{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/31-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/31-juillet-2024.html", "title": "31 juillet 2024", "date_published": "2024-08-05T07:47:02Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
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Apr\u00e8s avoir cherch\u00e9 un bon quart d\u2019heure ce que pouvait repr\u00e9senter un noeud de cravate k\u00e9kul\u00e9en ( lu dans L\u2019infinie Com\u00e9die, de David Foster Wallace ) je tombe sur Friedrich Kekul\u00e9 von Stradonitz et j\u2019observe un long moment la forme de sa barbe.<\/p>\n

Quelques signes de fatigue<\/p>\n

Il y a plusieurs sortes de fatigues, ce serait peut-\u00eatre par l\u00e0 qu\u2019il faudrait commencer. En dresser une esp\u00e8ce d\u2019inventaire, tout au moins une liste. Tenter de les cerner les unes apr\u00e8s les autres, sinon vraiment les d\u00e9finir. Dans un ordre chronologique, c\u2019est \u00e0 cet ordre que l\u2019on pense, comment les premiers signes de fatigue se sont-ils manifest\u00e9s. C\u2019est assez flou, peut-\u00eatre m\u00eame que le trouble cr\u00e9e par ce sentiment de flou \u00e9loigne le terme d\u2019insidieux qui g\u00e9n\u00e9ralement acccompagne bon nombre de ces fatigues. En y songeant, en p\u00e9n\u00e9trant dans cette r\u00eaverie de la fatigue, on entre dans un genre de brouillard effectivement, peut-\u00eatre que l\u2019ordre requis pour mon inventaire serait plus juste, ou plus fiable, si je me fiais seulement aux divers qualit\u00e9s de ce brouillard.<\/p>\n

Tr\u00e8s t\u00f4t j\u2019ai pu confondre l\u2019ennui et la fatigue, \u00e0 cause notamment que ces sensations surgissent sans crier gare, nous terrassent, et par l\u00e0 m\u00eame nous agitent, nous force ( \u00e7a nous force ) \u00e0 vouloir les tromper ou nous tromper.<\/p>\n

Il y a aussi toute une \u00e9chelle de valeurs associ\u00e9e \u00e0 la notion de fatigue. On peut ressentir de la mauvaise ou de la bonne fatigue selon un jugement moral qui vient la plupart du temps de l\u2019ext\u00e9rieur. Mais je n\u2019ai gu\u00e8re envie de parler de morale, juste tenter de faire un peu le point sur une \u00e9thique toute personnelle, qui consisterait \u00e0 mettre en relief les diverses formes ( et aussi leurs antagonismes, formes invers\u00e9es, comme dans un puzzle parfois qui rend le groupe coh\u00e9rent, si toutefois la coh\u00e9rence existe encore \u00e0 ce niveau de r\u00e9alit\u00e9 o\u00f9 \u00e7a m\u2019emm\u00e8ne ) que fait na\u00eetre la fatigue, sans la qualifier plus que cela.<\/p>\n

Par exemple j\u2019ai \u00e9t\u00e9 assez fier ( Fierabras) de moi lorsque j\u2019\u00e9tais plus jeune de me faire embaucher dans des travaux subalternes ne requerrant pas autre chose que ma force physique ( calqu\u00e9e sur de vagues r\u00e9miniscences mythologiques, Hercule notamment) et un minimum de jugeotte. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 plus vite fatigu\u00e9 lorsque je travaillais dans des bureaux (une fatigue d\u2019arpenteur ) que dans des usines, dans des entrep\u00f4ts o\u00f9 je trimais comme un boeuf. Enfin ce n\u2019est pas la bonne mani\u00e8re d\u2019en parler en disant « plus vite fatigu\u00e9 », la fatigue de l\u2019un n\u2019ayant que peu \u00e0 voir avec la fatigue de l\u2019autre.<\/p>\n

Mais je vais d\u00e9j\u00e0 trop vite. je br\u00fble des \u00e9tapes. Comme si la fatigue ainsi vis\u00e9e tentait de m\u2019envoyer un nuage d\u2019encre pour se d\u00e9filer. Une s\u00e8che qui se vidant de son encre s\u2019ass\u00e8che se lasse, s\u2019\u00e9clipse) A moins que ce ne soit une nouvelle forme de jeu qu\u2019elle me propose. Un « je » de narrateur qui voudrait se d\u00e9barasser de sa propre fatigue, peut-\u00eatre en changer, mais surement pas rejoindre cette zone tout \u00e0 fait incertaine dans laquelle vivent les gens normaux, ceux qui nient toute fatigue, se sentent toujours d\u2019attaque. Rien de belliqueux chez moi, sauf vis \u00e0 vis de ce « je » celui du monde r\u00e9el si l\u2019on peut dire englu\u00e9 dans une fatigue commune, en conflit permanent avec cet autre, le « je » qui persiste, qui ne veut qu\u2019une chose : r\u00e9sider dans la fatigue parce qu\u2019elle est une mati\u00e8re comme n\u2019importe quelle autre. Parce qu\u2019en changer maintenant que je la tiens me ferait sombrer vers pire encore, un pire que je connais bien pour l\u2019avoir explor\u00e9 plusieurs fois, par l\u00e2chet\u00e9, par ignorance, mu\u00e9 par de vaines esp\u00e9rances ;<\/p>\n

Ma grand-m\u00e8re paternelle, Andr\u00e9e, me posait souvent cette question, est-ce que tu t\u2019ennuies mais je crois qu\u2019elle se trouvait dans la confusion ou l\u2019euph\u00e9misme, pour elle fatigue et ennui ne dressaient pas de cloison visible. N\u00e9anmoins je conserve en m\u00e9moire cette inqui\u00e9tude contenue dans la question et ce d\u00e8s mon plus jeune \u00e2ge. Est-ce que pour elle qui \u00e9tait en retraite, l\u2019ennui \u00e9tait le genre de chose qui pouvait fondre sur les enfants tout comme la fatigue autrefois pouvait fondre sur les travailleurs ayant accompli leur longue journ\u00e9e, et, dans ce cas, sa question contenait aussi une certaine forme de nostalgie. Je crois que si on ne travaillait pas on s\u2019ennuyait \u00e0 l\u2019\u00e9poque de mes grands-parents, que si on \u00e9tait fatigu\u00e9 c\u2019est que l\u2019on avait beaucoup et donc bien travaill\u00e9, la fatigue \u00e9tait une sorte de signe que le travail, la mission avait \u00e9t\u00e9 parachev\u00e9e dans l\u2019ordre des choses. Le fait d\u2019\u00eatre pris en d\u00e9faut de s\u2019ennuyer n\u2019existait pas vraiment, on trouvait assez vite un pr\u00e9texte pour dire mais non, je suis fatigu\u00e9, j\u2019ai beaucoup ( et bien ) travaill\u00e9.<\/p>\n

Pourtant, je me souviens parfaitement du r\u00e9veil qui sonne \u00e0 quatre heure du matin, des soupirs de mon grand-p\u00e8re avec qui je dormais durant les grandes vacances d\u2019\u00e9t\u00e9. Il se levait sans h\u00e2te, enfilait sa c\u00f4te de travail, titubait jusqu\u2019\u00e0 la porte de la chambre, je l\u2019entendais traverser le couloir menant \u00e0 la cuisine, l\u2019odeur du caf\u00e9 soudain m\u2019arrivait jusqu\u2019aux narines, grand-m\u00e8re l\u2019avait pr\u00e9par\u00e9, elle se levait aussi \u00e0 la m\u00eame heure, et quand parfois, je sortais du lit, m\u2019approchais, ( ici il faudrait prendre le temps de d\u00e9crire cette athmosph\u00e8re du tout petit matin, la bonne lueur de la cuisine au fond du couloir, et le transistor qui diffuse les nouvelles, leurs grognements matinaux \u2026 ) on me houspillait va donc te recoucher tu as vu l\u2019heure. Je crois que j\u2019ai toujours conserv\u00e9 par la suite cette habitude de me r\u00e9veiller, parfois bien avant l\u2019aurore pour sans doute les rejoindre dans la m\u00eame fatigue, celle qu\u2019il affichaient le soir quand ils se retrouvaient au d\u00eener, quand nous nous retrouvions tous, parfois aussi avec mes parents, tout le monde bien fatigu\u00e9 comme il se doit de l\u2019\u00eatre chez des personnes sens\u00e9es.<\/p>\n

Ce texte manque parfois de clart\u00e9. Ne peux-tu pas \u00eatre un peu plus pr\u00e9cis sur certains points, \u00e0 moins que justement toute v\u00e9ll\u00e9it\u00e9 de pr\u00e9cision fasse partie d\u2019une strat\u00e9gie li\u00e9e \u00e0 la fatigue, permette d\u2019une certaine fa\u00e7on de l\u2019exprimer en sous-texte\u2026<\/p>\n

J\u2019ai toujours eu des difficult\u00e9s avec la notion d\u2019ordre, de classement, de pr\u00e9cision, et si je devais r\u00e9sumer la nature de ces difficult\u00e9s, j\u2019h\u00e9site entre le fait qu\u2019elles me plongent dans l\u2019ennui, ou dans une fatigue dont je ne peux rien faire, dont je suis toujours victime. Avec en prime un sentiment de culpabilit\u00e9 aig\u00fc. Le fait est que \u00e7a ne se fait pas d\u2019\u00eatre d\u00e9sordre, de ne pas savoir ranger les choses, organiser ses pens\u00e9es, c\u2019est souvent le signe d\u2019une sorte de tare, d\u00e9bilit\u00e9 ou pire laisser aller. Car dans notre famille la notion de fatigue est essentiellement li\u00e9e au travail, et le travail au bien-\u00eatre, \u00e0 une notion de s\u00e9curit\u00e9 toute relative.<\/p>\n

Je crois que j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 comprenant cette fatigue l\u00e0, celle de mes parents de mes grands-parents une fatigue encore bien plus oppressante qu\u2019ils ne purent jamais l\u2019imaginer. J\u2019\u00e9tais fatigu\u00e9 de leur fatigue surtout. Elle m\u2019an\u00e9antissait sans que je ne puisse rien en dire.<\/p>\n

Je continue \u00e0 jeter des id\u00e9es il est deux heure du matin, pas r\u00e9ussi \u00e0 dormir, et, en y r\u00e9fl\u00e9chissant il se peut que l\u2019insomnie soit une fa\u00e7on de creuser encore plus avant la fatigue, surtout pour les b\u00e9n\u00e9fices que l\u2019on peut en retirer, ce changement de fr\u00e9quence, une abolition des fronti\u00e8res entre la nuit et le jour, les qualit\u00e9s hypnagogiques qu\u2019offrent soudain la fatigue ; Cependant ce ne sont que des notes, des choses que j\u2019attrape au vol quand elles me traversent, rien de bien r\u00e9fl\u00e9chi, tout encore bien brouillon. Mais au moins voil\u00e0 ce sera not\u00e9, on pourra y revenir.<\/p>\n

Peut-\u00eatre que le v\u00e9ritable sujet ici n\u2019est pas seulement la fatigue, mais cette notion de flou, cette abolition des fronti\u00e8res qui se manifeste par le flou. Un flou qui n\u2019a rien \u00e0 voir avec le flou artistique, mais qui commence \u00e0 prendre une forme assez pr\u00e9cise. Une exasp\u00e9ration provenant d\u2019une incessante exigence de pr\u00e9cision ( vient-elle du dehors, de moi, les deux ?) pourrait utiliser ce flou comme une sorte de bouclier, de rempart. Et pour conserver cette vision floue, hypnagogique, on se r\u00e9fugie dans les termes de fatigue, d\u2019ennui, voire parfois de d\u00e9pression. Ce flou devient ainsi une d\u00e9fense, un espace de libert\u00e9 o\u00f9 les contraintes de la clart\u00e9 et de la pr\u00e9cision n\u2019ont plus prise, permettant \u00e0 la cr\u00e9ativit\u00e9 de s\u2019\u00e9panouir dans toute son ambigu\u00eft\u00e9 et sa richesse.<\/p>\n

Illustration image mise en avant : Room-in-new-york-Edward-Hopper-1932.<\/p>", "content_text": "Apr\u00e8s avoir cherch\u00e9 un bon quart d\u2019heure ce que pouvait repr\u00e9senter un noeud de cravate k\u00e9kul\u00e9en ( lu dans L\u2019infinie Com\u00e9die, de David Foster Wallace ) je tombe sur Friedrich Kekul\u00e9 von Stradonitz et j\u2019observe un long moment la forme de sa barbe. Quelques signes de fatigue Il y a plusieurs sortes de fatigues, ce serait peut-\u00eatre par l\u00e0 qu\u2019il faudrait commencer. En dresser une esp\u00e8ce d\u2019inventaire, tout au moins une liste. Tenter de les cerner les unes apr\u00e8s les autres, sinon vraiment les d\u00e9finir. Dans un ordre chronologique, c\u2019est \u00e0 cet ordre que l\u2019on pense, comment les premiers signes de fatigue se sont-ils manifest\u00e9s. C\u2019est assez flou, peut-\u00eatre m\u00eame que le trouble cr\u00e9e par ce sentiment de flou \u00e9loigne le terme d\u2019insidieux qui g\u00e9n\u00e9ralement acccompagne bon nombre de ces fatigues. En y songeant, en p\u00e9n\u00e9trant dans cette r\u00eaverie de la fatigue, on entre dans un genre de brouillard effectivement, peut-\u00eatre que l\u2019ordre requis pour mon inventaire serait plus juste, ou plus fiable, si je me fiais seulement aux divers qualit\u00e9s de ce brouillard. Tr\u00e8s t\u00f4t j\u2019ai pu confondre l\u2019ennui et la fatigue, \u00e0 cause notamment que ces sensations surgissent sans crier gare, nous terrassent, et par l\u00e0 m\u00eame nous agitent, nous force ( \u00e7a nous force ) \u00e0 vouloir les tromper ou nous tromper. Il y a aussi toute une \u00e9chelle de valeurs associ\u00e9e \u00e0 la notion de fatigue. On peut ressentir de la mauvaise ou de la bonne fatigue selon un jugement moral qui vient la plupart du temps de l\u2019ext\u00e9rieur. Mais je n\u2019ai gu\u00e8re envie de parler de morale, juste tenter de faire un peu le point sur une \u00e9thique toute personnelle, qui consisterait \u00e0 mettre en relief les diverses formes ( et aussi leurs antagonismes, formes invers\u00e9es, comme dans un puzzle parfois qui rend le groupe coh\u00e9rent, si toutefois la coh\u00e9rence existe encore \u00e0 ce niveau de r\u00e9alit\u00e9 o\u00f9 \u00e7a m\u2019emm\u00e8ne ) que fait na\u00eetre la fatigue, sans la qualifier plus que cela. Par exemple j\u2019ai \u00e9t\u00e9 assez fier ( Fierabras) de moi lorsque j\u2019\u00e9tais plus jeune de me faire embaucher dans des travaux subalternes ne requerrant pas autre chose que ma force physique ( calqu\u00e9e sur de vagues r\u00e9miniscences mythologiques, Hercule notamment) et un minimum de jugeotte. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 plus vite fatigu\u00e9 lorsque je travaillais dans des bureaux (une fatigue d\u2019arpenteur ) que dans des usines, dans des entrep\u00f4ts o\u00f9 je trimais comme un boeuf. Enfin ce n\u2019est pas la bonne mani\u00e8re d\u2019en parler en disant \u00ab plus vite fatigu\u00e9 \u00bb, la fatigue de l\u2019un n\u2019ayant que peu \u00e0 voir avec la fatigue de l\u2019autre. Mais je vais d\u00e9j\u00e0 trop vite. je br\u00fble des \u00e9tapes. Comme si la fatigue ainsi vis\u00e9e tentait de m\u2019envoyer un nuage d\u2019encre pour se d\u00e9filer. Une s\u00e8che qui se vidant de son encre s\u2019ass\u00e8che se lasse, s\u2019\u00e9clipse) A moins que ce ne soit une nouvelle forme de jeu qu\u2019elle me propose. Un \u00ab je \u00bb de narrateur qui voudrait se d\u00e9barasser de sa propre fatigue, peut-\u00eatre en changer, mais surement pas rejoindre cette zone tout \u00e0 fait incertaine dans laquelle vivent les gens normaux, ceux qui nient toute fatigue, se sentent toujours d\u2019attaque. Rien de belliqueux chez moi, sauf vis \u00e0 vis de ce \u00ab je \u00bb celui du monde r\u00e9el si l\u2019on peut dire englu\u00e9 dans une fatigue commune, en conflit permanent avec cet autre, le \u00ab je \u00bb qui persiste, qui ne veut qu\u2019une chose: r\u00e9sider dans la fatigue parce qu\u2019elle est une mati\u00e8re comme n\u2019importe quelle autre. Parce qu\u2019en changer maintenant que je la tiens me ferait sombrer vers pire encore, un pire que je connais bien pour l\u2019avoir explor\u00e9 plusieurs fois, par l\u00e2chet\u00e9, par ignorance, mu\u00e9 par de vaines esp\u00e9rances; Ma grand-m\u00e8re paternelle, Andr\u00e9e, me posait souvent cette question, est-ce que tu t\u2019ennuies mais je crois qu\u2019elle se trouvait dans la confusion ou l\u2019euph\u00e9misme, pour elle fatigue et ennui ne dressaient pas de cloison visible. N\u00e9anmoins je conserve en m\u00e9moire cette inqui\u00e9tude contenue dans la question et ce d\u00e8s mon plus jeune \u00e2ge. Est-ce que pour elle qui \u00e9tait en retraite, l\u2019ennui \u00e9tait le genre de chose qui pouvait fondre sur les enfants tout comme la fatigue autrefois pouvait fondre sur les travailleurs ayant accompli leur longue journ\u00e9e, et, dans ce cas, sa question contenait aussi une certaine forme de nostalgie. Je crois que si on ne travaillait pas on s\u2019ennuyait \u00e0 l\u2019\u00e9poque de mes grands-parents, que si on \u00e9tait fatigu\u00e9 c\u2019est que l\u2019on avait beaucoup et donc bien travaill\u00e9, la fatigue \u00e9tait une sorte de signe que le travail, la mission avait \u00e9t\u00e9 parachev\u00e9e dans l\u2019ordre des choses. Le fait d\u2019\u00eatre pris en d\u00e9faut de s\u2019ennuyer n\u2019existait pas vraiment, on trouvait assez vite un pr\u00e9texte pour dire mais non, je suis fatigu\u00e9, j\u2019ai beaucoup ( et bien ) travaill\u00e9. Pourtant, je me souviens parfaitement du r\u00e9veil qui sonne \u00e0 quatre heure du matin, des soupirs de mon grand-p\u00e8re avec qui je dormais durant les grandes vacances d\u2019\u00e9t\u00e9. Il se levait sans h\u00e2te, enfilait sa c\u00f4te de travail, titubait jusqu\u2019\u00e0 la porte de la chambre, je l\u2019entendais traverser le couloir menant \u00e0 la cuisine, l\u2019odeur du caf\u00e9 soudain m\u2019arrivait jusqu\u2019aux narines, grand-m\u00e8re l\u2019avait pr\u00e9par\u00e9, elle se levait aussi \u00e0 la m\u00eame heure, et quand parfois, je sortais du lit, m\u2019approchais, ( ici il faudrait prendre le temps de d\u00e9crire cette athmosph\u00e8re du tout petit matin, la bonne lueur de la cuisine au fond du couloir, et le transistor qui diffuse les nouvelles, leurs grognements matinaux \u2026 ) on me houspillait va donc te recoucher tu as vu l\u2019heure. Je crois que j\u2019ai toujours conserv\u00e9 par la suite cette habitude de me r\u00e9veiller, parfois bien avant l\u2019aurore pour sans doute les rejoindre dans la m\u00eame fatigue, celle qu\u2019il affichaient le soir quand ils se retrouvaient au d\u00eener, quand nous nous retrouvions tous, parfois aussi avec mes parents, tout le monde bien fatigu\u00e9 comme il se doit de l\u2019\u00eatre chez des personnes sens\u00e9es. Ce texte manque parfois de clart\u00e9. Ne peux-tu pas \u00eatre un peu plus pr\u00e9cis sur certains points, \u00e0 moins que justement toute v\u00e9ll\u00e9it\u00e9 de pr\u00e9cision fasse partie d\u2019une strat\u00e9gie li\u00e9e \u00e0 la fatigue, permette d\u2019une certaine fa\u00e7on de l\u2019exprimer en sous-texte\u2026 J\u2019ai toujours eu des difficult\u00e9s avec la notion d\u2019ordre, de classement, de pr\u00e9cision, et si je devais r\u00e9sumer la nature de ces difficult\u00e9s, j\u2019h\u00e9site entre le fait qu\u2019elles me plongent dans l\u2019ennui, ou dans une fatigue dont je ne peux rien faire, dont je suis toujours victime. Avec en prime un sentiment de culpabilit\u00e9 aig\u00fc. Le fait est que \u00e7a ne se fait pas d\u2019\u00eatre d\u00e9sordre, de ne pas savoir ranger les choses, organiser ses pens\u00e9es, c\u2019est souvent le signe d\u2019une sorte de tare, d\u00e9bilit\u00e9 ou pire laisser aller. Car dans notre famille la notion de fatigue est essentiellement li\u00e9e au travail, et le travail au bien-\u00eatre, \u00e0 une notion de s\u00e9curit\u00e9 toute relative. Je crois que j\u2019ai \u00e9prouv\u00e9 comprenant cette fatigue l\u00e0, celle de mes parents de mes grands-parents une fatigue encore bien plus oppressante qu\u2019ils ne purent jamais l\u2019imaginer. J\u2019\u00e9tais fatigu\u00e9 de leur fatigue surtout. Elle m\u2019an\u00e9antissait sans que je ne puisse rien en dire. Je continue \u00e0 jeter des id\u00e9es il est deux heure du matin, pas r\u00e9ussi \u00e0 dormir, et, en y r\u00e9fl\u00e9chissant il se peut que l\u2019insomnie soit une fa\u00e7on de creuser encore plus avant la fatigue, surtout pour les b\u00e9n\u00e9fices que l\u2019on peut en retirer, ce changement de fr\u00e9quence, une abolition des fronti\u00e8res entre la nuit et le jour, les qualit\u00e9s hypnagogiques qu\u2019offrent soudain la fatigue; Cependant ce ne sont que des notes, des choses que j\u2019attrape au vol quand elles me traversent, rien de bien r\u00e9fl\u00e9chi, tout encore bien brouillon. Mais au moins voil\u00e0 ce sera not\u00e9, on pourra y revenir. Peut-\u00eatre que le v\u00e9ritable sujet ici n\u2019est pas seulement la fatigue, mais cette notion de flou, cette abolition des fronti\u00e8res qui se manifeste par le flou. Un flou qui n\u2019a rien \u00e0 voir avec le flou artistique, mais qui commence \u00e0 prendre une forme assez pr\u00e9cise. 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J\u2019efface encore. Encore bien trop grandiloquent. Exag\u00e9r\u00e9. De grandes phrases comme des grands gestes. Du roman. M\u00eame si je sais que je vais de d\u00e9faite en d\u00e9faite, j\u2019insiste, je persiste, je me borne je m\u2019ent\u00eate. Voyons voir, et maintenant, o\u00f9 en suis-je, nulle part, c\u2019est bien l\u00e0 que je sens qu\u2019il faut \u00eatre, se tenir. L\u2019atelier d\u2019\u00e9criture s\u2019\u00e9loigne, pas s\u00fbr que je le rattrape, suis fatigu\u00e9, tellement fatigu\u00e9. L\u2019absurdit\u00e9 qui veut se donner de grands airs de s\u00e9rieux m\u2019ach\u00e8ve lentement. Mascarade totale quand je m\u2019interesse au monde je vois des tableaux de James Ensor. Suis sorti achet\u00e9 des tomates et j\u2019ai vu des monstres. Heureusement ils ne me voient pas, suis totalement inexistant, un vieux qui claudique. La boulang\u00e8re s\u2019est lass\u00e9e de mes bonjour stricts, elle ne me demande plus si je suis au courant de ceci ou cela, hier elle m\u2019a tendu ma baguette avec une esp\u00e8ce de petite moue d\u00e9\u00e7ue, et un au revoir bonne journ\u00e9e monocorde. Quel marasme. Ecout\u00e9 des lectures de Robert Pinget, Fiston, et Baga, bien et m\u00eame tr\u00e8s bien, et je comprends pourquoi F a pu dire que peut-\u00eatre c\u2019\u00e9tait parfois obsol\u00e8te, dans le monde actuel, les choses vieillissent \u00e0 une vitesse hallucinante. En tous cas j\u2019ai bien aim\u00e9 ces textes, c\u2019est ce que je r\u00eavais d\u2019\u00e9crire d\u2019une certaine fa\u00e7on quand j\u2019avais la quarantaine, l\u2019inclusion du murmure, de la rumeur, dans le texte sans signe \u00e9vidence de ponctuation, passage d\u2019un personnage l\u2019autre ainsi sans distingo. J\u2019en ai des cartons pleins dans le genre au grenier. Bon toute d\u00e9f\u00e9rence gard\u00e9e \u00e9videmment pour F. et pour Pinget, c\u2019est tout \u00e0 fait modestement que je dis \u00e7a. Mais trop compliqu\u00e9 \u00e0 lire pour le lecteur, beaucoup trop long, trop long et compliqu\u00e9, on en lit plus, trop fatiguant, demande trop d\u2019attention, on veut de la fast litt\u00e9rature, comme du fast-food. Des trucs vite fait, pas cher. Facile. Ou alors du scandale, de l\u2019horrible, du choquant ( et encore n\u2019en est-on pas fatigu\u00e9, me demande, possible qu\u2019au bout du compte on finisse par se fracasser les neurones sur les plateformes de streaming.<\/p>\n

Est-ce que je suis en train de sortir mon remblai, c\u2019est possible, \u00e7a coule bien trop facilement, trop rapidement, salet\u00e9 d\u2019urgence.<\/p>\n

Calme-toi, tu vas mourir et tout le monde t\u2019oubliera, on ne gardera de toi que quelques \u00e9tranget\u00e9s, que l\u2019on se h\u00e2tera de balayer du geste de la main, quel tortur\u00e9 celui-l\u00e0, je les entends d\u00e9j\u00e0. Je suis peut-\u00eatre parvenu au bout de l\u2019envie d\u2019\u00e9crire, je vais me remettre \u00e0 peindre, recommencer avec la peinture pareil, dans l\u2019autre sens. En ce moment envie de me remettre \u00e0 l\u2019aquarelle, \u00e0 l\u2019encre de chine, aller creuser, trouver des formes in\u00e9dites, celles qui surgissent quand on atteint le bon niveau de fatigue, quand tout le reste est devenu si ridicule qu\u2019on ne s\u2019y aventure plus.<\/p>\n

Ce n\u2019est pas encore \u00e7a, bien s\u00fbr que non, mais il y a une petite id\u00e9e de forme, \u00e0 creuser encore, \u00e9crire sur le trou pas sur la terre qu\u2019on retire.<\/p>", "content_text": "J\u2019efface encore. Encore bien trop grandiloquent. Exag\u00e9r\u00e9. De grandes phrases comme des grands gestes. Du roman. M\u00eame si je sais que je vais de d\u00e9faite en d\u00e9faite, j\u2019insiste, je persiste, je me borne je m\u2019ent\u00eate. Voyons voir, et maintenant, o\u00f9 en suis-je, nulle part, c\u2019est bien l\u00e0 que je sens qu\u2019il faut \u00eatre, se tenir. L\u2019atelier d\u2019\u00e9criture s\u2019\u00e9loigne, pas s\u00fbr que je le rattrape, suis fatigu\u00e9, tellement fatigu\u00e9. L\u2019absurdit\u00e9 qui veut se donner de grands airs de s\u00e9rieux m\u2019ach\u00e8ve lentement. Mascarade totale quand je m\u2019interesse au monde je vois des tableaux de James Ensor. Suis sorti achet\u00e9 des tomates et j\u2019ai vu des monstres. Heureusement ils ne me voient pas, suis totalement inexistant, un vieux qui claudique. La boulang\u00e8re s\u2019est lass\u00e9e de mes bonjour stricts, elle ne me demande plus si je suis au courant de ceci ou cela, hier elle m\u2019a tendu ma baguette avec une esp\u00e8ce de petite moue d\u00e9\u00e7ue, et un au revoir bonne journ\u00e9e monocorde. Quel marasme. Ecout\u00e9 des lectures de Robert Pinget, Fiston, et Baga, bien et m\u00eame tr\u00e8s bien, et je comprends pourquoi F a pu dire que peut-\u00eatre c\u2019\u00e9tait parfois obsol\u00e8te, dans le monde actuel, les choses vieillissent \u00e0 une vitesse hallucinante. En tous cas j\u2019ai bien aim\u00e9 ces textes, c\u2019est ce que je r\u00eavais d\u2019\u00e9crire d\u2019une certaine fa\u00e7on quand j\u2019avais la quarantaine, l\u2019inclusion du murmure, de la rumeur, dans le texte sans signe \u00e9vidence de ponctuation, passage d\u2019un personnage l\u2019autre ainsi sans distingo. J\u2019en ai des cartons pleins dans le genre au grenier. Bon toute d\u00e9f\u00e9rence gard\u00e9e \u00e9videmment pour F. et pour Pinget, c\u2019est tout \u00e0 fait modestement que je dis \u00e7a. Mais trop compliqu\u00e9 \u00e0 lire pour le lecteur, beaucoup trop long, trop long et compliqu\u00e9, on en lit plus, trop fatiguant, demande trop d\u2019attention, on veut de la fast litt\u00e9rature, comme du fast-food. Des trucs vite fait, pas cher. Facile. Ou alors du scandale, de l\u2019horrible, du choquant ( et encore n\u2019en est-on pas fatigu\u00e9, me demande, possible qu\u2019au bout du compte on finisse par se fracasser les neurones sur les plateformes de streaming. Est-ce que je suis en train de sortir mon remblai, c\u2019est possible, \u00e7a coule bien trop facilement, trop rapidement, salet\u00e9 d\u2019urgence. Calme-toi, tu vas mourir et tout le monde t\u2019oubliera, on ne gardera de toi que quelques \u00e9tranget\u00e9s, que l\u2019on se h\u00e2tera de balayer du geste de la main, quel tortur\u00e9 celui-l\u00e0, je les entends d\u00e9j\u00e0. Je suis peut-\u00eatre parvenu au bout de l\u2019envie d\u2019\u00e9crire, je vais me remettre \u00e0 peindre, recommencer avec la peinture pareil, dans l\u2019autre sens. En ce moment envie de me remettre \u00e0 l\u2019aquarelle, \u00e0 l\u2019encre de chine, aller creuser, trouver des formes in\u00e9dites, celles qui surgissent quand on atteint le bon niveau de fatigue, quand tout le reste est devenu si ridicule qu\u2019on ne s\u2019y aventure plus. Ce n\u2019est pas encore \u00e7a, bien s\u00fbr que non, mais il y a une petite id\u00e9e de forme, \u00e0 creuser encore, \u00e9crire sur le trou pas sur la terre qu\u2019on retire.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_1040-1_1_.jpg?1748065116", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/29-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/29-juillet-2024.html", "title": "29 juillet 2024", "date_published": "2024-07-29T08:03:49Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

La planification ne fonctionne pas. J\u2019observe que cela fait plusieurs fois. Il faut que j\u2019ouvre l\u2019application jetpack ( vraie salet\u00e9) pour que tout \u00e0 coup hop le texte se publie. Si je n\u2019ouvre pas l\u2019application wordpress, ou jetpack, ( qui nous prend en otage) la planification ne fonctionne pas. Si je ne fais rien, rien ne se fait de fa\u00e7on pr\u00e9vue autant qu\u2019automatique. Si j\u2019\u00e9tais mort par exemple plus rien ne se publierait de ce que je j\u2019aurais pr\u00e9vu de mon vivant. Donc l\u2019oubli, voil\u00e0 o\u00f9 cela me m\u00e8ne. Donc il faut faire avec. Accepter. Nous ne sommes pas plus que des courants d\u2019air. Je suis stup\u00e9fi\u00e9 de pouvoir me passer d\u2019une id\u00e9e, d\u2019une envie, d\u2019un besoin, sit\u00f4t que je me mets \u00e0 y penser, \u00e0 me demander leur n\u00e9cessit\u00e9. Ce qui doit surnager ce sont les habitudes, cette m\u00e9canique du vivant qui tient l\u2019ensemble. J\u2019ai \u00e9chou\u00e9 \u00e0 d\u00e9jouer ces habitudes, \u00e0 vouloir les \u00e9carter, par vanit\u00e9 forc\u00e9ment, ou orgueil, par jeunesse surtout. On ne devrait pas trop faire de plans, vivre et c\u2019est d\u00e9j\u00e0 pas si mal. Je m\u2019\u00e9loigne de plus en plus de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture comme de l\u2019atelier de peinture. Il faut que je souligne ce fait. Quelque chose comme quoi, une eni\u00e8me prise de conscience, comme c\u2019est fatiguant d\u2019avoir toujours besoin de prendre conscience, ne pourrait-on pas rester totalement inconscient, dans l\u2019immanence, dans le ventre du monde \u00e0 flotter dans sa propre inconsistance, ne pas r\u00eaver encore une fois, de na\u00eetre \u00e0 je ne sais quoi. C\u2019est d\u00e9solant \u00e0 la fin. Mais pas autant que tout ce qui se passe sous mes yeux au dehors, sur les estrades, tout ce spectacle affligeant. N\u2019est-ce pas une image retourn\u00e9e de ce qui se produit dans l\u2019int\u00e9rieur , je me demande. Y a t\u2019il autant de d\u00e9r\u00e9liction au dehors qu\u2019au dedans. ( « supr\u00eame d\u00e9r\u00e9liction », r\u00e9surgence de l\u2019angoisse de G\u00e9ths\u00e9mani ainsi que le dit Bloy) Voil\u00e0 que je fais le malin, que je cite, que je r\u00e9f\u00e8re. Cr\u00e9tin des Alpes. Faut-il donc toujours s\u2019en vouloir pour tout, n\u2019y a t\u2019il pas des moments de pause o\u00f9 l\u2019on peut s\u2019en foutre, s\u2019en foutre, s\u2019en tamponner le coquillard ( est-ce du religieux inavou\u00e9, par exemple une r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 Saint-Jacques ou bien une simple n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019avoir reours au grivois pour surnager me demande ) Je m\u2019\u00e9loigne, c\u2019est ce que je veux dire depuis le d\u00e9but, il faut que je le case, je ne sais pas o\u00f9, peut-\u00eatre ici ou l\u00e0, peu importe, n\u2019importe o\u00f9 dans ce texte, il faut que je m\u2019\u00e9loigne encore, de plus en plus, et surtout de moi-m\u00eame.<\/p>\n

A part \u00e7a ne je perds quand m\u00eame pas le Nord, j\u2019ai r\u00e9ussi \u00e0 recr\u00e9er un WordPress sur mon serveur apache, dans lequel j\u2019ai restaur\u00e9 tout mon blog « peinture chamanique », j\u2019ai aussi inject\u00e9 dans mon Spip en ligne une partie de l\u2019ann\u00e9e 2024, r\u00e9dig\u00e9 sur le dibbouk ; je suis presque \u00e0 jour. La v\u00e9ritable question que je ne veux pas me poser, surtout pas, c\u2019est \u00e0 quoi donc tout cela sert-il, la r\u00e9ponse me fonce trop vite dessus, avant m\u00eame que je ne me pose la question. Pas parvenu \u00e0 remplir le formulaire de la 30, toujours pas, du coup je vois s\u2019empiler le retard jour apr\u00e8s jour, suis \u00e9bahi par cettte impuissance \u00e0 m\u2019y remettre. Mais je r\u00e9siste dans l\u2019impuissance si je peux dire, je sens bien qu\u2019elle a sa propre n\u00e9cessit\u00e9. Je r\u00e9side dans le brouillon tout autant, comme si l\u2019id\u00e9e de mettre quelque chose au propre m\u2019\u00e9tait d\u2019avance insoutenable, insupportable. Toutes ces personnes qui pr\u00f4ne l\u2019hygi\u00e8ne sur tous les tons cette image de foule participative -ils n\u2019ont aucun visage-me bassine, m\u2019exasp\u00e8re, car c\u2019est de la poudre aux yeux, \u00e7a se voit comme un nez au milieu de la figure, chaque jour on d\u00e9couvre la poussi\u00e8re sous les tapis, chaque jour, \u00e7a mine pensez-vous l\u2019id\u00e9e du propre, mais pas du tout au contraire \u00e7a la renforce, \u00e7a en fait un dogme, merde alors. Bon je m\u2019emballe, le diesel est enfin chaud, j\u2019ai devant moi une grande journ\u00e9e de solitude car les enfants et S. passent la journ\u00e9e sur Lyon. J\u2019ai dit qu\u2019avec mon pied, impossible de suivre, ce qui est moiti\u00e9 vrai, si je voulais faire une effort, mais justement l\u2019effort aussi est \u00e0 mettre \u00e0 la question, pour changer, plut\u00f4t que ce soit toujours lui qui torture.<\/p>\n

Face \u00e0 l\u2019effondrement g\u00e9n\u00e9ral du monde n\u2019est-on pas tenu de constater son propre effrondrement comme en \u00e9cho et de sourire ( tristement) de toute tentative de positiver cette simultan\u00e9\u00eft\u00e9 de ruines. La r\u00e9sistance v\u00e9ritable, l\u2019id\u00e9e m\u00eame qu\u2019il puisse en exister une, nous procurant ainsi une existence, si proche de la notion de responsabilit\u00e9, les deux se confondant, ne fait-elle pas partie int\u00e9grante du spectacle.<\/p>\n

Des \u00e9l\u00e8ves lors de la derni\u00e8re s\u00e9ance m\u2019ont apport\u00e9 des bouquets de sauge, je les ai pos\u00e9 sur une \u00e9tag\u00e8re pour en faire s\u00e9cher les feuilles, peut-\u00eatre que je vais profiter de la journ\u00e9e pour effectuer mes exorcismes, pi\u00e8ce apr\u00e8s piece, en toute s\u00e9r\u00e9nit\u00e9. L\u2019id\u00e9e qu\u2019une entit\u00e9 nocive r\u00e9side dans la maison peut-\u00eatre une sorte d\u2019ultime recours, et qu\u2019il puisse exister une fa\u00e7on de s\u2019en d\u00e9barasser, une possibilit\u00e9 de solution, mais lorsque je me retrouve face \u00e0 face avec ces pens\u00e9es honn\u00eatement je doute de leur bien fond\u00e9, au lieu de \u00e7a je vois que je fais bien tout ce que je peux pour creuser un tunnel, tenter encore une fois de plus de m\u2019\u00e9vader de quelque chose. En fin de compte ce spectacle entraper\u00e7u, l\u2019ouverture des J0 marque une fin de quelque chose c\u2019est \u00e9vident, trop de symbolisme cr\u00e9ant des perc\u00e9es sauvages dans l\u2019inconscient, ce que l\u2019on veut nous faire penser c\u2019est v\u00e9ritablement la fin d\u2019un monde, la fin des temps, la fin d\u2019une humanit\u00e9 telle que nous l\u2019avons connue, r\u00eav\u00e9e, esp\u00e9r\u00e9e. Ce qui advient ensuite est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0 dans les esprits via de tels symb\u00f4les, le r\u00e8gne de la quantit\u00e9, de la p\u00e9dophilie, du pornographique, la n\u00e9gation du genre, une cacophonie sciemment organis\u00e9e pour que \u00e7a profite \u00e0 une poign\u00e9e qui d\u00e9cidemment n\u2019en a jamais assez, se trouve confront\u00e9e \u00e0 une id\u00e9e de manque insoluble, \u00e0 un ennui insondable.<\/p>", "content_text": "La planification ne fonctionne pas. J\u2019observe que cela fait plusieurs fois. Il faut que j\u2019ouvre l\u2019application jetpack ( vraie salet\u00e9) pour que tout \u00e0 coup hop le texte se publie. Si je n\u2019ouvre pas l\u2019application wordpress, ou jetpack, ( qui nous prend en otage) la planification ne fonctionne pas. Si je ne fais rien, rien ne se fait de fa\u00e7on pr\u00e9vue autant qu\u2019automatique. Si j\u2019\u00e9tais mort par exemple plus rien ne se publierait de ce que je j\u2019aurais pr\u00e9vu de mon vivant. Donc l\u2019oubli, voil\u00e0 o\u00f9 cela me m\u00e8ne. Donc il faut faire avec. Accepter. Nous ne sommes pas plus que des courants d\u2019air. Je suis stup\u00e9fi\u00e9 de pouvoir me passer d\u2019une id\u00e9e, d\u2019une envie, d\u2019un besoin, sit\u00f4t que je me mets \u00e0 y penser, \u00e0 me demander leur n\u00e9cessit\u00e9. Ce qui doit surnager ce sont les habitudes, cette m\u00e9canique du vivant qui tient l\u2019ensemble. J\u2019ai \u00e9chou\u00e9 \u00e0 d\u00e9jouer ces habitudes, \u00e0 vouloir les \u00e9carter, par vanit\u00e9 forc\u00e9ment, ou orgueil, par jeunesse surtout. On ne devrait pas trop faire de plans, vivre et c\u2019est d\u00e9j\u00e0 pas si mal. Je m\u2019\u00e9loigne de plus en plus de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture comme de l\u2019atelier de peinture. Il faut que je souligne ce fait. Quelque chose comme quoi, une eni\u00e8me prise de conscience, comme c\u2019est fatiguant d\u2019avoir toujours besoin de prendre conscience, ne pourrait-on pas rester totalement inconscient, dans l\u2019immanence, dans le ventre du monde \u00e0 flotter dans sa propre inconsistance, ne pas r\u00eaver encore une fois, de na\u00eetre \u00e0 je ne sais quoi. C\u2019est d\u00e9solant \u00e0 la fin. Mais pas autant que tout ce qui se passe sous mes yeux au dehors, sur les estrades, tout ce spectacle affligeant. N\u2019est-ce pas une image retourn\u00e9e de ce qui se produit dans l\u2019int\u00e9rieur , je me demande. Y a t\u2019il autant de d\u00e9r\u00e9liction au dehors qu\u2019au dedans. ( \u00ab supr\u00eame d\u00e9r\u00e9liction \u00bb, r\u00e9surgence de l\u2019angoisse de G\u00e9ths\u00e9mani ainsi que le dit Bloy) Voil\u00e0 que je fais le malin, que je cite, que je r\u00e9f\u00e8re. Cr\u00e9tin des Alpes. Faut-il donc toujours s\u2019en vouloir pour tout, n\u2019y a t\u2019il pas des moments de pause o\u00f9 l\u2019on peut s\u2019en foutre, s\u2019en foutre, s\u2019en tamponner le coquillard ( est-ce du religieux inavou\u00e9, par exemple une r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 Saint-Jacques ou bien une simple n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019avoir reours au grivois pour surnager me demande ) Je m\u2019\u00e9loigne, c\u2019est ce que je veux dire depuis le d\u00e9but, il faut que je le case, je ne sais pas o\u00f9, peut-\u00eatre ici ou l\u00e0, peu importe, n\u2019importe o\u00f9 dans ce texte, il faut que je m\u2019\u00e9loigne encore, de plus en plus, et surtout de moi-m\u00eame. A part \u00e7a ne je perds quand m\u00eame pas le Nord, j\u2019ai r\u00e9ussi \u00e0 recr\u00e9er un WordPress sur mon serveur apache, dans lequel j\u2019ai restaur\u00e9 tout mon blog \u00ab peinture chamanique \u00bb, j\u2019ai aussi inject\u00e9 dans mon Spip en ligne une partie de l\u2019ann\u00e9e 2024, r\u00e9dig\u00e9 sur le dibbouk; je suis presque \u00e0 jour. La v\u00e9ritable question que je ne veux pas me poser, surtout pas, c\u2019est \u00e0 quoi donc tout cela sert-il, la r\u00e9ponse me fonce trop vite dessus, avant m\u00eame que je ne me pose la question. Pas parvenu \u00e0 remplir le formulaire de la 30, toujours pas, du coup je vois s\u2019empiler le retard jour apr\u00e8s jour, suis \u00e9bahi par cettte impuissance \u00e0 m\u2019y remettre. Mais je r\u00e9siste dans l\u2019impuissance si je peux dire, je sens bien qu\u2019elle a sa propre n\u00e9cessit\u00e9. Je r\u00e9side dans le brouillon tout autant, comme si l\u2019id\u00e9e de mettre quelque chose au propre m\u2019\u00e9tait d\u2019avance insoutenable, insupportable. Toutes ces personnes qui pr\u00f4ne l\u2019hygi\u00e8ne sur tous les tons cette image de foule participative -ils n\u2019ont aucun visage-me bassine, m\u2019exasp\u00e8re, car c\u2019est de la poudre aux yeux, \u00e7a se voit comme un nez au milieu de la figure, chaque jour on d\u00e9couvre la poussi\u00e8re sous les tapis, chaque jour, \u00e7a mine pensez-vous l\u2019id\u00e9e du propre, mais pas du tout au contraire \u00e7a la renforce, \u00e7a en fait un dogme, merde alors. Bon je m\u2019emballe, le diesel est enfin chaud, j\u2019ai devant moi une grande journ\u00e9e de solitude car les enfants et S. passent la journ\u00e9e sur Lyon. J\u2019ai dit qu\u2019avec mon pied, impossible de suivre, ce qui est moiti\u00e9 vrai, si je voulais faire une effort, mais justement l\u2019effort aussi est \u00e0 mettre \u00e0 la question, pour changer, plut\u00f4t que ce soit toujours lui qui torture. Face \u00e0 l\u2019effondrement g\u00e9n\u00e9ral du monde n\u2019est-on pas tenu de constater son propre effrondrement comme en \u00e9cho et de sourire ( tristement) de toute tentative de positiver cette simultan\u00e9\u00eft\u00e9 de ruines. La r\u00e9sistance v\u00e9ritable, l\u2019id\u00e9e m\u00eame qu\u2019il puisse en exister une, nous procurant ainsi une existence, si proche de la notion de responsabilit\u00e9, les deux se confondant, ne fait-elle pas partie int\u00e9grante du spectacle. Des \u00e9l\u00e8ves lors de la derni\u00e8re s\u00e9ance m\u2019ont apport\u00e9 des bouquets de sauge, je les ai pos\u00e9 sur une \u00e9tag\u00e8re pour en faire s\u00e9cher les feuilles, peut-\u00eatre que je vais profiter de la journ\u00e9e pour effectuer mes exorcismes, pi\u00e8ce apr\u00e8s piece, en toute s\u00e9r\u00e9nit\u00e9. L\u2019id\u00e9e qu\u2019une entit\u00e9 nocive r\u00e9side dans la maison peut-\u00eatre une sorte d\u2019ultime recours, et qu\u2019il puisse exister une fa\u00e7on de s\u2019en d\u00e9barasser, une possibilit\u00e9 de solution, mais lorsque je me retrouve face \u00e0 face avec ces pens\u00e9es honn\u00eatement je doute de leur bien fond\u00e9, au lieu de \u00e7a je vois que je fais bien tout ce que je peux pour creuser un tunnel, tenter encore une fois de plus de m\u2019\u00e9vader de quelque chose. En fin de compte ce spectacle entraper\u00e7u, l\u2019ouverture des J0 marque une fin de quelque chose c\u2019est \u00e9vident, trop de symbolisme cr\u00e9ant des perc\u00e9es sauvages dans l\u2019inconscient, ce que l\u2019on veut nous faire penser c\u2019est v\u00e9ritablement la fin d\u2019un monde, la fin des temps, la fin d\u2019une humanit\u00e9 telle que nous l\u2019avons connue, r\u00eav\u00e9e, esp\u00e9r\u00e9e. Ce qui advient ensuite est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0 dans les esprits via de tels symb\u00f4les, le r\u00e8gne de la quantit\u00e9, de la p\u00e9dophilie, du pornographique, la n\u00e9gation du genre, une cacophonie sciemment organis\u00e9e pour que \u00e7a profite \u00e0 une poign\u00e9e qui d\u00e9cidemment n\u2019en a jamais assez, se trouve confront\u00e9e \u00e0 une id\u00e9e de manque insoluble, \u00e0 un ennui insondable.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/le-voyage-des-loups.jpg?1748065092", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/28-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/28-juillet-2024.html", "title": "28 juillet 2024", "date_published": "2024-07-29T08:02:19Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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Le silo du p\u00e8re Debord se trouve \u00e0 un jet de pierre de la maison. Il est d\u00e9saffect\u00e9 d\u00e9sormais. J\u2019y suis pass\u00e9 en coup de vent il y a environ deux ans, \u00e0 l\u2019occasion d\u2019un voyage pour aller accrocher mes toiles \u00e0 Montlu\u00e7on. Peu importe. C\u2019est ce silo qui convient pour \u00e9voquer ce syst\u00e8me de nappes successives qu\u2019utilise Perec dans ce passage (machineries de l\u2019ascenseur) de La vie mode d\u2019emploi. C\u2019est ce lieu qui, contre toute attente, resurgit.<\/p>\n

Au d\u00e9part, il faut que je revienne un peu en arri\u00e8re. J\u2019avais pens\u00e9, apr\u00e8s avoir relu le texte de Perec, que j\u2019allais certainement utiliser mes souvenirs encore une fois \u2013 autobiographiques \u2013 concernant la petite porte noire au bas de ce bloc neuf de ma\u00e7onnerie que mes parents avaient fait construire apr\u00e8s la mort de l\u2019arri\u00e8re-grand-p\u00e8re Brunet. Ce bloc avait \u00e9t\u00e9 con\u00e7u pour cr\u00e9er deux salles de bain (avec baignoire), signe d\u2019une opulence incongrue alors que nos repas se composaient essentiellement de soupes au lait avec des p\u00e2tes, des pommes de terre. Enfin, c\u2019est l\u2019anomalie qui vient lorsque j\u2019y songe. Donc, cette petite porte noire, dont la peinture devait \u00eatre de m\u00e9diocre qualit\u00e9 car elle s\u2019\u00e9caillait vite, portait des traces de griffures, de morsures, \u00e9clats de forme g\u00e9ographique, continentale par endroits. Cette petite porte noire, celle par laquelle je p\u00e9n\u00e9trais sous la maison et dont la paroi tout au fond poss\u00e8de certainement encore le trou par o\u00f9 s\u2019engouffre l\u2019air moisi de la cave un peu plus bas. Mais je crois que la frayeur d\u2019y revenir \u00e0 nouveau, de sentir mon imagination s\u2019emballer, \u00e9perdue, m\u2019a stopp\u00e9 net. J\u2019ai cherch\u00e9 quelque chose \u00e0 quoi m\u2019accrocher pour me ressaisir et l\u2019image du silo s\u2019est aussit\u00f4t pr\u00e9sent\u00e9e. Voil\u00e0 pour le mouvement des choses. Une pens\u00e9e, une image, et puis en l\u2019\u00e9cartant, une autre, et sans doute beaucoup d\u2019autres au fur et \u00e0 mesure.<\/p>\n

On peut imaginer une forteresse de b\u00e9ton et de m\u00e9tal, \u00e7a convient bien. Si on sort par le portail de la maison, on d\u00e9passe la maison des X \u2013 l\u00e0 o\u00f9 vivent ces vieilles personnes dont l\u2019homme, combattant de 14-18, y a laiss\u00e9 une jambe \u2013 on arrive face \u00e0 une sorte de vaste terrain vague qui part de l\u2019avenue Charles V\u00e9nuat et qui s\u2019\u00e9tend jusqu\u2019\u00e0 la lisi\u00e8re des champs appartenant \u00e0 Y. C\u2019est dans la partie nord-ouest de ce terrain que s\u2019\u00e9l\u00e8ve le silo. De gros camions viennent ici chaque jour pour y d\u00e9verser dans des fosses profondes des montagnes de bl\u00e9 provenant des nombreuses exploitations des environs.<\/p>\n

Ceci pour resituer un peu le silo s\u2019il y avait ce besoin de l\u2019int\u00e9grer dans une portion de r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n

Et sur le quai de d\u00e9chargement, \u00e0 environ 1,50 m du sol, se tient la silhouette du p\u00e8re Debord en v\u00eatements de travail, principalement de couleur grise, avec sa casquette grise elle aussi enfonc\u00e9e sur le cr\u00e2ne. Le ma\u00eetre du lieu. Nous jouons souvent ensemble, P., le fils Debord, et moi-m\u00eame. J\u2019ai longtemps cru qu\u2019il serait mon meilleur ami, puis j\u2019ai abandonn\u00e9 cette id\u00e9e le jour o\u00f9 il m\u2019a dit qu\u2019il trouvait ma m\u00e8re si craquante. Et aussi qu\u2019il suffirait de penser tr\u00e8s fort \u00e0 une fille pour l\u2019obtenir. Bref, nous jouons ensemble avec des hauts et des bas, disons que c\u2019est mon seul camarade et ce sera tr\u00e8s bien comme \u00e7a.<\/p>\n

Personnellement, \u00e0 chaque fois que j\u2019ai r\u00eav\u00e9 tr\u00e8s fort \u00e0 quoi que ce soit, y compris les filles, \u00e7a m\u2019a gliss\u00e9 d\u2019entre les mains presque imm\u00e9diatement.<\/p>\n

— Vous approchez pas des fosses, les gamins, sinon le crocodile va vous attraper, qu\u2019il dit le p\u00e8re Debord.<\/p>\n

Bien s\u00fbr que \u00e7a fiche la trouille, mais c\u2019est bien excitant aussi d\u2019imaginer qu\u2019il y a l\u00e0, sous nos pieds, des crocodiles et probablement tout un tas d\u2019autres choses innommables. Mais attention, la peur, c\u2019est comme le d\u00e9sir, \u00e7a glisse vite entre les doigts.<\/p>\n

Je vois le p\u00e8re Debord et il a le dos tourn\u00e9, assis \u00e0 son bureau, \u00e0 remplir ses papiers, \u00e0 t\u00e9l\u00e9phoner, qu\u2019il nous oublie. Nous sommes l\u00e0, debout dans le grand hall du silo avec ses pyl\u00f4nes de fer, ses escaliers aux marches trou\u00e9es, ses passerelles l\u00e0-haut dans les hauteurs, ses grandes cuves en inox en forme de biberon invers\u00e9, et partout l\u2019air est charg\u00e9, partout des trou\u00e9es de lumi\u00e8re traversent l\u2019espace et r\u00e9v\u00e8lent des galaxies de minuscules particules de poussi\u00e8re. Sans compter l\u2019odeur du grain qui s\u00e8che, on ne sait pas encore bien o\u00f9, on ne sait pas encore les montagnes, les gouffres, le danger qu\u2019on risquerait \u00e0 sauter \u00e0 pieds joints dans cette mati\u00e8re mouvante et qui nous engloutiraient en un rien de temps aussi facilement que pourrait le faire un crocodile.<\/p>\n

La p\u00e9nombre r\u00e8gne ici dans le vaste hall avec, par moments, par les fentes m\u00e9talliques des murailles, des rayons de lumi\u00e8re qui l\u2019entaillent. Nous montons des \u00e9chelles, atteignons de hautes plateformes, traversons des coursives comme des ponts au-dessus de grands gouffres, arrivons au-dessus des fosses \u00e0 grain. La hauteur est vertigineuse. On descend par une \u00e9chelle \u00e0 barreaux et, \u00e0 quelques m\u00e8tres \u00e0 peine au-dessus des sommets, on se jette pour aller atterrir dans la mollesse du grain, ce qui soul\u00e8ve des nuages de froment. On reste l\u00e0 immobiles, les bras et les jambes \u00e9cart\u00e9s, puis l\u2019on rampe \u00e0 nouveau vers l\u2019\u00e9chelle pour remonter et recommencer. \u00c0 tout moment, un crocodile peut surgir, un ou plusieurs, et quand on pense aux crocodiles, on ne pense pas \u00e0 tous les autres monstres qui peuvent tout aussi bien surgir ici par surprise et nous engloutir.<\/p>\n

Je me laisse emporter par mon r\u00e9cit ou par la m\u00e9moire, ou par je ne sais quoi. Je le vois bien, \u00e7a m\u2019emp\u00eache. Je m\u2019accroche au r\u00e9cit tellement de fois auto racont\u00e9 que j\u2019h\u00e9site \u00e0 le changer. Mais en dessous de ce r\u00e9cit, il se passe autre chose certainement.<\/p>\n

Admettons que soudain on replie bras et jambes, admettons que l\u2019on sente soudain le corps s\u2019enfoncer lentement dans le bl\u00e9 comme dans des sables mouvants. On aurait peur bien s\u00fbr avant tout de suffoquer, de ne plus pouvoir respirer. On sentirait l\u2019air nous manquer, le grain et la poussi\u00e8re s\u2019insinuer dans les narines, dans la gorge, dans les poumons. On se laisserait \u00e9touffer progressivement, peut-\u00eatre jusqu\u2019\u00e0 en mourir, rien que pour savoir ce que \u00e7a fait de mourir \u00e9touff\u00e9 par ces montagnes de bl\u00e9. Ce serait une sorte de sacrifice \u00e0 la d\u00e9esse des moissons, je ne le crois pas, ce serait plut\u00f4t un pied de nez \u00e0 la fatalit\u00e9, je dirais.<\/p>\n

Et manquant d\u2019air, on s\u2019asphyxiait petit \u00e0 petit et le manque d\u2019air, la pauvre oxyg\u00e9nation de la cervelle produirait alors ce genre d\u2019hallucination dont elle est coutumi\u00e8re quand elle est cette cervelle en panique. On se sentirait glisser doucement dans un infra-monde. Les cloisons s\u2019abattraient de la peur et du d\u00e9sir, on se sentirait \u00e9trangement libre, atteint comme un plongeur en apn\u00e9e par cette sorte d\u2019ivresse des profondeurs. Des cr\u00e9atures translucides et phosphorescentes s\u2019\u00e9l\u00e8veraient des profondeurs vers nous, on comprendrait \u00e0 mi-mot leur langage. Dans cette descente progressive, on pourrait apprendre des langues oubli\u00e9es, le biturige et autres dialectes, peut-\u00eatre m\u00eame des langues tellement vieilles, ant\u00e9diluviennes, des langues crypt\u00e9es au fin fond du grain, de la cellule, qui nous deviendraient \u00e9trangement famili\u00e8res.<\/p>\n

En s\u2019enfon\u00e7ant de plus en plus lentement, profond\u00e9ment, on laisserait derri\u00e8re soi les m\u00e9duses, les \u00e9toiles de mer, les conques, les vers marins, toutes les races connues et inconnues, arthropodes, tout ce qui se d\u00e9place avec un pied ou mille, pour atteindre des strates o\u00f9 la pens\u00e9e seule cr\u00e9e le mouvement. O\u00f9 la pens\u00e9e n\u2019aurait pas de fronti\u00e8re avec le r\u00eave. O\u00f9 le r\u00eave serait un navire spatial, une caravelle stellaire dont le d\u00e9placement fonctionnerait \u00e0 l\u2019envie. On aurait \u00e0 peine le temps de songer qu\u2019on y serait d\u00e9j\u00e0 plus bas, mais ici, le bas et le haut n\u2019ont plus vraiment la m\u00eame importance, l\u2019orientation ne s\u2019effectue plus selon les vieux crit\u00e8res.<\/p>\n

Encore quelques strates \u00e0 peine, on atteindrait une nouvelle atmosph\u00e8re, on se retrouverait en haut en croyant \u00eatre tomb\u00e9 si bas. On apercevrait peu \u00e0 peu les c\u00f4tes d\u2019un gigantesque continent appara\u00eetre sous nos pieds. La fameuse Pang\u00e9e s\u2019\u00e9tendrait alors \u00e0 perte de vue, on y apercevrait sortir de la canop\u00e9e d\u2019\u00e9normes t\u00eates de doux monstres, s\u2019\u00e9chapper des milliers d\u2019oiseaux multicolores, jaillir \u00e7a et l\u00e0 des floraisons spontan\u00e9es de plantes inconnues.<\/p>\n

Et on ne s\u2019arr\u00eaterait bien s\u00fbr pas l\u00e0, le mouvement pourrait continuer \u00e0 l\u2019infini, on comprendrait que notre existence, avec un d\u00e9but et une fin, nourrit cette possibilit\u00e9 d\u2019infini, que sans naissance ni mort, le cosmos tout entier serait d\u00e9risoire, que le monstrueux n\u00e9ant aurait gagn\u00e9 d\u00e9finitivement sur le quelque chose, quoi qu\u2019il soit.<\/p>\n

On traverserait aussi \u00e7a, on continuerait, on se d\u00e9sint\u00e9grerait progressivement et ce serait l\u2019un des plus grands d\u00e9lices jamais \u00e9prouv\u00e9s dans notre pauvre existence, des milliards d\u2019atomes s\u2019\u00e9parpillant ainsi, se volatilisant, et chacun de ces atomes b\u00e9n\u00e9ficierait de toute la conscience des choses vers quoi nous aurions \u0153uvr\u00e9 le si peu de temps que nous avons v\u00e9cu. Et on donnerait cette conscience comme un cadeau \u00e0 l\u2019univers tout entier.<\/p>\n

Apr\u00e8s, ce serait probablement du domaine de l\u2019indicible. On ne saurait en rien nommer quoique ce soit, car \u00e7a ne servirait \u00e0 rien. Conscient soudain que tout sait ce que tout sait depuis le d\u00e9but et au travers de mille et mille fins, on se sentirait bien, calme, repos\u00e9 de toutes les fatigues, et on ne serait pas seul, \u00e7a ne voudrait plus rien dire.<\/p>\n

Distanc\u00e9 par la cadence de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture, je relis les textes, la veille avant de laisser partir la publication le plus souvent, celle planifi\u00e9e sur ce blog. Je me demande si je ne devrais pas faire des blocs plut\u00f4t que ces paragraphes. Je passe d\u2019un paragraphe \u00e0 un autre pour des raisons atmosph\u00e9riques plus que mu\u00e9 par une intention digne de ce nom.<\/p>\n

D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, c\u2019est ainsi que j\u2019ai \u00e9crit ce texte, \u00e0 trop vouloir modifier, cela ressemble \u00e0 une dissimulation, voire une trahison.<\/p>\n

Hier, nous avons emmen\u00e9 les enfants au lac de Devesset en Ard\u00e8che, joli lac, pas trop de monde, belle promenade en p\u00e9dalo, baignade, deux fois, puis sur la route du retour, une femme fait des signes sur le bord de la route demandant manifestement de l\u2019aide. Je m\u2019arr\u00eate, demande ce qu\u2019il se passe, leur v\u00e9hicule \u00e9lectrique gar\u00e9 dans le parking semble immobilis\u00e9, la roue arri\u00e8re patine, impossible de se d\u00e9gager. On pousse, rien. On va chercher des branchages pour mettre en travers de la roue arri\u00e8re, rien. Puis un homme demande le genre de propulsion du v\u00e9hicule, traction ou autre, et nous conseille d\u2019ouvrir le coffre et d\u2019asseoir le plus lourd, moi par exemple. Miracle, \u00e7a marche. Tout content, je retourne \u00e0 mon v\u00e9hicule et l\u00e0, je me casse la figure, de tout mon long. C\u2019est toujours une exp\u00e9rience, on se sent chuter comme au ralenti, on peut m\u00eame r\u00e9fl\u00e9chir assez rapidement dans une sorte de temporalit\u00e9 fig\u00e9e : tiens, je suis en train de tomber, on a le temps de se dire \u00e7a, et m\u00eame de mettre une main en avant ou sur le c\u00f4t\u00e9 pour pr\u00e9voir l\u2019amorti de la chute. Tout \u00e7a se d\u00e9roule en \u00e0 peine quelques secondes, mais impression que \u00e7a dure bien plus longtemps, et c\u2019est soudain le choc, la rencontre de l\u2019asphalte qui mord un genou, la paume de la main et on s\u2019\u00e9tale, comme vaincu par la pesanteur, en se rendant compte qu\u2019on n\u2019y peut rien, que c\u2019est comme \u00e7a, qu\u2019il faut faire avec. Mon pied craque, crac ! et je reste un tout petit instant au sol histoire de num\u00e9roter mes abattis. Je me rel\u00e8ve, des jeunes passent \u00e0 ma hauteur :<\/p>\n

— Monsieur, tout va bien ?<\/p>\n

Quelle question ! Bien s\u00fbr que tout va bien, vous ne voyez donc pas que j\u2019adore me casser la figure, c\u2019est mon hobby pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 ! Ils me regardent comme si j\u2019\u00e9tais un vieux fou, ce que je suis certainement, et ils s\u2019\u00e9loignent. Je reprends ma trajectoire vers la voiture en clopinant, a\u00efe a\u00efe a\u00efe, pour une fois que je m\u2019arr\u00eate pour aider, belle id\u00e9e. Ce monde est d\u00e9cid\u00e9ment profond\u00e9ment injuste. C\u2019est en retirant ma chaussure que j\u2019ai su que je ne pourrais pas marcher. Poser ne serait-ce que la plante du pied au sol me soulevait le c\u0153ur. Tout le monde s\u2019est affair\u00e9 pour aller me chercher de la glace, la petite m\u2019a m\u00eame laiss\u00e9 sa chambre car impossible de monter \u00e0 l\u2019\u00e9tage. Belle journ\u00e9e. Aujourd\u2019hui, on a pes\u00e9 le pour et le contre pour aller aux urgences, mais aucune envie de sortir. J\u2019ai gard\u00e9 le pied dans un seau avec des gla\u00e7ons toute la matin\u00e9e, c\u2019est seulement en fin de journ\u00e9e que j\u2019ai senti une am\u00e9lioration. Je ne crois pas avoir quoi que ce soit de cass\u00e9, je suis quitte pour boiter quelques jours, le temps peut-\u00eatre de revenir sur les textes des propositions d\u2019\u00e9criture que j\u2019ai laiss\u00e9es en plan depuis l\u2019arriv\u00e9e des petits-enfants.<\/p>", "content_text": "Le silo du p\u00e8re Debord se trouve \u00e0 un jet de pierre de la maison. Il est d\u00e9saffect\u00e9 d\u00e9sormais. J\u2019y suis pass\u00e9 en coup de vent il y a environ deux ans, \u00e0 l\u2019occasion d\u2019un voyage pour aller accrocher mes toiles \u00e0 Montlu\u00e7on. Peu importe. C\u2019est ce silo qui convient pour \u00e9voquer ce syst\u00e8me de nappes successives qu\u2019utilise Perec dans ce passage (machineries de l\u2019ascenseur) de La vie mode d\u2019emploi. C\u2019est ce lieu qui, contre toute attente, resurgit. Au d\u00e9part, il faut que je revienne un peu en arri\u00e8re. J\u2019avais pens\u00e9, apr\u00e8s avoir relu le texte de Perec, que j\u2019allais certainement utiliser mes souvenirs encore une fois \u2013 autobiographiques \u2013 concernant la petite porte noire au bas de ce bloc neuf de ma\u00e7onnerie que mes parents avaient fait construire apr\u00e8s la mort de l\u2019arri\u00e8re-grand-p\u00e8re Brunet. Ce bloc avait \u00e9t\u00e9 con\u00e7u pour cr\u00e9er deux salles de bain (avec baignoire), signe d\u2019une opulence incongrue alors que nos repas se composaient essentiellement de soupes au lait avec des p\u00e2tes, des pommes de terre. Enfin, c\u2019est l\u2019anomalie qui vient lorsque j\u2019y songe. Donc, cette petite porte noire, dont la peinture devait \u00eatre de m\u00e9diocre qualit\u00e9 car elle s\u2019\u00e9caillait vite, portait des traces de griffures, de morsures, \u00e9clats de forme g\u00e9ographique, continentale par endroits. Cette petite porte noire, celle par laquelle je p\u00e9n\u00e9trais sous la maison et dont la paroi tout au fond poss\u00e8de certainement encore le trou par o\u00f9 s\u2019engouffre l\u2019air moisi de la cave un peu plus bas. Mais je crois que la frayeur d\u2019y revenir \u00e0 nouveau, de sentir mon imagination s\u2019emballer, \u00e9perdue, m\u2019a stopp\u00e9 net. J\u2019ai cherch\u00e9 quelque chose \u00e0 quoi m\u2019accrocher pour me ressaisir et l\u2019image du silo s\u2019est aussit\u00f4t pr\u00e9sent\u00e9e. Voil\u00e0 pour le mouvement des choses. Une pens\u00e9e, une image, et puis en l\u2019\u00e9cartant, une autre, et sans doute beaucoup d\u2019autres au fur et \u00e0 mesure. On peut imaginer une forteresse de b\u00e9ton et de m\u00e9tal, \u00e7a convient bien. Si on sort par le portail de la maison, on d\u00e9passe la maison des X \u2013 l\u00e0 o\u00f9 vivent ces vieilles personnes dont l\u2019homme, combattant de 14-18, y a laiss\u00e9 une jambe \u2013 on arrive face \u00e0 une sorte de vaste terrain vague qui part de l\u2019avenue Charles V\u00e9nuat et qui s\u2019\u00e9tend jusqu\u2019\u00e0 la lisi\u00e8re des champs appartenant \u00e0 Y. C\u2019est dans la partie nord-ouest de ce terrain que s\u2019\u00e9l\u00e8ve le silo. De gros camions viennent ici chaque jour pour y d\u00e9verser dans des fosses profondes des montagnes de bl\u00e9 provenant des nombreuses exploitations des environs. Ceci pour resituer un peu le silo s\u2019il y avait ce besoin de l\u2019int\u00e9grer dans une portion de r\u00e9alit\u00e9. Et sur le quai de d\u00e9chargement, \u00e0 environ 1,50 m du sol, se tient la silhouette du p\u00e8re Debord en v\u00eatements de travail, principalement de couleur grise, avec sa casquette grise elle aussi enfonc\u00e9e sur le cr\u00e2ne. Le ma\u00eetre du lieu. Nous jouons souvent ensemble, P., le fils Debord, et moi-m\u00eame. J\u2019ai longtemps cru qu\u2019il serait mon meilleur ami, puis j\u2019ai abandonn\u00e9 cette id\u00e9e le jour o\u00f9 il m\u2019a dit qu\u2019il trouvait ma m\u00e8re si craquante. Et aussi qu\u2019il suffirait de penser tr\u00e8s fort \u00e0 une fille pour l\u2019obtenir. Bref, nous jouons ensemble avec des hauts et des bas, disons que c\u2019est mon seul camarade et ce sera tr\u00e8s bien comme \u00e7a. Personnellement, \u00e0 chaque fois que j\u2019ai r\u00eav\u00e9 tr\u00e8s fort \u00e0 quoi que ce soit, y compris les filles, \u00e7a m\u2019a gliss\u00e9 d\u2019entre les mains presque imm\u00e9diatement. \u2014 Vous approchez pas des fosses, les gamins, sinon le crocodile va vous attraper, qu\u2019il dit le p\u00e8re Debord. Bien s\u00fbr que \u00e7a fiche la trouille, mais c\u2019est bien excitant aussi d\u2019imaginer qu\u2019il y a l\u00e0, sous nos pieds, des crocodiles et probablement tout un tas d\u2019autres choses innommables. Mais attention, la peur, c\u2019est comme le d\u00e9sir, \u00e7a glisse vite entre les doigts. Je vois le p\u00e8re Debord et il a le dos tourn\u00e9, assis \u00e0 son bureau, \u00e0 remplir ses papiers, \u00e0 t\u00e9l\u00e9phoner, qu\u2019il nous oublie. Nous sommes l\u00e0, debout dans le grand hall du silo avec ses pyl\u00f4nes de fer, ses escaliers aux marches trou\u00e9es, ses passerelles l\u00e0-haut dans les hauteurs, ses grandes cuves en inox en forme de biberon invers\u00e9, et partout l\u2019air est charg\u00e9, partout des trou\u00e9es de lumi\u00e8re traversent l\u2019espace et r\u00e9v\u00e8lent des galaxies de minuscules particules de poussi\u00e8re. Sans compter l\u2019odeur du grain qui s\u00e8che, on ne sait pas encore bien o\u00f9, on ne sait pas encore les montagnes, les gouffres, le danger qu\u2019on risquerait \u00e0 sauter \u00e0 pieds joints dans cette mati\u00e8re mouvante et qui nous engloutiraient en un rien de temps aussi facilement que pourrait le faire un crocodile. La p\u00e9nombre r\u00e8gne ici dans le vaste hall avec, par moments, par les fentes m\u00e9talliques des murailles, des rayons de lumi\u00e8re qui l\u2019entaillent. Nous montons des \u00e9chelles, atteignons de hautes plateformes, traversons des coursives comme des ponts au-dessus de grands gouffres, arrivons au-dessus des fosses \u00e0 grain. La hauteur est vertigineuse. On descend par une \u00e9chelle \u00e0 barreaux et, \u00e0 quelques m\u00e8tres \u00e0 peine au-dessus des sommets, on se jette pour aller atterrir dans la mollesse du grain, ce qui soul\u00e8ve des nuages de froment. On reste l\u00e0 immobiles, les bras et les jambes \u00e9cart\u00e9s, puis l\u2019on rampe \u00e0 nouveau vers l\u2019\u00e9chelle pour remonter et recommencer. \u00c0 tout moment, un crocodile peut surgir, un ou plusieurs, et quand on pense aux crocodiles, on ne pense pas \u00e0 tous les autres monstres qui peuvent tout aussi bien surgir ici par surprise et nous engloutir. Je me laisse emporter par mon r\u00e9cit ou par la m\u00e9moire, ou par je ne sais quoi. Je le vois bien, \u00e7a m\u2019emp\u00eache. Je m\u2019accroche au r\u00e9cit tellement de fois auto racont\u00e9 que j\u2019h\u00e9site \u00e0 le changer. Mais en dessous de ce r\u00e9cit, il se passe autre chose certainement. Admettons que soudain on replie bras et jambes, admettons que l\u2019on sente soudain le corps s\u2019enfoncer lentement dans le bl\u00e9 comme dans des sables mouvants. On aurait peur bien s\u00fbr avant tout de suffoquer, de ne plus pouvoir respirer. On sentirait l\u2019air nous manquer, le grain et la poussi\u00e8re s\u2019insinuer dans les narines, dans la gorge, dans les poumons. On se laisserait \u00e9touffer progressivement, peut-\u00eatre jusqu\u2019\u00e0 en mourir, rien que pour savoir ce que \u00e7a fait de mourir \u00e9touff\u00e9 par ces montagnes de bl\u00e9. Ce serait une sorte de sacrifice \u00e0 la d\u00e9esse des moissons, je ne le crois pas, ce serait plut\u00f4t un pied de nez \u00e0 la fatalit\u00e9, je dirais. Et manquant d\u2019air, on s\u2019asphyxiait petit \u00e0 petit et le manque d\u2019air, la pauvre oxyg\u00e9nation de la cervelle produirait alors ce genre d\u2019hallucination dont elle est coutumi\u00e8re quand elle est cette cervelle en panique. On se sentirait glisser doucement dans un infra-monde. Les cloisons s\u2019abattraient de la peur et du d\u00e9sir, on se sentirait \u00e9trangement libre, atteint comme un plongeur en apn\u00e9e par cette sorte d\u2019ivresse des profondeurs. Des cr\u00e9atures translucides et phosphorescentes s\u2019\u00e9l\u00e8veraient des profondeurs vers nous, on comprendrait \u00e0 mi-mot leur langage. Dans cette descente progressive, on pourrait apprendre des langues oubli\u00e9es, le biturige et autres dialectes, peut-\u00eatre m\u00eame des langues tellement vieilles, ant\u00e9diluviennes, des langues crypt\u00e9es au fin fond du grain, de la cellule, qui nous deviendraient \u00e9trangement famili\u00e8res. En s\u2019enfon\u00e7ant de plus en plus lentement, profond\u00e9ment, on laisserait derri\u00e8re soi les m\u00e9duses, les \u00e9toiles de mer, les conques, les vers marins, toutes les races connues et inconnues, arthropodes, tout ce qui se d\u00e9place avec un pied ou mille, pour atteindre des strates o\u00f9 la pens\u00e9e seule cr\u00e9e le mouvement. O\u00f9 la pens\u00e9e n\u2019aurait pas de fronti\u00e8re avec le r\u00eave. O\u00f9 le r\u00eave serait un navire spatial, une caravelle stellaire dont le d\u00e9placement fonctionnerait \u00e0 l\u2019envie. On aurait \u00e0 peine le temps de songer qu\u2019on y serait d\u00e9j\u00e0 plus bas, mais ici, le bas et le haut n\u2019ont plus vraiment la m\u00eame importance, l\u2019orientation ne s\u2019effectue plus selon les vieux crit\u00e8res. Encore quelques strates \u00e0 peine, on atteindrait une nouvelle atmosph\u00e8re, on se retrouverait en haut en croyant \u00eatre tomb\u00e9 si bas. On apercevrait peu \u00e0 peu les c\u00f4tes d\u2019un gigantesque continent appara\u00eetre sous nos pieds. La fameuse Pang\u00e9e s\u2019\u00e9tendrait alors \u00e0 perte de vue, on y apercevrait sortir de la canop\u00e9e d\u2019\u00e9normes t\u00eates de doux monstres, s\u2019\u00e9chapper des milliers d\u2019oiseaux multicolores, jaillir \u00e7a et l\u00e0 des floraisons spontan\u00e9es de plantes inconnues. Et on ne s\u2019arr\u00eaterait bien s\u00fbr pas l\u00e0, le mouvement pourrait continuer \u00e0 l\u2019infini, on comprendrait que notre existence, avec un d\u00e9but et une fin, nourrit cette possibilit\u00e9 d\u2019infini, que sans naissance ni mort, le cosmos tout entier serait d\u00e9risoire, que le monstrueux n\u00e9ant aurait gagn\u00e9 d\u00e9finitivement sur le quelque chose, quoi qu\u2019il soit. On traverserait aussi \u00e7a, on continuerait, on se d\u00e9sint\u00e9grerait progressivement et ce serait l\u2019un des plus grands d\u00e9lices jamais \u00e9prouv\u00e9s dans notre pauvre existence, des milliards d\u2019atomes s\u2019\u00e9parpillant ainsi, se volatilisant, et chacun de ces atomes b\u00e9n\u00e9ficierait de toute la conscience des choses vers quoi nous aurions \u0153uvr\u00e9 le si peu de temps que nous avons v\u00e9cu. Et on donnerait cette conscience comme un cadeau \u00e0 l\u2019univers tout entier. Apr\u00e8s, ce serait probablement du domaine de l\u2019indicible. On ne saurait en rien nommer quoique ce soit, car \u00e7a ne servirait \u00e0 rien. Conscient soudain que tout sait ce que tout sait depuis le d\u00e9but et au travers de mille et mille fins, on se sentirait bien, calme, repos\u00e9 de toutes les fatigues, et on ne serait pas seul, \u00e7a ne voudrait plus rien dire. Distanc\u00e9 par la cadence de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture, je relis les textes, la veille avant de laisser partir la publication le plus souvent, celle planifi\u00e9e sur ce blog. Je me demande si je ne devrais pas faire des blocs plut\u00f4t que ces paragraphes. Je passe d\u2019un paragraphe \u00e0 un autre pour des raisons atmosph\u00e9riques plus que mu\u00e9 par une intention digne de ce nom. D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, c\u2019est ainsi que j\u2019ai \u00e9crit ce texte, \u00e0 trop vouloir modifier, cela ressemble \u00e0 une dissimulation, voire une trahison. Hier, nous avons emmen\u00e9 les enfants au lac de Devesset en Ard\u00e8che, joli lac, pas trop de monde, belle promenade en p\u00e9dalo, baignade, deux fois, puis sur la route du retour, une femme fait des signes sur le bord de la route demandant manifestement de l\u2019aide. Je m\u2019arr\u00eate, demande ce qu\u2019il se passe, leur v\u00e9hicule \u00e9lectrique gar\u00e9 dans le parking semble immobilis\u00e9, la roue arri\u00e8re patine, impossible de se d\u00e9gager. On pousse, rien. On va chercher des branchages pour mettre en travers de la roue arri\u00e8re, rien. Puis un homme demande le genre de propulsion du v\u00e9hicule, traction ou autre, et nous conseille d\u2019ouvrir le coffre et d\u2019asseoir le plus lourd, moi par exemple. Miracle, \u00e7a marche. Tout content, je retourne \u00e0 mon v\u00e9hicule et l\u00e0, je me casse la figure, de tout mon long. C\u2019est toujours une exp\u00e9rience, on se sent chuter comme au ralenti, on peut m\u00eame r\u00e9fl\u00e9chir assez rapidement dans une sorte de temporalit\u00e9 fig\u00e9e : tiens, je suis en train de tomber, on a le temps de se dire \u00e7a, et m\u00eame de mettre une main en avant ou sur le c\u00f4t\u00e9 pour pr\u00e9voir l\u2019amorti de la chute. Tout \u00e7a se d\u00e9roule en \u00e0 peine quelques secondes, mais impression que \u00e7a dure bien plus longtemps, et c\u2019est soudain le choc, la rencontre de l\u2019asphalte qui mord un genou, la paume de la main et on s\u2019\u00e9tale, comme vaincu par la pesanteur, en se rendant compte qu\u2019on n\u2019y peut rien, que c\u2019est comme \u00e7a, qu\u2019il faut faire avec. Mon pied craque, crac ! et je reste un tout petit instant au sol histoire de num\u00e9roter mes abattis. Je me rel\u00e8ve, des jeunes passent \u00e0 ma hauteur : \u2014 Monsieur, tout va bien ? Quelle question ! Bien s\u00fbr que tout va bien, vous ne voyez donc pas que j\u2019adore me casser la figure, c\u2019est mon hobby pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 ! Ils me regardent comme si j\u2019\u00e9tais un vieux fou, ce que je suis certainement, et ils s\u2019\u00e9loignent. Je reprends ma trajectoire vers la voiture en clopinant, a\u00efe a\u00efe a\u00efe, pour une fois que je m\u2019arr\u00eate pour aider, belle id\u00e9e. Ce monde est d\u00e9cid\u00e9ment profond\u00e9ment injuste. C\u2019est en retirant ma chaussure que j\u2019ai su que je ne pourrais pas marcher. Poser ne serait-ce que la plante du pied au sol me soulevait le c\u0153ur. Tout le monde s\u2019est affair\u00e9 pour aller me chercher de la glace, la petite m\u2019a m\u00eame laiss\u00e9 sa chambre car impossible de monter \u00e0 l\u2019\u00e9tage. Belle journ\u00e9e. Aujourd\u2019hui, on a pes\u00e9 le pour et le contre pour aller aux urgences, mais aucune envie de sortir. J\u2019ai gard\u00e9 le pied dans un seau avec des gla\u00e7ons toute la matin\u00e9e, c\u2019est seulement en fin de journ\u00e9e que j\u2019ai senti une am\u00e9lioration. Je ne crois pas avoir quoi que ce soit de cass\u00e9, je suis quitte pour boiter quelques jours, le temps peut-\u00eatre de revenir sur les textes des propositions d\u2019\u00e9criture que j\u2019ai laiss\u00e9es en plan depuis l\u2019arriv\u00e9e des petits-enfants. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/11282.jpg?1748065119", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-juillet-2024.html", "title": "27 juillet 2024", "date_published": "2024-07-29T07:59:55Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Images r\u00e9manentes<\/p>\n

La voiture qui se gare dans l\u2019all\u00e9e, les ombres mouvantes des prunus sur la carrosserie\/ le bruissement des feuillages\/le ciel bleu et le silence soudain\/ les gens rassembl\u00e9s tout autour d\u2019un trou dans la terre\/<\/p>\n

Des t\u00e2ches de sang dans la neige. Des cadavres d\u2019oiseaux morts, des merles.<\/p>\n

La parodie de s\u00e9rieux de monsieur le recteur levant son calice au-dessus des ch\u00e8res t\u00eates blondes.<\/p>\n

Le rictus, la bouche tordue du professeur de math\u00e9matique caressant la nuque de T.<\/p>\n

La balle de tennis qui roule vers un angle du terrain<\/p>\n

le calvaire la nuit, les statues de pl\u00e2tre blanc, la frousse qui donne des ailes, la rivi\u00e8re qui coule tranquille \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de nous.<\/p>\n

Il faudrait les r\u00e9unir en un temps et un lieu. Presser le citron jusqu\u2019\u00e0 la derni\u00e8re goutte, comme si on pouvait mourir ensuite, le boulot fait<\/p>\n

La chaleur fait trembler la route, voir au loin le hameau, il ne se rapproche pas au fur et \u00e0 mesure que j\u2019avance.<\/p>\n

La b\u00eate se tient debout sur ses deux pattes arri\u00e8re elle mesure au moins deux m\u00e8tres de haut, la bave lui coule de la gueule, elle tourne la t\u00eate un peu de trois quart, un oeil rond et rouge, elle avance comme si elle \u00e9tait sur des patins \u00e0 roulettes, le ridicule de se faire une fois de plus d\u00e9vorer.<\/p>\n

Les grains de poussi\u00e8re flottant dans le raie de lumi\u00e8re. Le duvet qui tombe lentement, le vent \u00e9bouriffe les feuillages des prunus, au haut de l\u2019escalier une petite fille brune prononce un pr\u00e9nom avec un accent \u00e9tranger<\/p>", "content_text": "Images r\u00e9manentes La voiture qui se gare dans l\u2019all\u00e9e, les ombres mouvantes des prunus sur la carrosserie\/ le bruissement des feuillages\/le ciel bleu et le silence soudain\/ les gens rassembl\u00e9s tout autour d\u2019un trou dans la terre\/ Des t\u00e2ches de sang dans la neige. Des cadavres d\u2019oiseaux morts, des merles. La parodie de s\u00e9rieux de monsieur le recteur levant son calice au-dessus des ch\u00e8res t\u00eates blondes. Le rictus, la bouche tordue du professeur de math\u00e9matique caressant la nuque de T. La balle de tennis qui roule vers un angle du terrain le calvaire la nuit, les statues de pl\u00e2tre blanc, la frousse qui donne des ailes, la rivi\u00e8re qui coule tranquille \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de nous. Il faudrait les r\u00e9unir en un temps et un lieu. Presser le citron jusqu\u2019\u00e0 la derni\u00e8re goutte, comme si on pouvait mourir ensuite, le boulot fait La chaleur fait trembler la route, voir au loin le hameau, il ne se rapproche pas au fur et \u00e0 mesure que j\u2019avance. La b\u00eate se tient debout sur ses deux pattes arri\u00e8re elle mesure au moins deux m\u00e8tres de haut, la bave lui coule de la gueule, elle tourne la t\u00eate un peu de trois quart, un oeil rond et rouge, elle avance comme si elle \u00e9tait sur des patins \u00e0 roulettes, le ridicule de se faire une fois de plus d\u00e9vorer. Les grains de poussi\u00e8re flottant dans le raie de lumi\u00e8re. Le duvet qui tombe lentement, le vent \u00e9bouriffe les feuillages des prunus, au haut de l\u2019escalier une petite fille brune prononce un pr\u00e9nom avec un accent \u00e9tranger", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/capture-decran-du-2024-07-17-08-13-49.jpg?1748065129", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-juillet-2024.html", "title": "26 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:42:57Z", "date_modified": "2025-02-17T02:25:16Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Notes pour exercice d\u2019\u00e9criture Ateliers TL. vers l\u2019image r\u00e9manente<\/p>\n

On passe tous par l\u00e0 (clic clac kodak) le b\u00e9b\u00e9 allong\u00e9 \u00e0 quatre pattes ou autre. Cette photographie s\u00e9pia par exemple, pas besoin de la voir pour m\u2019en souvenir : il est \u00e9crit son nom au dos : C. 1935. Combien de photographies conserve t\u2019on d\u2019une vie ? Il me semble que c\u2019est de celles que j\u2019ai perdues ou \u00e9gar\u00e9es- \u00e9gar\u00e9es n\u00e9cessite on l\u2019apprendra plus tard une intention de le faire- dont je me souvienne le mieux, ou le moins mal que de celles qui me restent. Elles poss\u00e8dent une r\u00e9manence convocable \u00e0 l\u2019envie. Parfois m\u00eame elles surgissent comme des fant\u00f4mes, font irruption sans que je n\u2019ai rien demand\u00e9.Je ne vais pas les dire, de toute fa\u00e7on j\u2019ai compris que \u00e7a ne sert \u00e0 rien, c\u2019est comme les voyages, les d\u00eeners ou le cousin, le beau fr\u00e8re, l\u2019ami vous bassine avec ses photographies de Sicile ou d\u2019ailleurs. Il me montra ses photographies et nous f\u00fbmes alors s\u00e9par\u00e9s durant toute la dur\u00e9e de cette s\u00e9ance, Le bruit du chargeur de diapos, comme une mitraillette ex\u00e9cuta tout sentiment de familiarit\u00e9 que j\u2019avais cru entretenir vis \u00e0 vis d\u2019eux. Il avait un objectif de taille appr\u00e9ciable, l\u2019un de ces zooms qui permettent de photographier sans se mouiller les oiseaux et les gens. Ce qui renfor\u00e7a ma volont\u00e9 de conserver mon 35 mm. Cela obligeait surtout \u00e0 d\u00e9passer la timidit\u00e9. Il fallait que je m\u2019approche au plus pr\u00e8s si je voulais obtenir la sensation pr\u00e9cise d\u2019une vraie photographie. Tout ce qui rentre par les yeux, alors qu\u2019on dit \u00e7a me sort par les yeux. Il faudrait pouvoir formater le cerveau aussi facilement qu\u2019un disque dur. Mais on le remplirait des m\u00eames salet\u00e9s, on ne d\u00e9cide pas. On ne sait pas d\u2019avance Combien de place prend dans une m\u00e9moire visuelle les spots de publicit\u00e9 qu\u2019on nous inflige depuis le d\u00e9but de nos vies. Les affiches sur les vitrines, les annonces radiophoniques, tout l\u2019audio et le visuel, qu\u2019est-ce qui reste \u00e0 part tout \u00e7aParmi les images r\u00e9manentes, la table de la salle \u00e0 manger. vide, sans la nappe, sans rien, une grosse plaque de ch\u00eane d\u2019environ 10 cm d\u2019\u00e9paisseur, appuyer verticalement contre le mur, une fois d\u00e9mont\u00e9 le socle. Le poids des choses joue peut-\u00eatre aussi un r\u00f4le dans la puissance des r\u00e9manences.<\/p>\n

En \u00eatre ou ne pas en \u00eatre, de ce spectacle permanent, voil\u00e0 la question lancinante qui revient sans cesse. Cette interrogation me hante, jour et nuit. Suis-je vraiment partie prenante de ce spectacle ou n\u2019en suis-je qu\u2019un spectateur distant ? Mes anc\u00eatres m\u2019ont appris \u00e0 balayer d\u2019un revers de main l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 de telles questions, mais elles persistent. Qui regarde le spectacle ? C\u2019est la question qui d\u00e9coule de la premi\u00e8re, lent goutte \u00e0 goutte. Moi, j\u2019aimerais que ce soit moi, rien que pour moi, en y rangeant tous les autres. Mais je vois bien que ce n\u2019est pas toujours facile, ni sinc\u00e8re. En pesant bien les choses, avec la tare ad\u00e9quate, il m\u2019appara\u00eet cette \u00e9vidence : c\u2019est parce que ce n\u2019est pas sinc\u00e8re que ce n\u2019est pas facile. Cr\u00e9er son propre spectacle pour soi seul. Est-ce un d\u00e9sir ardent, une obsession qui br\u00fble longtemps \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, tout nettoyant de fond en comble ? Ou bien est-ce une peur de perdre cette flamme et de se retrouver face au vide, sans rien, rien du tout, que le vaste n\u00e9ant ? \u00c0 la limite du z\u00e9ro degr\u00e9 celsius, je m\u2019accroche \u00e0 cette chaleur, par peur de la perdre pour de bon. D\u00e9jouer ses propres ruses devrait donc \u00eatre la plus urgente des priorit\u00e9s. Les traquer sans rel\u00e2che n\u2019est pas une partie de plaisir, mais ce n\u2019est pas non plus la pire des tortures. Un petit effort chaque jour, avec une r\u00e9gularit\u00e9 si possible. Et du silence, beaucoup de silence. Faire face \u00e0 cette grande difficult\u00e9 que repr\u00e9sente l\u2019installation de ce petit cirque dans un terrain vague. Le petit cirque du silence. Je n\u2019admire pas assez, je m\u2019en rends compte. D\u00e8s qu\u2019il y a un sujet, un objet, les difficult\u00e9s sont infinies. Mais si je reviens au verbe seul, j\u2019admire. J\u2019admire en gros tout ce qui me passe sous les yeux. Par exemple, tout \u00e0 l\u2019heure, je suis all\u00e9 mettre un ch\u00e8que \u00e0 la banque. Sur le chemin du retour, j\u2019ai admir\u00e9 les petites herbes qui poussent entre le b\u00e9ton et le ciment. Leur vert \u00e9clatant contraste avec la grisaille urbaine. Elles forment des \u00eelots, notamment \u00e0 la base des immeubles qui cernent \u00e0 l\u2019Est la place de la Halle. Il y a une entreprise de fa\u00e7ades, une boutique vide qui fut nagu\u00e8re une agence immobili\u00e8re, une boucherie Hallal, ferm\u00e9e suite \u00e0 un contr\u00f4le sanitaire. Peut-\u00eatre que ces petites herbes ont connu ces commerces florissants. Peut-\u00eatre \u00e9taient-elles en lutte acharn\u00e9e avec les g\u00e9rants, les propri\u00e9taires, qui, pour des raisons obscures, s\u2019effor\u00e7aient de les d\u00e9raciner, de les dissimuler, de les an\u00e9antir avec plus ou moins de m\u00e9thode ou d\u2019opini\u00e2tret\u00e9. Eh bien, c\u2019est une le\u00e7on : les commerces ont disparu, mais les petites herbes, que l\u2019on nomme de fa\u00e7on habituelle « mauvaises », sont revenues. D\u00e9sormais, elles prolif\u00e8rent, mais pas trop pr\u00e8s les unes des autres, \u00e0 une distance respectable. Elles ne jouent pas un spectacle les unes vis-\u00e0-vis des autres.<\/p>", "content_text": "Notes pour exercice d\u2019\u00e9criture Ateliers TL. vers l\u2019image r\u00e9manente On passe tous par l\u00e0 (clic clac kodak) le b\u00e9b\u00e9 allong\u00e9 \u00e0 quatre pattes ou autre. Cette photographie s\u00e9pia par exemple, pas besoin de la voir pour m\u2019en souvenir : il est \u00e9crit son nom au dos: C. 1935. Combien de photographies conserve t\u2019on d\u2019une vie ? Il me semble que c\u2019est de celles que j\u2019ai perdues ou \u00e9gar\u00e9es- \u00e9gar\u00e9es n\u00e9cessite on l\u2019apprendra plus tard une intention de le faire- dont je me souvienne le mieux, ou le moins mal que de celles qui me restent. Elles poss\u00e8dent une r\u00e9manence convocable \u00e0 l\u2019envie. Parfois m\u00eame elles surgissent comme des fant\u00f4mes, font irruption sans que je n\u2019ai rien demand\u00e9.Je ne vais pas les dire, de toute fa\u00e7on j\u2019ai compris que \u00e7a ne sert \u00e0 rien, c\u2019est comme les voyages, les d\u00eeners ou le cousin, le beau fr\u00e8re, l\u2019ami vous bassine avec ses photographies de Sicile ou d\u2019ailleurs. Il me montra ses photographies et nous f\u00fbmes alors s\u00e9par\u00e9s durant toute la dur\u00e9e de cette s\u00e9ance, Le bruit du chargeur de diapos, comme une mitraillette ex\u00e9cuta tout sentiment de familiarit\u00e9 que j\u2019avais cru entretenir vis \u00e0 vis d\u2019eux. Il avait un objectif de taille appr\u00e9ciable, l\u2019un de ces zooms qui permettent de photographier sans se mouiller les oiseaux et les gens. Ce qui renfor\u00e7a ma volont\u00e9 de conserver mon 35 mm. Cela obligeait surtout \u00e0 d\u00e9passer la timidit\u00e9. Il fallait que je m\u2019approche au plus pr\u00e8s si je voulais obtenir la sensation pr\u00e9cise d\u2019une vraie photographie. Tout ce qui rentre par les yeux, alors qu\u2019on dit \u00e7a me sort par les yeux. Il faudrait pouvoir formater le cerveau aussi facilement qu\u2019un disque dur. Mais on le remplirait des m\u00eames salet\u00e9s, on ne d\u00e9cide pas. On ne sait pas d\u2019avance Combien de place prend dans une m\u00e9moire visuelle les spots de publicit\u00e9 qu\u2019on nous inflige depuis le d\u00e9but de nos vies. Les affiches sur les vitrines, les annonces radiophoniques, tout l\u2019audio et le visuel, qu\u2019est-ce qui reste \u00e0 part tout \u00e7aParmi les images r\u00e9manentes, la table de la salle \u00e0 manger. vide, sans la nappe, sans rien, une grosse plaque de ch\u00eane d\u2019environ 10 cm d\u2019\u00e9paisseur, appuyer verticalement contre le mur, une fois d\u00e9mont\u00e9 le socle. Le poids des choses joue peut-\u00eatre aussi un r\u00f4le dans la puissance des r\u00e9manences. En \u00eatre ou ne pas en \u00eatre, de ce spectacle permanent, voil\u00e0 la question lancinante qui revient sans cesse. Cette interrogation me hante, jour et nuit. Suis-je vraiment partie prenante de ce spectacle ou n\u2019en suis-je qu\u2019un spectateur distant ? Mes anc\u00eatres m\u2019ont appris \u00e0 balayer d\u2019un revers de main l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 de telles questions, mais elles persistent. Qui regarde le spectacle ? C\u2019est la question qui d\u00e9coule de la premi\u00e8re, lent goutte \u00e0 goutte. Moi, j\u2019aimerais que ce soit moi, rien que pour moi, en y rangeant tous les autres. Mais je vois bien que ce n\u2019est pas toujours facile, ni sinc\u00e8re. En pesant bien les choses, avec la tare ad\u00e9quate, il m\u2019appara\u00eet cette \u00e9vidence : c\u2019est parce que ce n\u2019est pas sinc\u00e8re que ce n\u2019est pas facile. Cr\u00e9er son propre spectacle pour soi seul. Est-ce un d\u00e9sir ardent, une obsession qui br\u00fble longtemps \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, tout nettoyant de fond en comble ? Ou bien est-ce une peur de perdre cette flamme et de se retrouver face au vide, sans rien, rien du tout, que le vaste n\u00e9ant ? \u00c0 la limite du z\u00e9ro degr\u00e9 celsius, je m\u2019accroche \u00e0 cette chaleur, par peur de la perdre pour de bon. D\u00e9jouer ses propres ruses devrait donc \u00eatre la plus urgente des priorit\u00e9s. Les traquer sans rel\u00e2che n\u2019est pas une partie de plaisir, mais ce n\u2019est pas non plus la pire des tortures. Un petit effort chaque jour, avec une r\u00e9gularit\u00e9 si possible. Et du silence, beaucoup de silence. Faire face \u00e0 cette grande difficult\u00e9 que repr\u00e9sente l\u2019installation de ce petit cirque dans un terrain vague. Le petit cirque du silence. Je n\u2019admire pas assez, je m\u2019en rends compte. D\u00e8s qu\u2019il y a un sujet, un objet, les difficult\u00e9s sont infinies. Mais si je reviens au verbe seul, j\u2019admire. J\u2019admire en gros tout ce qui me passe sous les yeux. Par exemple, tout \u00e0 l\u2019heure, je suis all\u00e9 mettre un ch\u00e8que \u00e0 la banque. Sur le chemin du retour, j\u2019ai admir\u00e9 les petites herbes qui poussent entre le b\u00e9ton et le ciment. Leur vert \u00e9clatant contraste avec la grisaille urbaine. Elles forment des \u00eelots, notamment \u00e0 la base des immeubles qui cernent \u00e0 l\u2019Est la place de la Halle. Il y a une entreprise de fa\u00e7ades, une boutique vide qui fut nagu\u00e8re une agence immobili\u00e8re, une boucherie Hallal, ferm\u00e9e suite \u00e0 un contr\u00f4le sanitaire. Peut-\u00eatre que ces petites herbes ont connu ces commerces florissants. Peut-\u00eatre \u00e9taient-elles en lutte acharn\u00e9e avec les g\u00e9rants, les propri\u00e9taires, qui, pour des raisons obscures, s\u2019effor\u00e7aient de les d\u00e9raciner, de les dissimuler, de les an\u00e9antir avec plus ou moins de m\u00e9thode ou d\u2019opini\u00e2tret\u00e9. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Et bien comme je ne dors pas, j\u2019\u00e9cris un peu. J\u2019ai effac\u00e9 le texte pr\u00e9vu pour cette journ\u00e9e du 24\/07. Trop th\u00e9\u00e2tral. Je n\u2019ai pas pu non plus me r\u00e9soudre \u00e0 compiler les textes du cycle anthologie comme propos\u00e9. Je n\u2019accorde pas tant d\u2019importance \u00e0 ce que j\u2019ai \u00e9crit durant ce cycle. Juste envie de participer sans v\u00e9ritablement participer. Sans doute parce que je pense que \u00e7a n\u2019en vaut pas la peine, tout semble si d\u00e9cousu, scolaire. Mauvais \u00e9l\u00e8ve. C\u2019est-\u00e0-dire bien trop ob\u00e9issant.<\/p>\n

Je ne tiens gu\u00e8re \u00e0 l\u2019id\u00e9e de reconnaissance, je cherche plut\u00f4t par tous moyens \u00e0 finir de m\u2019en d\u00e9barrasser. \u00c0 rejoindre l\u2019anonymat comme on r\u00eave d\u2019un refuge. Pour la proposition 31, pas mieux. Quelque chose remue, se braque. Et en ce moment, impression d\u2019assister \u00e0 un spectacle, refus d\u2019y jouer un r\u00f4le. Bref, pas la grande forme. Au sens o\u00f9 la grande forme serait d\u2019\u00eatre invariablement au top. Cette b\u00eatise. En revanche, j\u2019aime assez conserver toujours cette sensation sibylline d\u2019\u00eatre \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la plaque, de tourner autour du pot.<\/p>\n

Bless\u00e9 \u00e9tonnamment par je ne sais quelle phrase entendue \u00e0 propos des gens qui ne savent pas \u00e9crire autrement qu\u2019en disant « je », des \u00e9crivains « fallots ». Et bien s\u00fbr, je me suis senti appartenir \u00e0 cette cat\u00e9gorie d\u2019intouchables. De toute fa\u00e7on, tu le sais maintenant, il y a quelque chose d\u2019insupportable dans toute opinion, tout jugement. Dans ce que \u00e7a r\u00e9v\u00e8le comme remous int\u00e9rieur surtout. Une forme de maladresse inconsciente. Sit\u00f4t que je la d\u00e9tecte, j\u2019en prends bonne note, mais je tourne les talons presque aussit\u00f4t, et m\u00eame d\u00e9tale. \u00c0 perdre haleine. C\u2019est un progr\u00e8s. Autrefois, j\u2019aurais \u00e9mis des doutes sur les fronti\u00e8res entre conscient et inconscient\u2026 j\u2019aurais voulu m\u00e9nager ch\u00e8vre et chou. J\u2019aurais tent\u00e9 d\u2019arrondir des angles.<\/p>\n

En m\u00eame temps, les gens sont les gens, on ne les changera pas. On dit qu\u2019il faut faire avec, c\u2019est comme \u00e7a. On peut aussi ne rien vouloir faire avec. Ne pas se sentir oblig\u00e9. Se d\u00e9tacher avec calme, voire m\u00eame s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 et p\u00e9n\u00e9trer encore plus profond\u00e9ment la b\u00e9ance, le vide, l\u2019apn\u00e9e. La lecture. Au fur et \u00e0 mesure de la descente, la solitude n\u2019est plus vraiment une difficult\u00e9 et c\u2019est en y faisant face que l\u2019on sait qu\u2019elle n\u2019en fut jamais une.<\/p>\n

C\u2019est une bonne chose de ne pas disposer de l\u2019enti\u00e8ret\u00e9 de la m\u00e9moire de toutes nos exp\u00e9riences, la vie au contact d\u2019autrui serait intol\u00e9rable. L\u2019oubli procure une sorte de na\u00efvet\u00e9 qui joue le r\u00f4le d\u2019un bouclier. Un oubli volontaire, comme certaines fleurs se referment au moindre contact ext\u00e9rieur.<\/p>", "content_text": "Et bien comme je ne dors pas, j\u2019\u00e9cris un peu. J\u2019ai effac\u00e9 le texte pr\u00e9vu pour cette journ\u00e9e du 24\/07. Trop th\u00e9\u00e2tral. Je n\u2019ai pas pu non plus me r\u00e9soudre \u00e0 compiler les textes du cycle anthologie comme propos\u00e9. Je n\u2019accorde pas tant d\u2019importance \u00e0 ce que j\u2019ai \u00e9crit durant ce cycle. Juste envie de participer sans v\u00e9ritablement participer. Sans doute parce que je pense que \u00e7a n\u2019en vaut pas la peine, tout semble si d\u00e9cousu, scolaire. Mauvais \u00e9l\u00e8ve. C\u2019est-\u00e0-dire bien trop ob\u00e9issant. Je ne tiens gu\u00e8re \u00e0 l\u2019id\u00e9e de reconnaissance, je cherche plut\u00f4t par tous moyens \u00e0 finir de m\u2019en d\u00e9barrasser. \u00c0 rejoindre l\u2019anonymat comme on r\u00eave d\u2019un refuge. Pour la proposition 31, pas mieux. Quelque chose remue, se braque. Et en ce moment, impression d\u2019assister \u00e0 un spectacle, refus d\u2019y jouer un r\u00f4le. Bref, pas la grande forme. Au sens o\u00f9 la grande forme serait d\u2019\u00eatre invariablement au top. Cette b\u00eatise. En revanche, j\u2019aime assez conserver toujours cette sensation sibylline d\u2019\u00eatre \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la plaque, de tourner autour du pot. Bless\u00e9 \u00e9tonnamment par je ne sais quelle phrase entendue \u00e0 propos des gens qui ne savent pas \u00e9crire autrement qu\u2019en disant \u00ab je \u00bb, des \u00e9crivains \u00ab fallots \u00bb. Et bien s\u00fbr, je me suis senti appartenir \u00e0 cette cat\u00e9gorie d\u2019intouchables. De toute fa\u00e7on, tu le sais maintenant, il y a quelque chose d\u2019insupportable dans toute opinion, tout jugement. Dans ce que \u00e7a r\u00e9v\u00e8le comme remous int\u00e9rieur surtout. Une forme de maladresse inconsciente. Sit\u00f4t que je la d\u00e9tecte, j\u2019en prends bonne note, mais je tourne les talons presque aussit\u00f4t, et m\u00eame d\u00e9tale. \u00c0 perdre haleine. C\u2019est un progr\u00e8s. Autrefois, j\u2019aurais \u00e9mis des doutes sur les fronti\u00e8res entre conscient et inconscient\u2026 j\u2019aurais voulu m\u00e9nager ch\u00e8vre et chou. J\u2019aurais tent\u00e9 d\u2019arrondir des angles. En m\u00eame temps, les gens sont les gens, on ne les changera pas. On dit qu\u2019il faut faire avec, c\u2019est comme \u00e7a. On peut aussi ne rien vouloir faire avec. Ne pas se sentir oblig\u00e9. Se d\u00e9tacher avec calme, voire m\u00eame s\u00e9r\u00e9nit\u00e9 et p\u00e9n\u00e9trer encore plus profond\u00e9ment la b\u00e9ance, le vide, l\u2019apn\u00e9e. La lecture. Au fur et \u00e0 mesure de la descente, la solitude n\u2019est plus vraiment une difficult\u00e9 et c\u2019est en y faisant face que l\u2019on sait qu\u2019elle n\u2019en fut jamais une. C\u2019est une bonne chose de ne pas disposer de l\u2019enti\u00e8ret\u00e9 de la m\u00e9moire de toutes nos exp\u00e9riences, la vie au contact d\u2019autrui serait intol\u00e9rable. L\u2019oubli procure une sorte de na\u00efvet\u00e9 qui joue le r\u00f4le d\u2019un bouclier. Un oubli volontaire, comme certaines fleurs se referment au moindre contact ext\u00e9rieur. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2024-04-23-0010.jpg?1748065089", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-juillet-2024.html", "title": "24 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:38:40Z", "date_modified": "2025-05-29T06:01:27Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Ecoute de Michel Butor parlant d\u2019Henri Michaux<\/p>\n

\u00c9couter Michel Butor parler d\u2019Henri Michaux toute la nuit, avec des moments d\u2019enfouissement dans le demi-sommeil pour que les mots p\u00e9n\u00e8trent mieux les strates, atteignent les confins, infusent les b\u00e9ances, les gouffres.<\/p>\n

On ne peut r\u00e9gler les difficult\u00e9s de langage que par le langage. Beaucoup d\u2019affinit\u00e9s avec Michaux. Est-ce rassurant ? Non. Il faut prendre sa respiration, se tenir pr\u00eat pour une plong\u00e9e en apn\u00e9e.<\/p>\n

On ne peut r\u00e9gler les difficult\u00e9s de langage qu\u2019avec une cl\u00e9 \u00e0 molette et l\u2019oreille absolue.<\/p>\n

Il lui \u00e9tait impossible de revenir, de faire machine arri\u00e8re, de rebrousser chemin. M\u00eame si on l\u2019avait voulu, on n\u2019y serait pas arriv\u00e9. D\u00e8s le d\u00e9but de l\u2019envie du retour, on voyait bien \u00e0 quel point c\u2019\u00e9tait incongru. D\u2019avance. Alors il ne restait plus d\u2019autre choix que de descendre, descendre, descendre, dans la profondeur, dans le gouffre. Il n\u2019y avait rien de grave l\u00e0-dedans. C\u2019\u00e9tait comme une tombe dans laquelle il fallait lentement choir, et il ne servait \u00e0 rien d\u2019imaginer la peur.<\/p>\n

On dit « quelle haine », mais est-ce de la haine ? C\u2019est s\u00fbrement de l\u2019amour, de l\u2019amour vache, veau, mouton, agneau, ou encore un genre inconnu. Une \u00e9motion innommable, une \u00e9motion sans nom, et qui surtout ne veut pas qu\u2019on la nomme.<\/p>\n

Encore re\u00e7u un commentaire, d\u00e9couvert au petit matin. On aurait eu envie de r\u00e9pondre : « Ne vous attendez surtout pas \u00e0 un retour, \u00e0 un renvoi d\u2019ascenseur. » On pensa \u00e0 autre chose pour \u00e9luder la question. On ne r\u00e9pondrait plus, on resterait muet, silencieux, on passerait d\u00e9sormais comme un poisson entre deux eaux. On ferait la carpe au sommet de sa gerbe.<\/p>\n

On se rappelait vaguement la derni\u00e8re fois que l\u2019on avait r\u00e9pondu \u00e0 un commentaire. Cette femme avait lu et s\u2019\u00e9tait crue chez elle. Elle avait pos\u00e9 des napperons sur les meubles, r\u00e9organis\u00e9 le tiroir \u00e0 couverts, modifi\u00e9 l\u2019agencement des aliments dans le frigo. En entrant, elle avait dit : « Tu es \u00e0 moi, rien qu\u2019\u00e0 moi. Tu ne pourras jamais t\u2019en sortir sauf en acceptant de devenir mon fr\u00e8re siamois. »<\/p>\n

Il avait r\u00e9sist\u00e9 comme il avait coutume de le faire, en pratiquant l\u2019ironie, en allant presque jusqu\u2019au bout avant de se retirer. On lui en avait voulu. Quelle audace, rendez-vous compte ! On avait pris des t\u00e9moins. Il y avait eu un proc\u00e8s \u00e0 huis clos. Il y avait eu des cris, des pleurs, des grincements de dents, des d\u00e9chirures. Il y avait laiss\u00e9 un grand morceau de chair et de peau, mais pas d\u2019os. On s\u2019\u00e9tait plaint, d\u2019autres avaient pris parti. Pendant quelques jours, il avait \u00e9t\u00e9 l\u2019ennemi num\u00e9ro un. Puis la mode s\u2019est d\u00e9mod\u00e9e, il est pass\u00e9 en deux, puis en trois, jusqu\u2019\u00e0 l\u2019infini des nombres et de leur oubli.<\/p>\n

Tout \u00e7a parce qu\u2019il avait pouss\u00e9 le bouchon un peu loin. Il avait os\u00e9 \u00e9mettre une protestation. « Viens, Poupoule. » Pour pousser l\u2019autre dans ses retranchements. Afin qu\u2019elle sache que le retranchement est une possibilit\u00e9. Une porte que l\u2019on claque. Un nouveau monde. On ne l\u2019avait pas remerci\u00e9 pour \u00e7a. On avait cru que tout venait de soi. C\u2019est tout juste si on ne lui avait pas crach\u00e9 au visage.<\/p>\n

Depuis lors\u2026<\/p>\n

Bien qu\u2019il se refuse \u00e0 participer physiquement \u00e0 la grand-messe en latin, il en \u00e9prouve la ferveur. Elle le p\u00e9n\u00e8tre par tous les pores de la peau. Il voudrait s\u2019en passer, s\u2019en d\u00e9barrasser, retrouver son vieux doute atavique. Longtemps, il secoue la main et c\u2019est pour dire : « L\u00e2chez-moi, fichez-moi la paix, allez-vous-en, d\u00e9guerpissez ! » Mais c\u2019est en vain, car la ferveur, une fois entr\u00e9e dans son corps, l\u2019envahit. Danse de Saint-Guy. Il ne peut s\u2019en d\u00e9barrasser, il la porte, il la supporte, il la subit.<\/p>\n

Il faut qu\u2019il s\u2019enfonce encore plus loin, il le sent, \u00e7a lui fait d\u00e9j\u00e0 du bien de le sentir. Il imagine parvenir \u00e0 un bout qui cette fois ne le rejettera pas ou qu\u2019il ne rejettera pas, un bout accueillant, un an\u00e9antissement doux. Le doux s\u2019insinue entre ses l\u00e8vres en y songeant. Puis le r\u00e9veil sonne : garde \u00e0 vous, une deux, une deux. On se l\u00e8ve, on se lave, on s\u2019habille.<\/p>\n

Ce texte \u00e9crit le 22 juillet, comble un vide non pr\u00e9vu, un oubli, il sera publi\u00e9 exceptionnellement le 23 juillet. Ce qui d\u00e9clenchera une r\u00e9action en cha\u00eene, car il faudra renommer tous les autres textes \u00e9crits en amont de celui-ci, planifi\u00e9s jusqu\u2019au 10 ao\u00fbt.<\/p>\n

Pas d\u2019illustration, il faut sauver la plan\u00e8te, moins de pollution, gagner de la place, j\u2019ai d\u00e9pass\u00e9 les 67 % d\u2019occupation. Et puis au dernier moment si, une encre de Michaux, je lui devais bien \u00e7a.<\/p>\n

Il y a maintenant presque deux semaines que je suis rentr\u00e9 d\u2019Avignon, rien dit de ce s\u00e9jour. Est-ce en raison de l\u2019atmosph\u00e8re tellement \u00e9trange dans quoi ce voyage s\u2019est effectu\u00e9. Cet entre-deux. La nuit je me r\u00e9veille encore, bien que je ne dorme presque plus, et le pays est sans dessus dessous. Des milices nazies enfoncent les portes \u00e0 coup de pied, de petits capos tiennent des journaux de tous les faits et gestes des r\u00e9sistants (\u00e9videmment je me consid\u00e8re comme tel), ils savent d\u00e9sormais tout dans le menu. Lundi dernier vous avez dit ceci sur les r\u00e9seaux sociaux, ce qui est encore plus terrible que ce que vous avouiez \u00e0 mi-mot l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re m\u00eame \u00e9poque. Vous n\u2019allez pas dans le sens des choses, vous vous y opposez, comme toujours, coupez-lui les doigts et la langue.<\/p>\n

Parfois aussi, tout \u00e7a n\u2019est qu\u2019un \u00e9cran de fum\u00e9e, je veux dire ce remue-m\u00e9nage politicien, ces \u00e9lections, cette com\u00e9die de d\u00e9mocratie. Je crois que plus \u00e7a va, moins on y croit, plus on devine l\u2019horreur qui peu \u00e0 peu s\u2019en d\u00e9gage. Les douleurs dans les jambes sont devenues atroces, dans les pieds, j\u2019ai peine \u00e0 avancer, je ne marche plus, presque plus. Je me tra\u00eene. Et puis soudain des ailes me poussent dans les flancs, la douleur devient paroxystique, je prends de l\u2019altitude, plus je m\u2019\u00e9l\u00e8ve plus j\u2019ai mal, mais la contrepartie est que je vois toute la sc\u00e8ne d\u2019une fa\u00e7on limpide, je vois \u00e0 la fois le plateau de cin\u00e9ma, les op\u00e9rateurs, les commanditaires. Ces derniers sont d\u2019une laideur insoutenable, d\u2019une sauvagerie m\u00e9canique, d\u00e9pourvus de la moindre \u00e9motion, ils entassent des chiffres, des montagnes de chiffres, et ils s\u2019esclaffent de temps \u00e0 autre sans que nul n\u2019en sache la raison.<\/p>", "content_text": " Ecoute de Michel Butor parlant d\u2019Henri Michaux \u00c9couter Michel Butor parler d\u2019Henri Michaux toute la nuit, avec des moments d\u2019enfouissement dans le demi-sommeil pour que les mots p\u00e9n\u00e8trent mieux les strates, atteignent les confins, infusent les b\u00e9ances, les gouffres. On ne peut r\u00e9gler les difficult\u00e9s de langage que par le langage. Beaucoup d\u2019affinit\u00e9s avec Michaux. Est-ce rassurant ? Non. Il faut prendre sa respiration, se tenir pr\u00eat pour une plong\u00e9e en apn\u00e9e. On ne peut r\u00e9gler les difficult\u00e9s de langage qu\u2019avec une cl\u00e9 \u00e0 molette et l\u2019oreille absolue. Il lui \u00e9tait impossible de revenir, de faire machine arri\u00e8re, de rebrousser chemin. M\u00eame si on l\u2019avait voulu, on n\u2019y serait pas arriv\u00e9. D\u00e8s le d\u00e9but de l\u2019envie du retour, on voyait bien \u00e0 quel point c\u2019\u00e9tait incongru. D\u2019avance. Alors il ne restait plus d\u2019autre choix que de descendre, descendre, descendre, dans la profondeur, dans le gouffre. Il n\u2019y avait rien de grave l\u00e0-dedans. C\u2019\u00e9tait comme une tombe dans laquelle il fallait lentement choir, et il ne servait \u00e0 rien d\u2019imaginer la peur. On dit \u00ab quelle haine \u00bb, mais est-ce de la haine ? C\u2019est s\u00fbrement de l\u2019amour, de l\u2019amour vache, veau, mouton, agneau, ou encore un genre inconnu. Une \u00e9motion innommable, une \u00e9motion sans nom, et qui surtout ne veut pas qu\u2019on la nomme. Encore re\u00e7u un commentaire, d\u00e9couvert au petit matin. On aurait eu envie de r\u00e9pondre : \u00ab Ne vous attendez surtout pas \u00e0 un retour, \u00e0 un renvoi d\u2019ascenseur. \u00bb On pensa \u00e0 autre chose pour \u00e9luder la question. On ne r\u00e9pondrait plus, on resterait muet, silencieux, on passerait d\u00e9sormais comme un poisson entre deux eaux. On ferait la carpe au sommet de sa gerbe. On se rappelait vaguement la derni\u00e8re fois que l\u2019on avait r\u00e9pondu \u00e0 un commentaire. Cette femme avait lu et s\u2019\u00e9tait crue chez elle. Elle avait pos\u00e9 des napperons sur les meubles, r\u00e9organis\u00e9 le tiroir \u00e0 couverts, modifi\u00e9 l\u2019agencement des aliments dans le frigo. En entrant, elle avait dit : \u00ab Tu es \u00e0 moi, rien qu\u2019\u00e0 moi. Tu ne pourras jamais t\u2019en sortir sauf en acceptant de devenir mon fr\u00e8re siamois. \u00bb Il avait r\u00e9sist\u00e9 comme il avait coutume de le faire, en pratiquant l\u2019ironie, en allant presque jusqu\u2019au bout avant de se retirer. On lui en avait voulu. Quelle audace, rendez-vous compte ! On avait pris des t\u00e9moins. Il y avait eu un proc\u00e8s \u00e0 huis clos. Il y avait eu des cris, des pleurs, des grincements de dents, des d\u00e9chirures. Il y avait laiss\u00e9 un grand morceau de chair et de peau, mais pas d\u2019os. On s\u2019\u00e9tait plaint, d\u2019autres avaient pris parti. Pendant quelques jours, il avait \u00e9t\u00e9 l\u2019ennemi num\u00e9ro un. Puis la mode s\u2019est d\u00e9mod\u00e9e, il est pass\u00e9 en deux, puis en trois, jusqu\u2019\u00e0 l\u2019infini des nombres et de leur oubli. Tout \u00e7a parce qu\u2019il avait pouss\u00e9 le bouchon un peu loin. Il avait os\u00e9 \u00e9mettre une protestation. \u00ab Viens, Poupoule. \u00bb Pour pousser l\u2019autre dans ses retranchements. Afin qu\u2019elle sache que le retranchement est une possibilit\u00e9. Une porte que l\u2019on claque. Un nouveau monde. On ne l\u2019avait pas remerci\u00e9 pour \u00e7a. On avait cru que tout venait de soi. C\u2019est tout juste si on ne lui avait pas crach\u00e9 au visage. Depuis lors\u2026 Bien qu\u2019il se refuse \u00e0 participer physiquement \u00e0 la grand-messe en latin, il en \u00e9prouve la ferveur. Elle le p\u00e9n\u00e8tre par tous les pores de la peau. Il voudrait s\u2019en passer, s\u2019en d\u00e9barrasser, retrouver son vieux doute atavique. Longtemps, il secoue la main et c\u2019est pour dire : \u00ab L\u00e2chez-moi, fichez-moi la paix, allez-vous-en, d\u00e9guerpissez ! \u00bb Mais c\u2019est en vain, car la ferveur, une fois entr\u00e9e dans son corps, l\u2019envahit. Danse de Saint-Guy. Il ne peut s\u2019en d\u00e9barrasser, il la porte, il la supporte, il la subit. Il faut qu\u2019il s\u2019enfonce encore plus loin, il le sent, \u00e7a lui fait d\u00e9j\u00e0 du bien de le sentir. Il imagine parvenir \u00e0 un bout qui cette fois ne le rejettera pas ou qu\u2019il ne rejettera pas, un bout accueillant, un an\u00e9antissement doux. Le doux s\u2019insinue entre ses l\u00e8vres en y songeant. Puis le r\u00e9veil sonne : garde \u00e0 vous, une deux, une deux. On se l\u00e8ve, on se lave, on s\u2019habille. Ce texte \u00e9crit le 22 juillet, comble un vide non pr\u00e9vu, un oubli, il sera publi\u00e9 exceptionnellement le 23 juillet. Ce qui d\u00e9clenchera une r\u00e9action en cha\u00eene, car il faudra renommer tous les autres textes \u00e9crits en amont de celui-ci, planifi\u00e9s jusqu\u2019au 10 ao\u00fbt. Pas d\u2019illustration, il faut sauver la plan\u00e8te, moins de pollution, gagner de la place, j\u2019ai d\u00e9pass\u00e9 les 67 % d\u2019occupation. Et puis au dernier moment si, une encre de Michaux, je lui devais bien \u00e7a. Il y a maintenant presque deux semaines que je suis rentr\u00e9 d\u2019Avignon, rien dit de ce s\u00e9jour. Est-ce en raison de l\u2019atmosph\u00e8re tellement \u00e9trange dans quoi ce voyage s\u2019est effectu\u00e9. Cet entre-deux. La nuit je me r\u00e9veille encore, bien que je ne dorme presque plus, et le pays est sans dessus dessous. Des milices nazies enfoncent les portes \u00e0 coup de pied, de petits capos tiennent des journaux de tous les faits et gestes des r\u00e9sistants (\u00e9videmment je me consid\u00e8re comme tel), ils savent d\u00e9sormais tout dans le menu. Lundi dernier vous avez dit ceci sur les r\u00e9seaux sociaux, ce qui est encore plus terrible que ce que vous avouiez \u00e0 mi-mot l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re m\u00eame \u00e9poque. Vous n\u2019allez pas dans le sens des choses, vous vous y opposez, comme toujours, coupez-lui les doigts et la langue. Parfois aussi, tout \u00e7a n\u2019est qu\u2019un \u00e9cran de fum\u00e9e, je veux dire ce remue-m\u00e9nage politicien, ces \u00e9lections, cette com\u00e9die de d\u00e9mocratie. Je crois que plus \u00e7a va, moins on y croit, plus on devine l\u2019horreur qui peu \u00e0 peu s\u2019en d\u00e9gage. Les douleurs dans les jambes sont devenues atroces, dans les pieds, j\u2019ai peine \u00e0 avancer, je ne marche plus, presque plus. Je me tra\u00eene. Et puis soudain des ailes me poussent dans les flancs, la douleur devient paroxystique, je prends de l\u2019altitude, plus je m\u2019\u00e9l\u00e8ve plus j\u2019ai mal, mais la contrepartie est que je vois toute la sc\u00e8ne d\u2019une fa\u00e7on limpide, je vois \u00e0 la fois le plateau de cin\u00e9ma, les op\u00e9rateurs, les commanditaires. Ces derniers sont d\u2019une laideur insoutenable, d\u2019une sauvagerie m\u00e9canique, d\u00e9pourvus de la moindre \u00e9motion, ils entassent des chiffres, des montagnes de chiffres, et ils s\u2019esclaffent de temps \u00e0 autre sans que nul n\u2019en sache la raison. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/g_1579553428_ku0kcgnroi.png?1748065137", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-juillet-2024.html", "title": "23 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:37:05Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Apr\u00e8s ce pr\u00e9ambule, il faut que tu saches, pour ta gouverne, qu\u2019on ne traite pas les gens de cette mani\u00e8re, qu\u2019il est de bon ton de faire un petit peu plus attention aux autres que tu ne le fais, sans oublier que \u00e7a fait pas loin de trois jours que j\u2019attends ton coup de fil. Je ne sais plus trop quoi en penser, et toi, tu en penses quoi ? Est-ce que ce sont des mani\u00e8res ?<\/p>\n

Pour ta gouverne, ici, notre devise est : chaque chose a sa place, une place pour chaque chose. Il serait tr\u00e8s malvenu de ta part de ne pas en tenir compte, nous t\u2019avons \u00e0 l\u2019\u0153il, encore que, entre nous soit dit, ici, ce n\u2019est pas le bagne. Dans une certaine mesure, tu restes tout \u00e0 fait libre de ne pas accepter ce poste, on ne te retiendra pas.<\/p>\n

Pour ta gouverne, dire ici tout haut ce genre de choses ne fera certainement pas avancer les choses, ni ton avancement, ni ta carri\u00e8re. \u00c7a n\u2019am\u00e9liorera pas ton image, bien au contraire, mais si tu veux que tout le monde te d\u00e9teste, pas de souci, tu es sur le bon chemin. Si c\u2019est effectivement ce que tu veux, tu as r\u00e9ussi !<\/p>\n

Pour votre gouverne, je l\u2019ai pris entre quatre yeux, il ne s\u2019est pas d\u00e9fil\u00e9, \u00e0 vrai dire, j\u2019esp\u00e9rais un peu qu\u2019il le fasse. \u00c7a m\u2019aurait permis d\u2019enfoncer le clou, de lui dire ses quatre v\u00e9rit\u00e9s, puis de lui tordre le cou une bonne fois pour toutes et j\u2019aurais \u00e9t\u00e9 le premier \u00e0 crier bon d\u00e9barras.<\/p>\n

Pour ta gouverne, il faut vraiment que quelqu\u2019un te le dise. Ne le prends surtout pas mal, ici tout le monde est \u00e0 la m\u00eame enseigne. On est tous pass\u00e9s par l\u00e0 et regarde, au final on y est bien arriv\u00e9. Tu n\u2019es tout de m\u00eame pas plus b\u00eate qu\u2019un autre, c\u2019est juste une question de temps, d\u2019application, de r\u00e9gularit\u00e9, de t\u00e9nacit\u00e9\u2026<\/p>", "content_text": "Apr\u00e8s ce pr\u00e9ambule, il faut que tu saches, pour ta gouverne, qu\u2019on ne traite pas les gens de cette mani\u00e8re, qu\u2019il est de bon ton de faire un petit peu plus attention aux autres que tu ne le fais, sans oublier que \u00e7a fait pas loin de trois jours que j\u2019attends ton coup de fil. Je ne sais plus trop quoi en penser, et toi, tu en penses quoi ? Est-ce que ce sont des mani\u00e8res ? Pour ta gouverne, ici, notre devise est : chaque chose a sa place, une place pour chaque chose. Il serait tr\u00e8s malvenu de ta part de ne pas en tenir compte, nous t\u2019avons \u00e0 l\u2019\u0153il, encore que, entre nous soit dit, ici, ce n\u2019est pas le bagne. Dans une certaine mesure, tu restes tout \u00e0 fait libre de ne pas accepter ce poste, on ne te retiendra pas. Pour ta gouverne, dire ici tout haut ce genre de choses ne fera certainement pas avancer les choses, ni ton avancement, ni ta carri\u00e8re. \u00c7a n\u2019am\u00e9liorera pas ton image, bien au contraire, mais si tu veux que tout le monde te d\u00e9teste, pas de souci, tu es sur le bon chemin. Si c\u2019est effectivement ce que tu veux, tu as r\u00e9ussi ! Pour votre gouverne, je l\u2019ai pris entre quatre yeux, il ne s\u2019est pas d\u00e9fil\u00e9, \u00e0 vrai dire, j\u2019esp\u00e9rais un peu qu\u2019il le fasse. \u00c7a m\u2019aurait permis d\u2019enfoncer le clou, de lui dire ses quatre v\u00e9rit\u00e9s, puis de lui tordre le cou une bonne fois pour toutes et j\u2019aurais \u00e9t\u00e9 le premier \u00e0 crier bon d\u00e9barras. Pour ta gouverne, il faut vraiment que quelqu\u2019un te le dise. Ne le prends surtout pas mal, ici tout le monde est \u00e0 la m\u00eame enseigne. On est tous pass\u00e9s par l\u00e0 et regarde, au final on y est bien arriv\u00e9. Tu n\u2019es tout de m\u00eame pas plus b\u00eate qu\u2019un autre, c\u2019est juste une question de temps, d\u2019application, de r\u00e9gularit\u00e9, de t\u00e9nacit\u00e9\u2026", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-juillet-2024.html", "title": "22 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:36:14Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

La difficult\u00e9 principale vient surtout de la profusion. Il y a beaucoup trop de ces images r\u00e9manentes. Ce blocage soudain est \u00e9tonnant, car il serait facile de les aligner- ces images- comme on enfile des perles. Ce premier mouvement est vite contrecarr\u00e9 par un « je ne sais quoi ». Un refus, peut-\u00eatre. Quelque chose de plus fort qu\u2019une g\u00eane, qu\u2019une simple honte. Ce serait honteux d\u2019\u00e9taler ces images sans queue ni t\u00eate, simplement parce qu\u2019on les aurait cueillies sans trop y r\u00e9fl\u00e9chir, sans leur trouver un lien- ce qui d\u00e9passe le cadre temporel de l\u2019exercice. Honteux \u00e0 cause de l\u2019abondance ou de l\u2019insouciance. Et c\u2019est pour \u00e7a que ce refus survient, je l\u2019imagine.<\/p>\n

J\u2019ai envisag\u00e9 d\u2019\u00e9tablir une chronologie pour les raccrocher \u00e0 des moments collectifs, pour qu\u2019elles ne parlent pas seulement de moi. \u00c7a changerait en tout cas. Mais voil\u00e0 que je me mets \u00e0 disserter sur la difficult\u00e9 de participer \u00e0 l\u2019exercice.<\/p>\n

Je pense \u00e0 toutes ces images en noir et blanc que diffusait la t\u00e9l\u00e9vision pendant ma petite enfance : l\u2019Alg\u00e9rie, le Vietnam, le Biafra. Une sorte d\u2019ab\u00eeme \u00e0 me relier \u00e0 ces images, alors que je vivais dans un pays en paix, \u00e9conomiquement opulent. Pendant ce temps, l\u2019image d\u2019une traction avant gar\u00e9e dans la cour de la maison se m\u00e9tamorphosait sous les trou\u00e9es de lumi\u00e8re des grands prunus plant\u00e9s l\u00e0 avant ma venue.<\/p>\n

Je me demande si je ne devrais pas ouvrir un navigateur et taper simplement une ann\u00e9e : 1960, 1965, 1972. Voir tous les \u00e9v\u00e9nements de cette ann\u00e9e-l\u00e0, en esp\u00e9rant que quelques images me reviennent plus pr\u00e9cises. Mais ce n\u2019est qu\u2019une invention, une reconstruction. Non pas que je rechigne \u00e0 cr\u00e9er une fiction, mais j\u2019aurais l\u2019impression de fuir l\u2019essence de l\u2019exercice par une issue facile. De la d\u00e9sinvolture.<\/p>\n

Pourquoi garde-t-on en soi une image qui dure, sans chercher \u00e0 la convoquer ? C\u2019est une piste de d\u00e9part, mais peut-\u00eatre fauss\u00e9e par l\u2019intention d\u2019\u00e9crire un texte, d\u2019\u00e9viter la n\u00e9cessit\u00e9, le v\u00e9ritable pourquoi de telle ou telle image. En dehors d\u2019une intention purement esth\u00e9tique, ou pire, l\u2019envie de se mettre en avant gr\u00e2ce \u00e0 ce genre d\u2019image, trop facilement f\u00e9d\u00e9ratrice.<\/p>\n

C\u2019est donc un \u00e9chec, et je pr\u00e9f\u00e8re cet \u00e9chec finalement \u00e0 la cr\u00e9ation du texte lui-m\u00eame. Il me fait r\u00e9fl\u00e9chir cet \u00e9chec. Des dizaines de textes piaffent derri\u00e8re cet \u00e9chec, que je les \u00e9crive ou pas, l\u00e0 n\u2019est pas la question. Ce qui me semble important c\u2019est de pouvoir me dire non, justement \u2013 toi tu ne peux pas le faire, pas comme \u00e7a, pas maintenant.<\/p>\n

Je me dis aussi que si un livre arrivait de fa\u00e7on inaugurale, par un refus, \u00e7a ne m\u2019\u00e9tonnerait qu\u2019\u00e0 peine. C\u2019est effrayant cette volont\u00e9 soudaine de se d\u00e9marquer par un refus. Effrayant et excitant \u00e0 la fois. Il suffirait peut-\u00eatre de remonter le fil de tous ces refus, clam\u00e9s ou muets, pour que je dispose d\u2019un texte digne de cette s\u00e9rie d\u2019exercices d\u2019\u00e9criture. Ce serait ma fa\u00e7on de participer malgr\u00e9 tout, malgr\u00e9 mon refus. Et bien voil\u00e0, ce n\u2019est pas botter en touche, c\u2019est fait.<\/p>\n

Que l\u2019hypoth\u00e9tique lectrice, lecteur, participant \u00e0 la m\u00eame t\u00e2che n\u2019en prenne pas ombrage, ce refus ne s\u2019adresse qu\u2019\u00e0 cette part un peu trop ob\u00e9issante de moi-m\u00eame avec laquelle je n\u2019ai pas envie de composer, voil\u00e0 tout, voici donc ma r\u00e9colte, pauvre r\u00e9colte mais honn\u00eate.<\/p>", "content_text": "La difficult\u00e9 principale vient surtout de la profusion. Il y a beaucoup trop de ces images r\u00e9manentes. Ce blocage soudain est \u00e9tonnant, car il serait facile de les aligner- ces images- comme on enfile des perles. Ce premier mouvement est vite contrecarr\u00e9 par un \u00ab je ne sais quoi \u00bb. Un refus, peut-\u00eatre. Quelque chose de plus fort qu\u2019une g\u00eane, qu\u2019une simple honte. Ce serait honteux d\u2019\u00e9taler ces images sans queue ni t\u00eate, simplement parce qu\u2019on les aurait cueillies sans trop y r\u00e9fl\u00e9chir, sans leur trouver un lien- ce qui d\u00e9passe le cadre temporel de l\u2019exercice. Honteux \u00e0 cause de l\u2019abondance ou de l\u2019insouciance. Et c\u2019est pour \u00e7a que ce refus survient, je l\u2019imagine. J\u2019ai envisag\u00e9 d\u2019\u00e9tablir une chronologie pour les raccrocher \u00e0 des moments collectifs, pour qu\u2019elles ne parlent pas seulement de moi. \u00c7a changerait en tout cas. Mais voil\u00e0 que je me mets \u00e0 disserter sur la difficult\u00e9 de participer \u00e0 l\u2019exercice. Je pense \u00e0 toutes ces images en noir et blanc que diffusait la t\u00e9l\u00e9vision pendant ma petite enfance : l\u2019Alg\u00e9rie, le Vietnam, le Biafra. Une sorte d\u2019ab\u00eeme \u00e0 me relier \u00e0 ces images, alors que je vivais dans un pays en paix, \u00e9conomiquement opulent. Pendant ce temps, l\u2019image d\u2019une traction avant gar\u00e9e dans la cour de la maison se m\u00e9tamorphosait sous les trou\u00e9es de lumi\u00e8re des grands prunus plant\u00e9s l\u00e0 avant ma venue. Je me demande si je ne devrais pas ouvrir un navigateur et taper simplement une ann\u00e9e : 1960, 1965, 1972. Voir tous les \u00e9v\u00e9nements de cette ann\u00e9e-l\u00e0, en esp\u00e9rant que quelques images me reviennent plus pr\u00e9cises. Mais ce n\u2019est qu\u2019une invention, une reconstruction. Non pas que je rechigne \u00e0 cr\u00e9er une fiction, mais j\u2019aurais l\u2019impression de fuir l\u2019essence de l\u2019exercice par une issue facile. De la d\u00e9sinvolture. Pourquoi garde-t-on en soi une image qui dure, sans chercher \u00e0 la convoquer ? C\u2019est une piste de d\u00e9part, mais peut-\u00eatre fauss\u00e9e par l\u2019intention d\u2019\u00e9crire un texte, d\u2019\u00e9viter la n\u00e9cessit\u00e9, le v\u00e9ritable pourquoi de telle ou telle image. En dehors d\u2019une intention purement esth\u00e9tique, ou pire, l\u2019envie de se mettre en avant gr\u00e2ce \u00e0 ce genre d\u2019image, trop facilement f\u00e9d\u00e9ratrice. C\u2019est donc un \u00e9chec, et je pr\u00e9f\u00e8re cet \u00e9chec finalement \u00e0 la cr\u00e9ation du texte lui-m\u00eame. Il me fait r\u00e9fl\u00e9chir cet \u00e9chec. Des dizaines de textes piaffent derri\u00e8re cet \u00e9chec, que je les \u00e9crive ou pas, l\u00e0 n\u2019est pas la question. Ce qui me semble important c\u2019est de pouvoir me dire non, justement \u2013 toi tu ne peux pas le faire, pas comme \u00e7a, pas maintenant. Je me dis aussi que si un livre arrivait de fa\u00e7on inaugurale, par un refus, \u00e7a ne m\u2019\u00e9tonnerait qu\u2019\u00e0 peine. C\u2019est effrayant cette volont\u00e9 soudaine de se d\u00e9marquer par un refus. Effrayant et excitant \u00e0 la fois. Il suffirait peut-\u00eatre de remonter le fil de tous ces refus, clam\u00e9s ou muets, pour que je dispose d\u2019un texte digne de cette s\u00e9rie d\u2019exercices d\u2019\u00e9criture. Ce serait ma fa\u00e7on de participer malgr\u00e9 tout, malgr\u00e9 mon refus. Et bien voil\u00e0, ce n\u2019est pas botter en touche, c\u2019est fait. Que l\u2019hypoth\u00e9tique lectrice, lecteur, participant \u00e0 la m\u00eame t\u00e2che n\u2019en prenne pas ombrage, ce refus ne s\u2019adresse qu\u2019\u00e0 cette part un peu trop ob\u00e9issante de moi-m\u00eame avec laquelle je n\u2019ai pas envie de composer, voil\u00e0 tout, voici donc ma r\u00e9colte, pauvre r\u00e9colte mais honn\u00eate. ", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-juillet-2024.html", "title": "21 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:35:00Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Il est. Difficile, de commencer, trouver les mots, si l\u2019on y pense, si on ne se laisse pas aller \u00e0 une pente naturelle, de s\u2019emparer, comme \u00e7a nous chante \u2013 des premiers sons qui viennent, si facilement qu\u2019on les nommerait naturels, vrais, authentiques, ou d\u2019une mani\u00e8re idiote, les miens les tiens les leurs les notres.<\/p>\n

Elle est. Cette bizarrerie, cette \u00e9tranget\u00e9, la nouveaut\u00e9, attirante, mais qu\u2019on redoute, tant elle est neuve, nouvelle, in\u00e9dite, attirante et tellement effrayante aussit\u00f4t qu\u2019on se trouve face \u00e0 face.<\/p>\n

Vous voil\u00e0 donc timide d\u2019un seul coup- quelque chose dans l\u2019air le dit- ceci expliquerait tout- et bien s\u00fbr \u00e7a fait longtemps, si longtemps que l\u2019impression d\u2019\u00eatre nu, singulier, expuls\u00e9 d\u2019un faisceau d\u2019apparences, \u00e7a vous rend muet, stup\u00e9fi\u00e9, viande muette en bloc, mais tabass\u00e9e, frapp\u00e9e de stupeur, attendrie.<\/p>\n

deux statues de viande s\u2019effor\u00e7ant soudain l\u2019une vers l\u2019autre, une tentative en dehors des clous, des crochets , un face \u00e0 face, deux parties d\u2019une m\u00eame mati\u00e8re, le pile et face se consid\u00e8rant, se toisant, avant de s\u2019\u00e9treindre- tout \u00e0 coup- haine -amour- musique-bruit. La chair est fiable.<\/p>", "content_text": "Il est. Difficile, de commencer, trouver les mots, si l\u2019on y pense, si on ne se laisse pas aller \u00e0 une pente naturelle, de s\u2019emparer, comme \u00e7a nous chante \u2013 des premiers sons qui viennent, si facilement qu\u2019on les nommerait naturels, vrais, authentiques, ou d\u2019une mani\u00e8re idiote, les miens les tiens les leurs les notres. Elle est. Cette bizarrerie, cette \u00e9tranget\u00e9, la nouveaut\u00e9, attirante, mais qu\u2019on redoute, tant elle est neuve, nouvelle, in\u00e9dite, attirante et tellement effrayante aussit\u00f4t qu\u2019on se trouve face \u00e0 face. Vous voil\u00e0 donc timide d\u2019un seul coup- quelque chose dans l\u2019air le dit- ceci expliquerait tout- et bien s\u00fbr \u00e7a fait longtemps, si longtemps que l\u2019impression d\u2019\u00eatre nu, singulier, expuls\u00e9 d\u2019un faisceau d\u2019apparences, \u00e7a vous rend muet, stup\u00e9fi\u00e9, viande muette en bloc, mais tabass\u00e9e, frapp\u00e9e de stupeur, attendrie. deux statues de viande s\u2019effor\u00e7ant soudain l\u2019une vers l\u2019autre, une tentative en dehors des clous, des crochets , un face \u00e0 face, deux parties d\u2019une m\u00eame mati\u00e8re, le pile et face se consid\u00e8rant, se toisant, avant de s\u2019\u00e9treindre- tout \u00e0 coup- haine -amour- musique-bruit. La chair est fiable. ", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-juillet-2024.html", "title": "20 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:34:04Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Vous \u00eates venus sp\u00e9cialement pour l\u2019exposition\u2026 ? c\u2019est effrayant d\u2019imaginer que oui\u2026 autant dire sp\u00e9cialement pour lui, pour le peintre\u2026 et comment l\u2019ont-ils su, bien que de le savoir ne r\u00e8gle encore pas la question\u2026 car on peut tout \u00e0 fait savoir et ne rien en faire, ne pas se d\u00e9placer, il y a quelque chose d\u2019autre\u2026 quoi\u2026 « vous \u00eates arriv\u00e9 l\u00e0 par hasard » apporterait-il une sorte de soulagement\u2026 peut-\u00eatre en sortirait-on rassur\u00e9, pour un moment Mais non car « ils » le disent, nous savions\u2026 nous savions que « tu » exposais\u2026 le « vous » parfois a du bon\u2026 c\u2019est plus difficile aussi dans l\u2019autre sens\u2026 « Tu es venu specialement pour voir « mon exposition »\u2026 t\u2019es venu \u2013 \u00e7a n\u2019irait pas\u2026 \u00e7a obligerait \u00e0 soulever un li\u00e8vre\u2026 tout le poids d\u2019un \u00e2ne mort\u2026 que le peintre sorte de l\u2019ind\u00e9finissable\u2026 qu\u2019il entre dans la pi\u00e8ce, qu\u2019il me donne une tape dans le dos\u2026 ou pire\u2026 qu\u2019il se confonde avec moi\u2026 qu\u2019il soit moi\u2026 ce serait d\u2019un seul coup insupportable\u2026 « ils » diraient le peintre\u2026 ils ajouteraient leur foutus « c\u2019est beau\u2026 » je n\u2019saurais quoi r\u00e9pondre, je dirais alors « vous \u00eates venus specialement pour l\u2019exposition\u2026 » je le r\u00e9p\u00e8terais en boucle\u2026 en faisant mine d\u2019en douter par toutes les mimiques dont un peintre pris en d\u00e9faut de s\u2019exhiber\u2026. d\u2019\u00e9taler..de se r\u00e9pandre\u2026 et comme tout cela serait ridicule\u2026 r\u00e2t\u00e9\u2026 et puis je dirais en les entrainant vers la table\u2026 du blanc\u2026 du rouge\u2026 du ros\u00e9\u2026<\/p>\n

Vous \u00eates venus pour moi alors \u2026 et tout de suite le couac la fausse note resterait fig\u00e9e dans l\u2019air\u2026 je ne pourrais pas la l\u00e2cher du regard\u2026 elle deviendrait comme\u2026 quel est ce mot dej\u00e0\u2026 je n\u2019en suis plus tr\u00e8s s\u00fbr\u2026 l\u2019embl\u00e8me\u2026 le blason de mon d\u00e9sarroi\u2026 enfin je serais d\u2019un coup nu\u2026 c\u2019est \u00e7a, vuln\u00e9rable\u2026 ils pourraient en profiter\u2026 buvez ceci est mon sang\u2026 ceci mon corps\u2026 pietinez donc tout \u00e7a all\u00e8grement si \u00e7a vous chante\u2026<\/p>\n

ils sont venus\u2026 je l\u2019esp\u00e8rais\u2026 je n\u2019osais pas me l\u2019avouer vraiment\u2026 ou bien\u2026 j\u2019avais la trouillle qu\u2019ils ne viennent pas\u2026 que personne ne vienne\u2026 on ne peut pas dire ce genre de chose lorsqu\u2019on est seul\u2026<\/p>\n

Ils ne sont pas venus\u2026 aucun n\u2019a trouv\u00e9 la force, l\u2019interet, le d\u00e9sir\u2026 ils avaient peut-\u00eatre quelque chose d\u2019autre \u00e0 faire\u2026 surtout qu\u2019il fait beau, tellement\u2026 sp\u00e9cialement aujourd\u2019hui\u2026 ce serait dommage qu\u2019ils n\u2019en profitent pas\u2026<\/p>", "content_text": "Vous \u00eates venus sp\u00e9cialement pour l\u2019exposition\u2026 ? c\u2019est effrayant d\u2019imaginer que oui\u2026 autant dire sp\u00e9cialement pour lui, pour le peintre\u2026 et comment l\u2019ont-ils su, bien que de le savoir ne r\u00e8gle encore pas la question\u2026 car on peut tout \u00e0 fait savoir et ne rien en faire, ne pas se d\u00e9placer, il y a quelque chose d\u2019autre\u2026 quoi\u2026 \u00ab vous \u00eates arriv\u00e9 l\u00e0 par hasard \u00bb apporterait-il une sorte de soulagement\u2026 peut-\u00eatre en sortirait-on rassur\u00e9, pour un moment Mais non car \u00ab ils \u00bb le disent, nous savions\u2026 nous savions que \u00ab tu \u00bb exposais\u2026 le \u00ab vous \u00bb parfois a du bon\u2026 c\u2019est plus difficile aussi dans l\u2019autre sens\u2026 \u00ab Tu es venu specialement pour voir \u00ab mon exposition \u00bb\u2026 t\u2019es venu \u2013 \u00e7a n\u2019irait pas\u2026 \u00e7a obligerait \u00e0 soulever un li\u00e8vre\u2026 tout le poids d\u2019un \u00e2ne mort\u2026 que le peintre sorte de l\u2019ind\u00e9finissable\u2026 qu\u2019il entre dans la pi\u00e8ce, qu\u2019il me donne une tape dans le dos\u2026 ou pire\u2026 qu\u2019il se confonde avec moi\u2026 qu\u2019il soit moi\u2026 ce serait d\u2019un seul coup insupportable\u2026 \u00ab ils \u00bb diraient le peintre\u2026 ils ajouteraient leur foutus \u00ab c\u2019est beau\u2026 \u00bb je n\u2019saurais quoi r\u00e9pondre, je dirais alors \u00ab vous \u00eates venus specialement pour l\u2019exposition\u2026 \u00bb je le r\u00e9p\u00e8terais en boucle\u2026 en faisant mine d\u2019en douter par toutes les mimiques dont un peintre pris en d\u00e9faut de s\u2019exhiber\u2026. d\u2019\u00e9taler..de se r\u00e9pandre\u2026 et comme tout cela serait ridicule\u2026 r\u00e2t\u00e9\u2026 et puis je dirais en les entrainant vers la table\u2026 du blanc\u2026 du rouge\u2026 du ros\u00e9\u2026 Vous \u00eates venus pour moi alors \u2026 et tout de suite le couac la fausse note resterait fig\u00e9e dans l\u2019air\u2026 je ne pourrais pas la l\u00e2cher du regard\u2026 elle deviendrait comme\u2026 quel est ce mot dej\u00e0\u2026 je n\u2019en suis plus tr\u00e8s s\u00fbr\u2026 l\u2019embl\u00e8me\u2026 le blason de mon d\u00e9sarroi\u2026 enfin je serais d\u2019un coup nu\u2026 c\u2019est \u00e7a, vuln\u00e9rable\u2026 ils pourraient en profiter\u2026 buvez ceci est mon sang\u2026 ceci mon corps\u2026 pietinez donc tout \u00e7a all\u00e8grement si \u00e7a vous chante\u2026 ils sont venus\u2026 je l\u2019esp\u00e8rais\u2026 je n\u2019osais pas me l\u2019avouer vraiment\u2026 ou bien\u2026 j\u2019avais la trouillle qu\u2019ils ne viennent pas\u2026 que personne ne vienne\u2026 on ne peut pas dire ce genre de chose lorsqu\u2019on est seul\u2026 Ils ne sont pas venus\u2026 aucun n\u2019a trouv\u00e9 la force, l\u2019interet, le d\u00e9sir\u2026 ils avaient peut-\u00eatre quelque chose d\u2019autre \u00e0 faire\u2026 surtout qu\u2019il fait beau, tellement\u2026 sp\u00e9cialement aujourd\u2019hui\u2026 ce serait dommage qu\u2019ils n\u2019en profitent pas\u2026 ", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-juillet-2024.html", "title": "18 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:33:24Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

« Le jour o\u00f9 vous cesserez de vouloir d\u00e9montrer quelque chose, en esp\u00e9rant que ce jour advienne, c\u2019est tout le malheur que je vous souhaite. Revenez me voir. » Il m\u2019avait dit \u00e7a en expulsant lentement la bouff\u00e9e d\u2019une cigarette. La spirale de fum\u00e9e, en s\u2019\u00e9levant, semblait refl\u00e9ter la profondeur de cette r\u00e9flexion. Pour dissimuler mon malaise face au silence pesant, je consultai ma montre.<\/p>\n

« Il est l\u2019heure, » dis-je d\u2019une voix effroyablement enfantine, celle qui me trahit toujours lorsque je me sens plus bas que terre. L\u2019homme de lettres, perdu dans sa contemplation de l\u2019ext\u00e9rieur, ne sembla m\u00eame pas m\u2019entendre. Il ne tourna pas la t\u00eate. Quelque chose \u00e9tait clos.<\/p>\n

Timidement, mais avec irritation, je tentai de suivre son regard, de percer moi aussi l\u2019opacit\u00e9 des vitres poussi\u00e9reuses de la pi\u00e8ce o\u00f9 il m\u2019avait re\u00e7u dix minutes auparavant. Tout \u00e9tait flou. Mon regard ne parvenait pas \u00e0 traverser cette opacit\u00e9, et j\u2019imaginais sans peine l\u2019\u00e9cart entre nous. Lui, l\u2019homme de lettres, plissant l\u00e9g\u00e8rement les paupi\u00e8res, avait acc\u00e8s \u00e0 tout l\u2019ext\u00e9rieur, le grand dehors, le monde.<\/p>\n

Il y voyait des choses qui m\u2019\u00e9taient invisibles, et c\u2019\u00e9tait terrifiant de penser qu\u2019elles pourraient le rester ind\u00e9finiment. Des choses inatteignables, innommables, dont l\u2019absence me manquerait affreusement. J\u2019en ressentais d\u00e9j\u00e0 la douleur physique. Je me tortillai maladroitement sur ma chaise, puis me mis d\u2019un coup sur mes deux jambes, balbutiai un au revoir et ne re\u00e7us qu\u2019un adieu en retour.<\/p>\n

Vous pouvez \u00eatre un des plus grands acteurs de votre g\u00e9n\u00e9ration, et \u00eatre un con achev\u00e9 dans la vie, dit le petit jeune homme. Tout \u00e7a pourquoi ? Parce que l\u2019acteur l\u2019avait \u00e0 cet instant oubli\u00e9. Il avait fait tout ce d\u00e9placement depuis Aubervilliers vers Les Halles et repris encore une correspondance pour se retrouver \u00e0 l\u2019heure au th\u00e9\u00e2tre \u00e0 R\u00e9publique. Il \u00e9tait arriv\u00e9 en nage, sa chemise collant d\u00e9sagr\u00e9ablement le bas de son dos, son sac en bandouli\u00e8re, un de ces vieux sacs photo avec des protections int\u00e9rieures en mousse, objet d\u00e9suet des ann\u00e9es 80. Il avait insist\u00e9 pour qu\u2019on le laisse passer.<\/p>\n

« Mais puisque je vous dis que j\u2019ai rendez-vous avec monsieur F.H. C\u2019est pour un reportage, oui. » Il \u00e9tait arriv\u00e9 pile au moment o\u00f9 Andrzej \u017bu\u0142awski engueulait C.L. puis F.H lui-m\u00eame. Le visage de l\u2019acteur \u00e9tait devenu blanc, presque fondant comme de la cire sous l\u2019effet de la chaleur. La sueur. Les \u00e9clats de voix. Le maquillage d\u00e9goulinait. Ce n\u2019\u00e9tait certainement pas le bon moment pour lui rappeler leur rendez-vous. Mais il le fit tout de m\u00eame. L\u2019acteur ne le regarda m\u00eame pas, le laissa plant\u00e9 l\u00e0 dans l\u2019\u00e9troit couloir, \u00e0 la porte de la loge derri\u00e8re laquelle il venait de dispara\u00eetre. C\u2019\u00e9tait termin\u00e9, d\u00e9finitivement, il le comprit. Depuis, le jeune homme ne loupait pas une occasion pour dire \u00e0 qui voulait bien l\u2019entendre, ou pas :<\/p>\n

« Vous pouvez \u00eatre un des plus grands acteurs de votre g\u00e9n\u00e9ration, et \u00eatre un con fini dans la vie de tous les jours. » On le toisait un instant comme si on voulait ajouter quelque chose, puis on reprenait le cours de ses pens\u00e9es. Tout le monde oubliait si facilement, sauf lui, le petit jeune homme. Sa rancune \u00e9tait tenace.<\/p>\n

« Tu devrais lui apporter des fleurs, des roses rouges n\u2019est-ce pas ? » « Mais si elle est aveugle, quelle importance ? Et m\u00eame, on pourrait choisir des fleurs moins co\u00fbteuses, on ne roule pas sur l\u2019or tout de m\u00eame. Mais Arletty, ce n\u2019est pas rien ni tous les jours qu\u2019on irait sonner \u00e0 la porte avec un bouquet. »<\/p>\n

Sur la bo\u00eete aux lettres, c\u2019\u00e9tait \u00e9crit madame Bathiat rue R\u00e9musat. Ce n\u2019\u00e9tait plus elle qui ouvrait mais une jeune fille aveugle, elle aussi. Sans doute une artiste de l\u2019association des artistes aveugles du faubourg Saint-Martin. « Moi, je suis une fleur du faubourg, » ajoutait-elle toujours avec malice. « Surtout une belle salet\u00e9 de collabo, » avait dit R. en se rem\u00e9morant. « Arr\u00eate-donc tes b\u00eatises, est-ce que tu y \u00e9tais, en quoi tout \u00e7a te regarderait ? Un portrait de C\u00e9line \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de Soehring le boche \u2013 ah l\u2019amour, quel m\u00e9tier d\u2019enfer. »<\/p>\n

Des petits pas menus, une autre artiste aveugle. « Des chrysanth\u00e8mes, comme c\u2019est aimable \u00e0 vous, un peu pr\u00e9coce mais bien gentil tout de m\u00eame. Madame Arletty dort. Si vous voulez, laissez votre carte et repassez demain ou un autre jour. »<\/p>\n

Mille fois je me suis imagin\u00e9 la maison du po\u00e8te, le voyage en car jusqu\u2019\u00e0 Omonville-la-Petite. Madame Blaisot, notre professeur de fran\u00e7ais, aurait certainement port\u00e9 sa robe beige, son imper clair et son \u00e9charpe rouge. Il pleut souvent dans la Manche. Ce jour-l\u00e0, je n\u2019ai pas pu effectuer le voyage, j\u2019\u00e9tais alit\u00e9, ma sant\u00e9 fragile au tout d\u00e9but de l\u2019adolescence. Ma m\u00e8re avait t\u00e9l\u00e9phon\u00e9 \u00e0 la derni\u00e8re minute. « D\u00e9sol\u00e9, il ne pourra pas venir, » et elle avait raccroch\u00e9. J\u2019en avais \u00e9t\u00e9 vraiment pein\u00e9 et cette peine s\u2019\u00e9tait imm\u00e9diatement transform\u00e9e en quinte de toux et curieusement en cette r\u00eaverie : effectuer le voyage vers Pr\u00e9vert par mes propres moyens, notamment \u00e0 travers le recueil « Paroles » que je ch\u00e9rissais particuli\u00e8rement.<\/p>\n

J\u2019\u00e9tais \u00e0 Nantes sur un pont \u00e0 Brest dans des ruines, les bombes, les cris la guerre , la chanteuse Barbara, avec les joues et le front gifl\u00e9s de pluie, sur l\u2019 air de G\u00f6ttingen ou bien j\u2019entendais le petit bruit de l\u2019\u0153uf dur que l\u2019on brise sur un comptoir d\u2019\u00e9tain et qui sert le c\u0153ur de l\u2019homme qui a faim. \u00c0 10h, le car a d\u00fb s\u2019arr\u00eater pour faire une pause et j\u2019ai sorti mon sandwich, j\u2019ai cass\u00e9 la cro\u00fbte avec tous les autres. Il y avait de l\u2019eau et du sirop dans ma gourde. Ce sont les autres qui m\u2019ont racont\u00e9 la suite. Madame Blaisot nous a m\u00eame enregistr\u00e9 toute la rencontre sur un magn\u00e9tophone. On faisait un journal radiophonique \u00e0 l\u2019\u00e9poque. On avait aussi vu Kessel, enfin l\u00e0 non plus je n\u2019avais pas pu venir, j\u2019\u00e9tais encore malade ce jour-l\u00e0.<\/p>", "content_text": "\u00ab Le jour o\u00f9 vous cesserez de vouloir d\u00e9montrer quelque chose, en esp\u00e9rant que ce jour advienne, c\u2019est tout le malheur que je vous souhaite. Revenez me voir. \u00bb Il m\u2019avait dit \u00e7a en expulsant lentement la bouff\u00e9e d\u2019une cigarette. La spirale de fum\u00e9e, en s\u2019\u00e9levant, semblait refl\u00e9ter la profondeur de cette r\u00e9flexion. Pour dissimuler mon malaise face au silence pesant, je consultai ma montre. \u00ab Il est l\u2019heure, \u00bb dis-je d\u2019une voix effroyablement enfantine, celle qui me trahit toujours lorsque je me sens plus bas que terre. L\u2019homme de lettres, perdu dans sa contemplation de l\u2019ext\u00e9rieur, ne sembla m\u00eame pas m\u2019entendre. Il ne tourna pas la t\u00eate. Quelque chose \u00e9tait clos. Timidement, mais avec irritation, je tentai de suivre son regard, de percer moi aussi l\u2019opacit\u00e9 des vitres poussi\u00e9reuses de la pi\u00e8ce o\u00f9 il m\u2019avait re\u00e7u dix minutes auparavant. Tout \u00e9tait flou. Mon regard ne parvenait pas \u00e0 traverser cette opacit\u00e9, et j\u2019imaginais sans peine l\u2019\u00e9cart entre nous. Lui, l\u2019homme de lettres, plissant l\u00e9g\u00e8rement les paupi\u00e8res, avait acc\u00e8s \u00e0 tout l\u2019ext\u00e9rieur, le grand dehors, le monde. Il y voyait des choses qui m\u2019\u00e9taient invisibles, et c\u2019\u00e9tait terrifiant de penser qu\u2019elles pourraient le rester ind\u00e9finiment. Des choses inatteignables, innommables, dont l\u2019absence me manquerait affreusement. J\u2019en ressentais d\u00e9j\u00e0 la douleur physique. Je me tortillai maladroitement sur ma chaise, puis me mis d\u2019un coup sur mes deux jambes, balbutiai un au revoir et ne re\u00e7us qu\u2019un adieu en retour. Vous pouvez \u00eatre un des plus grands acteurs de votre g\u00e9n\u00e9ration, et \u00eatre un con achev\u00e9 dans la vie, dit le petit jeune homme. Tout \u00e7a pourquoi ? Parce que l\u2019acteur l\u2019avait \u00e0 cet instant oubli\u00e9. Il avait fait tout ce d\u00e9placement depuis Aubervilliers vers Les Halles et repris encore une correspondance pour se retrouver \u00e0 l\u2019heure au th\u00e9\u00e2tre \u00e0 R\u00e9publique. Il \u00e9tait arriv\u00e9 en nage, sa chemise collant d\u00e9sagr\u00e9ablement le bas de son dos, son sac en bandouli\u00e8re, un de ces vieux sacs photo avec des protections int\u00e9rieures en mousse, objet d\u00e9suet des ann\u00e9es 80. Il avait insist\u00e9 pour qu\u2019on le laisse passer. \u00ab Mais puisque je vous dis que j\u2019ai rendez-vous avec monsieur F.H. C\u2019est pour un reportage, oui. \u00bb Il \u00e9tait arriv\u00e9 pile au moment o\u00f9 Andrzej \u017bu\u0142awski engueulait C.L. puis F.H lui-m\u00eame. Le visage de l\u2019acteur \u00e9tait devenu blanc, presque fondant comme de la cire sous l\u2019effet de la chaleur. La sueur. Les \u00e9clats de voix. Le maquillage d\u00e9goulinait. Ce n\u2019\u00e9tait certainement pas le bon moment pour lui rappeler leur rendez-vous. Mais il le fit tout de m\u00eame. L\u2019acteur ne le regarda m\u00eame pas, le laissa plant\u00e9 l\u00e0 dans l\u2019\u00e9troit couloir, \u00e0 la porte de la loge derri\u00e8re laquelle il venait de dispara\u00eetre. C\u2019\u00e9tait termin\u00e9, d\u00e9finitivement, il le comprit. Depuis, le jeune homme ne loupait pas une occasion pour dire \u00e0 qui voulait bien l\u2019entendre, ou pas : \u00ab Vous pouvez \u00eatre un des plus grands acteurs de votre g\u00e9n\u00e9ration, et \u00eatre un con fini dans la vie de tous les jours. \u00bb On le toisait un instant comme si on voulait ajouter quelque chose, puis on reprenait le cours de ses pens\u00e9es. Tout le monde oubliait si facilement, sauf lui, le petit jeune homme. Sa rancune \u00e9tait tenace. \u00ab Tu devrais lui apporter des fleurs, des roses rouges n\u2019est-ce pas ? \u00bb \u00ab Mais si elle est aveugle, quelle importance ? Et m\u00eame, on pourrait choisir des fleurs moins co\u00fbteuses, on ne roule pas sur l\u2019or tout de m\u00eame. Mais Arletty, ce n\u2019est pas rien ni tous les jours qu\u2019on irait sonner \u00e0 la porte avec un bouquet. \u00bb Sur la bo\u00eete aux lettres, c\u2019\u00e9tait \u00e9crit madame Bathiat rue R\u00e9musat. Ce n\u2019\u00e9tait plus elle qui ouvrait mais une jeune fille aveugle, elle aussi. Sans doute une artiste de l\u2019association des artistes aveugles du faubourg Saint-Martin. \u00ab Moi, je suis une fleur du faubourg, \u00bb ajoutait-elle toujours avec malice. \u00ab Surtout une belle salet\u00e9 de collabo, \u00bb avait dit R. en se rem\u00e9morant. \u00ab Arr\u00eate-donc tes b\u00eatises, est-ce que tu y \u00e9tais, en quoi tout \u00e7a te regarderait ? Un portrait de C\u00e9line \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de Soehring le boche \u2013 ah l\u2019amour, quel m\u00e9tier d\u2019enfer. \u00bb Des petits pas menus, une autre artiste aveugle. \u00ab Des chrysanth\u00e8mes, comme c\u2019est aimable \u00e0 vous, un peu pr\u00e9coce mais bien gentil tout de m\u00eame. Madame Arletty dort. Si vous voulez, laissez votre carte et repassez demain ou un autre jour. \u00bb Mille fois je me suis imagin\u00e9 la maison du po\u00e8te, le voyage en car jusqu\u2019\u00e0 Omonville-la-Petite. Madame Blaisot, notre professeur de fran\u00e7ais, aurait certainement port\u00e9 sa robe beige, son imper clair et son \u00e9charpe rouge. Il pleut souvent dans la Manche. Ce jour-l\u00e0, je n\u2019ai pas pu effectuer le voyage, j\u2019\u00e9tais alit\u00e9, ma sant\u00e9 fragile au tout d\u00e9but de l\u2019adolescence. Ma m\u00e8re avait t\u00e9l\u00e9phon\u00e9 \u00e0 la derni\u00e8re minute. \u00ab D\u00e9sol\u00e9, il ne pourra pas venir, \u00bb et elle avait raccroch\u00e9. J\u2019en avais \u00e9t\u00e9 vraiment pein\u00e9 et cette peine s\u2019\u00e9tait imm\u00e9diatement transform\u00e9e en quinte de toux et curieusement en cette r\u00eaverie : effectuer le voyage vers Pr\u00e9vert par mes propres moyens, notamment \u00e0 travers le recueil \u00ab Paroles \u00bb que je ch\u00e9rissais particuli\u00e8rement. J\u2019\u00e9tais \u00e0 Nantes sur un pont \u00e0 Brest dans des ruines, les bombes, les cris la guerre , la chanteuse Barbara, avec les joues et le front gifl\u00e9s de pluie, sur l\u2019 air de G\u00f6ttingen ou bien j\u2019entendais le petit bruit de l\u2019\u0153uf dur que l\u2019on brise sur un comptoir d\u2019\u00e9tain et qui sert le c\u0153ur de l\u2019homme qui a faim. \u00c0 10h, le car a d\u00fb s\u2019arr\u00eater pour faire une pause et j\u2019ai sorti mon sandwich, j\u2019ai cass\u00e9 la cro\u00fbte avec tous les autres. Il y avait de l\u2019eau et du sirop dans ma gourde. Ce sont les autres qui m\u2019ont racont\u00e9 la suite. Madame Blaisot nous a m\u00eame enregistr\u00e9 toute la rencontre sur un magn\u00e9tophone. On faisait un journal radiophonique \u00e0 l\u2019\u00e9poque. On avait aussi vu Kessel, enfin l\u00e0 non plus je n\u2019avais pas pu venir, j\u2019\u00e9tais encore malade ce jour-l\u00e0.", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-juillet-2024.html", "title": "17 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:32:34Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Plus je lis, plus j\u2019\u00e9prouve de difficult\u00e9s \u00e0 \u00e9crire. L\u2019envie se heurte \u00e0 un mur infranchissable, un mur que je construis moi-m\u00eame, de mes propres mains, avec mes propres moyens et surtout mes lacunes. Cela para\u00eetra enfantin \u00e0 la plupart des gens que je fr\u00e9quente. Pour eux, cette souffrance n\u2019a aucun sens. Ils diraient : « Tu ferais mieux de peindre. » Et ils auraient raison. Apr\u00e8s tout, je m\u2019interroge peu sur la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019\u00e9crire, cette m\u00eame n\u00e9cessit\u00e9 qui m\u2019ordonne de lui ob\u00e9ir, d\u2019une mani\u00e8re si servile que cela me d\u00e9go\u00fbte rien que d\u2019y penser.<\/p>\n

Plus je lis, plus je mesure cet \u00e9cart \u00e9trange entre l\u2019envie qui me presse d\u2019\u00e9crire \u2013 souvent des choses insignifiantes \u2013 et ce que pourrait \u00eatre, si je faisais encore de nombreux efforts, des efforts surhumains, la v\u00e9ritable litt\u00e9rature. Et l\u00e0 se pr\u00e9sente le choix : en rire ou en pleurer.<\/p>\n

Plus je lis, plus j\u2019ai conscience que je lis mal, que j\u2019ai toujours si mal lu. Que la lecture ne m\u2019a jamais servi qu\u2019\u00e0 la fa\u00e7on d\u2019un miroir avantageux. Et d\u00e9sormais, apercevoir ce reflet m\u2019est devenu insupportable. Il y a sans doute du d\u00e9sir, mais tellement terni par l\u2019envie, la jalousie, l\u2019id\u00e9e du manque, d\u2019une pauvret\u00e9 voire m\u00eame d\u2019une mis\u00e8re qui resterait coll\u00e9e \u00e0 qui je suis, ind\u00e9crottable.<\/p>\n

Plus je lis, plus je d\u00e9cortique lentement les phrases, les paragraphes, les pages enti\u00e8res avec une lenteur anachronique. Comme si cette n\u00e9cessit\u00e9 de prendre tout le temps possible pour lire une page m\u2019\u00e9tait impos\u00e9e comme sanction pour avoir os\u00e9 jadis lire tout et n\u2019importe quoi dans une fulgurance, un app\u00e9tit d\u2019ogre, ou d\u2019aventurier cupide et imb\u00e9cile.<\/p>\n

Plus je lis, plus je vois \u00e0 quel point je suis \u00e9loign\u00e9 du moindre amour, de l\u2019amour v\u00e9ritable, simple, authentique, et ce depuis toujours, comme si tout devait m\u2019\u00eatre adress\u00e9 et que je n\u2019adresse presque jamais rien, r\u00e9sidant dans une maladresse propre \u00e0 l\u2019\u00e9gocentrisme des petits enfants.<\/p>\n

Plus je lis, plus je me rends compte que je ne sais pas plus lire que je n\u2019ai su aimer qui que ce soit, pas m\u00eame moi. Je me rends compte que j\u2019ai toujours \u00e9t\u00e9 si loin du compte, incapable de d\u00e9chiffrer les signes, tant ceux provenant d\u2019autrui que ceux \u00e9manant de moi vers les autres.<\/p>\n

Plus je lis, plus je me complais \u00e0 m\u2019en vouloir de mes inaptitudes, plus je sombre dans le ridicule, le grotesque de tout cela. Et paradoxalement, plus j\u2019ai l\u2019\u00e9trange sensation que cela me fait du bien.<\/p>\n

Plus je lis, plus je ressens ce besoin de prendre tout le temps possible, de vouloir atteindre une sorte de pl\u00e9nitude du temps par la lecture et l\u2019\u00e9criture. Mais cette qu\u00eate est floue, ind\u00e9finissable, comme si je ne savais pas vraiment ce que je d\u00e9sirais atteindre. Est-ce le moment pr\u00e9sent, l\u2019\u00e9ternit\u00e9, ou simplement une illusion de contr\u00f4le sur le temps qui m\u2019\u00e9chappe ?<\/p>\n

Tout cela semble sans int\u00e9r\u00eat, une d\u00e9monstration, une exhibition.<\/p>\n

J\u2019ai d\u00e9couvert Christian Garcin par l\u2019interm\u00e9diaire de F.B. (proposition n° 17) et j\u2019ai lu hier soir jusqu\u2019\u00e0 tard dans la nuit « Les vies multiples de Jeremiah Reynolds ». Le sujet est fascinant, l\u2019histoire et l\u2019intrigue captivantes, et la mani\u00e8re dont elle est document\u00e9e me laisse sans voix.<\/p>\n

Aujourd\u2019hui, j\u2019\u00e9cris ces lignes le 7 juillet, \u00e0 7h du matin. Je n\u2019arrive pas \u00e0 accepter l\u2019id\u00e9e que l\u2019extr\u00eame-droite puisse remporter les \u00e9lections l\u00e9gislatives. Ici, la candidate du Front Populaire s\u2019est retir\u00e9e, nous laissant face au RN et \u00e0 Renaissance. Une com\u00e9die r\u00e9p\u00e9titive, ordinaire des \u00e9lections de tout acabit.<\/p>\n

C\u2019est \u00e9trange d\u2019imaginer la relecture de ce passage, qui ne sera publi\u00e9 que le 18 juillet. \u00c0 ce moment-l\u00e0, les jeux seront faits, ou tragiquement, une sensation pr\u00e9visible d\u2019accablement me saisira \u00e0 la lecture des r\u00e9sultats ce soir-l\u00e0.<\/p>", "content_text": "Plus je lis, plus j\u2019\u00e9prouve de difficult\u00e9s \u00e0 \u00e9crire. L\u2019envie se heurte \u00e0 un mur infranchissable, un mur que je construis moi-m\u00eame, de mes propres mains, avec mes propres moyens et surtout mes lacunes. Cela para\u00eetra enfantin \u00e0 la plupart des gens que je fr\u00e9quente. Pour eux, cette souffrance n\u2019a aucun sens. Ils diraient : \u00ab Tu ferais mieux de peindre. \u00bb Et ils auraient raison. Apr\u00e8s tout, je m\u2019interroge peu sur la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019\u00e9crire, cette m\u00eame n\u00e9cessit\u00e9 qui m\u2019ordonne de lui ob\u00e9ir, d\u2019une mani\u00e8re si servile que cela me d\u00e9go\u00fbte rien que d\u2019y penser. Plus je lis, plus je mesure cet \u00e9cart \u00e9trange entre l\u2019envie qui me presse d\u2019\u00e9crire \u2013 souvent des choses insignifiantes \u2013 et ce que pourrait \u00eatre, si je faisais encore de nombreux efforts, des efforts surhumains, la v\u00e9ritable litt\u00e9rature. Et l\u00e0 se pr\u00e9sente le choix : en rire ou en pleurer. Plus je lis, plus j\u2019ai conscience que je lis mal, que j\u2019ai toujours si mal lu. Que la lecture ne m\u2019a jamais servi qu\u2019\u00e0 la fa\u00e7on d\u2019un miroir avantageux. Et d\u00e9sormais, apercevoir ce reflet m\u2019est devenu insupportable. Il y a sans doute du d\u00e9sir, mais tellement terni par l\u2019envie, la jalousie, l\u2019id\u00e9e du manque, d\u2019une pauvret\u00e9 voire m\u00eame d\u2019une mis\u00e8re qui resterait coll\u00e9e \u00e0 qui je suis, ind\u00e9crottable. Plus je lis, plus je d\u00e9cortique lentement les phrases, les paragraphes, les pages enti\u00e8res avec une lenteur anachronique. Comme si cette n\u00e9cessit\u00e9 de prendre tout le temps possible pour lire une page m\u2019\u00e9tait impos\u00e9e comme sanction pour avoir os\u00e9 jadis lire tout et n\u2019importe quoi dans une fulgurance, un app\u00e9tit d\u2019ogre, ou d\u2019aventurier cupide et imb\u00e9cile. Plus je lis, plus je vois \u00e0 quel point je suis \u00e9loign\u00e9 du moindre amour, de l\u2019amour v\u00e9ritable, simple, authentique, et ce depuis toujours, comme si tout devait m\u2019\u00eatre adress\u00e9 et que je n\u2019adresse presque jamais rien, r\u00e9sidant dans une maladresse propre \u00e0 l\u2019\u00e9gocentrisme des petits enfants. Plus je lis, plus je me rends compte que je ne sais pas plus lire que je n\u2019ai su aimer qui que ce soit, pas m\u00eame moi. Je me rends compte que j\u2019ai toujours \u00e9t\u00e9 si loin du compte, incapable de d\u00e9chiffrer les signes, tant ceux provenant d\u2019autrui que ceux \u00e9manant de moi vers les autres. Plus je lis, plus je me complais \u00e0 m\u2019en vouloir de mes inaptitudes, plus je sombre dans le ridicule, le grotesque de tout cela. Et paradoxalement, plus j\u2019ai l\u2019\u00e9trange sensation que cela me fait du bien. Plus je lis, plus je ressens ce besoin de prendre tout le temps possible, de vouloir atteindre une sorte de pl\u00e9nitude du temps par la lecture et l\u2019\u00e9criture. Mais cette qu\u00eate est floue, ind\u00e9finissable, comme si je ne savais pas vraiment ce que je d\u00e9sirais atteindre. Est-ce le moment pr\u00e9sent, l\u2019\u00e9ternit\u00e9, ou simplement une illusion de contr\u00f4le sur le temps qui m\u2019\u00e9chappe ? Tout cela semble sans int\u00e9r\u00eat, une d\u00e9monstration, une exhibition. J\u2019ai d\u00e9couvert Christian Garcin par l\u2019interm\u00e9diaire de F.B. (proposition n\u00b0 17) et j\u2019ai lu hier soir jusqu\u2019\u00e0 tard dans la nuit \u00ab Les vies multiples de Jeremiah Reynolds \u00bb. Le sujet est fascinant, l\u2019histoire et l\u2019intrigue captivantes, et la mani\u00e8re dont elle est document\u00e9e me laisse sans voix. Aujourd\u2019hui, j\u2019\u00e9cris ces lignes le 7 juillet, \u00e0 7h du matin. Je n\u2019arrive pas \u00e0 accepter l\u2019id\u00e9e que l\u2019extr\u00eame-droite puisse remporter les \u00e9lections l\u00e9gislatives. Ici, la candidate du Front Populaire s\u2019est retir\u00e9e, nous laissant face au RN et \u00e0 Renaissance. Une com\u00e9die r\u00e9p\u00e9titive, ordinaire des \u00e9lections de tout acabit. C\u2019est \u00e9trange d\u2019imaginer la relecture de ce passage, qui ne sera publi\u00e9 que le 18 juillet. \u00c0 ce moment-l\u00e0, les jeux seront faits, ou tragiquement, une sensation pr\u00e9visible d\u2019accablement me saisira \u00e0 la lecture des r\u00e9sultats ce soir-l\u00e0.", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-juillet-2024.html", "title": "16 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:31:34Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

exercice d\u2019\u00e9criture #12, trois blocs paragraphes, trois travers\u00e9es, avec comme enjeu \u00e0 la fois la totalit\u00e9 d\u2019une ville, en quelques traits, et l\u2019espace entre les trois, est-ce que \u00e7a ne fait pas une autre totalit\u00e9 aussi, ou un commencement de quelque chose qui pourrait appara\u00eetre ainsi, c\u2019est \u00e0 dire un autre point de vue sur ce qu\u2019est la totalit\u00e9 de quoique ce soit.<\/p>\n

L\u2019arriv\u00e9e \u00e0 Santa Lucia une nuit d\u2019hiver et, apr\u00e8s une br\u00e8ve d\u00e9ambulation, flirter avec l\u2019id\u00e9e d\u2019emprunter la Ferrovia, \u00e0 cette heure tardive peu encombr\u00e9e de voyageurs, en bordure de lagune assaillie mollement par les vaporetti quasi vides. Au loin, il est possible d\u2019apercevoir par-dessus les canaux des silhouettes peu nombreuses et, plus loin mais pas tant que \u00e7a quand m\u00eame, la ville presque enti\u00e8rement endormie, voire morte. Il suffit qu\u2019il ait un peu plu juste avant pour que le p\u00e9trichor m\u00eal\u00e9 \u00e0 la chancissure vous attrape le nez, et d\u2019aller qu\u00e9rir dans le charroi de sensations troubles que \u00e7a procure, une vague trace d\u2019iode. C\u2019est tout de m\u00eame les cong\u00e9s, on n\u2019ose dire vacances. Marcher est plus s\u00fbr, et le plaisir d\u2019avancer ainsi par-dessus les gondoles orn\u00e9es de leurs proues servant l\u2019\u00e9quilibre dans l\u2019asym\u00e9trie, leurs couleurs noires ayant mis fin \u00e0 toute esclandre et autre rivalit\u00e9, pr\u00e9sences flottantes \u00e0 peine chuitantes, b\u00e2ch\u00e9es \u00e0 quai. Et soudain, d\u2019entendre r\u00e9sonner son propre pas sur les pav\u00e9s. Omnipr\u00e9sence de la mer \u00e0 l\u2019assaut de la pierre, partout, lenteur palpable d\u2019un magistral d\u00e9sastre, l\u2019enfoncement d\u2019une ville dans la nuit comme dans l\u2019eau noire qui l\u2019entoure, la dig\u00e8re d\u00e9j\u00e0. La progression s\u2019effectue \u00e0 pas mesur\u00e9s, avec en t\u00e2che de fond la tr\u00e8s vague adresse d\u2019un h\u00f4tel pr\u00e8s de la galerie o\u00f9 Zoran Music expose de fa\u00e7on permanente ses dessins et peintures souvenirs de Dachau pour la plupart.<\/p>\n

L\u2019arriv\u00e9e \u00e0 Belgrade par la route n\u2019offre gu\u00e8re que de grands terrains vagues, barres d\u2019immeubles sans gr\u00e2ce. On sent que quelque chose s\u2019est retir\u00e9 mais pas compl\u00e8tement encore. Tout comme si l\u2019on s\u2019enfon\u00e7ait \u00e0 quelques encablures \u00e0 peine du centre-ville de Prague, on tomberait irr\u00e9m\u00e9diablement sur ces pensions tenues par des matrones et des ruffians qui, en d\u2019autres temps, vendaient p\u00e8re et m\u00e8re pour une pinc\u00e9e de sel, un bol de farine. On trouvera aussi ces magasins mal achaland\u00e9s, aux vitrines sales, sans le moindre effort de r\u00e9clame, comme on en trouve aussi \u00e0 la Havane. C\u2019est comme la travers\u00e9e d\u2019un mauvais r\u00eave qui ne d\u00e9bouche que sur d\u2019autres mauvais r\u00eaves, avec de temps en temps un \u00e2ne rouge qui flotte, un ange et une jument verte, et par-del\u00e0 la perspective atmosph\u00e9rique, embrum\u00e9e, des ponts au-dessus de la Vltava, le bouchon de champagne qui p\u00e8te la nuit de la Saint-Sylvestre sur le pont Charles. Les badauds ahuris frappent du pied et des mains, les musiciens font les pitres pour obtenir 30 couronnes tch\u00e8ques, \u00e0 peine de quoi pour un caf\u00e9. Et le lendemain, miracle de l\u2019administration ou de la voirie, pas un seul papier gras, tout est propre, sans t\u00e2che, vierge pour recommencer une nouvelle journ\u00e9e.<\/p>\n

La travers\u00e9e des villes que l\u2019on ne conna\u00eet gu\u00e8re que par l\u2019odeur de leurs gares, celle de San Sebasti\u00e1n avec l\u2019Urumea qui charrie toute une invisible pourriture la nuit et qui remonte sur ses berges, colonise les bancs publics, s\u2019incarne en lie humaine qui soudain se dresse et demande l\u2019aum\u00f4ne. La gare de Pontoise, les lundis matins notamment, sent le tabac froid, l\u2019apr\u00e8s-rasage, le crissement de craie sur le tableau noir. Pas loin de l\u00e0, passe l\u2019Oise et ses nappes de gazole, ses cadavres de bouteilles vides, ses chatons mort-n\u00e9s. L\u2019arriv\u00e9e par le petit sentier qui longe la voie ferr\u00e9e entre Parmain et Valmondois, \u00e0 la gare de poup\u00e9es o\u00f9 l\u2019on prend le TER, qui s\u2019arr\u00eate \u00e0 toute gare, procurant ainsi une premi\u00e8re version de l\u2019interminable. Au d\u00e9but, parce qu\u2019ensuite on se cr\u00e9e un emploi du temps tr\u00e8s vite \u00e0 renifler les voyageurs, \u00e0 s\u2019inventer leurs vies, \u00e0 lire des romans, \u00e0 d\u00e9faut de pouvoir en \u00e9crire. Gare de Lyon, en voil\u00e0 une de gare, pr\u00e8s de Bercy qui avant n\u2019\u00e9tait qu\u2019un regroupement de maisons basses, des entrep\u00f4ts viticoles, du temps o\u00f9 l\u2019ouvrier buvait ses 5 litres sans sourciller, avant le grand chambardement, le grand remembrement, avant quand il y avait encore des haies, quand on ne les avait pas encore r\u00e9invent\u00e9es \u00e0 grands renforts d\u2019eur\u00eaka p\u00e9dants. La travers\u00e9e d\u2019une vie enti\u00e8re ainsi en train, par la route, \u00e0 pied, \u00e0 cheval, en voiture, tr\u00e8s rarement en avion ou en mulet. Dommage, ce serait bien de prendre le temps, d\u2019emprunter les routes de traverse, les sentiers buissonniers, le chemin Stevenson ou Benjamin, sans qu\u2019on nous oppose la fronti\u00e8re, la norme, la s\u00e9curit\u00e9, le meilleur confort utilisateur.<\/p>", "content_text": "exercice d\u2019\u00e9criture #12, trois blocs paragraphes, trois travers\u00e9es, avec comme enjeu \u00e0 la fois la totalit\u00e9 d\u2019une ville, en quelques traits, et l\u2019espace entre les trois, est-ce que \u00e7a ne fait pas une autre totalit\u00e9 aussi, ou un commencement de quelque chose qui pourrait appara\u00eetre ainsi, c\u2019est \u00e0 dire un autre point de vue sur ce qu\u2019est la totalit\u00e9 de quoique ce soit. L\u2019arriv\u00e9e \u00e0 Santa Lucia une nuit d\u2019hiver et, apr\u00e8s une br\u00e8ve d\u00e9ambulation, flirter avec l\u2019id\u00e9e d\u2019emprunter la Ferrovia, \u00e0 cette heure tardive peu encombr\u00e9e de voyageurs, en bordure de lagune assaillie mollement par les vaporetti quasi vides. Au loin, il est possible d\u2019apercevoir par-dessus les canaux des silhouettes peu nombreuses et, plus loin mais pas tant que \u00e7a quand m\u00eame, la ville presque enti\u00e8rement endormie, voire morte. Il suffit qu\u2019il ait un peu plu juste avant pour que le p\u00e9trichor m\u00eal\u00e9 \u00e0 la chancissure vous attrape le nez, et d\u2019aller qu\u00e9rir dans le charroi de sensations troubles que \u00e7a procure, une vague trace d\u2019iode. C\u2019est tout de m\u00eame les cong\u00e9s, on n\u2019ose dire vacances. Marcher est plus s\u00fbr, et le plaisir d\u2019avancer ainsi par-dessus les gondoles orn\u00e9es de leurs proues servant l\u2019\u00e9quilibre dans l\u2019asym\u00e9trie, leurs couleurs noires ayant mis fin \u00e0 toute esclandre et autre rivalit\u00e9, pr\u00e9sences flottantes \u00e0 peine chuitantes, b\u00e2ch\u00e9es \u00e0 quai. Et soudain, d\u2019entendre r\u00e9sonner son propre pas sur les pav\u00e9s. Omnipr\u00e9sence de la mer \u00e0 l\u2019assaut de la pierre, partout, lenteur palpable d\u2019un magistral d\u00e9sastre, l\u2019enfoncement d\u2019une ville dans la nuit comme dans l\u2019eau noire qui l\u2019entoure, la dig\u00e8re d\u00e9j\u00e0. La progression s\u2019effectue \u00e0 pas mesur\u00e9s, avec en t\u00e2che de fond la tr\u00e8s vague adresse d\u2019un h\u00f4tel pr\u00e8s de la galerie o\u00f9 Zoran Music expose de fa\u00e7on permanente ses dessins et peintures souvenirs de Dachau pour la plupart. L\u2019arriv\u00e9e \u00e0 Belgrade par la route n\u2019offre gu\u00e8re que de grands terrains vagues, barres d\u2019immeubles sans gr\u00e2ce. On sent que quelque chose s\u2019est retir\u00e9 mais pas compl\u00e8tement encore. Tout comme si l\u2019on s\u2019enfon\u00e7ait \u00e0 quelques encablures \u00e0 peine du centre-ville de Prague, on tomberait irr\u00e9m\u00e9diablement sur ces pensions tenues par des matrones et des ruffians qui, en d\u2019autres temps, vendaient p\u00e8re et m\u00e8re pour une pinc\u00e9e de sel, un bol de farine. On trouvera aussi ces magasins mal achaland\u00e9s, aux vitrines sales, sans le moindre effort de r\u00e9clame, comme on en trouve aussi \u00e0 la Havane. C\u2019est comme la travers\u00e9e d\u2019un mauvais r\u00eave qui ne d\u00e9bouche que sur d\u2019autres mauvais r\u00eaves, avec de temps en temps un \u00e2ne rouge qui flotte, un ange et une jument verte, et par-del\u00e0 la perspective atmosph\u00e9rique, embrum\u00e9e, des ponts au-dessus de la Vltava, le bouchon de champagne qui p\u00e8te la nuit de la Saint-Sylvestre sur le pont Charles. Les badauds ahuris frappent du pied et des mains, les musiciens font les pitres pour obtenir 30 couronnes tch\u00e8ques, \u00e0 peine de quoi pour un caf\u00e9. Et le lendemain, miracle de l\u2019administration ou de la voirie, pas un seul papier gras, tout est propre, sans t\u00e2che, vierge pour recommencer une nouvelle journ\u00e9e. La travers\u00e9e des villes que l\u2019on ne conna\u00eet gu\u00e8re que par l\u2019odeur de leurs gares, celle de San Sebasti\u00e1n avec l\u2019Urumea qui charrie toute une invisible pourriture la nuit et qui remonte sur ses berges, colonise les bancs publics, s\u2019incarne en lie humaine qui soudain se dresse et demande l\u2019aum\u00f4ne. La gare de Pontoise, les lundis matins notamment, sent le tabac froid, l\u2019apr\u00e8s-rasage, le crissement de craie sur le tableau noir. Pas loin de l\u00e0, passe l\u2019Oise et ses nappes de gazole, ses cadavres de bouteilles vides, ses chatons mort-n\u00e9s. L\u2019arriv\u00e9e par le petit sentier qui longe la voie ferr\u00e9e entre Parmain et Valmondois, \u00e0 la gare de poup\u00e9es o\u00f9 l\u2019on prend le TER, qui s\u2019arr\u00eate \u00e0 toute gare, procurant ainsi une premi\u00e8re version de l\u2019interminable. Au d\u00e9but, parce qu\u2019ensuite on se cr\u00e9e un emploi du temps tr\u00e8s vite \u00e0 renifler les voyageurs, \u00e0 s\u2019inventer leurs vies, \u00e0 lire des romans, \u00e0 d\u00e9faut de pouvoir en \u00e9crire. Gare de Lyon, en voil\u00e0 une de gare, pr\u00e8s de Bercy qui avant n\u2019\u00e9tait qu\u2019un regroupement de maisons basses, des entrep\u00f4ts viticoles, du temps o\u00f9 l\u2019ouvrier buvait ses 5 litres sans sourciller, avant le grand chambardement, le grand remembrement, avant quand il y avait encore des haies, quand on ne les avait pas encore r\u00e9invent\u00e9es \u00e0 grands renforts d\u2019eur\u00eaka p\u00e9dants. La travers\u00e9e d\u2019une vie enti\u00e8re ainsi en train, par la route, \u00e0 pied, \u00e0 cheval, en voiture, tr\u00e8s rarement en avion ou en mulet. Dommage, ce serait bien de prendre le temps, d\u2019emprunter les routes de traverse, les sentiers buissonniers, le chemin Stevenson ou Benjamin, sans qu\u2019on nous oppose la fronti\u00e8re, la norme, la s\u00e9curit\u00e9, le meilleur confort utilisateur.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/nousnesommespaslesderniers.jpg?1748065067", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-juillet-2024.html", "title": "15 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:30:07Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

L\u2019emploi du participe pr\u00e9sent permet d\u2019\u00e9viter celui de la subordonn\u00e9e relative. Je d\u00e9jeune \u00e9coutant les commentaires radiophoniques tartinant, beurrant une biscotte sur l\u2019autre comme il se doit pour ne pas la briser. Nous sommes aujourd\u2019hui le 1er juillet, l\u2019air est un peu frais \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur, le soleil se l\u00e8ve, \u00e0 9h j\u2019irai d\u00e9crocher l\u2019exposition de S. Du mal \u00e0 distinguer l\u2019\u00e9motion qui l\u2019emporte, de la col\u00e8re ou de la tristesse. Un m\u00e9lange. Il faut que j\u2019\u00e9crive pour me calmer. Que je m\u2019int\u00e9resse \u00e0 quelque chose de difficile. La grammaire de Jo\u00eblle Gardes Tamine par exemple. Tout ce qui se dit de la grammaire ici m\u2019est un \u00e9cueil, me ram\u00e8ne \u00e0 ma propre imb\u00e9cillit\u00e9 dans une salle de classe. Seule la rage alors provoquant la reprise peut y faire quelque chose, comme s\u2019accrocher, d\u00e9crypter \u00e0 la loupe chaque mot, chaque proposition, jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019une impression de clart\u00e9 s\u2019en suive ou rien.<\/p>\n

La d\u00e9clinaison est absente en fran\u00e7ais- encore faut-il savoir le latin ou l\u2019allemand pour en comprendre l\u2019usage et ce que \u00e7a impacte sur la fonction du nom, celui ds \u00eatres et des choses, nous qui n\u2019avons que deux genres, masculin ou f\u00e9minin pour \u00e9voquer le monde.<\/p>\n

La l\u00e9gende de Sainte Eulalie 842, plus ancien po\u00e8me \u00e9crit en fran\u00e7ais.<\/p>\n

La Cantil\u00e8ne de sainte Eulalie (IXe si\u00e8cle)
\nVersion originale\tAdaptation en fran\u00e7ais moderne
\nBuona pulcella fut Eulalia
\nBel avret corps, bellezour anima.
\nVoldrent la veintre li Deo inimis,
\nVoldrent la faire diavle servir.
\nIl non eskoltet les mal conseillers,
\nIn figure de colomb volat a ciel.
\nTuit oram que por nos degnet preier
\nQued avrisset de nos Christus mercit,
\nPost la mort, et a lui nos laist venir.
\nPar souve clementia.\tBonne pucelle fut Eulalie
\nBel avait le corps, plus belle l\u2019\u00e2me.
\nVoulurent la vaincre les ennemis de Dieu,
\nVoulurent la faire diable servir.
\nElle n\u2019\u00e9coute les mauvais conseillers,
\nSous forme de colombe vola au ciel.
\nTous prions que pour nous daigne prier
\nQue de nous Christ ait merci,
\nApr\u00e8s la mort, et \u00e0 lui nous laisse venir.
\nPar sa cl\u00e9mence.
\nSouvent, \u00e0 lire l\u2019ancien fran\u00e7ais, la viande dans quoi j\u2019habite s\u2019\u00e9meut, retrouve de la tendret\u00e9 envers elle-m\u00eame et les \u00eatres et les choses, la viande se souvient bien mieux que l\u2019esprit.<\/p>\n

Et peut-\u00eatre aussi ces vieilles paroles attrap\u00e9es au vol dans la campagne, et qu\u2019aucune haie,-elles ont toutes \u00e9t\u00e9 abattues au nom du rendement- ne conserve plus, la viande les garde t\u2019elle entre ses nerfs ses fibres sa lymphe son sang<\/p>\n

le patois et l\u2019accentuation de certains mots, les expressions exprim\u00e9es comme un jus exprim\u00e9 de fruit<\/p>\n

Comment cela est-il possible que quelqu\u2019un, quelque chose d\u2019autre que moi se souvienne en moi de la langue et la trouve, la retrouve, devenue soudain si famili\u00e8re si pr\u00e9sente, c\u2019est une question depuis toujours.<\/p>\n

l\u2019ordre des mots ( autre ouvrage de JGT) d\u2019un abord pas facile non plus. Une aridit\u00e9 dont je ne sais si elle provient de l\u2019ouvrage ou de moi-m\u00eame.<\/p>\n

Il y a la faute qui vient de l\u2019ignorance et puis de l\u2019inattention, mais c\u2019est la m\u00eame chose.<\/p>\n

avons-nous encore le droit d\u2019\u00eatre inattentifs ?<\/p>", "content_text": "L\u2019emploi du participe pr\u00e9sent permet d\u2019\u00e9viter celui de la subordonn\u00e9e relative. Je d\u00e9jeune \u00e9coutant les commentaires radiophoniques tartinant, beurrant une biscotte sur l\u2019autre comme il se doit pour ne pas la briser. Nous sommes aujourd\u2019hui le 1er juillet, l\u2019air est un peu frais \u00e0 l\u2019ext\u00e9rieur, le soleil se l\u00e8ve, \u00e0 9h j\u2019irai d\u00e9crocher l\u2019exposition de S. Du mal \u00e0 distinguer l\u2019\u00e9motion qui l\u2019emporte, de la col\u00e8re ou de la tristesse. Un m\u00e9lange. Il faut que j\u2019\u00e9crive pour me calmer. Que je m\u2019int\u00e9resse \u00e0 quelque chose de difficile. La grammaire de Jo\u00eblle Gardes Tamine par exemple. Tout ce qui se dit de la grammaire ici m\u2019est un \u00e9cueil, me ram\u00e8ne \u00e0 ma propre imb\u00e9cillit\u00e9 dans une salle de classe. Seule la rage alors provoquant la reprise peut y faire quelque chose, comme s\u2019accrocher, d\u00e9crypter \u00e0 la loupe chaque mot, chaque proposition, jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019une impression de clart\u00e9 s\u2019en suive ou rien. La d\u00e9clinaison est absente en fran\u00e7ais- encore faut-il savoir le latin ou l\u2019allemand pour en comprendre l\u2019usage et ce que \u00e7a impacte sur la fonction du nom, celui ds \u00eatres et des choses, nous qui n\u2019avons que deux genres, masculin ou f\u00e9minin pour \u00e9voquer le monde. La l\u00e9gende de Sainte Eulalie 842, plus ancien po\u00e8me \u00e9crit en fran\u00e7ais. La Cantil\u00e8ne de sainte Eulalie (IXe si\u00e8cle) Version originale Adaptation en fran\u00e7ais moderne Buona pulcella fut Eulalia Bel avret corps, bellezour anima. Voldrent la veintre li Deo inimis, Voldrent la faire diavle servir. Il non eskoltet les mal conseillers, In figure de colomb volat a ciel. Tuit oram que por nos degnet preier Qued avrisset de nos Christus mercit, Post la mort, et a lui nos laist venir. Par souve clementia. Bonne pucelle fut Eulalie Bel avait le corps, plus belle l\u2019\u00e2me. Voulurent la vaincre les ennemis de Dieu, Voulurent la faire diable servir. Elle n\u2019\u00e9coute les mauvais conseillers, Sous forme de colombe vola au ciel. Tous prions que pour nous daigne prier Que de nous Christ ait merci, Apr\u00e8s la mort, et \u00e0 lui nous laisse venir. Par sa cl\u00e9mence. Souvent, \u00e0 lire l\u2019ancien fran\u00e7ais, la viande dans quoi j\u2019habite s\u2019\u00e9meut, retrouve de la tendret\u00e9 envers elle-m\u00eame et les \u00eatres et les choses, la viande se souvient bien mieux que l\u2019esprit. Et peut-\u00eatre aussi ces vieilles paroles attrap\u00e9es au vol dans la campagne, et qu\u2019aucune haie,-elles ont toutes \u00e9t\u00e9 abattues au nom du rendement- ne conserve plus, la viande les garde t\u2019elle entre ses nerfs ses fibres sa lymphe son sang le patois et l\u2019accentuation de certains mots, les expressions exprim\u00e9es comme un jus exprim\u00e9 de fruit Comment cela est-il possible que quelqu\u2019un, quelque chose d\u2019autre que moi se souvienne en moi de la langue et la trouve, la retrouve, devenue soudain si famili\u00e8re si pr\u00e9sente, c\u2019est une question depuis toujours. l\u2019ordre des mots ( autre ouvrage de JGT) d\u2019un abord pas facile non plus. Une aridit\u00e9 dont je ne sais si elle provient de l\u2019ouvrage ou de moi-m\u00eame. Il y a la faute qui vient de l\u2019ignorance et puis de l\u2019inattention, mais c\u2019est la m\u00eame chose. avons-nous encore le droit d\u2019\u00eatre inattentifs ?", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/pere_serra_retable_de_s_claire_et_s_eulalie_detail.jpg?1748065120", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-juillet-2024.html", "title": "14 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:28:22Z", "date_modified": "2024-12-19T11:10:03Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Exercice, proposition 11 cycle \u00e9t\u00e9 T.L. D\u2019apr\u00e8s Histoire de C.S<\/p>\n

la f\u00eate s\u2019ach\u00e8vera tard dans la nuit, mais nous l\u00e0 on retraverse le pont, levant les yeux au ciel, lune et nuages, moiteur, nous elle et moi, cette fille blonde, C\u2019est comment ton nom d\u00e9j\u00e0, \u00e9t\u00e9 1975, When a Man Loves a Woman, trois accords \u00e0 la gratte, tout ce tumulte de sueur et de parfum, le soir apr\u00e8s avoir charri\u00e9 les plaques de plomb des autos tamponneuses avec les gitans, Reins en compote, guiboles qui flagellent, descend on y va, j\u2019ai envie elle a dit, vers le camping de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 de l\u2019Aumance, \u00e0 Saint-Amant, la tente est l\u00e0, la fente de la porte plus noire que la nuit, d\u00e9gage, pas ce soir, suis crev\u00e9, on se verra un autre jour, mais t\u2019as quoi, qu\u2019est-ce que je t\u2019ai fait, rien de tout \u00e7a, tout en silence plut\u00f4t, je n\u2019ai sans doute m\u00eame pas dit \u00e0 voix haute tout ce que je pense \u00e0 cet instant pr\u00e9cis, tout est dans ma t\u00eate, ma bouche est close, silence, l\u2019instant de la faire entrer dans la tente, de faire ce que font tous les gamins de fa\u00e7on maladroite je cherche le mot mais c\u2019est \u00e7a en fin de compte, merdique ou d\u00e9gueulasse, mettre une fin \u00e0 la p\u00e9riode na\u00efve, se h\u00e2ter de mettre le mot fin, s\u2019il pleuvait ce serait bien, \u00e7a r\u00e9glerait le probl\u00e8me, elle s\u2019en irait s\u00fbrement, c\u2019est comme \u00e7a qu\u2019elles font, les filles n\u2019aiment pas salir leurs robes blanches, pas pour rien en tout cas, et \u00e0 ce moment c\u2019est s\u00fbr je la retiendrais s\u00fbrement, j\u2019oserais me montrer vuln\u00e9rable, mais l\u00e0 non je suffoque, barre-toi allez, fais pas suer, je le hurlerais bien, mais il fait d\u00e9j\u00e0 suffisamment chaud comme \u00e7a, non et au bout du compte c\u2019est peut-\u00eatre moi qui partirais, apr\u00e8s tout Villevendret est \u00e0 quoi, 15 kilom\u00e8tres, en Solex, c\u2019est pas si loin, et au moins je n\u2019aurais rien \u00e0 dire, juste je te laisse la tente si tu veux, moi je pars, ciao sans un mot de plus, et voil\u00e0, et je partirais pour de bon, comme je fais tout le temps, le ressort se tend se tend se compresse et d\u2019un seul coup le diable sort de la bo\u00eete, fais-le, r\u00e9fl\u00e9chis pas, ne tergiverse pas, enfourche le Solex et tire-toi, il est l\u00e0 contre un tronc, il y a encore assez d\u2019essence, et sinon marcher \u00e0 c\u00f4t\u00e9 s\u2019il est \u00e0 sec, pas grave, elle a d\u00fb comprendre, elle m\u2019a fait un petit signe de la main, demain vers 18h je serai l\u00e0, elle rit, c\u2019est aga\u00e7ant, on se verra, tu travailles demain comme aujourd\u2019hui, oui voil\u00e0 je serai l\u00e0 comme tous les jours pr\u00e9c\u00e9dents d\u2019ao\u00fbt cette ann\u00e9e-l\u00e0 \u00e0 glaner quelques ronds avec les forains, \u00e0 jouer de la gratte Be-bop-a-Lula entre deux blancs lim\u00e9s bus cul sec, trois bagarres avort\u00e9es, et tu seras encore en robe blanche, ce qui te donnera un air sale je le sais d\u00e9j\u00e0, ou \u00e0 moi, va savoir, qui d\u00e9j\u00e0 en pens\u00e9e chevauche mon cheval noir p\u00e9taradant sans m\u00eame jeter un regard en arri\u00e8re, comme dans les westerns, John Wayne avec les femmes, Ona Munson Betty Field, Joan Blondell, Paulette Goddard, Joan Crawford Mauryn O\u2019Hara sans omettre le regard droit la t\u00eate haute, le balai dans l\u2019cul,<\/p>\n

la fra\u00eecheur de l\u2019air est arriv\u00e9e de suite \u00e0 la sortie de Saint-Amant, en bifurquant en direction d\u2019Epineuil, le bruit du moteur se r\u00e9percute sur les murs de pierre du grand domaine o\u00f9 il y a tout au bout un ch\u00e2teau, mais je ne sais pas le nom, je m\u2019en fous, elle m\u2019a entra\u00een\u00e9 d\u00e9j\u00e0 dans un autre ch\u00e2teau, il ne peut pas y avoir d\u2019autre ch\u00e2teau aussi beau, en plus pas cette fille l\u00e0, une autre, en robe blanche aussi on a march\u00e9 longtemps ce jour l\u00e0 que je ne savais pas que le silence pouvait \u00eatre aussi parlant, \u00e0 ne rien savoir se dire, et qu\u2019aurions-nous pu dire qui mettent en mot la campagne, le chemin blanc, les bruits des haies, la clameur d\u2019une poule d\u2019eau, le croassement des grenouilles, c\u2019aurait toujours \u00e9t\u00e9 bien pauvre, le silence donne au moins le change, l\u2019impression d\u2019\u00eatre riche, un potentiel<\/p>\n

la route est assez droite entre le bas de Vallon et Chazemais, un long ruban d\u2019asphalte qui court par mont et par vaux, de temps en temps j\u2019attrape le levier du bloc moteur que je tire en arri\u00e8re pour faire patiner, impression d\u2019avancer un peu plus vite, mais c\u2019est une illusion, \u00e0 mi-c\u00f4te oblig\u00e9 de descendre et de marcher \u00e0 c\u00f4t\u00e9, silence, une l\u00e9g\u00e8re brise descend la vall\u00e9e, je marche contre le vent, le hameau est encore loin, la ferme des grands-parents, celle de pauvre type, le tueur d\u2019oisillons, avec son vieux cou stri\u00e9 de sillons rubiconds, sa gueule de vieille tortue, fi de garc\u2019 si tu les d\u00e9gommes point mon ptit gars c\u2019est toutes tes c\u2019rises qui y passeront, ou tes fraises, ou je ne sais quoi, mon dieu toute cette violence qui serait pr\u00eate \u00e0 nous faire tuer n\u2019importe quoi sous un grand ciel gris ici sur la colline, aucune femme ne le supporterait deux minutes, c\u2019est ce que l\u2019on dit de pauvre type, c\u2019est aussi pour \u00e7a qu\u2019on l\u2019appelle comme \u00e7a, les gens en couple, ceux qui sont civilis\u00e9s, ils s\u2019entretuent en sourdine ceux-l\u00e0 \u00e0 grands coups de qu\u2019est-ce tu fais, \u00e0 quoi que tu penses, tu viens dormir, mais qu\u2019est-ce tu fiches, la route est longue et tant mieux, arriv\u00e9 en haut de la c\u00f4te je remets les gaz, la marche m\u2019a fait un bien fou, je suis lessiv\u00e9, demain faut que j\u2019y retourne pour l\u2019apr\u00e8s-midi, on change les plaques ab\u00eem\u00e9es, et y a encore bal, vers 19-20h la f\u00eate repartira<\/p>", "content_text": "Exercice, proposition 11 cycle \u00e9t\u00e9 T.L. D\u2019apr\u00e8s Histoire de C.S la f\u00eate s\u2019ach\u00e8vera tard dans la nuit, mais nous l\u00e0 on retraverse le pont, levant les yeux au ciel, lune et nuages, moiteur, nous elle et moi, cette fille blonde, C\u2019est comment ton nom d\u00e9j\u00e0, \u00e9t\u00e9 1975, When a Man Loves a Woman, trois accords \u00e0 la gratte, tout ce tumulte de sueur et de parfum, le soir apr\u00e8s avoir charri\u00e9 les plaques de plomb des autos tamponneuses avec les gitans, Reins en compote, guiboles qui flagellent, descend on y va, j\u2019ai envie elle a dit, vers le camping de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 de l\u2019Aumance, \u00e0 Saint-Amant, la tente est l\u00e0, la fente de la porte plus noire que la nuit, d\u00e9gage, pas ce soir, suis crev\u00e9, on se verra un autre jour, mais t\u2019as quoi, qu\u2019est-ce que je t\u2019ai fait, rien de tout \u00e7a, tout en silence plut\u00f4t, je n\u2019ai sans doute m\u00eame pas dit \u00e0 voix haute tout ce que je pense \u00e0 cet instant pr\u00e9cis, tout est dans ma t\u00eate, ma bouche est close, silence, l\u2019instant de la faire entrer dans la tente, de faire ce que font tous les gamins de fa\u00e7on maladroite je cherche le mot mais c\u2019est \u00e7a en fin de compte, merdique ou d\u00e9gueulasse, mettre une fin \u00e0 la p\u00e9riode na\u00efve, se h\u00e2ter de mettre le mot fin, s\u2019il pleuvait ce serait bien, \u00e7a r\u00e9glerait le probl\u00e8me, elle s\u2019en irait s\u00fbrement, c\u2019est comme \u00e7a qu\u2019elles font, les filles n\u2019aiment pas salir leurs robes blanches, pas pour rien en tout cas, et \u00e0 ce moment c\u2019est s\u00fbr je la retiendrais s\u00fbrement, j\u2019oserais me montrer vuln\u00e9rable, mais l\u00e0 non je suffoque, barre-toi allez, fais pas suer, je le hurlerais bien, mais il fait d\u00e9j\u00e0 suffisamment chaud comme \u00e7a, non et au bout du compte c\u2019est peut-\u00eatre moi qui partirais, apr\u00e8s tout Villevendret est \u00e0 quoi, 15 kilom\u00e8tres, en Solex, c\u2019est pas si loin, et au moins je n\u2019aurais rien \u00e0 dire, juste je te laisse la tente si tu veux, moi je pars, ciao sans un mot de plus, et voil\u00e0, et je partirais pour de bon, comme je fais tout le temps, le ressort se tend se tend se compresse et d\u2019un seul coup le diable sort de la bo\u00eete, fais-le, r\u00e9fl\u00e9chis pas, ne tergiverse pas, enfourche le Solex et tire-toi, il est l\u00e0 contre un tronc, il y a encore assez d\u2019essence, et sinon marcher \u00e0 c\u00f4t\u00e9 s\u2019il est \u00e0 sec, pas grave, elle a d\u00fb comprendre, elle m\u2019a fait un petit signe de la main, demain vers 18h je serai l\u00e0, elle rit, c\u2019est aga\u00e7ant, on se verra, tu travailles demain comme aujourd\u2019hui, oui voil\u00e0 je serai l\u00e0 comme tous les jours pr\u00e9c\u00e9dents d\u2019ao\u00fbt cette ann\u00e9e-l\u00e0 \u00e0 glaner quelques ronds avec les forains, \u00e0 jouer de la gratte Be-bop-a-Lula entre deux blancs lim\u00e9s bus cul sec, trois bagarres avort\u00e9es, et tu seras encore en robe blanche, ce qui te donnera un air sale je le sais d\u00e9j\u00e0, ou \u00e0 moi, va savoir, qui d\u00e9j\u00e0 en pens\u00e9e chevauche mon cheval noir p\u00e9taradant sans m\u00eame jeter un regard en arri\u00e8re, comme dans les westerns, John Wayne avec les femmes, Ona Munson Betty Field, Joan Blondell, Paulette Goddard, Joan Crawford Mauryn O\u2019Hara sans omettre le regard droit la t\u00eate haute, le balai dans l\u2019cul, la fra\u00eecheur de l\u2019air est arriv\u00e9e de suite \u00e0 la sortie de Saint-Amant, en bifurquant en direction d\u2019Epineuil, le bruit du moteur se r\u00e9percute sur les murs de pierre du grand domaine o\u00f9 il y a tout au bout un ch\u00e2teau, mais je ne sais pas le nom, je m\u2019en fous, elle m\u2019a entra\u00een\u00e9 d\u00e9j\u00e0 dans un autre ch\u00e2teau, il ne peut pas y avoir d\u2019autre ch\u00e2teau aussi beau, en plus pas cette fille l\u00e0, une autre, en robe blanche aussi on a march\u00e9 longtemps ce jour l\u00e0 que je ne savais pas que le silence pouvait \u00eatre aussi parlant, \u00e0 ne rien savoir se dire, et qu\u2019aurions-nous pu dire qui mettent en mot la campagne, le chemin blanc, les bruits des haies, la clameur d\u2019une poule d\u2019eau, le croassement des grenouilles, c\u2019aurait toujours \u00e9t\u00e9 bien pauvre, le silence donne au moins le change, l\u2019impression d\u2019\u00eatre riche, un potentiel la route est assez droite entre le bas de Vallon et Chazemais, un long ruban d\u2019asphalte qui court par mont et par vaux, de temps en temps j\u2019attrape le levier du bloc moteur que je tire en arri\u00e8re pour faire patiner, impression d\u2019avancer un peu plus vite, mais c\u2019est une illusion, \u00e0 mi-c\u00f4te oblig\u00e9 de descendre et de marcher \u00e0 c\u00f4t\u00e9, silence, une l\u00e9g\u00e8re brise descend la vall\u00e9e, je marche contre le vent, le hameau est encore loin, la ferme des grands-parents, celle de pauvre type, le tueur d\u2019oisillons, avec son vieux cou stri\u00e9 de sillons rubiconds, sa gueule de vieille tortue, fi de garc\u2019 si tu les d\u00e9gommes point mon ptit gars c\u2019est toutes tes c\u2019rises qui y passeront, ou tes fraises, ou je ne sais quoi, mon dieu toute cette violence qui serait pr\u00eate \u00e0 nous faire tuer n\u2019importe quoi sous un grand ciel gris ici sur la colline, aucune femme ne le supporterait deux minutes, c\u2019est ce que l\u2019on dit de pauvre type, c\u2019est aussi pour \u00e7a qu\u2019on l\u2019appelle comme \u00e7a, les gens en couple, ceux qui sont civilis\u00e9s, ils s\u2019entretuent en sourdine ceux-l\u00e0 \u00e0 grands coups de qu\u2019est-ce tu fais, \u00e0 quoi que tu penses, tu viens dormir, mais qu\u2019est-ce tu fiches, la route est longue et tant mieux, arriv\u00e9 en haut de la c\u00f4te je remets les gaz, la marche m\u2019a fait un bien fou, je suis lessiv\u00e9, demain faut que j\u2019y retourne pour 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Exercice d\u2019\u00e9criture 10 « la main qui \u00e9crit tous les pr\u00e9sents » \u00e0 partir des G\u00e9orgiques de Claude Simon<\/p>\n

« Suivre la lin\u00e9arit\u00e9 par laquelle on se l\u2019approprie »<\/p>\n

Le 16 juillet 1969, un mercredi. Il est sur les routes. Au mur de la salle \u00e0 manger, sa photographie tr\u00f4ne, une image en noir et blanc dans un joli cadre dor\u00e9. Un enfant blond aux cheveux longs, on dirait une petite fille. Derri\u00e8re, des arbres, peut-\u00eatre \u00e0 Saint-Bonnet, dans la for\u00eat de Tron\u00e7ais, vieille r\u00e9serve de Colbert avec ses arbres multicentenaires. Par qui cette photo a-t-elle \u00e9t\u00e9 prise ? On ne le sait pas. Il travaille pour une entreprise de couverture bitumineuse. Parfois, il dit o\u00f9 il va, parfois non. Auxerre un jour, Saint-Jean-Pied-de-Port un autre. Il est souvent absent, jamais l\u00e0 sauf les fins de semaine. Il prend des cours aux Arts et M\u00e9tiers \u00e0 Paris, des cours du soir. Il veut aller plus loin, plus haut. La fus\u00e9e Apollo 11 s\u2019arrache du sol dans un panache de flammes blanches et de fum\u00e9es sombres. Il ne verra pas le lancement en direct, il l\u2019\u00e9coute peut-\u00eatre \u00e0 la radio dans sa voiture, une Ami 8 flambant neuve, sortie des cha\u00eenes en mars. Apollo 11 diminue \u00e0 vue d\u2019\u0153il. Ce n\u2019est pas encore la t\u00e9l\u00e9 en couleur. Dans la pi\u00e8ce, des chaises align\u00e9es, beaucoup de monde. Il est un peu avec nous par l\u2019entremise de la photo au mur. L\u2019arri\u00e8re-grand-p\u00e8re, lui, est \u00e0 sa table de cuisine, pr\u00e9f\u00e9rant ses mots crois\u00e9s. Les conneries des Am\u00e9ricains, dit-il, ne l\u2019int\u00e9ressent gu\u00e8re. Il n\u2019y croit pas, le dit quand tout le monde se l\u00e8ve pour partir.<\/p>\n

Le temps qu\u2019il fait en ce lundi 8 septembre 1969 est difficile \u00e0 se rappeler. On devrait noter toutes les informations climatiques chaque jour, car plus de cinquante ans plus tard, l\u2019intelligence artificielle ne nous donnera que des donn\u00e9es g\u00e9n\u00e9riques. Climat oc\u00e9anique d\u00e9grad\u00e9, influenc\u00e9 par l\u2019Atlantique mais avec des caract\u00e9ristiques continentales. Hivers frais, \u00e9t\u00e9s doux. Temp\u00e9ratures moyennes annuelles entre 10°C et 12°C. Les mois les plus chauds, juillet et ao\u00fbt. Les plus froids, janvier et f\u00e9vrier. Pr\u00e9cipitations homog\u00e8nes sur l\u2019ann\u00e9e, environ 600-650 mm. Septembre : temp\u00e9ratures moyennes entre 12°C et 22°C, possibilit\u00e9 de belles journ\u00e9es ensoleill\u00e9es. D\u00e9but de la chute des feuilles. Brouillards matinaux possibles, surtout \u00e0 l\u2019automne, orages en fin d\u2019\u00e9t\u00e9. Ces informations sont g\u00e9n\u00e9rales et ne refl\u00e8tent pas n\u00e9cessairement les conditions sp\u00e9cifiques du 8 septembre 1969 \u00e0 Parmain. Pour des donn\u00e9es pr\u00e9cises, il faudrait consulter des archives m\u00e9t\u00e9orologiques officielles.<\/p>\n

Nous d\u00e9m\u00e9nageons en r\u00e9gion parisienne. L\u2019Allier, c\u2019\u00e9tait trop loin, \u00e7a le crevait. Il nous trouve une nouvelle maison. Albin Chalandon, ministre de l\u2019\u00e9quipement, lance un concours international de la maison individuelle cette ann\u00e9e-l\u00e0. Un petit pavillon de banlieue flambant neuf, un muret entourant un jardinet, une all\u00e9e de graviers, quelques tilleuls. Mais \u00e7a n\u2019a plus rien \u00e0 voir. Devant la maison, de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 d\u2019un chemin de terre, l\u2019Oise, tr\u00e8s large \u00e0 cet endroit, avec des p\u00e9niches laissant des taches mordor\u00e9es de gas-oil. Il a termin\u00e9 un cycle de cours du soir. Il travaille d\u2019arrache-pied, mais il peut rentrer l\u2019Ami 8 dans le jardin. Le crissement des pneus sur les graviers, les lueurs des phares au plafond de la chambre. Un soir, il rentre plus t\u00f4t, content, encense le nom de Chaban Delmas, disant que peut-\u00eatre on va enfin sortir de la chienlit de l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re. Les affaires reprennent, il vient d\u2019\u00eatre promu chef des ventes.<\/p>\n

En 1974, nous d\u00e9m\u00e9nageons encore, toujours \u00e0 Parmain, cette fois dans un virage en t\u00eate d\u2019\u00e9pingle. Le choc p\u00e9trolier affecte la couverture bitumineuse, qui p\u00e9riclite. Il est remerci\u00e9 apr\u00e8s quinze ans de bons et loyaux services. Il se retrouve face \u00e0 des psychologues avec des taches noires sur du papier blanc. Malgr\u00e9 les cours du soir aux Arts et M\u00e9tiers, il n\u2019a pas les dipl\u00f4mes ad\u00e9quats. Avec des jeunes gens qui le regardent avec compassion, il se sent vieux \u00e0 39 ans.<\/p>\n

De 1976 \u00e0 1986, il ne voit pas son fils a\u00een\u00e9. Un infarctus. Un chien, un boxer. Une maison \u00e0 Limeil-Br\u00e9vannes, pr\u00e8s de Servon en Seine-et-Marne, o\u00f9 il travaille comme directeur commercial. Ses gars l\u2019adorent, c\u2019est ce qu\u2019il dit souvent. Hors de la maison, il est un ca\u00efd, un battant.<\/p>\n

En 1987, \u00e0 52 ans, il atteint son objectif. Une belle maison, un 4\u00d74, une chienne boxer qui passe ses week-ends dans le lit conjugal. Il ne cherche pas vraiment \u00e0 savoir o\u00f9 est son fils a\u00een\u00e9, ni ce qu\u2019il fait. Photographe \u00e0 Paris, est-ce un m\u00e9tier ?<\/p>\n

En 2003, on le retrouve au cimeti\u00e8re de Valenton. Des gens passent pour lui serrer la main. Son fils a\u00een\u00e9 est \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de lui, \u00e7a lui fait du bien. Il est venu avec sa nouvelle compagne de Lyon \u2013 les Lyonnais, ce qu\u2019il leur manque c\u2019est d\u2019\u00eatre Parisiens. Le cadet est l\u00e0, mais c\u2019est tellement normal qu\u2019il ne le rel\u00e8ve pas. Il ne supporte pas la vision du cercueil en flammes sur la vid\u00e9o. Le type des pompes fun\u00e8bres lui pose une main sur l\u2019\u00e9paule, il la repousse et sort fumer. Il d\u00e9cide de revendre les 4\u00d74 pr\u00e9vus pour un exil \u00e0 la R\u00e9union, s\u2019ach\u00e8te une vieille Ford Mustang d\u2019occasion, met en place un emploi du temps strict, embauche une femme de m\u00e9nage.<\/p>\n

En 2013, cancer du pancr\u00e9as. Op\u00e9ration. Quand on lui parle de chimio, il s\u2019effondre. Pas de cachets, pas de traitement. Il reste avec la chienne sur son lit, regardant Canal+ et lisant des romans policiers jusqu\u2019\u00e0 la fin. La femme de m\u00e9nage le trouve un matin de f\u00e9vrier, affal\u00e9 de tout son long. Les pompiers l\u2019emm\u00e8nent. Son fils a\u00een\u00e9, alert\u00e9, fait le voyage depuis Lyon, mais au dernier moment, renonce \u00e0 se rendre \u00e0 son chevet. Le 15 f\u00e9vrier, il d\u00e9c\u00e8de seul \u00e0 l\u2019h\u00f4pital de Cr\u00e9teil.<\/p>", "content_text": "Exercice d\u2019\u00e9criture 10 \u00ab la main qui \u00e9crit tous les pr\u00e9sents \u00bb \u00e0 partir des G\u00e9orgiques de Claude Simon \u00ab Suivre la lin\u00e9arit\u00e9 par laquelle on se l\u2019approprie \u00bb Le 16 juillet 1969, un mercredi. Il est sur les routes. Au mur de la salle \u00e0 manger, sa photographie tr\u00f4ne, une image en noir et blanc dans un joli cadre dor\u00e9. Un enfant blond aux cheveux longs, on dirait une petite fille. Derri\u00e8re, des arbres, peut-\u00eatre \u00e0 Saint-Bonnet, dans la for\u00eat de Tron\u00e7ais, vieille r\u00e9serve de Colbert avec ses arbres multicentenaires. Par qui cette photo a-t-elle \u00e9t\u00e9 prise ? On ne le sait pas. Il travaille pour une entreprise de couverture bitumineuse. Parfois, il dit o\u00f9 il va, parfois non. Auxerre un jour, Saint-Jean-Pied-de-Port un autre. Il est souvent absent, jamais l\u00e0 sauf les fins de semaine. Il prend des cours aux Arts et M\u00e9tiers \u00e0 Paris, des cours du soir. Il veut aller plus loin, plus haut. La fus\u00e9e Apollo 11 s\u2019arrache du sol dans un panache de flammes blanches et de fum\u00e9es sombres. Il ne verra pas le lancement en direct, il l\u2019\u00e9coute peut-\u00eatre \u00e0 la radio dans sa voiture, une Ami 8 flambant neuve, sortie des cha\u00eenes en mars. Apollo 11 diminue \u00e0 vue d\u2019\u0153il. Ce n\u2019est pas encore la t\u00e9l\u00e9 en couleur. Dans la pi\u00e8ce, des chaises align\u00e9es, beaucoup de monde. Il est un peu avec nous par l\u2019entremise de la photo au mur. L\u2019arri\u00e8re-grand-p\u00e8re, lui, est \u00e0 sa table de cuisine, pr\u00e9f\u00e9rant ses mots crois\u00e9s. Les conneries des Am\u00e9ricains, dit-il, ne l\u2019int\u00e9ressent gu\u00e8re. Il n\u2019y croit pas, le dit quand tout le monde se l\u00e8ve pour partir. Le temps qu\u2019il fait en ce lundi 8 septembre 1969 est difficile \u00e0 se rappeler. On devrait noter toutes les informations climatiques chaque jour, car plus de cinquante ans plus tard, l\u2019intelligence artificielle ne nous donnera que des donn\u00e9es g\u00e9n\u00e9riques. Climat oc\u00e9anique d\u00e9grad\u00e9, influenc\u00e9 par l\u2019Atlantique mais avec des caract\u00e9ristiques continentales. Hivers frais, \u00e9t\u00e9s doux. Temp\u00e9ratures moyennes annuelles entre 10\u00b0C et 12\u00b0C. Les mois les plus chauds, juillet et ao\u00fbt. Les plus froids, janvier et f\u00e9vrier. Pr\u00e9cipitations homog\u00e8nes sur l\u2019ann\u00e9e, environ 600-650 mm. Septembre : temp\u00e9ratures moyennes entre 12\u00b0C et 22\u00b0C, possibilit\u00e9 de belles journ\u00e9es ensoleill\u00e9es. D\u00e9but de la chute des feuilles. Brouillards matinaux possibles, surtout \u00e0 l\u2019automne, orages en fin d\u2019\u00e9t\u00e9. Ces informations sont g\u00e9n\u00e9rales et ne refl\u00e8tent pas n\u00e9cessairement les conditions sp\u00e9cifiques du 8 septembre 1969 \u00e0 Parmain. Pour des donn\u00e9es pr\u00e9cises, il faudrait consulter des archives m\u00e9t\u00e9orologiques officielles. Nous d\u00e9m\u00e9nageons en r\u00e9gion parisienne. L\u2019Allier, c\u2019\u00e9tait trop loin, \u00e7a le crevait. Il nous trouve une nouvelle maison. Albin Chalandon, ministre de l\u2019\u00e9quipement, lance un concours international de la maison individuelle cette ann\u00e9e-l\u00e0. Un petit pavillon de banlieue flambant neuf, un muret entourant un jardinet, une all\u00e9e de graviers, quelques tilleuls. Mais \u00e7a n\u2019a plus rien \u00e0 voir. Devant la maison, de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 d\u2019un chemin de terre, l\u2019Oise, tr\u00e8s large \u00e0 cet endroit, avec des p\u00e9niches laissant des taches mordor\u00e9es de gas-oil. Il a termin\u00e9 un cycle de cours du soir. Il travaille d\u2019arrache-pied, mais il peut rentrer l\u2019Ami 8 dans le jardin. Le crissement des pneus sur les graviers, les lueurs des phares au plafond de la chambre. Un soir, il rentre plus t\u00f4t, content, encense le nom de Chaban Delmas, disant que peut-\u00eatre on va enfin sortir de la chienlit de l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re. Les affaires reprennent, il vient d\u2019\u00eatre promu chef des ventes. En 1974, nous d\u00e9m\u00e9nageons encore, toujours \u00e0 Parmain, cette fois dans un virage en t\u00eate d\u2019\u00e9pingle. Le choc p\u00e9trolier affecte la couverture bitumineuse, qui p\u00e9riclite. Il est remerci\u00e9 apr\u00e8s quinze ans de bons et loyaux services. Il se retrouve face \u00e0 des psychologues avec des taches noires sur du papier blanc. Malgr\u00e9 les cours du soir aux Arts et M\u00e9tiers, il n\u2019a pas les dipl\u00f4mes ad\u00e9quats. Avec des jeunes gens qui le regardent avec compassion, il se sent vieux \u00e0 39 ans. De 1976 \u00e0 1986, il ne voit pas son fils a\u00een\u00e9. Un infarctus. Un chien, un boxer. Une maison \u00e0 Limeil-Br\u00e9vannes, pr\u00e8s de Servon en Seine-et-Marne, o\u00f9 il travaille comme directeur commercial. Ses gars l\u2019adorent, c\u2019est ce qu\u2019il dit souvent. Hors de la maison, il est un ca\u00efd, un battant. En 1987, \u00e0 52 ans, il atteint son objectif. Une belle maison, un 4\u00d74, une chienne boxer qui passe ses week-ends dans le lit conjugal. Il ne cherche pas vraiment \u00e0 savoir o\u00f9 est son fils a\u00een\u00e9, ni ce qu\u2019il fait. Photographe \u00e0 Paris, est-ce un m\u00e9tier ? En 2003, on le retrouve au cimeti\u00e8re de Valenton. Des gens passent pour lui serrer la main. Son fils a\u00een\u00e9 est \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de lui, \u00e7a lui fait du bien. Il est venu avec sa nouvelle compagne de Lyon \u2013 les Lyonnais, ce qu\u2019il leur manque c\u2019est d\u2019\u00eatre Parisiens. Le cadet est l\u00e0, mais c\u2019est tellement normal qu\u2019il ne le rel\u00e8ve pas. Il ne supporte pas la vision du cercueil en flammes sur la vid\u00e9o. Le type des pompes fun\u00e8bres lui pose une main sur l\u2019\u00e9paule, il la repousse et sort fumer. Il d\u00e9cide de revendre les 4\u00d74 pr\u00e9vus pour un exil \u00e0 la R\u00e9union, s\u2019ach\u00e8te une vieille Ford Mustang d\u2019occasion, met en place un emploi du temps strict, embauche une femme de m\u00e9nage. En 2013, cancer du pancr\u00e9as. Op\u00e9ration. Quand on lui parle de chimio, il s\u2019effondre. Pas de cachets, pas de traitement. Il reste avec la chienne sur son lit, regardant Canal+ et lisant des romans policiers jusqu\u2019\u00e0 la fin. La femme de m\u00e9nage le trouve un matin de f\u00e9vrier, affal\u00e9 de tout son long. Les pompiers l\u2019emm\u00e8nent. Son fils a\u00een\u00e9, alert\u00e9, fait le voyage depuis Lyon, mais au dernier moment, renonce \u00e0 se rendre \u00e0 son chevet. Le 15 f\u00e9vrier, il d\u00e9c\u00e8de seul \u00e0 l\u2019h\u00f4pital de Cr\u00e9teil.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/bergesoises-officetourisme.jpg?1748065070", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-juillet-2024.html", "title": "12 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:25:37Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

C\u2019est-\u00e0-dire que c\u2019est la m\u00eame chose tous les jours, \u00e0 douze heures p\u00e9tantes, le bruit des assiettes sur le carrelage de la table de la cuisine, les verres, les fourchettes et les couteaux \u2013 une routine immuable \u2013 les ronds en bois grav\u00e9s chacun \u00e0 son nom, enserrant les serviettes qu\u2019on a roul\u00e9es consciencieusement la veille, il faut briser cette routine, c\u2019est devenu une telle \u00e9vidence : sans pr\u00e9venir, il faut de toute urgence s\u2019enfuir, aller si possible dans le sens oppos\u00e9, se retenir au moins de parvenir comme si de rien n\u2019\u00e9tait \u2013 pour une fois \u2013 dans la pi\u00e8ce \u00e0 l\u2019heure pr\u00e9vue, il y a eu quelques pr\u00e9misses, quelques coups de semonce, de subtils avertissements, les quelques minutes de retard sont d\u00e9j\u00e0 de petites victoires, on imagine, on esp\u00e8re, on souhaite non seulement les reproduire, mais en plus gagner du terrain, alors on garde l\u2019ou\u00efe aux aguets, les chaises que l\u2019on tire pour s\u2019asseoir, les \u00e9clats assourdis d\u2019une conversation parmi les plus banales qui soient, et le concert des couvercles de po\u00eales, de casseroles, du faitout qu\u2019on l\u00e8ve et qu\u2019on repose sur la grille des fourneaux, avec en outre l\u2019horrible tic-tac de la pendule accroch\u00e9e au mur, et ce quelle que soit la saison, l\u2019ann\u00e9e, durant des ann\u00e9es, toute une vie, l\u2019\u00e9vidence tombe comme un couperet, ce n\u2019est pas possible de continuer, \u00e7a ne va plus, le silence \u00e0 certains moments est devenu tellement intol\u00e9rable qu\u2019on ne le tol\u00e8re plus, alors on le comble comme on peut, j\u2019\u00e9coute tout en descendant les marches de l\u2019escalier, d\u00e9j\u00e0 le bruit de la mastication, la voix h\u00e9sitante de mon jeune fr\u00e8re \u2013 il a toujours cette mani\u00e8re de parler comme s\u2019il cherche ses mots \u2013 la remarque coupante de la m\u00e8re pour lui clouer le bec, la respiration g\u00ean\u00e9e par l\u2019emphys\u00e8me du p\u00e8re, le bruit du pain que l\u2019on rompt, la mastication si particuli\u00e8re que font les m\u00e2choires \u00e0 l\u2019assaut d\u2019un morceau de fromage p\u00e2teux, de brie, de camembert, et soudain, je ne sais vraiment pas ce qui m\u2019arrive, c\u2019est si soudain, une sorte de coup de t\u00eate, je dis : « \u00c7a ne vous d\u00e9range pas, tout \u00e7a, \u00e7a ne vous g\u00eane pas, que vous baffriez comme \u00e7a tous les midis \u00e0 cette table de la cuisine, \u00e0 ne rien vous dire d\u2019int\u00e9ressant sauf des banalit\u00e9s, \u00e7a ne vous d\u00e9go\u00fbte pas, le monde tout autour, la guerre, l\u2019argent, l\u2019exploitation des petits par les gros, tout ce d\u00e9gueulis politique \u00e7a ne vous d\u00e9becte vraiment pas, vous allez vous resservir encore de la daube, vous \u00eates s\u00fbrs, des pommes de terre baignant dans leur jus, de l\u2019agneau bien gras et juteux, tout ce vin blanc bande de salauds, \u00e7a ne vous rend pas dingo ? » et je vois \u00e0 cet instant qu\u2019ils me toisent, qu\u2019ils font bien attention cette fois \u00e0 l\u2019amorce de ma tirade, qu\u2019ils font bien gaffe de ne rien vouloir entendre, qu\u2019il vaut mieux pas, qu\u2019ils font coussi-coussa comme si tout cela est normal, rien de plus normal qu\u2019un gamin de quinze ans s\u2019am\u00e8ne dans la cuisine \u00e0 midi et pique sa petite crise existentielle, se revendique communiste, et pourquoi pas anarchiste, quoi de plus normal \u00e0 cet \u00e2ge-l\u00e0, \u00e0 moins que ce ne soient des vers, dans ce cas o\u00f9 donc ai-je flanqu\u00e9 le vermifuge, le bromure, quand \u00e7a n\u2019exc\u00e8de pas les limites, disons quand \u00e7a n\u2019empi\u00e8te pas sur la sacrosainte qui\u00e9tude du foyer, on a bien le droit de manger en paix tout de m\u00eame, manquerait plus qu\u2019un morveux nous vienne faire la morale, un branleur pareil, qui ne conna\u00eet rien \u00e0 la vie, qui n\u2019a jamais travaill\u00e9, qui ne conna\u00eet rien encore ni du chagrin ni de la peine, et nourri, log\u00e9, blanchi par-dessus le march\u00e9, rendez-vous donc compte, faites vos comptes, j\u2019additionne toutes les ann\u00e9es perdues et je retranche mes r\u00eaves, mes esp\u00e9rances, il ne me reste en face de moi dans l\u2019encadrure de cette putain de porte qu\u2019un sale petit con boutonneux, avec sa gueule enfarin\u00e9e et qui viendrait l\u00e0 nous faire la le\u00e7on, \u00e0 nous ses parents, \u00e0 moi sa m\u00e8re, \u00e0 moi son p\u00e8re, c\u2019est un comble non, si t\u2019es pas content tu d\u00e9gages mon petit vieux, tu prends tes cliques et tes claques, tu te tires, tu d\u00e9barrasses le plancher, non mais qui c\u2019est qui m\u2019a donn\u00e9 un petit connard pareil, le fr\u00e8re reprend l\u2019expression c\u2019est marrant, il rit, petit connard, le p\u00e8re se l\u00e8ve, il met un temps pour remettre ses pantoufles, je vois bien qu\u2019il se gourre de pied, \u00e7a l\u2019\u00e9nerve encore un peu plus, dehors qu\u2019il \u00e9cume, du vent, du balai, je ne veux plus jamais te voir, sors de ma maison et ne reviens jamais, quand tu gagneras ton pain \u00e0 la sueur de ton front, que tu seras un homme on verra, en attendant, d\u00e9merde-toi donc, barre-toi, casse-toi, et de joindre le geste \u00e0 la parole, de m\u2019attraper par le colbac et de me tirer vers la porte d\u2019entr\u00e9e, me voici dehors pieds nus, \u00e7a ne va pas la t\u00eate, je rentre aussi sec, je grimpe quatre \u00e0 quatre les marches de l\u2019escalier, j\u2019attrape le sac tube, je mets ce que je peux dedans, mais je ne sais pas quoi vraiment, mes chaussures \u00e0 mes pieds \u00e7a oui, il le faut en tous cas, les fameuses Clarks qu\u2019ils d\u00e9testent parce que \u00e7a fait gauchiste, je redescends, \u00e9tat second, je vole presque, j\u2019ouvre la porte et je ressors cette fois de mon propre chef, alors qu\u2019on esp\u00e9rait certainement me voir calm\u00e9, repentant, docile, je pars la route qui descend vers la gare \u2013 c\u2019est l\u2019automne, je note, les couleurs des feuillages sont belles \u2013 je me vide la t\u00eate comme je peux pour ne plus penser \u00e0 rien d\u2019autre qu\u2019aux belles couleurs de l\u2019automne cette ann\u00e9e-l\u00e0, je fouille dans mes poches, j\u2019ai pas lourd, quelques francs pas plus, je commence \u00e0 m\u2019inqui\u00e9ter, c\u2019est normal, pourquoi ce serait normal de s\u2019inqui\u00e9ter d\u2019avoir quelques francs seulement dans les poches, \u00e7a m\u2019agace, j\u2019acc\u00e9l\u00e8re le pas, en r\u00e9ajustant sur l\u2019\u00e9paule la lani\u00e8re coupante de mon sac tube, je vais prendre le RER, arriver dans le centre-ville, gare de Lyon, bonne id\u00e9e, ensuite je marcherai dans la ville jusqu\u2019\u00e0 ce que je tombe de fatigue, que la fatigue se confonde avec le calme, et ensuite, on verra.<\/p>", "content_text": "C\u2019est-\u00e0-dire que c\u2019est la m\u00eame chose tous les jours, \u00e0 douze heures p\u00e9tantes, le bruit des assiettes sur le carrelage de la table de la cuisine, les verres, les fourchettes et les couteaux \u2013 une routine immuable \u2013 les ronds en bois grav\u00e9s chacun \u00e0 son nom, enserrant les serviettes qu\u2019on a roul\u00e9es consciencieusement la veille, il faut briser cette routine, c\u2019est devenu une telle \u00e9vidence : sans pr\u00e9venir, il faut de toute urgence s\u2019enfuir, aller si possible dans le sens oppos\u00e9, se retenir au moins de parvenir comme si de rien n\u2019\u00e9tait \u2013 pour une fois \u2013 dans la pi\u00e8ce \u00e0 l\u2019heure pr\u00e9vue, il y a eu quelques pr\u00e9misses, quelques coups de semonce, de subtils avertissements, les quelques minutes de retard sont d\u00e9j\u00e0 de petites victoires, on imagine, on esp\u00e8re, on souhaite non seulement les reproduire, mais en plus gagner du terrain, alors on garde l\u2019ou\u00efe aux aguets, les chaises que l\u2019on tire pour s\u2019asseoir, les \u00e9clats assourdis d\u2019une conversation parmi les plus banales qui soient, et le concert des couvercles de po\u00eales, de casseroles, du faitout qu\u2019on l\u00e8ve et qu\u2019on repose sur la grille des fourneaux, avec en outre l\u2019horrible tic-tac de la pendule accroch\u00e9e au mur, et ce quelle que soit la saison, l\u2019ann\u00e9e, durant des ann\u00e9es, toute une vie, l\u2019\u00e9vidence tombe comme un couperet, ce n\u2019est pas possible de continuer, \u00e7a ne va plus, le silence \u00e0 certains moments est devenu tellement intol\u00e9rable qu\u2019on ne le tol\u00e8re plus, alors on le comble comme on peut, j\u2019\u00e9coute tout en descendant les marches de l\u2019escalier, d\u00e9j\u00e0 le bruit de la mastication, la voix h\u00e9sitante de mon jeune fr\u00e8re \u2013 il a toujours cette mani\u00e8re de parler comme s\u2019il cherche ses mots \u2013 la remarque coupante de la m\u00e8re pour lui clouer le bec, la respiration g\u00ean\u00e9e par l\u2019emphys\u00e8me du p\u00e8re, le bruit du pain que l\u2019on rompt, la mastication si particuli\u00e8re que font les m\u00e2choires \u00e0 l\u2019assaut d\u2019un morceau de fromage p\u00e2teux, de brie, de camembert, et soudain, je ne sais vraiment pas ce qui m\u2019arrive, c\u2019est si soudain, une sorte de coup de t\u00eate, je dis : \u00ab \u00c7a ne vous d\u00e9range pas, tout \u00e7a, \u00e7a ne vous g\u00eane pas, que vous baffriez comme \u00e7a tous les midis \u00e0 cette table de la cuisine, \u00e0 ne rien vous dire d\u2019int\u00e9ressant sauf des banalit\u00e9s, \u00e7a ne vous d\u00e9go\u00fbte pas, le monde tout autour, la guerre, l\u2019argent, l\u2019exploitation des petits par les gros, tout ce d\u00e9gueulis politique \u00e7a ne vous d\u00e9becte vraiment pas, vous allez vous resservir encore de la daube, vous \u00eates s\u00fbrs, des pommes de terre baignant dans leur jus, de l\u2019agneau bien gras et juteux, tout ce vin blanc bande de salauds, \u00e7a ne vous rend pas dingo ? \u00bb et je vois \u00e0 cet instant qu\u2019ils me toisent, qu\u2019ils font bien attention cette fois \u00e0 l\u2019amorce de ma tirade, qu\u2019ils font bien gaffe de ne rien vouloir entendre, qu\u2019il vaut mieux pas, qu\u2019ils font coussi-coussa comme si tout cela est normal, rien de plus normal qu\u2019un gamin de quinze ans s\u2019am\u00e8ne dans la cuisine \u00e0 midi et pique sa petite crise existentielle, se revendique communiste, et pourquoi pas anarchiste, quoi de plus normal \u00e0 cet \u00e2ge-l\u00e0, \u00e0 moins que ce ne soient des vers, dans ce cas o\u00f9 donc ai-je flanqu\u00e9 le vermifuge, le bromure, quand \u00e7a n\u2019exc\u00e8de pas les limites, disons quand \u00e7a n\u2019empi\u00e8te pas sur la sacrosainte qui\u00e9tude du foyer, on a bien le droit de manger en paix tout de m\u00eame, manquerait plus qu\u2019un morveux nous vienne faire la morale, un branleur pareil, qui ne conna\u00eet rien \u00e0 la vie, qui n\u2019a jamais travaill\u00e9, qui ne conna\u00eet rien encore ni du chagrin ni de la peine, et nourri, log\u00e9, blanchi par-dessus le march\u00e9, rendez-vous donc compte, faites vos comptes, j\u2019additionne toutes les ann\u00e9es perdues et je retranche mes r\u00eaves, mes esp\u00e9rances, il ne me reste en face de moi dans l\u2019encadrure de cette putain de porte qu\u2019un sale petit con boutonneux, avec sa gueule enfarin\u00e9e et qui viendrait l\u00e0 nous faire la le\u00e7on, \u00e0 nous ses parents, \u00e0 moi sa m\u00e8re, \u00e0 moi son p\u00e8re, c\u2019est un comble non, si t\u2019es pas content tu d\u00e9gages mon petit vieux, tu prends tes cliques et tes claques, tu te tires, tu d\u00e9barrasses le plancher, non mais qui c\u2019est qui m\u2019a donn\u00e9 un petit connard pareil, le fr\u00e8re reprend l\u2019expression c\u2019est marrant, il rit, petit connard, le p\u00e8re se l\u00e8ve, il met un temps pour remettre ses pantoufles, je vois bien qu\u2019il se gourre de pied, \u00e7a l\u2019\u00e9nerve encore un peu plus, dehors qu\u2019il \u00e9cume, du vent, du balai, je ne veux plus jamais te voir, sors de ma maison et ne reviens jamais, quand tu gagneras ton pain \u00e0 la sueur de ton front, que tu seras un homme on verra, en attendant, d\u00e9merde-toi donc, barre-toi, casse-toi, et de joindre le geste \u00e0 la parole, de m\u2019attraper par le colbac et de me tirer vers la porte d\u2019entr\u00e9e, me voici dehors pieds nus, \u00e7a ne va pas la t\u00eate, je rentre aussi sec, je grimpe quatre \u00e0 quatre les marches de l\u2019escalier, j\u2019attrape le sac tube, je mets ce que je peux dedans, mais je ne sais pas quoi vraiment, mes chaussures \u00e0 mes pieds \u00e7a oui, il le faut en tous cas, les fameuses Clarks qu\u2019ils d\u00e9testent parce que \u00e7a fait gauchiste, je redescends, \u00e9tat second, je vole presque, j\u2019ouvre la porte et je ressors cette fois de mon propre chef, alors qu\u2019on esp\u00e9rait certainement me voir calm\u00e9, repentant, docile, je pars la route qui descend vers la gare \u2013 c\u2019est l\u2019automne, je note, les couleurs des feuillages sont belles \u2013 je me vide la t\u00eate comme je peux pour ne plus penser \u00e0 rien d\u2019autre qu\u2019aux belles couleurs de l\u2019automne cette ann\u00e9e-l\u00e0, je fouille dans mes poches, j\u2019ai pas lourd, quelques francs pas plus, je commence \u00e0 m\u2019inqui\u00e9ter, c\u2019est normal, pourquoi ce serait normal de s\u2019inqui\u00e9ter d\u2019avoir quelques francs seulement dans les poches, \u00e7a m\u2019agace, j\u2019acc\u00e9l\u00e8re le pas, en r\u00e9ajustant sur l\u2019\u00e9paule la lani\u00e8re coupante de mon sac tube, je vais prendre le RER, arriver dans le centre-ville, gare de Lyon, bonne id\u00e9e, ensuite je marcherai dans la ville jusqu\u2019\u00e0 ce que je tombe de fatigue, que la fatigue se confonde avec le calme, et ensuite, on 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Sc\u00e8ne : Un bureau encombr\u00e9, avec une lampe de bureau allum\u00e9e. Le narrateur , assis \u00e0 une table, regarde son \u00e9cran d\u2019ordinateur, perplexe.<\/p>\n

le narrateur : (avec un soupir, parlant \u00e0 voix haute)
\nGrande difficult\u00e9 \u00e0 r\u00e9pondre aux commentaires. C\u2019est arriv\u00e9 progressivement. Avant, je r\u00e9pondais volontiers, sans trop r\u00e9fl\u00e9chir. Mais maintenant\u2026 non, je ne peux plus. Je suis retourn\u00e9 voir sur le site du TL. J\u2019ai vu. J\u2019ai vu les commentaires laiss\u00e9s sans r\u00e9ponse. \u00c7a me chiffonne. Mais je suis bloqu\u00e9, je ne peux pas r\u00e9pondre. Pas bloqu\u00e9 par un bug du site, non, bloqu\u00e9 par une \u00e9trange volont\u00e9 de ne pas trouver quoi r\u00e9pondre. (pause)<\/p>\n

Je pourrais me contenter d\u2019un merci. Ce serait d\u00e9j\u00e0 \u00e7a. Ce serait poli. Mais m\u00eame un merci m\u2019\u00e9chappe, comme une bulle de savon qui \u00e9clate avant que je ne puisse la saisir. (regard fixe, replong\u00e9 dans ses souvenirs)<\/p>\n

Dire merci \u00e0 la dame, au monsieur. D\u00e9j\u00e0 enfant, je r\u00e9sistais \u00e0 cet automatisme. Ce n\u2019\u00e9tait pas facile, et surtout pas bien vu. Merci, merci, merci. Merci automatique, merci sans \u00e2me. Merci qui n\u2019est pas le mien. Peut-\u00eatre que la racine de ce blocage se trouve dans cette histoire de permission. Comme en informatique, quand tu veux modifier un bout de code et que le syst\u00e8me te dit : « Ah ben non, t\u2019as pas les permissions. » Il faut alors faire un Chmod ou un Chown pour r\u00e9gler le probl\u00e8me. Mais ici, il n\u2019y a pas de commande magique. (soupir)<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Les mots sont des cl\u00e9s, des portes vers des mondes cach\u00e9s. Kabbalistes de l\u2019ombre, nous jouons avec les lettres, les inversions, les significations. Chaque commentaire est un golem, fa\u00e7onn\u00e9 d\u2019argile, porteur de vie ou de silence. (pause)<\/p>\n

Je regarde les commentaires, j\u2019en suis toujours \u00e9tonn\u00e9, surpris. C\u2019est comme une petite d\u00e9flagration, quand j\u2019ouvre ma bo\u00eete mail et que je vois « X ou Y vous a adress\u00e9 un commentaire. » (pause, regard interrogateur)<\/p>\n

Je ne sais jamais l\u2019intention de l\u2019autre. Est-ce que c\u2019est si important de savoir l\u2019intention de l\u2019autre ? Sans doute que oui, pour moi, c\u2019est important. Si l\u2019autre n\u2019a pas une intention claire, tout est alors possible, c\u2019est ce que je me dis. Faut s\u2019attendre au pire plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 rien. Une habitude \u00e0 prendre.<\/p>\n

Bien s\u00fbr, je n\u2019en veux \u00e0 personne de m\u2019adresser des commentaires. J\u2019\u00e9prouve m\u00eame une trouble satisfaction \u00e0 les lire. Trouble parce que je ne sais jamais si c\u2019est un commentaire pour prouver que j\u2019ai \u00e9t\u00e9 lu, ou bien un commentaire qui vient directement du c\u0153ur. \u00c7a peut aussi \u00eatre un commentaire destin\u00e9 aux algorithmes d\u00e9sormais plus qu\u2019\u00e0 moi-m\u00eame. Aujourd\u2019hui, c\u2019est difficile de le savoir. (pause) Tellement que je pr\u00e9f\u00e8re m\u2019abstenir d\u2019y r\u00e9pondre de plus en plus.<\/p>\n

Ce qui ne manque pas de creuser un \u00e9cart. Un \u00e9cart de plus en plus grand, plus profond, entre les gens qui font des commentaires et moi qui ne sais pas comment prendre leurs commentaires. L\u2019\u00e9cart ainsi cr\u00e9\u00e9 par le fait de laisser en plan toute r\u00e9ponse, me permet une sorte de travail sur moi-m\u00eame. Je me rends bien compte de \u00e7a. (regard pensif, plus intense)<\/p>\n

Je voudrais simplement \u00e9crire, publier. Je voudrais faire \u00e7a jour apr\u00e8s jour et ne plus r\u00e9pondre \u00e0 aucun commentaire, c\u2019est-\u00e0-dire solidifier un choix. Le rendre comme du granit. Tr\u00e8s dur. \u00c7a me fait du bien, je crois. Je ne pense pas que ce soit de la m\u00e9chancet\u00e9. Je pense plut\u00f4t que je me suis recroquevill\u00e9 si loin \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de moi-m\u00eame que le commentaire ressemble \u00e0 une fourchette \u00e0 escargot qui cherche \u00e0 m\u2019attraper pour me manger. Quelque chose de ce genre-l\u00e0. En fait, j\u2019ai une peur bleue des commentaires, et encore plus de la moindre r\u00e9ponse qui pourrait sortir de ma coquille si je n\u2019\u00e9tais pas devenu sur ce point d\u2019une vigilance terrible. (silence lourd, puis un soupir profond)<\/p>\n

Les mots, les lettres, les chiffres, tous des signes. Des portes vers l\u2019infini. Comment r\u00e9pondre \u00e0 l\u2019infini ? Peut-\u00eatre que dans le silence, je trouverai la r\u00e9ponse. Peut-\u00eatre qu\u2019en \u00e9coutant les \u00e9chos des lettres, je trouverai la paix. (regard lointain, puis un sourire l\u00e9ger) Oui, peut-\u00eatre que le silence est la r\u00e9ponse.<\/p>", "content_text": "Sc\u00e8ne : Un bureau encombr\u00e9, avec une lampe de bureau allum\u00e9e. Le narrateur , assis \u00e0 une table, regarde son \u00e9cran d\u2019ordinateur, perplexe. le narrateur : (avec un soupir, parlant \u00e0 voix haute) Grande difficult\u00e9 \u00e0 r\u00e9pondre aux commentaires. C\u2019est arriv\u00e9 progressivement. Avant, je r\u00e9pondais volontiers, sans trop r\u00e9fl\u00e9chir. Mais maintenant\u2026 non, je ne peux plus. Je suis retourn\u00e9 voir sur le site du TL. J\u2019ai vu. J\u2019ai vu les commentaires laiss\u00e9s sans r\u00e9ponse. \u00c7a me chiffonne. Mais je suis bloqu\u00e9, je ne peux pas r\u00e9pondre. Pas bloqu\u00e9 par un bug du site, non, bloqu\u00e9 par une \u00e9trange volont\u00e9 de ne pas trouver quoi r\u00e9pondre. (pause) Je pourrais me contenter d\u2019un merci. Ce serait d\u00e9j\u00e0 \u00e7a. Ce serait poli. Mais m\u00eame un merci m\u2019\u00e9chappe, comme une bulle de savon qui \u00e9clate avant que je ne puisse la saisir. (regard fixe, replong\u00e9 dans ses souvenirs) Dire merci \u00e0 la dame, au monsieur. D\u00e9j\u00e0 enfant, je r\u00e9sistais \u00e0 cet automatisme. Ce n\u2019\u00e9tait pas facile, et surtout pas bien vu. Merci, merci, merci. Merci automatique, merci sans \u00e2me. Merci qui n\u2019est pas le mien. Peut-\u00eatre que la racine de ce blocage se trouve dans cette histoire de permission. Comme en informatique, quand tu veux modifier un bout de code et que le syst\u00e8me te dit : \u00ab Ah ben non, t\u2019as pas les permissions. \u00bb Il faut alors faire un Chmod ou un Chown pour r\u00e9gler le probl\u00e8me. Mais ici, il n\u2019y a pas de commande magique. (soupir) Les mots sont des cl\u00e9s, des portes vers des mondes cach\u00e9s. Kabbalistes de l\u2019ombre, nous jouons avec les lettres, les inversions, les significations. Chaque commentaire est un golem, fa\u00e7onn\u00e9 d\u2019argile, porteur de vie ou de silence. (pause) Je regarde les commentaires, j\u2019en suis toujours \u00e9tonn\u00e9, surpris. C\u2019est comme une petite d\u00e9flagration, quand j\u2019ouvre ma bo\u00eete mail et que je vois \u00ab X ou Y vous a adress\u00e9 un commentaire. \u00bb (pause, regard interrogateur) Je ne sais jamais l\u2019intention de l\u2019autre. Est-ce que c\u2019est si important de savoir l\u2019intention de l\u2019autre ? Sans doute que oui, pour moi, c\u2019est important. Si l\u2019autre n\u2019a pas une intention claire, tout est alors possible, c\u2019est ce que je me dis. Faut s\u2019attendre au pire plut\u00f4t qu\u2019\u00e0 rien. Une habitude \u00e0 prendre. Bien s\u00fbr, je n\u2019en veux \u00e0 personne de m\u2019adresser des commentaires. J\u2019\u00e9prouve m\u00eame une trouble satisfaction \u00e0 les lire. Trouble parce que je ne sais jamais si c\u2019est un commentaire pour prouver que j\u2019ai \u00e9t\u00e9 lu, ou bien un commentaire qui vient directement du c\u0153ur. \u00c7a peut aussi \u00eatre un commentaire destin\u00e9 aux algorithmes d\u00e9sormais plus qu\u2019\u00e0 moi-m\u00eame. Aujourd\u2019hui, c\u2019est difficile de le savoir. (pause) Tellement que je pr\u00e9f\u00e8re m\u2019abstenir d\u2019y r\u00e9pondre de plus en plus. Ce qui ne manque pas de creuser un \u00e9cart. Un \u00e9cart de plus en plus grand, plus profond, entre les gens qui font des commentaires et moi qui ne sais pas comment prendre leurs commentaires. L\u2019\u00e9cart ainsi cr\u00e9\u00e9 par le fait de laisser en plan toute r\u00e9ponse, me permet une sorte de travail sur moi-m\u00eame. Je me rends bien compte de \u00e7a. (regard pensif, plus intense) Je voudrais simplement \u00e9crire, publier. Je voudrais faire \u00e7a jour apr\u00e8s jour et ne plus r\u00e9pondre \u00e0 aucun commentaire, c\u2019est-\u00e0-dire solidifier un choix. Le rendre comme du granit. Tr\u00e8s dur. \u00c7a me fait du bien, je crois. Je ne pense pas que ce soit de la m\u00e9chancet\u00e9. Je pense plut\u00f4t que je me suis recroquevill\u00e9 si loin \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur de moi-m\u00eame que le commentaire ressemble \u00e0 une fourchette \u00e0 escargot qui cherche \u00e0 m\u2019attraper pour me manger. Quelque chose de ce genre-l\u00e0. En fait, j\u2019ai une peur bleue des commentaires, et encore plus de la moindre r\u00e9ponse qui pourrait sortir de ma coquille si je n\u2019\u00e9tais pas devenu sur ce point d\u2019une vigilance terrible. (silence lourd, puis un soupir profond) Les mots, les lettres, les chiffres, tous des signes. Des portes vers l\u2019infini. Comment r\u00e9pondre \u00e0 l\u2019infini ? Peut-\u00eatre que dans le silence, je trouverai la r\u00e9ponse. Peut-\u00eatre qu\u2019en \u00e9coutant les \u00e9chos des lettres, je trouverai la paix. (regard lointain, puis un sourire l\u00e9ger) Oui, peut-\u00eatre que le silence est la r\u00e9ponse. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le front, symbole de l\u2019affrontement, devient main tendue par une \u00e9trange alchimie de la langue et de l\u2019esprit humain. La m\u00e9tamorphose de ce terme si martial en un geste de paix et de soutien peut sembler paradoxale, mais elle illustre bien la plasticit\u00e9 des mots et leur capacit\u00e9 \u00e0 embrasser des sens multiples.<\/p>\n

Conjugaison. J\u2019affronte l\u2019adversit\u00e9, la confusion derri\u00e8re les fronts. Tu affrontes le 15 du mois, d\u00e8s le 5. Il ou elle affronte vaillamment les ravages du temps en oubliant r\u00e9guli\u00e8rement l\u2019Histoire, dr\u00f4le ou tragique, surtout sa chute. Nous affrontons les \u00e9l\u00e9ments. Le canard est d\u00e9cha\u00een\u00e9, les poulets ont des caries, l\u2019\u0153uf \u00e0 Milan est aussi pourri qu\u2019au pied de la muraille de Chine. Vous affrontez la concurrence, concoctez des strat\u00e9gies, des crocs-en-jambe, des croche-pieds et des croche-pattes. Ils ou elles affrontent la b\u00eatise ambiante. Cela fait des ann\u00e9es. Toute une vie ne fait pas tant d\u2019ann\u00e9es que \u00e7a. Avec un peu de chance, une \u00e9l\u00e9gance math\u00e9matique, une coquetterie de poule, (petit gloussement de dinde \u00e0 cet instant pr\u00e9cis), plus d\u2019un demi-si\u00e8cle. Et 10 de der.<\/p>\n

Mais comment ne pas se frapper le front tout seul en disant : « Reste \u00e0 ta place de front, ne te prends pas, surtout pas, pour ce que tu n\u2019es pas. » Un pied de nez.<\/p>\n

Farce \u00e0 deux c\u00f4t\u00e9s. Janus. Les fronts s\u2019affrontent. Tauromachie. Les matadors n\u2019ont pas de costumes de lumi\u00e8re. Ce ne sont d\u2019ailleurs que de sombres individus, d\u2019une banalit\u00e9 arendtienne, de droite \u00e0 gauche, en passant par le centre (centre droit, centre gauche, y a-t-il un centre centre ?) Bref, un ensemble constitu\u00e9 de deux fronts, la balle au centre, le revolver sur la tempe.<\/p>\n

Prendre alors les jambes \u00e0 son cou. Courir vers la sortie. Traverser des galeries, des couloirs, des corridors, se r\u00e9veiller par l\u2019exercice de la fuite, de l\u2019exode.<\/p>\n

Derri\u00e8re cette mascarade (musique dramatique), les gros pleins de soupe, de m\u00e9chancet\u00e9 crasse, d\u2019\u00e9go\u00efsme, d\u2019une perversit\u00e9 sans merci, ni bonjour ni merde, ni « veux-tu biger mon cul ». La compassion, c\u2019est pour les improductifs, les travailleurs sociaux. Et puis attention, si tu es \u00e9boueur ou standardiste, ne sois pas d\u00e9sagr\u00e9able, souris, m\u00eame la mauvaise humeur ne te sera plus accord\u00e9e. Elle revient d\u00e9sormais aux puissants, aux riches, aux menteurs, aux violeurs.<\/p>\n

\u00e9crit le 28\/06\/2024 planifi\u00e9 pour le 10\/07\/2024<\/p>", "content_text": "Le front, symbole de l\u2019affrontement, devient main tendue par une \u00e9trange alchimie de la langue et de l\u2019esprit humain. La m\u00e9tamorphose de ce terme si martial en un geste de paix et de soutien peut sembler paradoxale, mais elle illustre bien la plasticit\u00e9 des mots et leur capacit\u00e9 \u00e0 embrasser des sens multiples. Conjugaison. J\u2019affronte l\u2019adversit\u00e9, la confusion derri\u00e8re les fronts. Tu affrontes le 15 du mois, d\u00e8s le 5. Il ou elle affronte vaillamment les ravages du temps en oubliant r\u00e9guli\u00e8rement l\u2019Histoire, dr\u00f4le ou tragique, surtout sa chute. Nous affrontons les \u00e9l\u00e9ments. Le canard est d\u00e9cha\u00een\u00e9, les poulets ont des caries, l\u2019\u0153uf \u00e0 Milan est aussi pourri qu\u2019au pied de la muraille de Chine. Vous affrontez la concurrence, concoctez des strat\u00e9gies, des crocs-en-jambe, des croche-pieds et des croche-pattes. Ils ou elles affrontent la b\u00eatise ambiante. Cela fait des ann\u00e9es. Toute une vie ne fait pas tant d\u2019ann\u00e9es que \u00e7a. Avec un peu de chance, une \u00e9l\u00e9gance math\u00e9matique, une coquetterie de poule, (petit gloussement de dinde \u00e0 cet instant pr\u00e9cis), plus d\u2019un demi-si\u00e8cle. Et 10 de der. Mais comment ne pas se frapper le front tout seul en disant : \u00ab Reste \u00e0 ta place de front, ne te prends pas, surtout pas, pour ce que tu n\u2019es pas. \u00bb Un pied de nez. Farce \u00e0 deux c\u00f4t\u00e9s. Janus. Les fronts s\u2019affrontent. Tauromachie. Les matadors n\u2019ont pas de costumes de lumi\u00e8re. Ce ne sont d\u2019ailleurs que de sombres individus, d\u2019une banalit\u00e9 arendtienne, de droite \u00e0 gauche, en passant par le centre (centre droit, centre gauche, y a-t-il un centre centre ?) Bref, un ensemble constitu\u00e9 de deux fronts, la balle au centre, le revolver sur la tempe. Prendre alors les jambes \u00e0 son cou. Courir vers la sortie. Traverser des galeries, des couloirs, des corridors, se r\u00e9veiller par l\u2019exercice de la fuite, de l\u2019exode. Derri\u00e8re cette mascarade (musique dramatique), les gros pleins de soupe, de m\u00e9chancet\u00e9 crasse, d\u2019\u00e9go\u00efsme, d\u2019une perversit\u00e9 sans merci, ni bonjour ni merde, ni \u00ab veux-tu biger mon cul \u00bb. La compassion, c\u2019est pour les improductifs, les travailleurs sociaux. Et puis attention, si tu es \u00e9boueur ou standardiste, ne sois pas d\u00e9sagr\u00e9able, souris, m\u00eame la mauvaise humeur ne te sera plus accord\u00e9e. Elle revient d\u00e9sormais aux puissants, aux riches, aux menteurs, aux violeurs. \u00e9crit le 28\/06\/2024 planifi\u00e9 pour le 10\/07\/2024", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2020-11-01-13.26_04.jpg?1748065123", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-juillet-2024.html", "title": "09 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:21:12Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

J\u2019\u00e9cris ce soir du 27 juin, \u00e0 publier le 9 juillet. Cette pause dans notre s\u00e9rie d\u2019exercices d\u2019\u00e9criture quotidienne, qui doit normalement durer 40 jours, est une sorte de r\u00e9cr\u00e9ation. F. se f\u00e9licite de notre participation magistrale avec un email : 600 textes d\u00e9j\u00e0 en \u00e0 peine 8 jours. Je suis dans mon bureau \u00e0 l\u2019\u00e9tage, la fen\u00eatre ouverte sur la cour. Les martinets, ces oiseaux fous qui ne cessent jamais de voler, poussent leurs cris stridents.<\/p>\n

Je r\u00e9fl\u00e9chis aux bruits de la maison. S. vient d\u2019assister \u00e0 quelques minutes d\u2019un d\u00e9bat politique t\u00e9l\u00e9vis\u00e9. Un triste spectacle o\u00f9 aucun des pr\u00e9tendants n\u2019a de carrure politique v\u00e9ritable. Ce ne sont que de path\u00e9tiques histrions agitant des propos sans teneur pour divertir ou inqui\u00e9ter le peuple, ce qui revient au m\u00eame.<\/p>\n

De mon c\u00f4t\u00e9, j\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 me plonger dans la lecture d\u2019un livre de J.P Dubois. Il d\u00e9bute par une m\u00e9ditation sur la pluie et la mont\u00e9e des eaux, \u00e9voquant on peut l\u2019imaginer , l\u2019origine des larmes.<\/p>\n

Il y a quelques jours, par hasard, je suis tomb\u00e9 sur la vid\u00e9o d\u2019une m\u00e9dium. Elle parlait des fuites d\u2019eau dans les maisons, sugg\u00e9rant que des esprits malheureux pourraient en \u00eatre la cause. Ces pr\u00e9sences pourraient m\u00eame provoquer une irascibilit\u00e9 soudaine chez les habitants. Est-ce l\u2019esprit d\u2019un ancien propri\u00e9taire de la maison ? Je ne sais pas pourquoi j\u2019en ai parl\u00e9 \u00e0 M. Elle conna\u00eet cette femme capable d\u2019arr\u00eater le feu et l\u2019eau, et m\u00eame de chasser les fant\u00f4mes. Je lui ai dit qu\u2019il faudrait qu\u2019elles viennent un mardi, quand S. monte \u00e0 C. pour voir sa m\u00e8re. Je doute que S. soit aussi int\u00e9ress\u00e9e que moi par les exorcismes. Non, j\u2019en suis certain, cela l\u2019effraie beaucoup trop.<\/p>\n

En Haute-Sa\u00f4ne, des inondations aussi, les eaux envahissent les maisons, les rivi\u00e8res d\u00e9bordent. Je songe \u00e0 tous les morts de 14-18, \u00e0 ceux de la derni\u00e8re guerre, \u00e0 tous les massacres perp\u00e9tr\u00e9s au nom de quoi -on ne le sait m\u00eame plus. Je pense aux morts pas contents d\u2019assister \u00e9ternellement \u00e0 la m\u00eame pi\u00e8ce de th\u00e9\u00e2tre, et qui pleurent, se lamentent, sont \u00e0 l\u2019origine de cette mont\u00e9e des eaux g\u00e9n\u00e9rale.<\/p>\n

Cet homme qui tue un p\u00e8re d\u00e9j\u00e0 mort. Dans le livre de J.P Dubois, \u00e7a me rappelle quelque chose, un acharnement path\u00e9tique. Un acharnement dont j\u2019ai pu moi aussi \u00eatre responsable, faire les frais. Mais quel lien avec la situation actuelle, je ne le sais pas. Impression fugitive : soit on veut tuer ce qui est d\u00e9j\u00e0 mort et enterr\u00e9, soit on veut revivre ce qui n\u2019est jamais venu \u00e0 l\u2019existant.<\/p>\n

En mettant bout \u00e0 bout ces \u00e9l\u00e9ments, j\u2019essaie de leur donner un sens. Peut-\u00eatre qu\u2019il n\u2019y en a pas. Apr\u00e8s tout, c\u2019est juste un exercice d\u2019\u00e9criture que je fais tout seul dans mon coin.<\/p>\n

Illustration : image d\u2019un dessin automatique d\u2019Andr\u00e9 Masson. une s\u00e9rie de dessins qui m\u2019inspire le contenu du programme de la rentr\u00e9e prochaine \u00e0 R. si je suis retenu.<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

j\u2019ajoute ici un extrait concernant les dessins automatiques d\u2019Andr\u00e9 Masson r\u00e9dig\u00e9 par lui-m\u00eame :<\/p>\n

« [\u2026] Devant ce qui pr\u00e9c\u00e8de, plus d\u2019un lecteur sera enclin \u00e0 penser : mais c\u2019est de l\u2019automatisme, la manifestation de l\u2019inconscient. Point. Car il n\u2019est pas un de ces dessins dont je ne puisse expliquer le symbolisme. Il me serait m\u00eame facile de discerner pour la plupart d\u2019entre eux une origine. Dans l\u2019un, le souvenir d\u2019un entretien amical sur Bachofen, dans tel autre une variation sur l\u2019horreur du sol o\u00f9 le plumage est pris ; plus loin les fruits d\u2019une m\u00e9ditation sur les embl\u00e8mes — \u00e0 travers l\u2019histoire des hommes — des id\u00e9es d\u2019envol et de chute, ou bien l\u2019\u00e9cho d\u2019une conversation \u00e0 b\u00e2tons rompus sur des singularit\u00e9s \u00e9rotiques, m\u00eal\u00e9 \u00e0 des consid\u00e9rations sur l\u2019attirance du gouffre et l\u2019amour des hauteurs. Bref, les r\u00e9sultats d\u2019une culture, et d\u2019un commerce. [\u2026]
\nIl y a plus. La tentative d\u2019une expression de l\u2019inconscient par le truchement du dessin, \u00e0 l\u2019origine du surr\u00e9alisme, tendait au document psychiatrique, sans souci esth\u00e9tique. A tel point qu\u2019il n\u2019\u00e9tait pas n\u00e9cessaire de savoir, para\u00eet-il, dessiner et encore moins de savoir peindre. Vers 1930, un tournant, comme on le sait : il fut souhaitable de renouer avec l\u2019acad\u00e9misme. Est-il n\u00e9cessaire de dire que ce ne fut jamais mon penchant (du moins, je l\u2019esp\u00e8re). Au contraire, je crois bien que, pour la capture qui nous occupe, ce n\u2019est pas la maladresse enfantine ou le graphisme idiot du d\u00e9s\u0153uvrement que j\u2019envierai ; et encore moins des minuties d\u2019\u00e9pileur morose, mais la libre virtuosit\u00e9 d\u2019un Goya ou la longue exp\u00e9rience d\u2019un Hokusa\u00ef. [\u2026] »
\nAndr\u00e9 Masson, Vingt-deux dessins sur le th\u00e8me du d\u00e9sir, \u00e9d. Fourbis, 1992, pp. 10-11.<\/p>", "content_text": "J\u2019\u00e9cris ce soir du 27 juin, \u00e0 publier le 9 juillet. Cette pause dans notre s\u00e9rie d\u2019exercices d\u2019\u00e9criture quotidienne, qui doit normalement durer 40 jours, est une sorte de r\u00e9cr\u00e9ation. F. se f\u00e9licite de notre participation magistrale avec un email : 600 textes d\u00e9j\u00e0 en \u00e0 peine 8 jours. Je suis dans mon bureau \u00e0 l\u2019\u00e9tage, la fen\u00eatre ouverte sur la cour. Les martinets, ces oiseaux fous qui ne cessent jamais de voler, poussent leurs cris stridents. Je r\u00e9fl\u00e9chis aux bruits de la maison. S. vient d\u2019assister \u00e0 quelques minutes d\u2019un d\u00e9bat politique t\u00e9l\u00e9vis\u00e9. Un triste spectacle o\u00f9 aucun des pr\u00e9tendants n\u2019a de carrure politique v\u00e9ritable. Ce ne sont que de path\u00e9tiques histrions agitant des propos sans teneur pour divertir ou inqui\u00e9ter le peuple, ce qui revient au m\u00eame. De mon c\u00f4t\u00e9, j\u2019ai pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 me plonger dans la lecture d\u2019un livre de J.P Dubois. Il d\u00e9bute par une m\u00e9ditation sur la pluie et la mont\u00e9e des eaux, \u00e9voquant on peut l\u2019imaginer , l\u2019origine des larmes. Il y a quelques jours, par hasard, je suis tomb\u00e9 sur la vid\u00e9o d\u2019une m\u00e9dium. Elle parlait des fuites d\u2019eau dans les maisons, sugg\u00e9rant que des esprits malheureux pourraient en \u00eatre la cause. Ces pr\u00e9sences pourraient m\u00eame provoquer une irascibilit\u00e9 soudaine chez les habitants. Est-ce l\u2019esprit d\u2019un ancien propri\u00e9taire de la maison ? Je ne sais pas pourquoi j\u2019en ai parl\u00e9 \u00e0 M. Elle conna\u00eet cette femme capable d\u2019arr\u00eater le feu et l\u2019eau, et m\u00eame de chasser les fant\u00f4mes. Je lui ai dit qu\u2019il faudrait qu\u2019elles viennent un mardi, quand S. monte \u00e0 C. pour voir sa m\u00e8re. Je doute que S. soit aussi int\u00e9ress\u00e9e que moi par les exorcismes. Non, j\u2019en suis certain, cela l\u2019effraie beaucoup trop. En Haute-Sa\u00f4ne, des inondations aussi, les eaux envahissent les maisons, les rivi\u00e8res d\u00e9bordent. Je songe \u00e0 tous les morts de 14-18, \u00e0 ceux de la derni\u00e8re guerre, \u00e0 tous les massacres perp\u00e9tr\u00e9s au nom de quoi -on ne le sait m\u00eame plus. Je pense aux morts pas contents d\u2019assister \u00e9ternellement \u00e0 la m\u00eame pi\u00e8ce de th\u00e9\u00e2tre, et qui pleurent, se lamentent, sont \u00e0 l\u2019origine de cette mont\u00e9e des eaux g\u00e9n\u00e9rale. Cet homme qui tue un p\u00e8re d\u00e9j\u00e0 mort. Dans le livre de J.P Dubois, \u00e7a me rappelle quelque chose, un acharnement path\u00e9tique. Un acharnement dont j\u2019ai pu moi aussi \u00eatre responsable, faire les frais. Mais quel lien avec la situation actuelle, je ne le sais pas. Impression fugitive : soit on veut tuer ce qui est d\u00e9j\u00e0 mort et enterr\u00e9, soit on veut revivre ce qui n\u2019est jamais venu \u00e0 l\u2019existant. En mettant bout \u00e0 bout ces \u00e9l\u00e9ments, j\u2019essaie de leur donner un sens. Peut-\u00eatre qu\u2019il n\u2019y en a pas. Apr\u00e8s tout, c\u2019est juste un exercice d\u2019\u00e9criture que je fais tout seul dans mon coin. Illustration: image d\u2019un dessin automatique d\u2019Andr\u00e9 Masson. une s\u00e9rie de dessins qui m\u2019inspire le contenu du programme de la rentr\u00e9e prochaine \u00e0 R. si je suis retenu. j\u2019ajoute ici un extrait concernant les dessins automatiques d\u2019Andr\u00e9 Masson r\u00e9dig\u00e9 par lui-m\u00eame : \u00ab [\u2026] Devant ce qui pr\u00e9c\u00e8de, plus d\u2019un lecteur sera enclin \u00e0 penser : mais c\u2019est de l\u2019automatisme, la manifestation de l\u2019inconscient. Point. Car il n\u2019est pas un de ces dessins dont je ne puisse expliquer le symbolisme. Il me serait m\u00eame facile de discerner pour la plupart d\u2019entre eux une origine. Dans l\u2019un, le souvenir d\u2019un entretien amical sur Bachofen, dans tel autre une variation sur l\u2019horreur du sol o\u00f9 le plumage est pris ; plus loin les fruits d\u2019une m\u00e9ditation sur les embl\u00e8mes \u2014 \u00e0 travers l\u2019histoire des hommes \u2014 des id\u00e9es d\u2019envol et de chute, ou bien l\u2019\u00e9cho d\u2019une conversation \u00e0 b\u00e2tons rompus sur des singularit\u00e9s \u00e9rotiques, m\u00eal\u00e9 \u00e0 des consid\u00e9rations sur l\u2019attirance du gouffre et l\u2019amour des hauteurs. Bref, les r\u00e9sultats d\u2019une culture, et d\u2019un commerce. [\u2026] Il y a plus. La tentative d\u2019une expression de l\u2019inconscient par le truchement du dessin, \u00e0 l\u2019origine du surr\u00e9alisme, tendait au document psychiatrique, sans souci esth\u00e9tique. A tel point qu\u2019il n\u2019\u00e9tait pas n\u00e9cessaire de savoir, para\u00eet-il, dessiner et encore moins de savoir peindre. Vers 1930, un tournant, comme on le sait : il fut souhaitable de renouer avec l\u2019acad\u00e9misme. Est-il n\u00e9cessaire de dire que ce ne fut jamais mon penchant (du moins, je l\u2019esp\u00e8re). Au contraire, je crois bien que, pour la capture qui nous occupe, ce n\u2019est pas la maladresse enfantine ou le graphisme idiot du d\u00e9s\u0153uvrement que j\u2019envierai ; et encore moins des minuties d\u2019\u00e9pileur morose, mais la libre virtuosit\u00e9 d\u2019un Goya ou la longue exp\u00e9rience d\u2019un Hokusa\u00ef. [\u2026] \u00bb Andr\u00e9 Masson, Vingt-deux dessins sur le th\u00e8me du d\u00e9sir, \u00e9d. 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Note : La fiction na\u00eet d\u2019une n\u00e9cessit\u00e9, d\u2019une intuition non choisie, d\u2019une image non soluble (F.B). Je pense au sucre. \u00c0 mon taux de sucre. Il faut que je l\u00e8ve le pied sur le sucre. Ce qui me ram\u00e8ne au mot sarkara (alors que visiblement, j\u2019ai d\u00fb m\u2019en \u00e9loigner depuis un sacr\u00e9 moment, ou bien, si je lui accorde une certaine autonomie, il s\u2019est \u00e9loign\u00e9 tout seul de moi \u2013 j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 not\u00e9 que \u00e7a arrive bien plus souvent qu\u2019on l\u2019imagine). Donc, sarkara (que c\u2019est doux \u00e0 dire, \u00e0 prononcer, on dirait du miel \u2013 sarkara), mot hindou (on peut aussi dire indou) \u2013 car bien des choses viennent des Indes, pas toujours les meilleures. Remarque : on dit hindou pour tout ce qui concerne l\u2019Inde appel\u00e9e aussi « civilisation brahmanique », alors qu\u2019on dit « peau-rouge » ou sauvage pour tout ce qui touche de pr\u00e8s ou de loin les Indiens d\u2019Am\u00e9rique (oui, celle du Sud aussi) \u2013 vieille civilisation sortie du ventre de la Terre, selon les dires Hopi \u2013 qui ne surent \u00e9crire que fort tardivement, et encore parce qu\u2019on les aura contraints \u00e0 le faire \u2013 on ne sait ni comment ni pourquoi. Pourquoi on les nomme ainsi, ni pourquoi ils ne sont pas rest\u00e9s sous terre bien au frais ou au chaud. Mais l\u00e0 n\u2019est pas le propos. Enfin, je ne le pensais pas jusqu\u2019\u00e0 ce que le propos lui-m\u00eame retire son chapeau et le replace sur son fa\u00eet, la partie la plus relev\u00e9e de sa forme relativement tass\u00e9e de propos, ou encore son chef, son cr\u00e2ne d\u2019\u0153uf, puis me tire sa r\u00e9v\u00e9rence et la langue par-dessus le march\u00e9.<\/p>\n

Trop vite. Cocher, ralenti tes chevaux. Personne ne suit. M\u00eame pas moi.<\/p>\n

Reprenons. Il y a les chambres et il y a des issues, il y a toujours une issue. Ma mission en tant que client myst\u00e8re, d\u00e9p\u00each\u00e9 par le grand organisme s\u2019intitulant assez pompeusement Guide de la Piaule \u00e0 prix modique Tout confort \u2013 R\u00e9cup\u00e9rable ou commandable dans toute bonne librairie, broch\u00e9, 2,50 francs, honn\u00eatement \u00e7a vaut le coup, moi-m\u00eame l\u2019ai achet\u00e9 pour que \u00e7a cesse de me turlupiner de ne pas l\u2019avoir.<\/p>\n

Reprenons, ai-je dit. Il y a cette chambre, celle qui essaie de dispara\u00eetre sit\u00f4t que je prononce en moi-m\u00eame le mot. Je ne cherche pas \u00e0 la rattraper, je ne suis pas comme \u00e7a. Et en plus, \u00e0 la course, je suis souvent battu, je n\u2019ai aucune endurance pour quelque course que ce soit. Je me contente de faire seulement les courses une fois tous les quinze jours. Un point c\u2019est tout.<\/p>\n

Reprenons encore, soyons patient. Dans cette chambre, je m\u2019allonge sur le lit et les yeux mi-clos, je regarde comme on peut regarder de cette fa\u00e7on, le plafond. Ce n\u2019est pas la chapelle Sixtine. Mais presque. Les t\u00e2ches cr\u00e9ent des figures al\u00e9atoires. Al\u00e9atoire est une destination peu connue des gens d\u2019ici. All\u00e8grement, ils se suivent tous \u00e0 la queue leu leu de peur de se perdre, de s\u2019\u00e9garer. La raison en est, j\u2019ai fini par le penser, le co\u00fbt prohibitif du stationnement. On ne peut plus s\u2019\u00e9garer sans d\u00e9penser des fortunes dans les parcm\u00e8tres.<\/p>\n

Continuons encore. Le plafond de la chambre qui s\u2019\u00e9vanouit presque de mon souvenir ressemble \u00e0 quelque chose \u00e0 cause de toutes les t\u00e2ches brun\u00e2tres provoqu\u00e9es par : la nicotine, les fuites d\u2019eau du voisin du dessus, d\u2019autres \u00e9l\u00e9ments plus pernicieux encore comme l\u2019utilisation de mat\u00e9riaux bon march\u00e9 provoquant des d\u00e9flagrations dans la continuit\u00e9 temporelle des pl\u00e2tres et des salp\u00eatres. Sans oublier les r\u00e9sultats d\u00e9biles provoqu\u00e9s par la Chandeleur, puisque j\u2019avais retenu que la chambre \u00e9tait non seulement tout confort mais aussi gaz \u00e0 tous les \u00e9tages.<\/p>\n

Ne l\u00e2chons pas l\u2019affaire, battons le fer pendant qu\u2019il est sans d\u00e9fense. Ce plafond \u00e9tait semblable \u00e0 un cosmos. Je pouvais y plonger mon regard mi-clos, m\u2019y enfouir, et dispara\u00eetre par moments, sans qu\u2019au retour de cette \u00e9trange autohypnose je ne susse o\u00f9 je m\u2019\u00e9tais rendu, quelle nouvelle d\u00e9faite j\u2019avais encore subie car, le retour \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 laissait toujours mon corps endolori, fourbu, vid\u00e9 de toute calorie, et bien s\u00fbr de tout son suc. J\u2019\u00e9tais mou comme une chique pour r\u00e9sumer les faits.<\/p>\n

H\u00e9las, rien que d\u2019y repenser \u00e0 nouveau, je sens mes forces me trahir (salet\u00e9s). Je me demande si j\u2019en aurais encore quelques-unes de suffisamment fid\u00e8les pour me permettre de me rendre au but. Le probl\u00e8me, c\u2019est que j\u2019ai perdu dans cette aventure le sens du terrain, de l\u2019\u00e9quipe, je ne sais plus de quel bord je suis, ni si je joue au foot ou au rugby. Le but de tout \u00e7a est un essai \u00e0 transformer dans un premier temps.<\/p>", "content_text": "Note : La fiction na\u00eet d\u2019une n\u00e9cessit\u00e9, d\u2019une intuition non choisie, d\u2019une image non soluble (F.B). Je pense au sucre. \u00c0 mon taux de sucre. Il faut que je l\u00e8ve le pied sur le sucre. Ce qui me ram\u00e8ne au mot sarkara (alors que visiblement, j\u2019ai d\u00fb m\u2019en \u00e9loigner depuis un sacr\u00e9 moment, ou bien, si je lui accorde une certaine autonomie, il s\u2019est \u00e9loign\u00e9 tout seul de moi \u2013 j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 not\u00e9 que \u00e7a arrive bien plus souvent qu\u2019on l\u2019imagine). Donc, sarkara (que c\u2019est doux \u00e0 dire, \u00e0 prononcer, on dirait du miel \u2013 sarkara), mot hindou (on peut aussi dire indou) \u2013 car bien des choses viennent des Indes, pas toujours les meilleures. Remarque : on dit hindou pour tout ce qui concerne l\u2019Inde appel\u00e9e aussi \u00ab civilisation brahmanique \u00bb, alors qu\u2019on dit \u00ab peau-rouge \u00bb ou sauvage pour tout ce qui touche de pr\u00e8s ou de loin les Indiens d\u2019Am\u00e9rique (oui, celle du Sud aussi) \u2013 vieille civilisation sortie du ventre de la Terre, selon les dires Hopi \u2013 qui ne surent \u00e9crire que fort tardivement, et encore parce qu\u2019on les aura contraints \u00e0 le faire \u2013 on ne sait ni comment ni pourquoi. Pourquoi on les nomme ainsi, ni pourquoi ils ne sont pas rest\u00e9s sous terre bien au frais ou au chaud. Mais l\u00e0 n\u2019est pas le propos. Enfin, je ne le pensais pas jusqu\u2019\u00e0 ce que le propos lui-m\u00eame retire son chapeau et le replace sur son fa\u00eet, la partie la plus relev\u00e9e de sa forme relativement tass\u00e9e de propos, ou encore son chef, son cr\u00e2ne d\u2019\u0153uf, puis me tire sa r\u00e9v\u00e9rence et la langue par-dessus le march\u00e9. Trop vite. Cocher, ralenti tes chevaux. Personne ne suit. M\u00eame pas moi. Reprenons. Il y a les chambres et il y a des issues, il y a toujours une issue. Ma mission en tant que client myst\u00e8re, d\u00e9p\u00each\u00e9 par le grand organisme s\u2019intitulant assez pompeusement Guide de la Piaule \u00e0 prix modique Tout confort \u2013 R\u00e9cup\u00e9rable ou commandable dans toute bonne librairie, broch\u00e9, 2,50 francs, honn\u00eatement \u00e7a vaut le coup, moi-m\u00eame l\u2019ai achet\u00e9 pour que \u00e7a cesse de me turlupiner de ne pas l\u2019avoir. Reprenons, ai-je dit. Il y a cette chambre, celle qui essaie de dispara\u00eetre sit\u00f4t que je prononce en moi-m\u00eame le mot. Je ne cherche pas \u00e0 la rattraper, je ne suis pas comme \u00e7a. Et en plus, \u00e0 la course, je suis souvent battu, je n\u2019ai aucune endurance pour quelque course que ce soit. Je me contente de faire seulement les courses une fois tous les quinze jours. Un point c\u2019est tout. Reprenons encore, soyons patient. Dans cette chambre, je m\u2019allonge sur le lit et les yeux mi-clos, je regarde comme on peut regarder de cette fa\u00e7on, le plafond. Ce n\u2019est pas la chapelle Sixtine. Mais presque. Les t\u00e2ches cr\u00e9ent des figures al\u00e9atoires. Al\u00e9atoire est une destination peu connue des gens d\u2019ici. All\u00e8grement, ils se suivent tous \u00e0 la queue leu leu de peur de se perdre, de s\u2019\u00e9garer. La raison en est, j\u2019ai fini par le penser, le co\u00fbt prohibitif du stationnement. On ne peut plus s\u2019\u00e9garer sans d\u00e9penser des fortunes dans les parcm\u00e8tres. Continuons encore. Le plafond de la chambre qui s\u2019\u00e9vanouit presque de mon souvenir ressemble \u00e0 quelque chose \u00e0 cause de toutes les t\u00e2ches brun\u00e2tres provoqu\u00e9es par : la nicotine, les fuites d\u2019eau du voisin du dessus, d\u2019autres \u00e9l\u00e9ments plus pernicieux encore comme l\u2019utilisation de mat\u00e9riaux bon march\u00e9 provoquant des d\u00e9flagrations dans la continuit\u00e9 temporelle des pl\u00e2tres et des salp\u00eatres. Sans oublier les r\u00e9sultats d\u00e9biles provoqu\u00e9s par la Chandeleur, puisque j\u2019avais retenu que la chambre \u00e9tait non seulement tout confort mais aussi gaz \u00e0 tous les \u00e9tages. Ne l\u00e2chons pas l\u2019affaire, battons le fer pendant qu\u2019il est sans d\u00e9fense. Ce plafond \u00e9tait semblable \u00e0 un cosmos. Je pouvais y plonger mon regard mi-clos, m\u2019y enfouir, et dispara\u00eetre par moments, sans qu\u2019au retour de cette \u00e9trange autohypnose je ne susse o\u00f9 je m\u2019\u00e9tais rendu, quelle nouvelle d\u00e9faite j\u2019avais encore subie car, le retour \u00e0 la r\u00e9alit\u00e9 laissait toujours mon corps endolori, fourbu, vid\u00e9 de toute calorie, et bien s\u00fbr de tout son suc. J\u2019\u00e9tais mou comme une chique pour r\u00e9sumer les faits. H\u00e9las, rien que d\u2019y repenser \u00e0 nouveau, je sens mes forces me trahir (salet\u00e9s). Je me demande si j\u2019en aurais encore quelques-unes de suffisamment fid\u00e8les pour me permettre de me rendre au but. Le probl\u00e8me, c\u2019est que j\u2019ai perdu dans cette aventure le sens du terrain, de l\u2019\u00e9quipe, je ne sais plus de quel bord je suis, ni si je joue au foot ou au rugby. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le 26 juin, j\u2019\u00e9cris ce qui sera en ligne le 7 juillet. L\u2019\u00e9cart temporel s\u2019allonge, et c\u2019est bien ainsi, comme une machine \u00e0 explorer le temps. Ce matin, j\u2019ai relu le J.300, \u00e9crit dans le pass\u00e9, alors que je suis aujourd\u2019hui dans le J.309. Mais avais-je la certitude, en \u00e9crivant ce J.300, que je pourrais le relire neuf jours plus tard ? Pas du tout. Cette sensation est \u00e9trange. Ce que l\u2019on peut faire avec le temps. Le perdre souvent, ou en gagner, surtout en apparence.<\/p>\n

\u00c0 moins que ce ne soit une de ces erreurs logiques dont j\u2019ai l\u2019habitude. Plus j\u2019observe froidement les choses, plus je d\u00e9couvre des couches \u00e0 \u00e9plucher en moi-m\u00eame. Une montagne d\u2019\u00e9pluchures, toujours la m\u00eame \u00e9nigme de l\u2019oignon. Mais je ne me lamente pas. Aujourd\u2019hui, j\u2019essaie d\u2019ajouter une nouvelle couche via le bloc. Rester group\u00e9, compact. C\u2019est agr\u00e9able de ressentir cette petite excitation due \u00e0 l\u2019\u00e9criture quotidienne.<\/p>\n

Tous les sites fonctionnent, ronronnent. J\u2019ai pass\u00e9 beaucoup de temps sur celui cr\u00e9\u00e9 avec Indexhibit, pour finalement comprendre que je peux faire bien mieux avec Spip. Juste une question d\u2019architecture : \u00e0 quoi sert ceci, cela, prendre le temps d\u2019examiner chaque d\u00e9tail. Comprendre comment mettre en valeur le vide.<\/p>\n

Je suis retourn\u00e9 un peu sur Ubuweb et j\u2019ai aussi recherch\u00e9 les sites de Js. Je suis tomb\u00e9 sur cette phrase : « chaque c\u2019\u00e9tait, en t\u00eate de chaque paragraphe, ira harponner \u00e0 rebours un des \u00e9l\u00e9ments de l\u2019ancienne vie salari\u00e9e, la vie moderne des bureaux d\u2019aujourd\u2019hui, et leur informatique ». Hier, en allant \u00e0 pied \u00e0 la mutuelle avec mon devis dentaire \u00e0 la main, j\u2019\u00e9coutais J.R. d\u00e9clamer un po\u00e8me sur l\u2019\u00e9puisement des noms de rue de Paris. Le lendemain, je cherche \u00e0 retrouver la structure des phrases, mais ne me souviens de presque rien. Je tombe sur cette citation de Raymond Queneau : « Le Paris que vous aim\u00e2tes n\u2019est pas celui que nous aimons et nous nous dirigerons sans h\u00e2te vers celui que nous oublierons ». Puis Jacques Roubaud : « Le Paris o\u00f9 nous marchons N\u2019est pas celui o\u00f9 nous march\u00e2mes Et nous avan\u00e7ons sans flamme Vers celui que nous laisserons ».<\/p>\n

Je reprends mon monologue int\u00e9rieur. Mais qu\u2019ont-ils fait de ma ville, disait d\u00e9j\u00e0 ma m\u00e8re. Aujourd\u2019hui, je dis qu\u2019il n\u2019y a plus que des banques, des agences d\u2019assurances, des magasins d\u2019habillement, partout dans les grandes villes. Je ne m\u2019en lamente pas. En ville, je n\u2019y vais presque jamais, ni \u00e0 la campagne. Je ne vais jamais bien loin. La plupart du temps, je reste l\u00e0, \u00e0 \u00e9crire le jour m\u00eame ce qui sera publi\u00e9 plus tard. L\u2019aspect r\u00e9p\u00e9titif d\u2019un « c\u2019est l\u2019heure », d\u2019un « c\u2019\u00e9tait », sorte de litanie, m\u2019occupera toute la matin\u00e9e. \u00c0 10h, je serai de permanence, la derni\u00e8re, normalement je n\u2019aurais pas d\u00fb, je remplace. Je m\u2019en r\u00e9jouis presque, persuad\u00e9 d\u2019avance d\u2019\u00eatre tranquille, de ne voir personne.<\/p>", "content_text": "Le 26 juin, j\u2019\u00e9cris ce qui sera en ligne le 7 juillet. L\u2019\u00e9cart temporel s\u2019allonge, et c\u2019est bien ainsi, comme une machine \u00e0 explorer le temps. Ce matin, j\u2019ai relu le J.300, \u00e9crit dans le pass\u00e9, alors que je suis aujourd\u2019hui dans le J.309. Mais avais-je la certitude, en \u00e9crivant ce J.300, que je pourrais le relire neuf jours plus tard ? Pas du tout. Cette sensation est \u00e9trange. Ce que l\u2019on peut faire avec le temps. Le perdre souvent, ou en gagner, surtout en apparence. \u00c0 moins que ce ne soit une de ces erreurs logiques dont j\u2019ai l\u2019habitude. Plus j\u2019observe froidement les choses, plus je d\u00e9couvre des couches \u00e0 \u00e9plucher en moi-m\u00eame. Une montagne d\u2019\u00e9pluchures, toujours la m\u00eame \u00e9nigme de l\u2019oignon. Mais je ne me lamente pas. Aujourd\u2019hui, j\u2019essaie d\u2019ajouter une nouvelle couche via le bloc. Rester group\u00e9, compact. C\u2019est agr\u00e9able de ressentir cette petite excitation due \u00e0 l\u2019\u00e9criture quotidienne. Tous les sites fonctionnent, ronronnent. J\u2019ai pass\u00e9 beaucoup de temps sur celui cr\u00e9\u00e9 avec Indexhibit, pour finalement comprendre que je peux faire bien mieux avec Spip. Juste une question d\u2019architecture : \u00e0 quoi sert ceci, cela, prendre le temps d\u2019examiner chaque d\u00e9tail. Comprendre comment mettre en valeur le vide. Je suis retourn\u00e9 un peu sur Ubuweb et j\u2019ai aussi recherch\u00e9 les sites de Js. Je suis tomb\u00e9 sur cette phrase : \u00ab chaque c\u2019\u00e9tait, en t\u00eate de chaque paragraphe, ira harponner \u00e0 rebours un des \u00e9l\u00e9ments de l\u2019ancienne vie salari\u00e9e, la vie moderne des bureaux d\u2019aujourd\u2019hui, et leur informatique \u00bb. Hier, en allant \u00e0 pied \u00e0 la mutuelle avec mon devis dentaire \u00e0 la main, j\u2019\u00e9coutais J.R. d\u00e9clamer un po\u00e8me sur l\u2019\u00e9puisement des noms de rue de Paris. Le lendemain, je cherche \u00e0 retrouver la structure des phrases, mais ne me souviens de presque rien. Je tombe sur cette citation de Raymond Queneau : \u00ab Le Paris que vous aim\u00e2tes n\u2019est pas celui que nous aimons et nous nous dirigerons sans h\u00e2te vers celui que nous oublierons \u00bb. Puis Jacques Roubaud : \u00ab Le Paris o\u00f9 nous marchons N\u2019est pas celui o\u00f9 nous march\u00e2mes Et nous avan\u00e7ons sans flamme Vers celui que nous laisserons \u00bb. Je reprends mon monologue int\u00e9rieur. Mais qu\u2019ont-ils fait de ma ville, disait d\u00e9j\u00e0 ma m\u00e8re. Aujourd\u2019hui, je dis qu\u2019il n\u2019y a plus que des banques, des agences d\u2019assurances, des magasins d\u2019habillement, partout dans les grandes villes. Je ne m\u2019en lamente pas. En ville, je n\u2019y vais presque jamais, ni \u00e0 la campagne. Je ne vais jamais bien loin. La plupart du temps, je reste l\u00e0, \u00e0 \u00e9crire le jour m\u00eame ce qui sera publi\u00e9 plus tard. L\u2019aspect r\u00e9p\u00e9titif d\u2019un \u00ab c\u2019est l\u2019heure \u00bb, d\u2019un \u00ab c\u2019\u00e9tait \u00bb, sorte de litanie, m\u2019occupera toute la matin\u00e9e. \u00c0 10h, je serai de permanence, la derni\u00e8re, normalement je n\u2019aurais pas d\u00fb, je remplace. Je m\u2019en r\u00e9jouis presque, persuad\u00e9 d\u2019avance d\u2019\u00eatre tranquille, de ne voir personne. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/dsc_0225.jpg?1748065070", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-juillet-2024.html", "title": "06 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:15:13Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Souvent, le mercredi soir, lorsque je rentre fourbu \u00e0 la maison, je n\u2019allume pas le plafonnier de la cuisine. Je pr\u00e9f\u00e8re traverser la pi\u00e8ce pour parvenir jusqu\u2019au piano et appuyer sur le bouton de l\u2019\u00e9clairage de la hotte. \u00c0 cet instant pr\u00e9cis, une sensation de bien-\u00eatre m\u2019envahit. Cette lumi\u00e8re, tombant doucement sur les fourneaux, semble bien plus chaleureuse que celle du plafonnier. Peut-on \u00e0 bon droit nommer chaleureuse une lumi\u00e8re ? Si elle est nomm\u00e9e ainsi, c\u2019est qu\u2019elle en \u00e9voque d\u2019autres, en d\u2019autres temps. Aussi loin que je puisse me rappeler, je n\u2019ai jamais eu de go\u00fbt pour les \u00e9clairages trop crus, trop violents. Je leur ai toujours pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 ce que l\u2019on nomme les \u00e9clairages tamis\u00e9s. Une petite lampe pos\u00e9e dans un coin de pi\u00e8ce, install\u00e9e sur un gu\u00e9ridon ou une commode, et tout de suite, on peut se croire dans une intimit\u00e9 avec soi-m\u00eame et les lieux. J\u2019aurais certainement appr\u00e9ci\u00e9 vivre \u00e0 une \u00e9poque sans \u00e9lectricit\u00e9, toute emplie de p\u00e9nombre avec des \u00eelots de lumi\u00e8re rassurants. Je l\u2019ai fait d\u2019ailleurs. Parfois, il m\u2019arrive de me dire que je n\u2019en ai pas suffisamment profit\u00e9. Je n\u2019ai pris aucune note de ces moments si particuliers qui pr\u00e9parent l\u2019\u00e9criture, lorsque l\u2019agitation du monde et de la famille reflue pour laisser place \u00e0 une forme d\u2019inqui\u00e9tude, la seule v\u00e9ritable qui\u00e9tude que je connaisse. \u00c0 ces moments, l\u2019attention flotte et se pose sur les lumi\u00e8res et sur une ambiance sans vraiment rien distinguer ou analyser. On se sent glisser peu \u00e0 peu, entra\u00een\u00e9 vers un non-lieu regroupant toute une foule de lieux dans lesquels on a v\u00e9cu, en r\u00eave, probablement autant qu\u2019en r\u00e9alit\u00e9. Et je crois que l\u2019on regarde tout cela et soi-m\u00eame \u00e0 travers un prisme. Je ne savais pas du tout comment aborder la proposition d\u2019\u00e9criture de ce jour. Je reviens tout juste de Lyon o\u00f9 j\u2019ai assist\u00e9 \u00e0 un spectacle de chansons \u00e0 texte dans l\u2019amphith\u00e9\u00e2tre des Trois Gaules. Ce fut une bien \u00e9trange soir\u00e9e, un spectacle en plein air, en premier lieu parce que nous nous appr\u00eations \u00e0 essuyer la pluie qui n\u2019est finalement pas venue. En voyant les amis chanter, je ne les reconnaissais plus. Leur son si bien pos\u00e9 et sans micro m\u2019\u00e9tonnait encore. Ainsi, on conna\u00eet les gens depuis des ann\u00e9es et il suffit d\u2019une sorte d\u2019entre-deux atmosph\u00e9rique pour les red\u00e9couvrir dans une \u00e9claircie. L\u2019orgue de Barbarie d\u00e9bitait sa musique de jazz et eux chantaient, clamaient, d\u00e9clamaient, et nous, spectateurs, battions tr\u00e8s sinc\u00e8rement des mains. Cela me fait penser \u00e0 ces c\u00e9r\u00e9monies o\u00f9 les danseurs s\u2019affublent de costumes et de masques, incarnent un personnage mythique et, au bout du compte, le deviennent. Ils le deviennent parce qu\u2019\u00e0 cet instant pr\u00e9cis, nous ne disposons d\u2019aucune preuve tangible pour nous assurer qu\u2019ils ne le sont pas. La lumi\u00e8re d\u00e9clina doucement, d\u2019autres lueurs artificielles prirent le relais, le spectacle battait son plein quand un ange tendit une plume \u00e0 un de mes amis qui semblait passer par l\u00e0 par hasard. « Si tu trouves quelqu\u2019un qui croit \u00e0 ton histoire, alors le monde entier ne sera plus jamais triste », disait le texte, si l\u2019on accepte le fait qu\u2019il s\u2019agisse d\u2019une plume d\u2019ange. J\u2019avais pr\u00eat\u00e9 mon sweat \u00e0 P qui \u00e9tait venue ici bras nus. Je l\u2019ai vue repartir seule un peu plus tard, elle avait une bonne avance, peut-\u00eatre deux ou trois cents m\u00e8tres et, en la voyant marcher dans les rues en pente, je pensais \u00e0 une poup\u00e9e caboss\u00e9e, presque d\u00e9sarticul\u00e9e. Le bleu de la nuit l\u2019avala vers la rue Sainte-Catherine, tandis que nous obliquions vers les quais. Le fleuve flamboyait, Fourvi\u00e8re, ocre, blanche, dor\u00e9e, en imposait sur la colline de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 de la rive. Au volant, j\u2019ai mis les \u00e9couteurs pour ne rien louper de la proposition. Je m\u2019aper\u00e7ois que j\u2019\u00e9change des messages avec les autres automobilistes. Pleins phares, feux de croisement, pleins phares, certains jouent le jeu, d\u2019autres non. J\u2019ai ouvert la porte-fen\u00eatre qui donne sur la cour, je cherche la chatte. Il a d\u00fb bien pleuvoir car le carrelage est bien mouill\u00e9. Pas de chatte. J\u2019ai \u00e9teint la lumi\u00e8re de la hotte, j\u2019ai attendu que mes yeux s\u2019habituent \u00e0 l\u2019obscurit\u00e9 puis je suis mont\u00e9. Je suis rest\u00e9 assis sur mon fauteuil quelques instants. La maison \u00e9tait silencieuse. J\u2019ai encore attendu un peu pour voir si je n\u2019entendais pas la chatte miauler dans la cour ou sur un toit. Comme il ne se passait rien, j\u2019ai appuy\u00e9 sur la touche Entr\u00e9e du clavier, l\u2019\u00e9cran de connexion est apparu avec son fond sombre, j\u2019ai entr\u00e9 mon mot de passe et la luminosit\u00e9 de l\u2019\u00e9cran m\u2019a jailli au visage comme quand on sort du ventre de sa m\u00e8re, cette solitude-l\u00e0.<\/p>", "content_text": "Souvent, le mercredi soir, lorsque je rentre fourbu \u00e0 la maison, je n\u2019allume pas le plafonnier de la cuisine. Je pr\u00e9f\u00e8re traverser la pi\u00e8ce pour parvenir jusqu\u2019au piano et appuyer sur le bouton de l\u2019\u00e9clairage de la hotte. \u00c0 cet instant pr\u00e9cis, une sensation de bien-\u00eatre m\u2019envahit. Cette lumi\u00e8re, tombant doucement sur les fourneaux, semble bien plus chaleureuse que celle du plafonnier. Peut-on \u00e0 bon droit nommer chaleureuse une lumi\u00e8re ? Si elle est nomm\u00e9e ainsi, c\u2019est qu\u2019elle en \u00e9voque d\u2019autres, en d\u2019autres temps. Aussi loin que je puisse me rappeler, je n\u2019ai jamais eu de go\u00fbt pour les \u00e9clairages trop crus, trop violents. Je leur ai toujours pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 ce que l\u2019on nomme les \u00e9clairages tamis\u00e9s. Une petite lampe pos\u00e9e dans un coin de pi\u00e8ce, install\u00e9e sur un gu\u00e9ridon ou une commode, et tout de suite, on peut se croire dans une intimit\u00e9 avec soi-m\u00eame et les lieux. J\u2019aurais certainement appr\u00e9ci\u00e9 vivre \u00e0 une \u00e9poque sans \u00e9lectricit\u00e9, toute emplie de p\u00e9nombre avec des \u00eelots de lumi\u00e8re rassurants. Je l\u2019ai fait d\u2019ailleurs. Parfois, il m\u2019arrive de me dire que je n\u2019en ai pas suffisamment profit\u00e9. Je n\u2019ai pris aucune note de ces moments si particuliers qui pr\u00e9parent l\u2019\u00e9criture, lorsque l\u2019agitation du monde et de la famille reflue pour laisser place \u00e0 une forme d\u2019inqui\u00e9tude, la seule v\u00e9ritable qui\u00e9tude que je connaisse. \u00c0 ces moments, l\u2019attention flotte et se pose sur les lumi\u00e8res et sur une ambiance sans vraiment rien distinguer ou analyser. On se sent glisser peu \u00e0 peu, entra\u00een\u00e9 vers un non-lieu regroupant toute une foule de lieux dans lesquels on a v\u00e9cu, en r\u00eave, probablement autant qu\u2019en r\u00e9alit\u00e9. Et je crois que l\u2019on regarde tout cela et soi-m\u00eame \u00e0 travers un prisme. Je ne savais pas du tout comment aborder la proposition d\u2019\u00e9criture de ce jour. Je reviens tout juste de Lyon o\u00f9 j\u2019ai assist\u00e9 \u00e0 un spectacle de chansons \u00e0 texte dans l\u2019amphith\u00e9\u00e2tre des Trois Gaules. Ce fut une bien \u00e9trange soir\u00e9e, un spectacle en plein air, en premier lieu parce que nous nous appr\u00eations \u00e0 essuyer la pluie qui n\u2019est finalement pas venue. En voyant les amis chanter, je ne les reconnaissais plus. Leur son si bien pos\u00e9 et sans micro m\u2019\u00e9tonnait encore. Ainsi, on conna\u00eet les gens depuis des ann\u00e9es et il suffit d\u2019une sorte d\u2019entre-deux atmosph\u00e9rique pour les red\u00e9couvrir dans une \u00e9claircie. L\u2019orgue de Barbarie d\u00e9bitait sa musique de jazz et eux chantaient, clamaient, d\u00e9clamaient, et nous, spectateurs, battions tr\u00e8s sinc\u00e8rement des mains. Cela me fait penser \u00e0 ces c\u00e9r\u00e9monies o\u00f9 les danseurs s\u2019affublent de costumes et de masques, incarnent un personnage mythique et, au bout du compte, le deviennent. Ils le deviennent parce qu\u2019\u00e0 cet instant pr\u00e9cis, nous ne disposons d\u2019aucune preuve tangible pour nous assurer qu\u2019ils ne le sont pas. La lumi\u00e8re d\u00e9clina doucement, d\u2019autres lueurs artificielles prirent le relais, le spectacle battait son plein quand un ange tendit une plume \u00e0 un de mes amis qui semblait passer par l\u00e0 par hasard. \u00ab Si tu trouves quelqu\u2019un qui croit \u00e0 ton histoire, alors le monde entier ne sera plus jamais triste \u00bb, disait le texte, si l\u2019on accepte le fait qu\u2019il s\u2019agisse d\u2019une plume d\u2019ange. J\u2019avais pr\u00eat\u00e9 mon sweat \u00e0 P qui \u00e9tait venue ici bras nus. Je l\u2019ai vue repartir seule un peu plus tard, elle avait une bonne avance, peut-\u00eatre deux ou trois cents m\u00e8tres et, en la voyant marcher dans les rues en pente, je pensais \u00e0 une poup\u00e9e caboss\u00e9e, presque d\u00e9sarticul\u00e9e. Le bleu de la nuit l\u2019avala vers la rue Sainte-Catherine, tandis que nous obliquions vers les quais. Le fleuve flamboyait, Fourvi\u00e8re, ocre, blanche, dor\u00e9e, en imposait sur la colline de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 de la rive. Au volant, j\u2019ai mis les \u00e9couteurs pour ne rien louper de la proposition. Je m\u2019aper\u00e7ois que j\u2019\u00e9change des messages avec les autres automobilistes. Pleins phares, feux de croisement, pleins phares, certains jouent le jeu, d\u2019autres non. J\u2019ai ouvert la porte-fen\u00eatre qui donne sur la cour, je cherche la chatte. Il a d\u00fb bien pleuvoir car le carrelage est bien mouill\u00e9. Pas de chatte. J\u2019ai \u00e9teint la lumi\u00e8re de la hotte, j\u2019ai attendu que mes yeux s\u2019habituent \u00e0 l\u2019obscurit\u00e9 puis je suis mont\u00e9. Je suis rest\u00e9 assis sur mon fauteuil quelques instants. La maison \u00e9tait silencieuse. J\u2019ai encore attendu un peu pour voir si je n\u2019entendais pas la chatte miauler dans la cour ou sur un toit. Comme il ne se passait rien, j\u2019ai appuy\u00e9 sur la touche Entr\u00e9e du clavier, l\u2019\u00e9cran de connexion est apparu avec son fond sombre, j\u2019ai entr\u00e9 mon mot de passe et la luminosit\u00e9 de l\u2019\u00e9cran m\u2019a jailli au visage comme quand on sort du ventre de sa m\u00e8re, cette solitude-l\u00e0. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/illustration-spectacle-de-la-compagnie-u-gomina-72db_1-1718883020.jpg?1748065234", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-juillet-2024.html", "title": "05 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:13:34Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

La confusion provenait bien de quelque chose. De quelque part laiss\u00e9e pour compte dans la marge, dans l\u2019ombre. Elle n\u2019\u00e9tait pas venue comme \u00e7a. Il y avait forc\u00e9ment des raisons, des explications. On tenta d\u2019en effectuer le tour, plusieurs fois. Puis apr\u00e8s avoir refait plusieurs fois les calculs, v\u00e9rifi\u00e9 les \u00e9quations, ce fut la stup\u00e9faction.<\/p>\n

Un homme osa enfin monter sur l\u2019estrade et tapota de son index le micro. Il d\u00e9buta par 1 2 3. Un grand silence se posa sur la salle. L\u2019homme fouilla un instant ses poches et s\u2019affubla d\u2019une mine de circonstance, puis il dit « chers amis\u2026 » La foule avait ouvert la bouche pr\u00eate pour recevoir la nouvelle.<\/p>\n

Mais ce jour l\u00e0 tout le monde retourna chez soi d\u00e9pit\u00e9. Une fois encore on avait cru \u00e0 quelque chose, on ne savait pas quoi vraiment, et c\u2019\u00e9tait pour \u00e7a qu\u2019on continuait \u00e0 dire que c\u2019\u00e9tait d\u00e9cevant.<\/p>\n

Une jeune femme avait r\u00e9sist\u00e9 pendant quelques heures sto\u00efquement devant la sortie de secours. De temps \u00e0 autre elle disait ne partez pas, ce n\u2019est pas fini, \u00e7a ne peut pas finir comme \u00e7a.<\/p>\n

Comme \u00e7a quoi on ne savait pas. On n\u2019avait pas vraiment non plus envie de le savoir. C\u2019est pour \u00e7a qu\u2019on disait \u00e7a ou autre chose c\u2019est du pareil au m\u00eame. La confusion venait de quelque part par l\u00e0. D\u2019un recoin d\u2019ici ou de l\u00e0.<\/p>\n

Par ci par l\u00e0 la foule s\u2019\u00e9grena, les gens rentr\u00e8rent chez eux. Sauf un jeune homme qui s\u2019\u00e9tait endormi pendant le d\u00e9compte au micro 1 2 3. Il se leva de sa chaise d\u2019un bond. Rejoint la sortie. Aper\u00e7ut la jeune fille. Elle pleurait. Il pleura quelques minutes avec elle, il n\u2019\u00e9tait pas press\u00e9, n\u2019avait rien d\u2019autre \u00e0 faire. Puis, consultant sa montre bracelet il vit qu\u2019il \u00e9tait tard. Qu\u2019il avait faim. Il l\u2019invita. Elle ne fit ni une ni deux ni trois. ils partirent tous les deux, le projet \u00e0 cet instant \u00e9tait de d\u00e9goter un chinois.<\/p>\n

Ils ne le trouv\u00e8rent pas. Ils all\u00e8rent se faire cuire un \u0153uf. La lune bondissait dans la nuit. Il avait plu, des reflets sur les pav\u00e9s.<\/p>\n

Ils se mari\u00e8rent au mois de mai, un samedi \u00e0 12h30. La mairesse \u00e9tait fatigu\u00e9e, elle avait mari\u00e9 trop de monde ce matin l\u00e0 de mai. Elle exp\u00e9dia les choses. C\u2019\u00e9tait dans l\u2019ordre des choses.<\/p>", "content_text": "La confusion provenait bien de quelque chose. De quelque part laiss\u00e9e pour compte dans la marge, dans l\u2019ombre. Elle n\u2019\u00e9tait pas venue comme \u00e7a. Il y avait forc\u00e9ment des raisons, des explications. On tenta d\u2019en effectuer le tour, plusieurs fois. Puis apr\u00e8s avoir refait plusieurs fois les calculs, v\u00e9rifi\u00e9 les \u00e9quations, ce fut la stup\u00e9faction. Un homme osa enfin monter sur l\u2019estrade et tapota de son index le micro. Il d\u00e9buta par 1 2 3. Un grand silence se posa sur la salle. L\u2019homme fouilla un instant ses poches et s\u2019affubla d\u2019une mine de circonstance, puis il dit \u00ab chers amis\u2026 \u00bb La foule avait ouvert la bouche pr\u00eate pour recevoir la nouvelle. Mais ce jour l\u00e0 tout le monde retourna chez soi d\u00e9pit\u00e9. Une fois encore on avait cru \u00e0 quelque chose, on ne savait pas quoi vraiment, et c\u2019\u00e9tait pour \u00e7a qu\u2019on continuait \u00e0 dire que c\u2019\u00e9tait d\u00e9cevant. Une jeune femme avait r\u00e9sist\u00e9 pendant quelques heures sto\u00efquement devant la sortie de secours. De temps \u00e0 autre elle disait ne partez pas, ce n\u2019est pas fini, \u00e7a ne peut pas finir comme \u00e7a. Comme \u00e7a quoi on ne savait pas. On n\u2019avait pas vraiment non plus envie de le savoir. C\u2019est pour \u00e7a qu\u2019on disait \u00e7a ou autre chose c\u2019est du pareil au m\u00eame. La confusion venait de quelque part par l\u00e0. D\u2019un recoin d\u2019ici ou de l\u00e0. Par ci par l\u00e0 la foule s\u2019\u00e9grena, les gens rentr\u00e8rent chez eux. Sauf un jeune homme qui s\u2019\u00e9tait endormi pendant le d\u00e9compte au micro 1 2 3. Il se leva de sa chaise d\u2019un bond. Rejoint la sortie. Aper\u00e7ut la jeune fille. Elle pleurait. Il pleura quelques minutes avec elle, il n\u2019\u00e9tait pas press\u00e9, n\u2019avait rien d\u2019autre \u00e0 faire. Puis, consultant sa montre bracelet il vit qu\u2019il \u00e9tait tard. Qu\u2019il avait faim. Il l\u2019invita. Elle ne fit ni une ni deux ni trois. ils partirent tous les deux, le projet \u00e0 cet instant \u00e9tait de d\u00e9goter un chinois. Ils ne le trouv\u00e8rent pas. Ils all\u00e8rent se faire cuire un \u0153uf. La lune bondissait dans la nuit. Il avait plu, des reflets sur les pav\u00e9s. Ils se mari\u00e8rent au mois de mai, un samedi \u00e0 12h30. La mairesse \u00e9tait fatigu\u00e9e, elle avait mari\u00e9 trop de monde ce matin l\u00e0 de mai. Elle exp\u00e9dia les choses. C\u2019\u00e9tait dans l\u2019ordre des choses. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/p1050014.jpg?1748065117", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/04-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/04-juillet-2024.html", "title": "04 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:09:55Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Grave de Poix t\u00eate des yeux les collines dans l\u2019espoir de voir Barbe Bleue venir \u00e0 son giron. Pas loin de Cannes, Nik\u00e9 allaite la truie de fer du Claude qui ne sut jamais rien faire de ses dix doigts amput\u00e9s \u00e0 la guerre des boutons. Et pendant ce temps-l\u00e0 (haut et court), Romus et Romulus, le suc, le nectar, l\u2019ar\u00f4me de Michelle (ma belle) mangent leur soupe d\u2019ortie puis babillent, jouent et montent l\u00e0-dessus pour voir Montmartre et le pain de Sucre en bons sacripants. Un c\u0153ur br\u00fblant bat au-dessus des nuages noirs d\u2019un ciel bas. Paris siffle son clebs pour qu\u2019il ram\u00e8ne ses moutons l\u00e0-bas, au pied du mont Ida. L\u2019homme sans c\u0153ur appara\u00eet \u00e0 cet instant. Il marche en retrait de lui-m\u00eame, avec un air de circonstance. On enterre ses illusions apr\u00e8s les avoir vendues \u00e0 l\u2019encan au march\u00e9 de Cent coin.<\/p>\n

Petit \u00e0 petit, avec des avanc\u00e9es minuscules, de grands mouvements t\u00e9lescopiques d\u2019antennes et de moustaches, de grands airs majuscules, les insectes suivent le cort\u00e8ge. Certains ont d\u00e9val\u00e9 les pentes du Cluseau, d\u2019autres roulent comme des boulettes depuis Chazemais et Villevendra avec leurs gros ventres gras. D\u2019autres encore viennent \u00e0 pied ou en rampant de Montlu\u00e7on. Ils implorent qu\u2019on monte le son.<\/p>\n

Le porte-parole \u00e0 qui l\u2019on a donn\u00e9 du foin pour qu\u2019il fasse l\u2019\u00e2me fait un test de porte-voix. Le Larsen ondule sur la campagne, crispe les tympans des \u00e9glises, projette une ombre sur l\u2019ombre. Des cavaliers mont\u00e9s sur des mules jaillissent depuis la rue Labas. Venus d\u2019Ombrie avec leurs bicornes, leurs fusils, leurs coupe-coupes, leurs grenailles et lances, pareilles \u00e0 des mats de cocagne \u00e9rig\u00e9s pour assassiner les r\u00eaves.<\/p>\n

Tout ici pue le bobard, le crevard, la pacotille, dit l\u2019ab\u00eeme derri\u00e8re l\u2019homme sans c\u0153ur (on dirait un zombi de Zanzibar \u00e9chapp\u00e9 de la t\u00e9loche cathodique radicale).<\/p>\n

Personne ne le reconna\u00eet, mais tout le monde en parle \u00e0 tort et \u00e0 travers. C\u2019est comme \u00e7a que le grand boursoufl\u00e9 du bulbe reconna\u00eet ainsi les siens — qui ne descendent ni des Huns ni des Hurons ni des Mohicans, ah \u00e7a non. Mais plut\u00f4t de la tribu des Collabes qui poussent comme du chiendent pr\u00e8s Tron\u00e7ais, Saint Bonnet, Meaulnes ou encore Saint-Amand dit de Montrond \u00e0 cause des ronds de cuir et ronds de jambes qui pullulent l\u00e0-bas.<\/p>\n

Sur la route d\u2019Epineuil, la jeune Albertine verse une larme de crocodile, s\u2019\u00e9baubit, se p\u00e2me, se jette dans une danse de Saint-Guy, \u00e9perdue. Certains tentent de la retenir, tous l\u2019oublient vite.<\/p>\n

L\u2019homme sans c\u0153ur va bient\u00f4t prendre la parole comme il peut, pouss\u00e9 par une cruelle n\u00e9cessit\u00e9 et \u00e7a vaudra pour nous tous. Patience est chaude, et dans l\u2019azur tr\u00e9pigne d\u2019impatience. Le temps s\u2019\u00e9croule lentement, emportant les maisons, les cabanes, les ch\u00e2teaux d\u2019eau, l\u2019h\u00f4tel de ville, les nids d\u2019aigle, de poules\u2026d\u2019\u00e9tourneaux.<\/p>\n

« Attention c\u2019est parti il va parler,- dit un h\u00e9raut apr\u00e8s avoir sonn\u00e9 du cor au pied de la tour d\u2019H\u00e9risson.<\/p>\n

Le monde retient son souffle, silence g\u00e9n\u00e9ral.<\/p>\n

« Je Je Je ! \u2026 »<\/p>\n

Voil\u00e0, on est \u00e0 peine arriv\u00e9 \u00e0 la fin que c\u2019est d\u00e9j\u00e0 fini.<\/p>\n

Tout le monde dit remboursez ! Puis la foule se lasse, rentre chez soi, esp\u00e8re des lendemains qui chantent.<\/p>\n

L\u2019ab\u00eeme tressaille, derri\u00e8re l\u2019homme sans c\u0153ur. Il veut lui adresser des reproches, mais il le rate \u00e0 D\u00e9sertines, de peu.<\/p>", "content_text": "Grave de Poix t\u00eate des yeux les collines dans l\u2019espoir de voir Barbe Bleue venir \u00e0 son giron. Pas loin de Cannes, Nik\u00e9 allaite la truie de fer du Claude qui ne sut jamais rien faire de ses dix doigts amput\u00e9s \u00e0 la guerre des boutons. Et pendant ce temps-l\u00e0 (haut et court), Romus et Romulus, le suc, le nectar, l\u2019ar\u00f4me de Michelle (ma belle) mangent leur soupe d\u2019ortie puis babillent, jouent et montent l\u00e0-dessus pour voir Montmartre et le pain de Sucre en bons sacripants. Un c\u0153ur br\u00fblant bat au-dessus des nuages noirs d\u2019un ciel bas. Paris siffle son clebs pour qu\u2019il ram\u00e8ne ses moutons l\u00e0-bas, au pied du mont Ida. L\u2019homme sans c\u0153ur appara\u00eet \u00e0 cet instant. Il marche en retrait de lui-m\u00eame, avec un air de circonstance. On enterre ses illusions apr\u00e8s les avoir vendues \u00e0 l\u2019encan au march\u00e9 de Cent coin. Petit \u00e0 petit, avec des avanc\u00e9es minuscules, de grands mouvements t\u00e9lescopiques d\u2019antennes et de moustaches, de grands airs majuscules, les insectes suivent le cort\u00e8ge. Certains ont d\u00e9val\u00e9 les pentes du Cluseau, d\u2019autres roulent comme des boulettes depuis Chazemais et Villevendra avec leurs gros ventres gras. D\u2019autres encore viennent \u00e0 pied ou en rampant de Montlu\u00e7on. Ils implorent qu\u2019on monte le son. Le porte-parole \u00e0 qui l\u2019on a donn\u00e9 du foin pour qu\u2019il fasse l\u2019\u00e2me fait un test de porte-voix. Le Larsen ondule sur la campagne, crispe les tympans des \u00e9glises, projette une ombre sur l\u2019ombre. Des cavaliers mont\u00e9s sur des mules jaillissent depuis la rue Labas. Venus d\u2019Ombrie avec leurs bicornes, leurs fusils, leurs coupe-coupes, leurs grenailles et lances, pareilles \u00e0 des mats de cocagne \u00e9rig\u00e9s pour assassiner les r\u00eaves. Tout ici pue le bobard, le crevard, la pacotille, dit l\u2019ab\u00eeme derri\u00e8re l\u2019homme sans c\u0153ur (on dirait un zombi de Zanzibar \u00e9chapp\u00e9 de la t\u00e9loche cathodique radicale). Personne ne le reconna\u00eet, mais tout le monde en parle \u00e0 tort et \u00e0 travers. C\u2019est comme \u00e7a que le grand boursoufl\u00e9 du bulbe reconna\u00eet ainsi les siens \u2014 qui ne descendent ni des Huns ni des Hurons ni des Mohicans, ah \u00e7a non. Mais plut\u00f4t de la tribu des Collabes qui poussent comme du chiendent pr\u00e8s Tron\u00e7ais, Saint Bonnet, Meaulnes ou encore Saint-Amand dit de Montrond \u00e0 cause des ronds de cuir et ronds de jambes qui pullulent l\u00e0-bas. Sur la route d\u2019Epineuil, la jeune Albertine verse une larme de crocodile, s\u2019\u00e9baubit, se p\u00e2me, se jette dans une danse de Saint-Guy, \u00e9perdue. Certains tentent de la retenir, tous l\u2019oublient vite. L\u2019homme sans c\u0153ur va bient\u00f4t prendre la parole comme il peut, pouss\u00e9 par une cruelle n\u00e9cessit\u00e9 et \u00e7a vaudra pour nous tous. Patience est chaude, et dans l\u2019azur tr\u00e9pigne d\u2019impatience. Le temps s\u2019\u00e9croule lentement, emportant les maisons, les cabanes, les ch\u00e2teaux d\u2019eau, l\u2019h\u00f4tel de ville, les nids d\u2019aigle, de poules\u2026d\u2019\u00e9tourneaux. \u00ab Attention c\u2019est parti il va parler,- dit un h\u00e9raut apr\u00e8s avoir sonn\u00e9 du cor au pied de la tour d\u2019H\u00e9risson. Le monde retient son souffle, silence g\u00e9n\u00e9ral. \u00ab Je Je Je ! \u2026 \u00bb Voil\u00e0, on est \u00e0 peine arriv\u00e9 \u00e0 la fin que c\u2019est d\u00e9j\u00e0 fini. Tout le monde dit remboursez ! Puis la foule se lasse, rentre chez soi, esp\u00e8re des lendemains qui chantent. L\u2019ab\u00eeme tressaille, derri\u00e8re l\u2019homme sans c\u0153ur. Il veut lui adresser des reproches, mais il le rate \u00e0 D\u00e9sertines, de peu.", "image": "", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-juillet-2024.html", "title": "03 juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:09:00Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Sans la pr\u00e9sence des autres, je ne me sens pas seul. Mais sit\u00f4t que l\u2019un d\u2019eux surgit, je deviens Bernard-l\u2019ermite. Petit Bernard, moyen Bernard, gros et gras Bernard, gigantesque coquille fabriqu\u00e9e par la somme augment\u00e9e, de jour en jour, des impressions de solitudes travers\u00e9es. Lumi\u00e8re et prisme. L\u2019ermite, l\u2019ermitage, ces mots m\u2019attirent sit\u00f4t que je pense \u00e0 la pr\u00e9sence des autres. Et c\u2019est souvent, et ce de plus en plus, dans le fond tout le temps. C\u2019est l\u00e0-dedans que je me r\u00e9fugie.<\/p>\n

Puis, une fois arriv\u00e9 l\u00e0, myst\u00e8re, je les oublie. Je plonge tout entier dans l\u2019oubli des autres, et je m\u2019efface, je m\u2019efface comme une tache de cambouis sur un petit costume tout neuf. C\u2019est peut-\u00eatre toute cette salet\u00e9 que je gratte, racle et frotte qui fait la mati\u00e8re essentielle de ma forteresse de nacre.<\/p>\n

Ce n\u2019est pas tant que je d\u00e9teste les autres, mais plut\u00f4t que je ne sache par quel bout les prendre ou les d\u00e9laisser. Ils sont l\u00e0 et aussit\u00f4t danger, alerte c\u2019est l\u2019oppression. Ils m\u2019\u00e9crabouillent pour ainsi dire par leur volont\u00e9, leurs envies, leurs invitations, leurs invectives, leur pr\u00e9sence silencieuse, encore mille fois pire.<\/p>\n

Je me cache derri\u00e8re une fa\u00e7ade, un rideau de pluie, partout : dans la ville, les trains, les rues, les vignes au moment des vendanges. Je fl\u00e2ne apr\u00e8s le passage des glaneurs. La joie de tomber sur une patate sur cette terre ratibois\u00e9e.<\/p>\n

Une fois l\u2019an, c\u2019est l\u2019heure des vacances. Tous les Bernard-l\u2019ermite des environs se r\u00e9unissent. Ils s\u2019alignent en rang d\u2019oignon face \u00e0 une coquille vide. C\u2019est l\u2019heure, dit-on, de changer de cr\u00e8merie. Chacun s\u2019enhardit \u00e0 sauter par-dessus son voisin, petit \u00e0 petit, et surtout \u00e0 cavaler tout nu sur le sable pour aller tenter sa chance.<\/p>\n

Et de se sentir pousser presque des ailes, pouss\u00e9 par tout le d\u00e9sir du monde d\u2019avoir \u00e0 nouveau un logis, une place, m\u00eame temporaire, m\u00eame \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, une nouvelle coquille.<\/p>\n

Ensuite, chacun retourne \u00e0 ses occupations comme il peut. Il n\u2019y a ni vainqueur ni perdant. Seulement en avoir ou pas, \u00e0 la fin quelqu\u2019un conclut toujours en disant c\u2019est la vie. Et c\u2019est tout.<\/p>\n

Ce texte a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 le 25 juin 2024 sur le blog du tierslivre dans le cadre du cycle #\u00e9t\u00e92024<\/p>\n

Parler au pass\u00e9 de soi au pr\u00e9sent. Un peu comme on imagine pouvoir le faire une fois mort et enterr\u00e9.Un genre d\u2019occupation. Ou un genre de r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019occupation. S\u2019exclure en quelque sorte du pr\u00e9sent par la porte de derri\u00e8re.<\/p>\n

Installer des s\u00e9parateurs entre les id\u00e9es. Certain(es) place des photographies, mais c\u2019est un peu pareil.<\/p>\n

S\u00e9parer. Ce que \u00e7a veut dire tout \u00e0 coup. Je ne le sais plus vraiment. S\u00e9parerait-on machinalement ?<\/p>\n

Derni\u00e8re s\u00e9ance \u00e0 l\u2019atelier de C. Le nouveau pr\u00e9sident d\u00e9borde d\u2019id\u00e9es et d\u2019envies, de propositions. Envie de prendre la poudre d\u2019escampette quasi dans la foul\u00e9e. Je m\u2019emp\u00eache. Reste amarr\u00e9 \u00e0 ma chaise.Essuie la temp\u00eate. Je m\u2019interroge sur la difficult\u00e9 v\u00e9ritable, celle qui m\u2019apprendra encore des petites choses de la choisir. Apr\u00e8s tout ce changement de gouvernance est un microcosme id\u00e9al pour savoir si je suis plut\u00f4t collabo ou maquisard. Toujours un doute. C\u2019est assez facile d\u2019\u00eatre r\u00e9sistant ou de se dire r\u00e9sistant quand on s\u2019enfuit. Mais dans le fond on sent bien la g\u00e8ne, lancinante comme un mal de dent.<\/p>", "content_text": "Sans la pr\u00e9sence des autres, je ne me sens pas seul. Mais sit\u00f4t que l\u2019un d\u2019eux surgit, je deviens Bernard-l\u2019ermite. Petit Bernard, moyen Bernard, gros et gras Bernard, gigantesque coquille fabriqu\u00e9e par la somme augment\u00e9e, de jour en jour, des impressions de solitudes travers\u00e9es. Lumi\u00e8re et prisme. L\u2019ermite, l\u2019ermitage, ces mots m\u2019attirent sit\u00f4t que je pense \u00e0 la pr\u00e9sence des autres. Et c\u2019est souvent, et ce de plus en plus, dans le fond tout le temps. C\u2019est l\u00e0-dedans que je me r\u00e9fugie. Puis, une fois arriv\u00e9 l\u00e0, myst\u00e8re, je les oublie. Je plonge tout entier dans l\u2019oubli des autres, et je m\u2019efface, je m\u2019efface comme une tache de cambouis sur un petit costume tout neuf. C\u2019est peut-\u00eatre toute cette salet\u00e9 que je gratte, racle et frotte qui fait la mati\u00e8re essentielle de ma forteresse de nacre. Ce n\u2019est pas tant que je d\u00e9teste les autres, mais plut\u00f4t que je ne sache par quel bout les prendre ou les d\u00e9laisser. Ils sont l\u00e0 et aussit\u00f4t danger, alerte c\u2019est l\u2019oppression. Ils m\u2019\u00e9crabouillent pour ainsi dire par leur volont\u00e9, leurs envies, leurs invitations, leurs invectives, leur pr\u00e9sence silencieuse, encore mille fois pire. Je me cache derri\u00e8re une fa\u00e7ade, un rideau de pluie, partout : dans la ville, les trains, les rues, les vignes au moment des vendanges. Je fl\u00e2ne apr\u00e8s le passage des glaneurs. La joie de tomber sur une patate sur cette terre ratibois\u00e9e. Une fois l\u2019an, c\u2019est l\u2019heure des vacances. Tous les Bernard-l\u2019ermite des environs se r\u00e9unissent. Ils s\u2019alignent en rang d\u2019oignon face \u00e0 une coquille vide. C\u2019est l\u2019heure, dit-on, de changer de cr\u00e8merie. Chacun s\u2019enhardit \u00e0 sauter par-dessus son voisin, petit \u00e0 petit, et surtout \u00e0 cavaler tout nu sur le sable pour aller tenter sa chance. Et de se sentir pousser presque des ailes, pouss\u00e9 par tout le d\u00e9sir du monde d\u2019avoir \u00e0 nouveau un logis, une place, m\u00eame temporaire, m\u00eame \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, une nouvelle coquille. Ensuite, chacun retourne \u00e0 ses occupations comme il peut. Il n\u2019y a ni vainqueur ni perdant. Seulement en avoir ou pas, \u00e0 la fin quelqu\u2019un conclut toujours en disant c\u2019est la vie. Et c\u2019est tout. Ce texte a d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 le 25 juin 2024 sur le blog du tierslivre dans le cadre du cycle #\u00e9t\u00e92024 Parler au pass\u00e9 de soi au pr\u00e9sent. Un peu comme on imagine pouvoir le faire une fois mort et enterr\u00e9.Un genre d\u2019occupation. Ou un genre de r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019occupation. S\u2019exclure en quelque sorte du pr\u00e9sent par la porte de derri\u00e8re. Installer des s\u00e9parateurs entre les id\u00e9es. Certain(es) place des photographies, mais c\u2019est un peu pareil. S\u00e9parer. Ce que \u00e7a veut dire tout \u00e0 coup. Je ne le sais plus vraiment. S\u00e9parerait-on machinalement ? Derni\u00e8re s\u00e9ance \u00e0 l\u2019atelier de C. Le nouveau pr\u00e9sident d\u00e9borde d\u2019id\u00e9es et d\u2019envies, de propositions. Envie de prendre la poudre d\u2019escampette quasi dans la foul\u00e9e. Je m\u2019emp\u00eache. Reste amarr\u00e9 \u00e0 ma chaise.Essuie la temp\u00eate. Je m\u2019interroge sur la difficult\u00e9 v\u00e9ritable, celle qui m\u2019apprendra encore des petites choses de la choisir. Apr\u00e8s tout ce changement de gouvernance est un microcosme id\u00e9al pour savoir si je suis plut\u00f4t collabo ou maquisard. Toujours un doute. C\u2019est assez facile d\u2019\u00eatre r\u00e9sistant ou de se dire r\u00e9sistant quand on s\u2019enfuit. Mais dans le fond on sent bien la g\u00e8ne, lancinante comme un mal de dent. 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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

L\u2019homme invisible se greffa une corne sur le front puis il entreprit de foncer t\u00eate baiss\u00e9e vers la foule. On a beau \u00eatre invisible, on n\u2019en est pas pour autant aveugle. Nul ne sut dire qui \u00e9tait l\u2019auteur d\u2019un tel massacre. Le temps passa.<\/p>\n

L\u2019homme d\u00e9goulinant de haine \u00e9chafaudait mille plans, il \u00e9tait fort en passion et nul en action.<\/p>\n

L\u2019homme de la maison perdit la sienne d\u00e9but avril. Il ne se d\u00e9couvrit pas d\u2019un fil et continua d\u2019avancer.<\/p>\n

L\u2019homme de la situation faisait le point avec un sextant en pleine ville.<\/p>\n

L\u2019homme foudroy\u00e9 s\u2019arr\u00eata \u00e0 la boulangerie \u00e0 temps car il \u00e9tait en manque d\u2019\u00e9clairs.<\/p>\n

L\u2019homme de l\u2019ombre surgit en pleine lumi\u00e8re.<\/p>\n

L\u2019homme perdu s\u2019inventa une boussole.<\/p>\n

L\u2019homme de rien \u00e9tait contre tout.<\/p>\n

L\u2019homme augment\u00e9 serra si fort les mains que ses phalanges se mirent \u00e0 blanchir.<\/p>\n

L\u2019homme de paille br\u00fbla sa vie par les deux bouts.<\/p>\n

L\u2019homme des neiges n\u2019\u00e9tait pas toujours abominable.<\/p>\n

L\u2019homme de pampa, par mim\u00e9tisme, savait ressembler \u00e0 un cactus.<\/p>\n

L\u2019homme grenouille s\u2019assit dans un fauteuil crapaud.<\/p>\n

L\u2019homme de peine s\u2019essuya le front puis remit son mouchoir dans sa poche.<\/p>\n

L\u2019homme de lettres ne voulait rien savoir des chiffres.<\/p>\n

L\u2019homme d\u2019\u00e9tat sortit de ses gonds, ses tripes furent retrouv\u00e9es flottant pr\u00e8s d\u2019un pied de veau \u00e0 Caen.<\/p>\n

L\u2019homme d\u2019arme se retrouva d\u00e9sarm\u00e9 face \u00e0 l\u2019horreur du champ de bataille.<\/p>\n

Derni\u00e8re s\u00e9ance avec les enfants, cm1 et cm2. Vant\u00e9 l\u2019ennui . Restez donc assis dans l\u2019ennui. Organisez des concours d\u2019ennui. Celui qui r\u00e9siste le plus longtemps \u00e0 la tentation de s\u2019occuper \u00e0 gagn\u00e9.<\/p>\n

De temps en temps. Il y a des gens qui disent de tant en tant, pour ne pas avoir \u00e0 prononcer les liaisons.<\/p>\n

Publicit\u00e9s<\/p>", "content_text": "L\u2019homme invisible se greffa une corne sur le front puis il entreprit de foncer t\u00eate baiss\u00e9e vers la foule. On a beau \u00eatre invisible, on n\u2019en est pas pour autant aveugle. Nul ne sut dire qui \u00e9tait l\u2019auteur d\u2019un tel massacre. Le temps passa. L\u2019homme d\u00e9goulinant de haine \u00e9chafaudait mille plans, il \u00e9tait fort en passion et nul en action. L\u2019homme de la maison perdit la sienne d\u00e9but avril. Il ne se d\u00e9couvrit pas d\u2019un fil et continua d\u2019avancer. L\u2019homme de la situation faisait le point avec un sextant en pleine ville. L\u2019homme foudroy\u00e9 s\u2019arr\u00eata \u00e0 la boulangerie \u00e0 temps car il \u00e9tait en manque d\u2019\u00e9clairs. L\u2019homme de l\u2019ombre surgit en pleine lumi\u00e8re. L\u2019homme perdu s\u2019inventa une boussole. L\u2019homme de rien \u00e9tait contre tout. L\u2019homme augment\u00e9 serra si fort les mains que ses phalanges se mirent \u00e0 blanchir. L\u2019homme de paille br\u00fbla sa vie par les deux bouts. L\u2019homme des neiges n\u2019\u00e9tait pas toujours abominable. L\u2019homme de pampa, par mim\u00e9tisme, savait ressembler \u00e0 un cactus. L\u2019homme grenouille s\u2019assit dans un fauteuil crapaud. L\u2019homme de peine s\u2019essuya le front puis remit son mouchoir dans sa poche. L\u2019homme de lettres ne voulait rien savoir des chiffres. L\u2019homme d\u2019\u00e9tat sortit de ses gonds, ses tripes furent retrouv\u00e9es flottant pr\u00e8s d\u2019un pied de veau \u00e0 Caen. L\u2019homme d\u2019arme se retrouva d\u00e9sarm\u00e9 face \u00e0 l\u2019horreur du champ de bataille. Derni\u00e8re s\u00e9ance avec les enfants, cm1 et cm2. Vant\u00e9 l\u2019ennui . Restez donc assis dans l\u2019ennui. Organisez des concours d\u2019ennui. Celui qui r\u00e9siste le plus longtemps \u00e0 la tentation de s\u2019occuper \u00e0 gagn\u00e9. De temps en temps. Il y a des gens qui disent de tant en tant, pour ne pas avoir \u00e0 prononcer les liaisons. Publicit\u00e9s", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4591.jpg?1748065107", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/1er-juillet-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/1er-juillet-2024.html", "title": "1er juillet 2024", "date_published": "2024-07-26T00:06:00Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Les choses me traversent, je ne les retiens gu\u00e8re. Elles restent un moment puis repartent comme elles sont venues. Avant, je faisais n\u2019importe quoi pour essayer de les retenir ; je ne le fais plus. Quand j\u2019\u00e9cris, elles me traversent \u00e0 nouveau. Est-ce que je veux les retenir en les \u00e9crivant ? Je ne le crois pas. Peut-\u00eatre leur donne-je un surplus d\u2019existence. Je les examine mieux en les \u00e9crivant. Je peux mieux en mesurer toute l\u2019ambigu\u00eft\u00e9, l\u2019espace de l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 qui les accompagne, et dans lequel, ambigu moi-m\u00eame, je les c\u00f4toie.<\/p>\n

« Il n\u2019y a pas un espace, un bel espace, un bel espace alentour, un bel espace tout autour de nous, il y a plein de petits bouts d\u2019espaces[\u2026] » G.P<\/p>\n

L\u2019espace d\u2019un atelier d\u2019\u00e9criture est \u00e9trange. Ce qui se c\u00f4toie, ce sont les textes des participants. Les commentaires essaient de cr\u00e9er autre chose ; c\u2019est pour cela que je m\u2019abstiens d\u2019en faire. J\u2019aime l\u2019espace ainsi, celui cr\u00e9\u00e9 par les textes publi\u00e9s. Il est dans une immobilit\u00e9 paisible. Je pense \u00e0 la mort quand je pense \u00e0 l\u2019immobilit\u00e9 ; je pense que la mort peut \u00eatre un espace paisible.<\/p>\n

Revenir sur un texte est difficile pour cette raison, je crois, parce qu\u2019il faut redonner une esp\u00e8ce de mobilit\u00e9 \u00e0 ce qui n\u2019en a pas, \u00e0 ce qui n\u2019en a plus besoin. Surtout si on veut pr\u00e9ciser quelque chose. Est-ce une bonne raison pour ne pas relire ? Bien s\u00fbr que non. Il faut relire, mais ne pas modifier, tirer parti des ambigu\u00eft\u00e9s, r\u00e9\u00e9crire d\u2019autres textes \u00e0 partir de celles-ci. En ce moment m\u00eame o\u00f9 j\u2019\u00e9cris ces lignes, c\u2019est ce que je pense. Je suis conscient de pouvoir changer d\u2019avis demain.<\/p>\n

Il y a un mot pour \u00e7a : agile. Les entreprises l\u2019ont r\u00e9cup\u00e9r\u00e9. Comme si les entreprises se classaient d\u00e9sormais en deux cat\u00e9gories : celles agiles et celles non. Agiles car elles peuvent s\u2019adapter aux impr\u00e9vus. En un rien de temps, elles peuvent recr\u00e9er une configuration d\u2019id\u00e9es, d\u2019actions, de moyens leur permettant de naviguer dans l\u2019\u00e9l\u00e9ment liquide que d\u2019autres nommeront l\u2019al\u00e9a, le chaos. Se pr\u00e9parer au chaos, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 lui donner une possibilit\u00e9 d\u2019exister. Se rendre compte que le chaos existe est une bonne chose. La pire des choses \u00e9tant de ne pas vouloir le voir en face.<\/p>\n

J\u2019ai aussi accept\u00e9 le fait que je ne puisse comprendre au sens de contr\u00f4ler le sens de ce que j\u2019\u00e9cris. Souvent, je crois parler d\u2019une chose, puis quelques jours apr\u00e8s, je m\u2019aper\u00e7ois qu\u2019en parlant de cette chose, je parle de bien autre chose. Je ne cherche pas \u00e0 m\u2019am\u00e9liorer, \u00e0 dire plus pr\u00e9cis\u00e9ment la chose ; je crois que si je m\u2019engageais dans cette voie, je me fourvoierais.<\/p>\n

Il y a un espace humble \u00e0 trouver pour l\u2019\u00e9criture, un espace o\u00f9 la banalit\u00e9 se transmute en quelque chose qui ne brille pas forc\u00e9ment, mais offre une pr\u00e9sence v\u00e9ritable. Une amiti\u00e9.<\/p>\n

J\u2019\u00e9cris toujours en ce dimanche comme j\u2019ai \u00e9crit le texte publi\u00e9 hier. En fait, j\u2019\u00e9cris ces deux textes le 23 juin, dimanche, avant de m\u2019autoriser \u00e0 passer le karcher dans la cour. Il faut attendre 10 h, par respect pour le voisinage. Je suis respectueux du voisinage, surtout parce que je n\u2019aimerais pas \u00eatre d\u00e9rang\u00e9 par le bruit d\u2019un karcher, le dimanche avant dix heures, pendant que j\u2019\u00e9cris.<\/p>", "content_text": "Les choses me traversent, je ne les retiens gu\u00e8re. Elles restent un moment puis repartent comme elles sont venues. Avant, je faisais n\u2019importe quoi pour essayer de les retenir ; je ne le fais plus. Quand j\u2019\u00e9cris, elles me traversent \u00e0 nouveau. Est-ce que je veux les retenir en les \u00e9crivant ? Je ne le crois pas. Peut-\u00eatre leur donne-je un surplus d\u2019existence. Je les examine mieux en les \u00e9crivant. Je peux mieux en mesurer toute l\u2019ambigu\u00eft\u00e9, l\u2019espace de l\u2019ambigu\u00eft\u00e9 qui les accompagne, et dans lequel, ambigu moi-m\u00eame, je les c\u00f4toie. \u00ab Il n\u2019y a pas un espace, un bel espace, un bel espace alentour, un bel espace tout autour de nous, il y a plein de petits bouts d\u2019espaces[\u2026] \u00bb G.P L\u2019espace d\u2019un atelier d\u2019\u00e9criture est \u00e9trange. Ce qui se c\u00f4toie, ce sont les textes des participants. Les commentaires essaient de cr\u00e9er autre chose ; c\u2019est pour cela que je m\u2019abstiens d\u2019en faire. J\u2019aime l\u2019espace ainsi, celui cr\u00e9\u00e9 par les textes publi\u00e9s. Il est dans une immobilit\u00e9 paisible. Je pense \u00e0 la mort quand je pense \u00e0 l\u2019immobilit\u00e9 ; je pense que la mort peut \u00eatre un espace paisible. Revenir sur un texte est difficile pour cette raison, je crois, parce qu\u2019il faut redonner une esp\u00e8ce de mobilit\u00e9 \u00e0 ce qui n\u2019en a pas, \u00e0 ce qui n\u2019en a plus besoin. Surtout si on veut pr\u00e9ciser quelque chose. Est-ce une bonne raison pour ne pas relire ? Bien s\u00fbr que non. Il faut relire, mais ne pas modifier, tirer parti des ambigu\u00eft\u00e9s, r\u00e9\u00e9crire d\u2019autres textes \u00e0 partir de celles-ci. En ce moment m\u00eame o\u00f9 j\u2019\u00e9cris ces lignes, c\u2019est ce que je pense. Je suis conscient de pouvoir changer d\u2019avis demain. Il y a un mot pour \u00e7a : agile. Les entreprises l\u2019ont r\u00e9cup\u00e9r\u00e9. Comme si les entreprises se classaient d\u00e9sormais en deux cat\u00e9gories : celles agiles et celles non. Agiles car elles peuvent s\u2019adapter aux impr\u00e9vus. En un rien de temps, elles peuvent recr\u00e9er une configuration d\u2019id\u00e9es, d\u2019actions, de moyens leur permettant de naviguer dans l\u2019\u00e9l\u00e9ment liquide que d\u2019autres nommeront l\u2019al\u00e9a, le chaos. Se pr\u00e9parer au chaos, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 lui donner une possibilit\u00e9 d\u2019exister. Se rendre compte que le chaos existe est une bonne chose. La pire des choses \u00e9tant de ne pas vouloir le voir en face. J\u2019ai aussi accept\u00e9 le fait que je ne puisse comprendre au sens de contr\u00f4ler le sens de ce que j\u2019\u00e9cris. Souvent, je crois parler d\u2019une chose, puis quelques jours apr\u00e8s, je m\u2019aper\u00e7ois qu\u2019en parlant de cette chose, je parle de bien autre chose. Je ne cherche pas \u00e0 m\u2019am\u00e9liorer, \u00e0 dire plus pr\u00e9cis\u00e9ment la chose ; je crois que si je m\u2019engageais dans cette voie, je me fourvoierais. Il y a un espace humble \u00e0 trouver pour l\u2019\u00e9criture, un espace o\u00f9 la banalit\u00e9 se transmute en quelque chose qui ne brille pas forc\u00e9ment, mais offre une pr\u00e9sence v\u00e9ritable. Une amiti\u00e9. J\u2019\u00e9cris toujours en ce dimanche comme j\u2019ai \u00e9crit le texte publi\u00e9 hier. En fait, j\u2019\u00e9cris ces deux textes le 23 juin, dimanche, avant de m\u2019autoriser \u00e0 passer le karcher dans la cour. Il faut attendre 10 h, par respect pour le voisinage. Je suis respectueux du voisinage, surtout parce que je n\u2019aimerais pas \u00eatre d\u00e9rang\u00e9 par le bruit d\u2019un karcher, le dimanche avant dix heures, pendant que j\u2019\u00e9cris.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_5476.jpg?1748065148", "tags": [] } ] }