{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-fevrier-2022.html", "title": "21 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-21T09:34:00Z", "date_modified": "2024-11-20T09:34:37Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

— Tu es terrible, tu n\u2019appelles jamais un tel, une telle. On dirait que tu t\u2019en fiches compl\u00e8tement. Tu ne sais pas entretenir les relations, me confie mon \u00e9pouse pour la \u00e9ni\u00e8me fois \u00e0 propos de tel ou tel \u00e9v\u00e9nement o\u00f9 je devrais convier des personnes, ce que je ne fais pas la plupart du temps.<\/p>\n

L\u2019autre jour aussi, on me laisse un message sur mon r\u00e9pondeur. Je l\u2019\u00e9coute et puis je passe \u00e0 autre chose. J\u2019oublie de r\u00e9pondre.<\/p>\n

— Comment ? Mais tu n\u2019as pas r\u00e9pondu ? Et tu attends quoi pour le faire ? Suis-je aussit\u00f4t repris d\u00e8s que j\u2019en parle entre la poire et le fromage, c\u2019est-\u00e0-dire comme la plupart du temps, lorsque les choses me traversent.<\/p>\n

— Mais c\u2019est pour \u00e7a exactement que tu n\u2019as pas d\u2019ami, tu ne sais pas t\u2019en occuper, tu ne fais rien, on dirait que tu attends que \u00e7a te tombe tout cuit dans le bec !<\/p>\n

Quelqu\u2019un m\u2019avait d\u00e9j\u00e0 dit cela, il y a tr\u00e8s longtemps. J\u2019\u00e9tais enfant \u00e0 l\u2019\u00e9poque, et l\u2019essentiel de ma vie se d\u00e9roulait dans mon imaginaire. Je ne pense pas que les choses aient vraiment chang\u00e9 depuis tout ce temps.<\/p>\n

J\u2019ai des amis qui appartiennent plus \u00e0 mon imaginaire qu\u2019au monde r\u00e9el. Cette prise de conscience est venue tardivement, je dirais aux alentours de la cinquantaine. Ce fut un vrai choc de le d\u00e9couvrir, une sorte de deuil, si l\u2019on veut.<\/p>\n

Mais on se fait \u00e0 tout. Vivre, c\u2019est en grande partie cela : traverser toutes ces choses sur cette passerelle \u00e9troite qui relie le monde dit r\u00e9el \u00e0 celui dit imaginaire. Un \u00e9tonnant va-et-vient.<\/p>\n

Si bien qu\u2019en plein milieu de cette passerelle, on se demande bien ce qui est vrai et ce qui ne l\u2019est pas. On devient le fameux chat de Schr\u00f6dinger, ou Hamlet, ou Snoopy sur sa niche. Je veux dire qu\u2019il y a de quoi avoir des doutes et, forc\u00e9ment, un brin d\u2019humour.<\/p>\n

Mais une chose est s\u00fbre, la plupart du temps, lorsque soudain un ami se retrouve en face de moi, je reprends la conversation exactement l\u00e0 o\u00f9 nous l\u2019avons laiss\u00e9e. Une abolition de la dur\u00e9e et des vicissitudes du temps imm\u00e9diate s\u2019op\u00e8re, et j\u2019ai l\u2019impression de partager une sorte d\u2019\u00e9ternit\u00e9. Tr\u00e8s peu de personnes, de celles qu\u2019on a l\u2019habitude de d\u00e9signer comme « amies », peuvent comprendre et accepter cet \u00e9tat de fait.<\/p>\n

C\u2019est faire la nique au temps. Faire fi de toute obsolescence, de toute entropie. Et si \u00e7a ne fonctionne pas toujours, je dirais que c\u2019est tr\u00e8s rare, \u00e7a ne vient pas de moi.<\/p>\n

\u00c0 la v\u00e9rit\u00e9, \u00e7a n\u2019a pas fonctionn\u00e9 une seule fois, de toute ma vie. C\u2019est le jour o\u00f9 j\u2019ai retrouv\u00e9 mon ami d\u2019enfance \u00e0 la foire de Sancoins, au march\u00e9 des Grivelles pr\u00e9cis\u00e9ment. Il y avait une chance sur un million pour que je tombe sur lui, et sans doute est-ce pour cela qu\u2019au d\u00e9but ma joie fut forte. Mais tr\u00e8s vite, en voyant son visage bouffi par l\u2019alcool, ses mains rouges et gonfl\u00e9es de ma\u00e7on, en \u00e9coutant ses borborygmes g\u00ean\u00e9s face au citadin que j\u2019\u00e9tais devenu, un certain malaise s\u2019est install\u00e9. Un malaise partag\u00e9 imm\u00e9diatement.<\/p>\n

La rencontre a dur\u00e9 tr\u00e8s peu de temps, et c\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s long, je m\u2019en souviens encore. La prise de conscience d\u2019un tas de choses, comme le simple fait que nous n\u2019avions plus jamais eu le moindre lien depuis mon d\u00e9part de l\u2019Allier \u00e0 l\u2019\u00e2ge de neuf ans. Et parall\u00e8lement, le souvenir de ces beaux moments partag\u00e9s ensemble \u00e0 jouer dans les arbres, \u00e0 courir en for\u00eat et dans les bl\u00e9s, \u00e0 vivre cette enfance tout simplement.<\/p>\n

C\u2019\u00e9tait mon « meilleur ami ». Voyez-vous comment l\u2019imagination peut nous jouer des tours ? C\u2019est surtout ce que je me disais \u00e0 cet instant pr\u00e9cis, dans la cacophonie des beuglements et mugissements de toutes ces b\u00eates agglutin\u00e9es l\u00e0 pour parader \u00e0 la foire.<\/p>\n

Il m\u2019a regard\u00e9, et moi ses yeux. Je ne l\u2019ai pas reconnu. Il n\u2019y avait plus cet enfant dans le regard de l\u2019homme, juste un voile derri\u00e8re lequel j\u2019ai subitement eu peur de ne rencontrer que du vide. La conversation n\u2019a pas pu reprendre comme avant, \u00e0 propos de l\u2019excellent go\u00fbt des cerises et des petites filles apr\u00e8s lesquelles nous courions ensemble.<\/p>\n

Au lieu de \u00e7a, ce silence g\u00ean\u00e9 d\u2019\u00eatre devenus autres.<\/p>\n

Une exp\u00e9rience comme celle-ci laisse des marques ind\u00e9l\u00e9biles. On se met \u00e0 douter de tout, forc\u00e9ment, et surtout de soi-m\u00eame et de notre fa\u00e7on d\u2019envisager le monde et ses habitants.<\/p>\n

Suivit une longue p\u00e9riode, \u00e0 partir de cette date, o\u00f9 je consid\u00e9rais alors que je devais quasiment tout \u00e0 ma seule imagination.<\/p>\n

Je me mis \u00e0 \u00e9tudier celle-ci avec la plus grande circonspection, et ma vie alors se resserra. Je devins d\u2019une s\u00e9cheresse telle que je ne me reconnus plus, moi non plus, en me rasant. J\u2019\u00e9tais devenu pareil \u00e0 ce « meilleur ami » d\u00e9laiss\u00e9, en quelque sorte. Et lorsque je me toisais dans le reflet des vitres ou des miroirs, je n\u2019avais gu\u00e8re d\u2019empathie pour ce que je pouvais y d\u00e9couvrir.<\/p>\n

J\u2019\u00e9tais devenu Buc\u00e9phale, je d\u00e9talais devant ma propre ombre, non pas par peur, mais par naus\u00e9e.<\/p>\n

Ce furent souvent les femmes qui jou\u00e8rent le r\u00f4le d\u2019Alexandre. Qui, me prenant par le colback et me retournant dans le bon sens vis-\u00e0-vis des soleils et de leurs aveuglements, me permirent peu \u00e0 peu de reconqu\u00e9rir un semblant d\u2019estime de moi-m\u00eame, ou alors un d\u00e9go\u00fbt tel qu\u2019il menait, telle une carte au tr\u00e9sor, vers le grotesque, l\u2019exag\u00e9ration, la caricature.<\/p>\n

Mais ce n\u2019\u00e9tait encore que le pur jeu de mon imagination, \u00e9videmment. Une interpr\u00e9tation des r\u00f4les, celui de la victime, comme ceux des h\u00e9ro\u00efnes ou des tra\u00eetresses.<\/p>\n

Cette histoire parall\u00e8le ne cesse de remanier nos propres clich\u00e9s \u00e0 l\u2019infini, jusqu\u2019\u00e0 ce que l\u2019on d\u00e9couvre finalement qu\u2019ils ne sont que des choses tristes et terriblement banales.<\/p>\n

L\u2019amiti\u00e9 est donc une histoire que l\u2019on se raconte, la plupart du temps, tout seul. Avec, de temps \u00e0 autre, une intersection dans une autre histoire tout aussi solitaire.<\/p>\n

Le fait alors de reprendre le fil de la conversation est exactement comme reprendre un livre de chevet avant de s\u2019endormir. Il faut un quart de tour pour se souvenir de tous les personnages, les lieux, les \u00e9v\u00e9nements, chausser ses loupes et repartir dans le fil des pages. Et c\u2019est \u00e0 peu pr\u00e8s tout, de tout ce que j\u2019en aurais retenu de vraiment tangible, j\u2019en ai bien peur.<\/p>", "content_text": "\u2014 Tu es terrible, tu n\u2019appelles jamais un tel, une telle. On dirait que tu t\u2019en fiches compl\u00e8tement. Tu ne sais pas entretenir les relations, me confie mon \u00e9pouse pour la \u00e9ni\u00e8me fois \u00e0 propos de tel ou tel \u00e9v\u00e9nement o\u00f9 je devrais convier des personnes, ce que je ne fais pas la plupart du temps. L\u2019autre jour aussi, on me laisse un message sur mon r\u00e9pondeur. Je l\u2019\u00e9coute et puis je passe \u00e0 autre chose. J\u2019oublie de r\u00e9pondre. \u2014 Comment ? Mais tu n\u2019as pas r\u00e9pondu ? Et tu attends quoi pour le faire ? Suis-je aussit\u00f4t repris d\u00e8s que j\u2019en parle entre la poire et le fromage, c\u2019est-\u00e0-dire comme la plupart du temps, lorsque les choses me traversent. \u2014 Mais c\u2019est pour \u00e7a exactement que tu n\u2019as pas d\u2019ami, tu ne sais pas t\u2019en occuper, tu ne fais rien, on dirait que tu attends que \u00e7a te tombe tout cuit dans le bec ! Quelqu\u2019un m\u2019avait d\u00e9j\u00e0 dit cela, il y a tr\u00e8s longtemps. J\u2019\u00e9tais enfant \u00e0 l\u2019\u00e9poque, et l\u2019essentiel de ma vie se d\u00e9roulait dans mon imaginaire. Je ne pense pas que les choses aient vraiment chang\u00e9 depuis tout ce temps. J\u2019ai des amis qui appartiennent plus \u00e0 mon imaginaire qu\u2019au monde r\u00e9el. Cette prise de conscience est venue tardivement, je dirais aux alentours de la cinquantaine. Ce fut un vrai choc de le d\u00e9couvrir, une sorte de deuil, si l\u2019on veut. Mais on se fait \u00e0 tout. Vivre, c\u2019est en grande partie cela : traverser toutes ces choses sur cette passerelle \u00e9troite qui relie le monde dit r\u00e9el \u00e0 celui dit imaginaire. Un \u00e9tonnant va-et-vient. Si bien qu\u2019en plein milieu de cette passerelle, on se demande bien ce qui est vrai et ce qui ne l\u2019est pas. On devient le fameux chat de Schr\u00f6dinger, ou Hamlet, ou Snoopy sur sa niche. Je veux dire qu\u2019il y a de quoi avoir des doutes et, forc\u00e9ment, un brin d\u2019humour. Mais une chose est s\u00fbre, la plupart du temps, lorsque soudain un ami se retrouve en face de moi, je reprends la conversation exactement l\u00e0 o\u00f9 nous l\u2019avons laiss\u00e9e. Une abolition de la dur\u00e9e et des vicissitudes du temps imm\u00e9diate s\u2019op\u00e8re, et j\u2019ai l\u2019impression de partager une sorte d\u2019\u00e9ternit\u00e9. Tr\u00e8s peu de personnes, de celles qu\u2019on a l\u2019habitude de d\u00e9signer comme \u00ab amies \u00bb, peuvent comprendre et accepter cet \u00e9tat de fait. C\u2019est faire la nique au temps. Faire fi de toute obsolescence, de toute entropie. Et si \u00e7a ne fonctionne pas toujours, je dirais que c\u2019est tr\u00e8s rare, \u00e7a ne vient pas de moi. \u00c0 la v\u00e9rit\u00e9, \u00e7a n\u2019a pas fonctionn\u00e9 une seule fois, de toute ma vie. C\u2019est le jour o\u00f9 j\u2019ai retrouv\u00e9 mon ami d\u2019enfance \u00e0 la foire de Sancoins, au march\u00e9 des Grivelles pr\u00e9cis\u00e9ment. Il y avait une chance sur un million pour que je tombe sur lui, et sans doute est-ce pour cela qu\u2019au d\u00e9but ma joie fut forte. Mais tr\u00e8s vite, en voyant son visage bouffi par l\u2019alcool, ses mains rouges et gonfl\u00e9es de ma\u00e7on, en \u00e9coutant ses borborygmes g\u00ean\u00e9s face au citadin que j\u2019\u00e9tais devenu, un certain malaise s\u2019est install\u00e9. Un malaise partag\u00e9 imm\u00e9diatement. La rencontre a dur\u00e9 tr\u00e8s peu de temps, et c\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s long, je m\u2019en souviens encore. La prise de conscience d\u2019un tas de choses, comme le simple fait que nous n\u2019avions plus jamais eu le moindre lien depuis mon d\u00e9part de l\u2019Allier \u00e0 l\u2019\u00e2ge de neuf ans. Et parall\u00e8lement, le souvenir de ces beaux moments partag\u00e9s ensemble \u00e0 jouer dans les arbres, \u00e0 courir en for\u00eat et dans les bl\u00e9s, \u00e0 vivre cette enfance tout simplement. C\u2019\u00e9tait mon \u00ab meilleur ami \u00bb. Voyez-vous comment l\u2019imagination peut nous jouer des tours ? C\u2019est surtout ce que je me disais \u00e0 cet instant pr\u00e9cis, dans la cacophonie des beuglements et mugissements de toutes ces b\u00eates agglutin\u00e9es l\u00e0 pour parader \u00e0 la foire. Il m\u2019a regard\u00e9, et moi ses yeux. Je ne l\u2019ai pas reconnu. Il n\u2019y avait plus cet enfant dans le regard de l\u2019homme, juste un voile derri\u00e8re lequel j\u2019ai subitement eu peur de ne rencontrer que du vide. La conversation n\u2019a pas pu reprendre comme avant, \u00e0 propos de l\u2019excellent go\u00fbt des cerises et des petites filles apr\u00e8s lesquelles nous courions ensemble. Au lieu de \u00e7a, ce silence g\u00ean\u00e9 d\u2019\u00eatre devenus autres. Une exp\u00e9rience comme celle-ci laisse des marques ind\u00e9l\u00e9biles. On se met \u00e0 douter de tout, forc\u00e9ment, et surtout de soi-m\u00eame et de notre fa\u00e7on d\u2019envisager le monde et ses habitants. Suivit une longue p\u00e9riode, \u00e0 partir de cette date, o\u00f9 je consid\u00e9rais alors que je devais quasiment tout \u00e0 ma seule imagination. Je me mis \u00e0 \u00e9tudier celle-ci avec la plus grande circonspection, et ma vie alors se resserra. Je devins d\u2019une s\u00e9cheresse telle que je ne me reconnus plus, moi non plus, en me rasant. J\u2019\u00e9tais devenu pareil \u00e0 ce \u00ab meilleur ami \u00bb d\u00e9laiss\u00e9, en quelque sorte. Et lorsque je me toisais dans le reflet des vitres ou des miroirs, je n\u2019avais gu\u00e8re d\u2019empathie pour ce que je pouvais y d\u00e9couvrir. J\u2019\u00e9tais devenu Buc\u00e9phale, je d\u00e9talais devant ma propre ombre, non pas par peur, mais par naus\u00e9e. Ce furent souvent les femmes qui jou\u00e8rent le r\u00f4le d\u2019Alexandre. Qui, me prenant par le colback et me retournant dans le bon sens vis-\u00e0-vis des soleils et de leurs aveuglements, me permirent peu \u00e0 peu de reconqu\u00e9rir un semblant d\u2019estime de moi-m\u00eame, ou alors un d\u00e9go\u00fbt tel qu\u2019il menait, telle une carte au tr\u00e9sor, vers le grotesque, l\u2019exag\u00e9ration, la caricature. Mais ce n\u2019\u00e9tait encore que le pur jeu de mon imagination, \u00e9videmment. Une interpr\u00e9tation des r\u00f4les, celui de la victime, comme ceux des h\u00e9ro\u00efnes ou des tra\u00eetresses. Cette histoire parall\u00e8le ne cesse de remanier nos propres clich\u00e9s \u00e0 l\u2019infini, jusqu\u2019\u00e0 ce que l\u2019on d\u00e9couvre finalement qu\u2019ils ne sont que des choses tristes et terriblement banales. L\u2019amiti\u00e9 est donc une histoire que l\u2019on se raconte, la plupart du temps, tout seul. Avec, de temps \u00e0 autre, une intersection dans une autre histoire tout aussi solitaire. Le fait alors de reprendre le fil de la conversation est exactement comme reprendre un livre de chevet avant de s\u2019endormir. Il faut un quart de tour pour se souvenir de tous les personnages, les lieux, les \u00e9v\u00e9nements, chausser ses loupes et repartir dans le fil des pages. Et c\u2019est \u00e0 peu pr\u00e8s tout, de tout ce que j\u2019en aurais retenu de vraiment tangible, j\u2019en ai bien peur.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4210.jpg?1748065202", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-fevrier-2022.html", "title": "20 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-20T08:30:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:30:35Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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Sans une bonne organisation, on perd vite le fil. Ensuite, une fois le retard pris, cela demande des efforts pour le rattraper ou le r\u00e9cup\u00e9rer, peu importe le verbe que l\u2019on posera l\u00e0-dessus, tout le monde comprend ce dont je parle.<\/p>\n

Je veux aussi parler d\u2019une certaine fid\u00e9lit\u00e9 \u00e0 tenir en laisse, ou par les r\u00eanes, sans qu\u2019elle n\u2019ait cette manie de vous tirer en avant et ne pose, comme une crotte, le dilemme de savoir qui, entre le ma\u00eetre et la bestiole, conduit le bal, nom de Dieu.<\/p>\n

La lassitude, chez moi, conduit r\u00e9guli\u00e8rement le bal. Une lassitude non attribu\u00e9e, une lassitude abonn\u00e9e \u00e0 l\u2019annuaire des absents. Une lassitude issue de l\u2019absence tout enti\u00e8re, la mienne \u00e9videmment. Une absence m\u00e2ch\u00e9e lentement, puis rem\u00e2ch\u00e9e encore, et enfin dig\u00e9r\u00e9e. Avec parfois cette sorte de bonus : \u00eatre las et absent \u00e0 sa propre lassitude d\u2019absent.<\/p>\n

On peut parler d\u2019\u00e9veil, \u00e9videmment. Pas trop fort non plus, pour ne g\u00eaner personne.<\/p>\n

Perdre le fil\u2026 Au d\u00e9but, on se culpabilise forc\u00e9ment. Puis suit une p\u00e9riode blanche o\u00f9 ce n\u2019est pas vraiment que l\u2019on se d\u00e9sint\u00e9resse, mais on n\u2019arrive tout simplement plus \u00e0 fixer son int\u00e9r\u00eat suffisamment longtemps pour qu\u2019il germe, qu\u2019il produise des ramifications, des feuilles, des bourgeons ou des fruits. Ce genre de conneries que tout le monde sait, \u00e0 un moment ou \u00e0 un autre, consid\u00e9rer pour ce qu\u2019elles sont : de beaux pr\u00e9textes, un genre usuel de divertissement.<\/p>\n

Ce qui fait qu\u2019on se doit tout de m\u00eame un peu d\u2019honn\u00eatet\u00e9 \u00e0 soi-m\u00eame sur cette fameuse angoisse de « perdre le fil ». Je veux dire que c\u2019est tout bonnement une autre figure du d\u00e9sir, in\u00e9dite cette fois, et qui, comme \u00e0 chaque fois que l\u2019in\u00e9dit pointe son nez, flanque la p\u00e9toche et fait p\u00e9daler le hamster dans la cambuse.<\/p>\n

Bon Dieu, mais comment cela se fait-il que je sois si con, si ceci ou tellement cela ? Comment se peut-il que je prenne un tel panard \u00e0 perdre le fil, en gros ?<\/p>\n

Par orgueil, comme toujours, \u00e9videmment. Y a-t-il quoi que ce soit d\u2019autre dans la vie que l\u2019orgueil, je veux dire, comme responsable de tout \u00e9garement ?<\/p>\n

Je disais hier : « C\u2019est beau, on dirait que \u00e7a sort de la bouche d\u2019un ma\u00eetre soufi\u2026 » Non mais quel con ! Des fois, je te jure, je ferais mieux de la boucler plut\u00f4t que de m\u2019emm\u00ealer les pieds dans les n\u0153uds que je noue tout seul.<\/p>\n

\u00c0 moins que tout ne soit pr\u00e9vu dans ce plan depuis longtemps. \u00c0 moins que l\u2019\u00e9garement soit balis\u00e9, que perdre le fil ne soit qu\u2019une fa\u00e7on, parmi toutes les fa\u00e7ons possibles et imaginables, de trouver la voie invisible, justement et tout bonnement. La seule voie humainement possible, je veux dire, celle qui existe sous mes propres pieds, et aucune autre r\u00eav\u00e9e, imagin\u00e9e, fantasm\u00e9e.<\/p>\n

Ce qui, au bout du compte, inverserait toutes les opinions, et subitement s\u2019il vous pla\u00eet, ces opinions que l\u2019on ne cesse de ch\u00e9rir sur l\u2019orientation en g\u00e9n\u00e9ral et les quatre points cardinaux en particulier.<\/p>\n

Perdre le fil serait un levier encore plus puissant que celui d\u2019Archim\u00e8de. Pas pour soulever le monde, bien s\u00fbr que non, quelle ineptie, mais simplement pour soulever son cul du canap\u00e9. Une tr\u00e8s bonne chose en soi.<\/p>\n

Et m\u2019est avis, tout \u00e0 coup, que \u00e7a sonne juste \u00e0 ce moment o\u00f9 je l\u2019\u00e9cris : qu\u2019il faut juste oser pour voir.<\/p>", "content_text": "Sans une bonne organisation, on perd vite le fil. Ensuite, une fois le retard pris, cela demande des efforts pour le rattraper ou le r\u00e9cup\u00e9rer, peu importe le verbe que l\u2019on posera l\u00e0-dessus, tout le monde comprend ce dont je parle. Je veux aussi parler d\u2019une certaine fid\u00e9lit\u00e9 \u00e0 tenir en laisse, ou par les r\u00eanes, sans qu\u2019elle n\u2019ait cette manie de vous tirer en avant et ne pose, comme une crotte, le dilemme de savoir qui, entre le ma\u00eetre et la bestiole, conduit le bal, nom de Dieu. La lassitude, chez moi, conduit r\u00e9guli\u00e8rement le bal. Une lassitude non attribu\u00e9e, une lassitude abonn\u00e9e \u00e0 l\u2019annuaire des absents. Une lassitude issue de l\u2019absence tout enti\u00e8re, la mienne \u00e9videmment. Une absence m\u00e2ch\u00e9e lentement, puis rem\u00e2ch\u00e9e encore, et enfin dig\u00e9r\u00e9e. Avec parfois cette sorte de bonus : \u00eatre las et absent \u00e0 sa propre lassitude d\u2019absent. On peut parler d\u2019\u00e9veil, \u00e9videmment. Pas trop fort non plus, pour ne g\u00eaner personne. Perdre le fil\u2026 Au d\u00e9but, on se culpabilise forc\u00e9ment. Puis suit une p\u00e9riode blanche o\u00f9 ce n\u2019est pas vraiment que l\u2019on se d\u00e9sint\u00e9resse, mais on n\u2019arrive tout simplement plus \u00e0 fixer son int\u00e9r\u00eat suffisamment longtemps pour qu\u2019il germe, qu\u2019il produise des ramifications, des feuilles, des bourgeons ou des fruits. Ce genre de conneries que tout le monde sait, \u00e0 un moment ou \u00e0 un autre, consid\u00e9rer pour ce qu\u2019elles sont : de beaux pr\u00e9textes, un genre usuel de divertissement. Ce qui fait qu\u2019on se doit tout de m\u00eame un peu d\u2019honn\u00eatet\u00e9 \u00e0 soi-m\u00eame sur cette fameuse angoisse de \u00ab perdre le fil \u00bb. Je veux dire que c\u2019est tout bonnement une autre figure du d\u00e9sir, in\u00e9dite cette fois, et qui, comme \u00e0 chaque fois que l\u2019in\u00e9dit pointe son nez, flanque la p\u00e9toche et fait p\u00e9daler le hamster dans la cambuse. Bon Dieu, mais comment cela se fait-il que je sois si con, si ceci ou tellement cela ? Comment se peut-il que je prenne un tel panard \u00e0 perdre le fil, en gros ? Par orgueil, comme toujours, \u00e9videmment. Y a-t-il quoi que ce soit d\u2019autre dans la vie que l\u2019orgueil, je veux dire, comme responsable de tout \u00e9garement ? Je disais hier : \u00ab C\u2019est beau, on dirait que \u00e7a sort de la bouche d\u2019un ma\u00eetre soufi\u2026 \u00bb Non mais quel con ! Des fois, je te jure, je ferais mieux de la boucler plut\u00f4t que de m\u2019emm\u00ealer les pieds dans les n\u0153uds que je noue tout seul. \u00c0 moins que tout ne soit pr\u00e9vu dans ce plan depuis longtemps. \u00c0 moins que l\u2019\u00e9garement soit balis\u00e9, que perdre le fil ne soit qu\u2019une fa\u00e7on, parmi toutes les fa\u00e7ons possibles et imaginables, de trouver la voie invisible, justement et tout bonnement. La seule voie humainement possible, je veux dire, celle qui existe sous mes propres pieds, et aucune autre r\u00eav\u00e9e, imagin\u00e9e, fantasm\u00e9e. Ce qui, au bout du compte, inverserait toutes les opinions, et subitement s\u2019il vous pla\u00eet, ces opinions que l\u2019on ne cesse de ch\u00e9rir sur l\u2019orientation en g\u00e9n\u00e9ral et les quatre points cardinaux en particulier. Perdre le fil serait un levier encore plus puissant que celui d\u2019Archim\u00e8de. Pas pour soulever le monde, bien s\u00fbr que non, quelle ineptie, mais simplement pour soulever son cul du canap\u00e9. Une tr\u00e8s bonne chose en soi. Et m\u2019est avis, tout \u00e0 coup, que \u00e7a sonne juste \u00e0 ce moment o\u00f9 je l\u2019\u00e9cris : qu\u2019il faut juste oser pour voir. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4358.jpg?1748065098", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-fevrier-2022.html", "title": "19 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-19T08:24:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:25:01Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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peinture d’une de mes petites \u00e9l\u00e8ves\n<\/strong><\/div>\n\t \n\t \n<\/figcaption><\/figure>\n<\/div><\/span>\n

C\u2019est comme lorsqu\u2019on tourne la derni\u00e8re page d\u2019un roman qui nous a plu, comme lorsqu\u2019on voit un ami dispara\u00eetre au coin de la rue, lorsqu\u2019on comprend que la passion s\u2019ach\u00e8ve une fois sa t\u00e2che accomplie. Ou lorsqu\u2019on se r\u00e9veille soudain apr\u00e8s l\u2019orgasme, peu importe qu\u2019il provienne de la chair ou de l\u2019\u0153uvre achev\u00e9e. Un manque de gratitude total, semble nous murmurer encore et encore, alors que le fant\u00f4me de l\u2019extase s\u2019est \u00e0 peine rev\u00eatu de son suaire et qu\u2019il se tire au-del\u00e0.<\/p>\n

C\u2019est rigolo, grotesque, burlesque, finalement, et je crois qu\u2019il vaut mieux en rire, ou mieux : en sourire.<\/p>\n

Car c\u2019est la tristesse qui nous est forc\u00e9ment \u00e9chue en tant que consommateur. Dans ce personnage \u00e9triqu\u00e9 que l\u2019on nous demande, sans toujours nous le demander tout haut, de p\u00e9n\u00e9trer, comme on essaie de chausser des souliers trop petits.<\/p>\n

L\u2019orgasme, devenu r\u00e9flexe pavlovien, sit\u00f4t achev\u00e9, d\u00e9laisse ce qui l\u2019aura cr\u00e9\u00e9 pour s\u2019en d\u00e9tourner et se jeter presque imm\u00e9diatement sur « autre chose ».<\/p>\n

Que ce soit une autre femme, un autre homme, une autre toile, peu importe ce sur quoi l\u2019on jettera alors son d\u00e9volu pour r\u00e9it\u00e9rer l\u2019exp\u00e9rience de l\u2019orgasme. Au bout du compte, cela devient une d\u00e9pendance.<\/p>\n

On ne peut aimer vraiment dans un tel but, ni peindre. On se rend compte t\u00f4t ou tard de cette supercherie. Et c\u2019est l\u00e0 le moment important, d\u2019ailleurs.<\/p>\n

Une fois qu\u2019elle est vue, ferme-t-on les yeux, ou bien aiguisons-nous notre acuit\u00e9 ? That is the question.<\/p>\n

Ce n\u2019est pas to be or not to be l\u2019importance. C\u2019est plut\u00f4t : suis-je un branleur, une branleuse, ou pas\u2026 ?<\/p>\n

Il n\u2019y a pas vraiment de moralit\u00e9 au bout de cette r\u00e9flexion. Plut\u00f4t un \u00e9trange soulagement, comme lorsqu\u2019on rompt avec des personnes « ch\u00e8res », si ch\u00e8res qu\u2019on leur a laiss\u00e9 la peau et les os la plupart du temps, avant d\u2019oser prendre la poudre d\u2019escampette sous peine de dispara\u00eetre tout entier.<\/p>\n

D\u2019ailleurs, ce sont souvent les m\u00eames personnes qui vous brandissent cette imp\u00e9rieuse n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019orgasme \u00e0 r\u00e9p\u00e9tition, qui se servent de vous en tant que « chose », justement. Puis qui passent \u00e0 tout autre chose sans m\u00eame vous pr\u00e9venir que vous \u00eates devenu « hors d\u2019usage ».<\/p>\n

Ce qui pousse \u00e0 consid\u00e9rer la toile diff\u00e9remment une fois la vanit\u00e9 de cette notion d\u2019orgasme d\u00e9couverte.<\/p>\n

S\u2019agit-il seulement d\u2019\u00e9vacuer une humeur, une pulsion, souiller les draps de coton ou de lin ? Ou bien de tout autre chose qui ne soit pas l\u2019offrande d\u2019excr\u00e9ments que les petits enfants s\u2019enjouent \u00e0 offrir \u00e0 leurs mamans ?<\/p>\n

La maman bat des mains avec un sourire beno\u00eet en disant « encore, encore », et tout alors se passe tr\u00e8s bien. La r\u00e9p\u00e9tition proviendra du c\u0153ur, du ventre, ou du bas-ventre ainsi gagn\u00e9.<\/p>\n

La maman fait une bouche en accent circonflexe en disant :\n
— Tu ferais mieux de faire tes devoirs et de ranger ta chambre.<\/p>\n

Et on se retrouve alors rang\u00e9 dans la cat\u00e9gorie des m\u00e9diocres pour longtemps, avant de prendre du galon \u00e0 l\u2019envers, de devenir mercenaire, tueur \u00e0 gages, cur\u00e9. Ou peintre du dimanche.<\/p>", "content_text": "C\u2019est comme lorsqu\u2019on tourne la derni\u00e8re page d\u2019un roman qui nous a plu, comme lorsqu\u2019on voit un ami dispara\u00eetre au coin de la rue, lorsqu\u2019on comprend que la passion s\u2019ach\u00e8ve une fois sa t\u00e2che accomplie. Ou lorsqu\u2019on se r\u00e9veille soudain apr\u00e8s l\u2019orgasme, peu importe qu\u2019il provienne de la chair ou de l\u2019\u0153uvre achev\u00e9e. Un manque de gratitude total, semble nous murmurer encore et encore, alors que le fant\u00f4me de l\u2019extase s\u2019est \u00e0 peine rev\u00eatu de son suaire et qu\u2019il se tire au-del\u00e0. C\u2019est rigolo, grotesque, burlesque, finalement, et je crois qu\u2019il vaut mieux en rire, ou mieux : en sourire. Car c\u2019est la tristesse qui nous est forc\u00e9ment \u00e9chue en tant que consommateur. Dans ce personnage \u00e9triqu\u00e9 que l\u2019on nous demande, sans toujours nous le demander tout haut, de p\u00e9n\u00e9trer, comme on essaie de chausser des souliers trop petits. L\u2019orgasme, devenu r\u00e9flexe pavlovien, sit\u00f4t achev\u00e9, d\u00e9laisse ce qui l\u2019aura cr\u00e9\u00e9 pour s\u2019en d\u00e9tourner et se jeter presque imm\u00e9diatement sur \u00ab autre chose \u00bb. Que ce soit une autre femme, un autre homme, une autre toile, peu importe ce sur quoi l\u2019on jettera alors son d\u00e9volu pour r\u00e9it\u00e9rer l\u2019exp\u00e9rience de l\u2019orgasme. Au bout du compte, cela devient une d\u00e9pendance. On ne peut aimer vraiment dans un tel but, ni peindre. On se rend compte t\u00f4t ou tard de cette supercherie. Et c\u2019est l\u00e0 le moment important, d\u2019ailleurs. Une fois qu\u2019elle est vue, ferme-t-on les yeux, ou bien aiguisons-nous notre acuit\u00e9 ? That is the question. Ce n\u2019est pas to be or not to be l\u2019importance. C\u2019est plut\u00f4t : suis-je un branleur, une branleuse, ou pas\u2026 ? Il n\u2019y a pas vraiment de moralit\u00e9 au bout de cette r\u00e9flexion. Plut\u00f4t un \u00e9trange soulagement, comme lorsqu\u2019on rompt avec des personnes \u00ab ch\u00e8res \u00bb, si ch\u00e8res qu\u2019on leur a laiss\u00e9 la peau et les os la plupart du temps, avant d\u2019oser prendre la poudre d\u2019escampette sous peine de dispara\u00eetre tout entier. D\u2019ailleurs, ce sont souvent les m\u00eames personnes qui vous brandissent cette imp\u00e9rieuse n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019orgasme \u00e0 r\u00e9p\u00e9tition, qui se servent de vous en tant que \u00ab chose \u00bb, justement. Puis qui passent \u00e0 tout autre chose sans m\u00eame vous pr\u00e9venir que vous \u00eates devenu \u00ab hors d\u2019usage \u00bb. Ce qui pousse \u00e0 consid\u00e9rer la toile diff\u00e9remment une fois la vanit\u00e9 de cette notion d\u2019orgasme d\u00e9couverte. S\u2019agit-il seulement d\u2019\u00e9vacuer une humeur, une pulsion, souiller les draps de coton ou de lin ? Ou bien de tout autre chose qui ne soit pas l\u2019offrande d\u2019excr\u00e9ments que les petits enfants s\u2019enjouent \u00e0 offrir \u00e0 leurs mamans ? La maman bat des mains avec un sourire beno\u00eet en disant \u00ab encore, encore \u00bb, et tout alors se passe tr\u00e8s bien. La r\u00e9p\u00e9tition proviendra du c\u0153ur, du ventre, ou du bas-ventre ainsi gagn\u00e9. La maman fait une bouche en accent circonflexe en disant : \u2014 Tu ferais mieux de faire tes devoirs et de ranger ta chambre. Et on se retrouve alors rang\u00e9 dans la cat\u00e9gorie des m\u00e9diocres pour longtemps, avant de prendre du galon \u00e0 l\u2019envers, de devenir mercenaire, tueur \u00e0 gages, cur\u00e9. Ou peintre du dimanche. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4322.jpg?1748065117", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-fevrier-2022.html", "title": "18 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-18T08:18:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:18:16Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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Je ne suis pas surfeur. J\u2019aurais probablement ador\u00e9 l\u2019\u00eatre si la providence m\u2019avait conduit \u00e0 habiter pr\u00e8s d\u2019un oc\u00e9an. Et je me vois tr\u00e8s bien avec ma planche plant\u00e9e dans le sable fin, \u00e0 guetter l\u2019horizon dans l\u2019attente de la vague.<\/p>\n

Ce ne serait pas si diff\u00e9rent, finalement, de ce que je vis tous les jours dans mon atelier, au P\u00e9age-de-Roussillon, commune d\u2019Is\u00e8re, un peu sinistr\u00e9e par les complexes commerciaux install\u00e9s \u00e0 sa proche p\u00e9riph\u00e9rie. Je ne compte plus le nombre de locaux commerciaux « \u00e0 louer » ou « \u00e0 c\u00e9der »\u2026 C\u2019est ainsi depuis que nous sommes venus nous installer ici, il y a huit ans. Pas grand-chose n\u2019a \u00e9volu\u00e9 durant toutes ces ann\u00e9es, et lorsqu\u2019on croise les habitants pour \u00e9changer quelques mots sur le temps qu\u2019il fait, le marasme ne tarde jamais trop longtemps \u00e0 devenir le sujet principal de toutes les conversations.<\/p>\n

Ainsi, on peut habiter quelque part en France, loin de l\u2019oc\u00e9an, loin de la mer, et \u00eatre tout autant dans l\u2019attente de la vague que ce surfeur imaginaire que j\u2019\u00e9voque.<\/p>\n

On l\u2019imagine, on l\u2019esp\u00e8re, et en attendant, on laisse passer de nombreuses occasions de s\u2019entra\u00eener sur des vagues plus modestes. Je crois que vous comprenez bien ce dont je suis en train de parler, n\u2019est-ce pas ?<\/p>\n

Parfois, il y a des gouttes qui tombent sur les cr\u00e2nes, de petites gouttes de rien du tout, qui ne n\u00e9cessitent pas d\u2019ouvrir un parapluie. On se dit toujours plus ou moins : ce n\u2019est rien, \u00e7a va passer. Et puis il y a la goutte de trop, celle qui fait d\u00e9border le vase.<\/p>\n

Et c\u2019est alors que l\u2019on se r\u00e9veille, que l\u2019on se dit : « \u00c7a suffit, je n\u2019en peux plus de cette attente ! Je n\u2019en peux plus de me plaindre sans arr\u00eat de ne pas voir arriver enfin cette fameuse vague. » Que nous reste-t-il alors comme possibilit\u00e9 sinon d\u2019agir, d\u2019exp\u00e9rimenter des solutions ?<\/p>\n

Parfois, je crois qu\u2019il faut apprendre \u00e0 cr\u00e9er ses propres vagues tout seul.<\/p>\n

C\u2019est ainsi que c\u2019est venu, je veux dire cette id\u00e9e de cr\u00e9er une page sur Patreon. C\u2019est venu deux semaines environ apr\u00e8s ma d\u00e9cision d\u2019arr\u00eater de mettre des likes et des commentaires sur les r\u00e9seaux sociaux, de partager des posts que l\u2019algorithme distille au compte-gouttes si je ne mets pas la main \u00e0 la poche pour les propulser. C\u2019est venu aussi d\u2019un ras-le-bol des effets de manche, de ce bruit qui circule, disant que du jour au lendemain Facebook et Instagram pourraient fermer le robinet en Europe, laissant dans un \u00e9tat de d\u00e9labrement total tous ces cr\u00e9ateurs de contenu, de selfies, tous ces influenceurs et leurs abonn\u00e9s.<\/p>\n

Je ne joue pas dans cette cat\u00e9gorie-l\u00e0, \u00e9videmment. J\u2019ai toujours pr\u00e9serv\u00e9 peu ou prou mon c\u00f4t\u00e9 sauvage, quoiqu\u2019on en pense ou dise. Peut-\u00eatre que mes capacit\u00e9s d\u2019analyse sont aussi \u00e9mouss\u00e9es par l\u2019\u00e2ge, par l\u2019exp\u00e9rience. Et puis je me rappelle aussi d\u2019un dicton populaire plein de bon sens qui nous dit que tout travail m\u00e9rite salaire.<\/p>\n

Donc j\u2019ai cr\u00e9\u00e9 une vague, j\u2019ai cr\u00e9\u00e9 une page sur Patreon, une plateforme communautaire sur laquelle chaque cr\u00e9ateur peut proposer un contenu \u00e0 ses contributeurs selon diff\u00e9rentes formules d\u2019abonnement.<\/p>\n

En ce qui me concerne, je ne pense pas m\u2019enrichir ce faisant. Mais cela me permettra de mieux \u00e9changer avec les personnes qui appr\u00e9cient mon travail. Je veux dire celles qui sont pr\u00eates \u00e0 s\u2019engager vraiment, pas seulement avec un like ou un commentaire dans l\u2019espoir que je leur rende la pareille.<\/p>\n

Je crois que la formule de base est \u00e0 3 euros par mois pour soutenir le travail des cr\u00e9ateurs de tout acabit. Ce n\u2019est pas \u00e9norme, mais c\u2019est un vrai geste.<\/p>\n

Que l\u2019on en arrive l\u00e0 est regrettable. J\u2019entends d\u00e9j\u00e0 les r\u00e9flexions des anciens qui disent que le web qu\u2019ils ont connu autrefois, ce r\u00eave de gratuit\u00e9 illimit\u00e9e, n\u2019est h\u00e9las qu\u2019un formidable fiasco. Moi-m\u00eame, je le regrette aussi, \u00e9videmment, mais c\u2019est aussi se faire une id\u00e9e de l\u2019humanit\u00e9 qui semble totalement irr\u00e9aliste, un pur fantasme, une utopie.<\/p>\n

Il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 observer, le jour des soldes, la folie furieuse qui s\u2019empare de n\u2019importe quel quidam \u00e0 l\u2019entr\u00e9e des grands magasins, ou vivre un incendie n\u2019importe o\u00f9 sur la terre pour comprendre que tout le monde ou presque est pr\u00eat \u00e0 marcher sur les autres pour survivre. L\u2019instinct de conservation, additionn\u00e9 \u00e0 l\u2019app\u00e2t du gain et de la sottise, fait un m\u00e9lange d\u00e9tonnant.<\/p>\n

L\u00e0 aussi, on attend la fameuse vague. On esp\u00e8re que \u00e7a va changer, que l\u2019homme devienne enfin bon, ou je ne sais quoi. Mais l\u2019homme reste l\u2019homme et rien ne peut vraiment changer cela. Pas m\u00eame une \u00e9pid\u00e9mie mondiale, si vous avez bien tout suivi.<\/p>\n

Donc attendre la vague \u00e0 ce point des choses, c\u2019est comme attendre l\u2019inspiration pour un peintre : c\u2019est de la connerie en barre, ni plus ni moins, selon ma modeste opinion.<\/p>\n

Maintenant, je dis \u00e7a parce que j\u2019oscille sans arr\u00eat, et depuis toujours, entre d\u00e9prime et enthousiasme, parce que j\u2019ai du sang slave dans les veines et que je ne rechigne jamais devant un petit verre ou deux de vodka.<\/p>\n

Voyez-vous, j\u2019aurais pu dire des choses \u00e0 la mode, utiliser un mot \u00e0 la mode comme « bipolaire » ou je ne sais quoi d\u2019autre. Mais je pr\u00e9f\u00e8re dire que c\u2019est tout simplement g\u00e9n\u00e9tique, g\u00e9n\u00e9tique comme une main que l\u2019on obtient aux cartes, destin\u00e9e ou fatalit\u00e9, peu importe.<\/p>\n

Quand la d\u00e9prime se retire soudain, sans pr\u00e9venir, elle laisse une plaie fant\u00f4me qu\u2019il faut savoir distinguer et surtout caut\u00e9riser au plus vite pour profiter de la moindre seconde d\u2019enthousiasme qui suivra inexorablement cette d\u00e9prime. C\u2019est ce qu\u2019en langage commun on appelle les hauts et les bas.<\/p>\n

Depuis toujours, je cherche une formule qui me permette de les consid\u00e9rer \u00e9gaux, ces hauts comme ces bas, d\u2019y \u00eatre indiff\u00e9rent. Mais je me trompais, \u00e9videmment.<\/p>\n

Il faut vivre ce que ces diff\u00e9rences de relief nous offrent, les vivre pleinement. Puis prendre un peu de recul, \u00e9videmment, comme lorsqu\u2019on vient de se jeter sur une toile et qu\u2019on observe tout cela \u00e0 t\u00eate repos\u00e9e.<\/p>\n

Une chose aussi me vient ce matin comme une sorte d\u2019illumination : l\u2019idiotie contient autant d\u2019intelligence que l\u2019intelligence contient d\u2019idiotie.<\/p>\n

Autant dire match nul sur le terrain de la pens\u00e9e.<\/p>\n

On comprend mieux pourquoi les derviches, dont je fais ind\u00e9niablement partie, prennent ce d\u00e9sir furieux de tourner en rond. Ils ne font jamais autre chose que de donner une figure concr\u00e8te \u00e0 cette pens\u00e9e qui tourne sur elle-m\u00eame. Ils ont saisi que c\u2019est par la caricature, l\u2019exag\u00e9ration, la danse et le mouvement que l\u2019on p\u00e9n\u00e8tre dans la transe, ce couloir qui m\u00e8ne \u00e0 l\u2019extase, \u00e0 l\u2019ivresse, \u00e0 l\u2019orgasme, \u00e0 la v\u00e9ritable lib\u00e9ration.<\/p>\n

C\u2019est ainsi que l\u2019on fabrique aussi cette fameuse vague. Et au bout du compte, m\u00eame la planche de surf est d\u00e9risoire une fois qu\u2019on sait qu\u2019on peut marcher sur l\u2019eau comme devenir \u00e9pave sous-marine \u00e9chou\u00e9e sur un banc de sable au fin fond des abysses.<\/p>\n

Pour le moment, il n\u2019y a pas grand-chose sur cette page Patreon : juste une bafouille, une photo, et un lien vers une vid\u00e9o YouTube. Je ne mets donc pas le lien.<\/p>\n

Je verrai si demain, et les jours suivants, je suis toujours partant ou bien si l\u2019« \u00e0 quoi bon » frappe encore, en tra\u00eetre, comme d\u2019habitude, en tra\u00eetre ou en ami. Car il n\u2019y a pas de fum\u00e9e sans feu, pas de tourbillon sans vent, et bien s\u00fbr, pas d\u2019extase sans transe.<\/p>", "content_text": "Je ne suis pas surfeur. J\u2019aurais probablement ador\u00e9 l\u2019\u00eatre si la providence m\u2019avait conduit \u00e0 habiter pr\u00e8s d\u2019un oc\u00e9an. Et je me vois tr\u00e8s bien avec ma planche plant\u00e9e dans le sable fin, \u00e0 guetter l\u2019horizon dans l\u2019attente de la vague. Ce ne serait pas si diff\u00e9rent, finalement, de ce que je vis tous les jours dans mon atelier, au P\u00e9age-de-Roussillon, commune d\u2019Is\u00e8re, un peu sinistr\u00e9e par les complexes commerciaux install\u00e9s \u00e0 sa proche p\u00e9riph\u00e9rie. Je ne compte plus le nombre de locaux commerciaux \u00ab \u00e0 louer \u00bb ou \u00ab \u00e0 c\u00e9der \u00bb\u2026 C\u2019est ainsi depuis que nous sommes venus nous installer ici, il y a huit ans. Pas grand-chose n\u2019a \u00e9volu\u00e9 durant toutes ces ann\u00e9es, et lorsqu\u2019on croise les habitants pour \u00e9changer quelques mots sur le temps qu\u2019il fait, le marasme ne tarde jamais trop longtemps \u00e0 devenir le sujet principal de toutes les conversations. Ainsi, on peut habiter quelque part en France, loin de l\u2019oc\u00e9an, loin de la mer, et \u00eatre tout autant dans l\u2019attente de la vague que ce surfeur imaginaire que j\u2019\u00e9voque. On l\u2019imagine, on l\u2019esp\u00e8re, et en attendant, on laisse passer de nombreuses occasions de s\u2019entra\u00eener sur des vagues plus modestes. Je crois que vous comprenez bien ce dont je suis en train de parler, n\u2019est-ce pas ? Parfois, il y a des gouttes qui tombent sur les cr\u00e2nes, de petites gouttes de rien du tout, qui ne n\u00e9cessitent pas d\u2019ouvrir un parapluie. On se dit toujours plus ou moins : ce n\u2019est rien, \u00e7a va passer. Et puis il y a la goutte de trop, celle qui fait d\u00e9border le vase. Et c\u2019est alors que l\u2019on se r\u00e9veille, que l\u2019on se dit : \u00ab \u00c7a suffit, je n\u2019en peux plus de cette attente ! Je n\u2019en peux plus de me plaindre sans arr\u00eat de ne pas voir arriver enfin cette fameuse vague. \u00bb Que nous reste-t-il alors comme possibilit\u00e9 sinon d\u2019agir, d\u2019exp\u00e9rimenter des solutions ? Parfois, je crois qu\u2019il faut apprendre \u00e0 cr\u00e9er ses propres vagues tout seul. C\u2019est ainsi que c\u2019est venu, je veux dire cette id\u00e9e de cr\u00e9er une page sur Patreon. C\u2019est venu deux semaines environ apr\u00e8s ma d\u00e9cision d\u2019arr\u00eater de mettre des likes et des commentaires sur les r\u00e9seaux sociaux, de partager des posts que l\u2019algorithme distille au compte-gouttes si je ne mets pas la main \u00e0 la poche pour les propulser. C\u2019est venu aussi d\u2019un ras-le-bol des effets de manche, de ce bruit qui circule, disant que du jour au lendemain Facebook et Instagram pourraient fermer le robinet en Europe, laissant dans un \u00e9tat de d\u00e9labrement total tous ces cr\u00e9ateurs de contenu, de selfies, tous ces influenceurs et leurs abonn\u00e9s. Je ne joue pas dans cette cat\u00e9gorie-l\u00e0, \u00e9videmment. J\u2019ai toujours pr\u00e9serv\u00e9 peu ou prou mon c\u00f4t\u00e9 sauvage, quoiqu\u2019on en pense ou dise. Peut-\u00eatre que mes capacit\u00e9s d\u2019analyse sont aussi \u00e9mouss\u00e9es par l\u2019\u00e2ge, par l\u2019exp\u00e9rience. Et puis je me rappelle aussi d\u2019un dicton populaire plein de bon sens qui nous dit que tout travail m\u00e9rite salaire. Donc j\u2019ai cr\u00e9\u00e9 une vague, j\u2019ai cr\u00e9\u00e9 une page sur Patreon, une plateforme communautaire sur laquelle chaque cr\u00e9ateur peut proposer un contenu \u00e0 ses contributeurs selon diff\u00e9rentes formules d\u2019abonnement. En ce qui me concerne, je ne pense pas m\u2019enrichir ce faisant. Mais cela me permettra de mieux \u00e9changer avec les personnes qui appr\u00e9cient mon travail. Je veux dire celles qui sont pr\u00eates \u00e0 s\u2019engager vraiment, pas seulement avec un like ou un commentaire dans l\u2019espoir que je leur rende la pareille. Je crois que la formule de base est \u00e0 3 euros par mois pour soutenir le travail des cr\u00e9ateurs de tout acabit. Ce n\u2019est pas \u00e9norme, mais c\u2019est un vrai geste. Que l\u2019on en arrive l\u00e0 est regrettable. J\u2019entends d\u00e9j\u00e0 les r\u00e9flexions des anciens qui disent que le web qu\u2019ils ont connu autrefois, ce r\u00eave de gratuit\u00e9 illimit\u00e9e, n\u2019est h\u00e9las qu\u2019un formidable fiasco. Moi-m\u00eame, je le regrette aussi, \u00e9videmment, mais c\u2019est aussi se faire une id\u00e9e de l\u2019humanit\u00e9 qui semble totalement irr\u00e9aliste, un pur fantasme, une utopie. Il n\u2019y a qu\u2019\u00e0 observer, le jour des soldes, la folie furieuse qui s\u2019empare de n\u2019importe quel quidam \u00e0 l\u2019entr\u00e9e des grands magasins, ou vivre un incendie n\u2019importe o\u00f9 sur la terre pour comprendre que tout le monde ou presque est pr\u00eat \u00e0 marcher sur les autres pour survivre. L\u2019instinct de conservation, additionn\u00e9 \u00e0 l\u2019app\u00e2t du gain et de la sottise, fait un m\u00e9lange d\u00e9tonnant. L\u00e0 aussi, on attend la fameuse vague. On esp\u00e8re que \u00e7a va changer, que l\u2019homme devienne enfin bon, ou je ne sais quoi. Mais l\u2019homme reste l\u2019homme et rien ne peut vraiment changer cela. Pas m\u00eame une \u00e9pid\u00e9mie mondiale, si vous avez bien tout suivi. Donc attendre la vague \u00e0 ce point des choses, c\u2019est comme attendre l\u2019inspiration pour un peintre : c\u2019est de la connerie en barre, ni plus ni moins, selon ma modeste opinion. Maintenant, je dis \u00e7a parce que j\u2019oscille sans arr\u00eat, et depuis toujours, entre d\u00e9prime et enthousiasme, parce que j\u2019ai du sang slave dans les veines et que je ne rechigne jamais devant un petit verre ou deux de vodka. Voyez-vous, j\u2019aurais pu dire des choses \u00e0 la mode, utiliser un mot \u00e0 la mode comme \u00ab bipolaire \u00bb ou je ne sais quoi d\u2019autre. Mais je pr\u00e9f\u00e8re dire que c\u2019est tout simplement g\u00e9n\u00e9tique, g\u00e9n\u00e9tique comme une main que l\u2019on obtient aux cartes, destin\u00e9e ou fatalit\u00e9, peu importe. Quand la d\u00e9prime se retire soudain, sans pr\u00e9venir, elle laisse une plaie fant\u00f4me qu\u2019il faut savoir distinguer et surtout caut\u00e9riser au plus vite pour profiter de la moindre seconde d\u2019enthousiasme qui suivra inexorablement cette d\u00e9prime. C\u2019est ce qu\u2019en langage commun on appelle les hauts et les bas. Depuis toujours, je cherche une formule qui me permette de les consid\u00e9rer \u00e9gaux, ces hauts comme ces bas, d\u2019y \u00eatre indiff\u00e9rent. Mais je me trompais, \u00e9videmment. Il faut vivre ce que ces diff\u00e9rences de relief nous offrent, les vivre pleinement. Puis prendre un peu de recul, \u00e9videmment, comme lorsqu\u2019on vient de se jeter sur une toile et qu\u2019on observe tout cela \u00e0 t\u00eate repos\u00e9e. Une chose aussi me vient ce matin comme une sorte d\u2019illumination : l\u2019idiotie contient autant d\u2019intelligence que l\u2019intelligence contient d\u2019idiotie. Autant dire match nul sur le terrain de la pens\u00e9e. On comprend mieux pourquoi les derviches, dont je fais ind\u00e9niablement partie, prennent ce d\u00e9sir furieux de tourner en rond. Ils ne font jamais autre chose que de donner une figure concr\u00e8te \u00e0 cette pens\u00e9e qui tourne sur elle-m\u00eame. Ils ont saisi que c\u2019est par la caricature, l\u2019exag\u00e9ration, la danse et le mouvement que l\u2019on p\u00e9n\u00e8tre dans la transe, ce couloir qui m\u00e8ne \u00e0 l\u2019extase, \u00e0 l\u2019ivresse, \u00e0 l\u2019orgasme, \u00e0 la v\u00e9ritable lib\u00e9ration. C\u2019est ainsi que l\u2019on fabrique aussi cette fameuse vague. Et au bout du compte, m\u00eame la planche de surf est d\u00e9risoire une fois qu\u2019on sait qu\u2019on peut marcher sur l\u2019eau comme devenir \u00e9pave sous-marine \u00e9chou\u00e9e sur un banc de sable au fin fond des abysses. Pour le moment, il n\u2019y a pas grand-chose sur cette page Patreon : juste une bafouille, une photo, et un lien vers une vid\u00e9o YouTube. Je ne mets donc pas le lien. Je verrai si demain, et les jours suivants, je suis toujours partant ou bien si l\u2019\u00ab \u00e0 quoi bon \u00bb frappe encore, en tra\u00eetre, comme d\u2019habitude, en tra\u00eetre ou en ami. Car il n\u2019y a pas de fum\u00e9e sans feu, pas de tourbillon sans vent, et bien s\u00fbr, pas d\u2019extase sans transe.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4453.jpg?1748065154", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-fevrier-2022.html", "title": "17 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-17T08:13:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:13:16Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Pour ne rien reprendre, ignorer les jugements, les autocritiques, j\u2019encha\u00eene toile apr\u00e8s toile. Des visages imaginaires qui surgissent, des femmes la plupart du temps.<\/p>\n

Les \u00e9l\u00e8ves me disent : « On te reconna\u00eet tout de suite quand tu dessines un visage. »<\/p>\n

Ce qui est ambigu\u2026 Est-ce la mani\u00e8re qui leur sert \u00e0 faire le lien, ou bien est-ce parce qu\u2019on dessine toujours plus ou moins des autoportraits ?<\/p>", "content_text": "Pour ne rien reprendre, ignorer les jugements, les autocritiques, j\u2019encha\u00eene toile apr\u00e8s toile. Des visages imaginaires qui surgissent, des femmes la plupart du temps. Les \u00e9l\u00e8ves me disent : \u00ab On te reconna\u00eet tout de suite quand tu dessines un visage. \u00bb Ce qui est ambigu\u2026 Est-ce la mani\u00e8re qui leur sert \u00e0 faire le lien, ou bien est-ce parce qu\u2019on dessine toujours plus ou moins des autoportraits ?", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4451.jpg?1748065095", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-fevrier-2022.html", "title": "16 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-16T08:10:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:10:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Il n\u2019y a pas de petite exposition, m\u00eame si parfois, suivant le temps, la temp\u00e9rature, la digestion ou l\u2019abus de cigarettes, il m\u2019arrive de l\u2019oublier. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 \u00e9crit un billet \u00e0 ce propos que j\u2019ai relu tout en r\u00e9fl\u00e9chissant \u00e0 cette exposition qui vient de s\u2019achever ce week-end dans le village o\u00f9 j\u2019habite.<\/p>\n

C\u2019est vrai qu\u2019\u00e0 priori, je n\u2019accordais pas vraiment d\u2019importance \u00e0 cette exposition, qui ne n\u00e9cessitait pas d\u2019effort exag\u00e9r\u00e9, et dont je pensais aussi qu\u2019elle n\u2019attirerait pas vraiment de public dans ce coin perdu de l\u2019Is\u00e8re.<\/p>\n

J\u2019avais simplement fait une s\u00e9lection des \u0153uvres de Voyages Int\u00e9rieurs, encore une fois, plus ramass\u00e9e, car le local est de taille modeste. Il y avait aussi un imp\u00e9ratif de luminosit\u00e9 interne des toiles que j\u2019avais pris en compte en remarquant l\u2019\u00e9clairage, car celui-ci \u00e9tait chiche, diffus\u00e9 par des spots encastr\u00e9s dans le faux plafond.<\/p>\n

J\u2019ai donc choisi de prendre ou de rejeter en fonction de ces crit\u00e8res principalement. Sinon, la logistique est d\u00e9j\u00e0 en place : textes, blablas, CV, documents PDF divers et mon livre Propos sur la peinture, dont le stock s\u2019\u00e9coule doucement, sans pr\u00e9cipitation exag\u00e9r\u00e9e non plus. (Je mets un lien pour les curieux\u00b7ses, on ne sait jamais, \u00e7a ne mange pas de pain.)<\/p>\n

Bref, je suis encore d\u2019accord avec moi-m\u00eame sur le fait qu\u2019il n\u2019y a pas de « petite » exposition, car j\u2019ai \u00e9t\u00e9 agr\u00e9ablement surpris par la qualit\u00e9 des \u00e9changes avec les visiteurs lors des quelques permanences que mon emploi du temps charg\u00e9 m\u2019a permis d\u2019assurer.<\/p>\n

Du c\u00f4t\u00e9 de mon \u00e9pouse, le bilan est assez positif, d\u2019apr\u00e8s ce qu\u2019elle m\u2019a remont\u00e9. Peut-\u00eatre de nouvelles inscriptions aux cours, notamment. Des propositions d\u2019expositions \u00e9galement dans d\u2019autres lieux de la r\u00e9gion. Et puis, tout de m\u00eame, quelques toiles vendues, principalement de petits formats.<\/p>\n

J\u2019avais m\u00eame pos\u00e9 quelques vieux tableaux en solde, en indiquant avec une pancarte « vide atelier » \u00e0 moindre prix, mais personne ne s\u2019est ru\u00e9 dessus. Comme quoi, proposer des soldes est aussi un bon indicateur du type de public qui passe. Un ami m\u2019a m\u00eame dit que j\u2019avais mis des prix tellement bas qu\u2019il n\u2019en avait pas achet\u00e9 pour que je puisse ne pas m\u2019en s\u00e9parer et revenir sur ma position dans d\u2019autres lieux \u00e0 venir.<\/p>\n

Ce qui, \u00e9videmment, me fait revenir sur le probl\u00e8me du prix des \u0153uvres. Enfin, probl\u00e8me qui n\u2019en est plus un vraiment d\u00e9sormais. Car mes prix sont fix\u00e9s sur l\u2019indice de ma frustration \u00e0 voir partir les toiles susdites. Pour certaines, j\u2019ai tellement peu de frustration qu\u2019il ne me reste juste la notion du temps pass\u00e9 et du mat\u00e9riel pour ne pas les donner.<\/p>\n

Gaston est venu et m\u2019a encore parl\u00e9 de ses maladies pendant un bon moment et de ses s\u00e9ances d\u2019auto-hypnose, que j\u2019appellerais plut\u00f4t une m\u00e9thode Cou\u00e9. Il m\u2019a pris deux petites toiles, ce qui fera donc trois \u0153uvres en tout puisque nous avons \u00e9chang\u00e9 l\u2019une avec un de ses collages qui m\u2019avait bien plu lors de sa derni\u00e8re expo.<\/p>\n

Ces amis peintres, des localit\u00e9s voisines de la mienne, ne se prennent pas la t\u00eate. Ils sont en retraite pour la plupart, et ce n\u2019est donc pas l\u2019argent qui les fait courir les lieux d\u2019expo. Ce que je trouve tr\u00e8s sain \u00e0 les fr\u00e9quenter. Ils ne pratiquent pas des prix exorbitants, \u00e9changent entre eux de bons plans, donnent parfois des avis critiques des uns sur les autres, mais tout cela reste globalement bon enfant, pas m\u00e9chant pour deux ronds. Depuis que j\u2019ai l\u00e2ch\u00e9 Facebook et Instagram, je me suis rapproch\u00e9 d\u2019eux, je crois. Car le bon sens veut qu\u2019il semble inutile de vouloir constituer un r\u00e9seau virtuel lorsqu\u2019on n\u2019est m\u00eame pas fichu d\u2019en constituer un r\u00e9el, authentique, avec de vrais gens.<\/p>\n

J\u2019ai de moins en moins envie de fournir d\u2019efforts pour faire des courbettes et des ronds de jambe. Du coup, je me rends rarement dans les manifestations autour de chez moi. Je reviens \u00e0 l\u2019\u00e9tat quasi sauvage.<\/p>\n

Je ne peux pas dire que je n\u2019appr\u00e9cie pas les gens, ce n\u2019est pas cela. S\u2019ils se taisent la plupart du temps, \u00e7a se passe tr\u00e8s bien. D\u2019ailleurs, moi-m\u00eame vis-\u00e0-vis de moi-m\u00eame, je remarque aussi cela : quand je ne me parle pas trop, \u00e7a va nettement mieux. Je ne sais pas si c\u2019est conjoncturel ou bien si j\u2019ai pris un nouveau tournant, r\u00e9ellement, celui de l\u2019\u00e9conomie de paroles pour me diriger vers plus d\u2019action, plus de faire dans mon atelier principalement.<\/p>\n

En tout cas, je tiens le si\u00e8ge. Je l\u2019occupe toute la journ\u00e9e sans broncher. Parfois, je peins, d\u2019autres fois je balaie. D\u2019autres fois encore, j\u2019effectue des recherches dans mes innombrables bo\u00eetes et cartons pour faire du tri surtout, encore que je ne jette jamais rien. Mais je les mets de c\u00f4t\u00e9, je fabrique des tas dans les tas, j\u2019\u00e9tudie ma frustration \u00e0 les imaginer hors de l\u2019atelier. Je place des prix \u00e0 mon temps pass\u00e9, que je consid\u00e8re souvent comme autant de temps perdu, certainement \u00e0 tort, pour garder tout de m\u00eame en moi une vraie douleur lorsque toutes les autres se seront dissip\u00e9es et que je me croirai sage, tir\u00e9 d\u2019affaire ou sur mon lit de mort.<\/p>\n

La temp\u00e9rature semble remonter l\u00e9g\u00e8rement, ce qui me fait parfois penser au printemps, surtout le matin lorsque j\u2019entends les premiers oiseaux chanter et le coq au loin. Des d\u00e9chirures de temps soudaines me replongent dans une sorte de bain de jouvence, m\u00eame si j\u2019ai pass\u00e9 une nuit blanche.<\/p>\n

Le printemps, chaque ann\u00e9e suppl\u00e9mentaire qui passe, renforce l\u2019espoir d\u2019y parvenir en pas trop mauvais \u00e9tat, d\u2019en profiter encore \u00e9perdument.<\/p>", "content_text": "Il n\u2019y a pas de petite exposition, m\u00eame si parfois, suivant le temps, la temp\u00e9rature, la digestion ou l\u2019abus de cigarettes, il m\u2019arrive de l\u2019oublier. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 \u00e9crit un billet \u00e0 ce propos que j\u2019ai relu tout en r\u00e9fl\u00e9chissant \u00e0 cette exposition qui vient de s\u2019achever ce week-end dans le village o\u00f9 j\u2019habite. C\u2019est vrai qu\u2019\u00e0 priori, je n\u2019accordais pas vraiment d\u2019importance \u00e0 cette exposition, qui ne n\u00e9cessitait pas d\u2019effort exag\u00e9r\u00e9, et dont je pensais aussi qu\u2019elle n\u2019attirerait pas vraiment de public dans ce coin perdu de l\u2019Is\u00e8re. J\u2019avais simplement fait une s\u00e9lection des \u0153uvres de Voyages Int\u00e9rieurs, encore une fois, plus ramass\u00e9e, car le local est de taille modeste. Il y avait aussi un imp\u00e9ratif de luminosit\u00e9 interne des toiles que j\u2019avais pris en compte en remarquant l\u2019\u00e9clairage, car celui-ci \u00e9tait chiche, diffus\u00e9 par des spots encastr\u00e9s dans le faux plafond. J\u2019ai donc choisi de prendre ou de rejeter en fonction de ces crit\u00e8res principalement. Sinon, la logistique est d\u00e9j\u00e0 en place : textes, blablas, CV, documents PDF divers et mon livre Propos sur la peinture, dont le stock s\u2019\u00e9coule doucement, sans pr\u00e9cipitation exag\u00e9r\u00e9e non plus. (Je mets un lien pour les curieux\u00b7ses, on ne sait jamais, \u00e7a ne mange pas de pain.) Bref, je suis encore d\u2019accord avec moi-m\u00eame sur le fait qu\u2019il n\u2019y a pas de \u00ab petite \u00bb exposition, car j\u2019ai \u00e9t\u00e9 agr\u00e9ablement surpris par la qualit\u00e9 des \u00e9changes avec les visiteurs lors des quelques permanences que mon emploi du temps charg\u00e9 m\u2019a permis d\u2019assurer. Du c\u00f4t\u00e9 de mon \u00e9pouse, le bilan est assez positif, d\u2019apr\u00e8s ce qu\u2019elle m\u2019a remont\u00e9. Peut-\u00eatre de nouvelles inscriptions aux cours, notamment. Des propositions d\u2019expositions \u00e9galement dans d\u2019autres lieux de la r\u00e9gion. Et puis, tout de m\u00eame, quelques toiles vendues, principalement de petits formats. J\u2019avais m\u00eame pos\u00e9 quelques vieux tableaux en solde, en indiquant avec une pancarte \u00ab vide atelier \u00bb \u00e0 moindre prix, mais personne ne s\u2019est ru\u00e9 dessus. Comme quoi, proposer des soldes est aussi un bon indicateur du type de public qui passe. Un ami m\u2019a m\u00eame dit que j\u2019avais mis des prix tellement bas qu\u2019il n\u2019en avait pas achet\u00e9 pour que je puisse ne pas m\u2019en s\u00e9parer et revenir sur ma position dans d\u2019autres lieux \u00e0 venir. Ce qui, \u00e9videmment, me fait revenir sur le probl\u00e8me du prix des \u0153uvres. Enfin, probl\u00e8me qui n\u2019en est plus un vraiment d\u00e9sormais. Car mes prix sont fix\u00e9s sur l\u2019indice de ma frustration \u00e0 voir partir les toiles susdites. Pour certaines, j\u2019ai tellement peu de frustration qu\u2019il ne me reste juste la notion du temps pass\u00e9 et du mat\u00e9riel pour ne pas les donner. Gaston est venu et m\u2019a encore parl\u00e9 de ses maladies pendant un bon moment et de ses s\u00e9ances d\u2019auto-hypnose, que j\u2019appellerais plut\u00f4t une m\u00e9thode Cou\u00e9. Il m\u2019a pris deux petites toiles, ce qui fera donc trois \u0153uvres en tout puisque nous avons \u00e9chang\u00e9 l\u2019une avec un de ses collages qui m\u2019avait bien plu lors de sa derni\u00e8re expo. Ces amis peintres, des localit\u00e9s voisines de la mienne, ne se prennent pas la t\u00eate. Ils sont en retraite pour la plupart, et ce n\u2019est donc pas l\u2019argent qui les fait courir les lieux d\u2019expo. Ce que je trouve tr\u00e8s sain \u00e0 les fr\u00e9quenter. Ils ne pratiquent pas des prix exorbitants, \u00e9changent entre eux de bons plans, donnent parfois des avis critiques des uns sur les autres, mais tout cela reste globalement bon enfant, pas m\u00e9chant pour deux ronds. Depuis que j\u2019ai l\u00e2ch\u00e9 Facebook et Instagram, je me suis rapproch\u00e9 d\u2019eux, je crois. Car le bon sens veut qu\u2019il semble inutile de vouloir constituer un r\u00e9seau virtuel lorsqu\u2019on n\u2019est m\u00eame pas fichu d\u2019en constituer un r\u00e9el, authentique, avec de vrais gens. J\u2019ai de moins en moins envie de fournir d\u2019efforts pour faire des courbettes et des ronds de jambe. Du coup, je me rends rarement dans les manifestations autour de chez moi. Je reviens \u00e0 l\u2019\u00e9tat quasi sauvage. Je ne peux pas dire que je n\u2019appr\u00e9cie pas les gens, ce n\u2019est pas cela. S\u2019ils se taisent la plupart du temps, \u00e7a se passe tr\u00e8s bien. D\u2019ailleurs, moi-m\u00eame vis-\u00e0-vis de moi-m\u00eame, je remarque aussi cela : quand je ne me parle pas trop, \u00e7a va nettement mieux. Je ne sais pas si c\u2019est conjoncturel ou bien si j\u2019ai pris un nouveau tournant, r\u00e9ellement, celui de l\u2019\u00e9conomie de paroles pour me diriger vers plus d\u2019action, plus de faire dans mon atelier principalement. En tout cas, je tiens le si\u00e8ge. Je l\u2019occupe toute la journ\u00e9e sans broncher. Parfois, je peins, d\u2019autres fois je balaie. D\u2019autres fois encore, j\u2019effectue des recherches dans mes innombrables bo\u00eetes et cartons pour faire du tri surtout, encore que je ne jette jamais rien. Mais je les mets de c\u00f4t\u00e9, je fabrique des tas dans les tas, j\u2019\u00e9tudie ma frustration \u00e0 les imaginer hors de l\u2019atelier. Je place des prix \u00e0 mon temps pass\u00e9, que je consid\u00e8re souvent comme autant de temps perdu, certainement \u00e0 tort, pour garder tout de m\u00eame en moi une vraie douleur lorsque toutes les autres se seront dissip\u00e9es et que je me croirai sage, tir\u00e9 d\u2019affaire ou sur mon lit de mort. La temp\u00e9rature semble remonter l\u00e9g\u00e8rement, ce qui me fait parfois penser au printemps, surtout le matin lorsque j\u2019entends les premiers oiseaux chanter et le coq au loin. Des d\u00e9chirures de temps soudaines me replongent dans une sorte de bain de jouvence, m\u00eame si j\u2019ai pass\u00e9 une nuit blanche. Le printemps, chaque ann\u00e9e suppl\u00e9mentaire qui passe, renforce l\u2019espoir d\u2019y parvenir en pas trop mauvais \u00e9tat, d\u2019en profiter encore \u00e9perdument. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4482.jpg?1748065099", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-fevrier-2022.html", "title": "15 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-15T08:04:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:04:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

un second tableau peinture et fusain. Finalement j\u2019aime bien le rendu et je ne pense pas peindre plus que \u00e7a sur ces tableaux.<\/p>\n

Encore une fois je me rends compte que l\u2019on a toujours une petite g\u00eane lorsqu\u2019on obtient un r\u00e9sultat rapidement\u2026 on se dit oh non ce n\u2019est pas assez il faudra en rajouter\u2026<\/p>\n

Au bout de toutes ces ann\u00e9es de peinture j\u2019ai toujours cette difficult\u00e9 \u00e0 accepter que les choses soient justes du premier coup. Ce qui est d\u2019autant plus \u00e9tonnant que je n\u2019arr\u00eate pas de faire r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 cette fameuse justesse\u2026<\/p>", "content_text": "un second tableau peinture et fusain. Finalement j\u2019aime bien le rendu et je ne pense pas peindre plus que \u00e7a sur ces tableaux. Encore une fois je me rends compte que l\u2019on a toujours une petite g\u00eane lorsqu\u2019on obtient un r\u00e9sultat rapidement\u2026 on se dit oh non ce n\u2019est pas assez il faudra en rajouter\u2026 Au bout de toutes ces ann\u00e9es de peinture j\u2019ai toujours cette difficult\u00e9 \u00e0 accepter que les choses soient justes du premier coup. Ce qui est d\u2019autant plus \u00e9tonnant que je n\u2019arr\u00eate pas de faire r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 cette fameuse justesse\u2026", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4434-1-1-1995x2048.jpg?1748065154", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-fevrier-2022.html", "title": "13 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-13T08:02:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:02:59Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

C\u2019est un format 70\u00d770 cm sur toile non mont\u00e9e encore sur ch\u00e2ssis sur lequel j\u2019ai pr\u00e9par\u00e9 un fond au Gesso puis \u00e0 l\u2019acrylique. Ensuite un dessin pr\u00e9paratoire au fusain. Ce n\u2019est pas un visage r\u00e9aliste mais je crois qu\u2019il d\u00e9gage une expression int\u00e9ressante\u2026<\/p>\n

Reste \u00e0 savoir si peindre par dessus ne d\u00e9truira pas l\u2019ensemble, c\u2019est souvent le cas j\u2019ai remarqu\u00e9.<\/p>\n

Mais si on ne prend pas de risque quel int\u00e9r\u00eat ?<\/p>", "content_text": "C\u2019est un format 70\u00d770 cm sur toile non mont\u00e9e encore sur ch\u00e2ssis sur lequel j\u2019ai pr\u00e9par\u00e9 un fond au Gesso puis \u00e0 l\u2019acrylique. Ensuite un dessin pr\u00e9paratoire au fusain. Ce n\u2019est pas un visage r\u00e9aliste mais je crois qu\u2019il d\u00e9gage une expression int\u00e9ressante\u2026 Reste \u00e0 savoir si peindre par dessus ne d\u00e9truira pas l\u2019ensemble, c\u2019est souvent le cas j\u2019ai remarqu\u00e9. Mais si on ne prend pas de risque quel int\u00e9r\u00eat ?", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4429.webp?1748065082", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-fevrier-2022.html", "title": "12 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-12T07:59:00Z", "date_modified": "2024-11-20T08:00:03Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je ne raffole pas des descriptions litt\u00e9raires. Et cela m\u2019ennuie d\u2019\u00eatre ennuy\u00e9 par si peu.<\/p>\n

Mais il est vrai que sit\u00f4t que l\u2019on commence \u00e0 me d\u00e9crire un personnage, un lieu, un bouquet de fleurs, et m\u00eame une sc\u00e8ne de cul, je baille d\u00e9sormais.<\/p>\n

Le b\u00e2illement est une chose formidable dont on ne parle presque jamais de la bonne fa\u00e7on, c\u2019est-\u00e0-dire pour en constater et en relever les vertus.<\/p>\n

Plus je vais vers la fin, plus je fais attention \u00e0 mes b\u00e2illements. Plus je m\u2019y fie. Et qu\u2019on ne vienne pas me dire que c\u2019est un ph\u00e9nom\u00e8ne digestif, je vous en prie, pas d\u2019enfantillage. D\u2019ailleurs, m\u00eame si ce n\u2019\u00e9tait que cela, et puisque d\u00e9sormais l\u2019intestin est consid\u00e9r\u00e9 comme notre v\u00e9ritable cerveau, tout b\u00e2illement devrait appartenir \u00e0 la s\u00e9mantique du colon, \u00e0 son vocabulaire, et \u00e0 sa syntaxe.<\/p>\n

Je trouve que flanquer des descriptions dans une histoire, c\u2019est tricher et se moquer des lecteurs. C\u2019est les prendre par la main en disant : viens voir par l\u00e0, je vais t\u2019en narrer une bonne que tu vas en rester bouche b\u00e9e durant 300 pages, alors qu\u2019en vrai, 50 auraient largement suffi pour \u00e9noncer cette somme de stupidit\u00e9s.<\/p>\n

Sans compter \u00e9videmment ce d\u00e9sastre \u00e9cologique d\u00fb \u00e0 la description : toutes ces for\u00eats d\u00e9vor\u00e9es par des bavardages d\u00e9biles si souvent.<\/p>\n

Je me demande si, quelque part, on ne pourrait pas parler de masturbation collective qui s\u2019effectuerait ainsi en douce et \u00e0 la barbe de l\u2019\u00c9glise via la litt\u00e9rature descriptive.<\/p>\n

Il faut \u00eatre deux pour danser le tango, bien s\u00fbr : l\u2019auteur et sa lectrice, l\u2019autrice et sa lectrice, les auteurs et leurs lecteurs.<\/p>\n

Mais on a d\u00e9j\u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision pour cela, me semble-t-il. Je veux dire, pour sombrer dans l\u2019onanisme en fin de journ\u00e9e en avalant des chips et des cacahu\u00e8tes. Faut-il vraiment en rajouter ?<\/p>", "content_text": "Je ne raffole pas des descriptions litt\u00e9raires. Et cela m\u2019ennuie d\u2019\u00eatre ennuy\u00e9 par si peu. Mais il est vrai que sit\u00f4t que l\u2019on commence \u00e0 me d\u00e9crire un personnage, un lieu, un bouquet de fleurs, et m\u00eame une sc\u00e8ne de cul, je baille d\u00e9sormais. Le b\u00e2illement est une chose formidable dont on ne parle presque jamais de la bonne fa\u00e7on, c\u2019est-\u00e0-dire pour en constater et en relever les vertus. Plus je vais vers la fin, plus je fais attention \u00e0 mes b\u00e2illements. Plus je m\u2019y fie. Et qu\u2019on ne vienne pas me dire que c\u2019est un ph\u00e9nom\u00e8ne digestif, je vous en prie, pas d\u2019enfantillage. D\u2019ailleurs, m\u00eame si ce n\u2019\u00e9tait que cela, et puisque d\u00e9sormais l\u2019intestin est consid\u00e9r\u00e9 comme notre v\u00e9ritable cerveau, tout b\u00e2illement devrait appartenir \u00e0 la s\u00e9mantique du colon, \u00e0 son vocabulaire, et \u00e0 sa syntaxe. Je trouve que flanquer des descriptions dans une histoire, c\u2019est tricher et se moquer des lecteurs. C\u2019est les prendre par la main en disant : viens voir par l\u00e0, je vais t\u2019en narrer une bonne que tu vas en rester bouche b\u00e9e durant 300 pages, alors qu\u2019en vrai, 50 auraient largement suffi pour \u00e9noncer cette somme de stupidit\u00e9s. Sans compter \u00e9videmment ce d\u00e9sastre \u00e9cologique d\u00fb \u00e0 la description : toutes ces for\u00eats d\u00e9vor\u00e9es par des bavardages d\u00e9biles si souvent. Je me demande si, quelque part, on ne pourrait pas parler de masturbation collective qui s\u2019effectuerait ainsi en douce et \u00e0 la barbe de l\u2019\u00c9glise via la litt\u00e9rature descriptive. Il faut \u00eatre deux pour danser le tango, bien s\u00fbr : l\u2019auteur et sa lectrice, l\u2019autrice et sa lectrice, les auteurs et leurs lecteurs. Mais on a d\u00e9j\u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision pour cela, me semble-t-il. Je veux dire, pour sombrer dans l\u2019onanisme en fin de journ\u00e9e en avalant des chips et des cacahu\u00e8tes. Faut-il vraiment en rajouter ? ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4515.jpg?1748065071", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-fevrier-2022.html", "title": "11 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-11T07:55:00Z", "date_modified": "2024-11-20T07:55:41Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Des gens s\u2019avancent, mains tendues, tout sourire.<\/p>\n

\u00c0 priori, on dirait bien de la gentillesse.<\/p>\n

Et puis vient soudain la pique qui s\u2019insinue dans le c\u0153ur du c\u0153ur, la b\u00e9vue, la maladresse des ben\u00eats ou l\u2019habilet\u00e9 des \u00e2mes tortueuses.<\/p>\n

Je me suis souvent dit que ces gentillesses-l\u00e0 portent tellement de pr\u00e9judice \u00e0 mon vieux r\u00eave de gentillesse qu\u2019il vaut mieux y renoncer. Surtout si je me surprends moi-m\u00eame dans un reflet, une vitre, une glace, main tendue, tout sourire, mais que le c\u0153ur n\u2019y est pas.<\/p>\n

Donc, peut-\u00eatre que croire \u00e0 la gentillesse est r\u00e9volu, et que pour s\u2019en pr\u00e9server il faille renouer avec un savoir-vivre presque oubli\u00e9, quelque chose qu\u2019autrefois on nommait la politesse.<\/p>\n

Ce qui m\u00e9riterait s\u00fbrement encore qu\u2019on se penche sur le sujet.<\/p>\n

Les gens polis excessivement m\u2019emmerdent, \u00e9videmment, aussi.<\/p>\n

Ils me rappellent simplement mes inaptitudes chroniques \u00e0 lire le moindre mode d\u2019emploi.<\/p>\n

Car dans la vie de tous les jours, je suis souvent bien trop poli pour \u00eatre honn\u00eate. Cependant, je ne d\u00e9valise personne, je cherche seulement \u00e0 ne pas heurter, blesser, jusqu\u2019\u00e0 ce que cela me cr\u00e8ve et que soudain j\u2019explose en quelques bons vieux jurons de derri\u00e8re les fagots.<\/p>\n

Du coup, cela m\u2019\u00e9nerve \u00e9videmment, et je finis par ne plus voir quiconque. Je me clo\u00eetre afin de me donner tranquillement et sans vergogne tout un tas de petits noms d\u2019oiseaux.<\/p>\n

Ma femme se moque, j\u2019adore \u00e7a. Car c\u2019est une r\u00e9action saine. Elle me d\u00e9samorce comme ces d\u00e9mineurs de plages normandes, avec un timing d\u2019une pr\u00e9cision inou\u00efe. Au milli\u00e8me de seconde, elle pr\u00e9vient tout bang et boum.<\/p>\n

Du coup, elle rit, je ris \u00e0 mon tour, et nous revenons \u00e0 nos moutons le plus aimablement du monde.<\/p>\n

\u00c0 noter qu\u2019\u00eatre aimable n\u2019a pas toujours grand-chose \u00e0 voir avec la gentillesse ni, d\u2019ailleurs, avec la politesse.<\/p>", "content_text": "Des gens s\u2019avancent, mains tendues, tout sourire. \u00c0 priori, on dirait bien de la gentillesse. Et puis vient soudain la pique qui s\u2019insinue dans le c\u0153ur du c\u0153ur, la b\u00e9vue, la maladresse des ben\u00eats ou l\u2019habilet\u00e9 des \u00e2mes tortueuses. Je me suis souvent dit que ces gentillesses-l\u00e0 portent tellement de pr\u00e9judice \u00e0 mon vieux r\u00eave de gentillesse qu\u2019il vaut mieux y renoncer. Surtout si je me surprends moi-m\u00eame dans un reflet, une vitre, une glace, main tendue, tout sourire, mais que le c\u0153ur n\u2019y est pas. Donc, peut-\u00eatre que croire \u00e0 la gentillesse est r\u00e9volu, et que pour s\u2019en pr\u00e9server il faille renouer avec un savoir-vivre presque oubli\u00e9, quelque chose qu\u2019autrefois on nommait la politesse. Ce qui m\u00e9riterait s\u00fbrement encore qu\u2019on se penche sur le sujet. Les gens polis excessivement m\u2019emmerdent, \u00e9videmment, aussi. Ils me rappellent simplement mes inaptitudes chroniques \u00e0 lire le moindre mode d\u2019emploi. Car dans la vie de tous les jours, je suis souvent bien trop poli pour \u00eatre honn\u00eate. Cependant, je ne d\u00e9valise personne, je cherche seulement \u00e0 ne pas heurter, blesser, jusqu\u2019\u00e0 ce que cela me cr\u00e8ve et que soudain j\u2019explose en quelques bons vieux jurons de derri\u00e8re les fagots. Du coup, cela m\u2019\u00e9nerve \u00e9videmment, et je finis par ne plus voir quiconque. Je me clo\u00eetre afin de me donner tranquillement et sans vergogne tout un tas de petits noms d\u2019oiseaux. Ma femme se moque, j\u2019adore \u00e7a. Car c\u2019est une r\u00e9action saine. Elle me d\u00e9samorce comme ces d\u00e9mineurs de plages normandes, avec un timing d\u2019une pr\u00e9cision inou\u00efe. Au milli\u00e8me de seconde, elle pr\u00e9vient tout bang et boum. Du coup, elle rit, je ris \u00e0 mon tour, et nous revenons \u00e0 nos moutons le plus aimablement du monde. \u00c0 noter qu\u2019\u00eatre aimable n\u2019a pas toujours grand-chose \u00e0 voir avec la gentillesse ni, d\u2019ailleurs, avec la politesse. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4500.jpg?1748065098", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-fevrier-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-fevrier-2022.html", "title": "10 f\u00e9vrier 2022", "date_published": "2022-02-10T07:52:00Z", "date_modified": "2024-11-20T07:52:21Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Durant quelques jours, il s\u2019absente. On le cherche partout, mais nul ne le trouve, et on finit par l\u2019oublier.<\/p>\n

Car voyez-vous, la vie est faite ainsi : lorsqu\u2019on ne trouve pas ce que l\u2019on cherche, on finit par oublier ce que l\u2019on cherchait. Il n\u2019y a pas de raison particuli\u00e8re \u00e0 cela, c\u2019est une sorte de constante sans laquelle la vie elle-m\u00eame ne parviendrait pas \u00e0 s\u2019y retrouver.<\/p>\n

Un matin, il baille et se l\u00e8ve du pied droit. Dehors, tout indique d\u00e9j\u00e0 l\u2019arriv\u00e9e du beau temps, peut-\u00eatre m\u00eame du printemps. Mais n\u2019anticipons pas ! Restons l\u00e0, au pr\u00e9sent.<\/p>\n

Quelques jours s\u2019\u00e9coulent comme de l\u2019eau qui s\u2019\u00e9vapore. Le sol de l\u2019atelier est sec. Froid et sec, id\u00e9al pour y marcher pieds nus et retrouver ainsi le contact avec la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n

R\u00e9capitulons.<\/p>\n

Le personnage principal de cette histoire est un peintre qui raconte sa vie de peintre. Ne nous \u00e9garons pas au-del\u00e0 de ce p\u00e9rim\u00e8tre.<\/p>\n

M\u00eame si le peintre en question poss\u00e8de des vell\u00e9it\u00e9s d\u2019\u00e9crivain, ou de chanteur, de coureur \u00e0 pied, de cuisinier, de collectionneur de mignonnettes, de porte-cl\u00e9s, de papillons, et qu\u2019il pratique en douce l\u2019art difficile de cr\u00e9er des herbiers, qu\u2019il ne rechigne nullement \u00e0 s\u2019enfoncer des apr\u00e8s-midi entiers dans des puzzles, \u00e0 relire des dictionnaires, des encyclop\u00e9dies, principalement m\u00e9dicales\u2026 M\u00eame si le peintre s\u2019\u00e9parpille en confection de sauces, de rago\u00fbts, dans la qu\u00eate effr\u00e9n\u00e9e du meilleur tandoori ou bien des mille et une versions de la cr\u00eape Suzette\u2026 soyons g\u00e9n\u00e9reux et bons avec le lecteur. Ne l\u2019\u00e9garons pas, retenons son attention de poisson rouge et repartons d\u2019un bon pied — le droit, comme je le pr\u00e9cise encore — et effectuons ce petit pas de c\u00f4t\u00e9.<\/p>\n

Dansons joue contre joue. Non, zut, d\u00e9sol\u00e9, c\u2019est venu comme \u00e7a.<\/p>\n

Il suffit qu\u2019on pose des limites pour que certaines personnes s\u2019acharnent \u00e0 ne pas les respecter.<\/p>\n

L\u2019auteur notamment. Ou son personnage\u2026<\/p>\n

Lequel des deux ? Myst\u00e8re et esquimau.<\/p>\n

— Et donc, t\u2019es mourus ou pas ?<\/p>\n

S\u2019interroge le lecteur, qui se pince comme pour se demander s\u2019il ne r\u00eave pas. S\u2019il est bien l\u00e0, en ce moment m\u00eame, en train d\u2019assister \u00e0 la renaissance d\u2019un Ph\u00e9nix — et en direct, je vous prie.<\/p>\n

N\u2019est-ce pas encore une tromperie, une trahison, un coup fourr\u00e9 ? Bref, quelque chose de totalement scandaleux de voir un mort se relever comme Lazare de B\u00e9thanie et se remettre en branle comme si de rien n\u2019\u00e9tait ?<\/p>\n

— O\u00f9 donc est J\u00e9sus, bordel, sans qui rien de ce genre ne peut exister ?<\/p>\n

La chatte roupille sur son coussin et l\u00e2che un pet dans son r\u00eave de chatte. J\u00e9sus par Minou.<\/p>\n

Le peintre ouvre les yeux, il se t\u00e2te, les couilles \u00e9videmment — c\u2019est la partie la plus centrale de l\u2019homme. Tout est l\u00e0, bien en place. Myst\u00e8re et esquimau.<\/p>\n

Le peintre prend une nouvelle toile, essuie ses pinceaux, pr\u00e9pare de nouvelles couleurs sur sa palette.<\/p>\n

Le voici parcouru d\u2019un l\u00e9ger frisson. Il a froid aux pieds. Alors il se dit qu\u2019il faut bouger pour se r\u00e9chauffer, peut-\u00eatre m\u00eame danser, sautiller, peindre vite, tr\u00e8s vite entre deux pens\u00e9es.<\/p>\n

L\u2019auteur aussi sent soudain ses pieds se r\u00e9chauffer. Et il \u00e9crit : sentir, mais pas que des pieds.<\/p>\n

Comme c\u2019est bizarre tout cela, qu\u2019il suffise de laisser s\u2019exprimer son personnage pour en vivre les sensations.<\/p>\n

Car l\u2019auteur, en g\u00e9n\u00e9ral, \u00e9videmment, n\u2019a pas du tout de sensation. Il s\u2019adapte \u00e0 tous les temps, \u00e0 toutes les temp\u00e9ratures, \u00e0 tous les climats.<\/p>\n

On ne sait m\u00eame pas si l\u2019auteur est un \u00eatre vivant. On serait bien en peine de le dire. Donc, tout ce que l\u2019on peut imaginer — car il ne reste que l\u2019imagination —, c\u2019est qu\u2019il n\u2019est pas mort non plus. Tout le monde sait pertinemment que les morts n\u2019ont rien \u00e0 dire. D\u2019ailleurs, ils n\u2019en ont pas besoin, puisque les vivants, comme les personnages, sont exactement cr\u00e9\u00e9s pour cela.<\/p>", "content_text": "Durant quelques jours, il s\u2019absente. On le cherche partout, mais nul ne le trouve, et on finit par l\u2019oublier. Car voyez-vous, la vie est faite ainsi : lorsqu\u2019on ne trouve pas ce que l\u2019on cherche, on finit par oublier ce que l\u2019on cherchait. Il n\u2019y a pas de raison particuli\u00e8re \u00e0 cela, c\u2019est une sorte de constante sans laquelle la vie elle-m\u00eame ne parviendrait pas \u00e0 s\u2019y retrouver. Un matin, il baille et se l\u00e8ve du pied droit. Dehors, tout indique d\u00e9j\u00e0 l\u2019arriv\u00e9e du beau temps, peut-\u00eatre m\u00eame du printemps. Mais n\u2019anticipons pas ! Restons l\u00e0, au pr\u00e9sent. Quelques jours s\u2019\u00e9coulent comme de l\u2019eau qui s\u2019\u00e9vapore. Le sol de l\u2019atelier est sec. Froid et sec, id\u00e9al pour y marcher pieds nus et retrouver ainsi le contact avec la r\u00e9alit\u00e9. R\u00e9capitulons. Le personnage principal de cette histoire est un peintre qui raconte sa vie de peintre. Ne nous \u00e9garons pas au-del\u00e0 de ce p\u00e9rim\u00e8tre. M\u00eame si le peintre en question poss\u00e8de des vell\u00e9it\u00e9s d\u2019\u00e9crivain, ou de chanteur, de coureur \u00e0 pied, de cuisinier, de collectionneur de mignonnettes, de porte-cl\u00e9s, de papillons, et qu\u2019il pratique en douce l\u2019art difficile de cr\u00e9er des herbiers, qu\u2019il ne rechigne nullement \u00e0 s\u2019enfoncer des apr\u00e8s-midi entiers dans des puzzles, \u00e0 relire des dictionnaires, des encyclop\u00e9dies, principalement m\u00e9dicales\u2026 M\u00eame si le peintre s\u2019\u00e9parpille en confection de sauces, de rago\u00fbts, dans la qu\u00eate effr\u00e9n\u00e9e du meilleur tandoori ou bien des mille et une versions de la cr\u00eape Suzette\u2026 soyons g\u00e9n\u00e9reux et bons avec le lecteur. Ne l\u2019\u00e9garons pas, retenons son attention de poisson rouge et repartons d\u2019un bon pied \u2014 le droit, comme je le pr\u00e9cise encore \u2014 et effectuons ce petit pas de c\u00f4t\u00e9. Dansons joue contre joue. Non, zut, d\u00e9sol\u00e9, c\u2019est venu comme \u00e7a. Il suffit qu\u2019on pose des limites pour que certaines personnes s\u2019acharnent \u00e0 ne pas les respecter. L\u2019auteur notamment. Ou son personnage\u2026 Lequel des deux ? Myst\u00e8re et esquimau. \u2014 Et donc, t\u2019es mourus ou pas ? S\u2019interroge le lecteur, qui se pince comme pour se demander s\u2019il ne r\u00eave pas. S\u2019il est bien l\u00e0, en ce moment m\u00eame, en train d\u2019assister \u00e0 la renaissance d\u2019un Ph\u00e9nix \u2014 et en direct, je vous prie. N\u2019est-ce pas encore une tromperie, une trahison, un coup fourr\u00e9 ? Bref, quelque chose de totalement scandaleux de voir un mort se relever comme Lazare de B\u00e9thanie et se remettre en branle comme si de rien n\u2019\u00e9tait ? \u2014 O\u00f9 donc est J\u00e9sus, bordel, sans qui rien de ce genre ne peut exister ? La chatte roupille sur son coussin et l\u00e2che un pet dans son r\u00eave de chatte. J\u00e9sus par Minou. Le peintre ouvre les yeux, il se t\u00e2te, les couilles \u00e9videmment \u2014 c\u2019est la partie la plus centrale de l\u2019homme. Tout est l\u00e0, bien en place. Myst\u00e8re et esquimau. Le peintre prend une nouvelle toile, essuie ses pinceaux, pr\u00e9pare de nouvelles couleurs sur sa palette. Le voici parcouru d\u2019un l\u00e9ger frisson. Il a froid aux pieds. Alors il se dit qu\u2019il faut bouger pour se r\u00e9chauffer, peut-\u00eatre m\u00eame danser, sautiller, peindre vite, tr\u00e8s vite entre deux pens\u00e9es. L\u2019auteur aussi sent soudain ses pieds se r\u00e9chauffer. Et il \u00e9crit : sentir, mais pas que des pieds. Comme c\u2019est bizarre tout cela, qu\u2019il suffise de laisser s\u2019exprimer son personnage pour en vivre les sensations. Car l\u2019auteur, en g\u00e9n\u00e9ral, \u00e9videmment, n\u2019a pas du tout de sensation. Il s\u2019adapte \u00e0 tous les temps, \u00e0 toutes les temp\u00e9ratures, \u00e0 tous les climats. On ne sait m\u00eame pas si l\u2019auteur est un \u00eatre vivant. On serait bien en peine de le dire. Donc, tout ce que l\u2019on peut imaginer \u2014 car il ne reste que l\u2019imagination \u2014, c\u2019est qu\u2019il n\u2019est pas mort non plus. Tout le monde sait pertinemment que les morts n\u2019ont rien \u00e0 dire. D\u2019ailleurs, ils n\u2019en ont pas besoin, puisque les vivants, comme les personnages, sont exactement cr\u00e9\u00e9s pour cela.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4516.jpg?1748065085", "tags": [] } ] }