{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-invention-d-un-auteur.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/l-invention-d-un-auteur.html", "title": "L'invention d'un auteur", "date_published": "2023-06-11T16:53:10Z", "date_modified": "2025-04-27T17:13:28Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Depuis que les hommes ont eu le loisir de se retourner sur ce qu’ils \u00e9taient, d’enqu\u00eater sur l’origine des gestes qui les commandaient, des paroles qui les liaient, des songes qui les hantaient, il leur est revenu, \u00e0 l’\u00e9cart du tumulte, dans les replis de la solitude, de s’inventer eux-m\u00eames, d’\u00eatre les auteurs de leur propre destin.<\/p>\n

L’invention de l’auteur, c’est l’invention de soi. Ce n’est pas seulement l’acte de jeter sur le papier les figures qu’on porte en soi comme une semence incertaine ; c’est, plus rudement, plus gravement, l’effort de desserrer l’\u00e9tau des forces obscures, sociales, h\u00e9r\u00e9ditaires, qui nous plient \u00e0 leur forme et \u00e0 leur loi.<\/p>\n

Etre auteur, dans ce sens-l\u00e0, c’est refuser l’assujettissement silencieux aux histoires d\u00e9j\u00e0 racont\u00e9es, aux r\u00f4les d\u00e9j\u00e0 distribu\u00e9s. C’est tirer de la m\u00e9l\u00e9e confuse des influences et des injonctions un chemin singulier, infime peut-\u00eatre, mais n\u00e9anmoins n\u00f4tre.<\/p>\n

C’est, dans les ruines accumul\u00e9es du pass\u00e9, retrouver l’impulsion fragile, \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, mais ent\u00eat\u00e9e, qui fait que, contre le poids des coutumes, des esp\u00e9rances pr\u00eat-\u00e0-porter, des peurs communes, on se met debout, on prof\u00e8re sa parole, on trace, m\u00eame chancelant, une ligne qui ne doit rien \u00e0 personne.<\/p>\n

C’est un labeur sans garantie, sans applaudissements assur\u00e9s, sans m\u00eame la certitude de n’avoir pas manqu\u00e9 son propos. Mais il n’est pas d’autre grandeur pour qui veut, un jour, ne pas avoir enti\u00e8rement trahi ce qu’il pressentait, confus\u00e9ment, au fond de lui, avant que le monde, ses urgences, ses ordres, ses mirages, ne viennent tout ensevelir.<\/p>\n

L’invention de l’auteur, c’est l’exercice quotidien, inlassable, de la v\u00e9rit\u00e9, \u00e0 m\u00eame l’obscurit\u00e9, contre la tentation du renoncement, de la reddition, de la complaisance.<\/p>\n

C’est le travail, infime mais indestructible, par lequel une conscience humaine tente, m\u00eame \u00e0 son insu, de demeurer fid\u00e8le au peu d’\u00e9vidence que l’existence lui a confi\u00e9e.<\/p>", "content_text": " Depuis que les hommes ont eu le loisir de se retourner sur ce qu'ils \u00e9taient, d'enqu\u00eater sur l'origine des gestes qui les commandaient, des paroles qui les liaient, des songes qui les hantaient, il leur est revenu, \u00e0 l'\u00e9cart du tumulte, dans les replis de la solitude, de s'inventer eux-m\u00eames, d'\u00eatre les auteurs de leur propre destin. L'invention de l'auteur, c'est l'invention de soi. Ce n'est pas seulement l'acte de jeter sur le papier les figures qu'on porte en soi comme une semence incertaine ; c'est, plus rudement, plus gravement, l'effort de desserrer l'\u00e9tau des forces obscures, sociales, h\u00e9r\u00e9ditaires, qui nous plient \u00e0 leur forme et \u00e0 leur loi. Etre auteur, dans ce sens-l\u00e0, c'est refuser l'assujettissement silencieux aux histoires d\u00e9j\u00e0 racont\u00e9es, aux r\u00f4les d\u00e9j\u00e0 distribu\u00e9s. C'est tirer de la m\u00e9l\u00e9e confuse des influences et des injonctions un chemin singulier, infime peut-\u00eatre, mais n\u00e9anmoins n\u00f4tre. C'est, dans les ruines accumul\u00e9es du pass\u00e9, retrouver l'impulsion fragile, \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, mais ent\u00eat\u00e9e, qui fait que, contre le poids des coutumes, des esp\u00e9rances pr\u00eat-\u00e0-porter, des peurs communes, on se met debout, on prof\u00e8re sa parole, on trace, m\u00eame chancelant, une ligne qui ne doit rien \u00e0 personne. C'est un labeur sans garantie, sans applaudissements assur\u00e9s, sans m\u00eame la certitude de n'avoir pas manqu\u00e9 son propos. Mais il n'est pas d'autre grandeur pour qui veut, un jour, ne pas avoir enti\u00e8rement trahi ce qu'il pressentait, confus\u00e9ment, au fond de lui, avant que le monde, ses urgences, ses ordres, ses mirages, ne viennent tout ensevelir. L'invention de l'auteur, c'est l'exercice quotidien, inlassable, de la v\u00e9rit\u00e9, \u00e0 m\u00eame l'obscurit\u00e9, contre la tentation du renoncement, de la reddition, de la complaisance. C'est le travail, infime mais indestructible, par lequel une conscience humaine tente, m\u00eame \u00e0 son insu, de demeurer fid\u00e8le au peu d'\u00e9vidence que l'existence lui a confi\u00e9e. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/invention-de-l-auteur.webp?1748065138", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/11062023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/11062023.html", "title": "11062023", "date_published": "2023-06-11T05:11:08Z", "date_modified": "2025-10-22T14:52:01Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

visage encre<\/strong> : PB<\/p>\n

Sur la couverture du livre il s\u2019agit d\u2019\u00e9crire roman<\/em>, sur la fa\u00e7ade de tel ou tel b\u00e2timent il suffit d\u2019allumer le panneau lumineux caract\u00e9ristique d\u2019un th\u00e9\u00e2tre<\/em>, sur le c\u0153ur d\u2019\u00e9pingler l\u2019\u00e9toile jaune<\/em> pour dire juif.<\/p>\n

La nuit parfois la d\u00e9signation, d\u00e9signer un livre, un b\u00e2timent, un \u00eatre, lui semble \u00eatre au-dessus de ses forces.<\/em><\/p>\n

Tourner seulement dans cette id\u00e9e de d\u00e9go\u00fbt. En r\u00e9arrangeant l\u2019ordre des propositions.<\/p>\n

Sur la fa\u00e7ade de ce b\u00e2timent est \u00e9crit Th\u00e9\u00e2tre<\/em>. Sur le revers de la veste est \u00e9pingl\u00e9e l\u2019\u00e9toile jaune<\/em>. Ils se sont d\u00e9p\u00each\u00e9s d\u2019\u00e9crire roman <\/em>en plus petit sur la couverture de ce livre juste sous son titre.<\/p>\n

La nuit il se heurte \u00e0 toute d\u00e9signation. Tout est d\u00e9j\u00e0 d\u00e9sign\u00e9 d\u2019avance. Il n\u2019y a plus rien d\u2019autre \u00e0 d\u00e9signer.<\/p>\n

Le mot Th\u00e9\u00e2tre<\/em> est inscrit sur le fronton de ce b\u00e2timent, ce juif doit porter une \u00e9toile jaune<\/em> sur le c\u0153ur, m\u00eame s\u2019il ne la montre jamais, et, bien sur cette histoire sera mieux accept\u00e9e si on la d\u00e9signe par le mot roman<\/em>.<\/p>\n

Une \u00e9criture catatonique qui ne s\u2019adresse qu\u2019\u00e0 la page blanche pour la noircir.<\/p>\n

A l’origine il accepte la d\u00e9signation sans broncher, ne la remet jamais en question. Il faut bien nommer les choses puisque c\u2019est ce qui nous diff\u00e9rencie des animaux. Le pouvoir de nommer dont s\u2019emparent certains hommes, puis qui le font peser sur certaines femmes, ou sur d\u2019autres \u00eatres anim\u00e9s.<\/p>\n

« Nous avons d\u00e9cid\u00e9 que tu \u00e9tais un l\u00e2che, un incapable, un \u00eatre nuisible, une pute, un salaud, et il n\u2019y a rien \u00e0 redire, c\u2019est comme \u00e7a. »<\/p>\n

« \u00c9videmment tu as le droit de ne pas \u00eatre d\u2019accord, essaie pour voir, d\u00e9bat-toi qu\u2019on rigole, proteste \u00e0 voix haute qu\u2019on t\u2019assomme. »<\/p>\n

Il sera de nouveau ce bleu qui passe le portail de l\u2019\u00e9cole. La nuit il lui arrive encore de se rem\u00e9morer la sc\u00e8ne. Il tient sa valise de la main droite, de l\u2019autre son cartable. Il se sent gauche. Il ne se sent pas \u00e0 sa place. S\u00fbr que le couperet va tomber au m\u00eame moment ou il passera le seuil de l\u2019\u00e9tablissement. Le bleu envahit son cr\u00e2ne, tout de lui est d\u00e9j\u00e0 bleu avant m\u00eame d\u2019entendre le mot. S\u2019il pouvait dispara\u00eetre sous terre, ou bien se r\u00e9veiller de ce mauvais r\u00eave, mais pour se rendre o\u00f9 ? Y a t\u2019il sur la terre un lieu o\u00f9 il peut \u00e9chapper une bonne fois pour toutes \u00e0 la d\u00e9signation ? Y a t\u2019il un lieu possible sur la terre o\u00f9 l\u2019adjectif n\u2019existe pas encore, n\u2019existe plus ? Y t\u2019il quelque part ici-bas un espace temps dans lequel on peut dispara\u00eetre enfin dans l\u2019anonymat ? Ne plus \u00eatre qu\u2019un b\u00e2timent dans la ville, un livre sur une \u00e9tag\u00e8re, un \u00eatre face \u00e0 des questions sans r\u00e9ponse.
De chaque cot\u00e9 de l\u2019all\u00e9e qui m\u00e8ne au ch\u00e2teau et \u00e0 ses d\u00e9pendances, des gens s\u2019arr\u00eatent de parler pour le regarder franchir le portail de l\u2019\u00e9tablissement. La pension s\u2019est install\u00e9e l\u00e0, dans ce ch\u00e2teau, qui fut jadis r\u00e9quisitionn\u00e9 par la Gestapo. On y voit un parc suffisamment vaste pour que le regard s\u2019y perde, on y devine des limites confuses, des essences au loin qu\u2019on ne peut identifier. Pour parvenir jusqu\u2019ici le v\u00e9hicule doit franchir un petit pont, traverser un ruisseau, puis s\u2019arr\u00eater sur un parking pr\u00e8s d\u2019un cours de tennis flambant neuf. Le reste du chemin est \u00e0 faire \u00e0 pied le sur une route goudronn\u00e9e en pente. Il n\u2019y a pas \u00e0 proprement parler de portail. Il y a ces groupes de personnes qui soudain se taisent et les toisent lorsqu\u2019ils parviennent \u00e0 leur hauteur. Ils forment une haie silencieuse qui d\u00e9bouche vers l\u2019inconnu dont on ne conna\u00eet que la couleur pour l\u2019instant, la couleur bleu.<\/em><\/p>\n


\n

Le ciel change, le blanc des nuages se d\u00e9coupe d\u00e9sormais sur le bleu, les plus proches, plus pr\u00e9cis dans les contours, plus contrast\u00e9s que ceux \u00e9loign\u00e9s. Ainsi se fabriquer une profondeur avec quelques observations. Nous partons vers 16h pour arriver \u00e0 l’heure au spectacle. S. \u00e9met la possibilit\u00e9 d’un trafic dense qui me para\u00eet \u00eatre un pr\u00e9texte pour partir de la maison plus vite. C’est elle qui conduira, ce qui m’arrange car je pourrai lire sur mon portable la suite de l’article sur Vittorini trouv\u00e9 sur Cairn. Je me demande ce que pouvait \u00eatre le parti fasciste italien \u00e0 l’\u00e9poque pour que tant d’\u00e9crivains y adh\u00e8rent. J’imagine que le mot fasciste ne signifiait pas du tout la m\u00eame chose qu’apr\u00e8s guerre. De nos jours combien de jeunes gens adh\u00e8rent probablement \u00e0 des mots qui dans dix, vingt, cinquante ans seront synonymes de d\u00e9gout pour les \u00eatres \u00e0 venir qui traverseront l’histoire.<\/p>\n

Le spectacle a lieu \u00e0 17h 30 \u00e0 la ferme du Vinatier. Une fois sorti du v\u00e9hicule j’aper\u00e7ois de loin un groupe de r\u00e9sidents men\u00e9s par une femme en blouse blanche. Mais je ne m’y attarde pas car je d\u00e9couvre un espace vert \u00e0 l’oppos\u00e9, cl\u00f4tur\u00e9 par un grillage \u00e0 larges mailles derri\u00e8re lequel broutent des ch\u00e8vres. Je n’ai pas envie de rejoindre les gens l\u00e0-bas tout de suite, je donne comme pr\u00e9texte un int\u00e9r\u00eat pour ces animaux parqu\u00e9s, et je sors mon portable de la poche pour bien montrer que je vais faire des photos, que cette d\u00e9cision est prise et qu’elle est irr\u00e9futable. Mais S. a d\u00e9j\u00e0 reconnu plusieurs personnes devant les b\u00e2timents, elle m’interpelle, « il y a les X et les Y viens je ne veux pas y aller seule ». Je serais bien rest\u00e9 quelques minutes de plus. Id\u00e9alement jusqu’\u00e0 l’heure o\u00f9 il faut entrer dans la salle, dans la p\u00e9nombre, s’installer pour regarder le spectacle. Puis le fait de retrouver des connaissances que nous n’avons pas revues depuis un bon lustre n’est pas si d\u00e9sagr\u00e9able que \u00e7a.<\/p>\n

Hugo et Gigi fid\u00e8les au poste. Ils ne changent pas beaucoup, se ratatinent comme tout le monde, mais peut-\u00eatre un peu plus au ralenti. Pas mal de copains font partie de la troupe. L’intitul\u00e9 du spectacle de cabaret m’\u00e9voque ce tableau c\u00e9l\u00e8bre de Munch, le Cri, et aussi les souvenirs de la derni\u00e8re exposition o\u00f9 je m’\u00e9tais rendu cet hiver, ainsi que la d\u00e9ception qui l’accompagne encore. Presque pas de peinture sur les toiles, des choses peintes comme \u00e0 la va vite, des marrons tristes couleur de merde.<\/p>\n

Des textes chant\u00e9s ou lus qui ont tous comme point commun la pauvret\u00e9, la mis\u00e8re, l’exploitation de l’homme pauvre par le riche, tr\u00e8s affirm\u00e9 politiquement comme souvent. Mais quelque chose cloche cette fois. La sensation d’assister \u00e0 une ritournelle dans la ritournelle. Comme une zone de confort, un repli du temps dans lequel on se vautre pour se rassurer de quelque chose encore. Et surtout le final quand tous les acteurs sont align\u00e9s en rang d’oignons face au public et gueulent « on ne l\u00e2che rien<\/em> » Quelque chose de factice, une sensation de malaise. Comme si on ressortait des r\u00e9pliques de Top Chef dans les ann\u00e9es 70, que l’on s’accrochait \u00e0 un espoir d\u00e9funt depuis des d\u00e9cennies. Une sorte de forcing pour r\u00e9animer un cadavre. Les fant\u00f4mes des gilets jaunes<\/em> passant comme des spectres en transparence. Mais pas que, presque cinquante ans d’enculades politiciennes en filigrane, de De Gaulle \u00e0 Macron et ma foi toujours rien d’autre que quelques chansons pass\u00e9s de mode, un peu de mobilier urbain d\u00e9grad\u00e9, le ton m\u00e9tallique des JT, la vie qui suit son cours et les bais\u00e9s comptez-vous.<\/p>\n

Je veux dire qu’il y aurait de quoi faire aujourd’hui une r\u00e9volution v\u00e9ritable, mais que tout le monde paie malgr\u00e9 tout rubis sur l’ongle ses imp\u00f4ts en respectant bien les d\u00e9lais par crainte de se voir inflig\u00e9 une majoration automatique. Sauf ceux qui n’en paient pas, soit parce qu’ils n’ont pas de quoi, soit parce qu’ils sont bien plus malins que tous les autres, sans oublier ceux atteints de n\u00e9gligence chronique. Encore que je crois de plus en plus que n\u00e9gligence rime avec r\u00e9sistance.<\/p>\n

L’\u00e9motion \u00e0 \u00e9couter les textes, les chansons, cette vieille \u00e9motion qu’on m’extirpe malgr\u00e9 moi, je prends le temps de m’y livrer pieds et poings li\u00e9s, de retomber comme en enfance, ou dans une jeunesse sublim\u00e9e par le temps pass\u00e9. Puis je me r\u00e9volte, int\u00e9rieurement je me r\u00e9volte. Je ne suis plus d’accord pour adh\u00e9rer \u00e0 ce genre de messe. La cervelle prend aussit\u00f4t le relais, j’observe la position des corps, les mouvements, j’\u00e9coute les timbres de voix, j’\u00e9tudie la m\u00e9canique dans le plus petit d\u00e9tail, quelque chose au fond de moi est de glace.<\/p>\n

« On ne l\u00e2che rien », tout \u00e0 fait d’accord mais pas sur les m\u00eames choses, et surtout plus avec les m\u00eames moyens. Il faudrait que \u00e7a bouge, que \u00e7a bouge \u00e0 tout p\u00e9ter, \u00e0 remettre tous les compteurs \u00e0 z\u00e9ro.<\/p>\n


\n

L’Italie et sa litt\u00e9rature provinciale <\/em>c’\u00e9tait le leitmotiv de Vittorini, de vouloir ouvrir la litt\u00e9rature italienne au monde, notamment \u00e0 la France. Et c’est une chose bien \u00e9trange qu’il reste inconnu de bien des intellectuels <\/em>sur lesquels je suis tomb\u00e9. A la rigueur Malaparte on connait, et encore \u00e0 part La peau<\/em> pas grand chose d’autre. Mais bien sur les intellectuels <\/em>est un mot p\u00e9joratif. D\u00e9sormais d’autant plus quand j’observe ceux qui d\u00e9clarent que la d\u00e9mocratie est pass\u00e9e de mode, que l’urgence est \u00e0 l’ordre, et que lorsqu’ils parlent d’ordre il s’agit bien \u00e9videmment de contraindre \u00e0 \u00e9pouser un fantasme, leur propre fantasme. La rupture entre le PCF et Vittorini vient en grande partie de ce malentendu concernant cette notion d’ intellectuel <\/em>sans les ann\u00e9es 50 d\u00e9j\u00e0, donc rien de bien nouveau. Ils trouvent toujours un proph\u00e8te, que ce soit Marx, Staline Freud ou Hitler \u00e7a ne les \u00e9touffe pas.<\/p>\n

Etre dans la masse<\/em> \u00e0 ses cot\u00e9s, chuter avec elle quand elle chute, se relever quand elle se rel\u00e8ve, Passer de la masse au peuple et du peuple aux gens, \u00e0 ses voisins de palier, voil\u00e0 un vrai parcours intellectuel, le reste n’est que du blabla.<\/p>\n

Je n’aime pas les gens parce qu’ils sont encore beaucoup trop des gens.<\/em><\/p>\n

Les journaux aussi disent les gens<\/em>, des individus ils n’en parlent qu’en h\u00e9ros, terroristes, victime, disons surtout comme \u00e7a les arrange de flatter leurs ma\u00eetres, de caresser le bon ton dans le sens du poil.<\/p>\n


\n

Pas s\u00fbr qu’Ernst J\u00fcnger, son trait\u00e9 du rebelle <\/em>notamment n’ait pas \u00e9t\u00e9 le poison le plus destructif jamais absorb\u00e9. Beaucoup trop c\u00e9r\u00e9bral, il m’aura surtout enclin \u00e0 me refugier dans un fantasme de r\u00e9bellion, justement tr\u00e8s intellectuelle<\/em>. Quand on a encore le temps de penser c’est qu’on n’est pas aussi accul\u00e9 qu’on le croit ou qu’on le d\u00e9sire. La spontan\u00e9it\u00e9 des r\u00e9voltes, comme la spontan\u00e9it\u00e9 d’un geste en peinture, c’est peut-\u00eatre ce qui se rapproche au plus pr\u00e8s du vivant. De se sentir vivant, d’\u00eatre en vie. Ce qu’on nomme la brutalit\u00e9 <\/em>de la vie est un point de vue.<\/p>\n

Et puis soudain : « quel \u00e2ge as-tu d\u00e9j\u00e0 rappelle le moi ? » Et si la r\u00e9volte \u00e9tait une tentative de retrouver la jeunesse, ou de s’en fabriquer une toute neuve ? Certains vieux prennent<\/em> des jeunes femmes d’autres attrapent des r\u00e9voltes au collet. D’autres encore s’en fichent compl\u00e8tement, ils allument leurs t\u00e9l\u00e9s, ils savent que tout est faux m\u00eame la v\u00e9rit\u00e9.<\/p>\n


\n

Dans le fond, ce livre, ce tout petit livre qui pourrait bien \u00eatre le ressort de cet atelier « roman » est l’histoire de la r\u00e9signation, comment on y entre, comment de ce point de vue on voit le monde, comment le doute soudain s’immisce, comment on en sort ( comment on parvient \u00e0 s’en \u00e9chapper, \u00e0 s’enfuir de la r\u00e9signation )<\/p>\n

\"\"<\/p>\n

Ecrire rend seul, de plus en plus, et au fur et \u00e0 mesure on peut dire que l’\u00e9cart se cr\u00e9er par la suppression des qu’est-ce que va penser un tel une telle si j’\u00e9cris cela<\/em>. Ce genre d’\u00e9criture catatonique est comme un voyage chamanique, une mine qu’on creuse de plus en plus profond\u00e9ment pour parvenir au nerf de l’ombre, \u00e0 la douleur de plus en plus vive qui fabrique l’ombre. C’est se livrer \u00e0 une solitude in\u00e9dite dans laquelle on doit aller jusqu’\u00e0 se perdre soi-m\u00eame comme compagnon.<\/p>\n


\n

C\u2019est dimanche nous partons \u00e0 pied vers Roussillon effectuer quelques emplettes de fruits et l\u00e9gumes. Nous nous disons il faut marcher, c\u2019est d\u2019ailleurs ce qu\u2019a conseill\u00e9 \u00e0 S le toubib. Et pas besoin d\u2019\u00eatre grand clerc pour saisir que \u00e7a s\u2019adresse \u00e0 moi aussi. Cette lourdeur \u00e0 porter avec chaque pas sous la chaleur nous fatigue, je dois ralentir pour attendre S. Au retour je vais faire un tour sur Gmail pour voir si la consigne de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture est tomb\u00e9e, mais je ne vois que le message de la nouvelle lettre d\u2019info, la date et l\u2019heure du prochain zoom. Toujours pas la possibilit\u00e9 d\u2019y assister ou l\u2019envie. A un moment j\u2019imagine \u00e9crire des messages sur le tchat comme propos\u00e9, puis \u00e7a me ram\u00e8ne illico \u00e0 l\u2019id\u00e9e de commenter. Je n\u2019ai rien \u00e0 \u00e9changer, rien \u00e0 dire, en dehors des moments o\u00f9 j\u2019\u00e9cris je ne suis plus que du silence, ce qui n\u2019est pas du mutisme bien que l\u2019impossible soit de m\u00eame nature. Je me suis demand\u00e9 ce qu\u2019allait bien pouvoir \u00eatre cette nouvelle proposition et dans quelle mesure le prologue d\u00e9j\u00e0 n\u2019avait pas d\u00e9clench\u00e9 l\u2019essentiel. Il y a une h\u00e9sitation entre appliquer ce qui sera propos\u00e9 et qui dans ce cas sera du domaine ludique en partie et cette pulsion qu\u2019entra\u00eene depuis ce nouveau cycle la pr\u00e9sence de ce petit roman. Comme s\u2019il suffisait de tirer doucement sur le fil pour que tout vienne.<\/p>\n


\n

\"\"<\/p>\n

Un visage connu. Quand peut-on dire que l\u2019on conna\u00eet un visage ? Peut-\u00eatre lorsque le regard se pose sur ce visage, que l\u2019on se sent aspir\u00e9 tout entier, de fond en comble, dans la qui\u00e9tude, l\u2019\u00e9merveillement.<\/p>\n


\n

\u00c9crire dans une urgence. Impossible de compter sur l’avenir, de pr\u00e9tendre avoir encore des mots \u00e0 disposition pour pouvoir le faire. Se d\u00e9p\u00eacher de noter avant que tout ne s’\u00e9vanouisse. \u00c9crire panique. Et puis une fois que l’on y est on s’y installe, on n’arrive plus \u00e0 quitter. Cette difficult\u00e9 d’imaginer achever un texte quelqu’il soit, de s’achever tout simplement. Allonger au fur et \u00e0 mesure de la journ\u00e9e ces bribes grappill\u00e9es, y revenir comme on se gratte une d\u00e9mangeaison. Probable que de tout cela une seule phrase sera \u00e0 retenir peut-\u00eatre rien de plus voire rien du tout. Si j’\u00e9tais journaliste je me serais s\u00fbrement pench\u00e9 s\u00e9rieusement sur l’art du recyclage. Rien de fa\u00e7on intrins\u00e8que est utile ou inutile, il s’agit seulement de connaitre la bonne adresse o\u00f9 exp\u00e9dier. Comme en peinture chaque \u0153uvre trouve une adresse, mais il est vrai aussi qu’il ne faut pas \u00eatre press\u00e9 pour prendre le temps d’\u00e9plucher carnets d’adresses et bottins, faire beaucoup de route parfois, exhiber.<\/p>\n

S’emp\u00eacher, s’autoriser, s’en foutre. Des milliers de canevas possibles avec ces trois mots.<\/p>\n


\n

r\u00e9ecriture, avril 2025 :<\/p>\n<\/blockquote>\n

Il y a d\u2019abord cette volont\u00e9 obscure et brutale, dans les soci\u00e9t\u00e9s humaines, de d\u00e9signer, de fixer l\u2019\u00eatre sous des mots qui l\u2019encha\u00eenent : th\u00e9\u00e2tre, roman, juif. Sur la fa\u00e7ade, sur la couverture, sur le c\u0153ur. Une \u00e9tiquette, une fl\u00e9trissure, une assignation d’autant plus redoutable qu’elle se donne pour \u00e9vidence.<\/p>\n

D\u00e8s l\u2019enfance, il fallut consentir ou bien se taire. Traverser, seul, la haie des regards, passer sous le porche o\u00f9, jadis, r\u00e9sonnait la botte de la Gestapo. Porter, dans le bleu de l\u2019uniforme scolaire, l\u2019empreinte des humiliations promises. Tout \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 nomm\u00e9 avant que nous puissions comprendre ce qui \u00e9tait en jeu.<\/p>\n

Plus tard, il y eut l\u2019\u00e9cole, les journaux, les spectacles : et partout, l\u2019injonction de croire, de communier, de s\u2019\u00e9mouvoir au signal convenu. M\u00eame dans les cabarets militants, sous le vernis de la protestation, transparaissait la r\u00e9signation massive. L\u2019ordre contre lequel on feint de s\u2019indigner a depuis longtemps triomph\u00e9 dans les \u00e2mes, rendant caduque toute clameur.<\/p>\n

Mais au fond, \u00e9crire ne rel\u00e8ve ni de l\u2019indignation ni de l\u2019espoir. C\u2019est une mani\u00e8re de survivre, d\u2019entretenir, contre l\u2019\u00e9rosion du r\u00e9el, une r\u00e9sistance sourde, muette. Ce n\u2019est pas un projet, c\u2019est un geste archa\u00efque, instinctif, chamanique. On creuse dans l\u2019ombre, dans l\u2019os de l\u2019ombre, jusqu\u2019\u00e0 perdre la trace de soi-m\u00eame.<\/p>\n

\u00c9crire, c\u2019est consentir \u00e0 l\u2019isolement radical, c\u2019est se d\u00e9tacher de ce que penseront ceux qui parlent encore, c\u2019est refuser les questions convenues. C\u2019est marcher lentement sous le ciel \u00e9crasant de l\u2019\u00e9t\u00e9, tra\u00eenant derri\u00e8re soi cette lourdeur inexpliqu\u00e9e, esp\u00e9rant seulement, par le mouvement, rattraper quelque chose d’essentiel qui nous fuit.<\/p>\n

Les r\u00e9voltes qui s\u2019agitent encore dans les rues, dans les chants, sont d\u00e9j\u00e0 recouvertes par la cendre des illusions anciennes. Ceux qui clament « on ne l\u00e2che rien » ont d\u00e9j\u00e0 abdiqu\u00e9 dans leur chair. Il faudrait tout br\u00fbler, tout abolir, recommencer sans t\u00e9moin.<\/p>\n

Reste ce peu : la solitude, le silence, le travail infime de creuser dans l\u2019\u00e9criture une galerie, une \u00e9chapp\u00e9e, un abri pr\u00e9caire. Reste l\u2019urgence de fixer un visage, de retenir un \u00e9clat, avant qu\u2019il ne se dissolve dans la nuit d’o\u00f9 nous venons.<\/p>\n

Car il n\u2019y a plus de r\u00e9volte, plus d\u2019utopie : seulement la tentative obstin\u00e9e de ne pas mourir tout \u00e0 fait dans le consentement g\u00e9n\u00e9ral. Seulement l\u2019effort de vivre, un peu, encore, \u00e0 travers les mots.<\/p>", "content_text": "{{visage encre}} : PB \n\nSur la couverture du livre il s\u2019agit d\u2019\u00e9crire roman, sur la fa\u00e7ade de tel ou tel b\u00e2timent il suffit d\u2019allumer le panneau lumineux caract\u00e9ristique d\u2019un th\u00e9\u00e2tre, sur le c\u0153ur d\u2019\u00e9pingler l\u2019\u00e9toile jaune pour dire juif. \n\nLa nuit parfois la d\u00e9signation, d\u00e9signer un livre, un b\u00e2timent, un \u00eatre, lui semble \u00eatre au-dessus de ses forces. \n\nTourner seulement dans cette id\u00e9e de d\u00e9go\u00fbt. En r\u00e9arrangeant l\u2019ordre des propositions. \n\nSur la fa\u00e7ade de ce b\u00e2timent est \u00e9crit Th\u00e9\u00e2tre. Sur le revers de la veste est \u00e9pingl\u00e9e l\u2019\u00e9toile jaune. Ils se sont d\u00e9p\u00each\u00e9s d\u2019\u00e9crire roman en plus petit sur la couverture de ce livre juste sous son titre. \n\nLa nuit il se heurte \u00e0 toute d\u00e9signation. Tout est d\u00e9j\u00e0 d\u00e9sign\u00e9 d\u2019avance. Il n\u2019y a plus rien d\u2019autre \u00e0 d\u00e9signer. \n\nLe mot Th\u00e9\u00e2tre est inscrit sur le fronton de ce b\u00e2timent, ce juif doit porter une \u00e9toile jaune sur le c\u0153ur, m\u00eame s\u2019il ne la montre jamais, et, bien sur cette histoire sera mieux accept\u00e9e si on la d\u00e9signe par le mot roman. \n\nUne \u00e9criture catatonique qui ne s\u2019adresse qu\u2019\u00e0 la page blanche pour la noircir. \n\nA l'origine il accepte la d\u00e9signation sans broncher, ne la remet jamais en question. Il faut bien nommer les choses puisque c\u2019est ce qui nous diff\u00e9rencie des animaux. Le pouvoir de nommer dont s\u2019emparent certains hommes, puis qui le font peser sur certaines femmes, ou sur d\u2019autres \u00eatres anim\u00e9s. \n\n\"Nous avons d\u00e9cid\u00e9 que tu \u00e9tais un l\u00e2che, un incapable, un \u00eatre nuisible, une pute, un salaud, et il n\u2019y a rien \u00e0 redire, c\u2019est comme \u00e7a.\" \n\n\"\u00c9videmment tu as le droit de ne pas \u00eatre d\u2019accord, essaie pour voir, d\u00e9bat-toi qu\u2019on rigole, proteste \u00e0 voix haute qu\u2019on t\u2019assomme.\" \n\nIl sera de nouveau ce bleu qui passe le portail de l\u2019\u00e9cole. La nuit il lui arrive encore de se rem\u00e9morer la sc\u00e8ne. Il tient sa valise de la main droite, de l\u2019autre son cartable. Il se sent gauche. Il ne se sent pas \u00e0 sa place. S\u00fbr que le couperet va tomber au m\u00eame moment ou il passera le seuil de l\u2019\u00e9tablissement. Le bleu envahit son cr\u00e2ne, tout de lui est d\u00e9j\u00e0 bleu avant m\u00eame d\u2019entendre le mot. S\u2019il pouvait dispara\u00eetre sous terre, ou bien se r\u00e9veiller de ce mauvais r\u00eave, mais pour se rendre o\u00f9 ? Y a t\u2019il sur la terre un lieu o\u00f9 il peut \u00e9chapper une bonne fois pour toutes \u00e0 la d\u00e9signation ? Y a t\u2019il un lieu possible sur la terre o\u00f9 l\u2019adjectif n\u2019existe pas encore, n\u2019existe plus ? Y t\u2019il quelque part ici-bas un espace temps dans lequel on peut dispara\u00eetre enfin dans l\u2019anonymat ? Ne plus \u00eatre qu\u2019un b\u00e2timent dans la ville, un livre sur une \u00e9tag\u00e8re, un \u00eatre face \u00e0 des questions sans r\u00e9ponse.\n\nDe chaque cot\u00e9 de l\u2019all\u00e9e qui m\u00e8ne au ch\u00e2teau et \u00e0 ses d\u00e9pendances, des gens s\u2019arr\u00eatent de parler pour le regarder franchir le portail de l\u2019\u00e9tablissement. La pension s\u2019est install\u00e9e l\u00e0, dans ce ch\u00e2teau, qui fut jadis r\u00e9quisitionn\u00e9 par la Gestapo. On y voit un parc suffisamment vaste pour que le regard s\u2019y perde, on y devine des limites confuses, des essences au loin qu\u2019on ne peut identifier. Pour parvenir jusqu\u2019ici le v\u00e9hicule doit franchir un petit pont, traverser un ruisseau, puis s\u2019arr\u00eater sur un parking pr\u00e8s d\u2019un cours de tennis flambant neuf. Le reste du chemin est \u00e0 faire \u00e0 pied le sur une route goudronn\u00e9e en pente. Il n\u2019y a pas \u00e0 proprement parler de portail. Il y a ces groupes de personnes qui soudain se taisent et les toisent lorsqu\u2019ils parviennent \u00e0 leur hauteur. Ils forment une haie silencieuse qui d\u00e9bouche vers l\u2019inconnu dont on ne conna\u00eet que la couleur pour l\u2019instant, la couleur bleu. \n\nLe ciel change, le blanc des nuages se d\u00e9coupe d\u00e9sormais sur le bleu, les plus proches, plus pr\u00e9cis dans les contours, plus contrast\u00e9s que ceux \u00e9loign\u00e9s. Ainsi se fabriquer une profondeur avec quelques observations. Nous partons vers 16h pour arriver \u00e0 l'heure au spectacle. S. \u00e9met la possibilit\u00e9 d'un trafic dense qui me para\u00eet \u00eatre un pr\u00e9texte pour partir de la maison plus vite. C'est elle qui conduira, ce qui m'arrange car je pourrai lire sur mon portable la suite de l'article sur Vittorini trouv\u00e9 sur Cairn. Je me demande ce que pouvait \u00eatre le parti fasciste italien \u00e0 l'\u00e9poque pour que tant d'\u00e9crivains y adh\u00e8rent. J'imagine que le mot fasciste ne signifiait pas du tout la m\u00eame chose qu'apr\u00e8s guerre. De nos jours combien de jeunes gens adh\u00e8rent probablement \u00e0 des mots qui dans dix, vingt, cinquante ans seront synonymes de d\u00e9gout pour les \u00eatres \u00e0 venir qui traverseront l'histoire. \n\nLe spectacle a lieu \u00e0 17h 30 \u00e0 la ferme du Vinatier. Une fois sorti du v\u00e9hicule j'aper\u00e7ois de loin un groupe de r\u00e9sidents men\u00e9s par une femme en blouse blanche. Mais je ne m'y attarde pas car je d\u00e9couvre un espace vert \u00e0 l'oppos\u00e9, cl\u00f4tur\u00e9 par un grillage \u00e0 larges mailles derri\u00e8re lequel broutent des ch\u00e8vres. Je n'ai pas envie de rejoindre les gens l\u00e0-bas tout de suite, je donne comme pr\u00e9texte un int\u00e9r\u00eat pour ces animaux parqu\u00e9s, et je sors mon portable de la poche pour bien montrer que je vais faire des photos, que cette d\u00e9cision est prise et qu'elle est irr\u00e9futable. Mais S. a d\u00e9j\u00e0 reconnu plusieurs personnes devant les b\u00e2timents, elle m'interpelle, \"il y a les X et les Y viens je ne veux pas y aller seule\". Je serais bien rest\u00e9 quelques minutes de plus. Id\u00e9alement jusqu'\u00e0 l'heure o\u00f9 il faut entrer dans la salle, dans la p\u00e9nombre, s'installer pour regarder le spectacle. Puis le fait de retrouver des connaissances que nous n'avons pas revues depuis un bon lustre n'est pas si d\u00e9sagr\u00e9able que \u00e7a. \n\nHugo et Gigi fid\u00e8les au poste. Ils ne changent pas beaucoup, se ratatinent comme tout le monde, mais peut-\u00eatre un peu plus au ralenti. Pas mal de copains font partie de la troupe. L'intitul\u00e9 du spectacle de cabaret m'\u00e9voque ce tableau c\u00e9l\u00e8bre de Munch, le Cri, et aussi les souvenirs de la derni\u00e8re exposition o\u00f9 je m'\u00e9tais rendu cet hiver, ainsi que la d\u00e9ception qui l'accompagne encore. Presque pas de peinture sur les toiles, des choses peintes comme \u00e0 la va vite, des marrons tristes couleur de merde. \n\nDes textes chant\u00e9s ou lus qui ont tous comme point commun la pauvret\u00e9, la mis\u00e8re, l'exploitation de l'homme pauvre par le riche, tr\u00e8s affirm\u00e9 politiquement comme souvent. Mais quelque chose cloche cette fois. La sensation d'assister \u00e0 une ritournelle dans la ritournelle. Comme une zone de confort, un repli du temps dans lequel on se vautre pour se rassurer de quelque chose encore. Et surtout le final quand tous les acteurs sont align\u00e9s en rang d'oignons face au public et gueulent \"on ne l\u00e2che rien\" Quelque chose de factice, une sensation de malaise. Comme si on ressortait des r\u00e9pliques de Top Chef dans les ann\u00e9es 70, que l'on s'accrochait \u00e0 un espoir d\u00e9funt depuis des d\u00e9cennies. Une sorte de forcing pour r\u00e9animer un cadavre. Les fant\u00f4mes des gilets jaunes passant comme des spectres en transparence. Mais pas que, presque cinquante ans d'enculades politiciennes en filigrane, de De Gaulle \u00e0 Macron et ma foi toujours rien d'autre que quelques chansons pass\u00e9s de mode, un peu de mobilier urbain d\u00e9grad\u00e9, le ton m\u00e9tallique des JT, la vie qui suit son cours et les bais\u00e9s comptez-vous. \n\nJe veux dire qu'il y aurait de quoi faire aujourd'hui une r\u00e9volution v\u00e9ritable, mais que tout le monde paie malgr\u00e9 tout rubis sur l'ongle ses imp\u00f4ts en respectant bien les d\u00e9lais par crainte de se voir inflig\u00e9 une majoration automatique. Sauf ceux qui n'en paient pas, soit parce qu'ils n'ont pas de quoi, soit parce qu'ils sont bien plus malins que tous les autres, sans oublier ceux atteints de n\u00e9gligence chronique. Encore que je crois de plus en plus que n\u00e9gligence rime avec r\u00e9sistance. \n\nL'\u00e9motion \u00e0 \u00e9couter les textes, les chansons, cette vieille \u00e9motion qu'on m'extirpe malgr\u00e9 moi, je prends le temps de m'y livrer pieds et poings li\u00e9s, de retomber comme en enfance, ou dans une jeunesse sublim\u00e9e par le temps pass\u00e9. Puis je me r\u00e9volte, int\u00e9rieurement je me r\u00e9volte. Je ne suis plus d'accord pour adh\u00e9rer \u00e0 ce genre de messe. La cervelle prend aussit\u00f4t le relais, j'observe la position des corps, les mouvements, j'\u00e9coute les timbres de voix, j'\u00e9tudie la m\u00e9canique dans le plus petit d\u00e9tail, quelque chose au fond de moi est de glace. \n\n\"On ne l\u00e2che rien\", tout \u00e0 fait d'accord mais pas sur les m\u00eames choses, et surtout plus avec les m\u00eames moyens. Il faudrait que \u00e7a bouge, que \u00e7a bouge \u00e0 tout p\u00e9ter, \u00e0 remettre tous les compteurs \u00e0 z\u00e9ro. \n\nL'Italie et sa litt\u00e9rature provinciale c'\u00e9tait le leitmotiv de Vittorini, de vouloir ouvrir la litt\u00e9rature italienne au monde, notamment \u00e0 la France. Et c'est une chose bien \u00e9trange qu'il reste inconnu de bien des intellectuels sur lesquels je suis tomb\u00e9. A la rigueur Malaparte on connait, et encore \u00e0 part La peau pas grand chose d'autre. Mais bien sur les intellectuels est un mot p\u00e9joratif. D\u00e9sormais d'autant plus quand j'observe ceux qui d\u00e9clarent que la d\u00e9mocratie est pass\u00e9e de mode, que l'urgence est \u00e0 l'ordre, et que lorsqu'ils parlent d'ordre il s'agit bien \u00e9videmment de contraindre \u00e0 \u00e9pouser un fantasme, leur propre fantasme. La rupture entre le PCF et Vittorini vient en grande partie de ce malentendu concernant cette notion d' intellectuel sans les ann\u00e9es 50 d\u00e9j\u00e0, donc rien de bien nouveau. Ils trouvent toujours un proph\u00e8te, que ce soit Marx, Staline Freud ou Hitler \u00e7a ne les \u00e9touffe pas. \n\nEtre dans la masse \u00e0 ses cot\u00e9s, chuter avec elle quand elle chute, se relever quand elle se rel\u00e8ve, Passer de la masse au peuple et du peuple aux gens, \u00e0 ses voisins de palier, voil\u00e0 un vrai parcours intellectuel, le reste n'est que du blabla. \n\nJe n'aime pas les gens parce qu'ils sont encore beaucoup trop des gens. \n\nLes journaux aussi disent les gens, des individus ils n'en parlent qu'en h\u00e9ros, terroristes, victime, disons surtout comme \u00e7a les arrange de flatter leurs ma\u00eetres, de caresser le bon ton dans le sens du poil. \n\nPas s\u00fbr qu'Ernst J\u00fcnger, son trait\u00e9 du rebelle notamment n'ait pas \u00e9t\u00e9 le poison le plus destructif jamais absorb\u00e9. Beaucoup trop c\u00e9r\u00e9bral, il m'aura surtout enclin \u00e0 me refugier dans un fantasme de r\u00e9bellion, justement tr\u00e8s intellectuelle. Quand on a encore le temps de penser c'est qu'on n'est pas aussi accul\u00e9 qu'on le croit ou qu'on le d\u00e9sire. La spontan\u00e9it\u00e9 des r\u00e9voltes, comme la spontan\u00e9it\u00e9 d'un geste en peinture, c'est peut-\u00eatre ce qui se rapproche au plus pr\u00e8s du vivant. De se sentir vivant, d'\u00eatre en vie. Ce qu'on nomme la brutalit\u00e9 de la vie est un point de vue. \n\nEt puis soudain: \" quel \u00e2ge as-tu d\u00e9j\u00e0 rappelle le moi ? \" Et si la r\u00e9volte \u00e9tait une tentative de retrouver la jeunesse, ou de s'en fabriquer une toute neuve ? Certains vieux prennent des jeunes femmes d'autres attrapent des r\u00e9voltes au collet. D'autres encore s'en fichent compl\u00e8tement, ils allument leurs t\u00e9l\u00e9s, ils savent que tout est faux m\u00eame la v\u00e9rit\u00e9. \n\nDans le fond, ce livre, ce tout petit livre qui pourrait bien \u00eatre le ressort de cet atelier \"roman\" est l'histoire de la r\u00e9signation, comment on y entre, comment de ce point de vue on voit le monde, comment le doute soudain s'immisce, comment on en sort ( comment on parvient \u00e0 s'en \u00e9chapper, \u00e0 s'enfuir de la r\u00e9signation ) \n\nEcrire rend seul, de plus en plus, et au fur et \u00e0 mesure on peut dire que l'\u00e9cart se cr\u00e9er par la suppression des qu'est-ce que va penser un tel une telle si j'\u00e9cris cela. Ce genre d'\u00e9criture catatonique est comme un voyage chamanique, une mine qu'on creuse de plus en plus profond\u00e9ment pour parvenir au nerf de l'ombre, \u00e0 la douleur de plus en plus vive qui fabrique l'ombre. C'est se livrer \u00e0 une solitude in\u00e9dite dans laquelle on doit aller jusqu'\u00e0 se perdre soi-m\u00eame comme compagnon. \n\nC\u2019est dimanche nous partons \u00e0 pied vers Roussillon effectuer quelques emplettes de fruits et l\u00e9gumes. Nous nous disons il faut marcher, c\u2019est d\u2019ailleurs ce qu\u2019a conseill\u00e9 \u00e0 S le toubib. Et pas besoin d\u2019\u00eatre grand clerc pour saisir que \u00e7a s\u2019adresse \u00e0 moi aussi. Cette lourdeur \u00e0 porter avec chaque pas sous la chaleur nous fatigue, je dois ralentir pour attendre S. Au retour je vais faire un tour sur Gmail pour voir si la consigne de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture est tomb\u00e9e, mais je ne vois que le message de la nouvelle lettre d\u2019info, la date et l\u2019heure du prochain zoom. Toujours pas la possibilit\u00e9 d\u2019y assister ou l\u2019envie. A un moment j\u2019imagine \u00e9crire des messages sur le tchat comme propos\u00e9, puis \u00e7a me ram\u00e8ne illico \u00e0 l\u2019id\u00e9e de commenter. Je n\u2019ai rien \u00e0 \u00e9changer, rien \u00e0 dire, en dehors des moments o\u00f9 j\u2019\u00e9cris je ne suis plus que du silence, ce qui n\u2019est pas du mutisme bien que l\u2019impossible soit de m\u00eame nature. Je me suis demand\u00e9 ce qu\u2019allait bien pouvoir \u00eatre cette nouvelle proposition et dans quelle mesure le prologue d\u00e9j\u00e0 n\u2019avait pas d\u00e9clench\u00e9 l\u2019essentiel. Il y a une h\u00e9sitation entre appliquer ce qui sera propos\u00e9 et qui dans ce cas sera du domaine ludique en partie et cette pulsion qu\u2019entra\u00eene depuis ce nouveau cycle la pr\u00e9sence de ce petit roman. Comme s\u2019il suffisait de tirer doucement sur le fil pour que tout vienne. \n\nUn visage connu. Quand peut-on dire que l\u2019on conna\u00eet un visage ? Peut-\u00eatre lorsque le regard se pose sur ce visage, que l\u2019on se sent aspir\u00e9 tout entier, de fond en comble, dans la qui\u00e9tude, l\u2019\u00e9merveillement. \n\n\u00c9crire dans une urgence. Impossible de compter sur l'avenir, de pr\u00e9tendre avoir encore des mots \u00e0 disposition pour pouvoir le faire. Se d\u00e9p\u00eacher de noter avant que tout ne s'\u00e9vanouisse. \u00c9crire panique. Et puis une fois que l'on y est on s'y installe, on n'arrive plus \u00e0 quitter. Cette difficult\u00e9 d'imaginer achever un texte quelqu'il soit, de s'achever tout simplement. Allonger au fur et \u00e0 mesure de la journ\u00e9e ces bribes grappill\u00e9es, y revenir comme on se gratte une d\u00e9mangeaison. Probable que de tout cela une seule phrase sera \u00e0 retenir peut-\u00eatre rien de plus voire rien du tout. Si j'\u00e9tais journaliste je me serais s\u00fbrement pench\u00e9 s\u00e9rieusement sur l'art du recyclage. Rien de fa\u00e7on intrins\u00e8que est utile ou inutile, il s'agit seulement de connaitre la bonne adresse o\u00f9 exp\u00e9dier. Comme en peinture chaque \u0153uvre trouve une adresse, mais il est vrai aussi qu'il ne faut pas \u00eatre press\u00e9 pour prendre le temps d'\u00e9plucher carnets d'adresses et bottins, faire beaucoup de route parfois, exhiber. \n\nS'emp\u00eacher, s'autoriser, s'en foutre. Des milliers de canevas possibles avec ces trois mots. >r\u00e9ecriture, avril 2025 : Il y a d\u2019abord cette volont\u00e9 obscure et brutale, dans les soci\u00e9t\u00e9s humaines, de d\u00e9signer, de fixer l\u2019\u00eatre sous des mots qui l\u2019encha\u00eenent : th\u00e9\u00e2tre, roman, juif. Sur la fa\u00e7ade, sur la couverture, sur le c\u0153ur. Une \u00e9tiquette, une fl\u00e9trissure, une assignation d'autant plus redoutable qu'elle se donne pour \u00e9vidence. D\u00e8s l\u2019enfance, il fallut consentir ou bien se taire. Traverser, seul, la haie des regards, passer sous le porche o\u00f9, jadis, r\u00e9sonnait la botte de la Gestapo. Porter, dans le bleu de l\u2019uniforme scolaire, l\u2019empreinte des humiliations promises. Tout \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 nomm\u00e9 avant que nous puissions comprendre ce qui \u00e9tait en jeu. Plus tard, il y eut l\u2019\u00e9cole, les journaux, les spectacles : et partout, l\u2019injonction de croire, de communier, de s\u2019\u00e9mouvoir au signal convenu. M\u00eame dans les cabarets militants, sous le vernis de la protestation, transparaissait la r\u00e9signation massive. L\u2019ordre contre lequel on feint de s\u2019indigner a depuis longtemps triomph\u00e9 dans les \u00e2mes, rendant caduque toute clameur. Mais au fond, \u00e9crire ne rel\u00e8ve ni de l\u2019indignation ni de l\u2019espoir. C\u2019est une mani\u00e8re de survivre, d\u2019entretenir, contre l\u2019\u00e9rosion du r\u00e9el, une r\u00e9sistance sourde, muette. Ce n\u2019est pas un projet, c\u2019est un geste archa\u00efque, instinctif, chamanique. On creuse dans l\u2019ombre, dans l\u2019os de l\u2019ombre, jusqu\u2019\u00e0 perdre la trace de soi-m\u00eame. \u00c9crire, c\u2019est consentir \u00e0 l\u2019isolement radical, c\u2019est se d\u00e9tacher de ce que penseront ceux qui parlent encore, c\u2019est refuser les questions convenues. C\u2019est marcher lentement sous le ciel \u00e9crasant de l\u2019\u00e9t\u00e9, tra\u00eenant derri\u00e8re soi cette lourdeur inexpliqu\u00e9e, esp\u00e9rant seulement, par le mouvement, rattraper quelque chose d'essentiel qui nous fuit. Les r\u00e9voltes qui s\u2019agitent encore dans les rues, dans les chants, sont d\u00e9j\u00e0 recouvertes par la cendre des illusions anciennes. Ceux qui clament \u00ab on ne l\u00e2che rien \u00bb ont d\u00e9j\u00e0 abdiqu\u00e9 dans leur chair. Il faudrait tout br\u00fbler, tout abolir, recommencer sans t\u00e9moin. Reste ce peu : la solitude, le silence, le travail infime de creuser dans l\u2019\u00e9criture une galerie, une \u00e9chapp\u00e9e, un abri pr\u00e9caire. Reste l\u2019urgence de fixer un visage, de retenir un \u00e9clat, avant qu\u2019il ne se dissolve dans la nuit d'o\u00f9 nous venons. Car il n\u2019y a plus de r\u00e9volte, plus d\u2019utopie : seulement la tentative obstin\u00e9e de ne pas mourir tout \u00e0 fait dans le consentement g\u00e9n\u00e9ral. Seulement l\u2019effort de vivre, un peu, encore, \u00e0 travers les mots. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/visage-encre.jpg?1748065113", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10062023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10062023.html", "title": "10062023", "date_published": "2023-06-10T02:44:23Z", "date_modified": "2025-04-27T17:47:20Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n\n

Ce n\u2019est pas tant le contenu des songes qui importe, ni m\u00eame leur survivance illusoire au r\u00e9veil, mais la conscience, t\u00e9nue, fugitive, qu\u2019il y a eu r\u00eave, qu\u2019il s\u2019est jou\u00e9 quelque chose d\u2019autre, dans l\u2019ombre, avant que la lumi\u00e8re ne vienne balayer les traces. Nous croyons sortir du sommeil, nous croyons \u00e9crire, nommer, dresser l\u2019inventaire, mais nous ne faisons que prolonger, dans une couche plus mince, plus fragile, le tissu ancien des r\u00eaves.<\/p>\n

Il n\u2019y a pas d\u2019\u00e9veil. Il n\u2019y a pas plus d\u2019\u00e9veil que de commencement. Le mot m\u00eame d’origine suffit \u00e0 nous effondrer. J’avais dix ans, \u00e0 peine, qu’un ma\u00eetre, une fois, osa parler du n\u00e9ant premier. Je suis tomb\u00e9, foudroy\u00e9, non par le vide, mais par l’id\u00e9e, d\u00e9j\u00e0, qu’il p\u00fbt y avoir un seuil, une br\u00e8che, un passage.<\/p>\n

Ce fut le d\u00e9but de la fuite dans la pens\u00e9e, dans l’ab\u00eeme de la conscience. Depuis lors, tout ce qui est m’appara\u00eet, par une \u00e9vidence intraitable, comme seul, s\u00e9par\u00e9, irr\u00e9ductible. Le lien est accident, la solitude, la r\u00e8gle. Ceux qu’unit le bruit, la liesse ou l’oubli, je ne peux les rejoindre. Reste la lecture, reste l’\u00e9criture, br\u00e8ves reconnaissances de d\u00e9tresses mutuelles.<\/p>\n

Kafka, Proust, ces fleuves d’insomnie, nous rappellent que l’on ne dresse pas de digues contre le flot, qu’il faut, \u00e0 d\u00e9faut d’autre recours, consentir \u00e0 s’y perdre.<\/p>\n

L’insomnie est notre \u00e9tat v\u00e9ritable. L’\u00e9criture, son geste survivant. Un livre n’est qu’un prodige de lisibilit\u00e9 arrach\u00e9 \u00e0 l’intraduisible.<\/p>\n

Que reste-t-il, sinon d’empiler, \u00e0 m\u00eame la fatigue, quelques traces, quelques billets, quelques lignes, sans espoir qu’on y revienne, mais par fid\u00e9lit\u00e9 \u00e0 ce que l’on n’a pas su abandonner enti\u00e8rement : l’\u00e9trange joie de se savoir vivant encore, m\u00eame dans la nuit, m\u00eame pour rien.<\/p>\n

\n<\/p>", "content_text": " Ce n\u2019est pas tant le contenu des songes qui importe, ni m\u00eame leur survivance illusoire au r\u00e9veil, mais la conscience, t\u00e9nue, fugitive, qu\u2019il y a eu r\u00eave, qu\u2019il s\u2019est jou\u00e9 quelque chose d\u2019autre, dans l\u2019ombre, avant que la lumi\u00e8re ne vienne balayer les traces. Nous croyons sortir du sommeil, nous croyons \u00e9crire, nommer, dresser l\u2019inventaire, mais nous ne faisons que prolonger, dans une couche plus mince, plus fragile, le tissu ancien des r\u00eaves. Il n\u2019y a pas d\u2019\u00e9veil. Il n\u2019y a pas plus d\u2019\u00e9veil que de commencement. Le mot m\u00eame d'origine suffit \u00e0 nous effondrer. J'avais dix ans, \u00e0 peine, qu'un ma\u00eetre, une fois, osa parler du n\u00e9ant premier. Je suis tomb\u00e9, foudroy\u00e9, non par le vide, mais par l'id\u00e9e, d\u00e9j\u00e0, qu'il p\u00fbt y avoir un seuil, une br\u00e8che, un passage. Ce fut le d\u00e9but de la fuite dans la pens\u00e9e, dans l'ab\u00eeme de la conscience. Depuis lors, tout ce qui est m'appara\u00eet, par une \u00e9vidence intraitable, comme seul, s\u00e9par\u00e9, irr\u00e9ductible. Le lien est accident, la solitude, la r\u00e8gle. Ceux qu'unit le bruit, la liesse ou l'oubli, je ne peux les rejoindre. Reste la lecture, reste l'\u00e9criture, br\u00e8ves reconnaissances de d\u00e9tresses mutuelles. Kafka, Proust, ces fleuves d'insomnie, nous rappellent que l'on ne dresse pas de digues contre le flot, qu'il faut, \u00e0 d\u00e9faut d'autre recours, consentir \u00e0 s'y perdre. L'insomnie est notre \u00e9tat v\u00e9ritable. L'\u00e9criture, son geste survivant. Un livre n'est qu'un prodige de lisibilit\u00e9 arrach\u00e9 \u00e0 l'intraduisible. Que reste-t-il, sinon d'empiler, \u00e0 m\u00eame la fatigue, quelques traces, quelques billets, quelques lignes, sans espoir qu'on y revienne, mais par fid\u00e9lit\u00e9 \u00e0 ce que l'on n'a pas su abandonner enti\u00e8rement : l'\u00e9trange joie de se savoir vivant encore, m\u00eame dans la nuit, m\u00eame pour rien. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/bouge-chambalu-cours-d-eau.jpg?1748065066", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/un-autre-oeil.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/un-autre-oeil.html", "title": "Un autre \u0153il", "date_published": "2023-06-09T09:32:15Z", "date_modified": "2025-04-27T17:18:42Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Maintenir l\u2019\u0153il aux aguets, dans l\u2019attente improbable d\u2019un regard qui viendrait, un matin, bouleverser l\u2019ordre rassis du monde, n\u00e9cessite d\u2019entretenir la foi, fragile, dans l\u2019avenir. Et pourtant, parfois, l’attente n’y est pour rien. Parfois, l’\u0153il s’ouvre de lui-m\u00eame, sans pr\u00e9venir, comme si une \u00e9motion ancienne, ensevelie sous les strates des ann\u00e9es, lan\u00e7ait encore, \u00e0 l\u2019aveugle, ses stolons jusque dans le pr\u00e9sent.<\/p>\n

Si je regarde le monde d\u2019un autre \u0153il, la difficult\u00e9 n\u2019est pas tant dans le monde que dans cette qu\u00eate d’ouvrir un regard dont j’ignore tout, jusqu’\u00e0 l’\u00e9nigme de ses cons\u00e9quences.<\/p>\n

Sur la fa\u00e7ade d\u2019une vieille b\u00e2tisse, un \u0153il rond, fixe, perce la pierre \u00e9rod\u00e9e. On l\u2019a baptis\u00e9 « \u0153il de b\u0153uf », sans que quiconque, \u00e0 ma connaissance, se soit pench\u00e9 sur le regard bovin d\u2019aussi pr\u00e8s que n\u00e9cessaire pour en mesurer l\u2019exacte r\u00e9f\u00e9rence.<\/p>\n

« Bon pied, bon \u0153il », dit-on, alors qu’un borgne, cul-de-jatte de surcro\u00eet, prendrait le chemin de Kiev par les sentiers de traverse, opini\u00e2tre et silencieux.<\/p>\n

« Je vous ai \u00e0 l\u2019\u0153il », souffle l\u2019agent, et dans sa pupille, j\u2019aper\u00e7ois, minuscule, invers\u00e9, le reflet du sens interdit. Je n\u2019en rajoute pas, je me garde bien de d\u00e9voiler le man\u00e8ge.<\/p>\n

Un \u0153il de velours, oui, mais r\u00e2p\u00e9 comme la couverture fatigu\u00e9e d’un vieux dictionnaire \u00e9corn\u00e9, un Laffont \u00e0 la tr\u00eame d\u00e9faite.<\/p>\n

Les yeux de merlan frit, figures d’une esp\u00e8ce ent\u00e8re, pr\u00eatent aux gestes les plus innocents une nuance interlope, imputable peut-\u00eatre \u00e0 un jour sans, un \u00e9cart d’humeur, un malaise devant les \u00e9cailles d’un \u00e9tal de poissonnier.<\/p>\n

Il plisse un \u0153il, puis, saisi d’un doute, reporte \u00e0 demain, dans l’espoir que la nuit lui rendra des pens\u00e9es plus claires.<\/p>\n

En un clin d\u2019\u0153il, il mourut, sans s’\u00eatre jamais avis\u00e9 qu\u2019il avait v\u00e9cu.<\/p>\n

Il a le compas dans l’\u0153il, ce qui n’est pas sans expliquer pourquoi il tourne \u00e0 vide, d\u00e9crivant des cercles que nul regard ne parvient \u00e0 contenir.<\/p>\n

Un \u0153il noir, signe que le temps se brouille, que l’humeur tourne, qu’une \u00e9clipse se pr\u00e9pare.<\/p>\n

Des yeux grands comme des soucoupes, c’est \u00e0 peine moins invraisemblable que des yeux plus gros que le ventre, quand vient l’heure des illusions perdues.<\/p>\n

Alors, fermons les yeux, enfouissons la t\u00eate dans le sable, et prions, en silence, pour que le monde des Bisounours, cette fable r\u00e9confortante, ne soit, au r\u00e9veil, qu’un mauvais r\u00eave, dissip\u00e9 par le vent brutal du matin.<\/p>", "content_text": " Maintenir l\u2019\u0153il aux aguets, dans l\u2019attente improbable d\u2019un regard qui viendrait, un matin, bouleverser l\u2019ordre rassis du monde, n\u00e9cessite d\u2019entretenir la foi, fragile, dans l\u2019avenir. Et pourtant, parfois, l'attente n'y est pour rien. Parfois, l'\u0153il s'ouvre de lui-m\u00eame, sans pr\u00e9venir, comme si une \u00e9motion ancienne, ensevelie sous les strates des ann\u00e9es, lan\u00e7ait encore, \u00e0 l\u2019aveugle, ses stolons jusque dans le pr\u00e9sent. Si je regarde le monde d\u2019un autre \u0153il, la difficult\u00e9 n\u2019est pas tant dans le monde que dans cette qu\u00eate d'ouvrir un regard dont j'ignore tout, jusqu'\u00e0 l'\u00e9nigme de ses cons\u00e9quences. Sur la fa\u00e7ade d\u2019une vieille b\u00e2tisse, un \u0153il rond, fixe, perce la pierre \u00e9rod\u00e9e. On l\u2019a baptis\u00e9 \u00ab \u0153il de b\u0153uf \u00bb, sans que quiconque, \u00e0 ma connaissance, se soit pench\u00e9 sur le regard bovin d\u2019aussi pr\u00e8s que n\u00e9cessaire pour en mesurer l\u2019exacte r\u00e9f\u00e9rence. \"Bon pied, bon \u0153il\", dit-on, alors qu'un borgne, cul-de-jatte de surcro\u00eet, prendrait le chemin de Kiev par les sentiers de traverse, opini\u00e2tre et silencieux. \"Je vous ai \u00e0 l\u2019\u0153il\", souffle l\u2019agent, et dans sa pupille, j\u2019aper\u00e7ois, minuscule, invers\u00e9, le reflet du sens interdit. Je n\u2019en rajoute pas, je me garde bien de d\u00e9voiler le man\u00e8ge. Un \u0153il de velours, oui, mais r\u00e2p\u00e9 comme la couverture fatigu\u00e9e d'un vieux dictionnaire \u00e9corn\u00e9, un Laffont \u00e0 la tr\u00eame d\u00e9faite. Les yeux de merlan frit, figures d'une esp\u00e8ce ent\u00e8re, pr\u00eatent aux gestes les plus innocents une nuance interlope, imputable peut-\u00eatre \u00e0 un jour sans, un \u00e9cart d'humeur, un malaise devant les \u00e9cailles d'un \u00e9tal de poissonnier. Il plisse un \u0153il, puis, saisi d'un doute, reporte \u00e0 demain, dans l'espoir que la nuit lui rendra des pens\u00e9es plus claires. En un clin d\u2019\u0153il, il mourut, sans s'\u00eatre jamais avis\u00e9 qu\u2019il avait v\u00e9cu. Il a le compas dans l'\u0153il, ce qui n'est pas sans expliquer pourquoi il tourne \u00e0 vide, d\u00e9crivant des cercles que nul regard ne parvient \u00e0 contenir. Un \u0153il noir, signe que le temps se brouille, que l'humeur tourne, qu'une \u00e9clipse se pr\u00e9pare. Des yeux grands comme des soucoupes, c'est \u00e0 peine moins invraisemblable que des yeux plus gros que le ventre, quand vient l'heure des illusions perdues. Alors, fermons les yeux, enfouissons la t\u00eate dans le sable, et prions, en silence, pour que le monde des Bisounours, cette fable r\u00e9confortante, ne soit, au r\u00e9veil, qu'un mauvais r\u00eave, dissip\u00e9 par le vent brutal du matin. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/dormir-d-un-oeil.jpg?1748065138", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/sur-l-insomnie-petite-reflexion.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/sur-l-insomnie-petite-reflexion.html", "title": "Sur l'insomnie, petite r\u00e9flexion", "date_published": "2023-06-09T08:53:52Z", "date_modified": "2025-04-27T17:53:36Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Entre la naissance et la mort, le temps peut sembler long. Mais de quel temps parle-t-on vraiment, lorsque l’on parle de ce temps-l\u00e0 ?\nCe que les bouddhistes nomment \u00e9veil n\u2019a rien \u00e0 voir avec des promesses de l\u00e9vitation ou de grandes transes spectaculaires : c\u2019est un r\u00e9veil. Brutal, sec, sans ornement. D\u00e9couvrir que l’on a dormi tout le long, ruminant dans une illusion de dur\u00e9e, est un gouffre qui s’ouvre sous les pieds.<\/p>\n

Si le temps que nous croyions vivre n’est qu’un r\u00eave, qu\u2019en est-il du temps v\u00e9ritable, celui, plus mince, plus \u00e2pre, que nous traversons entre deux absences ?\nL\u2019\u00e9veil, cet arrachement, peut survenir \u00e0 n’importe quel moment. Jeune ou vieux, cela importe peu. Car nul ne conna\u00eet l’heure exacte o\u00f9 il devra quitter la sc\u00e8ne. Croire que l’on dispose d’un cr\u00e9dit long, d’une provision d\u2019ann\u00e9es, n’est qu\u2019une illusion de plus.<\/p>\n

Peut-\u00eatre les insomniaques, surtout les vieux insomniaques, per\u00e7oivent-ils cette v\u00e9rit\u00e9 plus cr\u00fbment. Ils vivent au rythme d’un pr\u00e9sent sans bornes, nu, sans secours.\nL\u2019\u00e9criture s\u2019approche de cet \u00e9tat.\nLe suicide, parfois, n’est qu’un empressement maladroit : un refus de la patience que le pr\u00e9sent exige.\nVivre dans l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du moment r\u00e9clame des nerfs d\u2019acier.\nChercher \u00e0 fuir par les drogues du sommeil ou les poisons de l\u2019\u00e9veil, c\u2019est commettre un crime contre ce que nous avons de plus rare : \u00eatre encore l\u00e0, \u00e0 m\u00eame la nuit, sans fuir, sans tricher.<\/p>\n


\n

Le temps entre naissance et mort n\u2019est qu\u2019une rumeur dans le sommeil. Se r\u00e9veiller, c\u2019est tomber d\u2019un r\u00eave dans l\u2019autre, perdre la mesure, d\u00e9couvrir qu\u2019il n\u2019y a ni avant ni apr\u00e8s, seulement un pr\u00e9sent immobile, insatiable. Les insomniaques le savent mieux que d\u2019autres : vivre exige des nerfs que la fuite, sous quelque forme, insulte. L\u2019\u00e9criture, parfois, consent \u00e0 cet effort sans recours.<\/p>", "content_text": " Entre la naissance et la mort, le temps peut sembler long. Mais de quel temps parle-t-on vraiment, lorsque l'on parle de ce temps-l\u00e0 ? Ce que les bouddhistes nomment \u00e9veil n\u2019a rien \u00e0 voir avec des promesses de l\u00e9vitation ou de grandes transes spectaculaires : c\u2019est un r\u00e9veil. Brutal, sec, sans ornement. D\u00e9couvrir que l'on a dormi tout le long, ruminant dans une illusion de dur\u00e9e, est un gouffre qui s'ouvre sous les pieds. Si le temps que nous croyions vivre n'est qu'un r\u00eave, qu\u2019en est-il du temps v\u00e9ritable, celui, plus mince, plus \u00e2pre, que nous traversons entre deux absences ? L\u2019\u00e9veil, cet arrachement, peut survenir \u00e0 n'importe quel moment. Jeune ou vieux, cela importe peu. Car nul ne conna\u00eet l'heure exacte o\u00f9 il devra quitter la sc\u00e8ne. Croire que l'on dispose d'un cr\u00e9dit long, d'une provision d\u2019ann\u00e9es, n'est qu\u2019une illusion de plus. Peut-\u00eatre les insomniaques, surtout les vieux insomniaques, per\u00e7oivent-ils cette v\u00e9rit\u00e9 plus cr\u00fbment. Ils vivent au rythme d'un pr\u00e9sent sans bornes, nu, sans secours. L\u2019\u00e9criture s\u2019approche de cet \u00e9tat. Le suicide, parfois, n'est qu'un empressement maladroit : un refus de la patience que le pr\u00e9sent exige. Vivre dans l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du moment r\u00e9clame des nerfs d\u2019acier. Chercher \u00e0 fuir par les drogues du sommeil ou les poisons de l\u2019\u00e9veil, c\u2019est commettre un crime contre ce que nous avons de plus rare : \u00eatre encore l\u00e0, \u00e0 m\u00eame la nuit, sans fuir, sans tricher. Le temps entre naissance et mort n\u2019est qu\u2019une rumeur dans le sommeil. Se r\u00e9veiller, c\u2019est tomber d\u2019un r\u00eave dans l\u2019autre, perdre la mesure, d\u00e9couvrir qu\u2019il n\u2019y a ni avant ni apr\u00e8s, seulement un pr\u00e9sent immobile, insatiable. Les insomniaques le savent mieux que d\u2019autres : vivre exige des nerfs que la fuite, sous quelque forme, insulte. L\u2019\u00e9criture, parfois, consent \u00e0 cet effort sans recours. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/arbre-noir-et-blanc.jpg?1748065094", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/si-j-avais-un-ami.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/si-j-avais-un-ami.html", "title": "Si j'avais un ami", "date_published": "2023-06-09T08:29:12Z", "date_modified": "2025-10-22T14:50:28Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

en me promenant je tombe sur cet empilement de palettes et de caisses.<\/p>\n

Il y a de nombreux faits horribles qui se d\u00e9roulent \u00e0 chaque instant de la journ\u00e9e dans notre monde et je m\u2019interroge r\u00e9guli\u00e8rement sur les raisons des media d\u2019en privil\u00e9gier un parmi tous. Quelle raison v\u00e9ritable les pousse \u00e0 mettre en avant cet abjection ci plus que celle l\u00e0. Peut-\u00eatre se sont-ils rendus compte d\u2019une certaine injustice car d\u00e9sormais il est rare qu\u2019une horreur n\u2019en cache pas au moins une ou deux autres \u00e0 la suite chaque soir . Jouer sur la diversit\u00e9 du m\u00eame pour inciter le public \u00e0 s\u2019enfoncer chaque jour un peu plus dans le divertissement jusqu\u2019\u00e0 le confondre avec la banalit\u00e9. Comment peut-on on r\u00e9agir \u00e0 cela ? En ne regardant plus du tout la t\u00e9l\u00e9vision ? En prenant le recul n\u00e9cessaire pour porter l\u2019attention sur le vocabulaire employ\u00e9 ? Notamment ce d\u00e9ferlement d\u2019adjectifs ou d\u2019adverbes. Examiner les mimiques des pr\u00e9sentateurs qui ont le pouvoir de se m\u00e9tamorphoser d\u2019un \u00e9v\u00e9nement spectaculaire \u00e0 l\u2019autre et m\u00eame envers les b\u00e9nins. A vrai dire on aurait maintes occasions de changer de point de vue d\u00e9sormais sur la fa\u00e7on dont on nous pr\u00e9sente l\u2019actualit\u00e9, on pourrait m\u00eame sans \u00eatre trop cynique, trouver moyen de se divertir ainsi. Par exemple le lundi je ne rel\u00e8ve que les adjectifs, le mardi seulement les mines de componction, le mercredi j\u2019admire le num\u00e9ro de voltige d\u2019une transition l\u2019autre, entre un incendie d\u00e9vastateur en Californie, une inondation en Loz\u00e8re, le crash d\u2019un avion de tourisme en Uruguay, les d\u00e9g\u00e2ts de la gr\u00eale sur le c\u00e9page bordelais, les chiens ou les chats qu\u2019on abandonne l\u00e2chement sur le seuil des vacances, la chute des banques r\u00e9gionales am\u00e9ricaines. Le jeudi, je pourrais faire rel\u00e2che, ne pas ouvrir la t\u00e9l\u00e9 par exemple ni la radio, me refaire \u00e0 neuf un paysage mental du monde, pour pouvoir encore mieux profiter de l\u2019immersion dans l\u2019effroi du vendredi du samedi du dimanche. Regarder ce qui d\u00e9file d\u2019un \u0153il tout en bouchant l\u2019autre avec la main ou tout ce qui peut me tomber \u00e0 ce moment l\u00e0 sous la main. Me lever du canap\u00e9 et me tenir sur une jambe le plus longtemps possible jusqu\u2019\u00e0 ce que les mauvaises nouvelles s\u2019\u00e9vanouissent dans les spots publicitaires, dans les feuilletons d\u00e9biles. Faire des pompes. Avaler sans respirer un pot entier un pot de fromage blanc sans sucre ni confiture. Il n\u2019y a que l\u2019embarras du choix qui pourrait faire obstacle \u00e0 ce fameux changement de point de vue si on r\u00e9fl\u00e9chit un peu.
Je pourrais tout aussi bien me dire qu\u2019\u00e0 mon \u00e2ge mon temps est probablement plus que compt\u00e9, jeter la t\u00e9l\u00e9vision \u00e0 la benne, placer du Mozart sur la micro cha\u00eene, compter les moutons, t\u00e9l\u00e9phoner \u00e0 un ami, si j\u2019avais un ami.<\/p>\n

\"\"est-il possible d’\u00e9prouver une \u00e9motion en decouvrant la beaut\u00e9 d’une pi\u00e8ce de m\u00e9tal , sans doute.<\/p>", "content_text": "en me promenant je tombe sur cet empilement de palettes et de caisses. \n\nIl y a de nombreux faits horribles qui se d\u00e9roulent \u00e0 chaque instant de la journ\u00e9e dans notre monde et je m\u2019interroge r\u00e9guli\u00e8rement sur les raisons des media d\u2019en privil\u00e9gier un parmi tous. Quelle raison v\u00e9ritable les pousse \u00e0 mettre en avant cet abjection ci plus que celle l\u00e0. Peut-\u00eatre se sont-ils rendus compte d\u2019une certaine injustice car d\u00e9sormais il est rare qu\u2019une horreur n\u2019en cache pas au moins une ou deux autres \u00e0 la suite chaque soir . Jouer sur la diversit\u00e9 du m\u00eame pour inciter le public \u00e0 s\u2019enfoncer chaque jour un peu plus dans le divertissement jusqu\u2019\u00e0 le confondre avec la banalit\u00e9. Comment peut-on on r\u00e9agir \u00e0 cela ? En ne regardant plus du tout la t\u00e9l\u00e9vision ? En prenant le recul n\u00e9cessaire pour porter l\u2019attention sur le vocabulaire employ\u00e9 ? Notamment ce d\u00e9ferlement d\u2019adjectifs ou d\u2019adverbes. Examiner les mimiques des pr\u00e9sentateurs qui ont le pouvoir de se m\u00e9tamorphoser d\u2019un \u00e9v\u00e9nement spectaculaire \u00e0 l\u2019autre et m\u00eame envers les b\u00e9nins. A vrai dire on aurait maintes occasions de changer de point de vue d\u00e9sormais sur la fa\u00e7on dont on nous pr\u00e9sente l\u2019actualit\u00e9, on pourrait m\u00eame sans \u00eatre trop cynique, trouver moyen de se divertir ainsi. Par exemple le lundi je ne rel\u00e8ve que les adjectifs, le mardi seulement les mines de componction, le mercredi j\u2019admire le num\u00e9ro de voltige d\u2019une transition l\u2019autre, entre un incendie d\u00e9vastateur en Californie, une inondation en Loz\u00e8re, le crash d\u2019un avion de tourisme en Uruguay, les d\u00e9g\u00e2ts de la gr\u00eale sur le c\u00e9page bordelais, les chiens ou les chats qu\u2019on abandonne l\u00e2chement sur le seuil des vacances, la chute des banques r\u00e9gionales am\u00e9ricaines. Le jeudi, je pourrais faire rel\u00e2che, ne pas ouvrir la t\u00e9l\u00e9 par exemple ni la radio, me refaire \u00e0 neuf un paysage mental du monde, pour pouvoir encore mieux profiter de l\u2019immersion dans l\u2019effroi du vendredi du samedi du dimanche. Regarder ce qui d\u00e9file d\u2019un \u0153il tout en bouchant l\u2019autre avec la main ou tout ce qui peut me tomber \u00e0 ce moment l\u00e0 sous la main. Me lever du canap\u00e9 et me tenir sur une jambe le plus longtemps possible jusqu\u2019\u00e0 ce que les mauvaises nouvelles s\u2019\u00e9vanouissent dans les spots publicitaires, dans les feuilletons d\u00e9biles. Faire des pompes. Avaler sans respirer un pot entier un pot de fromage blanc sans sucre ni confiture. Il n\u2019y a que l\u2019embarras du choix qui pourrait faire obstacle \u00e0 ce fameux changement de point de vue si on r\u00e9fl\u00e9chit un peu.\n\nJe pourrais tout aussi bien me dire qu\u2019\u00e0 mon \u00e2ge mon temps est probablement plus que compt\u00e9, jeter la t\u00e9l\u00e9vision \u00e0 la benne, placer du Mozart sur la micro cha\u00eene, compter les moutons, t\u00e9l\u00e9phoner \u00e0 un ami, si j\u2019avais un ami.est-il possible d'\u00e9prouver une \u00e9motion en decouvrant la beaut\u00e9 d'une pi\u00e8ce de m\u00e9tal , sans doute. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/mg_3391jpgw1024-cb58fb3c.jpg?1761144591", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/09062023-2776.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/09062023-2776.html", "title": "09 juin 2023", "date_published": "2023-06-09T04:53:45Z", "date_modified": "2025-06-23T13:30:20Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

Attirance pour ce qui s\u2019accroche, parasite, \u00e9touffe — l\u2019ensemble cr\u00e9ant presque une sculpture fantastique, une \u0153uvre monstrueuse, a priori, qu\u2019il faudra bien trouver belle. C\u2019est-\u00e0-dire : naturelle, ou juste._<\/p>\n


\n

Hier soir, ce petit bruit m\u2019intriguait plus encore que les quelques jours pr\u00e9c\u00e9dents o\u00f9 nous l\u2019avions surpris dans la salle de bain.
\nL\u2019intuition me vint alors de redescendre dans la cour, puis d\u2019ouvrir la trappe de la cave.
\nEt l\u00e0 — catastrophe<\/strong>. Des profondeurs obscures montait le son caract\u00e9ristique d\u2019une cascade.<\/p>\n

La chatte tournait autour de la b\u00e9ance et se frottait \u00e0 mes mollets.
\nPeut-\u00eatre — mais ce n\u2019est qu\u2019hypoth\u00e8se — se r\u00e9jouissait-elle enfin ?
\nCela faisait \u00e0 peu pr\u00e8s le m\u00eame temps que nous avions d\u00e9couvert ce bruit qu\u2019elle s\u2019\u00e9tait mise \u00e0 devenir nerveuse, \u00e0 miauler en venant nous voir — et, \u00e9videmment, nous n\u2019y comprenions rien.<\/p>\n

Deux ou trois jours environ.<\/p>\n

Ce qui est \u00e9tonnant, c\u2019est que l\u2019office des eaux ne nous ait pas pr\u00e9venus, cette fois-ci.
\nD\u2019habitude, nous recevons un email pour signaler une consommation anormale.
\nD\u00e9placer le meuble qui dissimule la trappe du sol, dans la cuisine, n\u2019est pas une mince affaire.<\/p>\n

La panique monte assez vite quand je m\u2019aper\u00e7ois que la trappe est coinc\u00e9e.
\nImpossible d\u2019acc\u00e9der \u00e0 ce fichu robinet.
\nRetour \u00e0 la remise, \u00e0 22 h, pour chercher une masse et briser la trappe.
\nMais celle-ci est arm\u00e9e de ferraille. La panique devient rage.
\nDu genre : « On avait bien besoin de \u00e7a, en ce moment. »<\/em><\/p>\n

Ce serait le moment d\u2019allumer une cigarette, si je fumais.<\/p>\n

Soudain, la ferraille c\u00e8de.
\nJe l\u2019\u00e9carte juste assez pour glisser la main vers le robinet.
\nEt l\u00e0 — miracle<\/strong> — la trappe se d\u00e9colle toute enti\u00e8re.
\nMais elle se coince dans l\u2019\u00e9troite ouverture.
\nJe me retrouve avec la trappe coinc\u00e9e au poignet.
\nC\u2019est tellement con que je me mets \u00e0 rire. Nerveusement.<\/p>\n


\n

Une tension si forte qu\u2019un rien suffit \u00e0 faire basculer vers le rire ou les larmes.
\nDans ces moments-l\u00e0, on est dans l\u2019\u00e9motion brute, chaotique.
\nSubmerg\u00e9.<\/p>\n

La pens\u00e9e tourne \u00e0 vide.
\nOn ne parvient pas \u00e0 prendre ce fichu recul, cette distance par rapport aux \u00e9v\u00e9nements — et surtout \u00e0 soi-m\u00eame.
\nOn perd le contr\u00f4le.<\/p>\n

C\u2019est justement \u00e0 cela qu\u2019il faudrait pouvoir \u00eatre attentif.
\nJe crois que ce chaos n\u2019est pas li\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9v\u00e9nement lui-m\u00eame, mais \u00e0 toute une cha\u00eene longue et souterraine.<\/p>\n

Il faudrait pouvoir la remonter jusqu\u2019\u00e0 retrouver l\u2019\u00c9V\u00c9NEMENT initial<\/strong> —
\ncelui qui, la premi\u00e8re fois, nous a boulevers\u00e9s \u00e0 ce point.
\nCelui que nous r\u00e9activons sans cesse, toute une vie durant.<\/p>\n


\n

Mon p\u00e8re entrait dans des col\u00e8res hom\u00e9riques quand quelque chose lui \u00e9chappait.
\nUn marteau tomb\u00e9, un clou de travers — et le monde entier en prenait pour son grade.
\nEt bien s\u00fbr, nous d\u00e9rouillions : ma m\u00e8re, moi.<\/p>\n

Cela signifie que l\u2019\u00e9v\u00e9nement premier<\/strong> s\u2019est sans doute produit dans mes trois premi\u00e8res ann\u00e9es.
\nJe ne me souviens pas qu\u2019il ait lev\u00e9 la main sur mon fr\u00e8re cadet.<\/p>\n

Et cet \u00e9v\u00e9nement — aussi terrifiant que f\u00e9cond — a-t-il exist\u00e9 tel que je le d\u00e9cris ?
\nOu bien est-ce mon imagination qui l\u2019a d\u00e9guis\u00e9 en mythe d\u2019effroi ?
\nEt \u00e0 un tel point d\u2019intensit\u00e9 qu\u2019il semble, au fond, d\u00e9sirable dans sa r\u00e9p\u00e9tition.<\/p>\n


\n

Nous avons fait appel \u00e0 N. pour installer la voile triangulaire dans la cour.
\nLe parasol d\u00e9glingu\u00e9, malmen\u00e9 par les bourrasques, avait termin\u00e9 sa course \u00e0 la d\u00e9chetterie.<\/p>\n

N. est l\u2019antith\u00e8se de mon p\u00e8re en mati\u00e8re de bricolage.
\nPas un mot. Des gestes pr\u00e9cis.
\nLa toile est d\u00e9sormais tendue — un triangle vert turquoise vibrant avec le rouge des lauriers.<\/p>\n

Je m\u2019\u00e9vade par un accord de couleurs.
\nMais quelque chose se cache sous cela : la notion de plan<\/strong>.<\/p>\n

Faire un plan avant d\u2019agir, en bricolage ou en urgence, r\u00e9duit les chances de paniquer.
\nSauf si la panique est pr\u00e9cis\u00e9ment ce qu\u2019on cherche.<\/p>\n


\n

Et si une journ\u00e9e n\u2019\u00e9tait qu\u2019une r\u00e9p\u00e9tition ?
\nSi le but n\u2019\u00e9tait pas la r\u00e9solution, mais la prise de conscience<\/strong> ?<\/p>\n

L\u2019\u00e9criture r\u00e9pond \u00e0 ce pr\u00e9sent de l\u2019insomnie.
\nElle se nourrit de ce qui se produit dans le pr\u00e9sent.<\/p>\n

Comme si l\u2019insomnie d\u00e9bordait de la chambre.
\nComme si elle envahissait toutes les pi\u00e8ces — la cour, l\u2019atelier.<\/p>\n

Comme si elle prenait possession du lot, au sens cadastral du terme.
\nPour tenter de maintenir un \u00e9quilibre par l\u2019exc\u00e8s<\/strong>.
\nUne panique comparable \u00e0 celle que j\u2019ai v\u00e9cue devant la trappe, pour contrer une fuite — une h\u00e9morragie.<\/p>\n


\n

Lu quelques pages encore du roman de Clarke.
\nRama<\/strong> — nom hindou pour un vaisseau d\u00e9mesur\u00e9, porteur de mondes.<\/p>\n

Le style est trop d\u00e9taill\u00e9 \u00e0 mon go\u00fbt.
\nEnvie de le r\u00e9\u00e9crire, en plus sobre, plus elliptique.
\nLes personnages sont caricaturaux. Mais peu d\u00e9crits, donc l\u2019imagination est libre.<\/p>\n

M\u00eame sans \u00eatre emport\u00e9, je poursuis : une heure par nuit, parfois deux.
\nAutrement, j\u2019\u00e9cris.<\/p>\n

Je lis et j\u2019\u00e9cris durant mes nuits d\u2019insomnie.
\nJe n\u2019arrive pas \u00e0 peindre.
\nLa peinture, c\u2019est le jour. C\u2019est le soleil.<\/p>\n

Et contre toute attente, alors que « solaire » \u00e9voquait jusque-l\u00e0 mon p\u00e8re,
\nje m\u2019aper\u00e7ois que ce mot nimbe bien plus ma m\u00e8re<\/strong>.<\/p>\n


\n

Elle ne paniquait pas.<\/p>\n

Dans mon enfance, elle trouvait des solutions \u00e0 tout.
\n\u00c9gorgeait une poule. Assommait un lapin.
\nElle se contenait. Jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019elle ne le puisse plus.
\nAlors elle sombrait : d\u00e9pression, alcool, peinture.<\/p>\n

Et quand elle voulait faire mal, elle le faisait froidement.
\nAvec des mots pr\u00e9cis, des images chirurgicales.<\/p>\n

\u00c0 c\u00f4t\u00e9 d\u2019elle, mon p\u00e8re avait l\u2019air d\u2019un gros poupon en col\u00e8re<\/strong>.
\nPeut-\u00eatre est-ce cela qui a provoqu\u00e9 mon m\u00e9pris.
\nUn m\u00e9pris pour ce reflet de soi qu\u2019on n\u2019accepte pas<\/strong>.<\/p>\n


\n

L\u2019\u0153il du cyclone<\/strong> — ce lieu o\u00f9 tout peut \u00eatre remis en question.
\nLes temp\u00eates comme les beaux jours.<\/p>\n

Peut-\u00eatre n\u2019est-il utile qu\u2019\u00e0 cela : prendre conscience de la fronti\u00e8re entre confort et inconfort.
\nUne fronti\u00e8re \u00e9motionnelle.<\/p>\n

On peut \u00eatre \u00e9rudit, brillant, lucide —
\net rester un nouveau-n\u00e9 \u00e9motionnel<\/strong>.<\/p>\n

Et que fait l\u2019Acad\u00e9mie dans ce domaine ?
\nRien.<\/p>\n

Elle bourre les cr\u00e2nes.
\nElle laisse les c\u0153urs en jach\u00e8re.
\nParce qu\u2019on gouverne mieux par les sentiments que par les id\u00e9es.<\/p>\n


\n

Je reste un moment au salon avec mon \u00e9pouse.
\nJe subis les premi\u00e8res minutes du journal t\u00e9l\u00e9vis\u00e9.
\nCascade de trag\u00e9dies.<\/strong><\/p>\n

Qu\u2019un fait divers — aussi horrible soit-il — soit \u00e0 ce point instrumentalis\u00e9 par la politique\u2026
\nMe sid\u00e8re.<\/p>\n

Ce cynisme, cette r\u00e9cup\u00e9ration permanente,
\nc\u2019est obsc\u00e8ne.<\/p>\n

Mais je parle dans l\u2019insomnie, bien s\u00fbr.
\nAvec cette lucidit\u00e9 \u00e9trange qu\u2019elle procure.
\nCette sensation de sup\u00e9riorit\u00e9 sur tous ceux qui dorment.<\/p>\n

Mes propos sont probablement alt\u00e9r\u00e9s.<\/p>\n


\n

Tentative d\u2019\u00e9crire \u00e0 F. au sujet de son : « Et toi, \u00e7a va ? »
\nDifficile d\u2019\u00e9crire \u00e0 quelqu\u2019un dans la r\u00e9alit\u00e9<\/strong>.<\/p>\n

La virtualit\u00e9 est si forte d\u00e9sormais, que les liens authentiques semblent suspects.
\nToujours cette obsession du pourquoi, de l\u2019intention.<\/p>\n

Et la difficult\u00e9 \u00e0 simplement dire : merci.
\nDonner des nouvelles.
\nDire je t\u2019aime.<\/p>\n

Comme si nous avions \u00e9t\u00e9 ponctionn\u00e9s de nos donn\u00e9es<\/strong> au point de ne plus avoir de gestes sinc\u00e8res.
\nComme si seule restait l\u2019abdication devant le ridicule de nos actes<\/strong>.<\/p>\n


\n

Le fou est celui qui est libre de sa parole.
\nEt que nul ne prend au s\u00e9rieux.<\/p>\n

Il s\u2019exile du s\u00e9rieux pour en rejoindre un autre.
\nUne solitude sans fronti\u00e8res.<\/strong><\/p>\n

Ici, personne ne peut t\u2019atteindre.
\nTu es d\u00e9j\u00e0 mort. Crucifi\u00e9.<\/p>\n

Est-ce qu\u2019on se retourne sur un crucifi\u00e9 ?
\nRena\u00eetre est rare. Et quand on en tient un, on ne le l\u00e2che plus.<\/p>\n

Sa pr\u00e9sence efface toutes les autres.<\/p>\n

\u00catre libre de sa parole, c\u2019est peut-\u00eatre la seule vraie libert\u00e9.<\/strong><\/p>\n


\n

Et dans la vie de tous les jours, c\u2019est le r\u00e9flexe d\u2019\u00e9quilibre qui l\u2019emporte.
\nR\u00e9pondre par oui ou non.
\nNe pas trop se r\u00e9pandre.
\nNe jamais parler de soi.<\/p>\n

De cette absurdit\u00e9 profonde :
\n\u00eatre l\u00e0, plut\u00f4t que de ne pas y \u00eatre.<\/strong><\/p>\n


\n

Prendre conscience de l\u2019immaturit\u00e9 d\u2019un c\u0153ur peut conduire au jardin.
\nPour arroser les plantes.
\nCela ne compense rien.
\nMais cela fait du bien.<\/p>\n

D\u2019autant que la saison s\u2019y pr\u00eate.
\nPrendre soin d\u2019une fragilit\u00e9 arbitraire vaut bien la solidit\u00e9 de nos routines.<\/p>\n

Au terme d\u2019une vie, bien des impressions ne se nomment plus que comme cela.<\/p>\n

L\u2019incompr\u00e9hension du d\u00e9but comme de la fin serait un bon d\u00e9but.<\/strong><\/p>\n


\n

Un peu plus tard me revient une phrase de mon p\u00e8re :<\/em> <\/p>\n

\n

« On dirait qu\u2019elle a un manche \u00e0 balai dans le cul. »<\/p>\n<\/blockquote>\n

Confusion typique : entre aviation et nettoyage.
\nJ\u2019appris plus tard que ce genre de femme ne vole pas.
\nNi ne nettoie.
\nElle a juste — ce fichu manche dans le cul.<\/p>\n

Et \u00e7a ne doit pas \u00eatre bien confortable. Pour ce que j\u2019en imagine, bien s\u00fbr.<\/p>\n


\n

Lecture de quelques textes en prologue du roman.
\nL\u2019exercice de l\u2019\u00e9t\u00e9.<\/p>\n

Toujours cette difficult\u00e9 des commentaires — \u00e0 les lire comme \u00e0 les \u00e9crire.
\nC\u2019est un groupe. Mais je ne pense pas en faire partie.<\/p>\n

Il y aurait des choses \u00e0 dire, spontan\u00e9ment.
\nMais je m\u2019abstiens. Je me m\u00e9fie de cette spontan\u00e9it\u00e9.<\/p>\n

Comme si elle appartenait \u00e0 une esp\u00e8ce \u00e9teinte.<\/strong><\/p>\n

D\u00e9sormais, c\u2019est l\u2019interaction. L\u2019algorithme.<\/p>\n

Commenter, c\u2019est jouer le jeu.
\nMais on a le droit de rester sur le bord.
\nD\u2019\u00eatre spectateur.<\/p>\n


\n<\/span>
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>", "content_text": " Attirance pour ce qui s\u2019accroche, parasite, \u00e9touffe \u2014 l\u2019ensemble cr\u00e9ant presque une sculpture fantastique, une \u0153uvre monstrueuse, a priori, qu\u2019il faudra bien trouver belle. C\u2019est-\u00e0-dire : naturelle, ou juste._ --- Hier soir, ce petit bruit m\u2019intriguait plus encore que les quelques jours pr\u00e9c\u00e9dents o\u00f9 nous l\u2019avions surpris dans la salle de bain. L\u2019intuition me vint alors de redescendre dans la cour, puis d\u2019ouvrir la trappe de la cave. Et l\u00e0 \u2014 **catastrophe**. Des profondeurs obscures montait le son caract\u00e9ristique d\u2019une cascade. La chatte tournait autour de la b\u00e9ance et se frottait \u00e0 mes mollets. Peut-\u00eatre \u2014 mais ce n\u2019est qu\u2019hypoth\u00e8se \u2014 se r\u00e9jouissait-elle enfin ? Cela faisait \u00e0 peu pr\u00e8s le m\u00eame temps que nous avions d\u00e9couvert ce bruit qu\u2019elle s\u2019\u00e9tait mise \u00e0 devenir nerveuse, \u00e0 miauler en venant nous voir \u2014 et, \u00e9videmment, nous n\u2019y comprenions rien. Deux ou trois jours environ. Ce qui est \u00e9tonnant, c\u2019est que l\u2019office des eaux ne nous ait pas pr\u00e9venus, cette fois-ci. D\u2019habitude, nous recevons un email pour signaler une consommation anormale. D\u00e9placer le meuble qui dissimule la trappe du sol, dans la cuisine, n\u2019est pas une mince affaire. La panique monte assez vite quand je m\u2019aper\u00e7ois que la trappe est coinc\u00e9e. Impossible d\u2019acc\u00e9der \u00e0 ce fichu robinet. Retour \u00e0 la remise, \u00e0 22 h, pour chercher une masse et briser la trappe. Mais celle-ci est arm\u00e9e de ferraille. La panique devient rage. Du genre : _\"On avait bien besoin de \u00e7a, en ce moment.\"_ Ce serait le moment d\u2019allumer une cigarette, si je fumais. Soudain, la ferraille c\u00e8de. Je l\u2019\u00e9carte juste assez pour glisser la main vers le robinet. Et l\u00e0 \u2014 **miracle** \u2014 la trappe se d\u00e9colle toute enti\u00e8re. Mais elle se coince dans l\u2019\u00e9troite ouverture. Je me retrouve avec la trappe coinc\u00e9e au poignet. C\u2019est tellement con que je me mets \u00e0 rire. Nerveusement. --- Une tension si forte qu\u2019un rien suffit \u00e0 faire basculer vers le rire ou les larmes. Dans ces moments-l\u00e0, on est dans l\u2019\u00e9motion brute, chaotique. Submerg\u00e9. La pens\u00e9e tourne \u00e0 vide. On ne parvient pas \u00e0 prendre ce fichu recul, cette distance par rapport aux \u00e9v\u00e9nements \u2014 et surtout \u00e0 soi-m\u00eame. On perd le contr\u00f4le. C\u2019est justement \u00e0 cela qu\u2019il faudrait pouvoir \u00eatre attentif. Je crois que ce chaos n\u2019est pas li\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9v\u00e9nement lui-m\u00eame, mais \u00e0 toute une cha\u00eene longue et souterraine. Il faudrait pouvoir la remonter jusqu\u2019\u00e0 retrouver **l\u2019\u00c9V\u00c9NEMENT initial** \u2014 celui qui, la premi\u00e8re fois, nous a boulevers\u00e9s \u00e0 ce point. Celui que nous r\u00e9activons sans cesse, toute une vie durant. --- Mon p\u00e8re entrait dans des col\u00e8res hom\u00e9riques quand quelque chose lui \u00e9chappait. Un marteau tomb\u00e9, un clou de travers \u2014 et le monde entier en prenait pour son grade. Et bien s\u00fbr, nous d\u00e9rouillions : ma m\u00e8re, moi. Cela signifie que **l\u2019\u00e9v\u00e9nement premier** s\u2019est sans doute produit dans mes trois premi\u00e8res ann\u00e9es. Je ne me souviens pas qu\u2019il ait lev\u00e9 la main sur mon fr\u00e8re cadet. Et cet \u00e9v\u00e9nement \u2014 aussi terrifiant que f\u00e9cond \u2014 a-t-il exist\u00e9 tel que je le d\u00e9cris ? Ou bien est-ce mon imagination qui l\u2019a d\u00e9guis\u00e9 en mythe d\u2019effroi ? Et \u00e0 un tel point d\u2019intensit\u00e9 qu\u2019il semble, au fond, d\u00e9sirable dans sa r\u00e9p\u00e9tition. --- Nous avons fait appel \u00e0 N. pour installer la voile triangulaire dans la cour. Le parasol d\u00e9glingu\u00e9, malmen\u00e9 par les bourrasques, avait termin\u00e9 sa course \u00e0 la d\u00e9chetterie. N. est l\u2019antith\u00e8se de mon p\u00e8re en mati\u00e8re de bricolage. Pas un mot. Des gestes pr\u00e9cis. La toile est d\u00e9sormais tendue \u2014 un triangle vert turquoise vibrant avec le rouge des lauriers. Je m\u2019\u00e9vade par un accord de couleurs. Mais quelque chose se cache sous cela : **la notion de plan**. Faire un plan avant d\u2019agir, en bricolage ou en urgence, r\u00e9duit les chances de paniquer. Sauf si la panique est pr\u00e9cis\u00e9ment ce qu\u2019on cherche. --- Et si une journ\u00e9e n\u2019\u00e9tait qu\u2019une r\u00e9p\u00e9tition ? Si le but n\u2019\u00e9tait pas la r\u00e9solution, mais **la prise de conscience** ? L\u2019\u00e9criture r\u00e9pond \u00e0 ce pr\u00e9sent de l\u2019insomnie. Elle se nourrit de ce qui se produit dans le pr\u00e9sent. Comme si l\u2019insomnie d\u00e9bordait de la chambre. Comme si elle envahissait toutes les pi\u00e8ces \u2014 la cour, l\u2019atelier. Comme si elle prenait possession du lot, au sens cadastral du terme. Pour tenter de maintenir un \u00e9quilibre par **l\u2019exc\u00e8s**. Une panique comparable \u00e0 celle que j\u2019ai v\u00e9cue devant la trappe, pour contrer une fuite \u2014 une h\u00e9morragie. --- Lu quelques pages encore du roman de Clarke. **Rama** \u2014 nom hindou pour un vaisseau d\u00e9mesur\u00e9, porteur de mondes. Le style est trop d\u00e9taill\u00e9 \u00e0 mon go\u00fbt. Envie de le r\u00e9\u00e9crire, en plus sobre, plus elliptique. Les personnages sont caricaturaux. Mais peu d\u00e9crits, donc l\u2019imagination est libre. M\u00eame sans \u00eatre emport\u00e9, je poursuis : une heure par nuit, parfois deux. Autrement, j\u2019\u00e9cris. Je lis et j\u2019\u00e9cris durant mes nuits d\u2019insomnie. Je n\u2019arrive pas \u00e0 peindre. La peinture, c\u2019est le jour. C\u2019est le soleil. Et contre toute attente, alors que \"solaire\" \u00e9voquait jusque-l\u00e0 mon p\u00e8re, je m\u2019aper\u00e7ois que **ce mot nimbe bien plus ma m\u00e8re**. --- Elle ne paniquait pas. Dans mon enfance, elle trouvait des solutions \u00e0 tout. \u00c9gorgeait une poule. Assommait un lapin. Elle se contenait. Jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019elle ne le puisse plus. Alors elle sombrait : d\u00e9pression, alcool, peinture. Et quand elle voulait faire mal, elle le faisait froidement. Avec des mots pr\u00e9cis, des images chirurgicales. \u00c0 c\u00f4t\u00e9 d\u2019elle, mon p\u00e8re avait l\u2019air d\u2019un **gros poupon en col\u00e8re**. Peut-\u00eatre est-ce cela qui a provoqu\u00e9 mon m\u00e9pris. Un m\u00e9pris pour **ce reflet de soi qu\u2019on n\u2019accepte pas**. --- **L\u2019\u0153il du cyclone** \u2014 ce lieu o\u00f9 tout peut \u00eatre remis en question. Les temp\u00eates comme les beaux jours. Peut-\u00eatre n\u2019est-il utile qu\u2019\u00e0 cela : prendre conscience de la fronti\u00e8re entre confort et inconfort. Une fronti\u00e8re \u00e9motionnelle. On peut \u00eatre \u00e9rudit, brillant, lucide \u2014 et rester un **nouveau-n\u00e9 \u00e9motionnel**. Et que fait l\u2019Acad\u00e9mie dans ce domaine ? Rien. Elle bourre les cr\u00e2nes. Elle laisse les c\u0153urs en jach\u00e8re. Parce qu\u2019on gouverne mieux par les sentiments que par les id\u00e9es. --- Je reste un moment au salon avec mon \u00e9pouse. Je subis les premi\u00e8res minutes du journal t\u00e9l\u00e9vis\u00e9. **Cascade de trag\u00e9dies.** Qu\u2019un fait divers \u2014 aussi horrible soit-il \u2014 soit \u00e0 ce point instrumentalis\u00e9 par la politique\u2026 Me sid\u00e8re. Ce cynisme, cette r\u00e9cup\u00e9ration permanente, c\u2019est obsc\u00e8ne. Mais je parle dans l\u2019insomnie, bien s\u00fbr. Avec cette lucidit\u00e9 \u00e9trange qu\u2019elle procure. Cette sensation de sup\u00e9riorit\u00e9 sur tous ceux qui dorment. Mes propos sont probablement alt\u00e9r\u00e9s. --- Tentative d\u2019\u00e9crire \u00e0 F. au sujet de son : \u00ab Et toi, \u00e7a va ? \u00bb Difficile d\u2019\u00e9crire \u00e0 quelqu\u2019un **dans la r\u00e9alit\u00e9**. La virtualit\u00e9 est si forte d\u00e9sormais, que les liens authentiques semblent suspects. Toujours cette obsession du pourquoi, de l\u2019intention. Et la difficult\u00e9 \u00e0 simplement dire : merci. Donner des nouvelles. Dire je t\u2019aime. Comme si nous avions \u00e9t\u00e9 **ponctionn\u00e9s de nos donn\u00e9es** au point de ne plus avoir de gestes sinc\u00e8res. Comme si seule restait **l\u2019abdication devant le ridicule de nos actes**. --- Le fou est celui qui est libre de sa parole. Et que nul ne prend au s\u00e9rieux. Il s\u2019exile du s\u00e9rieux pour en rejoindre un autre. **Une solitude sans fronti\u00e8res.** Ici, personne ne peut t\u2019atteindre. Tu es d\u00e9j\u00e0 mort. Crucifi\u00e9. Est-ce qu\u2019on se retourne sur un crucifi\u00e9 ? Rena\u00eetre est rare. Et quand on en tient un, on ne le l\u00e2che plus. Sa pr\u00e9sence efface toutes les autres. **\u00catre libre de sa parole, c\u2019est peut-\u00eatre la seule vraie libert\u00e9.** --- Et dans la vie de tous les jours, c\u2019est le r\u00e9flexe d\u2019\u00e9quilibre qui l\u2019emporte. R\u00e9pondre par oui ou non. Ne pas trop se r\u00e9pandre. Ne jamais parler de soi. De cette absurdit\u00e9 profonde : **\u00eatre l\u00e0, plut\u00f4t que de ne pas y \u00eatre.** --- Prendre conscience de l\u2019immaturit\u00e9 d\u2019un c\u0153ur peut conduire au jardin. Pour arroser les plantes. Cela ne compense rien. Mais cela fait du bien. D\u2019autant que la saison s\u2019y pr\u00eate. Prendre soin d\u2019une fragilit\u00e9 arbitraire vaut bien la solidit\u00e9 de nos routines. Au terme d\u2019une vie, bien des impressions ne se nomment plus que comme cela. **L\u2019incompr\u00e9hension du d\u00e9but comme de la fin serait un bon d\u00e9but.** --- _Un peu plus tard me revient une phrase de mon p\u00e8re :_ > \u00ab On dirait qu\u2019elle a un manche \u00e0 balai dans le cul. \u00bb Confusion typique : entre aviation et nettoyage. J\u2019appris plus tard que ce genre de femme ne vole pas. Ni ne nettoie. Elle a juste \u2014 ce fichu manche dans le cul. Et \u00e7a ne doit pas \u00eatre bien confortable. Pour ce que j\u2019en imagine, bien s\u00fbr. --- Lecture de quelques textes en prologue du roman. L\u2019exercice de l\u2019\u00e9t\u00e9. Toujours cette difficult\u00e9 des commentaires \u2014 \u00e0 les lire comme \u00e0 les \u00e9crire. C\u2019est un groupe. Mais je ne pense pas en faire partie. Il y aurait des choses \u00e0 dire, spontan\u00e9ment. Mais je m\u2019abstiens. Je me m\u00e9fie de cette spontan\u00e9it\u00e9. **Comme si elle appartenait \u00e0 une esp\u00e8ce \u00e9teinte.** D\u00e9sormais, c\u2019est l\u2019interaction. L\u2019algorithme. Commenter, c\u2019est jouer le jeu. Mais on a le droit de rester sur le bord. D\u2019\u00eatre spectateur. --- ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/mg_3401-1jpgw683-5df9318a-2423f-1e1aa.jpg?1750685368", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/08062023-2774.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/08062023-2774.html", "title": "08062023", "date_published": "2023-06-08T04:46:16Z", "date_modified": "2025-06-23T13:35:29Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>
\n
\n

Il y a des jours o\u00f9 tu n\u2019es pas oblig\u00e9 de te sentir oblig\u00e9.<\/strong>\nOblig\u00e9, zeppelin oblong, suppositoire filant silence dans le bleu nuit de la nuit.\nAutrefois, on disait : je suis votre oblig\u00e9<\/em>.\nS\u2019obliger, les zobligations.\nUne \u00e9longation du muscle vol en terre<\/em>, une luxation de l\u2019envie, une plume, un d\u00fb vert dans l\u2019engrenage de fer, se d\u00e9met les p\u00f4les du Charlemagne \u00e9thique.\nMais d\u00e8s que tu y es, par habitude, G\u00e8re Trude, et \u00e7a vient.\nQuand tu dis \u00e7a vient<\/em>, tu entends une petite voix qui dit j\u2019arrive<\/em>, et une foule de petits pas, lapons, qui pi\u00e9tinent sur eux-m\u00eames, et en sus \u00f4tant leurs t\u00eates in the rose bonbon<\/em> d\u2019une aorte \u00e9ventr\u00e9e par un chou \u00e0 la cr\u00e8me.<\/p>\n


\n

Avec l\u2019\u00e9v\u00eaque et un peu de vol en T, on pou-rat sang-sort,<\/strong>\ncomme le hareng, tir.\n\u00c0 moins qu\u2019il faille de la chance ou le V d\u2019un vol d\u2019oies sauvages.\nEn attendant, il faut patienter.\nPas sentez, sant\u00e9, sans T.\nSente bord\u00e9e d\u2019herbes sans bise sur le front ou le nez.\nD\u2019arbres morts, mais beaux et blancs d\u2019\u00e9corces, d\u2019Italie ou des Sardes daignent s\u2019adosser.<\/p>\n


\n

\u00c7a tique chez les sadiques,<\/strong>\nstatique, reste coi, ne bronche ni tousse.\nMais hume, hume l\u2019odeur de l\u2019allumette qui craque avant de flanquer le feu aux poudres.\nLes uns se sont dit incendie<\/em>, \u00e7a crame \u00e0 Sacramento, San Pedro et ailleurs.\nPins, ponts, poupons et poup\u00e9es recroquevill\u00e9s dans la chaleur de l\u2019haleine du chat huant qui tricote un habit pour l\u2019hiver \u00e0 ses ma\u00eetres.<\/p>\n


\n

Syntaxe, la sainte taxe, lassante,<\/strong>\nau lasso attrap\u00e9e et tra\u00een\u00e9e dans la boue des labours,\nle sillon, le micro vinyle valent mieux qu\u2019une, pas vrai ?\nPav\u00e9e de bonnes intentions, l\u2019affaire.<\/p>\n


\n
\n

Attention \u00e0 la forme passive qui transforme en objet le sujet.<\/strong><\/p>\n<\/blockquote>\n


\n

Restons actifs,<\/strong>\nband\u00e9s comme un arc,\nfl\u00e8che dans la bonne direction,\nen l\u2019air, ayons l\u2019air lanlaire.<\/p>\n


\n

Sinon, dans la vie profane qui doucement se fane,<\/strong>\ns\u2019ass\u00e8che dans le cendrier vide,\ntout va tr\u00e8s bien, madame la Marquise.\nLes riches engraissent, sont chinois.\nLes pauvres s\u2019appauvrissent et sucent du r\u00e9glisse avec la peau,\ncar ils n\u2019ont m\u00eame plus de larmes pour pleurer,\nni de lame pour l\u2019\u00e9plucher.\nEt en pluche, il fait beau pour couronner le ronron.\nLe pape est au beau fixe, sceptre cach\u00e9 derri\u00e8re le dos\npour assommer le fid\u00e8le \u00e0 la grand-messe des rats-mots.<\/p>\n


\n

Marche en for\u00eat.<\/strong>\nOdeur d\u2019humus, de d\u00e9composition.\nNon, ce n\u2019est pas \u00e7a.\nMarche en for\u00eat, nez bouch\u00e9.\nNe pas sentir les clich\u00e9s.\nUn petit sentier de chevreuil,\navant qu\u2019un imb\u00e9cile, dot\u00e9 de l\u2019instinct de propri\u00e9t\u00e9,\ninstalle un grillage \u00e0 larges mailles.\nR\u00e2p\u00e9 pour le cerf, la biche, le sanglier,\ncondamn\u00e9s \u00e0 voir leur territoire s\u00e9rieusement raccourci.<\/p>\n


\n

Une d\u00e9testation de la b\u00eatise n\u2019y changera pas grand-chose.<\/strong>\nTr\u00e9pigner non plus.\nUne plume d\u2019oie sera inefficace, voire anachronique.\nDes cisailles feront mieux l\u2019affaire.<\/p>\n


\n

Une sainte col\u00e8re.<\/strong>\nComment \u00e7a se fait qu\u2019une col\u00e8re devienne sainte<\/em>, canonis\u00e9e par l\u2019ineptie ?\nLe pape se palpe le popotin, se gratte l\u2019occiput,\npuis se projette sur son balcon,\nouvre en grand les bras et vole \u00e0 Charles sa devise :<\/p>\n

\n

« Je vous ai compris. »<\/em><\/p>\n<\/blockquote>\n


\n

Se sentir compris n\u2019est pas toujours si agr\u00e9able,<\/strong>\nun petit relent de caca flotte avec.<\/p>\n


\n

« On ira tous au paradis »,<\/strong>\nchanta un jour un homme nu avec de grosses lunettes de soleil.\nQu\u2019est-ce qu\u2019on va se faire chier en sous-texte<\/em>.<\/p>\n


\n
\n

Le paradis des uns pave et pavoise l\u2019enfer des autres.<\/p>\n<\/blockquote>\n


\n

Comme si on \u00e9tait assez cons pour voyager par plaisir,<\/strong>\ndisait un autre, sec comme un coup de trique salutaire.<\/p>\n


\n

Sinon je reste coi, sto\u00efque,<\/strong>\n\u00e0 voir d\u00e9filer en gras toutes les propositions all\u00e9chantes\nqui s\u2019empilent dans la r\u00e9ception de la bo\u00eete mail.\nLe gras, c\u2019est la vie<\/em>, dit une de mes \u00e9l\u00e8ves.<\/p>\n


\n

Il y a des lustres,<\/strong>\ntrente-six chandelles chacun,\ndes fastes plus rarement,\nmais ce serait mentir de dire qu\u2019il n\u2019y en eut pas.<\/p>\n


\n

Sur les chemins de campagne,<\/strong>\nr\u00e9colter des gratte-cul, les d\u00e9piauter soigneusement,\nles glisser en douce dans les cols de chemise,\net voir ensuite de jolies danses de Saint-Guy dans la cour d\u2019\u00e9cole.<\/p>\n


\n

Sur le marbre, une grenouille d\u00e9c\u00e9d\u00e9e.<\/strong>\nUne le\u00e7on bien apprise :\ntitiller \u00e9lectriquement un nerf peut remettre une machinerie en branle.\nL\u2019artifice du vivant chez les batraciens\nn\u2019a rien \u00e0 envier \u00e0 celui des bons Aryens.<\/p>\n


\n

La notion de temps dans la tension peut \u00eatre utile,<\/strong>\nsurtout en cas de d\u00e9bandade.\nAdapter la tension \u00e0 la dur\u00e9e allou\u00e9e.\nNe pas poser de dur\u00e9e m\u00e8ne-t-il \u00e0 la d\u00e9bandade \u00e0 tous les coups ?<\/p>\n


\n

Parfois, un agacement devant un il faut<\/em> me ferait ruer dans les brancards,<\/strong>\nsi toutefois j\u2019\u00e9tais bless\u00e9.<\/p>\n


\n

« Il faut »,<\/strong>\nbalancier d\u2019une vieille pendule qui stoppe,\nla t\u00eate d\u2019un \u00e9pi de bl\u00e9 vole en \u00e9clats de grain,\nune vol\u00e9e de moineaux s\u2019\u00e9gaie.<\/p>\n


\n

Il faut. Pourquoi le faut-il ? Que se passe-t-il si l\u2019on faillit ?<\/strong><\/p>\n


\n

Il fallut se prendre pour quoi, pour qui,<\/strong>\npour ass\u00e9ner des il faut<\/em> intempestifs \u00e0 tout coin de rue\ndans la ville d\u00e9j\u00e0 assomm\u00e9e par la stupeur.<\/p>\n


\n

Une atmosph\u00e8re constitu\u00e9e essentiellement d\u2019une sensation de fra\u00eecheur,<\/strong>\navec le faible brouhaha des clameurs matinales en fronti\u00e8re.\nCette fragilit\u00e9 de la sensation qui ne dure pas.\nSavoir profiter, sans abus, de ce qui ne dure pas.<\/p>\n


\n

Sans abus<\/strong> d\u00e9signe un \u00e9quilibre \u00e0 d\u00e9couvrir,\nconstitu\u00e9 de bric et de broc,\net souvent pr\u00e9caire.\nL\u2019habitude de la pr\u00e9carit\u00e9 produit une science :\ncelle de cr\u00e9er l\u2019\u00e9quilibre par le d\u00e9s\u00e9quilibre.\nPendant ce temps, les Shadoks pompaient —\nmais on ne dit pas qui.<\/p>\n


\n

Cr\u00e9er quelque chose — on se rend rarement compte de ce que c\u2019est.<\/strong>\nPartir de rien, arriver \u00e0 peu de chose.\nM\u00eame cela est une \u00e9nigme.<\/p>\n


\n

Poss\u00e9der plus d\u2019une corde \u00e0 son arc et c\u2019est une lyre.<\/strong>\nPoss\u00e9der plusieurs lyres ensuite, c\u2019est du d\u00e9lire.<\/p>\n


\n

Se r\u00e9dimer,<\/strong>\nse reflanquer une d\u00eeme par-dessus le march\u00e9.<\/p>\n


\n

Il y a des jours o\u00f9 \u00e7a commence,<\/strong>\net on ne sait pas du tout comment \u00e7a va finir.<\/p>\n


\n

Tout ne tient qu\u2019\u00e0 un fil, ou \u00e0 un boson de Higgs.<\/strong>\nC\u2019est \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce qu\u2019auront produit la philosophie et la science r\u00e9unies.\nUne sorte de th\u00e9orie des cordes, soi-disant,\npour masquer une sacr\u00e9e carence en mati\u00e8re grise.<\/p>\n


\n

Le temps n\u2019est pas un ph\u00e9nom\u00e8ne dans le temps,<\/strong>\ncomme la carte n\u2019est pas le territoire.<\/p>\n


", "content_text": " --- --- **Il y a des jours o\u00f9 tu n\u2019es pas oblig\u00e9 de te sentir oblig\u00e9.** Oblig\u00e9, zeppelin oblong, suppositoire filant silence dans le bleu nuit de la nuit. Autrefois, on disait : *je suis votre oblig\u00e9*. S\u2019obliger, les zobligations. Une \u00e9longation du muscle *vol en terre*, une luxation de l\u2019envie, une plume, un d\u00fb vert dans l\u2019engrenage de fer, se d\u00e9met les p\u00f4les du Charlemagne \u00e9thique. Mais d\u00e8s que tu y es, par habitude, G\u00e8re Trude, et \u00e7a vient. Quand tu dis *\u00e7a vient*, tu entends une petite voix qui dit *j\u2019arrive*, et une foule de petits pas, lapons, qui pi\u00e9tinent sur eux-m\u00eames, et en sus \u00f4tant leurs t\u00eates *in the rose bonbon* d\u2019une aorte \u00e9ventr\u00e9e par un chou \u00e0 la cr\u00e8me. --- **Avec l\u2019\u00e9v\u00eaque et un peu de vol en T, on pou-rat sang-sort,** comme le hareng, tir. \u00c0 moins qu\u2019il faille de la chance ou le V d\u2019un vol d\u2019oies sauvages. En attendant, il faut patienter. Pas sentez, sant\u00e9, sans T. Sente bord\u00e9e d\u2019herbes sans bise sur le front ou le nez. D\u2019arbres morts, mais beaux et blancs d\u2019\u00e9corces, d\u2019Italie ou des Sardes daignent s\u2019adosser. --- **\u00c7a tique chez les sadiques,** statique, reste coi, ne bronche ni tousse. Mais hume, hume l\u2019odeur de l\u2019allumette qui craque avant de flanquer le feu aux poudres. Les uns se sont dit *incendie*, \u00e7a crame \u00e0 Sacramento, San Pedro et ailleurs. Pins, ponts, poupons et poup\u00e9es recroquevill\u00e9s dans la chaleur de l\u2019haleine du chat huant qui tricote un habit pour l\u2019hiver \u00e0 ses ma\u00eetres. --- **Syntaxe, la sainte taxe, lassante,** au lasso attrap\u00e9e et tra\u00een\u00e9e dans la boue des labours, le sillon, le micro vinyle valent mieux qu\u2019une, pas vrai ? Pav\u00e9e de bonnes intentions, l\u2019affaire. --- > **Attention \u00e0 la forme passive qui transforme en objet le sujet.** --- **Restons actifs,** band\u00e9s comme un arc, fl\u00e8che dans la bonne direction, en l\u2019air, ayons l\u2019air lanlaire. --- **Sinon, dans la vie profane qui doucement se fane,** s\u2019ass\u00e8che dans le cendrier vide, tout va tr\u00e8s bien, madame la Marquise. Les riches engraissent, sont chinois. Les pauvres s\u2019appauvrissent et sucent du r\u00e9glisse avec la peau, car ils n\u2019ont m\u00eame plus de larmes pour pleurer, ni de lame pour l\u2019\u00e9plucher. Et en pluche, il fait beau pour couronner le ronron. Le pape est au beau fixe, sceptre cach\u00e9 derri\u00e8re le dos pour assommer le fid\u00e8le \u00e0 la grand-messe des rats-mots. --- **Marche en for\u00eat.** Odeur d\u2019humus, de d\u00e9composition. Non, ce n\u2019est pas \u00e7a. Marche en for\u00eat, nez bouch\u00e9. Ne pas sentir les clich\u00e9s. Un petit sentier de chevreuil, avant qu\u2019un imb\u00e9cile, dot\u00e9 de l\u2019instinct de propri\u00e9t\u00e9, installe un grillage \u00e0 larges mailles. R\u00e2p\u00e9 pour le cerf, la biche, le sanglier, condamn\u00e9s \u00e0 voir leur territoire s\u00e9rieusement raccourci. --- **Une d\u00e9testation de la b\u00eatise n\u2019y changera pas grand-chose.** Tr\u00e9pigner non plus. Une plume d\u2019oie sera inefficace, voire anachronique. Des cisailles feront mieux l\u2019affaire. --- **Une sainte col\u00e8re.** Comment \u00e7a se fait qu\u2019une col\u00e8re devienne *sainte*, canonis\u00e9e par l\u2019ineptie ? Le pape se palpe le popotin, se gratte l\u2019occiput, puis se projette sur son balcon, ouvre en grand les bras et vole \u00e0 Charles sa devise : > *\"Je vous ai compris.\"* --- **Se sentir compris n\u2019est pas toujours si agr\u00e9able,** un petit relent de caca flotte avec. --- **\"On ira tous au paradis\",** chanta un jour un homme nu avec de grosses lunettes de soleil. Qu\u2019est-ce qu\u2019on va se faire chier *en sous-texte*. --- > Le paradis des uns pave et pavoise l\u2019enfer des autres. --- **Comme si on \u00e9tait assez cons pour voyager par plaisir,** disait un autre, sec comme un coup de trique salutaire. --- **Sinon je reste coi, sto\u00efque,** \u00e0 voir d\u00e9filer en gras toutes les propositions all\u00e9chantes qui s\u2019empilent dans la r\u00e9ception de la bo\u00eete mail. *Le gras, c\u2019est la vie*, dit une de mes \u00e9l\u00e8ves. --- **Il y a des lustres,** trente-six chandelles chacun, des fastes plus rarement, mais ce serait mentir de dire qu\u2019il n\u2019y en eut pas. --- **Sur les chemins de campagne,** r\u00e9colter des gratte-cul, les d\u00e9piauter soigneusement, les glisser en douce dans les cols de chemise, et voir ensuite de jolies danses de Saint-Guy dans la cour d\u2019\u00e9cole. --- **Sur le marbre, une grenouille d\u00e9c\u00e9d\u00e9e.** Une le\u00e7on bien apprise : titiller \u00e9lectriquement un nerf peut remettre une machinerie en branle. L\u2019artifice du vivant chez les batraciens n\u2019a rien \u00e0 envier \u00e0 celui des bons Aryens. --- **La notion de temps dans la tension peut \u00eatre utile,** surtout en cas de d\u00e9bandade. Adapter la tension \u00e0 la dur\u00e9e allou\u00e9e. Ne pas poser de dur\u00e9e m\u00e8ne-t-il \u00e0 la d\u00e9bandade \u00e0 tous les coups ? --- **Parfois, un agacement devant un *il faut* me ferait ruer dans les brancards,** si toutefois j\u2019\u00e9tais bless\u00e9. --- **\"Il faut\",** balancier d\u2019une vieille pendule qui stoppe, la t\u00eate d\u2019un \u00e9pi de bl\u00e9 vole en \u00e9clats de grain, une vol\u00e9e de moineaux s\u2019\u00e9gaie. --- **Il faut. Pourquoi le faut-il ? Que se passe-t-il si l\u2019on faillit ?** --- **Il fallut se prendre pour quoi, pour qui,** pour ass\u00e9ner des *il faut* intempestifs \u00e0 tout coin de rue dans la ville d\u00e9j\u00e0 assomm\u00e9e par la stupeur. --- **Une atmosph\u00e8re constitu\u00e9e essentiellement d\u2019une sensation de fra\u00eecheur,** avec le faible brouhaha des clameurs matinales en fronti\u00e8re. Cette fragilit\u00e9 de la sensation qui ne dure pas. Savoir profiter, sans abus, de ce qui ne dure pas. --- **Sans abus** d\u00e9signe un \u00e9quilibre \u00e0 d\u00e9couvrir, constitu\u00e9 de bric et de broc, et souvent pr\u00e9caire. L\u2019habitude de la pr\u00e9carit\u00e9 produit une science : celle de cr\u00e9er l\u2019\u00e9quilibre par le d\u00e9s\u00e9quilibre. Pendant ce temps, les Shadoks pompaient \u2014 mais on ne dit pas qui. --- **Cr\u00e9er quelque chose \u2014 on se rend rarement compte de ce que c\u2019est.** Partir de rien, arriver \u00e0 peu de chose. M\u00eame cela est une \u00e9nigme. --- **Poss\u00e9der plus d\u2019une corde \u00e0 son arc et c\u2019est une lyre.** Poss\u00e9der plusieurs lyres ensuite, c\u2019est du d\u00e9lire. --- **Se r\u00e9dimer,** se reflanquer une d\u00eeme par-dessus le march\u00e9. --- **Il y a des jours o\u00f9 \u00e7a commence,** et on ne sait pas du tout comment \u00e7a va finir. --- **Tout ne tient qu\u2019\u00e0 un fil, ou \u00e0 un boson de Higgs.** C\u2019est \u00e0 peu pr\u00e8s tout ce qu\u2019auront produit la philosophie et la science r\u00e9unies. Une sorte de th\u00e9orie des cordes, soi-disant, pour masquer une sacr\u00e9e carence en mati\u00e8re grise. --- **Le temps n\u2019est pas un ph\u00e9nom\u00e8ne dans le temps,** comme la carte n\u2019est pas le territoire. --- ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/imgp0286jpgw1024-ff1c2d7b.jpg?1750685669", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/moulin-a-questions.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/moulin-a-questions.html", "title": "Moulin \u00e0 questions", "date_published": "2023-06-07T07:03:19Z", "date_modified": "2025-04-27T18:00:14Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Est-ce que les autres se posent autant de questions que moi ? Peut-\u00eatre. Peut-\u00eatre pas. Peut-\u00eatre qu\u2019ils les avalent, les taisent, les laissent se dissoudre sans bruit.\nParfois, on me le jette au visage : « Tu te poses beaucoup de questions », comme si c\u2019\u00e9tait un d\u00e9faut, une maladie. Il y a des moulins \u00e0 vent, il y a des moulins \u00e0 pri\u00e8res ; pourquoi n\u2019y aurait-il pas aussi des moulins \u00e0 questions ? Quelque chose qui tourne doucement sous le ciel, inlassablement, sans r\u00e9ponse, sans but. Une simple occupation.<\/p>\n

Occupation.\nLe mot me frappe.\nL\u2019Occupation.\nEt tout de suite apr\u00e8s : collabos, r\u00e9sistance, Drancy, V\u00e9l\u2019d\u2019Hiv, \u00e9t\u00e9 42.\nLa m\u00e9moire n\u2019est jamais loin derri\u00e8re les mots.<\/p>\n

Hier soir, pendant que R. r\u00e9parait les rotules de la Logan, nous sommes partis marcher, X et moi, le long des grands champs. Je croyais voir du bl\u00e9 ; c\u2019\u00e9tait de l\u2019orge. Me tromper ainsi, moi qui viens de la campagne, m\u2019a travers\u00e9 comme une lame. Une ombre a gliss\u00e9 sur la lumi\u00e8re.\nQu\u2019est-ce qui s\u2019est perdu en moi sans que je le sache ?<\/p>\n

Puis il y eut un ruisseau.\nUn filet d\u2019eau persistant, contre toute attente.\nIl \u00e9tait plus vigoureux aujourd’hui que l\u2019an pass\u00e9, m\u2019a-t-on dit. L\u00e0 o\u00f9 tout s\u2019ass\u00e8che, il grossit.\nUne contrebande de joie minuscule.\nIl a lav\u00e9 la tristesse, juste assez pour que je continue.<\/p>\n

Les moments sont ainsi : petites cr\u00eates, petites failles.\nUn gouffre qui devient un sommet par surprise.\nJe continue \u00e0 me poser des questions. Je suis probablement taraud\u00e9. Un moulin interne qui ne veut pas s\u2019arr\u00eater de tourner.<\/p>\n

Il y a la pes\u00e9e, aussi.\nLe poids qu\u2019on ne p\u00e8se pas.\nLa suspicion d\u2019\u00eatre quantit\u00e9 n\u00e9gligeable.\nLa crainte d’une d\u00e9faillance ancienne et irr\u00e9parable.<\/p>\n


\n
\n

On me reproche de poser trop de questions. Mais les moulins tournent d’eux-m\u00eames sous le ciel, sans qu’on leur demande. Hier, en confondant l’orge et le bl\u00e9, j’ai senti une faille dans ma m\u00e9moire. Puis un ruisseau, plus vaillant qu’avant, a recousu l’ombre. Peser peu dans la balance, soup\u00e7onner une d\u00e9faillance ancienne : c\u2019est tout ce que nous savons.<\/p>\n<\/blockquote>", "content_text": " Est-ce que les autres se posent autant de questions que moi ? Peut-\u00eatre. Peut-\u00eatre pas. Peut-\u00eatre qu\u2019ils les avalent, les taisent, les laissent se dissoudre sans bruit. Parfois, on me le jette au visage : \"Tu te poses beaucoup de questions\", comme si c\u2019\u00e9tait un d\u00e9faut, une maladie. Il y a des moulins \u00e0 vent, il y a des moulins \u00e0 pri\u00e8res ; pourquoi n\u2019y aurait-il pas aussi des moulins \u00e0 questions ? Quelque chose qui tourne doucement sous le ciel, inlassablement, sans r\u00e9ponse, sans but. Une simple occupation. Occupation. Le mot me frappe. L\u2019Occupation. Et tout de suite apr\u00e8s : collabos, r\u00e9sistance, Drancy, V\u00e9l\u2019d\u2019Hiv, \u00e9t\u00e9 42. La m\u00e9moire n\u2019est jamais loin derri\u00e8re les mots. Hier soir, pendant que R. r\u00e9parait les rotules de la Logan, nous sommes partis marcher, X et moi, le long des grands champs. Je croyais voir du bl\u00e9 ; c\u2019\u00e9tait de l\u2019orge. Me tromper ainsi, moi qui viens de la campagne, m\u2019a travers\u00e9 comme une lame. Une ombre a gliss\u00e9 sur la lumi\u00e8re. Qu\u2019est-ce qui s\u2019est perdu en moi sans que je le sache ? Puis il y eut un ruisseau. Un filet d\u2019eau persistant, contre toute attente. Il \u00e9tait plus vigoureux aujourd'hui que l\u2019an pass\u00e9, m\u2019a-t-on dit. L\u00e0 o\u00f9 tout s\u2019ass\u00e8che, il grossit. Une contrebande de joie minuscule. Il a lav\u00e9 la tristesse, juste assez pour que je continue. Les moments sont ainsi : petites cr\u00eates, petites failles. Un gouffre qui devient un sommet par surprise. Je continue \u00e0 me poser des questions. Je suis probablement taraud\u00e9. Un moulin interne qui ne veut pas s\u2019arr\u00eater de tourner. Il y a la pes\u00e9e, aussi. Le poids qu\u2019on ne p\u00e8se pas. La suspicion d\u2019\u00eatre quantit\u00e9 n\u00e9gligeable. La crainte d'une d\u00e9faillance ancienne et irr\u00e9parable. >On me reproche de poser trop de questions. Mais les moulins tournent d'eux-m\u00eames sous le ciel, sans qu'on leur demande. Hier, en confondant l'orge et le bl\u00e9, j'ai senti une faille dans ma m\u00e9moire. Puis un ruisseau, plus vaillant qu'avant, a recousu l'ombre. Peser peu dans la balance, soup\u00e7onner une d\u00e9faillance ancienne : c\u2019est tout ce que nous savons. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/chevres.jpg?1748065128", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/on-a-du-mal-a-faire-la-difference.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/on-a-du-mal-a-faire-la-difference.html", "title": "On a du mal \u00e0 faire la diff\u00e9rence", "date_published": "2023-06-07T06:11:09Z", "date_modified": "2025-06-23T20:45:38Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>

Je ne sais plus si ce sont les femmes qui agitent leurs mains sur ce quai de gare, ou les hommes silencieux accoud\u00e9s aux fen\u00eatres des wagons, la jointure blanche de leurs phalanges qui s\u2019y accrochent encore. Je ne sais plus si cette sc\u00e8ne, je l\u2019ai vue de mes yeux, dans les ann\u00e9es 80, \u00e0 Palerme, ou si je l\u2019ai imagin\u00e9e tellement fort en la lisant dans ce roman. Parfois, on a du mal \u00e0 faire la diff\u00e9rence. Parfois, on dit aussi que la fiction d\u00e9passe la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n

Les femmes v\u00eatues de noir, les hommes v\u00eatus de gris, le ruban blanc laiteux du ciel au-dessus des voies. Une photographie en noir et blanc, ai-je pens\u00e9, et soudain le d\u00e9cor, les \u00eatres ont commenc\u00e9 \u00e0 se mouvoir. Je peux m\u00eame me souvenir de la petite brise que produisit ce mouchoir pr\u00e8s de mon visage, son parfum, proche, contre toute attente, de celui des fraises Tagada.<\/p>\n

J\u2019ai cherch\u00e9 sur Google une image se rapprochant de celle qui reste log\u00e9e dans ma t\u00eate. Une image en noir et blanc de cette gare, de ces quais. Je ne l\u2019ai pas trouv\u00e9e. Mais Google, ce n\u2019est pas non plus la r\u00e9alit\u00e9. Et j\u2019ai \u00e9t\u00e9 content, je crois, de ne pas la trouver.<\/p>\n

Puis quelque chose de dr\u00f4le se produit quand je tombe sur cette photographie. Tout le poids de cette satan\u00e9e m\u00e9lancolie s\u2019envole par magie. J\u2019entends un battement d\u2019aile, un roucoulement de colombe, le bruit caract\u00e9ristique du linge que l\u2019on secoue avant de l\u2019accrocher \u00e0 un fil tendu entre deux fen\u00eatres.<\/p>\n

Mais \u00e7a aussi, \u00e0 la lecture, je l\u2019avais d\u00e9j\u00e0 entendu...<\/p>", "content_text": " Je ne sais plus si ce sont les femmes qui agitent leurs mains sur ce quai de gare, ou les hommes silencieux accoud\u00e9s aux fen\u00eatres des wagons, la jointure blanche de leurs phalanges qui s\u2019y accrochent encore. Je ne sais plus si cette sc\u00e8ne, je l\u2019ai vue de mes yeux, dans les ann\u00e9es 80, \u00e0 Palerme, ou si je l\u2019ai imagin\u00e9e tellement fort en la lisant dans ce roman. Parfois, on a du mal \u00e0 faire la diff\u00e9rence. Parfois, on dit aussi que la fiction d\u00e9passe la r\u00e9alit\u00e9. Les femmes v\u00eatues de noir, les hommes v\u00eatus de gris, le ruban blanc laiteux du ciel au-dessus des voies. Une photographie en noir et blanc, ai-je pens\u00e9, et soudain le d\u00e9cor, les \u00eatres ont commenc\u00e9 \u00e0 se mouvoir. Je peux m\u00eame me souvenir de la petite brise que produisit ce mouchoir pr\u00e8s de mon visage, son parfum, proche, contre toute attente, de celui des fraises Tagada. J\u2019ai cherch\u00e9 sur Google une image se rapprochant de celle qui reste log\u00e9e dans ma t\u00eate. Une image en noir et blanc de cette gare, de ces quais. Je ne l\u2019ai pas trouv\u00e9e. Mais Google, ce n\u2019est pas non plus la r\u00e9alit\u00e9. Et j\u2019ai \u00e9t\u00e9 content, je crois, de ne pas la trouver. Puis quelque chose de dr\u00f4le se produit quand je tombe sur cette photographie. Tout le poids de cette satan\u00e9e m\u00e9lancolie s\u2019envole par magie. J\u2019entends un battement d\u2019aile, un roucoulement de colombe, le bruit caract\u00e9ristique du linge que l\u2019on secoue avant de l\u2019accrocher \u00e0 un fil tendu entre deux fen\u00eatres. Mais \u00e7a aussi, \u00e0 la lecture, je l\u2019avais d\u00e9j\u00e0 entendu... ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/marpessa__caltagirone_ferdinando_scianna_1987.jpg?1750711519", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/06062023-2770.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/06062023-2770.html", "title": "06 juin 2023", "date_published": "2023-06-06T04:09:55Z", "date_modified": "2025-06-23T13:40:05Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n
\n

Ce que les parents nous l\u00e8guent d\u00e8s notre origine.\nEt ce temps infini de l\u2019enfance, lorsque nous sommes enfants.\nEt le juste, l\u2019injuste : ce passe-temps.\nEt si nous nous trompions toujours nous-m\u00eames, et si adroitement, pour ne pas \u00eatre aveugl\u00e9s par la terrible intelligence des choses que nous ne cessons jamais de c\u00f4toyer, sans jamais vraiment vouloir les voir en face ?<\/p>\n

Nous pensons — ou disons — juste, injuste, pour tenter de justifier une r\u00e9volte quant \u00e0 sa l\u00e9gitimit\u00e9 r\u00e9elle, surtout lorsque surgit tout \u00e0 coup le doute, ainsi que la mauvaise foi qui l\u2019accompagne de temps en temps.\nMais se demande-t-on, en quel honneur, les choses devraient \u00eatre justes ? Se le demande-t-on vraiment ?\nNon, bien s\u00fbr que non.\nLa notion du juste nous d\u00e9gueule du c\u0153ur et des l\u00e8vres comme de la bave, un r\u00e9flexe pavlovien.\nNous disons “c\u2019est injuste”<\/em> pour un oui, pour un non.\nAutant de coups d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau.<\/p>\n


\n

Hier soir, repas avec les copains.\nPremier barbecue de l\u2019\u00e9t\u00e9 : chipolatas et merguez.\nUne grande salade de perles pour accompagner, avec — bien s\u00fbr — un excellent C\u00f4te-du-Rh\u00f4ne, et une d\u00e9licieuse trop\u00e9zienne en dessert.<\/p>\n

On en vient soudain \u00e0 parler de l\u2019URSSAF, ce qui, a priori, n\u2019est pas bien bon pour la digestion.\nUn copain se plaint qu\u2019on lui demande d\u00e9sormais de lister tous les lieux d\u2019exposition o\u00f9 il s\u00e9vit, qu\u2019il y ait vendu ou pas.\nEt, \u00e9videmment, nous sommes tous d\u2019accord pour trouver cela d\u00e9bile — injuste, en fait.<\/p>\n

De l\u00e0, on passe bien s\u00fbr \u00e0 la r\u00e9forme des retraites, injuste elle aussi.\nOn parle du corps m\u00e9dical ensuite, puisque deux infirmi\u00e8res \u00e0 la retraite, assises autour de la table, se r\u00e9veillent \u00e0 trois heures chaque matin, ob\u00e9issant \u00e0 une horloge biologique fa\u00e7onn\u00e9e par des ann\u00e9es de nuits de garde (royalement r\u00e9mun\u00e9r\u00e9es \u00e0 huit euros de prime).\nOn \u00e9voque le pouvoir d\u2019achat d\u2019une \u00e9poque r\u00e9volue, o\u00f9, \u00e0 deux, avec des salaires modestes, on pouvait encore s\u2019en sortir — voire vivre assez bien.\nInjuste aussi, cette stagnation des salaires durant dix ans, dont la raison serait, dit-on, due aux 35 heures.<\/p>\n

On parle ainsi d\u2019un tas de choses f\u00e2cheuses.\nEt bien s\u00fbr, des maladies, du cancer, de ce nouveau vaccin.\nUne conversation de vieux.\nMais \u00e7a ne me d\u00e9rangeait pas vraiment.\nCe n\u2019\u00e9tait pas la conversation, l\u2019int\u00e9r\u00eat : c\u2019\u00e9tait d\u2019\u00eatre entre copains.<\/p>\n


\n

Je repensai soudain \u00e0 ces vieux films en noir et blanc, \u00e9voquant une France plus jeune encore que nous ne l\u2019avions connue.\nBourvil, Fernandel, Raimu\u2026 Ces films tir\u00e9s de Pagnol, o\u00f9 les disputes faisaient partie des amiti\u00e9s, d\u2019une certaine mani\u00e8re tr\u00e8s fran\u00e7aise de communiquer.<\/p>\n

Le fait est que nous avons tendance \u00e0 filer dans une nostalgie d\u00e9sormais.\nUne nostalgie \u00e9trange, celle du “bon vieux temps”<\/em> dont je nourris quelques doutes quant au fait de l\u2019avoir vraiment connu.\nNous ne l\u2019avons connu, la plupart d\u2019entre nous, que par ou\u00ef-dire.\nIl me semble que d\u00e9j\u00e0 nos parents disaient la m\u00eame chose, et nos grands-parents tout autant.\nLe fameux “c\u2019\u00e9tait mieux avant”<\/em>.<\/p>\n


\n

Mais tout de m\u00eame\u2026\nQue l\u2019URSSAF se pr\u00e9occupe des lieux d\u2019exposition o\u00f9 l\u2019on ne vend rien\u2026\nQue cet organisme nous demande des comptes d\u2019apothicaire sur du vent\u2026\nJe me demande dans quelle mesure je dois utiliser le mot r\u00e9pugnant<\/em> ou celui d\u2019injuste<\/em>.<\/p>\n


\n

Surtout qu\u2019il faut d\u00e9sormais \u00eatre totalement aveugle pour ne pas voir que tout ce qui est politique est d\u00e9voy\u00e9 par la finance.\nQu\u2019il est tout \u00e0 fait limpide qu\u2019on nous a donn\u00e9 le droit de vote comme un os \u00e0 des chiens vautr\u00e9s aux pieds des tables de cet obsc\u00e8ne banquet.\nQue le monde entier sue sang et eau pour qu\u2019une poign\u00e9e de privil\u00e9gi\u00e9s continue \u00e0 p\u00e9ter dans la soie.<\/p>\n

Il y a bien l\u00e0 quelque chose de profond\u00e9ment r\u00e9voltant.\nUne injustice flagrante.\nC\u2019est, du moins, ce que pense l\u2019enfant au plus profond de moi-m\u00eame.<\/p>\n

Alors que l\u2019adulte, exactement comme toutes ces personnes connues jadis dans ce fameux “bon vieux temps”,\nfabrique une boulette de mie de pain,\nla triture entre deux doigts,\ntout en \u00e9coutant les dol\u00e9ances qui jaillissent dans la nuit de juin —\nsans vraiment savoir comment y r\u00e9agir.<\/p>\n

Car dire, encore une fois, que tout cela est injuste<\/em>,\nnous le savons.\nBien s\u00fbr que nous le savons.\nCette plainte est devenue un lieu commun.\nEt c\u2019est peut-\u00eatre cela, le plus exasp\u00e9rant :\nque nous nous sentions oblig\u00e9s, par d\u2019invisibles forces,\nde nous retrouver dans ces lieux communs —\nalors que nous pourrions bien en inventer d\u2019autres,\nsi la fatigue,\nle d\u00e9sespoir,\nou une col\u00e8re vieille comme le monde\nne nous submergeait pas.<\/p>\n


\n

Ces notions de juste et d\u2019injuste nous entra\u00eenent vers une dangereuse nostalgie.\nElles y entra\u00eenent sans doute l\u2019Europe tout enti\u00e8re.\nEt il suffirait de pas grand-chose pour aller vers le pire.\nLe retour des bruits de bottes.\nDes armes \u00e0 feu.\nDes l\u00e2chet\u00e9s comme des bravoures.\nDes vices et des vertus dict\u00e9s par une id\u00e9e du juste et de l\u2019injuste\ninsuffl\u00e9e par des personnages sans vergogne —\net qui, m\u00eame, rient de notre grande na\u00efvet\u00e9.<\/p>\n


\n
\n

L\u2019illustration est un dessin r\u00e9alis\u00e9 pour un projet d\u2019affiche de th\u00e9\u00e2tre.\nLa nouvelle pi\u00e8ce \u00e9crite par mon \u00e9pouse sera jou\u00e9e en novembre prochain.\nUn th\u00e8me sur la violence conjugale.\nLa violence, un triste lieu commun aussi\u2026<\/em><\/p>\n<\/blockquote>\n


", "content_text": " --- Ce que les parents nous l\u00e8guent d\u00e8s notre origine. Et ce temps infini de l\u2019enfance, lorsque nous sommes enfants. Et le juste, l\u2019injuste : ce passe-temps. Et si nous nous trompions toujours nous-m\u00eames, et si adroitement, pour ne pas \u00eatre aveugl\u00e9s par la terrible intelligence des choses que nous ne cessons jamais de c\u00f4toyer, sans jamais vraiment vouloir les voir en face ? Nous pensons \u2014 ou disons \u2014 juste, injuste, pour tenter de justifier une r\u00e9volte quant \u00e0 sa l\u00e9gitimit\u00e9 r\u00e9elle, surtout lorsque surgit tout \u00e0 coup le doute, ainsi que la mauvaise foi qui l\u2019accompagne de temps en temps. Mais se demande-t-on, en quel honneur, les choses devraient \u00eatre justes ? Se le demande-t-on vraiment ? Non, bien s\u00fbr que non. La notion du juste nous d\u00e9gueule du c\u0153ur et des l\u00e8vres comme de la bave, un r\u00e9flexe pavlovien. Nous disons *\u201cc\u2019est injuste\u201d* pour un oui, pour un non. Autant de coups d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau. --- Hier soir, repas avec les copains. Premier barbecue de l\u2019\u00e9t\u00e9 : chipolatas et merguez. Une grande salade de perles pour accompagner, avec \u2014 bien s\u00fbr \u2014 un excellent C\u00f4te-du-Rh\u00f4ne, et une d\u00e9licieuse trop\u00e9zienne en dessert. On en vient soudain \u00e0 parler de l\u2019URSSAF, ce qui, a priori, n\u2019est pas bien bon pour la digestion. Un copain se plaint qu\u2019on lui demande d\u00e9sormais de lister tous les lieux d\u2019exposition o\u00f9 il s\u00e9vit, qu\u2019il y ait vendu ou pas. Et, \u00e9videmment, nous sommes tous d\u2019accord pour trouver cela d\u00e9bile \u2014 injuste, en fait. De l\u00e0, on passe bien s\u00fbr \u00e0 la r\u00e9forme des retraites, injuste elle aussi. On parle du corps m\u00e9dical ensuite, puisque deux infirmi\u00e8res \u00e0 la retraite, assises autour de la table, se r\u00e9veillent \u00e0 trois heures chaque matin, ob\u00e9issant \u00e0 une horloge biologique fa\u00e7onn\u00e9e par des ann\u00e9es de nuits de garde (royalement r\u00e9mun\u00e9r\u00e9es \u00e0 huit euros de prime). On \u00e9voque le pouvoir d\u2019achat d\u2019une \u00e9poque r\u00e9volue, o\u00f9, \u00e0 deux, avec des salaires modestes, on pouvait encore s\u2019en sortir \u2014 voire vivre assez bien. Injuste aussi, cette stagnation des salaires durant dix ans, dont la raison serait, dit-on, due aux 35 heures. On parle ainsi d\u2019un tas de choses f\u00e2cheuses. Et bien s\u00fbr, des maladies, du cancer, de ce nouveau vaccin. Une conversation de vieux. Mais \u00e7a ne me d\u00e9rangeait pas vraiment. Ce n\u2019\u00e9tait pas la conversation, l\u2019int\u00e9r\u00eat : c\u2019\u00e9tait d\u2019\u00eatre entre copains. --- Je repensai soudain \u00e0 ces vieux films en noir et blanc, \u00e9voquant une France plus jeune encore que nous ne l\u2019avions connue. Bourvil, Fernandel, Raimu\u2026 Ces films tir\u00e9s de Pagnol, o\u00f9 les disputes faisaient partie des amiti\u00e9s, d\u2019une certaine mani\u00e8re tr\u00e8s fran\u00e7aise de communiquer. Le fait est que nous avons tendance \u00e0 filer dans une nostalgie d\u00e9sormais. Une nostalgie \u00e9trange, celle du *\u201cbon vieux temps\u201d* dont je nourris quelques doutes quant au fait de l\u2019avoir vraiment connu. Nous ne l\u2019avons connu, la plupart d\u2019entre nous, que par ou\u00ef-dire. Il me semble que d\u00e9j\u00e0 nos parents disaient la m\u00eame chose, et nos grands-parents tout autant. Le fameux *\u201cc\u2019\u00e9tait mieux avant\u201d*. --- Mais tout de m\u00eame\u2026 Que l\u2019URSSAF se pr\u00e9occupe des lieux d\u2019exposition o\u00f9 l\u2019on ne vend rien\u2026 Que cet organisme nous demande des comptes d\u2019apothicaire sur du vent\u2026 Je me demande dans quelle mesure je dois utiliser le mot *r\u00e9pugnant* ou celui d\u2019*injuste*. --- Surtout qu\u2019il faut d\u00e9sormais \u00eatre totalement aveugle pour ne pas voir que tout ce qui est politique est d\u00e9voy\u00e9 par la finance. Qu\u2019il est tout \u00e0 fait limpide qu\u2019on nous a donn\u00e9 le droit de vote comme un os \u00e0 des chiens vautr\u00e9s aux pieds des tables de cet obsc\u00e8ne banquet. Que le monde entier sue sang et eau pour qu\u2019une poign\u00e9e de privil\u00e9gi\u00e9s continue \u00e0 p\u00e9ter dans la soie. Il y a bien l\u00e0 quelque chose de profond\u00e9ment r\u00e9voltant. Une injustice flagrante. C\u2019est, du moins, ce que pense l\u2019enfant au plus profond de moi-m\u00eame. Alors que l\u2019adulte, exactement comme toutes ces personnes connues jadis dans ce fameux \u201cbon vieux temps\u201d, fabrique une boulette de mie de pain, la triture entre deux doigts, tout en \u00e9coutant les dol\u00e9ances qui jaillissent dans la nuit de juin \u2014 sans vraiment savoir comment y r\u00e9agir. Car dire, encore une fois, que *tout cela est injuste*, nous le savons. Bien s\u00fbr que nous le savons. Cette plainte est devenue un lieu commun. Et c\u2019est peut-\u00eatre cela, le plus exasp\u00e9rant : que nous nous sentions oblig\u00e9s, par d\u2019invisibles forces, de nous retrouver dans ces lieux communs \u2014 alors que nous pourrions bien en inventer d\u2019autres, si la fatigue, le d\u00e9sespoir, ou une col\u00e8re vieille comme le monde ne nous submergeait pas. --- Ces notions de juste et d\u2019injuste nous entra\u00eenent vers une dangereuse nostalgie. Elles y entra\u00eenent sans doute l\u2019Europe tout enti\u00e8re. Et il suffirait de pas grand-chose pour aller vers le pire. Le retour des bruits de bottes. Des armes \u00e0 feu. Des l\u00e2chet\u00e9s comme des bravoures. Des vices et des vertus dict\u00e9s par une id\u00e9e du juste et de l\u2019injuste insuffl\u00e9e par des personnages sans vergogne \u2014 et qui, m\u00eame, rient de notre grande na\u00efvet\u00e9. --- > *L\u2019illustration est un dessin r\u00e9alis\u00e9 pour un projet d\u2019affiche de th\u00e9\u00e2tre. > La nouvelle pi\u00e8ce \u00e9crite par mon \u00e9pouse sera jou\u00e9e en novembre prochain. > Un th\u00e8me sur la violence conjugale. > La violence, un triste lieu commun aussi\u2026* --- ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/theatre.jpg?1750685976", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/culture-et-desir.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/culture-et-desir.html", "title": " Ma nuit arctique ", "date_published": "2023-06-05T01:19:21Z", "date_modified": "2025-06-23T21:02:00Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
\n
\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Il y a plusieurs fa\u00e7ons d\u2019acc\u00e9der \u00e0 la culture, comme il y en a de se rendre \u00e0 Rome. Par h\u00e9ritage, par \u00e9ducation, par envie, par d\u00e9sir, par n\u00e9cessit\u00e9. Le choix de la route importe-t-il vraiment au d\u00e9but ? Je n\u2019en sais rien. Je ne peux parler que de moi, sur cette route. Le fait est que j\u2019y fus souvent bien seul, comme le sont les parias, les voleurs, les assassins. En croyant emprunter un raccourci, j\u2019ai d\u00fb faire dix fois plus de chemin que si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9 bien sagement \u00e0 ma place.<\/p>\n

Ma place, quelle \u00e9tait-elle ? \u00c7a non plus, je n\u2019en savais rien. Dix fois plus de chemin aussi pour parvenir \u00e0 trouver cette fichue place que si j\u2019avais bien voulu \u00e9couter mes parents. Mon p\u00e8re disait : « Trouve une place et reste tranquille. » C\u2019est ce que son p\u00e8re lui avait transmis. Et encore avant lui, le p\u00e8re de mon grand-p\u00e8re. Mais \u00e7a n\u2019a pas fonctionn\u00e9 pour moi. Je n\u2019ai jamais vraiment su si c\u2019\u00e9tait de ma faute ou si l\u2019\u00e9poque avait chang\u00e9. J\u2019entretiens volontairement un doute sur les raisons d\u2019un tel d\u00e9calage.<\/p>\n

Elle, elle vient d\u2019une famille qui n\u2019a rien \u00e0 voir avec la mienne. Je veux dire : sa famille a du go\u00fbt pour les belles choses, pour l\u2019art — alors que nous, sous cet angle-l\u00e0, on serait plut\u00f4t du genre d\u00e9cati, n\u00e9andertalien. Je crois que le d\u00e9sir de lire l\u2019auteur dont elle me parlait vient surtout de ce vieux complexe familial. D\u2019ailleurs, elle dit « les ignorants » quand elle rep\u00e8re qu\u2019on ne s\u2019int\u00e9resse ni \u00e0 l\u2019art, ni \u00e0 la litt\u00e9rature, ni \u00e0 rien d\u2019autre qu\u2019\u00e0 tenter de joindre les deux bouts, en fait.<\/p>\n

La mani\u00e8re dont elle m\u2019avait parl\u00e9 de ce petit livre d\u2019une centaine de pages m\u2019avait donn\u00e9 envie, de la m\u00eame fa\u00e7on que sa fa\u00e7on de pincer les l\u00e8vres — tr\u00e8s particuli\u00e8re — m\u2019avait donn\u00e9 envie de l\u2019embrasser. Et dans le fond, je me demande si ce pincement-l\u00e0, elle ne l\u2019avait pas chip\u00e9 \u00e0 un roman d\u2019Elsa Morante. Mais le livre en question n\u2019\u00e9tait pas d\u2019Elsa Morante. Pas plus que de Doris Lessing. Il vaut mieux supprimer les fausses pistes tout de suite.<\/p>\n

Il y avait, je crois, en tout premier, une sorte de complexe d\u2019inf\u00e9riorit\u00e9 culturelle \u00e9norme — et, en parall\u00e8le, une histoire d\u2019immigration crois\u00e9e. Elle, sa famille venait du sud, le berceau de la civilisation. Encore que la Sicile ait longtemps \u00e9t\u00e9 une terre envahie par \u00e0 peu pr\u00e8s tout le monde. Et ma famille, elle venait du nord, de chez les barbares v\u00eatus de peaux de b\u00eates — encore que l\u2019Estonie ait bien des points communs avec la Sicile, question envahisseurs.<\/p>\n

D\u2019une certaine fa\u00e7on, elle m\u2019a accultur\u00e9, exactement comme ces pays conquis qui finissent par assimiler leurs envahisseurs. Par petites touches, elle m\u2019aida \u00e0 m\u2019extirper de ma nuit arctique.<\/p>\n

Apr\u00e8s la lecture de ce livre, je ne fus plus tout \u00e0 fait le m\u00eame. J\u2019avais compris l\u2019essence du d\u00e9sir, la pr\u00e9sence d\u2019un tiers n\u00e9cessaire — surtout pour l\u2019aiguiser jusqu\u2019au paroxysme —, la jalousie qui soudain en d\u00e9coule\u2026 et, oui, une belle envie de meurtre.<\/p>", "content_text": " Il y a plusieurs fa\u00e7ons d\u2019acc\u00e9der \u00e0 la culture, comme il y en a de se rendre \u00e0 Rome. Par h\u00e9ritage, par \u00e9ducation, par envie, par d\u00e9sir, par n\u00e9cessit\u00e9. Le choix de la route importe-t-il vraiment au d\u00e9but ? Je n\u2019en sais rien. Je ne peux parler que de moi, sur cette route. Le fait est que j\u2019y fus souvent bien seul, comme le sont les parias, les voleurs, les assassins. En croyant emprunter un raccourci, j\u2019ai d\u00fb faire dix fois plus de chemin que si j\u2019\u00e9tais rest\u00e9 bien sagement \u00e0 ma place. Ma place, quelle \u00e9tait-elle ? \u00c7a non plus, je n\u2019en savais rien. Dix fois plus de chemin aussi pour parvenir \u00e0 trouver cette fichue place que si j\u2019avais bien voulu \u00e9couter mes parents. Mon p\u00e8re disait : \u00ab Trouve une place et reste tranquille. \u00bb C\u2019est ce que son p\u00e8re lui avait transmis. Et encore avant lui, le p\u00e8re de mon grand-p\u00e8re. Mais \u00e7a n\u2019a pas fonctionn\u00e9 pour moi. Je n\u2019ai jamais vraiment su si c\u2019\u00e9tait de ma faute ou si l\u2019\u00e9poque avait chang\u00e9. J\u2019entretiens volontairement un doute sur les raisons d\u2019un tel d\u00e9calage. Elle, elle vient d\u2019une famille qui n\u2019a rien \u00e0 voir avec la mienne. Je veux dire : sa famille a du go\u00fbt pour les belles choses, pour l\u2019art \u2014 alors que nous, sous cet angle-l\u00e0, on serait plut\u00f4t du genre d\u00e9cati, n\u00e9andertalien. Je crois que le d\u00e9sir de lire l\u2019auteur dont elle me parlait vient surtout de ce vieux complexe familial. D\u2019ailleurs, elle dit \u00ab les ignorants \u00bb quand elle rep\u00e8re qu\u2019on ne s\u2019int\u00e9resse ni \u00e0 l\u2019art, ni \u00e0 la litt\u00e9rature, ni \u00e0 rien d\u2019autre qu\u2019\u00e0 tenter de joindre les deux bouts, en fait. La mani\u00e8re dont elle m\u2019avait parl\u00e9 de ce petit livre d\u2019une centaine de pages m\u2019avait donn\u00e9 envie, de la m\u00eame fa\u00e7on que sa fa\u00e7on de pincer les l\u00e8vres \u2014 tr\u00e8s particuli\u00e8re \u2014 m\u2019avait donn\u00e9 envie de l\u2019embrasser. Et dans le fond, je me demande si ce pincement-l\u00e0, elle ne l\u2019avait pas chip\u00e9 \u00e0 un roman d\u2019Elsa Morante. Mais le livre en question n\u2019\u00e9tait pas d\u2019Elsa Morante. Pas plus que de Doris Lessing. Il vaut mieux supprimer les fausses pistes tout de suite. Il y avait, je crois, en tout premier, une sorte de complexe d\u2019inf\u00e9riorit\u00e9 culturelle \u00e9norme \u2014 et, en parall\u00e8le, une histoire d\u2019immigration crois\u00e9e. Elle, sa famille venait du sud, le berceau de la civilisation. Encore que la Sicile ait longtemps \u00e9t\u00e9 une terre envahie par \u00e0 peu pr\u00e8s tout le monde. Et ma famille, elle venait du nord, de chez les barbares v\u00eatus de peaux de b\u00eates \u2014 encore que l\u2019Estonie ait bien des points communs avec la Sicile, question envahisseurs. D\u2019une certaine fa\u00e7on, elle m\u2019a accultur\u00e9, exactement comme ces pays conquis qui finissent par assimiler leurs envahisseurs. Par petites touches, elle m\u2019aida \u00e0 m\u2019extirper de ma nuit arctique. Apr\u00e8s la lecture de ce livre, je ne fus plus tout \u00e0 fait le m\u00eame. J\u2019avais compris l\u2019essence du d\u00e9sir, la pr\u00e9sence d\u2019un tiers n\u00e9cessaire \u2014 surtout pour l\u2019aiguiser jusqu\u2019au paroxysme \u2014, la jalousie qui soudain en d\u00e9coule\u2026 et, oui, une belle envie de meurtre. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/extra_terrestre.jpg?1750712499", "tags": [] } ] }