{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/31-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/31-mars-2022.html", "title": "31 mars 2022", "date_published": "2022-03-31T17:09:00Z", "date_modified": "2024-11-30T18:10:04Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

La v\u00e9rit\u00e9 et le mensonge sont les mots que nous employons dans cette dimension. Pourtant, ces termes nous \u00e9loignent souvent de ce point particulier o\u00f9 il est possible de demeurer en paix, \u00e0 condition de rester silencieux, de ne pas penser avec des mots.<\/p>\n

Lorsque je fais attention \u00e0 l\u2019instant pr\u00e9sent, je r\u00e9alise que ce que je per\u00e7ois n\u2019a souvent rien \u00e0 voir avec les notions de v\u00e9rit\u00e9 ou de mensonge telles qu\u2019on me les a inculqu\u00e9es.<\/p>\n

Dire sa v\u00e9rit\u00e9 doucement, en la laissant d\u2019abord \u00e9merger en soi, constitue le commencement d\u2019une aventure extraordinaire.<\/p>\n

Mon erreur, sans doute, fut de la proclamer trop fort, \u00e0 trop de personnes qui ne souhaitaient pas l\u2019entendre. Je saisis donc cet instant pour leur demander pardon si elles estiment encore que je les ai bless\u00e9es.<\/p>\n

Depuis toujours, ce qui me guide est une aversion visc\u00e9rale pour l\u2019injustice, une aversion qui n\u2019a nul besoin du secours du raisonnement.<\/p>\n

Au contraire, chaque tentative de rationalisation me d\u00e9tourne de mes intuitions premi\u00e8res, de ce qui me para\u00eet juste ou injuste.<\/p>\n

Je serais bien incapable de dire d\u2019o\u00f9 me vient cette sensation. Elle est pr\u00e9sente depuis le commencement. Parfois, je dirais m\u00eame qu\u2019elle pr\u00e9c\u00e8de ma propre existence, qu\u2019elle appartient \u00e0 l\u2019\u00eatre que je suis avant que celui-ci ne se confonde avec cet avatar que je suis contraint de reconna\u00eetre comme moi-m\u00eame.<\/p>", "content_text": "La v\u00e9rit\u00e9 et le mensonge sont les mots que nous employons dans cette dimension. Pourtant, ces termes nous \u00e9loignent souvent de ce point particulier o\u00f9 il est possible de demeurer en paix, \u00e0 condition de rester silencieux, de ne pas penser avec des mots. Lorsque je fais attention \u00e0 l\u2019instant pr\u00e9sent, je r\u00e9alise que ce que je per\u00e7ois n\u2019a souvent rien \u00e0 voir avec les notions de v\u00e9rit\u00e9 ou de mensonge telles qu\u2019on me les a inculqu\u00e9es. Dire sa v\u00e9rit\u00e9 doucement, en la laissant d\u2019abord \u00e9merger en soi, constitue le commencement d\u2019une aventure extraordinaire. Mon erreur, sans doute, fut de la proclamer trop fort, \u00e0 trop de personnes qui ne souhaitaient pas l\u2019entendre. Je saisis donc cet instant pour leur demander pardon si elles estiment encore que je les ai bless\u00e9es. Depuis toujours, ce qui me guide est une aversion visc\u00e9rale pour l\u2019injustice, une aversion qui n\u2019a nul besoin du secours du raisonnement. Au contraire, chaque tentative de rationalisation me d\u00e9tourne de mes intuitions premi\u00e8res, de ce qui me para\u00eet juste ou injuste. Je serais bien incapable de dire d\u2019o\u00f9 me vient cette sensation. Elle est pr\u00e9sente depuis le commencement. Parfois, je dirais m\u00eame qu\u2019elle pr\u00e9c\u00e8de ma propre existence, qu\u2019elle appartient \u00e0 l\u2019\u00eatre que je suis avant que celui-ci ne se confonde avec cet avatar que je suis contraint de reconna\u00eetre comme moi-m\u00eame.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/waiting-in-the-wings-1532x2048-1.webp?1748065099", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-mars-2022.html", "title": "24 mars 2022", "date_published": "2022-03-24T10:06:00Z", "date_modified": "2024-11-25T10:07:01Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Parmi tous les personnages de cette histoire abracadabrante, il est temps d\u2019\u00e9voquer le professeur. Et si possible sans porter pr\u00e9judice \u00e0 celui-ci. C\u2019est \u00e0 dire en pesant le pour et le contre comme on le fait d\u2019ordinaire pour se faire une id\u00e9e \u00e0 peu pr\u00e8s juste de quoique ce soit.<\/p>\n

Impossible donc de p\u00e9n\u00e9trer dans les extr\u00eames. Il n\u2019y aura ni louange ni accablement. Juste l\u2019observation la plus objective possible des faits.<\/p>\n

A tr\u00e8s exactement 10h52 minutes le professeur commence \u00e0 s\u2019agacer et sort pr\u00e9cipitamment pour fumer une cigarette. Dehors il fait encore un peu frais mais il fait beau temps.<\/p>\n

Un bref coup d\u2019\u0153il sur l\u2019amp\u00e9lopsis squelettique du mur ouest de la cour et qui commence \u00e0 se peupler de longs bourgeons, inspire au professeur un bref r\u00e9confort.<\/p>\n

Il en profite pour faire le point rapidement car il se trouve aux prises avec un os. Avec cette \u00e9l\u00e8ve l\u00e0, la magie du professeur n\u2019op\u00e8re pas.<\/p>\n

Elle ne cesse de clamer qu\u2019elle ne sait pas o\u00f9 elle va, que le tableau qu\u2019elle est en train de faire ne veut rien dire, que tout est moche et qu\u2019elle ne sait pas si elle reviendra le mois suivant.<\/p>\n

A partir de l\u00e0 le professeur a le choix. Soit il rentre \u00e0 nouveau dans la pi\u00e8ce et il dit :<\/p>\n

— Effectivement c\u2019est mieux que tu ailles voir ailleurs car tu me gonfles le boudin prodigieusement.<\/p>\n

ou bien Il peut aussi revenir dans l\u2019atelier en disant :<\/p>\n

— C\u2019est super ! l\u2019amp\u00e9lopsis commence \u00e0 bourgeonner c\u2019est vraiment le d\u00e9marrage du printemps.<\/p>\n

Autre possibilit\u00e9 encore :<\/p>\n

— Tu sais c\u2019est tout \u00e0 fait normal de se sentir perdu au d\u00e9but, ce n\u2019est que ta troisi\u00e8me s\u00e9ance, accroche-toi.<\/p>\n

Et m\u00eame, il pourrait s\u2019asseoir, prendre une feuille et lui montrer comment lui, le professeur, r\u00e9alise un tableau abstrait sans r\u00e9fl\u00e9chir.<\/p>\n

En ajoutant en guise de pr\u00e9face peut-\u00eatre : « l\u2019important c\u2019est de bien pr\u00e9parer ses couleurs sur la palette pour ne pas se freiner ensuite ou s\u2019interrompre lorsqu\u2019on peint et qu\u2019il faut en refabriquer dans l\u2019urgence. »<\/p>\n

Eureka se dit le professeur en \u00e9teignant son m\u00e9got.<\/p>\n

Et il fait effectivement ce qu\u2019il a d\u00e9cid\u00e9 en dernier recours sous le regard de son \u00e9l\u00e8ve r\u00e9calcitrante. Elle a les larmes aux yeux la bichette.<\/p>\n

Puis il dit ;<\/p>\n

— \u00e0 toi de jouer ! en ajoutant un petit clin d\u2019\u0153il bienveillant, \u00e7a ne mange pas de pain se dit le professeur.<\/p>\n

D\u00e9sespoir de l\u2019\u00e9l\u00e8ve qui reste les yeux riv\u00e9s sur le tableau du professeur.<\/p>\n

— C\u2019est vraiment pas compliqu\u00e9 dit encore le professeur. Tu prends le pinceau, tu le trempes dans la peinture et tu peins sans y penser, en t\u2019amusant \u00e0 poser la couleur.<\/p>\n

— \u2026<\/p>\n

— Quels sont les trois mots importants ici et maintenant ? se sent contraint d\u2019ajouter encore le professeur, je vous les rappelle :<\/p>\n

Accepter
\nPlaisir
\nEnthousiasme.\n
— Maintenant si vous tenez \u00e0 souffrir absolument, libre \u00e0 vous, mais sachez que ce n\u2019est pas du tout n\u00e9cessaire pour r\u00e9aliser cet exercice.<\/p>\n

— Moi je ne peux toujours pas m\u2019emp\u00eacher de souffrir quand je peins dit une autre \u00e9l\u00e8ve comme pour rassurer sa voisine \u00e9plor\u00e9e.<\/p>\n

— c\u2019est parce que tu crois que souffrir te pr\u00e9servera de faire « n\u2019importe quoi » , parce que tu crois que souffrir est la seule solution pour un but une destination, un accouchement\u2026 Dit le professeur.<\/p>\n

Puis il s\u2019adresse au groupe dans son ensemble :<\/p>\n

— Ce que vous appeler une destination un but c\u2019est du d\u00e9j\u00e0 vu, c\u2019est un clich\u00e9 auquel vous vous accrochez comme une moule \u00e0 son rocher. Oubliez ces choses idiotes, peignez et surprenez vous.<\/p>", "content_text": "Parmi tous les personnages de cette histoire abracadabrante, il est temps d\u2019\u00e9voquer le professeur. Et si possible sans porter pr\u00e9judice \u00e0 celui-ci. C\u2019est \u00e0 dire en pesant le pour et le contre comme on le fait d\u2019ordinaire pour se faire une id\u00e9e \u00e0 peu pr\u00e8s juste de quoique ce soit. Impossible donc de p\u00e9n\u00e9trer dans les extr\u00eames. Il n\u2019y aura ni louange ni accablement. Juste l\u2019observation la plus objective possible des faits. A tr\u00e8s exactement 10h52 minutes le professeur commence \u00e0 s\u2019agacer et sort pr\u00e9cipitamment pour fumer une cigarette. Dehors il fait encore un peu frais mais il fait beau temps. Un bref coup d\u2019\u0153il sur l\u2019amp\u00e9lopsis squelettique du mur ouest de la cour et qui commence \u00e0 se peupler de longs bourgeons, inspire au professeur un bref r\u00e9confort. Il en profite pour faire le point rapidement car il se trouve aux prises avec un os. Avec cette \u00e9l\u00e8ve l\u00e0, la magie du professeur n\u2019op\u00e8re pas. Elle ne cesse de clamer qu\u2019elle ne sait pas o\u00f9 elle va, que le tableau qu\u2019elle est en train de faire ne veut rien dire, que tout est moche et qu\u2019elle ne sait pas si elle reviendra le mois suivant. A partir de l\u00e0 le professeur a le choix. Soit il rentre \u00e0 nouveau dans la pi\u00e8ce et il dit : \u2014Effectivement c\u2019est mieux que tu ailles voir ailleurs car tu me gonfles le boudin prodigieusement. ou bien Il peut aussi revenir dans l\u2019atelier en disant: \u2014 C\u2019est super ! l\u2019amp\u00e9lopsis commence \u00e0 bourgeonner c\u2019est vraiment le d\u00e9marrage du printemps. Autre possibilit\u00e9 encore : \u2014 Tu sais c\u2019est tout \u00e0 fait normal de se sentir perdu au d\u00e9but, ce n\u2019est que ta troisi\u00e8me s\u00e9ance, accroche-toi. Et m\u00eame, il pourrait s\u2019asseoir, prendre une feuille et lui montrer comment lui, le professeur, r\u00e9alise un tableau abstrait sans r\u00e9fl\u00e9chir. En ajoutant en guise de pr\u00e9face peut-\u00eatre : \u00ab l\u2019important c\u2019est de bien pr\u00e9parer ses couleurs sur la palette pour ne pas se freiner ensuite ou s\u2019interrompre lorsqu\u2019on peint et qu\u2019il faut en refabriquer dans l\u2019urgence. \u00bb Eureka se dit le professeur en \u00e9teignant son m\u00e9got. Et il fait effectivement ce qu\u2019il a d\u00e9cid\u00e9 en dernier recours sous le regard de son \u00e9l\u00e8ve r\u00e9calcitrante. Elle a les larmes aux yeux la bichette. Puis il dit ; \u2014 \u00e0 toi de jouer ! en ajoutant un petit clin d\u2019\u0153il bienveillant, \u00e7a ne mange pas de pain se dit le professeur. D\u00e9sespoir de l\u2019\u00e9l\u00e8ve qui reste les yeux riv\u00e9s sur le tableau du professeur. \u2014 C\u2019est vraiment pas compliqu\u00e9 dit encore le professeur. Tu prends le pinceau, tu le trempes dans la peinture et tu peins sans y penser, en t\u2019amusant \u00e0 poser la couleur. \u2014 \u2026 \u2014Quels sont les trois mots importants ici et maintenant ? se sent contraint d\u2019ajouter encore le professeur, je vous les rappelle: Accepter Plaisir Enthousiasme. \u2014Maintenant si vous tenez \u00e0 souffrir absolument, libre \u00e0 vous, mais sachez que ce n\u2019est pas du tout n\u00e9cessaire pour r\u00e9aliser cet exercice. \u2014Moi je ne peux toujours pas m\u2019emp\u00eacher de souffrir quand je peins dit une autre \u00e9l\u00e8ve comme pour rassurer sa voisine \u00e9plor\u00e9e. \u2014 c\u2019est parce que tu crois que souffrir te pr\u00e9servera de faire \u00ab n\u2019importe quoi \u00bb , parce que tu crois que souffrir est la seule solution pour un but une destination, un accouchement\u2026 Dit le professeur. Puis il s\u2019adresse au groupe dans son ensemble : \u2014Ce que vous appeler une destination un but c\u2019est du d\u00e9j\u00e0 vu, c\u2019est un clich\u00e9 auquel vous vous accrochez comme une moule \u00e0 son rocher. Oubliez ces choses idiotes, peignez et surprenez vous. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_5227.webp?1748065128", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-mars-2022.html", "title": "23 mars 2022", "date_published": "2022-03-23T18:02:00Z", "date_modified": "2024-11-30T18:02:40Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

D\u00e9truire, construire, respiration de peintre<\/p>\n<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>", "content_text": "D\u00e9truire, construire, respiration de peintre ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_5251.webp?1748065153", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-mars-2022.html", "title": "13 mars 2022", "date_published": "2022-03-13T17:56:00Z", "date_modified": "2024-11-30T17:56:58Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
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Si on se base sur une th\u00e9orie d\u00e9terministe ( pourquoi ne pas le faire ? ) le tableau est d\u00e9j\u00e0 r\u00e9alis\u00e9 avant d\u2019\u00eatre commenc\u00e9. Et dans ce cas le « libre-arbitre » n\u2019est qu\u2019une illusion. Car en fait lorsque je pr\u00e9pare la couleur, que je l\u2019\u00e9tale sur la toile je ne fais que suivre un programme. Ce programme aurait pour fonction d\u2019atteindre un objectif : le tableau achev\u00e9 avec un certain nombre de crit\u00e8res qui indiqueraient cette finalit\u00e9 et qui seraient d\u00e9j\u00e0 param\u00e9tr\u00e9s \u00e0 l\u2019avance.<\/p>\n

Autrement dit lorsque je peins je suis dans un couloir temporel qui commence \u00e0 un certain point et s\u2019ach\u00e8ve \u00e0 un autre. Et malgr\u00e9 tout ce que je peux penser du hasard, de mes pr\u00e9occupations du moment, de mon gout pour telle ou telle couleur, forme, ligne, tout serait d\u00e9j\u00e0 potentiellement grav\u00e9 en amont et je ne ferais qu\u2019ex\u00e9cuter ce programme dans une totale ignorance, et confondant cela avec des notions de choix, de cr\u00e9ativit\u00e9.<\/p>\n

Comment prendre conscience de cela, et surtout en avoir la preuve dans un premier temps ?<\/p>\n

En abandonnant l\u2019id\u00e9e du libre-arbitre, c\u2019est \u00e0 dire en me remettant totalement \u00e0 ce que j\u2019appelle le hasard. Ce qui laisse un sentiment mitig\u00e9 \u00e0 la fin car suis-je vraiment l\u2019auteur d\u2019un tel tableau ? C\u2019est en tous cas ce que pense r\u00e9guli\u00e8rement l\u2019ego et qui pour tenter de r\u00e9cup\u00e9rer quelque chose de l\u2019\u00e9v\u00e9nement met en branle le jugement.<\/p>\n

Ceci est bien ceci ne l\u2019est pas, en se donnant la possibilit\u00e9 d\u2019intervenir « plus consciemment » sur une partie ou la globalit\u00e9 du tableau. Ce qui provoque ce que j\u2019appelle aussi une tricherie.<\/p>\n

Ce sentiment de tricher avec quelque chose de l\u2019ordre du hasard c\u2019est sans doute pour moi l\u00e0 justement que se situe la possibilit\u00e9 de transformer le futur du tableau. Cependant qu\u2019il ne faut pas que je m\u2019en d\u00e9tourne, que je l\u2019oublie, que je le d\u00e9nigre.<\/p>\n

Au contraire si j\u2019\u00e9prouve \u00e0 un moment donn\u00e9 cet \u00e9cart, cela signifie que je ne comprends rien \u00e0 l\u2019intention d\u2019origine. Car bien sur rien ne peut exister sans une intention.<\/p>\n

Ce qui me renvoie encore une fois \u00e0 cette tarte \u00e0 la cr\u00e8me que repr\u00e9sente encore ( pour moi toujours) le serpent de mer de la d\u00e9marche artistique.<\/p>\n

Puis je d\u00e9cider seul, c\u2019est \u00e0 dire moi le petit je d\u2019\u00eatre l\u2019auteur pleinement de quoi que ce soit. C\u2019est exactement sur cela que je n\u2019ai jamais cess\u00e9 de buter tellement je sens que cette d\u00e9cision est erron\u00e9e.<\/p>\n

Que je ne peux n\u2019\u00eatre qu\u2019en partie, et de fa\u00e7on r\u00e9duite parcellaire le cr\u00e9ateur du tableau. Que toutes les informations qui me seront arriv\u00e9es en amont, durant le processus de la peinture, et ensuite en constatant un r\u00e9sultat, ne m\u2019appartiennent pas totalement. C\u2019est une cocr\u00e9ation avec beaucoup de param\u00e8tres qui ne cessent de m\u2019\u00e9chapper sit\u00f4t que je tente de les identifier, pire vouloir les contr\u00f4ler ou les ma\u00eetriser.<\/p>\n

Ce qui oblige \u00e0 une humilit\u00e9 imm\u00e9diate que je ne ma\u00eetrise pas non plus. En g\u00e9n\u00e9ral je suis assez \u00e9nerv\u00e9 que l\u2019on me dise que mon tableau est beau par exemple. Ou que l\u2019on me consid\u00e8re avec du Monsieur, de l\u2019artiste, et je ne sais quoi encore.<\/p>\n

Mais je m\u2019\u00e9tale encore. Bref je me demandais si on peut intervenir sur le futur d\u2019un tableau. Ce qui pour la plupart des gens qui liront ce texte rel\u00e8ve certainement de la pure idiotie ou d\u2019une perte de temps, ou d\u2019une maladie mentale av\u00e9r\u00e9e.<\/p>", "content_text": "Si on se base sur une th\u00e9orie d\u00e9terministe ( pourquoi ne pas le faire ? ) le tableau est d\u00e9j\u00e0 r\u00e9alis\u00e9 avant d\u2019\u00eatre commenc\u00e9. Et dans ce cas le \u00ab libre-arbitre \u00bb n\u2019est qu\u2019une illusion. Car en fait lorsque je pr\u00e9pare la couleur, que je l\u2019\u00e9tale sur la toile je ne fais que suivre un programme. Ce programme aurait pour fonction d\u2019atteindre un objectif : le tableau achev\u00e9 avec un certain nombre de crit\u00e8res qui indiqueraient cette finalit\u00e9 et qui seraient d\u00e9j\u00e0 param\u00e9tr\u00e9s \u00e0 l\u2019avance. Autrement dit lorsque je peins je suis dans un couloir temporel qui commence \u00e0 un certain point et s\u2019ach\u00e8ve \u00e0 un autre. Et malgr\u00e9 tout ce que je peux penser du hasard, de mes pr\u00e9occupations du moment, de mon gout pour telle ou telle couleur, forme, ligne, tout serait d\u00e9j\u00e0 potentiellement grav\u00e9 en amont et je ne ferais qu\u2019ex\u00e9cuter ce programme dans une totale ignorance, et confondant cela avec des notions de choix, de cr\u00e9ativit\u00e9. Comment prendre conscience de cela, et surtout en avoir la preuve dans un premier temps ? En abandonnant l\u2019id\u00e9e du libre-arbitre, c\u2019est \u00e0 dire en me remettant totalement \u00e0 ce que j\u2019appelle le hasard. Ce qui laisse un sentiment mitig\u00e9 \u00e0 la fin car suis-je vraiment l\u2019auteur d\u2019un tel tableau ? C\u2019est en tous cas ce que pense r\u00e9guli\u00e8rement l\u2019ego et qui pour tenter de r\u00e9cup\u00e9rer quelque chose de l\u2019\u00e9v\u00e9nement met en branle le jugement. Ceci est bien ceci ne l\u2019est pas, en se donnant la possibilit\u00e9 d\u2019intervenir \u00ab plus consciemment \u00bb sur une partie ou la globalit\u00e9 du tableau. Ce qui provoque ce que j\u2019appelle aussi une tricherie. Ce sentiment de tricher avec quelque chose de l\u2019ordre du hasard c\u2019est sans doute pour moi l\u00e0 justement que se situe la possibilit\u00e9 de transformer le futur du tableau. Cependant qu\u2019il ne faut pas que je m\u2019en d\u00e9tourne, que je l\u2019oublie, que je le d\u00e9nigre. Au contraire si j\u2019\u00e9prouve \u00e0 un moment donn\u00e9 cet \u00e9cart, cela signifie que je ne comprends rien \u00e0 l\u2019intention d\u2019origine. Car bien sur rien ne peut exister sans une intention. Ce qui me renvoie encore une fois \u00e0 cette tarte \u00e0 la cr\u00e8me que repr\u00e9sente encore ( pour moi toujours) le serpent de mer de la d\u00e9marche artistique. Puis je d\u00e9cider seul, c\u2019est \u00e0 dire moi le petit je d\u2019\u00eatre l\u2019auteur pleinement de quoi que ce soit. C\u2019est exactement sur cela que je n\u2019ai jamais cess\u00e9 de buter tellement je sens que cette d\u00e9cision est erron\u00e9e. Que je ne peux n\u2019\u00eatre qu\u2019en partie, et de fa\u00e7on r\u00e9duite parcellaire le cr\u00e9ateur du tableau. Que toutes les informations qui me seront arriv\u00e9es en amont, durant le processus de la peinture, et ensuite en constatant un r\u00e9sultat, ne m\u2019appartiennent pas totalement. C\u2019est une cocr\u00e9ation avec beaucoup de param\u00e8tres qui ne cessent de m\u2019\u00e9chapper sit\u00f4t que je tente de les identifier, pire vouloir les contr\u00f4ler ou les ma\u00eetriser. Ce qui oblige \u00e0 une humilit\u00e9 imm\u00e9diate que je ne ma\u00eetrise pas non plus. En g\u00e9n\u00e9ral je suis assez \u00e9nerv\u00e9 que l\u2019on me dise que mon tableau est beau par exemple. Ou que l\u2019on me consid\u00e8re avec du Monsieur, de l\u2019artiste, et je ne sais quoi encore. Mais je m\u2019\u00e9tale encore. Bref je me demandais si on peut intervenir sur le futur d\u2019un tableau. Ce qui pour la plupart des gens qui liront ce texte rel\u00e8ve certainement de la pure idiotie ou d\u2019une perte de temps, ou d\u2019une maladie mentale av\u00e9r\u00e9e.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20180701_094456.webp?1748065101", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-mars-2022.html", "title": "07 mars 2022", "date_published": "2022-03-07T18:45:00Z", "date_modified": "2024-11-29T18:46:04Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

2022, mon vieux Platon, nous y voil\u00e0, et rien de ce que tu disais n\u2019a chang\u00e9. Nous sommes toujours dans une caverne, \u00e0 gribouiller sur les murs des v\u00e9rit\u00e9s qui nous arrangent. Des v\u00e9rit\u00e9s pour expliquer le monde, les \u00e9v\u00e9nements, pour nous conforter, nous r\u00e9conforter, autant qu\u2019il est possible de le faire avec les bribes qu\u2019on nous jette. Les restes, les miettes, comme \u00e0 des chiens sous la table d\u2019un banquet.<\/p>\n

Les grands de ce monde ? Ils ne se salissent toujours pas les mains. Leur priorit\u00e9 reste immuable : conserver leur avantage, pr\u00e9server leur belle image, arroser leurs profits avec la sueur et les larmes des autres. Et de ce terreau, tout d\u00e9coule : l\u2019\u00e9cole, l\u2019usine, le bureau, le bureau de placement, l\u2019EHPAD, le cr\u00e9matorium, et ces petites urnes dont le contenu est dispers\u00e9 \u00e0 tous vents.<\/p>\n

Nous sommes dans l\u2019\u00e8re des simulacres. M\u00eame le film Matrix ressemble \u00e0 un conte de f\u00e9es \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la r\u00e9alit\u00e9. Tout ce qui nous reste, c\u2019est un fant\u00f4me : un fant\u00f4me de r\u00eave, un fant\u00f4me de libert\u00e9. Un espoir aussi t\u00e9nu que la racine de la derni\u00e8re dent que j\u2019ai perdue en mordant dans mon pain dur.<\/p>\n

Il faut 21 jours pour que le souvenir d\u2019un membre amput\u00e9 s\u2019estompe. Que la cervelle, enfin, soit au diapason de l\u2019absence. 21 jours \u00e0 voir passer de la viande rouge comme Tantale regardait l\u2019eau. Et ensuite ? On passe joyeusement \u00e0 la pur\u00e9e.<\/p>\n

Dans 21 jours, nous en serons o\u00f9 ? Encore vacillants ? Encore \u00e0 nous demander ce qui a bien pu se passer ? Vacillants, h\u00e9sitants, et \u00e0 faire appel \u00e0 des experts pour nous dire quoi penser ?<\/p>\n

Le cadre ne tient plus la route. Aucun cadre ne peut supporter autant d\u2019ineptie.<\/p>\n

Alors moi, je vais m\u2019adapter. Je ne monterai plus mes toiles sur ch\u00e2ssis. Je les roulerai dans des tubes et les enverrai ainsi \u00e0 mes collectionneurs. Pas de frais de port, pas de cadres, pas de contraintes. Ils les monteront sur ch\u00e2ssis ou pas, comme bon leur semblera.<\/p>", "content_text": "2022, mon vieux Platon, nous y voil\u00e0, et rien de ce que tu disais n\u2019a chang\u00e9. Nous sommes toujours dans une caverne, \u00e0 gribouiller sur les murs des v\u00e9rit\u00e9s qui nous arrangent. Des v\u00e9rit\u00e9s pour expliquer le monde, les \u00e9v\u00e9nements, pour nous conforter, nous r\u00e9conforter, autant qu\u2019il est possible de le faire avec les bribes qu\u2019on nous jette. Les restes, les miettes, comme \u00e0 des chiens sous la table d\u2019un banquet. Les grands de ce monde ? Ils ne se salissent toujours pas les mains. Leur priorit\u00e9 reste immuable : conserver leur avantage, pr\u00e9server leur belle image, arroser leurs profits avec la sueur et les larmes des autres. Et de ce terreau, tout d\u00e9coule : l\u2019\u00e9cole, l\u2019usine, le bureau, le bureau de placement, l\u2019EHPAD, le cr\u00e9matorium, et ces petites urnes dont le contenu est dispers\u00e9 \u00e0 tous vents. Nous sommes dans l\u2019\u00e8re des simulacres. M\u00eame le film Matrix ressemble \u00e0 un conte de f\u00e9es \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la r\u00e9alit\u00e9. Tout ce qui nous reste, c\u2019est un fant\u00f4me : un fant\u00f4me de r\u00eave, un fant\u00f4me de libert\u00e9. Un espoir aussi t\u00e9nu que la racine de la derni\u00e8re dent que j\u2019ai perdue en mordant dans mon pain dur. Il faut 21 jours pour que le souvenir d\u2019un membre amput\u00e9 s\u2019estompe. Que la cervelle, enfin, soit au diapason de l\u2019absence. 21 jours \u00e0 voir passer de la viande rouge comme Tantale regardait l\u2019eau. Et ensuite ? On passe joyeusement \u00e0 la pur\u00e9e. Dans 21 jours, nous en serons o\u00f9 ? Encore vacillants ? Encore \u00e0 nous demander ce qui a bien pu se passer ? Vacillants, h\u00e9sitants, et \u00e0 faire appel \u00e0 des experts pour nous dire quoi penser ? Le cadre ne tient plus la route. Aucun cadre ne peut supporter autant d\u2019ineptie. Alors moi, je vais m\u2019adapter. Je ne monterai plus mes toiles sur ch\u00e2ssis. Je les roulerai dans des tubes et les enverrai ainsi \u00e0 mes collectionneurs. Pas de frais de port, pas de cadres, pas de contraintes. Ils les monteront sur ch\u00e2ssis ou pas, comme bon leur semblera.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_1069.webp?1748065083", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/6-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/6-mars-2022.html", "title": "6 mars 2022", "date_published": "2022-03-06T18:41:00Z", "date_modified": "2024-11-29T18:42:13Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je ne pr\u00e9pare rien. J\u2019aime improviser, j\u2019aime cette sensation de me retrouver soudain suspendu au-dessus du vide, \u00e0 marcher comme un funambule sur un fil. Si j\u2019ai peur ? Oui, bien s\u00fbr, un peu tout de m\u00eame, c\u2019est-\u00e0-dire juste ce qu\u2019il est n\u00e9cessaire d\u2019\u00e9prouver pour \u00eatre pouss\u00e9 \u00e0 effectuer le premier pas, et continuer ensuite \u00e0 avancer.<\/p>\n

Je me disais \u00e7a en rentrant de mon stage de peinture hier soir. Je me disais que \u00e7a avait fonctionn\u00e9 encore une fois, comme par miracle. J\u2019avais encore os\u00e9 me rendre l\u00e0-bas les mains quasiment dans les poches. J\u2019avais os\u00e9 encore me dire : on verra bien.<\/p>\n

Car quel enjeu au fond ? Que \u00e7a marche ? Que \u00e7a rate ? Que je gagne ou pas de l\u2019argent ? Toutes ces questions que l\u2019on se pose sans rel\u00e2che \u00e0 chaque pas que l\u2019on effectue dans un sens ou dans un autre\u2026 \u00c0 quoi bon ces questions ?<\/p>\n

Si je suis ce que je dis, alors tout ira bien. Et si \u00e7a ne fonctionne pas, c\u2019est que je dois continuer \u00e0 polir mes phrases encore et encore. C\u2019est que je suis encore trop \u00e9loign\u00e9 de moi et du ciel. Donc une le\u00e7on nouvelle, des choses \u00e0 apprendre\u2026 Il suffit de l\u2019accepter, d\u2019y prendre plaisir, de conserver l\u2019enthousiasme comme une braise.<\/p>\n

Le d\u00e9but de ce stage \u00e9tait assez classique. Quoique la pr\u00e9sentation soit originale : trois vignettes en bas, un grand format au-dessus, le tout r\u00e9alis\u00e9 \u00e0 l\u2019encre de Chine avec juste un coin de tableau. Puis on encha\u00eene avec le fusain. Encore plus classique finalement, sauf qu\u2019\u00e0 un moment je propose de zoomer, d\u2019agrandir le premier dessin. Mais peu s\u2019\u00e9garent de la repr\u00e9sentation d\u2019un visage connu.<\/p>\n

Et puis vient l\u2019apr\u00e8s-midi, la peinture.<\/p>\n

Je fais coller des bouts de papier journal, puis on peint en les oubliant : un fond, puis le fameux visage.<\/p>\n

Oh, les beaux visages bien peints, superbes\u2026<\/p>\n

Et maintenant, retirez donc les morceaux de papier que vous avez coll\u00e9s au tout d\u00e9but\u2026<\/p>\n

Horreur, stup\u00e9faction, d\u00e9solation : les visages sont presque enti\u00e8rement d\u00e9truits par les d\u00e9chirures.<\/p>\n

Reprenez le fusain, compl\u00e9tez la partie manquante\u2026 Rien de grave, allez, courage\u2026<\/p>", "content_text": "Je ne pr\u00e9pare rien. J\u2019aime improviser, j\u2019aime cette sensation de me retrouver soudain suspendu au-dessus du vide, \u00e0 marcher comme un funambule sur un fil. Si j\u2019ai peur ? Oui, bien s\u00fbr, un peu tout de m\u00eame, c\u2019est-\u00e0-dire juste ce qu\u2019il est n\u00e9cessaire d\u2019\u00e9prouver pour \u00eatre pouss\u00e9 \u00e0 effectuer le premier pas, et continuer ensuite \u00e0 avancer. Je me disais \u00e7a en rentrant de mon stage de peinture hier soir. Je me disais que \u00e7a avait fonctionn\u00e9 encore une fois, comme par miracle. J\u2019avais encore os\u00e9 me rendre l\u00e0-bas les mains quasiment dans les poches. J\u2019avais os\u00e9 encore me dire : on verra bien. Car quel enjeu au fond ? Que \u00e7a marche ? Que \u00e7a rate ? Que je gagne ou pas de l\u2019argent ? Toutes ces questions que l\u2019on se pose sans rel\u00e2che \u00e0 chaque pas que l\u2019on effectue dans un sens ou dans un autre\u2026 \u00c0 quoi bon ces questions ? Si je suis ce que je dis, alors tout ira bien. Et si \u00e7a ne fonctionne pas, c\u2019est que je dois continuer \u00e0 polir mes phrases encore et encore. C\u2019est que je suis encore trop \u00e9loign\u00e9 de moi et du ciel. Donc une le\u00e7on nouvelle, des choses \u00e0 apprendre\u2026 Il suffit de l\u2019accepter, d\u2019y prendre plaisir, de conserver l\u2019enthousiasme comme une braise. Le d\u00e9but de ce stage \u00e9tait assez classique. Quoique la pr\u00e9sentation soit originale : trois vignettes en bas, un grand format au-dessus, le tout r\u00e9alis\u00e9 \u00e0 l\u2019encre de Chine avec juste un coin de tableau. Puis on encha\u00eene avec le fusain. Encore plus classique finalement, sauf qu\u2019\u00e0 un moment je propose de zoomer, d\u2019agrandir le premier dessin. Mais peu s\u2019\u00e9garent de la repr\u00e9sentation d\u2019un visage connu. Et puis vient l\u2019apr\u00e8s-midi, la peinture. Je fais coller des bouts de papier journal, puis on peint en les oubliant : un fond, puis le fameux visage. Oh, les beaux visages bien peints, superbes\u2026 Et maintenant, retirez donc les morceaux de papier que vous avez coll\u00e9s au tout d\u00e9but\u2026 Horreur, stup\u00e9faction, d\u00e9solation : les visages sont presque enti\u00e8rement d\u00e9truits par les d\u00e9chirures. Reprenez le fusain, compl\u00e9tez la partie manquante\u2026 Rien de grave, allez, courage\u2026 ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_4619-2.jpg?1748065095", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/4-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/4-mars-2022.html", "title": "4 mars 2022", "date_published": "2022-03-04T18:33:00Z", "date_modified": "2024-11-29T18:34:19Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Tout \u00e0 l\u2019heure, je repars pour une longue journ\u00e9e de stage \u00e0 la MJC. Ces derniers temps, je r\u00e9fl\u00e9chis beaucoup au temps, \u00e0 la fa\u00e7on dont je l\u2019utilise, et surtout \u00e0 ce que je cherche \u00e0 accomplir.<\/p>\n

Comme tout le monde, ma priorit\u00e9 est de payer les factures. Mais cette priorit\u00e9 s\u2019accompagne d\u2019une peur constante. En tant qu\u2019ind\u00e9pendant, je ne peux jamais vraiment savoir quel chiffre d\u2019affaires je vais r\u00e9aliser ce mois-ci. C\u2019est la raison pour laquelle j\u2019ai gard\u00e9 un job d\u2019enseignant. Par peur. Parce que je ne suis jamais certain que la vente de mes \u0153uvres suffira \u00e0 couvrir mes besoins.<\/p>\n

Mais ce compromis a son revers. Il est difficile de se donner l\u2019espace et le temps n\u00e9cessaires pour cr\u00e9er, r\u00eaver, et en m\u00eame temps rester concentr\u00e9 sur une t\u00e2che pragmatique comme l\u2019enseignement. Je me suis souvent dit que c\u2019\u00e9tait une question d\u2019organisation, qu\u2019il suffisait de d\u00e9finir un emploi du temps clair. Mais ce n\u2019est pas si simple. L\u2019\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9e dans l\u2019un ou l\u2019autre finit par s\u2019\u00e9puiser.<\/p>\n

Au fond, j\u2019oscille toujours entre deux \u00e9tats : l\u2019enthousiasme, quand j\u2019arrive \u00e0 d\u00e9penser mon \u00e9nergie dans une direction utile, et la d\u00e9pression, quand je vois que je n\u2019y arrive pas. Si je regarde de pr\u00e8s, l\u2019\u00e9chec vient souvent d\u2019un probl\u00e8me de timing, d\u2019organisation. Mais je m\u2019accable moi-m\u00eame, je ne rejette jamais la faute sur l\u2019ext\u00e9rieur. C\u2019est toujours une question de responsabilit\u00e9 \u2013 ou plut\u00f4t d\u2019irresponsabilit\u00e9.<\/p>\n

Parfois, j\u2019ai l\u2019impression d\u2019\u00eatre plusieurs personnes en m\u00eame temps. Il y a l\u2019ouvrier en moi, qui abat le travail. L\u2019architecte, qui r\u00eave de projets ambitieux mais flous. Et puis le patron, qui pense aux factures et aux commandes. Une \u00e9quipe chaotique o\u00f9 chacun tire la couverture \u00e0 lui, jusqu\u2019\u00e0 la d\u00e9chirer.<\/p>\n

Si je devais les reconna\u00eetre, je leur donnerais des casquettes :<\/p>\n

L\u2019ouvrier serait vert, les mains dans le cambouis.
\nL\u2019architecte serait bleu, toujours tourn\u00e9 vers l\u2019avenir.
\nLe patron serait rouge, tendu par l\u2019urgence.
\nMais m\u00eame avec ces casquettes, la cacophonie reste la m\u00eame. L\u2019ouvrier se plaint : « Je ne vais pas passer ma vie \u00e0 bosser pour un salaire de mis\u00e8re. » L\u2019architecte proteste : « Je d\u00e9borde d\u2019id\u00e9es, et personne ne m\u2019\u00e9coute. » Et le patron, agac\u00e9, r\u00e9torque : « Je dois couvrir les factures, sinon tout s\u2019\u00e9croule. »<\/p>\n

C\u2019est alors que je l\u2019entends. Pas Dieu. Une voix plus trouble, plus basse, qui gronde \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur. Le dibbouk, ou ce que j\u2019imagine qu\u2019il serait. Une voix qui n\u2019a rien de rassurant, mais que je ne peux pas ignorer.<\/p>\n

« Vous \u00eates divis\u00e9s parce que vous ne savez pas ce que vous voulez. Vous croyez \u00eatre trois, mais c\u2019est pire : vous \u00eates un chaos sans visage. Et ce chaos, c\u2019est moi. Croyez-moi, si vous continuez comme \u00e7a, il ne restera que moi. »<\/p>\n

Je reste fig\u00e9. La voix continue, moqueuse, presque amus\u00e9e :
\n« R\u00e9unissez-vous autour d\u2019une table. Dites ce que vous voulez vraiment. Soyez honn\u00eates. Faites une liste de ce qui vous r\u00e9unit et virez tout le reste. Mais faites vite, parce que chaque jour o\u00f9 vous tergiversez, je gagne un peu plus de terrain. »<\/p>\n

Le dibbouk ricane, et je l\u2019imagine s\u2019accouder sur ma table, jouant avec une allumette. Il ajoute :
\n« Si vous ne faites rien, je vais finir par prendre toute la place. Ce sera mon entreprise, mon temps, mes choix. Alors, au boulot. Pendant que vous h\u00e9sitez, moi je construis mon royaume. »<\/p>\n

Et l\u00e0, je comprends que ce n\u2019est pas un avertissement. C\u2019est une promesse.<\/p>", "content_text": "Tout \u00e0 l\u2019heure, je repars pour une longue journ\u00e9e de stage \u00e0 la MJC. Ces derniers temps, je r\u00e9fl\u00e9chis beaucoup au temps, \u00e0 la fa\u00e7on dont je l\u2019utilise, et surtout \u00e0 ce que je cherche \u00e0 accomplir. Comme tout le monde, ma priorit\u00e9 est de payer les factures. Mais cette priorit\u00e9 s\u2019accompagne d\u2019une peur constante. En tant qu\u2019ind\u00e9pendant, je ne peux jamais vraiment savoir quel chiffre d\u2019affaires je vais r\u00e9aliser ce mois-ci. C\u2019est la raison pour laquelle j\u2019ai gard\u00e9 un job d\u2019enseignant. Par peur. Parce que je ne suis jamais certain que la vente de mes \u0153uvres suffira \u00e0 couvrir mes besoins. Mais ce compromis a son revers. Il est difficile de se donner l\u2019espace et le temps n\u00e9cessaires pour cr\u00e9er, r\u00eaver, et en m\u00eame temps rester concentr\u00e9 sur une t\u00e2che pragmatique comme l\u2019enseignement. Je me suis souvent dit que c\u2019\u00e9tait une question d\u2019organisation, qu\u2019il suffisait de d\u00e9finir un emploi du temps clair. Mais ce n\u2019est pas si simple. L\u2019\u00e9nergie d\u00e9pens\u00e9e dans l\u2019un ou l\u2019autre finit par s\u2019\u00e9puiser. Au fond, j\u2019oscille toujours entre deux \u00e9tats : l\u2019enthousiasme, quand j\u2019arrive \u00e0 d\u00e9penser mon \u00e9nergie dans une direction utile, et la d\u00e9pression, quand je vois que je n\u2019y arrive pas. Si je regarde de pr\u00e8s, l\u2019\u00e9chec vient souvent d\u2019un probl\u00e8me de timing, d\u2019organisation. Mais je m\u2019accable moi-m\u00eame, je ne rejette jamais la faute sur l\u2019ext\u00e9rieur. C\u2019est toujours une question de responsabilit\u00e9 \u2013 ou plut\u00f4t d\u2019irresponsabilit\u00e9. Parfois, j\u2019ai l\u2019impression d\u2019\u00eatre plusieurs personnes en m\u00eame temps. Il y a l\u2019ouvrier en moi, qui abat le travail. L\u2019architecte, qui r\u00eave de projets ambitieux mais flous. Et puis le patron, qui pense aux factures et aux commandes. Une \u00e9quipe chaotique o\u00f9 chacun tire la couverture \u00e0 lui, jusqu\u2019\u00e0 la d\u00e9chirer. Si je devais les reconna\u00eetre, je leur donnerais des casquettes : L\u2019ouvrier serait vert, les mains dans le cambouis. L\u2019architecte serait bleu, toujours tourn\u00e9 vers l\u2019avenir. Le patron serait rouge, tendu par l\u2019urgence. Mais m\u00eame avec ces casquettes, la cacophonie reste la m\u00eame. L\u2019ouvrier se plaint : \"Je ne vais pas passer ma vie \u00e0 bosser pour un salaire de mis\u00e8re.\" L\u2019architecte proteste : \"Je d\u00e9borde d\u2019id\u00e9es, et personne ne m\u2019\u00e9coute.\" Et le patron, agac\u00e9, r\u00e9torque : \"Je dois couvrir les factures, sinon tout s\u2019\u00e9croule.\" C\u2019est alors que je l\u2019entends. Pas Dieu. Une voix plus trouble, plus basse, qui gronde \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur. Le dibbouk, ou ce que j\u2019imagine qu\u2019il serait. Une voix qui n\u2019a rien de rassurant, mais que je ne peux pas ignorer. \"Vous \u00eates divis\u00e9s parce que vous ne savez pas ce que vous voulez. Vous croyez \u00eatre trois, mais c\u2019est pire : vous \u00eates un chaos sans visage. Et ce chaos, c\u2019est moi. Croyez-moi, si vous continuez comme \u00e7a, il ne restera que moi.\" Je reste fig\u00e9. La voix continue, moqueuse, presque amus\u00e9e : \"R\u00e9unissez-vous autour d\u2019une table. Dites ce que vous voulez vraiment. Soyez honn\u00eates. Faites une liste de ce qui vous r\u00e9unit et virez tout le reste. Mais faites vite, parce que chaque jour o\u00f9 vous tergiversez, je gagne un peu plus de terrain.\" Le dibbouk ricane, et je l\u2019imagine s\u2019accouder sur ma table, jouant avec une allumette. Il ajoute : \"Si vous ne faites rien, je vais finir par prendre toute la place. Ce sera mon entreprise, mon temps, mes choix. Alors, au boulot. Pendant que vous h\u00e9sitez, moi je construis mon royaume.\" Et l\u00e0, je comprends que ce n\u2019est pas un avertissement. C\u2019est une promesse.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/8cc23209-d834-4423-b1f4-2ce88c6c6f11.png?1748065072", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-mars-2022.html", "title": "5 mars 2022", "date_published": "2022-03-04T17:56:00Z", "date_modified": "2024-11-29T17:57:06Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Elle est revenue. Je ne m\u2019en rendais pas compte. Tout \u00e0 fait le genre d\u2019\u00e9vidence qu\u2019on ne saurait voir d\u2019embl\u00e9e. Cette ombre furtive qui entre dans le champ de vision et que l\u2019attention ne parvient pas \u00e0 identifier. L\u2019attention se dresse, tendue comme un serpent pr\u00eat \u00e0 mordre ou \u00e0 cracher. Puis son long cou retombe mollement dans la torpeur. Cela se r\u00e9p\u00e8te, plusieurs fois par jour, par nuit. Comme une image subliminale, imprim\u00e9e, r\u00e9p\u00e9t\u00e9e.<\/p>\n

Cette b\u00eate. Elle incarne toute l\u2019horreur de mon enfance. La b\u00eate du G\u00e9vaudan. Toujours pr\u00eate \u00e0 bondir. Elle n\u2019attend que ma lassitude. Que je me couche, que j\u2019abdique. Pour me donner du courage je repense \u00e0 Marie-Jeanne Valet quelques instants puis je vois Jeanne la Pucelle d’Orl\u00e9ans, \u00e9tal\u00e9e de tout son long sous les coups de semonce vicelards de l’abb\u00e9 Cochon.<\/p>\n

Donc, elle arrivera, comme d\u2019habitude. Rapide comme l\u2019\u00e9clair. La b\u00eate efroyable. Mont\u00e9e sur des patins \u00e0 roulettes, glissant sans bruit sur le seuil de ma capitulation. Mon regard soutiendra le sien, vide contre vide. Je remarquerai encore une fois la bave qui perle de ses babines, sa longue langue rouge. Et ces dents, ac\u00e9r\u00e9es, blanches. La seule clart\u00e9 dans toute cette noirceur.<\/p>\n

Puis par habitude ou r\u00e9flexe , je me laisserai aller. Je capitulerai encore une fois. Chair, muscles, nerfs, tendons, abandonn\u00e9s \u00e0 l\u2019avidit\u00e9 de sa faim. Une faim si \u00e9trang\u00e8re \u00e0 la mienne, en apparence.<\/p>\n

Je me laisserai d\u00e9vorer.<\/p>\n

Depuis une bonne semaine, tout s\u2019accumule. La guerre. La m\u00e8re Mich\u00e8le qui a perdu son chat. L\u2019embrayage de la Dacia qui l\u00e2che. Une mise en demeure de la Cipav. L\u2019ongle de mon petit doigt qui casse. Et, pour couronner le tout, dans les parterres, les premi\u00e8res jonquilles. Cette sensation bizarre de ne pas se sentir pr\u00eat \u00e0 accueillir le printemps. D\u2019\u00eatre « out ».<\/p>\n

J\u2019ai d\u00e9j\u00e0 parl\u00e9 de ma naus\u00e9e du bleu, qui a surgi aux alentours du d\u00e9but de f\u00e9vrier. Voil\u00e0 que d\u00e9sormais, j\u2019en veux au jaune des jonquilles. Comme s\u2019il fallait absolument que je m\u2019accroche \u00e0 une hargne, d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment, pour enjamber les journ\u00e9es et les nuits blanches.<\/p>\n

Je me sens r\u00e9sidu. Suif. Relique des chaleurs qui refluent. Il m\u2019arrive d\u2019avoir froid aux pieds, de plus en plus souvent. Moi qui n\u2019ai jamais connu cette sensation. J\u2019ai toujours eu les extr\u00e9mit\u00e9s bouillantes, merde !<\/p>\n

Impression d\u2019\u00eatre un m\u00e9t\u00e9ore en train de se refroidir. La chute de temp\u00e9rature, li\u00e9e \u00e0 la perte d\u2019\u00e9nergie, \u00e0 la perte de vitesse, d\u2019agilit\u00e9, me glace jusqu\u2019au centre m\u00eame de mon noyau. Jusqu\u2019\u00e0 devenir aussi froid que l\u2019environnement au sein duquel je file. Oh, le beau mariage ! Oh, la belle union ! Ce sont les retrouvailles du froid avec ce qui l\u2019a un jour produit. De bien tristes \u00e9pousailles. Sans t\u00e9moin. Sans lune de miel. Sans jarretelle. Pas de petit bouquet. Pas de drag\u00e9es \u00e0 jeter aux chiens.<\/p>\n

Hier, dans le grand parc qui s\u2019\u00e9tend au-del\u00e0 des baies vitr\u00e9es de la MJC, j\u2019ai vu une nappe — non, une d\u00e9ferlante — de p\u00e2querettes et de violettes. Elles m\u2019ont laiss\u00e9 pantois. La surprise du printemps encore. Comme l\u2019arriv\u00e9e de cette b\u00eate sur le seuil de mon enfermement.<\/p>\n

Vient-elle me d\u00e9livrer ? Vient-elle m\u2019achever ?<\/p>\n

J\u2019ai l\u2019intuition tr\u00e8s forte qu\u2019il ne faut pas r\u00e9sister, cette fois. Juste fermer les yeux. Prendre une bonne respiration. Comme lorsqu\u2019on s\u2019enfonce dans un liquide quelconque, en apn\u00e9e.<\/p>\n

Se laisser d\u00e9vorer par l\u2019alt\u00e9rit\u00e9. Tout simplement. Parce que ce sera, sans doute, la seule preuve tangible qu\u2019il ait pu y avoir quelque chose, ou quelqu\u2019un, qui ne fut pas, depuis l\u2019origine du tout, seulement moi.<\/p>\n

Se laisser d\u00e9vorer comme on se laisse aller \u00e0 genoux, dans une vraie pri\u00e8re.<\/p>\n

Et voil\u00e0 tout.<\/p>", "content_text": "Elle est revenue. Je ne m\u2019en rendais pas compte. Tout \u00e0 fait le genre d\u2019\u00e9vidence qu\u2019on ne saurait voir d\u2019embl\u00e9e. Cette ombre furtive qui entre dans le champ de vision et que l\u2019attention ne parvient pas \u00e0 identifier. L\u2019attention se dresse, tendue comme un serpent pr\u00eat \u00e0 mordre ou \u00e0 cracher. Puis son long cou retombe mollement dans la torpeur. Cela se r\u00e9p\u00e8te, plusieurs fois par jour, par nuit. Comme une image subliminale, imprim\u00e9e, r\u00e9p\u00e9t\u00e9e. Cette b\u00eate. Elle incarne toute l\u2019horreur de mon enfance. La b\u00eate du G\u00e9vaudan. Toujours pr\u00eate \u00e0 bondir. Elle n\u2019attend que ma lassitude. Que je me couche, que j\u2019abdique. Pour me donner du courage je repense \u00e0 Marie-Jeanne Valet quelques instants puis je vois Jeanne la Pucelle d'Orl\u00e9ans, \u00e9tal\u00e9e de tout son long sous les coups de semonce vicelards de l'abb\u00e9 Cochon. Donc, elle arrivera, comme d\u2019habitude. Rapide comme l\u2019\u00e9clair. La b\u00eate efroyable. Mont\u00e9e sur des patins \u00e0 roulettes, glissant sans bruit sur le seuil de ma capitulation. Mon regard soutiendra le sien, vide contre vide. Je remarquerai encore une fois la bave qui perle de ses babines, sa longue langue rouge. Et ces dents, ac\u00e9r\u00e9es, blanches. La seule clart\u00e9 dans toute cette noirceur. Puis par habitude ou r\u00e9flexe , je me laisserai aller. Je capitulerai encore une fois. Chair, muscles, nerfs, tendons, abandonn\u00e9s \u00e0 l\u2019avidit\u00e9 de sa faim. Une faim si \u00e9trang\u00e8re \u00e0 la mienne, en apparence. Je me laisserai d\u00e9vorer. Depuis une bonne semaine, tout s\u2019accumule. La guerre. La m\u00e8re Mich\u00e8le qui a perdu son chat. L\u2019embrayage de la Dacia qui l\u00e2che. Une mise en demeure de la Cipav. L\u2019ongle de mon petit doigt qui casse. Et, pour couronner le tout, dans les parterres, les premi\u00e8res jonquilles. Cette sensation bizarre de ne pas se sentir pr\u00eat \u00e0 accueillir le printemps. D\u2019\u00eatre \"out\". J\u2019ai d\u00e9j\u00e0 parl\u00e9 de ma naus\u00e9e du bleu, qui a surgi aux alentours du d\u00e9but de f\u00e9vrier. Voil\u00e0 que d\u00e9sormais, j\u2019en veux au jaune des jonquilles. Comme s\u2019il fallait absolument que je m\u2019accroche \u00e0 une hargne, d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9ment, pour enjamber les journ\u00e9es et les nuits blanches. Je me sens r\u00e9sidu. Suif. Relique des chaleurs qui refluent. Il m\u2019arrive d\u2019avoir froid aux pieds, de plus en plus souvent. Moi qui n\u2019ai jamais connu cette sensation. J\u2019ai toujours eu les extr\u00e9mit\u00e9s bouillantes, merde ! Impression d\u2019\u00eatre un m\u00e9t\u00e9ore en train de se refroidir. La chute de temp\u00e9rature, li\u00e9e \u00e0 la perte d\u2019\u00e9nergie, \u00e0 la perte de vitesse, d\u2019agilit\u00e9, me glace jusqu\u2019au centre m\u00eame de mon noyau. Jusqu\u2019\u00e0 devenir aussi froid que l\u2019environnement au sein duquel je file. Oh, le beau mariage ! Oh, la belle union ! Ce sont les retrouvailles du froid avec ce qui l\u2019a un jour produit. De bien tristes \u00e9pousailles. Sans t\u00e9moin. Sans lune de miel. Sans jarretelle. Pas de petit bouquet. Pas de drag\u00e9es \u00e0 jeter aux chiens. Hier, dans le grand parc qui s\u2019\u00e9tend au-del\u00e0 des baies vitr\u00e9es de la MJC, j\u2019ai vu une nappe \u2014 non, une d\u00e9ferlante \u2014 de p\u00e2querettes et de violettes. Elles m\u2019ont laiss\u00e9 pantois. La surprise du printemps encore. Comme l\u2019arriv\u00e9e de cette b\u00eate sur le seuil de mon enfermement. Vient-elle me d\u00e9livrer ? Vient-elle m\u2019achever ? J\u2019ai l\u2019intuition tr\u00e8s forte qu\u2019il ne faut pas r\u00e9sister, cette fois. Juste fermer les yeux. Prendre une bonne respiration. Comme lorsqu\u2019on s\u2019enfonce dans un liquide quelconque, en apn\u00e9e. Se laisser d\u00e9vorer par l\u2019alt\u00e9rit\u00e9. Tout simplement. Parce que ce sera, sans doute, la seule preuve tangible qu\u2019il ait pu y avoir quelque chose, ou quelqu\u2019un, qui ne fut pas, depuis l\u2019origine du tout, seulement moi. Se laisser d\u00e9vorer comme on se laisse aller \u00e0 genoux, dans une vraie pri\u00e8re. Et voil\u00e0 tout. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/bete_du_gevaudan_combattue_par_marie-jeanne_vallet.jpg?1748065102", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-mars-2022.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-mars-2022.html", "title": "03 mars 2022", "date_published": "2022-03-03T02:48:00Z", "date_modified": "2025-02-17T02:23:03Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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L\u2019espace global : le lot<\/h3>\n

Un lot de 200 m\u00e8tres carr\u00e9s, inscrit au cadastre. Ce lot est divis\u00e9 en plusieurs espaces :<\/p>\n