 gauche de la photographie. Elle appartient \u00e0 quelqu\u2019un qui est hors champ. Un jeune gar\u00e7on j\u2019imagine. Une ombre en retrait. Le personnage au premier plan est en \u00e9quilibre parfait avec cette ombre. impression qu\u2019il dit la m\u00eame chose, autrement. J\u2019ai peu parl\u00e9 de mes photographies. Si j\u2019en parlais c\u2019\u00e9tait pour dire mes photographies, ou encore je suis photographe. En fait je ne savais pas vraiment en dire quoi que ce soit \u00e0 part le fait qu\u2019elles soient r\u00e9ussies ou rat\u00e9es. Je regardais le clich\u00e9 monter dans cuvette du r\u00e9v\u00e9lateur, et presque aussit\u00f4t je d\u00e9cidai r\u00e9ussi ou rat\u00e9, c\u2019\u00e9tait une question d\u2019\u00e9quilibre des noirs et des blancs, rien de plus. Parfois j\u2019avais un doute, je retirais alors plusieurs fois le m\u00eame clich\u00e9, temps de pose plus long, plus bref, masquages et tours de passe passe. Je sentais une possibilit\u00e9 mais elle ne provenait que du doute. J\u2019entretenais beaucoup le doute. Il devait bien me servir \u00e0 quelque chose. A combler une ignorance s\u00fbrement. Peut-\u00eatre ai-je entretenu ce doute jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il se confonde avec ma propre idiotie. Ainsi devient-il aujourd\u2019hui plus visible, plus \u00e9vident. Dans le fond le doute est un n\u00e9gatif lui aussi. On a beau le passer de nombreuses fois dans le passe-vue de l\u2019agrandisseur, il ne se laisse pas cueillir si facilement. Il n\u2019y a pas que le noir et le blanc, bien s\u00fbr tous les gris entre les deux comptent aussi. Ce que \u00e7a donne \u00e0 la fin souvent on ne sait pas le dire non plus. Des id\u00e9es bateaux nous emportent vers une conclusion, on r\u00eave de r\u00e9cifs, de naufrages encore pour ne pas y parvenir. Car dans le fond des choses on sait tr\u00e8s bien que tout \u00e7a ne nous regarde pas, ne nous regarde plus.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/ombre-sur-un-mur.jpg?1748065216", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-mai-2024.html", "title": "5 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:25:19Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Pouvoir tout retrouver jusqu\u2019au moindre grain de sable sur lequel l\u2019\u0153il un jour s\u2019est pos\u00e9, sans y penser. Et c\u2019est parce qu\u2019il n\u2019y a pas eut de pens\u00e9e que l\u2019on peut \u00e0 se point s\u2019en approcher avec une singuli\u00e8re acuit\u00e9. Parce qu\u2019en nous quelque chose demeure vigilant malgr\u00e9 nous, m\u00eame si nous n\u2019en avons pas conscience.<\/p>\n

Ce nous pour ne pas me retrouver seul \u00e0 dire je.<\/p>\n

Qu\u2019est-ce qui a chang\u00e9 depuis Rome ? Depuis l\u2019Empire des Jules, des Pomp\u00e9e, pas grand chose. Je retrouve cette photographie des ann\u00e9es 80, une image coup\u00e9e en deux par une verticale l\u00e9g\u00e8rement oblique. A gauche l\u2019\u0153il se dirige vers une obscurit\u00e9, l\u2019ombre dense des pins parasols des cypr\u00e8s, \u00e0 droite cette rue pav\u00e9e menant vers ce que j\u2019imagine \u00eatre un centre, un horizon bouch\u00e9 ? Des verticales se dressent comme des chemin\u00e9es d\u2019usines sur un paysage de ruines. On distingue \u00e0 peine une ou deux silhouettes. Et cette ombre sur la droite en bas \u00e0 droite, ce qui la projette est un myst\u00e8re.<\/p>\n

Du linge pend. Une photographie prise \u00e0 Venise dans les ann\u00e9es 80, un matin d\u2019\u00e9t\u00e9. Peut-\u00eatre dans le ghetto. Le mot ghetto en tout cas semble s\u2019associer \u00e0 cette impression. Et aussi Hugo Pratt, Corto Maltese, Sara Copio Sullam, L\u00e9on de Mod\u00e8ne , Samuel Romanelli.Voil\u00e0 le genre de mot qui vient. Ce qui fait que j\u2019ai appuy\u00e9 sur le d\u00e9clencheur \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment reste inconnu. Peut-\u00eatre est-ce seulement une relation entre la blancheur du linge et le gris des murs. Je fais ce genre d\u2019image sans r\u00e9fl\u00e9chir. Quelque chose attire l\u2019\u0153il, il ne faut surtout pas prendre le temps d\u2019y r\u00e9fl\u00e9chir, il faut capturer, voler du temps au temps.<\/p>\n

Je vis, je meurs ; je me br\u00fble et je me noie ;
\nJ\u2019ai chaud extr\u00eame en endurant froidure ;
\nLa vie m\u2019est et trop molle et trop dure.
\nJ\u2019ai grands ennuis entrem\u00eal\u00e9s de joie.
\nTout \u00e0 un coup je ris et je larmoie,
\nEt en plaisir maint grief tourment j\u2019endure ;
\nMon bien s\u2019en va, et \u00e0 jamais il dure ;
\nTout en un coup je s\u00e8che et je verdoie.
\nAinsi Amour inconstamment me m\u00e8ne ;
\nEt, quand je pense avoir plus de douleur,
\nSans y penser je me trouve hors de peine.
\nPuis, quand je crois ma joie \u00eatre certaine,
\nEt \u00eatre au haut de mon d\u00e9sir\u00e9 heur,
\nIl me remet en mon premier malheur.<\/p>\n

SARA COPIO SULLAM (1600-1641)<\/p>\n

Venise par trois fois et toujours la m\u00eame impression, ce plaisir de m\u2019y retrouver seul, quelque soit la compagne, l\u2019id\u00e9e de compagne qui m\u2019accompagne. Comme on fuit une id\u00e9e de tourisme, se retrouver seul. Profiter d\u2019un moment d\u2019inadvertance, ne pas faire trop attention au cadrage. Se retrouver avec une peinture de Gerhard Richter. Ceci n\u2019est pas une nuque de femme, pas plus qu\u2019une chandelle. Peut-\u00eatre le simple dos d\u2019une petite cuill\u00e8re.<\/p>\n

Chantilly. Pays de la cr\u00e8me et des chevaux. Toute une journ\u00e9e \u00e0 prendre des photographies. Possible que tout \u00e7a vienne d\u2019une lubie. A l\u2019\u00e9poque j\u2019avais d\u00e9velopp\u00e9 des tirages pour l\u2019agence Vue de Lib\u00e9. Avec Marc Bruhat, chez Sillages, quai de la Gare. Le travail d\u2019Agn\u00e8s Bonnot m\u2019avait impressionn\u00e9. Tout ce qu\u2019elle \u00e9tait parvenue \u00e0 restituer de son amour du cheval, les mati\u00e8res, le cuir, le grain des peaux, le crin, tout avait r\u00e9sonn\u00e9 tr\u00e8s fort sans que je n\u2019en trouve v\u00e9ritablement la raison. Peut-\u00eatre avais-je contact\u00e9 cette \u00e9cole de cheval simplement pour cela, pour essayer d\u2019en avoir le c\u0153ur net. Beaucoup de photographies qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque je consid\u00e9rais rat\u00e9es. Si elle \u00e9taient rat\u00e9es c\u2019\u00e9tait en relation avec l\u2019intention qui m\u2019avait conduit ce jour l\u00e0 \u00e0 Chantilly, \u00e0 vouloir ressembler \u00e0 qui je n\u2019\u00e9tais pas. Je n\u2019\u00e9tais pas cascadeur \u00e0 cheval, par exemple. J\u2019aimais bien l\u2019id\u00e9e des chevaux, pas assez pour faire de bonnes photos, c\u2019est ce que j\u2019avais pens\u00e9 sous l\u2019agrandisseur, avec d\u00e9pit. Sans doute aussi qu\u2019\u00e9prouver ce d\u00e9pit \u00e9tait une sorte d\u2019objectif que je m\u2019\u00e9tais fix\u00e9, que les chevaux n\u2019\u00e9taient qu\u2019un pr\u00e9texte, un moyen.<\/p>\n

Parall\u00e8lement \u00e0 cela c\u2019est en r\u00eavant qu\u2019une id\u00e9e d\u2019\u00eatre surgit. je crois que j\u2019ai toujours d\u00fb r\u00eaver , inventer qui j\u2019\u00e9tais avant de l\u2019\u00eatre v\u00e9ritablement. Parfois cela a fonctionn\u00e9, d\u2019autre fois non. Tout \u00e7a pour comprendre \u00e0 quel point l\u2019id\u00e9e de g\u00e9n\u00e9ration spontan\u00e9e est fausse. M\u00eame le fait d\u2019abandonner un r\u00eave fait partie de ce r\u00eave.<\/p>\n

Scanner ces vieux n\u00e9gatifs, cela se rapproche de la peinture de vanit\u00e9s. Bougies et cr\u00e2ne. La distance que \u00e7a installe avec soi est de l\u2019ordre du vertigineux<\/p>", "content_text": "Pouvoir tout retrouver jusqu\u2019au moindre grain de sable sur lequel l\u2019\u0153il un jour s\u2019est pos\u00e9, sans y penser. Et c\u2019est parce qu\u2019il n\u2019y a pas eut de pens\u00e9e que l\u2019on peut \u00e0 se point s\u2019en approcher avec une singuli\u00e8re acuit\u00e9. Parce qu\u2019en nous quelque chose demeure vigilant malgr\u00e9 nous, m\u00eame si nous n\u2019en avons pas conscience. Ce nous pour ne pas me retrouver seul \u00e0 dire je. Qu\u2019est-ce qui a chang\u00e9 depuis Rome ? Depuis l\u2019Empire des Jules, des Pomp\u00e9e, pas grand chose. Je retrouve cette photographie des ann\u00e9es 80, une image coup\u00e9e en deux par une verticale l\u00e9g\u00e8rement oblique. A gauche l\u2019\u0153il se dirige vers une obscurit\u00e9, l\u2019ombre dense des pins parasols des cypr\u00e8s, \u00e0 droite cette rue pav\u00e9e menant vers ce que j\u2019imagine \u00eatre un centre, un horizon bouch\u00e9 ? Des verticales se dressent comme des chemin\u00e9es d\u2019usines sur un paysage de ruines. On distingue \u00e0 peine une ou deux silhouettes. Et cette ombre sur la droite en bas \u00e0 droite, ce qui la projette est un myst\u00e8re. Du linge pend. Une photographie prise \u00e0 Venise dans les ann\u00e9es 80, un matin d\u2019\u00e9t\u00e9. Peut-\u00eatre dans le ghetto. Le mot ghetto en tout cas semble s\u2019associer \u00e0 cette impression. Et aussi Hugo Pratt, Corto Maltese, Sara Copio Sullam, L\u00e9on de Mod\u00e8ne , Samuel Romanelli.Voil\u00e0 le genre de mot qui vient. Ce qui fait que j\u2019ai appuy\u00e9 sur le d\u00e9clencheur \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment reste inconnu. Peut-\u00eatre est-ce seulement une relation entre la blancheur du linge et le gris des murs. Je fais ce genre d\u2019image sans r\u00e9fl\u00e9chir. Quelque chose attire l\u2019\u0153il, il ne faut surtout pas prendre le temps d\u2019y r\u00e9fl\u00e9chir, il faut capturer, voler du temps au temps. Je vis, je meurs; je me br\u00fble et je me noie; J\u2019ai chaud extr\u00eame en endurant froidure; La vie m\u2019est et trop molle et trop dure. J\u2019ai grands ennuis entrem\u00eal\u00e9s de joie. Tout \u00e0 un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j\u2019endure; Mon bien s\u2019en va, et \u00e0 jamais il dure; Tout en un coup je s\u00e8che et je verdoie. Ainsi Amour inconstamment me m\u00e8ne; Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine. Puis, quand je crois ma joie \u00eatre certaine, Et \u00eatre au haut de mon d\u00e9sir\u00e9 heur, Il me remet en mon premier malheur. SARA COPIO SULLAM (1600-1641) Venise par trois fois et toujours la m\u00eame impression, ce plaisir de m\u2019y retrouver seul, quelque soit la compagne, l\u2019id\u00e9e de compagne qui m\u2019accompagne. Comme on fuit une id\u00e9e de tourisme, se retrouver seul. Profiter d\u2019un moment d\u2019inadvertance, ne pas faire trop attention au cadrage. Se retrouver avec une peinture de Gerhard Richter. Ceci n\u2019est pas une nuque de femme, pas plus qu\u2019une chandelle. Peut-\u00eatre le simple dos d\u2019une petite cuill\u00e8re. Chantilly. Pays de la cr\u00e8me et des chevaux. Toute une journ\u00e9e \u00e0 prendre des photographies. Possible que tout \u00e7a vienne d\u2019une lubie. A l\u2019\u00e9poque j\u2019avais d\u00e9velopp\u00e9 des tirages pour l\u2019agence Vue de Lib\u00e9. Avec Marc Bruhat, chez Sillages, quai de la Gare. Le travail d\u2019Agn\u00e8s Bonnot m\u2019avait impressionn\u00e9. Tout ce qu\u2019elle \u00e9tait parvenue \u00e0 restituer de son amour du cheval, les mati\u00e8res, le cuir, le grain des peaux, le crin, tout avait r\u00e9sonn\u00e9 tr\u00e8s fort sans que je n\u2019en trouve v\u00e9ritablement la raison. Peut-\u00eatre avais-je contact\u00e9 cette \u00e9cole de cheval simplement pour cela, pour essayer d\u2019en avoir le c\u0153ur net. Beaucoup de photographies qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9poque je consid\u00e9rais rat\u00e9es. Si elle \u00e9taient rat\u00e9es c\u2019\u00e9tait en relation avec l\u2019intention qui m\u2019avait conduit ce jour l\u00e0 \u00e0 Chantilly, \u00e0 vouloir ressembler \u00e0 qui je n\u2019\u00e9tais pas. Je n\u2019\u00e9tais pas cascadeur \u00e0 cheval, par exemple. J\u2019aimais bien l\u2019id\u00e9e des chevaux, pas assez pour faire de bonnes photos, c\u2019est ce que j\u2019avais pens\u00e9 sous l\u2019agrandisseur, avec d\u00e9pit. Sans doute aussi qu\u2019\u00e9prouver ce d\u00e9pit \u00e9tait une sorte d\u2019objectif que je m\u2019\u00e9tais fix\u00e9, que les chevaux n\u2019\u00e9taient qu\u2019un pr\u00e9texte, un moyen. Parall\u00e8lement \u00e0 cela c\u2019est en r\u00eavant qu\u2019une id\u00e9e d\u2019\u00eatre surgit. je crois que j\u2019ai toujours d\u00fb r\u00eaver , inventer qui j\u2019\u00e9tais avant de l\u2019\u00eatre v\u00e9ritablement. Parfois cela a fonctionn\u00e9, d\u2019autre fois non. Tout \u00e7a pour comprendre \u00e0 quel point l\u2019id\u00e9e de g\u00e9n\u00e9ration spontan\u00e9e est fausse. M\u00eame le fait d\u2019abandonner un r\u00eave fait partie de ce r\u00eave. Scanner ces vieux n\u00e9gatifs, cela se rapproche de la peinture de vanit\u00e9s. Bougies et cr\u00e2ne. La distance que \u00e7a installe avec soi est de l\u2019ordre du vertigineux", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-04-23-0019.jpg?1748065083", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/4-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/4-mai-2024.html", "title": "4 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:21:44Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le risque de vouloir utiliser la rh\u00e9torique sans savoir ce qu\u2019est la rh\u00e9torique. Ceci d\u00fb \u00e0 la fascination, \u00e0 ces souvenirs de discours qui m\u2019auront marqu\u00e9 de mani\u00e8re ind\u00e9l\u00e9bile. Et dont la seule issue \u00e9tait de vouloir les d\u00e9monter comme un moteur. Le probl\u00e8me est qu\u2019il n\u2019est pas si difficile de d\u00e9monter quoique ce soit, d\u2019\u00e9parpiller les diff\u00e9rentes pi\u00e8ces tout autour de soi. Puis de se retrouver ballot \u00e0 vouloir ensuite remonter le moteur. L\u2019ethos c\u2019est \u00e0 dire la cr\u00e9dibilit\u00e9 du locuteur est le premier \u00e9cueil. Difficile de douter sinon par pur instinct des propos tenus par un a\u00efeul, un parent, un professeur. Leur statut vaut d\u00e9j\u00e0 toute la v\u00e9racit\u00e9, la l\u00e9gitimit\u00e9, qu\u2019on pourra accorder au moindre de leurs propos. Le fait de douter tr\u00e8s jeune de cette l\u00e9gitimit\u00e9 ne fut pas un \u00e9v\u00e9nement logique, cr\u00e9e par la r\u00e9flexion, mais par les sens, notamment l\u2019ou\u00efe. Si dans une voix je rep\u00e9rai un couac, un signal d\u2019alerte s\u2019allumait , je me concentrai de plus en plus sur ce couac, je n\u2019entendais plus rien d\u2019autre que ce couac. En ce qui concerne le sens de la vue, ce qu\u2019on nomme d\u00e9sormais le meta langage pouvait aussi cr\u00e9er un hiatus. Qu\u2019un pied s\u2019impatiente sous un visage impassible me paraissait amplement suffisant pour pr\u00e9voir les orages. Quant \u00e0 l\u2019\u0153il, il suffisait d\u2019une microseconde de rel\u00e2chement de la part de l\u2019interlocuteur pour que son tremblement, sa d\u00e9rive m\u2019indique des gouffres des b\u00e9ances avec des monstres tout au fond tapis. Une sur-vigilance sans doute maladive me barra la route des r\u00e9unions, des groupes, des comit\u00e9s. Je m\u2019y suis toujours senti mal \u00e0 l\u2019aise d\u2019y d\u00e9tecter tout ce que justement l\u2019affabilit\u00e9, la politesse, le savoir-vivre d\u00e9sire dissimuler. Il n\u2019y eut que la sauvagerie pendant longtemps qui me rassurait. Au moins le pire \u00e9tant face \u00e0 moi il ne dissimulait plus rien d\u2019autre. Donc pour en revenir au sujet, \u00e0 la rh\u00e9torique, je n\u2019ai jamais franchi la muraille de l\u2019ethos, ce qui aura produit une imitation comme un reflet d\u00e9form\u00e9, grotesque, du pathos. Doutant de l\u2019ethos je ne pu faire autrement que de douter du pathos tout autant. D\u2019o\u00f9 l\u2019attrait pour la caricature de ces deux piliers de la rh\u00e9torique.<\/p>\n

Ne me resta plus alors que le logos. La logique, implacable, ce qui me rappelle mes difficult\u00e9s nombreuses dans les sports collectifs, notamment le rugby.<\/p>", "content_text": "Le risque de vouloir utiliser la rh\u00e9torique sans savoir ce qu\u2019est la rh\u00e9torique. Ceci d\u00fb \u00e0 la fascination, \u00e0 ces souvenirs de discours qui m\u2019auront marqu\u00e9 de mani\u00e8re ind\u00e9l\u00e9bile. Et dont la seule issue \u00e9tait de vouloir les d\u00e9monter comme un moteur. Le probl\u00e8me est qu\u2019il n\u2019est pas si difficile de d\u00e9monter quoique ce soit, d\u2019\u00e9parpiller les diff\u00e9rentes pi\u00e8ces tout autour de soi. Puis de se retrouver ballot \u00e0 vouloir ensuite remonter le moteur. L\u2019ethos c\u2019est \u00e0 dire la cr\u00e9dibilit\u00e9 du locuteur est le premier \u00e9cueil. Difficile de douter sinon par pur instinct des propos tenus par un a\u00efeul, un parent, un professeur. Leur statut vaut d\u00e9j\u00e0 toute la v\u00e9racit\u00e9, la l\u00e9gitimit\u00e9, qu\u2019on pourra accorder au moindre de leurs propos. Le fait de douter tr\u00e8s jeune de cette l\u00e9gitimit\u00e9 ne fut pas un \u00e9v\u00e9nement logique, cr\u00e9e par la r\u00e9flexion, mais par les sens, notamment l\u2019ou\u00efe. Si dans une voix je rep\u00e9rai un couac, un signal d\u2019alerte s\u2019allumait , je me concentrai de plus en plus sur ce couac, je n\u2019entendais plus rien d\u2019autre que ce couac. En ce qui concerne le sens de la vue, ce qu\u2019on nomme d\u00e9sormais le meta langage pouvait aussi cr\u00e9er un hiatus. Qu\u2019un pied s\u2019impatiente sous un visage impassible me paraissait amplement suffisant pour pr\u00e9voir les orages. Quant \u00e0 l\u2019\u0153il, il suffisait d\u2019une microseconde de rel\u00e2chement de la part de l\u2019interlocuteur pour que son tremblement, sa d\u00e9rive m\u2019indique des gouffres des b\u00e9ances avec des monstres tout au fond tapis. Une sur-vigilance sans doute maladive me barra la route des r\u00e9unions, des groupes, des comit\u00e9s. Je m\u2019y suis toujours senti mal \u00e0 l\u2019aise d\u2019y d\u00e9tecter tout ce que justement l\u2019affabilit\u00e9, la politesse, le savoir-vivre d\u00e9sire dissimuler. Il n\u2019y eut que la sauvagerie pendant longtemps qui me rassurait. Au moins le pire \u00e9tant face \u00e0 moi il ne dissimulait plus rien d\u2019autre. Donc pour en revenir au sujet, \u00e0 la rh\u00e9torique, je n\u2019ai jamais franchi la muraille de l\u2019ethos, ce qui aura produit une imitation comme un reflet d\u00e9form\u00e9, grotesque, du pathos. Doutant de l\u2019ethos je ne pu faire autrement que de douter du pathos tout autant. D\u2019o\u00f9 l\u2019attrait pour la caricature de ces deux piliers de la rh\u00e9torique. Ne me resta plus alors que le logos. La logique, implacable, ce qui me rappelle mes difficult\u00e9s nombreuses dans les sports collectifs, notamment le rugby.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/j245.webp?1748065089", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/3-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/3-mai-2024.html", "title": "3 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:20:14Z", "date_modified": "2025-05-28T06:36:24Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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D\u00e9j\u00e0 la fin du mois. Le d\u00e9but d\u2019un autre. Contre cette acc\u00e9l\u00e9ration du temps j\u2019oppose encore plus d\u2019inertie. Bien que je sache d\u2019avance que \u00e7a ne vaudra rien de bon. De s\u2019opposer. Je m\u2019oppose tout de m\u00eame. Parce que ne pas se laisser faire est plus important que les cons\u00e9quences d\u00e9j\u00e0 archiconnues de ce genre d\u2019opposition. Ce sont d\u2019ailleurs ces cons\u00e9quences qui font qu\u2019\u00e0 un certain moment, par usure, par lassitude, par d\u00e9go\u00fbt on ne s\u2019oppose plus. Alors c\u2019est comme si l\u2019on glissait dans un fleuve tumultueux, que le courant nous emporte au loin, tr\u00e8s loin de soi. Une vie se d\u00e9roule la plupart du temps ainsi.<\/p>\n

Il est peut-\u00eatre intelligent d\u2019exp\u00e9rimenter les deux versants. Ne pas s\u2019opposer, chanter en ch\u0153ur, et chanter m\u00eame assez juste. Puis on s\u2019interrogerait sur toutes les raisons qui font qu\u2019\u00e0 un moment on se retrouve la bouche en c\u0153ur \u00e0 d\u00e9sirer cette justesse. Qui n\u2019est pas notre justesse, mais une de convenance, une acceptable, une qui ne d\u00e9range pas. C\u2019est un \u00e9veil invers\u00e9. On se l\u00e8ve un matin du pied droit et c\u2019est la m\u00eame sensation de boule au ventre que lorsqu\u2019on se l\u00e8ve du pied gauche. Et donc c\u2019est par la force des choses, notamment des articulations, des art\u00e8res que l\u2019on s\u2019oppose apr\u00e8s ne s\u2019\u00eatre oppos\u00e9 \u00e0 rien. Et parfois c\u2019est aussi tout le contraire on s\u2019est oppos\u00e9 et voil\u00e0 que tout \u00e0 coup on ne s\u2019oppose plus. Sauf que nous avons que tr\u00e8s rarement le pouvoir ou le discernement nous permettant d\u2019appuyer sur un commutateur c\u00e9r\u00e9bral aussi ais\u00e9ment que sur un interrupteur \u00e9lectrique.<\/p>\n

Encore une \u00e9l\u00e8ve en moins \u00e0 C. la raison n\u2019est pas invoqu\u00e9e. Je ne m\u2019attarde pas non plus de trop. C\u2019est comme si quelque chose c\u2019\u00e9tait aussi renforc\u00e9, une forme d\u2019acceptation. Ma p\u00e9dagogie ne pla\u00eet pas au plus grand nombre. Sans doute n\u2019avais-je pas assez r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 cette affaire de « grand nombre ». C\u2019est intimidant les grands nombres depuis le tout d\u00e9but de ma fr\u00e9quentation des chiffres. C\u2019est par la publication de mes billets de blog dans le vide sid\u00e9ral que je me suis peu \u00e0 peu confront\u00e9 au petit nombre et que ma foi j\u2019ai fini par entretenir cette braise.<\/p>\n

Aper\u00e7u l\u2019\u00e9trange lanterne dans laquelle on prom\u00e8ne la flamme olympique. Ce qui m\u2019a rappel\u00e9 un texte de Joseph Beuys \u00e0 propos des braises. De l\u00e0 \u00e0 songer \u00e0 la pr\u00e9histoire telle qu\u2019on veut nous la raconter, \u00e0 la circulation des connaissances, comme des braises, dans le souci permanent que rien de tout cela ne meurt. Mais \u00e7a meurt, \u00e7a doit mourir de fa\u00e7on permanente. Sans cela rien ne peut germer. Rien ne peut se renouveler.<\/p>\n

Sur le trajet vers C. \u00e9cout\u00e9 la lecture du Grand Dieu Pan d\u2019Arthur Machen. Retrouv\u00e9 beaucoup de vocabulaire utilis\u00e9 par son disciple Lovecraft. Ce qui fait la diff\u00e9rence entre les deux auteurs, la croyance dans ce que l\u2019on \u00e9crit ou d\u00e9crit. Arthur Machen est bien plus tiraill\u00e9 par ses doutes, sa difficult\u00e9 \u00e0 choisir un camp que Lovecraft. Dans une certaine mesure Lovecraft serait \u00e0 rapprocher de Samuel Beckett, m\u00eame nihilisme. Signe contradictoire d\u2019une spiritualit\u00e9 plus franche. \u00c9trange rapprochement avec ce que je nomme les deux fa\u00e7ons d\u2019appr\u00e9hender un tableau. Soit comme une fen\u00eatre s\u2019ouvrant sur un monde sublim\u00e9 en bien en mal peu importe, soit comme une surface contre quoi l\u2019\u0153il se cogne au d\u00e9but avant d\u2019en appr\u00e9cier la richesse, la « r\u00e9alit\u00e9 ».<\/p>\n

Comme \u00e0 chaque fois qu\u2019il pleut un peu trop longtemps nous voici de nouveau inond\u00e9s. Pris quelques photographies pour envoyer \u00e0 la mairie. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9crire une lettre rageuse les mena\u00e7ant de ne plus payer mes imp\u00f4ts fonciers. Plus de cinq ans que \u00e7a dure, qu\u2019ils se renvoient la balle avec la communaut\u00e9 de commune, les services techniques. En fin de compte je n\u2019ai pas imprim\u00e9 la lettre. J\u2019ai \u00e9pong\u00e9. Voil\u00e0 comment on ne s\u2019oppose plus \u00e0 force de s\u2019opposer. L\u00e9ger d\u00e9sespoir, la m\u00eame douleur que celle provoqu\u00e9e par un d\u00e9but de carie. On repousse l\u2019\u00e9ch\u00e9ance. Souffrir pour se sentir un peu en vie.<\/p>", "content_text": "D\u00e9j\u00e0 la fin du mois. Le d\u00e9but d\u2019un autre. Contre cette acc\u00e9l\u00e9ration du temps j\u2019oppose encore plus d\u2019inertie. Bien que je sache d\u2019avance que \u00e7a ne vaudra rien de bon. De s\u2019opposer. Je m\u2019oppose tout de m\u00eame. Parce que ne pas se laisser faire est plus important que les cons\u00e9quences d\u00e9j\u00e0 archiconnues de ce genre d\u2019opposition. Ce sont d\u2019ailleurs ces cons\u00e9quences qui font qu\u2019\u00e0 un certain moment, par usure, par lassitude, par d\u00e9go\u00fbt on ne s\u2019oppose plus. Alors c\u2019est comme si l\u2019on glissait dans un fleuve tumultueux, que le courant nous emporte au loin, tr\u00e8s loin de soi. Une vie se d\u00e9roule la plupart du temps ainsi. Il est peut-\u00eatre intelligent d\u2019exp\u00e9rimenter les deux versants. Ne pas s\u2019opposer, chanter en ch\u0153ur, et chanter m\u00eame assez juste. Puis on s\u2019interrogerait sur toutes les raisons qui font qu\u2019\u00e0 un moment on se retrouve la bouche en c\u0153ur \u00e0 d\u00e9sirer cette justesse. Qui n\u2019est pas notre justesse, mais une de convenance, une acceptable, une qui ne d\u00e9range pas. C\u2019est un \u00e9veil invers\u00e9. On se l\u00e8ve un matin du pied droit et c\u2019est la m\u00eame sensation de boule au ventre que lorsqu\u2019on se l\u00e8ve du pied gauche. Et donc c\u2019est par la force des choses, notamment des articulations, des art\u00e8res que l\u2019on s\u2019oppose apr\u00e8s ne s\u2019\u00eatre oppos\u00e9 \u00e0 rien. Et parfois c\u2019est aussi tout le contraire on s\u2019est oppos\u00e9 et voil\u00e0 que tout \u00e0 coup on ne s\u2019oppose plus. Sauf que nous avons que tr\u00e8s rarement le pouvoir ou le discernement nous permettant d\u2019appuyer sur un commutateur c\u00e9r\u00e9bral aussi ais\u00e9ment que sur un interrupteur \u00e9lectrique. Encore une \u00e9l\u00e8ve en moins \u00e0 C. la raison n\u2019est pas invoqu\u00e9e. Je ne m\u2019attarde pas non plus de trop. C\u2019est comme si quelque chose c\u2019\u00e9tait aussi renforc\u00e9, une forme d\u2019acceptation. Ma p\u00e9dagogie ne pla\u00eet pas au plus grand nombre. Sans doute n\u2019avais-je pas assez r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 cette affaire de \u00ab grand nombre \u00bb. C\u2019est intimidant les grands nombres depuis le tout d\u00e9but de ma fr\u00e9quentation des chiffres. C\u2019est par la publication de mes billets de blog dans le vide sid\u00e9ral que je me suis peu \u00e0 peu confront\u00e9 au petit nombre et que ma foi j\u2019ai fini par entretenir cette braise. Aper\u00e7u l\u2019\u00e9trange lanterne dans laquelle on prom\u00e8ne la flamme olympique. Ce qui m\u2019a rappel\u00e9 un texte de Joseph Beuys \u00e0 propos des braises. De l\u00e0 \u00e0 songer \u00e0 la pr\u00e9histoire telle qu\u2019on veut nous la raconter, \u00e0 la circulation des connaissances, comme des braises, dans le souci permanent que rien de tout cela ne meurt. Mais \u00e7a meurt, \u00e7a doit mourir de fa\u00e7on permanente. Sans cela rien ne peut germer. Rien ne peut se renouveler. Sur le trajet vers C. \u00e9cout\u00e9 la lecture du Grand Dieu Pan d\u2019Arthur Machen. Retrouv\u00e9 beaucoup de vocabulaire utilis\u00e9 par son disciple Lovecraft. Ce qui fait la diff\u00e9rence entre les deux auteurs, la croyance dans ce que l\u2019on \u00e9crit ou d\u00e9crit. Arthur Machen est bien plus tiraill\u00e9 par ses doutes, sa difficult\u00e9 \u00e0 choisir un camp que Lovecraft. Dans une certaine mesure Lovecraft serait \u00e0 rapprocher de Samuel Beckett, m\u00eame nihilisme. Signe contradictoire d\u2019une spiritualit\u00e9 plus franche. \u00c9trange rapprochement avec ce que je nomme les deux fa\u00e7ons d\u2019appr\u00e9hender un tableau. Soit comme une fen\u00eatre s\u2019ouvrant sur un monde sublim\u00e9 en bien en mal peu importe, soit comme une surface contre quoi l\u2019\u0153il se cogne au d\u00e9but avant d\u2019en appr\u00e9cier la richesse, la \u00ab r\u00e9alit\u00e9 \u00bb. Comme \u00e0 chaque fois qu\u2019il pleut un peu trop longtemps nous voici de nouveau inond\u00e9s. Pris quelques photographies pour envoyer \u00e0 la mairie. J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 \u00e9crire une lettre rageuse les mena\u00e7ant de ne plus payer mes imp\u00f4ts fonciers. Plus de cinq ans que \u00e7a dure, qu\u2019ils se renvoient la balle avec la communaut\u00e9 de commune, les services techniques. En fin de compte je n\u2019ai pas imprim\u00e9 la lettre. J\u2019ai \u00e9pong\u00e9. Voil\u00e0 comment on ne s\u2019oppose plus \u00e0 force de s\u2019opposer. L\u00e9ger d\u00e9sespoir, la m\u00eame douleur que celle provoqu\u00e9e par un d\u00e9but de carie. On repousse l\u2019\u00e9ch\u00e9ance. Souffrir pour se sentir un peu en vie. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/inondations.jpg?1748065142", "tags": ["Lovecraft"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/2-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/2-mai-2024.html", "title": "2 mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:14:06Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Parfois cette impression de m\u2019\u00eatre tromp\u00e9 d\u2019\u00e9poque. Toute une litt\u00e9rature qui ne m\u2019appartient pas. En \u00e9coutant le Grand dieu Pan, en m\u2019engouffrant dans le style ( victorien ?) d\u2019Arthur Machen, je pourrais dire que je m\u2019y sens bien, comme chez moi. Et soudain avec horreur je croise mon visage dans la glace de la salle de bain. Torse nu, les yeux exorbit\u00e9s, le cheveu en bataille. Ne suis-je pas en train d\u2019assister \u00e0 une effroyable m\u00e9tamorphose ? De petites cornes me poussent sur les tempes en avant des oreilles et mes pieds deviennent de corne aussi, dur comme fer.<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Se tenir devant un pan de r\u00e9alit\u00e9 bouche b\u00e9e. Dans une sorte de fascination proche de l\u2019idiotie. Comme lorsque l\u2019on admire un paysage abstrait par exemple. A noter : cette sensation \u00e9trange, presque agr\u00e9able que provoque l\u2019effroi quand on sent que la t\u00eate tout enti\u00e8re se vide. Cette sensation de traverser un trou noir, un entonnoir. La rapidit\u00e9 de la perception qui s\u2019accro\u00eet \u00e0 l\u2019inverse de celle ou la mati\u00e8re de l\u2019instant reflue. Et quelques micro secondes avant lui-m\u00eame de na\u00eetre \u00e0 sa conscience, de plus en plus rapidement . Comme si le futur fabriquait du pass\u00e9 puis que ce dernier nous renvoie au pr\u00e9sent.<\/p>\n

Les nuages filent de fa\u00e7on irr\u00e9elle \u00e0 toute allure dans le ciel. Ou bien, mais n\u2019est-ce pas la m\u00eame chose, est-ce en lien -la premi\u00e8re fois que je la vis. Moment dont je me souviens parfaitement, des ann\u00e9es apr\u00e8s. Cette sid\u00e9ration s\u2019op\u00e8re \u00e0 nouveau comme dans un r\u00eave r\u00e9current. Avec la m\u00eame perception de la mise en place d\u2019un spectacle, d\u2019une chor\u00e9graphie : Le brouillard d\u2019un matin d\u2019avril. Un ciel blanc, une lueur blafarde g\u00e9n\u00e9rale, un silence quasi palpable, humide. Elle vient en premier lieu en traversant l\u2019espace. Une trace de blanc dans l\u2019espace gris. Une tra\u00een\u00e9e capt\u00e9e par une vision p\u00e9riph\u00e9rique. La t\u00eate tourne \u00e0 cet instant, attir\u00e9e par ce mouvement furtif. On veut dire que c\u2019est un v\u00eatement, on veut peut-\u00eatre dire une robe, mais les mots ne d\u00e9passent pas une limite invisible en amont des l\u00e8vres. La pens\u00e9e ne veut pas laisser sortir de mot, elle tourne excentr\u00e9e autour d\u2019un axe tordu s\u2019enivrant de cette impossibilit\u00e9 de dire.<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Hors du moment je r\u00e9invente. Dans quel but sinon pour c\u00e9der \u00e0 la tentation de vouloir le revivre. C\u2019est ainsi que l\u2019obsession se d\u00e9pose comme un d\u00e9p\u00f4t troublant la raison, la r\u00e9alit\u00e9. C\u2019est par la fiction dans le temps que j\u2019emploie \u00e0 d\u00e9sirer rejoindre une origine qui lorsque je pense enfin m\u2019en approcher s\u2019enfuit syst\u00e9matiquement. C\u2019est par le mensonge que je cherche en vain une v\u00e9rit\u00e9, jusqu\u2019\u00e0 m\u2019\u00e9puiser, m\u2019effondrer, m\u2019enfoncer de plus en plus profond\u00e9ment dans le labyrinthe des hypoth\u00e8ses, puis que j\u2019assiste \u00e0 un effondrement total, celui du monde. Le mien. Il y a un blanc \u00e0 nouveau qui ne dure que l\u2019espace d\u2019un claquement de doigt, comme sur l\u2019\u00e9cran d\u2019un cin\u00e9ma, puis la vie reprend. Est-ce la m\u00eame vie ? Est-ce encore le m\u00eame monde ? est-ce encore moi ? Avec la mort des certitudes un doute est n\u00e9.<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Et c\u2019est par ce doute que l\u2019acuit\u00e9 se renforce. Le bruit du loquet m\u00e9tallique sur le poteau de bois. L\u2019ouverture de la barri\u00e8re. La perception violente d\u2019un jardin que j\u2019ignorai avec ses silhouettes de cam\u00e9lias, une haie de pommiers, la fragilit\u00e9 tremblante des p\u00e9tales de roses, le linge qui pend sur la corde et qui s\u2019\u00e9goutte. Et un chant \u00e0 peine audible provenant de sa silhouette blanche.<\/p>\n

Le brouillard est d\u00e9fait, le soleil perce les nu\u00e9es, des hirondelles vrombissent, un coq chante b\u00eatement, me voici bras ballants. Idiot \u00e0 songer de nouveau.<\/p>", "content_text": "Parfois cette impression de m\u2019\u00eatre tromp\u00e9 d\u2019\u00e9poque. Toute une litt\u00e9rature qui ne m\u2019appartient pas. En \u00e9coutant le Grand dieu Pan, en m\u2019engouffrant dans le style ( victorien ?) d\u2019Arthur Machen, je pourrais dire que je m\u2019y sens bien, comme chez moi. Et soudain avec horreur je croise mon visage dans la glace de la salle de bain. Torse nu, les yeux exorbit\u00e9s, le cheveu en bataille. Ne suis-je pas en train d\u2019assister \u00e0 une effroyable m\u00e9tamorphose ? De petites cornes me poussent sur les tempes en avant des oreilles et mes pieds deviennent de corne aussi, dur comme fer. Se tenir devant un pan de r\u00e9alit\u00e9 bouche b\u00e9e. Dans une sorte de fascination proche de l\u2019idiotie. Comme lorsque l\u2019on admire un paysage abstrait par exemple. A noter: cette sensation \u00e9trange, presque agr\u00e9able que provoque l\u2019effroi quand on sent que la t\u00eate tout enti\u00e8re se vide. Cette sensation de traverser un trou noir, un entonnoir. La rapidit\u00e9 de la perception qui s\u2019accro\u00eet \u00e0 l\u2019inverse de celle ou la mati\u00e8re de l\u2019instant reflue. Et quelques micro secondes avant lui-m\u00eame de na\u00eetre \u00e0 sa conscience, de plus en plus rapidement . Comme si le futur fabriquait du pass\u00e9 puis que ce dernier nous renvoie au pr\u00e9sent. Les nuages filent de fa\u00e7on irr\u00e9elle \u00e0 toute allure dans le ciel. Ou bien, mais n\u2019est-ce pas la m\u00eame chose, est-ce en lien -la premi\u00e8re fois que je la vis. Moment dont je me souviens parfaitement, des ann\u00e9es apr\u00e8s. Cette sid\u00e9ration s\u2019op\u00e8re \u00e0 nouveau comme dans un r\u00eave r\u00e9current. Avec la m\u00eame perception de la mise en place d\u2019un spectacle, d\u2019une chor\u00e9graphie : Le brouillard d\u2019un matin d\u2019avril. Un ciel blanc, une lueur blafarde g\u00e9n\u00e9rale, un silence quasi palpable, humide. Elle vient en premier lieu en traversant l\u2019espace. Une trace de blanc dans l\u2019espace gris. Une tra\u00een\u00e9e capt\u00e9e par une vision p\u00e9riph\u00e9rique. La t\u00eate tourne \u00e0 cet instant, attir\u00e9e par ce mouvement furtif. On veut dire que c\u2019est un v\u00eatement, on veut peut-\u00eatre dire une robe, mais les mots ne d\u00e9passent pas une limite invisible en amont des l\u00e8vres. La pens\u00e9e ne veut pas laisser sortir de mot, elle tourne excentr\u00e9e autour d\u2019un axe tordu s\u2019enivrant de cette impossibilit\u00e9 de dire. Hors du moment je r\u00e9invente. Dans quel but sinon pour c\u00e9der \u00e0 la tentation de vouloir le revivre. C\u2019est ainsi que l\u2019obsession se d\u00e9pose comme un d\u00e9p\u00f4t troublant la raison, la r\u00e9alit\u00e9. C\u2019est par la fiction dans le temps que j\u2019emploie \u00e0 d\u00e9sirer rejoindre une origine qui lorsque je pense enfin m\u2019en approcher s\u2019enfuit syst\u00e9matiquement. C\u2019est par le mensonge que je cherche en vain une v\u00e9rit\u00e9, jusqu\u2019\u00e0 m\u2019\u00e9puiser, m\u2019effondrer, m\u2019enfoncer de plus en plus profond\u00e9ment dans le labyrinthe des hypoth\u00e8ses, puis que j\u2019assiste \u00e0 un effondrement total, celui du monde. Le mien. Il y a un blanc \u00e0 nouveau qui ne dure que l\u2019espace d\u2019un claquement de doigt, comme sur l\u2019\u00e9cran d\u2019un cin\u00e9ma, puis la vie reprend. Est-ce la m\u00eame vie ? Est-ce encore le m\u00eame monde ? est-ce encore moi ? Avec la mort des certitudes un doute est n\u00e9. Et c\u2019est par ce doute que l\u2019acuit\u00e9 se renforce. Le bruit du loquet m\u00e9tallique sur le poteau de bois. L\u2019ouverture de la barri\u00e8re. La perception violente d\u2019un jardin que j\u2019ignorai avec ses silhouettes de cam\u00e9lias, une haie de pommiers, la fragilit\u00e9 tremblante des p\u00e9tales de roses, le linge qui pend sur la corde et qui s\u2019\u00e9goutte. Et un chant \u00e0 peine audible provenant de sa silhouette blanche. Le brouillard est d\u00e9fait, le soleil perce les nu\u00e9es, des hirondelles vrombissent, un coq chante b\u00eatement, me voici bras ballants. Idiot \u00e0 songer de nouveau.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/nouvelle-boucle2-1.webp?1748065083", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/1-er-mai-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/1-er-mai-2024.html", "title": "1 er mai 2024", "date_published": "2024-07-25T22:06:23Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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La forme d\u2019une ville change plus vite que le c\u0153ur d\u2019un homme. C\u2019est juste tant nous nous accrochons \u00e0 ce que nous aimons ou d\u00e9testons. Parce que ce qui fait de nous ce que nous sommes n\u2019est que cela. Tout le reste, on peut dire que c\u2019est de la litt\u00e9rature. Et ce n\u2019est pas du tout p\u00e9joratif, une fois que nous sommes confront\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9vidence.<\/p>\n

autre formulation :<\/p>\n

La forme d\u2019une ville change plus vite que le c\u0153ur d\u2019un homme, sans doute en raison de notre tendance \u00e0 nous accrocher \u00e0 ce que nous aimons ou d\u00e9testons. Ce qui fait de nous ce que nous sommes repose souvent sur ces \u00e9motions persistantes. Tout le reste, m\u00eame si on le classe souvent sous l\u2019\u00e9gide de la litt\u00e9rature, n\u2019est pas moins significatif. C\u2019est dans ces r\u00e9cits que nous trouvons souvent l\u2019\u00e9cho de notre exp\u00e9rience, confront\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9vidence des changements qui nous entourent.<\/p>\n<\/span>