{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-novembre-2023-3.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-novembre-2023-3.html", "title": "08 novembre 2023-3", "date_published": "2023-11-08T20:12:00Z", "date_modified": "2025-04-03T19:12:42Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

On n\u2019erre pas pour atteindre un but, m\u00eame au hasard. On erre pour s\u2019en lib\u00e9rer. Pour se d\u00e9lier des finalit\u00e9s qui ne sont pas les n\u00f4tres, mais des implants, des lignes de code sociales. On erre pour examiner la pente. Observer la chute des leurres. Les miroirs aux alouettes, en nous et autour de nous.<\/p>\n

Quelque chose, un jour, ne colle plus. Tu refuses. Tu te cabres. Tu sors du rang. Et te voil\u00e0 sans objet, sans fonction, sans r\u00f4le. Pauvre. Cette pauvret\u00e9, tant redout\u00e9e par le clan, devient une valeur invers\u00e9e. Le meilleur du pire. Une boussole d\u00e9traqu\u00e9e qui, pourtant, t\u2019indique la seule direction fiable : l\u2019errance.<\/p>\n

Et cette pauvret\u00e9, que cache-t-elle ? Voil\u00e0 la vraie question. Tu pars. Pour r\u00e9parer, en tremblant, quelque chose de cass\u00e9. En toi. Avant toi.<\/p>\n

Tu changes de visage. Tu en voles. Tu survis en m\u00e9tamorphose. Et un jour, tu rencontres un noyau. Un moteur. Ce que tu crois \u00eatre ton \u00eatre. Mais il ne l\u2019est pas. Il ne l\u2019a jamais \u00e9t\u00e9. Et tu luttes. Contre l\u2019ange. En sachant d\u00e9j\u00e0 que tu perdras.<\/p>\n

Tu vas au bout. Et l\u00e0, rien. Rien ne t\u2019attend. Et cette d\u00e9ception nue t\u2019\u00e9claire. Elle balaye d\u2019un revers tous les espoirs mal fagot\u00e9s. Tous ces espoirs qu\u2019on t\u2019avait vendus, gamin.<\/p>\n

Alors, que faire ? Ouvrir les mains. Les bras. Enti\u00e8rement. T\u2019offrir, malgr\u00e9 tout. Car tout le monde se trompe. Errant ou non.<\/p>\n

C\u2019est comme dans Hesse. Le roman que tous les adolescents lisent, fi\u00e9vreux. Et auquel ils ne comprennent rien.<\/p>\n

Et toi, tu souris. Le sourire d\u2019idiot que tu tailles sur ton visage pendant que le monde court, affair\u00e9.<\/p>\n

Tu le regardes passer. Et tu restes l\u00e0.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 errer\u2026 pas pour trouver\u2026 non\u2026 pour fuir\u2026 mais non, pas fuir\u2026 pour d\u00e9sactiver\u2026 pour \u00e9teindre\u2026<\/p>\n

ces buts\u2026 pas les tiens\u2026 jamais les tiens\u2026 ins\u00e9r\u00e9s\u2026 programm\u00e9s\u2026 et maintenant quoi ?\u2026<\/p>\n

vide\u2026 sans objet\u2026 tu te tiens l\u00e0\u2026 ridicule\u2026 et cette pauvret\u00e9\u2026 elle pue pour eux\u2026 mais pour toi, non\u2026 elle brille\u2026<\/p>\n

changer de peau\u2026 encore\u2026 survivre, oui, mais \u00e0 quoi bon\u2026<\/p>\n

un noyau\u2026 non, une illusion\u2026 encore une\u2026<\/p>\n

tu luttes\u2026 oui\u2026 tu sais d\u00e9j\u00e0\u2026 tu perds toujours\u2026 mais tu continues\u2026 pourquoi\u2026<\/p>\n

et ce rien, ce rien au bout\u2026 c\u2019est presque beau\u2026 presque\u2026<\/p>\n

alors tu ouvres les bras\u2026 tu n\u2019attends plus rien\u2026<\/p>\n

le monde court\u2026 toi tu souris\u2026 idiot ? peut-\u00eatre\u2026 mais pr\u00e9sent\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Ce texte est une trajectoire. Une sortie du langage fonctionnel, du social, des injonctions. Il parle depuis un lieu recul\u00e9, un arri\u00e8re-pays de l\u2019\u00e2me. L\u2019errance y est une forme d\u2019\u00e9veil, mais aussi une douleur — celle de n\u2019avoir plus de r\u00f4le \u00e0 jouer, plus de masque \u00e0 porter.<\/p>\n

Le sujet se sait hors du monde. Il ne le pleure pas. Il l\u2019observe. Avec d\u00e9tachement. Il n\u2019essaie pas de revenir. Il cherche une v\u00e9rit\u00e9 nue, d\u00e9barrass\u00e9e de toute mise en sc\u00e8ne.<\/p>\n

Le combat avec l\u2019ange \u00e9voque Jacob. Il renverse la honte : ne pas gagner est ici un honneur. Ne pas avoir de but est une victoire paradoxale.<\/p>\n

Mais la phrase-cl\u00e9 est celle-ci : « tout le monde se trompe qu\u2019il erre ou non. »<\/em> C\u2019est une r\u00e9conciliation. L\u2019errant n\u2019est pas un h\u00e9ros. Le fixe n\u2019est pas un esclave. Tous se trompent. Et cette conscience partag\u00e9e produit, chez le sujet, un sourire — ce fameux « sourire d\u2019idiot ». Un sourire de Bouddha, peut-\u00eatre. Ou de clown.<\/p>\n

Ce texte est une forme de sagesse nihiliste. Il ne propose rien. Il ne sauve pas. Mais il voit. Il voit tr\u00e8s bien.<\/p>\n

Et cela, dans notre \u00e9poque aveugle, est d\u00e9j\u00e0 une r\u00e9ponse.<\/p>", "content_text": " On n\u2019erre pas pour atteindre un but, m\u00eame au hasard. On erre pour s\u2019en lib\u00e9rer. Pour se d\u00e9lier des finalit\u00e9s qui ne sont pas les n\u00f4tres, mais des implants, des lignes de code sociales. On erre pour examiner la pente. Observer la chute des leurres. Les miroirs aux alouettes, en nous et autour de nous. Quelque chose, un jour, ne colle plus. Tu refuses. Tu te cabres. Tu sors du rang. Et te voil\u00e0 sans objet, sans fonction, sans r\u00f4le. Pauvre. Cette pauvret\u00e9, tant redout\u00e9e par le clan, devient une valeur invers\u00e9e. Le meilleur du pire. Une boussole d\u00e9traqu\u00e9e qui, pourtant, t\u2019indique la seule direction fiable : l\u2019errance. Et cette pauvret\u00e9, que cache-t-elle ? Voil\u00e0 la vraie question. Tu pars. Pour r\u00e9parer, en tremblant, quelque chose de cass\u00e9. En toi. Avant toi. Tu changes de visage. Tu en voles. Tu survis en m\u00e9tamorphose. Et un jour, tu rencontres un noyau. Un moteur. Ce que tu crois \u00eatre ton \u00eatre. Mais il ne l\u2019est pas. Il ne l\u2019a jamais \u00e9t\u00e9. Et tu luttes. Contre l\u2019ange. En sachant d\u00e9j\u00e0 que tu perdras. Tu vas au bout. Et l\u00e0, rien. Rien ne t\u2019attend. Et cette d\u00e9ception nue t\u2019\u00e9claire. Elle balaye d\u2019un revers tous les espoirs mal fagot\u00e9s. Tous ces espoirs qu\u2019on t\u2019avait vendus, gamin. Alors, que faire ? Ouvrir les mains. Les bras. Enti\u00e8rement. T\u2019offrir, malgr\u00e9 tout. Car tout le monde se trompe. Errant ou non. C\u2019est comme dans Hesse. Le roman que tous les adolescents lisent, fi\u00e9vreux. Et auquel ils ne comprennent rien. Et toi, tu souris. Le sourire d\u2019idiot que tu tailles sur ton visage pendant que le monde court, affair\u00e9. Tu le regardes passer. Et tu restes l\u00e0. **sous-conversation** \u2026 errer\u2026 pas pour trouver\u2026 non\u2026 pour fuir\u2026 mais non, pas fuir\u2026 pour d\u00e9sactiver\u2026 pour \u00e9teindre\u2026 ces buts\u2026 pas les tiens\u2026 jamais les tiens\u2026 ins\u00e9r\u00e9s\u2026 programm\u00e9s\u2026 et maintenant quoi ?\u2026 vide\u2026 sans objet\u2026 tu te tiens l\u00e0\u2026 ridicule\u2026 et cette pauvret\u00e9\u2026 elle pue pour eux\u2026 mais pour toi, non\u2026 elle brille\u2026 changer de peau\u2026 encore\u2026 survivre, oui, mais \u00e0 quoi bon\u2026 un noyau\u2026 non, une illusion\u2026 encore une\u2026 tu luttes\u2026 oui\u2026 tu sais d\u00e9j\u00e0\u2026 tu perds toujours\u2026 mais tu continues\u2026 pourquoi\u2026 et ce rien, ce rien au bout\u2026 c\u2019est presque beau\u2026 presque\u2026 alors tu ouvres les bras\u2026 tu n\u2019attends plus rien\u2026 le monde court\u2026 toi tu souris\u2026 idiot ? peut-\u00eatre\u2026 mais pr\u00e9sent\u2026 **note de travail** Ce texte est une trajectoire. Une sortie du langage fonctionnel, du social, des injonctions. Il parle depuis un lieu recul\u00e9, un arri\u00e8re-pays de l\u2019\u00e2me. L\u2019errance y est une forme d\u2019\u00e9veil, mais aussi une douleur \u2014 celle de n\u2019avoir plus de r\u00f4le \u00e0 jouer, plus de masque \u00e0 porter. Le sujet se sait hors du monde. Il ne le pleure pas. Il l\u2019observe. Avec d\u00e9tachement. Il n\u2019essaie pas de revenir. Il cherche une v\u00e9rit\u00e9 nue, d\u00e9barrass\u00e9e de toute mise en sc\u00e8ne. Le combat avec l\u2019ange \u00e9voque Jacob. Il renverse la honte : ne pas gagner est ici un honneur. Ne pas avoir de but est une victoire paradoxale. Mais la phrase-cl\u00e9 est celle-ci : *\"tout le monde se trompe qu\u2019il erre ou non.\"* C\u2019est une r\u00e9conciliation. L\u2019errant n\u2019est pas un h\u00e9ros. Le fixe n\u2019est pas un esclave. Tous se trompent. Et cette conscience partag\u00e9e produit, chez le sujet, un sourire \u2014 ce fameux \"sourire d\u2019idiot\". Un sourire de Bouddha, peut-\u00eatre. Ou de clown. Ce texte est une forme de sagesse nihiliste. Il ne propose rien. Il ne sauve pas. Mais il voit. Il voit tr\u00e8s bien. Et cela, dans notre \u00e9poque aveugle, est d\u00e9j\u00e0 une r\u00e9ponse. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/08-11-2023-2.jpg?1748065196", "tags": ["Auteurs litt\u00e9raires", "Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-novembre-2023-2.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-novembre-2023-2.html", "title": "08 novembre 2023-2", "date_published": "2023-11-08T19:55:00Z", "date_modified": "2025-04-03T18:55:41Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je lis sur ma tablette un passage de « Tumulte », de F.B. Il parle de typographie, longuement. Et soudain, \u00e7a me frappe : je ne connais presque rien \u00e0 tout \u00e7a. Les guillemets fran\u00e7ais ? « ALT 0171 » pour l\u2019ouvrant, « ALT 0187 » pour le fermant. Une recherche Google et le monde s\u2019ouvre.<\/p>\n

On conseille WordPress en mode \u00e9diteur de code. Je teste. Mais le visuel fait tout aussi bien le travail. Alors ? \u00c0 quoi bon tant de rigueur ? \u00c0 quoi servent les guillemets, ces marques qu\u2019on croit ma\u00eetriser depuis l\u2019\u00e9cole, intuitivement. Puis je lis : discours rapport\u00e9, expression mise en relief, ironie. Tout un champ lexical de la distance.<\/p>\n

Et puis vient l\u2019espace ins\u00e9cable. Deux formes : normale et fine. Jamais utilis\u00e9e. L\u2019ignorance m\u2019interpelle. Un an chez un imprimeur et je ne sais rien de \u00e7a. O\u00f9 \u00e9tait ma t\u00eate \u00e0 l\u2019\u00e9poque ? La mise en page, cette g\u00e9om\u00e9trie secr\u00e8te de la pens\u00e9e.<\/p>\n

Ces flashs de lucidit\u00e9 me visitent plus souvent. Ils \u00e9clairent l\u2019ignorance. Et la distance que j\u2019ai prise, peut-\u00eatre pour \u00e7a, avec certains groupes, certaines discussions. Comme une langue que je ne parle pas. Comme le chinois.<\/p>\n

Et quand je ne comprends pas, je me tais. Je pars. Je m\u2019isole. J\u2019ai fait \u00e7a toute ma vie. Et j\u2019en paie le prix. Encore aujourd\u2019hui, je suis ce cancre qu\u2019on m\u2019a dit.<\/p>\n

Apprendre \u00e0 l\u2019oreille. Comme un gitan apprend la musique. C\u2019est ce que je suis. Pas une honte. Une r\u00e9sistance. Une r\u00e9ponse. Mais \u00e0 force de lire, on comprend que l\u2019oreille seule ne suffit pas. Pas si l\u2019on pr\u00e9tend \u00e9crire.<\/p>\n

L\u2019exigence arrive avec le temps. L\u2019envie de dire juste, au plus net. Et m\u00eame typographiquement.<\/p>\n

Justifier les paragraphes ? Peut-\u00eatre pas. Je pr\u00e9f\u00e8re les lignes en escalier. Les textes lisses m\u2019irritent. Comme ces visages lisses, ces discours. Comme ces saboteurs et escrocs polis jusqu\u2019\u00e0 l\u2019ennui. Je pense \u00e0 « Le sabotage amoureux », Nothomb, 1993.<\/p>\n

Hier, rendez-vous avec le banquier. Un jeune au brushing de gamer. Il me propose une somme ridicule en facilit\u00e9 de caisse. Je proteste. Il me parle du Covid. De la guerre. Des entreprises.<\/p>\n

Je me retiens. Ce n\u2019est pas le moment. Ce n\u2019est jamais le moment. Alors je souris. Je dis que \u00e7a va s\u2019arranger. Optimisme obligatoire. Deux heures de route pour qu\u2019il me dise : « Ce temps n\u2019existe plus. »<\/p>\n

Sur le retour, il fait beau. Lumi\u00e8re d\u2019automne. Rouille et or. La voiture glisse sans encombre. Pas de voyant. Pas de bruit. Juste ce sentiment : je peux faire sans ce d\u00e9couvert. Je le fais d\u00e9j\u00e0.<\/p>\n

Je pense m\u2019arr\u00eater chez Action. Acheter pinceaux, couleurs. Mais j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 tout. Il suffirait de nettoyer ceux que j\u2019ai. Pas la peine. Pas d\u2019achat. J\u2019acc\u00e9l\u00e8re dans la c\u00f4te, chasse ces pens\u00e9es.<\/p>\n

L\u2019apr\u00e8s-midi, je peins. Bandes de 10 cm, sur papier. Bleu, jaune, rouge. Superpositions. Dix couches. Lent enfouissement du rouge, retour au brun. R\u00e9action avec le jaune, le bleu.<\/p>\n

Il y a un myst\u00e8re dans la couleur. Elle se suffit \u00e0 elle-m\u00eame. Quand tout le reste \u2013 le verbe, le code, la dette, la banque \u2013 devient superflu.<\/p>\n

Alors on peint. On entre dans la couleur comme dans une pri\u00e8re. On s\u2019\u00e9loigne. Du spectacle. Du chaos.<\/p>\n

Illustration : huile sur toile.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 les guillemets\u2026 ces petites choses\u2026 comment ai-je pu ne jamais\u2026 l\u2019espace ins\u00e9cable\u2026 et ce mot\u2026 « insecabilis »\u2026<\/p>\n

imprimeur, oui\u2026 toute une ann\u00e9e\u2026 rien retenu\u2026 rien su\u2026 \u00e0 quoi pensais-je\u2026<\/p>\n

chinois\u2026 oui, c\u2019est \u00e7a\u2026 cette langue \u00e9trang\u00e8re\u2026 je n\u2019y comprends rien\u2026 alors je me tais\u2026 je me sauve\u2026<\/p>\n

le cancre\u2026 toujours lui\u2026 il revient\u2026 il s\u2019accroche\u2026 il s\u2019installe\u2026<\/p>\n

le banquier\u2026 le brushing\u2026 le sourire\u2026 moi, dans le bureau\u2026 trop poli\u2026 trop vide\u2026<\/p>\n

la lumi\u00e8re\u2026 oui\u2026 la route\u2026 les arbres\u2026 \u00e7a, je comprends\u2026<\/p>\n

les couleurs\u2026 elles\u2026 elles parlent\u2026 pas besoin de guillemets\u2026 elles s\u2019en foutent, les couleurs\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Le sujet s\u2019\u00e9veille \u00e0 la typographie comme on s\u2019\u00e9veille \u00e0 une langue ancienne : avec retard, mais avec une intensit\u00e9 particuli\u00e8re. Ce qu\u2019il dit ici, ce n\u2019est pas simplement qu\u2019il ignore les r\u00e8gles, c\u2019est qu\u2019il d\u00e9couvre \u00e0 quel point cela le touche. Le manque de rigueur devient le sympt\u00f4me d\u2019une honte plus ancienne, plus intime : l\u2019enfant qui se tait, l\u2019adulte qui fuit.<\/p>\n

La sc\u00e8ne avec le banquier est saisissante. C\u2019est une humiliation tranquille. Polie. Le refus n\u2019est pas brutal, il est d\u2019autant plus violent. « Ce temps n\u2019existe plus. » Tout est dit.<\/p>\n

Mais ce texte n\u2019est pas un repli. Il op\u00e8re une reconqu\u00eate. Par la peinture. Par la couleur. Par le geste.<\/p>\n

Le sujet refuse la lisibilit\u00e9 des temps modernes. Il veut l\u2019\u00e9cart, la faille, l\u2019irr\u00e9gularit\u00e9. Il pr\u00e9f\u00e8re les marges au centre. Il pr\u00e9f\u00e8re les lignes en escalier.<\/p>\n

C\u2019est une esth\u00e9tique. Mais aussi une \u00e9thique.<\/p>\n

Ce texte est une mani\u00e8re de dire : je continue<\/em>.<\/p>", "content_text": " Je lis sur ma tablette un passage de \"Tumulte\", de F.B. Il parle de typographie, longuement. Et soudain, \u00e7a me frappe : je ne connais presque rien \u00e0 tout \u00e7a. Les guillemets fran\u00e7ais ? \u00ab ALT 0171 \u00bb pour l\u2019ouvrant, \u00ab ALT 0187 \u00bb pour le fermant. Une recherche Google et le monde s\u2019ouvre. On conseille WordPress en mode \u00e9diteur de code. Je teste. Mais le visuel fait tout aussi bien le travail. Alors ? \u00c0 quoi bon tant de rigueur ? \u00c0 quoi servent les guillemets, ces marques qu\u2019on croit ma\u00eetriser depuis l\u2019\u00e9cole, intuitivement. Puis je lis : discours rapport\u00e9, expression mise en relief, ironie. Tout un champ lexical de la distance. Et puis vient l\u2019espace ins\u00e9cable. Deux formes : normale et fine. Jamais utilis\u00e9e. L\u2019ignorance m\u2019interpelle. Un an chez un imprimeur et je ne sais rien de \u00e7a. O\u00f9 \u00e9tait ma t\u00eate \u00e0 l\u2019\u00e9poque ? La mise en page, cette g\u00e9om\u00e9trie secr\u00e8te de la pens\u00e9e. Ces flashs de lucidit\u00e9 me visitent plus souvent. Ils \u00e9clairent l\u2019ignorance. Et la distance que j\u2019ai prise, peut-\u00eatre pour \u00e7a, avec certains groupes, certaines discussions. Comme une langue que je ne parle pas. Comme le chinois. Et quand je ne comprends pas, je me tais. Je pars. Je m\u2019isole. J\u2019ai fait \u00e7a toute ma vie. Et j\u2019en paie le prix. Encore aujourd\u2019hui, je suis ce cancre qu\u2019on m\u2019a dit. Apprendre \u00e0 l\u2019oreille. Comme un gitan apprend la musique. C\u2019est ce que je suis. Pas une honte. Une r\u00e9sistance. Une r\u00e9ponse. Mais \u00e0 force de lire, on comprend que l\u2019oreille seule ne suffit pas. Pas si l\u2019on pr\u00e9tend \u00e9crire. L\u2019exigence arrive avec le temps. L\u2019envie de dire juste, au plus net. Et m\u00eame typographiquement. Justifier les paragraphes ? Peut-\u00eatre pas. Je pr\u00e9f\u00e8re les lignes en escalier. Les textes lisses m\u2019irritent. Comme ces visages lisses, ces discours. Comme ces saboteurs et escrocs polis jusqu\u2019\u00e0 l\u2019ennui. Je pense \u00e0 \"Le sabotage amoureux\", Nothomb, 1993. Hier, rendez-vous avec le banquier. Un jeune au brushing de gamer. Il me propose une somme ridicule en facilit\u00e9 de caisse. Je proteste. Il me parle du Covid. De la guerre. Des entreprises. Je me retiens. Ce n\u2019est pas le moment. Ce n\u2019est jamais le moment. Alors je souris. Je dis que \u00e7a va s\u2019arranger. Optimisme obligatoire. Deux heures de route pour qu\u2019il me dise : \u00ab Ce temps n\u2019existe plus. \u00bb Sur le retour, il fait beau. Lumi\u00e8re d\u2019automne. Rouille et or. La voiture glisse sans encombre. Pas de voyant. Pas de bruit. Juste ce sentiment : je peux faire sans ce d\u00e9couvert. Je le fais d\u00e9j\u00e0. Je pense m\u2019arr\u00eater chez Action. Acheter pinceaux, couleurs. Mais j\u2019ai d\u00e9j\u00e0 tout. Il suffirait de nettoyer ceux que j\u2019ai. Pas la peine. Pas d\u2019achat. J\u2019acc\u00e9l\u00e8re dans la c\u00f4te, chasse ces pens\u00e9es. L\u2019apr\u00e8s-midi, je peins. Bandes de 10 cm, sur papier. Bleu, jaune, rouge. Superpositions. Dix couches. Lent enfouissement du rouge, retour au brun. R\u00e9action avec le jaune, le bleu. Il y a un myst\u00e8re dans la couleur. Elle se suffit \u00e0 elle-m\u00eame. Quand tout le reste \u2013 le verbe, le code, la dette, la banque \u2013 devient superflu. Alors on peint. On entre dans la couleur comme dans une pri\u00e8re. On s\u2019\u00e9loigne. Du spectacle. Du chaos. Illustration : huile sur toile. **sous-conversation** \u2026 les guillemets\u2026 ces petites choses\u2026 comment ai-je pu ne jamais\u2026 l\u2019espace ins\u00e9cable\u2026 et ce mot\u2026 \"insecabilis\"\u2026 imprimeur, oui\u2026 toute une ann\u00e9e\u2026 rien retenu\u2026 rien su\u2026 \u00e0 quoi pensais-je\u2026 chinois\u2026 oui, c\u2019est \u00e7a\u2026 cette langue \u00e9trang\u00e8re\u2026 je n\u2019y comprends rien\u2026 alors je me tais\u2026 je me sauve\u2026 le cancre\u2026 toujours lui\u2026 il revient\u2026 il s\u2019accroche\u2026 il s\u2019installe\u2026 le banquier\u2026 le brushing\u2026 le sourire\u2026 moi, dans le bureau\u2026 trop poli\u2026 trop vide\u2026 la lumi\u00e8re\u2026 oui\u2026 la route\u2026 les arbres\u2026 \u00e7a, je comprends\u2026 les couleurs\u2026 elles\u2026 elles parlent\u2026 pas besoin de guillemets\u2026 elles s\u2019en foutent, les couleurs\u2026 **note de travail** Le sujet s\u2019\u00e9veille \u00e0 la typographie comme on s\u2019\u00e9veille \u00e0 une langue ancienne : avec retard, mais avec une intensit\u00e9 particuli\u00e8re. Ce qu\u2019il dit ici, ce n\u2019est pas simplement qu\u2019il ignore les r\u00e8gles, c\u2019est qu\u2019il d\u00e9couvre \u00e0 quel point cela le touche. Le manque de rigueur devient le sympt\u00f4me d\u2019une honte plus ancienne, plus intime : l\u2019enfant qui se tait, l\u2019adulte qui fuit. La sc\u00e8ne avec le banquier est saisissante. C\u2019est une humiliation tranquille. Polie. Le refus n\u2019est pas brutal, il est d\u2019autant plus violent. \u00ab Ce temps n\u2019existe plus. \u00bb Tout est dit. Mais ce texte n\u2019est pas un repli. Il op\u00e8re une reconqu\u00eate. Par la peinture. Par la couleur. Par le geste. Le sujet refuse la lisibilit\u00e9 des temps modernes. Il veut l\u2019\u00e9cart, la faille, l\u2019irr\u00e9gularit\u00e9. Il pr\u00e9f\u00e8re les marges au centre. Il pr\u00e9f\u00e8re les lignes en escalier. C\u2019est une esth\u00e9tique. Mais aussi une \u00e9thique. Ce texte est une mani\u00e8re de dire : *je continue*. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/08-11-2023.jpg?1748065124", "tags": ["Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-novembre-2023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/08-novembre-2023.html", "title": "08 novembre 2023", "date_published": "2023-11-08T19:29:00Z", "date_modified": "2025-04-03T18:30:07Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Aveugl\u00e9. Qui me le dit ? Sinon celle ou celui qui ne se montre jamais. Qui fuit. Qui invente. Qui descend les escaliers \u00e0 perdre haleine pour atteindre le ciel, l\u00e0, au-dehors. Le grand ciel. Et dessous, les collines. Et sur les joues, la brise.<\/p>\n

Aveugl\u00e9, oui. Mais comment ? Pourquoi ? Repli de l\u2019\u0153il. Retournement. Refus. Isolement. On me demande. Je ne sais quoi dire. Je ne sais m\u00eame pas que je suis aveugle. On dit que je r\u00e9ponds \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Que je suis brouillon. Et \u00e0 force qu\u2019ils me le disent, je le vois. Par eux. \u00c0 travers eux.<\/p>\n

Alors je parle \u00e0 travers celui qu\u2019ils voient. Je cherche leurs mots. Les mots qu\u2019ils veulent entendre.<\/p>\n

Mais en creux. Avec leurs ombres. Leurs \u00e9chos.<\/p>\n

Aveugl\u00e9, j\u2019avance. \u00c0 t\u00e2tons. Mon corps sent. Par les chocs. Les peaux. Les mati\u00e8res. Les odeurs. Le son. Le b\u00e2ton.<\/p>\n

Ai-je peur ? Ai-je envie de voir ? Je ne sais plus. C\u2019est lui qui me guide. Par la main. Par la voix. Par l\u2019absence.<\/p>\n

Il dit : N\u2019essaie pas de voir. Invente. Transforme.<\/em><\/p>\n

Grimpe. Cueille la branche. Atteins l\u2019aubier. Fais-toi un arc. Des fl\u00e8ches.<\/p>\n

Il grimpe avec moi. M\u00eame d\u00e9sir. M\u00eame sang aux genoux. M\u00eame plaisir, l\u00e0-haut. Proche des nuages.<\/p>\n

Ou alors, redescends. Essaie le lance-pierre.<\/p>\n

Aveugl\u00e9 par cette id\u00e9e, je t\u00e2tonne dans l\u2019atelier de couture. Je prends les ciseaux. Je d\u00e9coupe une chambre \u00e0 air. Je cherche une fourche, le V d\u2019aveugl\u00e9<\/em>. J\u2019attache. Je tends. J\u2019envoie la pierre.<\/p>\n

Tire, et tu verras.<\/p>\n

Aveugl\u00e9 par l\u2019amour du hasard, je lance. J\u2019\u00e9tudie le ricochet. Comment atteindre le but sans le viser. Sans vouloir. Juste \u00eatre.<\/p>\n

Refuser ce qui les pousse, les lie, les oblige.<\/p>\n

Vaincre crainte et d\u00e9sir.<\/p>\n

Aveugl\u00e9 par le d\u00e9sir de voir ce qui a \u00e9t\u00e9 vraiment vu. L\u2019\u00e9clat premier.<\/p>\n

Mais si je l\u2019avais seulement r\u00eav\u00e9 ?<\/p>\n

Et alors, les \u00e9cailles remplacent les paupi\u00e8res. On les ferme. Volet de fer. Retour \u00e0 la nuit premi\u00e8re. \u00c0 la solitude sans \u00e9toile.<\/p>\n

On sait d\u00e9sormais qu\u2019on est aveugle. C\u2019est un premier pas.<\/p>\n

On titube. On tombe. On se rel\u00e8ve.<\/p>\n

Et on voit. Oui. On les voit.<\/p>\n

Comme je vous vois.<\/p>\n

C\u2019est du jamais vu.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 aveugl\u00e9\u2026 encore ce mot\u2026 il revient\u2026 il gratte\u2026 qui l\u2019a dit ?\u2026 est-ce que c\u2019est vrai ?\u2026<\/p>\n

je descends\u2026 je cherche\u2026 j\u2019ouvre\u2026 j\u2019essaie\u2026 je sens le vent\u2026 c\u2019est r\u00e9el \u00e7a ?\u2026 ou bien encore\u2026<\/p>\n

le b\u00e2ton\u2026 les chocs\u2026 les sons\u2026 les peaux\u2026 c\u2019est mon corps qui voit\u2026 pas mes yeux\u2026<\/p>\n

il dit\u2026 grimpe\u2026 fabrique\u2026 invente\u2026 il parle encore ?\u2026 ou bien est-ce moi maintenant\u2026<\/p>\n

lancer la pierre\u2026 ne pas viser\u2026 juste\u2026 laisser\u2026 juste laisser partir\u2026<\/p>\n

je ne veux plus\u2026 voir comme eux\u2026 je veux\u2026 autrement\u2026<\/p>\n

et maintenant\u2026 les \u00e9cailles\u2026 le noir\u2026 je tombe\u2026 mais je sais\u2026<\/p>\n

je sais que je suis aveugle\u2026 et soudain\u2026 j\u2019y vois\u2026 oui\u2026 j\u2019y vois\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Ce texte est un po\u00e8me de la c\u00e9cit\u00e9. Mais d\u2019une c\u00e9cit\u00e9 active, pleine, agissante. Une c\u00e9cit\u00e9 qui ouvre \u00e0 autre chose qu\u2019\u00e0 l\u2019image : \u00e0 la sensation, \u00e0 la fabrication, au langage.<\/p>\n

Ce que le sujet dit ici, c\u2019est son refus du visible normatif. Il ne veut plus voir comme il faut<\/em>. Il veut sentir. Inventer. Il veut cr\u00e9er sa propre voie.<\/p>\n

La figure du « il », qui guide, est ambivalente. Est-ce une voix int\u00e9rieure ? Une m\u00e9moire ? Un double ? Un p\u00e8re id\u00e9alis\u00e9 ? Peut-\u00eatre est-ce la figure du d\u00e9sir lui-m\u00eame, qui ne cesse de lui dire : fabrique-toi une mani\u00e8re de voir.<\/em><\/p>\n

L\u2019\u00e9criture du texte suit une courbe initiatique. On commence dans l\u2019\u00e9garement, l\u2019ignorance. On finit dans la reconnaissance de la c\u00e9cit\u00e9 comme ouverture. C\u2019est une acceptation radicale. Un retournement. Une conversion.<\/p>\n

Et cette derni\u00e8re phrase : “c\u2019est du jamais vu”<\/em>. Oui. Ce n\u2019est pas un jeu de mots. C\u2019est une v\u00e9rit\u00e9 clinique. Le sujet a trouv\u00e9 un autre regard. Celui que personne ne peut lui prendre.<\/p>\n

Et cela, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 une gu\u00e9rison.<\/p>", "content_text": " Aveugl\u00e9. Qui me le dit ? Sinon celle ou celui qui ne se montre jamais. Qui fuit. Qui invente. Qui descend les escaliers \u00e0 perdre haleine pour atteindre le ciel, l\u00e0, au-dehors. Le grand ciel. Et dessous, les collines. Et sur les joues, la brise. Aveugl\u00e9, oui. Mais comment ? Pourquoi ? Repli de l\u2019\u0153il. Retournement. Refus. Isolement. On me demande. Je ne sais quoi dire. Je ne sais m\u00eame pas que je suis aveugle. On dit que je r\u00e9ponds \u00e0 c\u00f4t\u00e9. Que je suis brouillon. Et \u00e0 force qu\u2019ils me le disent, je le vois. Par eux. \u00c0 travers eux. Alors je parle \u00e0 travers celui qu\u2019ils voient. Je cherche leurs mots. Les mots qu\u2019ils veulent entendre. Mais en creux. Avec leurs ombres. Leurs \u00e9chos. Aveugl\u00e9, j\u2019avance. \u00c0 t\u00e2tons. Mon corps sent. Par les chocs. Les peaux. Les mati\u00e8res. Les odeurs. Le son. Le b\u00e2ton. Ai-je peur ? Ai-je envie de voir ? Je ne sais plus. C\u2019est lui qui me guide. Par la main. Par la voix. Par l\u2019absence. Il dit : *N\u2019essaie pas de voir. Invente. Transforme.* Grimpe. Cueille la branche. Atteins l\u2019aubier. Fais-toi un arc. Des fl\u00e8ches. Il grimpe avec moi. M\u00eame d\u00e9sir. M\u00eame sang aux genoux. M\u00eame plaisir, l\u00e0-haut. Proche des nuages. Ou alors, redescends. Essaie le lance-pierre. Aveugl\u00e9 par cette id\u00e9e, je t\u00e2tonne dans l\u2019atelier de couture. Je prends les ciseaux. Je d\u00e9coupe une chambre \u00e0 air. Je cherche une fourche, le *V d\u2019aveugl\u00e9*. J\u2019attache. Je tends. J\u2019envoie la pierre. Tire, et tu verras. Aveugl\u00e9 par l\u2019amour du hasard, je lance. J\u2019\u00e9tudie le ricochet. Comment atteindre le but sans le viser. Sans vouloir. Juste \u00eatre. Refuser ce qui les pousse, les lie, les oblige. Vaincre crainte et d\u00e9sir. Aveugl\u00e9 par le d\u00e9sir de voir ce qui a \u00e9t\u00e9 vraiment vu. L\u2019\u00e9clat premier. Mais si je l\u2019avais seulement r\u00eav\u00e9 ? Et alors, les \u00e9cailles remplacent les paupi\u00e8res. On les ferme. Volet de fer. Retour \u00e0 la nuit premi\u00e8re. \u00c0 la solitude sans \u00e9toile. On sait d\u00e9sormais qu\u2019on est aveugle. C\u2019est un premier pas. On titube. On tombe. On se rel\u00e8ve. Et on voit. Oui. On les voit. Comme je vous vois. C\u2019est du jamais vu. **sous-conversation** \u2026 aveugl\u00e9\u2026 encore ce mot\u2026 il revient\u2026 il gratte\u2026 qui l\u2019a dit ?\u2026 est-ce que c\u2019est vrai ?\u2026 je descends\u2026 je cherche\u2026 j\u2019ouvre\u2026 j\u2019essaie\u2026 je sens le vent\u2026 c\u2019est r\u00e9el \u00e7a ?\u2026 ou bien encore\u2026 le b\u00e2ton\u2026 les chocs\u2026 les sons\u2026 les peaux\u2026 c\u2019est mon corps qui voit\u2026 pas mes yeux\u2026 il dit\u2026 grimpe\u2026 fabrique\u2026 invente\u2026 il parle encore ?\u2026 ou bien est-ce moi maintenant\u2026 lancer la pierre\u2026 ne pas viser\u2026 juste\u2026 laisser\u2026 juste laisser partir\u2026 je ne veux plus\u2026 voir comme eux\u2026 je veux\u2026 autrement\u2026 et maintenant\u2026 les \u00e9cailles\u2026 le noir\u2026 je tombe\u2026 mais je sais\u2026 je sais que je suis aveugle\u2026 et soudain\u2026 j\u2019y vois\u2026 oui\u2026 j\u2019y vois\u2026 **note de travail** Ce texte est un po\u00e8me de la c\u00e9cit\u00e9. Mais d\u2019une c\u00e9cit\u00e9 active, pleine, agissante. Une c\u00e9cit\u00e9 qui ouvre \u00e0 autre chose qu\u2019\u00e0 l\u2019image : \u00e0 la sensation, \u00e0 la fabrication, au langage. Ce que le sujet dit ici, c\u2019est son refus du visible normatif. Il ne veut plus voir *comme il faut*. Il veut sentir. Inventer. Il veut cr\u00e9er sa propre voie. La figure du \"il\", qui guide, est ambivalente. Est-ce une voix int\u00e9rieure ? Une m\u00e9moire ? Un double ? Un p\u00e8re id\u00e9alis\u00e9 ? Peut-\u00eatre est-ce la figure du d\u00e9sir lui-m\u00eame, qui ne cesse de lui dire : *fabrique-toi une mani\u00e8re de voir.* L\u2019\u00e9criture du texte suit une courbe initiatique. On commence dans l\u2019\u00e9garement, l\u2019ignorance. On finit dans la reconnaissance de la c\u00e9cit\u00e9 comme ouverture. C\u2019est une acceptation radicale. Un retournement. Une conversion. Et cette derni\u00e8re phrase : *\u201cc\u2019est du jamais vu\u201d*. Oui. Ce n\u2019est pas un jeu de mots. C\u2019est une v\u00e9rit\u00e9 clinique. Le sujet a trouv\u00e9 un autre regard. Celui que personne ne peut lui prendre. Et cela, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 une gu\u00e9rison. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/effusions.webp?1748065223", "tags": ["Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2023-4.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2023-4.html", "title": "7 novembre 2023-4", "date_published": "2023-11-07T19:47:00Z", "date_modified": "2025-04-03T18:47:37Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Ces d\u00e9fauts que l\u2019on remarque si vivement chez les autres. Et toute l\u2019\u00e9nergie perdue \u00e0 les ruminer, \u00e0 comparer, \u00e0 maugr\u00e9er. Billeves\u00e9es. Car souvent, ce sont les n\u00f4tres. On s\u2019en venge, en quelque sorte, en les soulignant chez autrui. Si seulement on faisait pareil avec les qualit\u00e9s.<\/p>\n

Se taire, parfois, c\u2019est un acte de vigilance. Vis-\u00e0-vis de ces pens\u00e9es rances — jalousie, comparaison, rancune. Quand elles pointent le bout du nez, les laisser filer. Ne pas leur donner la voix.<\/p>\n

Je me suis toujours d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9 des ragots. Je trouve qu\u2019ils participent \u00e0 la m\u00e9diocrit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale. Mais peut-\u00eatre est-ce une erreur. Peut-\u00eatre que sans ragots, un quartier, un village ne tient pas. Peut-\u00eatre que la rumeur est le ciment discret des liens sociaux.<\/p>\n

On dit que le communisme a tenu en Russie par le ragot et la d\u00e9lation. Comme la France sous l\u2019Occupation. Et pourtant, les communistes, ici, ont fait la R\u00e9sistance. Paradoxe. Comme toutes ces femmes tondues \u00e0 la Lib\u00e9ration, d\u00e9nonc\u00e9es — \u00e0 voix basse, par jalousie ou vengeance. Rien n\u2019est jamais univoque.<\/p>\n

Le p\u00e8re de mon p\u00e8re ne critiquait jamais personne. \u00c7a m\u2019avait frapp\u00e9 enfant. Et ce salut, distant, juste une poign\u00e9e de main. Mon p\u00e8re, lui, ne l\u2019embrassait pas. Son grief ? Un mot : l\u00e2chet\u00e9. Alors il s\u2019est construit \u00e0 l\u2019inverse. Il s\u2019est engag\u00e9 jeune, a fait la guerre en Cor\u00e9e. Un courage fabriqu\u00e9 pour r\u00e9parer la honte paternelle.<\/p>\n

Mais ce courage est devenu \u00e0 mes yeux une pantomime. Tandis que le silence du grand-p\u00e8re prenait, peu \u00e0 peu, l\u2019\u00e9toffe d\u2019une sagesse.<\/p>\n

La perspective change. Avec les ann\u00e9es. Avec les travers\u00e9es.<\/p>\n

Ce qui me trouble, ce sont les r\u00f4les fig\u00e9s. Au th\u00e9\u00e2tre, au cin\u00e9ma, dans les livres. Des types. Des fonctions. Des masques. Comme si chacun recevait, d\u00e8s la naissance, un petit paquet de cartes avec lesquelles jouer toute sa vie. Quelle absurdit\u00e9.<\/p>\n

Rien n\u2019est grav\u00e9 dans le marbre. Et c\u2019est heureux. Peut-\u00eatre que c\u2019est cela qui rassure : cette possible mobilit\u00e9, cette r\u00e9sistance aux arch\u00e9types. On se raccroche \u00e0 des id\u00e9es, non parce qu\u2019elles sont vraies, mais parce qu\u2019elles sont partag\u00e9es.<\/p>\n

10 000 morts. Un chiffre. Hier encore 7700. Troisi\u00e8me position aux infos, apr\u00e8s les temp\u00eates et\u2026 je ne sais quoi. La guerre devenue statistique. Comment les r\u00e9dactions hi\u00e9rarchisent-elles l\u2019horreur ? Et pourquoi est-ce que je m\u2019y attarde, moi qui coupe la radio en traversant la campagne, juste pour ne pas \u00eatre seul en silence. Pour participer, malgr\u00e9 tout, au grand ragot g\u00e9n\u00e9ral.<\/p>\n

Finalement, ne pas aimer les ragots, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 en \u00eatre d\u00e9pendant.<\/p>\n

Hier, j\u2019ai parl\u00e9 de pr\u00e9sence sur la toile. Ce mot a bloqu\u00e9. Alors j\u2019ai parl\u00e9 d\u2019\u00e9nergie. Et l\u00e0, soudain, \u00e7a parlait aux \u00e9l\u00e8ves.<\/p>\n

Hier aussi, appel de JL. Pr\u00e9paration de l\u2019exposition \u00e0 P. J\u2019en serai l\u2019invit\u00e9 d\u2019honneur. Deux animations \u00e0 assurer. C\u2019est bien. S. sera \u00e0 Paris. Moi, occup\u00e9. Le weekend passera. Je ne tournerai pas en rond.<\/p>\n

Illustration : Exposition des enfants d\u2019une MJC au Prieur\u00e9 de Charri\u00e8res, Dr\u00f4me.<\/em><\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 ces d\u00e9fauts\u2026 encore\u2026 je les vois chez eux\u2026 mais est-ce que\u2026 c\u2019est moi\u2026 aussi\u2026 oui, sans doute\u2026<\/p>\n

tais-toi\u2026 ne r\u00e9ponds pas\u2026 laisse passer\u2026 mais \u00e7a pique quand m\u00eame\u2026 cette comparaison\u2026 elle revient\u2026<\/p>\n

le grand-p\u00e8re\u2026 silence\u2026 le p\u00e8re\u2026 guerre\u2026 qui a raison\u2026 qui ment\u2026 qui sauve la face\u2026<\/p>\n

et moi\u2026 je fais quoi avec \u00e7a\u2026<\/p>\n

les masques\u2026 les r\u00f4les\u2026 je n\u2019en veux pas\u2026 mais est-ce que j\u2019en porte un\u2026<\/p>\n

7700\u2026 10 000\u2026 je coupe la radio\u2026 je veux pas savoir\u2026 mais je veux pas \u00eatre seul non plus\u2026<\/p>\n

parler de pr\u00e9sence\u2026 \u00e7a bloque\u2026 dire \u00e9nergie\u2026 l\u00e0 oui\u2026 \u00e7a passe\u2026 alors je le dis\u2026<\/p>\n

et je pr\u00e9pare\u2026 je m\u2019occupe\u2026 je m\u2019accroche\u2026 je repousse le vide\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

\u2026 ces d\u00e9fauts\u2026 encore\u2026 je les vois chez eux\u2026 mais est-ce que\u2026 c\u2019est moi\u2026 aussi\u2026 oui, sans doute\u2026<\/p>\n

tais-toi\u2026 ne r\u00e9ponds pas\u2026 laisse passer\u2026 mais \u00e7a pique quand m\u00eame\u2026 cette comparaison\u2026 elle revient\u2026<\/p>\n

le grand-p\u00e8re\u2026 silence\u2026 le p\u00e8re\u2026 guerre\u2026 qui a raison\u2026 qui ment\u2026 qui sauve la face\u2026<\/p>\n

et moi\u2026 je fais quoi avec \u00e7a\u2026<\/p>\n

les masques\u2026 les r\u00f4les\u2026 je n\u2019en veux pas\u2026 mais est-ce que j\u2019en porte un\u2026<\/p>\n

7700\u2026 10 000\u2026 je coupe la radio\u2026 je veux pas savoir\u2026 mais je veux pas \u00eatre seul non plus\u2026<\/p>\n

parler de pr\u00e9sence\u2026 \u00e7a bloque\u2026 dire \u00e9nergie\u2026 l\u00e0 oui\u2026 \u00e7a passe\u2026 alors je le dis\u2026<\/p>\n

et je pr\u00e9pare\u2026 je m\u2019occupe\u2026 je m\u2019accroche\u2026 je repousse le vide\u2026<\/p>", "content_text": " Ces d\u00e9fauts que l\u2019on remarque si vivement chez les autres. Et toute l\u2019\u00e9nergie perdue \u00e0 les ruminer, \u00e0 comparer, \u00e0 maugr\u00e9er. Billeves\u00e9es. Car souvent, ce sont les n\u00f4tres. On s\u2019en venge, en quelque sorte, en les soulignant chez autrui. Si seulement on faisait pareil avec les qualit\u00e9s. Se taire, parfois, c\u2019est un acte de vigilance. Vis-\u00e0-vis de ces pens\u00e9es rances \u2014 jalousie, comparaison, rancune. Quand elles pointent le bout du nez, les laisser filer. Ne pas leur donner la voix. Je me suis toujours d\u00e9sint\u00e9ress\u00e9 des ragots. Je trouve qu\u2019ils participent \u00e0 la m\u00e9diocrit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale. Mais peut-\u00eatre est-ce une erreur. Peut-\u00eatre que sans ragots, un quartier, un village ne tient pas. Peut-\u00eatre que la rumeur est le ciment discret des liens sociaux. On dit que le communisme a tenu en Russie par le ragot et la d\u00e9lation. Comme la France sous l\u2019Occupation. Et pourtant, les communistes, ici, ont fait la R\u00e9sistance. Paradoxe. Comme toutes ces femmes tondues \u00e0 la Lib\u00e9ration, d\u00e9nonc\u00e9es \u2014 \u00e0 voix basse, par jalousie ou vengeance. Rien n\u2019est jamais univoque. Le p\u00e8re de mon p\u00e8re ne critiquait jamais personne. \u00c7a m\u2019avait frapp\u00e9 enfant. Et ce salut, distant, juste une poign\u00e9e de main. Mon p\u00e8re, lui, ne l\u2019embrassait pas. Son grief ? Un mot : l\u00e2chet\u00e9. Alors il s\u2019est construit \u00e0 l\u2019inverse. Il s\u2019est engag\u00e9 jeune, a fait la guerre en Cor\u00e9e. Un courage fabriqu\u00e9 pour r\u00e9parer la honte paternelle. Mais ce courage est devenu \u00e0 mes yeux une pantomime. Tandis que le silence du grand-p\u00e8re prenait, peu \u00e0 peu, l\u2019\u00e9toffe d\u2019une sagesse. La perspective change. Avec les ann\u00e9es. Avec les travers\u00e9es. Ce qui me trouble, ce sont les r\u00f4les fig\u00e9s. Au th\u00e9\u00e2tre, au cin\u00e9ma, dans les livres. Des types. Des fonctions. Des masques. Comme si chacun recevait, d\u00e8s la naissance, un petit paquet de cartes avec lesquelles jouer toute sa vie. Quelle absurdit\u00e9. Rien n\u2019est grav\u00e9 dans le marbre. Et c\u2019est heureux. Peut-\u00eatre que c\u2019est cela qui rassure : cette possible mobilit\u00e9, cette r\u00e9sistance aux arch\u00e9types. On se raccroche \u00e0 des id\u00e9es, non parce qu\u2019elles sont vraies, mais parce qu\u2019elles sont partag\u00e9es. 10 000 morts. Un chiffre. Hier encore 7700. Troisi\u00e8me position aux infos, apr\u00e8s les temp\u00eates et\u2026 je ne sais quoi. La guerre devenue statistique. Comment les r\u00e9dactions hi\u00e9rarchisent-elles l\u2019horreur ? Et pourquoi est-ce que je m\u2019y attarde, moi qui coupe la radio en traversant la campagne, juste pour ne pas \u00eatre seul en silence. Pour participer, malgr\u00e9 tout, au grand ragot g\u00e9n\u00e9ral. Finalement, ne pas aimer les ragots, c\u2019est d\u00e9j\u00e0 en \u00eatre d\u00e9pendant. Hier, j\u2019ai parl\u00e9 de pr\u00e9sence sur la toile. Ce mot a bloqu\u00e9. Alors j\u2019ai parl\u00e9 d\u2019\u00e9nergie. Et l\u00e0, soudain, \u00e7a parlait aux \u00e9l\u00e8ves. Hier aussi, appel de JL. Pr\u00e9paration de l\u2019exposition \u00e0 P. J\u2019en serai l\u2019invit\u00e9 d\u2019honneur. Deux animations \u00e0 assurer. C\u2019est bien. S. sera \u00e0 Paris. Moi, occup\u00e9. Le weekend passera. Je ne tournerai pas en rond. *Illustration : Exposition des enfants d\u2019une MJC au Prieur\u00e9 de Charri\u00e8res, Dr\u00f4me.* **sous-conversation** \u2026 ces d\u00e9fauts\u2026 encore\u2026 je les vois chez eux\u2026 mais est-ce que\u2026 c\u2019est moi\u2026 aussi\u2026 oui, sans doute\u2026 tais-toi\u2026 ne r\u00e9ponds pas\u2026 laisse passer\u2026 mais \u00e7a pique quand m\u00eame\u2026 cette comparaison\u2026 elle revient\u2026 le grand-p\u00e8re\u2026 silence\u2026 le p\u00e8re\u2026 guerre\u2026 qui a raison\u2026 qui ment\u2026 qui sauve la face\u2026 et moi\u2026 je fais quoi avec \u00e7a\u2026 les masques\u2026 les r\u00f4les\u2026 je n\u2019en veux pas\u2026 mais est-ce que j\u2019en porte un\u2026 7700\u2026 10 000\u2026 je coupe la radio\u2026 je veux pas savoir\u2026 mais je veux pas \u00eatre seul non plus\u2026 parler de pr\u00e9sence\u2026 \u00e7a bloque\u2026 dire \u00e9nergie\u2026 l\u00e0 oui\u2026 \u00e7a passe\u2026 alors je le dis\u2026 et je pr\u00e9pare\u2026 je m\u2019occupe\u2026 je m\u2019accroche\u2026 je repousse le vide\u2026 **note de travail** \u2026 ces d\u00e9fauts\u2026 encore\u2026 je les vois chez eux\u2026 mais est-ce que\u2026 c\u2019est moi\u2026 aussi\u2026 oui, sans doute\u2026 tais-toi\u2026 ne r\u00e9ponds pas\u2026 laisse passer\u2026 mais \u00e7a pique quand m\u00eame\u2026 cette comparaison\u2026 elle revient\u2026 le grand-p\u00e8re\u2026 silence\u2026 le p\u00e8re\u2026 guerre\u2026 qui a raison\u2026 qui ment\u2026 qui sauve la face\u2026 et moi\u2026 je fais quoi avec \u00e7a\u2026 les masques\u2026 les r\u00f4les\u2026 je n\u2019en veux pas\u2026 mais est-ce que j\u2019en porte un\u2026 7700\u2026 10 000\u2026 je coupe la radio\u2026 je veux pas savoir\u2026 mais je veux pas \u00eatre seul non plus\u2026 parler de pr\u00e9sence\u2026 \u00e7a bloque\u2026 dire \u00e9nergie\u2026 l\u00e0 oui\u2026 \u00e7a passe\u2026 alors je le dis\u2026 et je pr\u00e9pare\u2026 je m\u2019occupe\u2026 je m\u2019accroche\u2026 je repousse le vide\u2026 ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/07-112023-2.webp?1748065079", "tags": ["Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2023-3.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2023-3.html", "title": "7 novembre 2023-3", "date_published": "2023-11-07T19:40:00Z", "date_modified": "2025-06-18T09:28:29Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Plut\u00f4t que de s\u2019opposer, se cogner, se blesser — \u00e0 seule fin de prouver que le mur est l\u00e0 — peut-\u00eatre faut-il imaginer une autre issue. Non pas nier le mur, non pas l\u2019ignorer. Mais le penser autrement. Non comme un obstacle ou une douane, mais comme un passage.<\/p>\n

Je pense \u00e0 cette sculpture de Jean Marais, place Marcel Aym\u00e9. On y voit un homme surgir d\u2019un mur — bras, jambes, t\u00eate — c\u2019est Dutilleul, le Passe-Muraille. Un personnage falot devenu l\u00e9gendaire. Fantastique, dr\u00f4le dans l\u2019enfance. Bouleversant avec les ann\u00e9es.<\/p>\n

Traverser les murs, est-ce vraiment un don ?<\/p>\n

« Il poss\u00e9dait le don singulier de passer \u00e0 travers les murs sans en \u00eatre incommod\u00e9. » Cette derni\u00e8re expression, « sans en \u00eatre incommod\u00e9 », me frappe aujourd\u2019hui. Elle dit tout : le probl\u00e8me ne vient pas tant de l\u2019acte, que de ses cons\u00e9quences.<\/p>\n

Passer sans encombre, c\u2019est s\u2019\u00e9loigner des autres. C\u2019est sentir qu\u2019on a franchi quelque chose que d\u2019autres n\u2019ont pas franchi. Et cette singularit\u00e9, t\u00f4t ou tard, nous isole. Nous d\u00e9signe. Nous arrache.<\/p>\n

C\u2019est un passage \u00e0 l\u2019acte. Un vrai. Et il y en a de toutes sortes. Certaines lumineuses, d\u2019autres destructrices.<\/p>\n

Mais l\u2019art, lui, n\u2019est pas un ornement. Ce n\u2019est pas seulement un objet qu\u2019on suspend ou qu\u2019on archive. L\u2019art, c\u2019est un passage \u00e0 l\u2019acte. Le mur qu\u2019on traverse, c\u2019est celui qu\u2019on portait en soi. Et soudain, on le franchit, presque malgr\u00e9 soi. Parce qu\u2019on d\u00e9couvre qu\u2019on en est capable.<\/p>\n

Alors vient la question de la mission, de la vocation. Cette distinction pos\u00e9e par Alexandre Havard. Qui suis-je ? Qu\u2019est-ce qui me meut vraiment ? \u00c0 quoi suis-je appel\u00e9 ?<\/p>\n

Et je repense \u00e0 Castaneda. \u00c0 Don Juan. \u00c0 cette id\u00e9e de r\u00e9capitulation. De passer les murailles de l\u2019autobiographie. Ces prisons qu\u2019on entretient nous-m\u00eames, par peur du Grand Dehors.<\/p>\n

Traverser ces murs, ce n\u2019est pas de la force brute. Ni de la ruse. Ni une manipulation. C\u2019est une affaire d\u2019amour. D\u2019amour dans son expression la plus fine, la plus atomique. Ce qui fait danser le monde. Ce qui lui donne sa coh\u00e9rence secr\u00e8te.<\/p>\n

Traverser, c\u2019est aimer. C\u2019est croire qu\u2019une autre r\u00e9alit\u00e9 existe. Et que cette r\u00e9alit\u00e9 n\u2019est pas \u00e0 chercher ailleurs, mais juste l\u00e0, derri\u00e8re le mur. Il suffit de tendre la main.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 le mur\u2026 encore\u2026 il revient\u2026 toujours\u2026 obstacle ou passage ?\u2026 et si c\u2019\u00e9tait moi le mur ?\u2026<\/p>\n

Dutilleul\u2026 il passe\u2026 il traverse\u2026 mais sans douleur\u2026 pourquoi \u00e7a me d\u00e9range ?\u2026<\/p>\n

je passe moi aussi parfois\u2026 sans savoir\u2026 et alors ?\u2026 je suis seul apr\u00e8s ?\u2026 diff\u00e9rent ?\u2026 coup\u00e9 ?\u2026<\/p>\n

l\u2019art\u2026 oui\u2026 pas une chose\u2026 un geste\u2026 un passage\u2026 mais est-ce que j\u2019ose encore ?\u2026<\/p>\n

ils disent mission, vocation\u2026 et moi je cherche\u2026 je cherche\u2026 sans savoir o\u00f9 aller\u2026<\/p>\n

je voudrais\u2026 je voudrais traverser\u2026 vraiment\u2026 mais si je perds tout en traversant ?\u2026 et si je ne trouve rien de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 ?\u2026<\/p>\n

et si\u2026 et si c\u2019\u00e9tait \u00e7a\u2026 aimer vraiment\u2026 \u00e0 l\u2019\u00e9chelle du monde\u2026 danser comme une particule\u2026 devenir un passage\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Ce texte est une topologie. Il pense l\u2019espace psychique comme un lieu clos qu\u2019il faut traverser. Le mur ici est le sympt\u00f4me, l\u2019obstacle, mais aussi le point d\u2019\u00e9mergence du d\u00e9sir. C\u2019est un seuil. Un miroir. Un passage potentiel.<\/p>\n

Le sujet ne se demande pas tant comment casser le mur, mais comment y passer sans s\u2019ab\u00eemer. Ou plut\u00f4t : comment traverser le mur sans le trahir. Sans trahir ceux qui ne peuvent pas.<\/p>\n

L\u2019image du Passe-Muraille est brillante. Elle dit le fantasme d\u2019un pouvoir. Mais aussi la solitude qui l\u2019accompagne. L\u2019exception coupe du commun. Elle isole.<\/p>\n

Et puis il y a cette r\u00e9orientation vers l\u2019art. L\u2019art comme passage \u00e0 l\u2019acte. Une mani\u00e8re d\u2019\u00e9prouver le r\u00e9el en le traversant. En l\u2019habillant de formes. En laissant une trace.<\/p>\n

Et l\u00e0 surgit une question clinique : est-ce que traverser suffit ?<\/em> Ou faut-il aussi transmettre, restituer ? Peut-on traverser seul ?<\/p>\n

\u00c0 la fin, la r\u00e9ponse semble pointer : l\u2019amour comme passage. Non pas romantique. Mais physique. Atomique. Une force de liaison entre les choses. L\u2019amour comme coh\u00e9rence. Comme \u00e9nergie de travers\u00e9e.<\/p>\n

Ce texte est un passage. Il est lui-m\u00eame un acte.<\/p>", "content_text": " Plut\u00f4t que de s\u2019opposer, se cogner, se blesser \u2014 \u00e0 seule fin de prouver que le mur est l\u00e0 \u2014 peut-\u00eatre faut-il imaginer une autre issue. Non pas nier le mur, non pas l\u2019ignorer. Mais le penser autrement. Non comme un obstacle ou une douane, mais comme un passage. Je pense \u00e0 cette sculpture de Jean Marais, place Marcel Aym\u00e9. On y voit un homme surgir d\u2019un mur \u2014 bras, jambes, t\u00eate \u2014 c\u2019est Dutilleul, le Passe-Muraille. Un personnage falot devenu l\u00e9gendaire. Fantastique, dr\u00f4le dans l\u2019enfance. Bouleversant avec les ann\u00e9es. Traverser les murs, est-ce vraiment un don ? \u00ab Il poss\u00e9dait le don singulier de passer \u00e0 travers les murs sans en \u00eatre incommod\u00e9. \u00bb Cette derni\u00e8re expression, \"sans en \u00eatre incommod\u00e9\", me frappe aujourd\u2019hui. Elle dit tout : le probl\u00e8me ne vient pas tant de l\u2019acte, que de ses cons\u00e9quences. Passer sans encombre, c\u2019est s\u2019\u00e9loigner des autres. C\u2019est sentir qu\u2019on a franchi quelque chose que d\u2019autres n\u2019ont pas franchi. Et cette singularit\u00e9, t\u00f4t ou tard, nous isole. Nous d\u00e9signe. Nous arrache. C\u2019est un passage \u00e0 l\u2019acte. Un vrai. Et il y en a de toutes sortes. Certaines lumineuses, d\u2019autres destructrices. Mais l\u2019art, lui, n\u2019est pas un ornement. Ce n\u2019est pas seulement un objet qu\u2019on suspend ou qu\u2019on archive. L\u2019art, c\u2019est un passage \u00e0 l\u2019acte. Le mur qu\u2019on traverse, c\u2019est celui qu\u2019on portait en soi. Et soudain, on le franchit, presque malgr\u00e9 soi. Parce qu\u2019on d\u00e9couvre qu\u2019on en est capable. Alors vient la question de la mission, de la vocation. Cette distinction pos\u00e9e par Alexandre Havard. Qui suis-je ? Qu\u2019est-ce qui me meut vraiment ? \u00c0 quoi suis-je appel\u00e9 ? Et je repense \u00e0 Castaneda. \u00c0 Don Juan. \u00c0 cette id\u00e9e de r\u00e9capitulation. De passer les murailles de l\u2019autobiographie. Ces prisons qu\u2019on entretient nous-m\u00eames, par peur du Grand Dehors. Traverser ces murs, ce n\u2019est pas de la force brute. Ni de la ruse. Ni une manipulation. C\u2019est une affaire d\u2019amour. D\u2019amour dans son expression la plus fine, la plus atomique. Ce qui fait danser le monde. Ce qui lui donne sa coh\u00e9rence secr\u00e8te. Traverser, c\u2019est aimer. C\u2019est croire qu\u2019une autre r\u00e9alit\u00e9 existe. Et que cette r\u00e9alit\u00e9 n\u2019est pas \u00e0 chercher ailleurs, mais juste l\u00e0, derri\u00e8re le mur. Il suffit de tendre la main. **sous-conversation** \u2026 le mur\u2026 encore\u2026 il revient\u2026 toujours\u2026 obstacle ou passage ?\u2026 et si c\u2019\u00e9tait moi le mur ?\u2026 Dutilleul\u2026 il passe\u2026 il traverse\u2026 mais sans douleur\u2026 pourquoi \u00e7a me d\u00e9range ?\u2026 je passe moi aussi parfois\u2026 sans savoir\u2026 et alors ?\u2026 je suis seul apr\u00e8s ?\u2026 diff\u00e9rent ?\u2026 coup\u00e9 ?\u2026 l\u2019art\u2026 oui\u2026 pas une chose\u2026 un geste\u2026 un passage\u2026 mais est-ce que j\u2019ose encore ?\u2026 ils disent mission, vocation\u2026 et moi je cherche\u2026 je cherche\u2026 sans savoir o\u00f9 aller\u2026 je voudrais\u2026 je voudrais traverser\u2026 vraiment\u2026 mais si je perds tout en traversant ?\u2026 et si je ne trouve rien de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 ?\u2026 et si\u2026 et si c\u2019\u00e9tait \u00e7a\u2026 aimer vraiment\u2026 \u00e0 l\u2019\u00e9chelle du monde\u2026 danser comme une particule\u2026 devenir un passage\u2026 **note de travail** Ce texte est une topologie. Il pense l\u2019espace psychique comme un lieu clos qu\u2019il faut traverser. Le mur ici est le sympt\u00f4me, l\u2019obstacle, mais aussi le point d\u2019\u00e9mergence du d\u00e9sir. C\u2019est un seuil. Un miroir. Un passage potentiel. Le sujet ne se demande pas tant comment casser le mur, mais comment y passer sans s\u2019ab\u00eemer. Ou plut\u00f4t : comment traverser le mur sans le trahir. Sans trahir ceux qui ne peuvent pas. L\u2019image du Passe-Muraille est brillante. Elle dit le fantasme d\u2019un pouvoir. Mais aussi la solitude qui l\u2019accompagne. L\u2019exception coupe du commun. Elle isole. Et puis il y a cette r\u00e9orientation vers l\u2019art. L\u2019art comme passage \u00e0 l\u2019acte. Une mani\u00e8re d\u2019\u00e9prouver le r\u00e9el en le traversant. En l\u2019habillant de formes. En laissant une trace. Et l\u00e0 surgit une question clinique : *est-ce que traverser suffit ?* Ou faut-il aussi transmettre, restituer ? Peut-on traverser seul ? \u00c0 la fin, la r\u00e9ponse semble pointer : l\u2019amour comme passage. Non pas romantique. Mais physique. Atomique. Une force de liaison entre les choses. L\u2019amour comme coh\u00e9rence. Comme \u00e9nergie de travers\u00e9e. Ce texte est un passage. Il est lui-m\u00eame un acte. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/07-11-2023.jpg?1748065105", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Murs"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2023-2.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2023-2.html", "title": "7 novembre 2023-2", "date_published": "2023-11-07T19:36:00Z", "date_modified": "2025-04-03T18:36:32Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Dernier jour des vacances. Un dimanche. J\u2019ai attendu. Patiemment. Rien n\u2019est venu. Trop de soucis. Trop d\u2019id\u00e9es noires.<\/p>\n

Assis en plein c\u0153ur d\u2019une apocalypse, l\u2019attente prend deux visages. Le pire, le meilleur. En joue. Et moi, fig\u00e9. Ni cri, ni geste. Une apathie, mais d\u00e9termin\u00e9e. Une tension contenue.<\/p>\n

Je consulte mes comptes. L\u2019application mobile. Un coup sec : 3000 euros pr\u00e9lev\u00e9s par l\u2019URSSAF. Sid\u00e9r\u00e9. \u00c9cras\u00e9. Aucun avertissement. Juste la frappe. Le rouleau compresseur des machines. L\u2019inhumanit\u00e9 automatis\u00e9e.<\/p>\n

Tu veux \u00eatre ind\u00e9pendant ? Paie.<\/p>\n

Alors je cherche mon souffle. Ma voix. Mon \u0153il. Je cherche \u00e0 r\u00e9sister. \u00c0 ne pas devenir ce qu\u2019on m\u2019impose. Cette culpabilit\u00e9. Ce sentiment d\u2019\u00eatre un d\u00e9linquant. Je me d\u00e9bats comme un gardon au bout d\u2019une ligne.<\/p>\n

Et je me dis : n\u2019ajoute pas du malheur au malheur.<\/p>\n

Reviens. \u00c0 toi. \u00c0 l\u2019oubli. Les mains vides. La toile blanche, tendue sur le chevalet. Linceul ou robe de mari\u00e9e. L\u2019attente la tient, suspendue. Ne pas la souiller pour rien.<\/p>\n

Il faudrait un d\u00e9sir. Non une raison.<\/p>\n

Remonter. Depuis les profondeurs. Les rivi\u00e8res. Jusqu\u2019\u00e0 l\u2019oc\u00e9an. S\u2019\u00e9brouer dans l\u2019immanence. Se perdre. Vraiment. Pour, peut-\u00eatre, enfin, se retrouver.<\/p>\n

Mais tu le sais : il suffirait d\u2019agir. De peindre. De poser la mati\u00e8re.<\/p>\n

Pourquoi ne le fais-tu pas ?<\/p>\n

Parce que tout appelle. Tout sollicite. Tout te pers\u00e9cute. Et ton seul refus, c\u2019est celui d\u2019obtemp\u00e9rer. Encore cette id\u00e9e de lutte. Tu veux des \u00e9cueils pour te dire marin. Foutaise.<\/p>\n

Taire tout ce qui est vain. Renoncer \u00e0 s\u2019accrocher aux d\u00e9bris. Ce n\u2019est pas en voulant \u00eatre un bouchon qu\u2019on \u00e9chappe au naufrage.<\/p>\n

Veux-tu vivre ? M\u00eame \u00e7a n\u2019est pas une pens\u00e9e. C\u2019est une fuite.<\/p>\n

Fais la liste des pr\u00e9textes. Des alibis. Fuir la r\u00e9alit\u00e9, est-ce une fa\u00e7on de la comprendre ? La tienne ? Une sorte de pari perdu d\u2019avance.<\/p>\n

Abandonne les martingales. Laisse partir les vieux Eldorados. Comme cette molaire que le dentiste emporte, en te demandant si \u00e7a fait mal, avec son accent espagnol.<\/p>\n

Le jeu. Tu joues. Tu perds. Gagner ne t\u2019int\u00e9resse plus.<\/p>\n

Comme Giacometti, retire. \u00d4te. Gratte. Jusqu\u2019\u00e0 l\u2019os. Jusqu\u2019\u00e0 la v\u00e9rit\u00e9 nue. Jusqu\u2019au trait.<\/p>\n

L\u2019attente est un creuset. Boue. Merde. Plomb. Et l\u2019oubli n\u00e9cessaire de tout r\u00eave de conqu\u00eate.<\/p>\n

Si tu survis, qu\u2019importe le but. Ce qui compte, c\u2019est le voyage.<\/p>\n

C\u2019est le processus.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 encore rien\u2026 toujours rien\u2026 rien venu\u2026 mais qu\u2019est-ce que j\u2019attends\u2026 c\u2019est flou\u2026 c\u2019est lourd\u2026 c\u2019est trop\u2026<\/p>\n

et puis ce choc\u2026 3000\u2026 URSSAF\u2026 sans pr\u00e9venir\u2026 la violence\u2026 s\u00e8che\u2026 digitale\u2026 administrative\u2026<\/p>\n

je suis puni ?\u2026 pourquoi ?\u2026 je n\u2019ai rien fait\u2026 ou trop fait\u2026 ou mal\u2026<\/p>\n

la toile\u2026 blanche\u2026 robe ou suaire\u2026 j\u2019ai peur d\u2019y poser quoi que ce soit\u2026 j\u2019ai peur de salir\u2026 peur de rater\u2026<\/p>\n

je ne veux pas\u2026 mais je veux\u2026 je fuis\u2026 mais je reste\u2026 je r\u00e9siste\u2026 mais \u00e0 quoi\u2026<\/p>\n

je suis ce poisson\u2026 ce bouchon\u2026 ce creuset\u2026 j\u2019en ai marre des m\u00e9taphores\u2026<\/p>\n

et pourtant\u2026 encore une\u2026 encore une pour survivre\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Ce texte est un basculement. Il commence par un rien. Un silence. Une attente vide. Mais tr\u00e8s vite, il y a le choc : 3000 euros pr\u00e9lev\u00e9s sans pr\u00e9avis. Ce n\u2019est pas l\u2019argent, seulement. C\u2019est ce que cela signifie : \u00eatre pris dans un syst\u00e8me qui ne voit pas, qui ne r\u00e9pond pas, qui frappe.<\/p>\n

Alors le sujet recule. Il cherche un lieu \u00e0 lui. Il ne le trouve pas. Il vacille.<\/p>\n

Et puis la toile. La peinture. Ce lieu ancien. Ce lieu possible. Mais elle reste blanche. Elle effraie.<\/p>\n

Ce qui est \u00e0 l\u2019\u0153uvre ici, c\u2019est une lutte entre l\u2019an\u00e9antissement par l\u2019ext\u00e9rieur (l\u2019administration, le monde) et la survie par le geste int\u00e9rieur. Le texte est un champ de bataille. Une dialectique violente. Le narrateur oscille : il veut vivre. Il doute. Il se moque de lui-m\u00eame. Il se rel\u00e8ve.<\/p>\n

La r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 Giacometti est parfaite. Le travail par retrait. Le refus du superflu. Le retour \u00e0 l\u2019os. \u00c0 l\u2019essentiel.<\/p>\n

Et \u00e0 la fin, il y a cette phrase : le processus<\/em>.<\/p>\n

Ce n\u2019est pas une morale. C\u2019est une issue. Il dit, simplement : si je peux encore parler, \u00e9crire, peindre, alors je suis vivant. Malgr\u00e9 tout.<\/p>\n

Ce texte est une catharsis. Une survivance. Un combat.<\/p>", "content_text": " Dernier jour des vacances. Un dimanche. J\u2019ai attendu. Patiemment. Rien n\u2019est venu. Trop de soucis. Trop d\u2019id\u00e9es noires. Assis en plein c\u0153ur d\u2019une apocalypse, l\u2019attente prend deux visages. Le pire, le meilleur. En joue. Et moi, fig\u00e9. Ni cri, ni geste. Une apathie, mais d\u00e9termin\u00e9e. Une tension contenue. Je consulte mes comptes. L\u2019application mobile. Un coup sec : 3000 euros pr\u00e9lev\u00e9s par l\u2019URSSAF. Sid\u00e9r\u00e9. \u00c9cras\u00e9. Aucun avertissement. Juste la frappe. Le rouleau compresseur des machines. L\u2019inhumanit\u00e9 automatis\u00e9e. Tu veux \u00eatre ind\u00e9pendant ? Paie. Alors je cherche mon souffle. Ma voix. Mon \u0153il. Je cherche \u00e0 r\u00e9sister. \u00c0 ne pas devenir ce qu\u2019on m\u2019impose. Cette culpabilit\u00e9. Ce sentiment d\u2019\u00eatre un d\u00e9linquant. Je me d\u00e9bats comme un gardon au bout d\u2019une ligne. Et je me dis : n\u2019ajoute pas du malheur au malheur. Reviens. \u00c0 toi. \u00c0 l\u2019oubli. Les mains vides. La toile blanche, tendue sur le chevalet. Linceul ou robe de mari\u00e9e. L\u2019attente la tient, suspendue. Ne pas la souiller pour rien. Il faudrait un d\u00e9sir. Non une raison. Remonter. Depuis les profondeurs. Les rivi\u00e8res. Jusqu\u2019\u00e0 l\u2019oc\u00e9an. S\u2019\u00e9brouer dans l\u2019immanence. Se perdre. Vraiment. Pour, peut-\u00eatre, enfin, se retrouver. Mais tu le sais : il suffirait d\u2019agir. De peindre. De poser la mati\u00e8re. Pourquoi ne le fais-tu pas ? Parce que tout appelle. Tout sollicite. Tout te pers\u00e9cute. Et ton seul refus, c\u2019est celui d\u2019obtemp\u00e9rer. Encore cette id\u00e9e de lutte. Tu veux des \u00e9cueils pour te dire marin. Foutaise. Taire tout ce qui est vain. Renoncer \u00e0 s\u2019accrocher aux d\u00e9bris. Ce n\u2019est pas en voulant \u00eatre un bouchon qu\u2019on \u00e9chappe au naufrage. Veux-tu vivre ? M\u00eame \u00e7a n\u2019est pas une pens\u00e9e. C\u2019est une fuite. Fais la liste des pr\u00e9textes. Des alibis. Fuir la r\u00e9alit\u00e9, est-ce une fa\u00e7on de la comprendre ? La tienne ? Une sorte de pari perdu d\u2019avance. Abandonne les martingales. Laisse partir les vieux Eldorados. Comme cette molaire que le dentiste emporte, en te demandant si \u00e7a fait mal, avec son accent espagnol. Le jeu. Tu joues. Tu perds. Gagner ne t\u2019int\u00e9resse plus. Comme Giacometti, retire. \u00d4te. Gratte. Jusqu\u2019\u00e0 l\u2019os. Jusqu\u2019\u00e0 la v\u00e9rit\u00e9 nue. Jusqu\u2019au trait. L\u2019attente est un creuset. Boue. Merde. Plomb. Et l\u2019oubli n\u00e9cessaire de tout r\u00eave de conqu\u00eate. Si tu survis, qu\u2019importe le but. Ce qui compte, c\u2019est le voyage. C\u2019est le processus. **sous-conversation** \u2026 encore rien\u2026 toujours rien\u2026 rien venu\u2026 mais qu\u2019est-ce que j\u2019attends\u2026 c\u2019est flou\u2026 c\u2019est lourd\u2026 c\u2019est trop\u2026 et puis ce choc\u2026 3000\u2026 URSSAF\u2026 sans pr\u00e9venir\u2026 la violence\u2026 s\u00e8che\u2026 digitale\u2026 administrative\u2026 je suis puni ?\u2026 pourquoi ?\u2026 je n\u2019ai rien fait\u2026 ou trop fait\u2026 ou mal\u2026 la toile\u2026 blanche\u2026 robe ou suaire\u2026 j\u2019ai peur d\u2019y poser quoi que ce soit\u2026 j\u2019ai peur de salir\u2026 peur de rater\u2026 je ne veux pas\u2026 mais je veux\u2026 je fuis\u2026 mais je reste\u2026 je r\u00e9siste\u2026 mais \u00e0 quoi\u2026 je suis ce poisson\u2026 ce bouchon\u2026 ce creuset\u2026 j\u2019en ai marre des m\u00e9taphores\u2026 et pourtant\u2026 encore une\u2026 encore une pour survivre\u2026 **note de travail** Ce texte est un basculement. Il commence par un rien. Un silence. Une attente vide. Mais tr\u00e8s vite, il y a le choc : 3000 euros pr\u00e9lev\u00e9s sans pr\u00e9avis. Ce n\u2019est pas l\u2019argent, seulement. C\u2019est ce que cela signifie : \u00eatre pris dans un syst\u00e8me qui ne voit pas, qui ne r\u00e9pond pas, qui frappe. Alors le sujet recule. Il cherche un lieu \u00e0 lui. Il ne le trouve pas. Il vacille. Et puis la toile. La peinture. Ce lieu ancien. Ce lieu possible. Mais elle reste blanche. Elle effraie. Ce qui est \u00e0 l\u2019\u0153uvre ici, c\u2019est une lutte entre l\u2019an\u00e9antissement par l\u2019ext\u00e9rieur (l\u2019administration, le monde) et la survie par le geste int\u00e9rieur. Le texte est un champ de bataille. Une dialectique violente. Le narrateur oscille : il veut vivre. Il doute. Il se moque de lui-m\u00eame. Il se rel\u00e8ve. La r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 Giacometti est parfaite. Le travail par retrait. Le refus du superflu. Le retour \u00e0 l\u2019os. \u00c0 l\u2019essentiel. Et \u00e0 la fin, il y a cette phrase : *le processus*. Ce n\u2019est pas une morale. C\u2019est une issue. Il dit, simplement : si je peux encore parler, \u00e9crire, peindre, alors je suis vivant. Malgr\u00e9 tout. Ce texte est une catharsis. Une survivance. Un combat. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/lost-in-the-horizon_1_.webp?1748065197", "tags": ["Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-novembre-2023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-novembre-2023.html", "title": "07 novembre 2023", "date_published": "2023-11-07T19:24:00Z", "date_modified": "2025-07-16T21:54:47Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Plut\u00f4t que foncer dans le mur pour prouver qu\u2019il est l\u00e0, peut-\u00eatre faudrait-il le regarder autrement. Pas comme une fronti\u00e8re, mais comme un seuil. Je pense \u00e0 la sculpture de Jean Marais, place Marcel Aym\u00e9. Le Passe-Muraille. Dutilleul sort du mur — bras, t\u00eate, jambes. Gamin, \u00e7a faisait rire. Aujourd\u2019hui, \u00e7a serre. Il passe \u00e0 travers les murs, oui. Mais « sans en \u00eatre incommod\u00e9 ». Et c\u2019est \u00e7a qui frappe : il ne ressent rien. Il traverse. Et plus personne ne peut le suivre. Il devient \u00e0 part. Et \u00e0 part, c\u2019est bient\u00f4t ailleurs. Puis seul. Passer le mur, ce n\u2019est pas un super-pouvoir. C\u2019est une mise \u00e0 distance. Un arrachement. Un passage \u00e0 l\u2019acte. L\u2019art, ce n\u2019est pas du d\u00e9cor. C\u2019est ce moment-l\u00e0. Quand on traverse ce qu\u2019on ne voulait pas voir. Le mur qu\u2019on portait en soi. Et qu\u2019on passe — sans l\u2019avoir vraiment pr\u00e9vu. L\u00e0 commence autre chose. La mission, peut-\u00eatre. La vocation. Pas un m\u00e9tier, un appel. Un truc qu\u2019on n\u2019a pas choisi, mais qui nous a rep\u00e9r\u00e9s. Comme chez Don Juan, dans Castaneda : il faut tout r\u00e9capituler, voir ce qu\u2019on a enferm\u00e9, ce qu\u2019on a refoul\u00e9 dans nos petites vies construites. Traverser tout \u00e7a. Non pas pour briller. Mais par amour. Le vrai. Celui qui ne se voit pas. Celui qui fait danser le monde.<\/p>", "content_text": " Plut\u00f4t que foncer dans le mur pour prouver qu\u2019il est l\u00e0, peut-\u00eatre faudrait-il le regarder autrement. Pas comme une fronti\u00e8re, mais comme un seuil. Je pense \u00e0 la sculpture de Jean Marais, place Marcel Aym\u00e9. Le Passe-Muraille. Dutilleul sort du mur \u2014 bras, t\u00eate, jambes. Gamin, \u00e7a faisait rire. Aujourd\u2019hui, \u00e7a serre. Il passe \u00e0 travers les murs, oui. Mais \u00ab sans en \u00eatre incommod\u00e9 \u00bb. Et c\u2019est \u00e7a qui frappe : il ne ressent rien. Il traverse. Et plus personne ne peut le suivre. Il devient \u00e0 part. Et \u00e0 part, c\u2019est bient\u00f4t ailleurs. Puis seul. Passer le mur, ce n\u2019est pas un super-pouvoir. C\u2019est une mise \u00e0 distance. Un arrachement. Un passage \u00e0 l\u2019acte. L\u2019art, ce n\u2019est pas du d\u00e9cor. C\u2019est ce moment-l\u00e0. Quand on traverse ce qu\u2019on ne voulait pas voir. Le mur qu\u2019on portait en soi. Et qu\u2019on passe \u2014 sans l\u2019avoir vraiment pr\u00e9vu. L\u00e0 commence autre chose. La mission, peut-\u00eatre. La vocation. Pas un m\u00e9tier, un appel. Un truc qu\u2019on n\u2019a pas choisi, mais qui nous a rep\u00e9r\u00e9s. Comme chez Don Juan, dans Castaneda : il faut tout r\u00e9capituler, voir ce qu\u2019on a enferm\u00e9, ce qu\u2019on a refoul\u00e9 dans nos petites vies construites. Traverser tout \u00e7a. Non pas pour briller. Mais par amour. Le vrai. Celui qui ne se voit pas. Celui qui fait danser le monde. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/nuitmortsvivants1_c2a9-studiocanal.webp?1748065081", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-novembre-2023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-novembre-2023.html", "title": "06 novembre 2023", "date_published": "2023-11-05T19:00:00Z", "date_modified": "2025-06-18T23:44:02Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Pluie, vent, et d\u00e9j\u00e0 ce froid mordant. La facture de r\u00e9gularisation EDF est tomb\u00e9e. Sal\u00e9e. On a beau faire attention — lumi\u00e8res, multiprises, ordinateurs — rien n\u2019y fait. C\u2019est le toit qu\u2019il faudrait refaire. Mais impossible. On sent poindre une mentalit\u00e9 de pauvre. Celle que j\u2019ai toujours fui, m\u00eame dans les pires moments. Le rouleau compresseur avance, et l\u2019\u00e2ge nous rend plus vuln\u00e9rable. On se plaint d\u00e9j\u00e0 des articulations. Et la jeunesse hante, comme un fant\u00f4me. Rien ne soulage. Pas m\u00eame l\u2019horreur du monde.<\/p>\n

Hier, une femme dans l\u2019Ouest, maison inond\u00e9e, dit : je voudrais partir\u2026 je voudrais mourir.<\/em> Cela se comprend. Moi aussi, parfois, je l\u2019ai pens\u00e9. Trop d\u2019absurdit\u00e9. Trop peu de recul. Le sto\u00efcisme a ses limites.<\/p>\n

Une avidit\u00e9 louche \u00e0 se plaindre.<\/p>\n

Faire face. Toujours ce mot d\u2019ordre. H\u00e9ritage ? Reflet d\u2019une tradition de survie.<\/p>\n

Hier soir, au vernissage de X. Trois peintres. Hommage \u00e0 leur ancien professeur, mort du pancr\u00e9as. J\u2019apprends que sa fille a brad\u00e9 toutes ses toiles. Pas la place. X a r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 deux dessins, encadr\u00e9s chez Action.<\/p>\n

Plus de carburant. J\u2019ai pris la Twingo. Pare-brise embu\u00e9 malgr\u00e9 la ventilation. Dix-sept kilom\u00e8tres dans la bu\u00e9e. Face \u00e0 moi, des phares plein feu. Sauvagerie g\u00e9n\u00e9rale. On y entre ou pas ? Allumer ses pleins phares, vaille que vaille ? Non. Refuser. Garder quelque chose. Un peu de fiert\u00e9. De dignit\u00e9.<\/p>\n

\u00c0 l\u2019exposition, beaucoup de monde. P. a expos\u00e9 un tableau inspir\u00e9 de Bram Van Velde. Belle tentative, mais trop de travail tue le geste. Lissage, essuyage, exc\u00e8s de contr\u00f4le. Je r\u00eave de mati\u00e8re. D\u2019Anselm Kiefer. Ce n\u2019est pas la couleur ou la composition qui manquent : c\u2019est la vie.<\/p>\n

Peut-\u00eatre cette absence d\u00e9passe les toiles. Peut-\u00eatre est-ce un prisme. Je rentre, \u00e9bloui par les phares.<\/p>\n

7700 morts. Comment rendre \u00e7a en peinture ? Kiefer, encore. Ce paysage blanc, stri\u00e9 de noir. Une mani\u00e8re \u00e9l\u00e9gante de refuser la sauvagerie.<\/p>\n

J\u2019apprends qu\u2019il \u00e9crit beaucoup. Des livres. Je ne savais pas. Je l\u2019ai vu \u00e0 Avignon. Son p\u00e8re \u00e9tait nazi. Lui, parle un fran\u00e7ais impeccable. H\u00e9site \u00e0 peine. Impeccable.<\/p>\n

Je termine la journ\u00e9e avec La fin du monde en avan\u00e7ant<\/em> de Bergounioux. Il parle de sa Corr\u00e8ze qui dispara\u00eet. Il cite Michelet, Kant. Kant, \u00e0 K\u00f6nigsberg, sa ponctualit\u00e9 l\u00e9gendaire. Les cuisini\u00e8res r\u00e9glaient leurs plats sur son passage. Jusqu\u2019au jour o\u00f9, pouss\u00e9 par l\u2019actualit\u00e9 fran\u00e7aise, il sort plus t\u00f4t. Le r\u00f4ti br\u00fble. Le g\u00e2teau aussi. Querelles.<\/p>\n

Deux heures de sommeil. Un r\u00eave. Mon p\u00e8re, torse nu sur le canap\u00e9, en pacha. Comme autrefois.<\/p>\n

Et ce texte de B. sur son a\u00efeul, soldat de la Grande Guerre. Deux ans. Initiation virile. Bon pour le service, bon pour les filles. Une copie carbone du p\u00e8re.<\/p>\n

Et les guerres l\u00e9gitiment l\u2019homme. Combien de meurtres, de trahisons, pour oser se dire « j\u2019en suis un » ? Le m\u00eame que mon p\u00e8re. Mais sans les l\u00e9gendes.<\/p>\n

On se r\u00e9veille dans un corps \u00e9tranger. Rien ne nous regarde. L\u2019imaginaire est parti. Les d\u00e9mons aussi. Voil\u00e0 comment on vieillit.<\/p>\n

Illustration : Il y a quelques jours, en allant poster une lettre recommand\u00e9e, un rayon de lumi\u00e8re a frapp\u00e9 l\u2019\u00e9glise de mon village.<\/em><\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 encore cette facture\u2026 encore\u2026 malgr\u00e9 les efforts\u2026 toujours plus\u2026 et le toit\u2026 toujours pas\u2026 le froid passe\u2026 entre les lames\u2026<\/p>\n

pauvre\u2026 ce mot\u2026 il colle\u2026 je ne veux pas\u2026 mais il est l\u00e0\u2026<\/p>\n

la femme\u2026 noy\u00e9e\u2026 moi aussi\u2026 parfois\u2026 oui\u2026 mais pas de larmes\u2026 pas de drame\u2026 juste\u2026 l\u2019impossibilit\u00e9 de rire\u2026<\/p>\n

faire face\u2026 mais \u00e0 quoi ?\u2026 toujours \u00e0 quoi ?\u2026<\/p>\n

le vernissage\u2026 les toiles\u2026 trop lisses\u2026 trop calmes\u2026 trop mortes\u2026 et moi\u2026 je veux du Kiefer\u2026 du noir\u2026 du vrai\u2026<\/p>\n

le pare-brise\u2026 la bu\u00e9e\u2026 les phares\u2026 est-ce que je peux\u2026 juste une fois\u2026 allumer moi aussi\u2026 non\u2026 non\u2026<\/p>\n

Kant\u2026 sa rigueur\u2026 son cabillaud\u2026 et pourtant un jour\u2026 m\u00eame lui\u2026 il sort\u2026 trop t\u00f4t\u2026<\/p>\n

p\u00e8re torse nu\u2026 r\u00eave\u2026 souvenir\u2026 pacha\u2026 temps d\u2019avant\u2026<\/p>\n

et le rayon de lumi\u00e8re\u2026 l\u00e0\u2026 sur l\u2019\u00e9glise\u2026 juste \u00e7a\u2026 juste encore \u00e7a\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Ce texte est un journal de veille. Une tentative de tenir face au froid, au r\u00e9el, \u00e0 la guerre, \u00e0 la fatigue, \u00e0 la m\u00e9moire. L\u2019auteur se tient au bord — du manque, du r\u00eave, du doute. Il regarde tout de biais, mais intens\u00e9ment.<\/p>\n

L\u2019\u00e9l\u00e9ment central : la mati\u00e8re. Ce qui manque aux toiles, ce qui fait d\u00e9faut dans la vie : une \u00e9paisseur, une accroche, un grain. Tout semble trop lisse, trop effac\u00e9. Et lui cherche du Kiefer, du Van Velde, du Bergounioux — des hommes qui font face, avec le corps, avec les mots.<\/p>\n

La guerre revient comme une question de filiation. Qu\u2019est-ce qu\u2019un homme ? Celui qui part ? Celui qui tient ? Celui qui tue ? Le narrateur ne croit plus \u00e0 la r\u00e9ponse. Il vieillit. Il ne se reconna\u00eet plus. Il habite un corps qui n\u2019est plus sien.<\/p>\n

Mais il \u00e9crit. Et l\u2019\u00e9criture, elle, tient. M\u00eame dans le froid. M\u00eame dans la fatigue.<\/p>\n

Et puis ce rayon, sur l\u2019\u00e9glise. C\u2019est peu. Mais c\u2019est l\u00e0. C\u2019est beaucoup.<\/p>", "content_text": " Pluie, vent, et d\u00e9j\u00e0 ce froid mordant. La facture de r\u00e9gularisation EDF est tomb\u00e9e. Sal\u00e9e. On a beau faire attention \u2014 lumi\u00e8res, multiprises, ordinateurs \u2014 rien n\u2019y fait. C\u2019est le toit qu\u2019il faudrait refaire. Mais impossible. On sent poindre une mentalit\u00e9 de pauvre. Celle que j\u2019ai toujours fui, m\u00eame dans les pires moments. Le rouleau compresseur avance, et l\u2019\u00e2ge nous rend plus vuln\u00e9rable. On se plaint d\u00e9j\u00e0 des articulations. Et la jeunesse hante, comme un fant\u00f4me. Rien ne soulage. Pas m\u00eame l\u2019horreur du monde. Hier, une femme dans l\u2019Ouest, maison inond\u00e9e, dit : *je voudrais partir\u2026 je voudrais mourir.* Cela se comprend. Moi aussi, parfois, je l\u2019ai pens\u00e9. Trop d\u2019absurdit\u00e9. Trop peu de recul. Le sto\u00efcisme a ses limites. Une avidit\u00e9 louche \u00e0 se plaindre. Faire face. Toujours ce mot d\u2019ordre. H\u00e9ritage ? Reflet d\u2019une tradition de survie. Hier soir, au vernissage de X. Trois peintres. Hommage \u00e0 leur ancien professeur, mort du pancr\u00e9as. J\u2019apprends que sa fille a brad\u00e9 toutes ses toiles. Pas la place. X a r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 deux dessins, encadr\u00e9s chez Action. Plus de carburant. J\u2019ai pris la Twingo. Pare-brise embu\u00e9 malgr\u00e9 la ventilation. Dix-sept kilom\u00e8tres dans la bu\u00e9e. Face \u00e0 moi, des phares plein feu. Sauvagerie g\u00e9n\u00e9rale. On y entre ou pas ? Allumer ses pleins phares, vaille que vaille ? Non. Refuser. Garder quelque chose. Un peu de fiert\u00e9. De dignit\u00e9. \u00c0 l\u2019exposition, beaucoup de monde. P. a expos\u00e9 un tableau inspir\u00e9 de Bram Van Velde. Belle tentative, mais trop de travail tue le geste. Lissage, essuyage, exc\u00e8s de contr\u00f4le. Je r\u00eave de mati\u00e8re. D\u2019Anselm Kiefer. Ce n\u2019est pas la couleur ou la composition qui manquent : c\u2019est la vie. Peut-\u00eatre cette absence d\u00e9passe les toiles. Peut-\u00eatre est-ce un prisme. Je rentre, \u00e9bloui par les phares. 7700 morts. Comment rendre \u00e7a en peinture ? Kiefer, encore. Ce paysage blanc, stri\u00e9 de noir. Une mani\u00e8re \u00e9l\u00e9gante de refuser la sauvagerie. J\u2019apprends qu\u2019il \u00e9crit beaucoup. Des livres. Je ne savais pas. Je l\u2019ai vu \u00e0 Avignon. Son p\u00e8re \u00e9tait nazi. Lui, parle un fran\u00e7ais impeccable. H\u00e9site \u00e0 peine. Impeccable. Je termine la journ\u00e9e avec *La fin du monde en avan\u00e7ant* de Bergounioux. Il parle de sa Corr\u00e8ze qui dispara\u00eet. Il cite Michelet, Kant. Kant, \u00e0 K\u00f6nigsberg, sa ponctualit\u00e9 l\u00e9gendaire. Les cuisini\u00e8res r\u00e9glaient leurs plats sur son passage. Jusqu\u2019au jour o\u00f9, pouss\u00e9 par l\u2019actualit\u00e9 fran\u00e7aise, il sort plus t\u00f4t. Le r\u00f4ti br\u00fble. Le g\u00e2teau aussi. Querelles. Deux heures de sommeil. Un r\u00eave. Mon p\u00e8re, torse nu sur le canap\u00e9, en pacha. Comme autrefois. Et ce texte de B. sur son a\u00efeul, soldat de la Grande Guerre. Deux ans. Initiation virile. Bon pour le service, bon pour les filles. Une copie carbone du p\u00e8re. Et les guerres l\u00e9gitiment l\u2019homme. Combien de meurtres, de trahisons, pour oser se dire \"j\u2019en suis un\" ? Le m\u00eame que mon p\u00e8re. Mais sans les l\u00e9gendes. On se r\u00e9veille dans un corps \u00e9tranger. Rien ne nous regarde. L\u2019imaginaire est parti. Les d\u00e9mons aussi. Voil\u00e0 comment on vieillit. *Illustration : Il y a quelques jours, en allant poster une lettre recommand\u00e9e, un rayon de lumi\u00e8re a frapp\u00e9 l\u2019\u00e9glise de mon village.* **sous-conversation** \u2026 encore cette facture\u2026 encore\u2026 malgr\u00e9 les efforts\u2026 toujours plus\u2026 et le toit\u2026 toujours pas\u2026 le froid passe\u2026 entre les lames\u2026 pauvre\u2026 ce mot\u2026 il colle\u2026 je ne veux pas\u2026 mais il est l\u00e0\u2026 la femme\u2026 noy\u00e9e\u2026 moi aussi\u2026 parfois\u2026 oui\u2026 mais pas de larmes\u2026 pas de drame\u2026 juste\u2026 l\u2019impossibilit\u00e9 de rire\u2026 faire face\u2026 mais \u00e0 quoi ?\u2026 toujours \u00e0 quoi ?\u2026 le vernissage\u2026 les toiles\u2026 trop lisses\u2026 trop calmes\u2026 trop mortes\u2026 et moi\u2026 je veux du Kiefer\u2026 du noir\u2026 du vrai\u2026 le pare-brise\u2026 la bu\u00e9e\u2026 les phares\u2026 est-ce que je peux\u2026 juste une fois\u2026 allumer moi aussi\u2026 non\u2026 non\u2026 Kant\u2026 sa rigueur\u2026 son cabillaud\u2026 et pourtant un jour\u2026 m\u00eame lui\u2026 il sort\u2026 trop t\u00f4t\u2026 p\u00e8re torse nu\u2026 r\u00eave\u2026 souvenir\u2026 pacha\u2026 temps d\u2019avant\u2026 et le rayon de lumi\u00e8re\u2026 l\u00e0\u2026 sur l\u2019\u00e9glise\u2026 juste \u00e7a\u2026 juste encore \u00e7a\u2026 **note de travail** Ce texte est un journal de veille. Une tentative de tenir face au froid, au r\u00e9el, \u00e0 la guerre, \u00e0 la fatigue, \u00e0 la m\u00e9moire. L\u2019auteur se tient au bord \u2014 du manque, du r\u00eave, du doute. Il regarde tout de biais, mais intens\u00e9ment. L\u2019\u00e9l\u00e9ment central : la mati\u00e8re. Ce qui manque aux toiles, ce qui fait d\u00e9faut dans la vie : une \u00e9paisseur, une accroche, un grain. Tout semble trop lisse, trop effac\u00e9. Et lui cherche du Kiefer, du Van Velde, du Bergounioux \u2014 des hommes qui font face, avec le corps, avec les mots. La guerre revient comme une question de filiation. Qu\u2019est-ce qu\u2019un homme ? Celui qui part ? Celui qui tient ? Celui qui tue ? Le narrateur ne croit plus \u00e0 la r\u00e9ponse. Il vieillit. Il ne se reconna\u00eet plus. Il habite un corps qui n\u2019est plus sien. Mais il \u00e9crit. Et l\u2019\u00e9criture, elle, tient. M\u00eame dans le froid. M\u00eame dans la fatigue. Et puis ce rayon, sur l\u2019\u00e9glise. C\u2019est peu. 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\n
\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je r\u00e9siste. \u00c0 m\u2019int\u00e9resser \u00e0 l\u2019actualit\u00e9. Un \u00e9v\u00e9nement survient — tragique, obsc\u00e8ne, d\u00e9lirant — et soudain, il n\u2019y a plus que lui. Pendant quelques jours. Puis il dispara\u00eet. \u00c9vapor\u00e9. Remplac\u00e9 aussit\u00f4t par un autre, tout aussi tragique, tout aussi insens\u00e9. On parle de « flux », mais c\u2019est un viol. Un viol d\u2019attention. Brutal. Il nous d\u00e9pouille. Il cr\u00e9e un vide factice, qu\u2019il s\u2019empresse de remplir. Encore. Encore. Tonneau des Dana\u00efdes.<\/p>\n

En focalisant ainsi sur tel ou tel drame — souvent r\u00e9el, terrible, insoutenable — rend-on le reste, le quotidien, encore plus insignifiant ? Faut-il donc l\u2019actualit\u00e9 pour ne pas mourir d\u2019ennui ?<\/p>\n

Peut-\u00eatre est-ce cela, son vrai moteur : conjurer l\u2019ennui.<\/p>\n

Mais si l\u2019on ne sait plus s\u2019ennuyer, alors plus rien ne tient. Nous devenons esclaves. Drogu\u00e9s. \u00c0 la dose d\u2019images, de tweets, d\u2019alertes.<\/p>\n

Il faudrait des \u00e9coles d\u2019ennui. Le r\u00e9habiliter. En faire un rite. Une discipline. Un art. Une pri\u00e8re.<\/p>\n

Et l\u2019actualit\u00e9 reprendrait sa vraie place : celle d\u2019un bruit. D\u2019une branche qui craque. D\u2019une pluie sur le toit. Du rire d\u2019un merle. D\u2019un souffle sans cible.<\/p>\n

Se former \u00e0 l\u2019ennui pour \u00eatre r\u00e9form\u00e9 par lui. Apprendre \u00e0 durer dans le changement. \u00c0 tenir.<\/p>\n

Illustration : Derri\u00e8re les poubelles, l\u2019apparition de la Vierge. (Croatie, ao\u00fbt 2023.)<\/em><\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 encore un\u2026 encore un autre\u2026 toujours plus\u2026 mais o\u00f9 vont-ils tous ?\u2026 les drames\u2026 les morts\u2026 le sang\u2026 il s\u00e8che\u2026 d\u00e9j\u00e0 remplac\u00e9\u2026<\/p>\n

mais moi\u2026 moi je veux pas\u2026 pas encore\u2026 pas ce bruit\u2026 pas cette violence\u2026<\/p>\n

et si c\u2019\u00e9tait \u00e7a\u2026 juste \u00e7a\u2026 la peur de s\u2019ennuyer\u2026 la panique\u2026 le vide\u2026 alors on saute\u2026 sur n\u2019importe quoi\u2026<\/p>\n

l\u2019ennui\u2026 oui\u2026 l\u2019ennui\u2026 et si c\u2019\u00e9tait l\u00e0\u2026 la cl\u00e9\u2026 l\u2019ennui comme ancrage\u2026 comme silence\u2026<\/p>\n

\u00e9couter\u2026 vraiment\u2026 la branche\u2026 le merle\u2026 le vent\u2026<\/p>\n

et l\u00e0\u2026 oui\u2026 l\u00e0 peut-\u00eatre\u2026 derri\u00e8re les poubelles\u2026 quelque chose\u2026 quelque chose d\u2019autre\u2026 de plus vaste\u2026 de plus calme\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Il s\u2019attaque ici \u00e0 un sympt\u00f4me majeur de notre \u00e9poque : l\u2019\u00e9puisement de l\u2019attention. Non par fatigue, mais par saturation. Trop de faits. Trop de drames. Trop de vitesse.<\/p>\n

Il nomme cela un viol. Le mot est fort. Il dit la violence invisible de la r\u00e9p\u00e9tition, du remplissage. Il dit aussi la d\u00e9possession. Le sujet n\u2019est plus sujet : il est occup\u00e9. Colonis\u00e9 par le flux.<\/p>\n

Puis il propose un retournement : faire l\u2019\u00e9loge de l\u2019ennui. C\u2019est audacieux. Contre-culturel. L\u2019ennui comme antidote. L\u2019ennui comme forme d\u2019attention lente. Il ose m\u00eame le mot : pri\u00e8re.<\/p>\n

Il me touche profond\u00e9ment l\u00e0 o\u00f9 il \u00e9voque ces petits signes du monde — branche, pluie, merle. Il recentre l\u2019\u00e9coute. Il nous redonne une oreille.<\/p>\n

Et la fin — cette Vierge surgie derri\u00e8re les poubelles — est une trouvaille. Elle ne juge pas. Elle appara\u00eet. Comme un miracle discret. Elle dit : l\u2019inattendu est l\u00e0, dans le rebut, dans l\u2019\u00e9cart.<\/p>\n

Ce texte ne nous exhorte pas \u00e0 fuir l\u2019actualit\u00e9. Il nous rappelle juste ceci : notre regard est pr\u00e9cieux. Il m\u00e9rite mieux que l\u2019urgence.<\/p>", "content_text": " Je r\u00e9siste. \u00c0 m\u2019int\u00e9resser \u00e0 l\u2019actualit\u00e9. Un \u00e9v\u00e9nement survient \u2014 tragique, obsc\u00e8ne, d\u00e9lirant \u2014 et soudain, il n\u2019y a plus que lui. Pendant quelques jours. Puis il dispara\u00eet. \u00c9vapor\u00e9. Remplac\u00e9 aussit\u00f4t par un autre, tout aussi tragique, tout aussi insens\u00e9. On parle de \"flux\", mais c\u2019est un viol. Un viol d\u2019attention. Brutal. Il nous d\u00e9pouille. Il cr\u00e9e un vide factice, qu\u2019il s\u2019empresse de remplir. Encore. Encore. Tonneau des Dana\u00efdes. En focalisant ainsi sur tel ou tel drame \u2014 souvent r\u00e9el, terrible, insoutenable \u2014 rend-on le reste, le quotidien, encore plus insignifiant ? Faut-il donc l\u2019actualit\u00e9 pour ne pas mourir d\u2019ennui ? Peut-\u00eatre est-ce cela, son vrai moteur : conjurer l\u2019ennui. Mais si l\u2019on ne sait plus s\u2019ennuyer, alors plus rien ne tient. Nous devenons esclaves. Drogu\u00e9s. \u00c0 la dose d\u2019images, de tweets, d\u2019alertes. Il faudrait des \u00e9coles d\u2019ennui. Le r\u00e9habiliter. En faire un rite. Une discipline. Un art. Une pri\u00e8re. Et l\u2019actualit\u00e9 reprendrait sa vraie place : celle d\u2019un bruit. D\u2019une branche qui craque. D\u2019une pluie sur le toit. Du rire d\u2019un merle. D\u2019un souffle sans cible. Se former \u00e0 l\u2019ennui pour \u00eatre r\u00e9form\u00e9 par lui. Apprendre \u00e0 durer dans le changement. \u00c0 tenir. *Illustration : Derri\u00e8re les poubelles, l\u2019apparition de la Vierge. (Croatie, ao\u00fbt 2023.)* **sous-conversation** \u2026 encore un\u2026 encore un autre\u2026 toujours plus\u2026 mais o\u00f9 vont-ils tous ?\u2026 les drames\u2026 les morts\u2026 le sang\u2026 il s\u00e8che\u2026 d\u00e9j\u00e0 remplac\u00e9\u2026 mais moi\u2026 moi je veux pas\u2026 pas encore\u2026 pas ce bruit\u2026 pas cette violence\u2026 et si c\u2019\u00e9tait \u00e7a\u2026 juste \u00e7a\u2026 la peur de s\u2019ennuyer\u2026 la panique\u2026 le vide\u2026 alors on saute\u2026 sur n\u2019importe quoi\u2026 l\u2019ennui\u2026 oui\u2026 l\u2019ennui\u2026 et si c\u2019\u00e9tait l\u00e0\u2026 la cl\u00e9\u2026 l\u2019ennui comme ancrage\u2026 comme silence\u2026 \u00e9couter\u2026 vraiment\u2026 la branche\u2026 le merle\u2026 le vent\u2026 et l\u00e0\u2026 oui\u2026 l\u00e0 peut-\u00eatre\u2026 derri\u00e8re les poubelles\u2026 quelque chose\u2026 quelque chose d\u2019autre\u2026 de plus vaste\u2026 de plus calme\u2026 **note de travail** Il s\u2019attaque ici \u00e0 un sympt\u00f4me majeur de notre \u00e9poque : l\u2019\u00e9puisement de l\u2019attention. Non par fatigue, mais par saturation. Trop de faits. Trop de drames. Trop de vitesse. Il nomme cela un viol. Le mot est fort. Il dit la violence invisible de la r\u00e9p\u00e9tition, du remplissage. Il dit aussi la d\u00e9possession. Le sujet n\u2019est plus sujet : il est occup\u00e9. Colonis\u00e9 par le flux. Puis il propose un retournement : faire l\u2019\u00e9loge de l\u2019ennui. C\u2019est audacieux. Contre-culturel. L\u2019ennui comme antidote. L\u2019ennui comme forme d\u2019attention lente. Il ose m\u00eame le mot : pri\u00e8re. Il me touche profond\u00e9ment l\u00e0 o\u00f9 il \u00e9voque ces petits signes du monde \u2014 branche, pluie, merle. Il recentre l\u2019\u00e9coute. Il nous redonne une oreille. Et la fin \u2014 cette Vierge surgie derri\u00e8re les poubelles \u2014 est une trouvaille. Elle ne juge pas. Elle appara\u00eet. Comme un miracle discret. Elle dit : l\u2019inattendu est l\u00e0, dans le rebut, dans l\u2019\u00e9cart. Ce texte ne nous exhorte pas \u00e0 fuir l\u2019actualit\u00e9. Il nous rappelle juste ceci : notre regard est pr\u00e9cieux. Il m\u00e9rite mieux que l\u2019urgence. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/05-11-2023.webp?1748065096", "tags": ["Essai sur la fatigue", "Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/04-novembre-2023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/04-novembre-2023.html", "title": "04 novembre 2023", "date_published": "2023-11-04T17:40:00Z", "date_modified": "2025-04-03T16:41:18Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Pour bien commencer une journ\u00e9e de stage, il faut d\u00e9poser les soucis \u00e0 la porte. Entrer comme dans un autre monde. Un monde inconnu. On reconna\u00eet peut-\u00eatre un visage, une silhouette. Mais pour le reste : ne rien supposer. Pas d\u2019id\u00e9es. Juste : observer.<\/p>\n

Laisser les intuitions venir, les \u00e9couter silencieusement, un caf\u00e9 \u00e0 la main. Go\u00fbter les g\u00e2teaux maison. Regarder le groupe dans son ensemble. Puis se reculer mentalement. Se voir dedans. \u00c9l\u00e9ments parmi les autres.<\/p>\n

Avec l\u2019exp\u00e9rience, quelques astuces : j\u2019ai apport\u00e9 dans ma besace des coins de tableaux en bois. On commence \u00e0 l\u2019encre de Chine. Noir et blanc. On reparle des valeurs, des maladresses bienvenues, des outils.<\/p>\n

Le temps file. Toujours. Dans ces ateliers. Pas comme dans les t\u00e2ches ordinaires. C\u2019est un plongeon. Une rivi\u00e8re. On s\u2019y jette. Et on s\u2019\u00e9merveille de ce qui surgit : lignes, visages, \u00e9clats d\u2019encre. On cherche les mots justes pour dire. On les attend, on les voit venir. Et on les dit, sans heurter.<\/p>\n

Une femme dit qu\u2019elle a peur. Qu\u2019elle a toujours besoin d\u2019\u00eatre rassur\u00e9e.<\/p>\n

\u2013 Et si tu n\u2019\u00e9tais pas rassur\u00e9e ? Si tu te laissais aller, vraiment ?<\/p>\n

Pas besoin de r\u00e9ponse. Juste poser la question. Puis passer \u00e0 l\u2019exercice suivant : un double visage, des motifs g\u00e9om\u00e9triques.<\/p>\n

J\u2019ai apport\u00e9 aussi de vieux journaux. Chacun d\u00e9chire, colle, peint. Oublie. Puis, \u00e0 la fin, on retire les lambeaux. Le papier r\u00e9appara\u00eet : blanc, intact, trou\u00e9. Visages mutil\u00e9s. Blanc dramatique. Charbon en renfort. Magie.<\/p>\n

Difficile de d\u00e9programmer des cerveaux conditionn\u00e9s \u00e0 r\u00e9ussir. \u00c0 bien faire. Mais c\u2019est l\u00e0, dans les \u00e9carts, les rat\u00e9s, que quelque chose d\u2019unique surgit.<\/p>\n

\u00c0 la fin, on expose. Chaque \u0153uvre porte sa voix. Le groupe est un tout, mais chacun y a creus\u00e9 son sillon. Une coh\u00e9sion fragile, \u00e9ph\u00e9m\u00e8re. Puis la lumi\u00e8re s\u2019\u00e9teint, la porte se ferme. Chacun reprend ses soucis.<\/p>\n

Sur la route, aucun bouchon \u00e0 Vienne. Je prends \u00e7a comme un signe : la journ\u00e9e fut bonne.<\/p>\n

Je repense \u00e0 Herrigel, au tir \u00e0 l\u2019arc. Quand enfin la fl\u00e8che part d\u2019elle-m\u00eame. Il n\u2019y a plus de ma\u00eetre. Plus d\u2019\u00e9l\u00e8ve. Juste un son. Le bon.<\/p>\n

D\u00eener l\u00e9ger. Puis lit, couette, livre. Je lis Bergounioux. La b\u00eate faramineuse<\/em>. Les mots comme roches. Comme bruy\u00e8res. Une langue qui marche lentement dans la campagne. Et soudain cette phrase :<\/p>\n

« Nous avons escalad\u00e9 le talus et nous nous sommes enfonc\u00e9s du m\u00eame souffle long, \u00e9gal, dans la vapeur rousse de la pessi\u00e8re. »<\/p>\n

Et plus loin :<\/p>\n

« \u2026vivre \u2013, nous avions accoutum\u00e9, Michel et moi, de mener chacun pour son propre compte des pens\u00e9es, ou du moins des songes si ressemblants qu\u2019ils s\u2019achevaient au m\u00eame instant\u2026 »<\/p>\n

Puis la b\u00eate appara\u00eet. Je pense \u00e0 celle du G\u00e9vaudan. Celle qui hantait mes nuits d\u2019enfant. Et alors, doucement, je m\u2019abandonne. D\u00e9voration du sommeil.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 passer la porte\u2026 oublier\u2026 mais vraiment ?\u2026 comment fait-on ?\u2026 juste \u00eatre l\u00e0\u2026 rien attendre\u2026 rien savoir\u2026<\/p>\n

les visages\u2026 des lignes\u2026 des ombres\u2026 ils bougent\u2026 ils flottent\u2026 et moi\u2026 dedans\u2026 je regarde\u2026 je flotte aussi\u2026<\/p>\n

elle dit qu\u2019elle a peur\u2026 elle le dit\u2026 c\u2019est d\u00e9j\u00e0 beaucoup\u2026 et si elle tombait ?\u2026 et si elle volait ?\u2026 on ne saura pas\u2026 pas besoin\u2026<\/p>\n

la colle\u2026 les lambeaux\u2026 le blanc\u2026 le drame\u2026 et l\u2019\u00e9tonnement\u2026 c\u2019est beau\u2026 c\u2019est fort\u2026 c\u2019est eux\u2026 chacun\u2026<\/p>\n

Herrigel\u2026 la corde l\u00e2ch\u00e9e\u2026 personne\u2026 juste un son\u2026 et l\u00e0, oui\u2026 l\u00e0, c\u2019est juste\u2026<\/p>\n

Bergounioux\u2026 les mots\u2026 \u00e7a frotte\u2026 \u00e7a creuse\u2026 et moi\u2026 je me glisse\u2026 dans la b\u00eate\u2026 dans la nuit\u2026 dans le sommeil\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

\u2026 passer la porte\u2026 oublier\u2026 mais vraiment ?\u2026 comment fait-on ?\u2026 juste \u00eatre l\u00e0\u2026 rien attendre\u2026 rien savoir\u2026<\/p>\n

les visages\u2026 des lignes\u2026 des ombres\u2026 ils bougent\u2026 ils flottent\u2026 et moi\u2026 dedans\u2026 je regarde\u2026 je flotte aussi\u2026<\/p>\n

elle dit qu\u2019elle a peur\u2026 elle le dit\u2026 c\u2019est d\u00e9j\u00e0 beaucoup\u2026 et si elle tombait ?\u2026 et si elle volait ?\u2026 on ne saura pas\u2026 pas besoin\u2026<\/p>\n

la colle\u2026 les lambeaux\u2026 le blanc\u2026 le drame\u2026 et l\u2019\u00e9tonnement\u2026 c\u2019est beau\u2026 c\u2019est fort\u2026 c\u2019est eux\u2026 chacun\u2026<\/p>\n

Herrigel\u2026 la corde l\u00e2ch\u00e9e\u2026 personne\u2026 juste un son\u2026 et l\u00e0, oui\u2026 l\u00e0, c\u2019est juste\u2026<\/p>\n

Bergounioux\u2026 les mots\u2026 \u00e7a frotte\u2026 \u00e7a creuse\u2026 et moi\u2026 je me glisse\u2026 dans la b\u00eate\u2026 dans la nuit\u2026 dans le sommeil\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Le texte parle d\u2019un stage. Mais il parle surtout d\u2019un seuil.<\/p>\n

Un seuil entre soi et les autres. Entre le r\u00f4le d\u2019accompagnant et la place d\u2019\u00e9l\u00e8ve. Entre le temps utile et le temps habit\u00e9.<\/p>\n

Il y a une grande douceur ici, presque une tendresse. Pour les maladresses. Pour l\u2019h\u00e9sitation. Pour les visages en construction. Le narrateur cherche \u00e0 faire na\u00eetre quelque chose sans jamais imposer. \u00c0 tenir l\u2019espace comme on tient une lampe dans la p\u00e9nombre.<\/p>\n

Il dit aussi : pas besoin de r\u00e9ponse. C\u2019est rare. Cela m\u2019\u00e9meut.<\/p>\n

Le texte se referme sur deux figures : Herrigel, et Bergounioux. Deux formes de ma\u00eetrise. L\u2019un par la lenteur juste. L\u2019autre par la langue rocailleuse, archa\u00efque. Tous deux disent : le travail est une attente. Et quand cela surgit, ce n\u2019est plus nous.<\/p>\n

La lecture du soir, sous la couette, apr\u00e8s la journ\u00e9e\u2026 c\u2019est un second stage. Un stage int\u00e9rieur.<\/p>\n

Et le sommeil qui d\u00e9vore \u00e0 la fin\u2026 ce n\u2019est pas une fuite. C\u2019est une offrande.<\/p>", "content_text": " Pour bien commencer une journ\u00e9e de stage, il faut d\u00e9poser les soucis \u00e0 la porte. Entrer comme dans un autre monde. Un monde inconnu. On reconna\u00eet peut-\u00eatre un visage, une silhouette. Mais pour le reste : ne rien supposer. Pas d\u2019id\u00e9es. Juste : observer. Laisser les intuitions venir, les \u00e9couter silencieusement, un caf\u00e9 \u00e0 la main. Go\u00fbter les g\u00e2teaux maison. Regarder le groupe dans son ensemble. Puis se reculer mentalement. Se voir dedans. \u00c9l\u00e9ments parmi les autres. Avec l\u2019exp\u00e9rience, quelques astuces : j\u2019ai apport\u00e9 dans ma besace des coins de tableaux en bois. On commence \u00e0 l\u2019encre de Chine. Noir et blanc. On reparle des valeurs, des maladresses bienvenues, des outils. Le temps file. Toujours. Dans ces ateliers. Pas comme dans les t\u00e2ches ordinaires. C\u2019est un plongeon. Une rivi\u00e8re. On s\u2019y jette. Et on s\u2019\u00e9merveille de ce qui surgit : lignes, visages, \u00e9clats d\u2019encre. On cherche les mots justes pour dire. On les attend, on les voit venir. Et on les dit, sans heurter. Une femme dit qu\u2019elle a peur. Qu\u2019elle a toujours besoin d\u2019\u00eatre rassur\u00e9e. \u2013 Et si tu n\u2019\u00e9tais pas rassur\u00e9e ? Si tu te laissais aller, vraiment ? Pas besoin de r\u00e9ponse. Juste poser la question. Puis passer \u00e0 l\u2019exercice suivant : un double visage, des motifs g\u00e9om\u00e9triques. J\u2019ai apport\u00e9 aussi de vieux journaux. Chacun d\u00e9chire, colle, peint. Oublie. Puis, \u00e0 la fin, on retire les lambeaux. Le papier r\u00e9appara\u00eet : blanc, intact, trou\u00e9. Visages mutil\u00e9s. Blanc dramatique. Charbon en renfort. Magie. Difficile de d\u00e9programmer des cerveaux conditionn\u00e9s \u00e0 r\u00e9ussir. \u00c0 bien faire. Mais c\u2019est l\u00e0, dans les \u00e9carts, les rat\u00e9s, que quelque chose d\u2019unique surgit. \u00c0 la fin, on expose. Chaque \u0153uvre porte sa voix. Le groupe est un tout, mais chacun y a creus\u00e9 son sillon. Une coh\u00e9sion fragile, \u00e9ph\u00e9m\u00e8re. Puis la lumi\u00e8re s\u2019\u00e9teint, la porte se ferme. Chacun reprend ses soucis. Sur la route, aucun bouchon \u00e0 Vienne. Je prends \u00e7a comme un signe : la journ\u00e9e fut bonne. Je repense \u00e0 Herrigel, au tir \u00e0 l\u2019arc. Quand enfin la fl\u00e8che part d\u2019elle-m\u00eame. Il n\u2019y a plus de ma\u00eetre. Plus d\u2019\u00e9l\u00e8ve. Juste un son. Le bon. D\u00eener l\u00e9ger. Puis lit, couette, livre. Je lis Bergounioux. *La b\u00eate faramineuse*. Les mots comme roches. Comme bruy\u00e8res. Une langue qui marche lentement dans la campagne. Et soudain cette phrase : \u00ab Nous avons escalad\u00e9 le talus et nous nous sommes enfonc\u00e9s du m\u00eame souffle long, \u00e9gal, dans la vapeur rousse de la pessi\u00e8re. \u00bb Et plus loin : \u00ab \u2026vivre \u2013, nous avions accoutum\u00e9, Michel et moi, de mener chacun pour son propre compte des pens\u00e9es, ou du moins des songes si ressemblants qu\u2019ils s\u2019achevaient au m\u00eame instant\u2026 \u00bb Puis la b\u00eate appara\u00eet. Je pense \u00e0 celle du G\u00e9vaudan. Celle qui hantait mes nuits d\u2019enfant. Et alors, doucement, je m\u2019abandonne. D\u00e9voration du sommeil. **sous-conversation** \u2026 passer la porte\u2026 oublier\u2026 mais vraiment ?\u2026 comment fait-on ?\u2026 juste \u00eatre l\u00e0\u2026 rien attendre\u2026 rien savoir\u2026 les visages\u2026 des lignes\u2026 des ombres\u2026 ils bougent\u2026 ils flottent\u2026 et moi\u2026 dedans\u2026 je regarde\u2026 je flotte aussi\u2026 elle dit qu\u2019elle a peur\u2026 elle le dit\u2026 c\u2019est d\u00e9j\u00e0 beaucoup\u2026 et si elle tombait ?\u2026 et si elle volait ?\u2026 on ne saura pas\u2026 pas besoin\u2026 la colle\u2026 les lambeaux\u2026 le blanc\u2026 le drame\u2026 et l\u2019\u00e9tonnement\u2026 c\u2019est beau\u2026 c\u2019est fort\u2026 c\u2019est eux\u2026 chacun\u2026 Herrigel\u2026 la corde l\u00e2ch\u00e9e\u2026 personne\u2026 juste un son\u2026 et l\u00e0, oui\u2026 l\u00e0, c\u2019est juste\u2026 Bergounioux\u2026 les mots\u2026 \u00e7a frotte\u2026 \u00e7a creuse\u2026 et moi\u2026 je me glisse\u2026 dans la b\u00eate\u2026 dans la nuit\u2026 dans le sommeil\u2026 **note de travail** \u2026 passer la porte\u2026 oublier\u2026 mais vraiment ?\u2026 comment fait-on ?\u2026 juste \u00eatre l\u00e0\u2026 rien attendre\u2026 rien savoir\u2026 les visages\u2026 des lignes\u2026 des ombres\u2026 ils bougent\u2026 ils flottent\u2026 et moi\u2026 dedans\u2026 je regarde\u2026 je flotte aussi\u2026 elle dit qu\u2019elle a peur\u2026 elle le dit\u2026 c\u2019est d\u00e9j\u00e0 beaucoup\u2026 et si elle tombait ?\u2026 et si elle volait ?\u2026 on ne saura pas\u2026 pas besoin\u2026 la colle\u2026 les lambeaux\u2026 le blanc\u2026 le drame\u2026 et l\u2019\u00e9tonnement\u2026 c\u2019est beau\u2026 c\u2019est fort\u2026 c\u2019est eux\u2026 chacun\u2026 Herrigel\u2026 la corde l\u00e2ch\u00e9e\u2026 personne\u2026 juste un son\u2026 et l\u00e0, oui\u2026 l\u00e0, c\u2019est juste\u2026 Bergounioux\u2026 les mots\u2026 \u00e7a frotte\u2026 \u00e7a creuse\u2026 et moi\u2026 je me glisse\u2026 dans la b\u00eate\u2026 dans la nuit\u2026 dans le sommeil\u2026 **note de travail** Le texte parle d\u2019un stage. Mais il parle surtout d\u2019un seuil. Un seuil entre soi et les autres. Entre le r\u00f4le d\u2019accompagnant et la place d\u2019\u00e9l\u00e8ve. Entre le temps utile et le temps habit\u00e9. Il y a une grande douceur ici, presque une tendresse. Pour les maladresses. Pour l\u2019h\u00e9sitation. Pour les visages en construction. Le narrateur cherche \u00e0 faire na\u00eetre quelque chose sans jamais imposer. \u00c0 tenir l\u2019espace comme on tient une lampe dans la p\u00e9nombre. Il dit aussi : pas besoin de r\u00e9ponse. C\u2019est rare. Cela m\u2019\u00e9meut. Le texte se referme sur deux figures : Herrigel, et Bergounioux. Deux formes de ma\u00eetrise. L\u2019un par la lenteur juste. L\u2019autre par la langue rocailleuse, archa\u00efque. Tous deux disent : le travail est une attente. Et quand cela surgit, ce n\u2019est plus nous. La lecture du soir, sous la couette, apr\u00e8s la journ\u00e9e\u2026 c\u2019est un second stage. Un stage int\u00e9rieur. Et le sommeil qui d\u00e9vore \u00e0 la fin\u2026 ce n\u2019est pas une fuite. C\u2019est une offrande. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/04-11-2023.jpg?1748065121", "tags": ["peinture", "Autofiction et Introspection", "seuils"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-novembre-2023.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-novembre-2023.html", "title": "03 novembre 2023", "date_published": "2023-11-03T17:32:00Z", "date_modified": "2025-04-03T16:32:27Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Elle est revenue. Comme si de rien n\u2019\u00e9tait. Depuis l\u2019\u00e9tage, au saut du lit, j\u2019avais cru entendre un bruit. Une hallucination auditive, pensais-je. Et pourtant, en allumant la lumi\u00e8re de la cuisine, je l\u2019aper\u00e7ois par la porte-fen\u00eatre : queue droite, silhouette tranquille, allant et venant dans la cour. Une semaine d\u2019absence. O\u00f9 \u00e9tait-elle ? Myst\u00e8re \u00e9pais de la vie f\u00e9line. Elle n\u2019a pas maigri. La vie peut donc reprendre, je partirai en stage le c\u0153ur plus l\u00e9ger.<\/p>\n

Pourquoi ai-je toujours tendance \u00e0 imaginer le pire ? \u00c0 partir de rien. Une peur ? Un d\u00e9sir ? Et s\u2019il s\u2019agissait d\u2019un d\u00e9sir\u2026 alors il serait morbide. Entre libido et thanatos. Ou est-ce cette actualit\u00e9 satur\u00e9e : morts empil\u00e9s, ruines. Un d\u00e9sir de peur ? Un d\u00e9sir de fin ? L\u2019\u0153il pour \u0153il est d\u00e9pass\u00e9. L\u2019effroi c\u00f4toie le grotesque. Le progr\u00e8s n\u2019a rien chang\u00e9 \u00e0 la violence. Il l\u2019a peut-\u00eatre m\u00eame rendue plus pr\u00e9cise.<\/p>\n

B. m\u2019a envoy\u00e9 un chapitre entier. Son futur livre sur la Grande Guerre. Travail monumental. Une \u00e9rudition rare, chaque paragraphe m\u2019apprend quelque chose. Et pourtant\u2026 ce fourmillement de d\u00e9tails me questionne. Une s\u00e9curit\u00e9 peut-\u00eatre, un filet. L\u2019\u00e9criture semble contenue, brid\u00e9e par la documentation. Le r\u00e9cit tente d\u2019\u00e9merger. Mais c\u2019est encore le compte exact des obus, des citations, des renvois. J\u2019ai salu\u00e9 son travail, bien s\u00fbr. Mais j\u2019ai aussi parl\u00e9 du narrateur. De ce positionnement fuyant. C\u2019est toujours ma b\u00eate noire.<\/p>\n

Le mot escarboucle<\/em>, chez Apollinaire.<\/p>\n

Lecture aussi d\u2019un Dosto\u00efevski retrouv\u00e9 au fond d\u2019une \u00e9tag\u00e8re : Souvenirs de la maison des morts<\/em>, \u00e9ditions Baudelaire, achet\u00e9 sur les quais dans les ann\u00e9es 80. Je ne me souviens pas de l\u2019avoir lu. Il y a un marque-page au milieu. La couverture est intacte. Je me glisse sous la couette, lampe allum\u00e9e. Je plonge en Sib\u00e9rie. Aucune mention du traducteur. Peut-\u00eatre faudrait-il relire les traductions de Markowicz. Comparer. Mesurer les \u00e9carts. Ce d\u00e9sir de relecture, de retour, sent le commencement de la fin.<\/p>\n

Sursaut : il me faut Il dit que c\u2019est difficile<\/em> de Djian, sur Bram Van Velde. Vu des \u00e9ditions Argol et Flohic. Prix modeste, mais frais de port dissuasifs.<\/p>\n

Van Velde. Je comprends mieux ce qu\u2019il disait du travail : cette endurance dans l\u2019attente. Ne pas gaspiller l\u2019\u00e9nergie en t\u00e2ches secondaires. \u00c0 l\u2019oppos\u00e9 de Picasso, goinfre g\u00e9nial. Qui a raison ? Qui a tort ? Personne. Chacun survit avec son d\u00e9sir.<\/p>\n

Mais l\u2019attente, oui, a quelque chose de singulier. Qu\u2019elle soit administrative ou cr\u00e9ative. Elle est r\u00e9tention. Une tension. Un arr\u00eat charg\u00e9.<\/p>\n

R\u00e9tention : en prison. R\u00e9tention : du d\u00e9sir. R\u00e9tention : dans l\u2019\u00e9criture, noy\u00e9e sous la documentation. L\u2019\u00e9bauche avant l\u2019\u0153uvre.<\/p>\n

Mais qu\u2019est-ce que l\u2019\u0153uvre v\u00e9ritable<\/em>, au fond ?<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 elle est l\u00e0\u2026 elle est revenue\u2026 comme \u00e7a\u2026 sans pr\u00e9venir\u2026 comme avant\u2026 comme si rien\u2026<\/p>\n

et moi, tout ce temps\u2026 le pire\u2026 toujours le pire\u2026 pourquoi toujours ?\u2026 est-ce que je veux \u00e7a ?\u2026 est-ce que je le d\u00e9sire ?\u2026<\/p>\n

le monde dehors\u2026 les morts\u2026 les ruines\u2026 et moi, dedans\u2026 chat\u2026 peinture\u2026 obus\u2026 escarboucle\u2026 Dosto\u00efevski\u2026 des noms\u2026 des couches\u2026<\/p>\n

B., son chapitre\u2026 trop\u2026 tellement\u2026 et pourtant\u2026 pas encore l\u00e0\u2026 pas encore \u00e7a<\/em>\u2026 elle tourne autour\u2026 elle sature\u2026 elle attend\u2026<\/p>\n

moi aussi j\u2019attends\u2026 toujours\u2026 je trie, je cherche, je lis, je relis\u2026 mais pour quoi ?\u2026 c\u2019est jamais le bon moment\u2026<\/p>\n

et Van Velde\u2026 cette fatigue active\u2026 cette retenue\u2026 j\u2019en suis l\u00e0\u2026 pas dans l\u2019\u0153uvre\u2026 dans l\u2019avant\u2026<\/p>\n

r\u00e9tention\u2026 attente\u2026 non-action\u2026 mais pleine\u2026 pleine \u00e0 craquer\u2026<\/p>\n

et ce mot \u00e0 la fin\u2026 v\u00e9ritable<\/em>\u2026 qu\u2019est-ce que \u00e7a veut dire, v\u00e9ritable ?\u2026 est-ce que \u00e7a existe seulement ?<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Il commence par un apaisement. Le retour du chat. Une pr\u00e9sence retrouv\u00e9e. Mais imm\u00e9diatement, ce r\u00e9pit ouvre la porte \u00e0 une s\u00e9rie d\u2019interrogations — vastes, graves, irr\u00e9versibles.<\/p>\n

Il \u00e9crit en spirale. Le r\u00e9el d\u00e9clenche le souvenir, le souvenir d\u00e9clenche le doute, et le doute relance le r\u00e9el. C\u2019est une \u00e9criture de l\u2019oscillation.<\/p>\n

Le c\u0153ur du texte, c\u2019est l\u2019attente. L\u2019attente comme douleur, comme tension, comme m\u00e9thode. Elle est partout : dans la peur de la perte, dans la lecture diff\u00e9r\u00e9e, dans le chapitre de B. emp\u00each\u00e9 par trop de savoir, dans la peinture, dans le d\u00e9sir de savoir, et dans la r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019action.<\/p>\n

Il nomme cela « r\u00e9tention ». C\u2019est un mot juste. Il d\u00e9signe \u00e0 la fois la pr\u00e9paration, le blocage, le refoulement, la saturation.<\/p>\n

Et il termine par une question : qu\u2019est-ce que l\u2019ouvrage v\u00e9ritable<\/em> ? Ce n\u2019est pas une question litt\u00e9raire. C\u2019est une question vitale. Il cherche encore ce seuil — ce moment o\u00f9 l\u2019attente devient geste, o\u00f9 le d\u00e9sir se transforme en forme, o\u00f9 la parole devient n\u00e9cessit\u00e9.<\/p>\n

Peut-\u00eatre \u00e9crit-il autour<\/em> de son \u0153uvre v\u00e9ritable. Peut-\u00eatre la dessine-t-il en creux. Et c\u2019est pr\u00e9cis\u00e9ment l\u00e0 que \u00e7a commence.<\/p>", "content_text": " Elle est revenue. Comme si de rien n\u2019\u00e9tait. Depuis l\u2019\u00e9tage, au saut du lit, j\u2019avais cru entendre un bruit. Une hallucination auditive, pensais-je. Et pourtant, en allumant la lumi\u00e8re de la cuisine, je l\u2019aper\u00e7ois par la porte-fen\u00eatre : queue droite, silhouette tranquille, allant et venant dans la cour. Une semaine d\u2019absence. O\u00f9 \u00e9tait-elle ? Myst\u00e8re \u00e9pais de la vie f\u00e9line. Elle n\u2019a pas maigri. La vie peut donc reprendre, je partirai en stage le c\u0153ur plus l\u00e9ger. Pourquoi ai-je toujours tendance \u00e0 imaginer le pire ? \u00c0 partir de rien. Une peur ? Un d\u00e9sir ? Et s\u2019il s\u2019agissait d\u2019un d\u00e9sir\u2026 alors il serait morbide. Entre libido et thanatos. Ou est-ce cette actualit\u00e9 satur\u00e9e : morts empil\u00e9s, ruines. Un d\u00e9sir de peur ? Un d\u00e9sir de fin ? L\u2019\u0153il pour \u0153il est d\u00e9pass\u00e9. L\u2019effroi c\u00f4toie le grotesque. Le progr\u00e8s n\u2019a rien chang\u00e9 \u00e0 la violence. Il l\u2019a peut-\u00eatre m\u00eame rendue plus pr\u00e9cise. B. m\u2019a envoy\u00e9 un chapitre entier. Son futur livre sur la Grande Guerre. Travail monumental. Une \u00e9rudition rare, chaque paragraphe m\u2019apprend quelque chose. Et pourtant\u2026 ce fourmillement de d\u00e9tails me questionne. Une s\u00e9curit\u00e9 peut-\u00eatre, un filet. L\u2019\u00e9criture semble contenue, brid\u00e9e par la documentation. Le r\u00e9cit tente d\u2019\u00e9merger. Mais c\u2019est encore le compte exact des obus, des citations, des renvois. J\u2019ai salu\u00e9 son travail, bien s\u00fbr. Mais j\u2019ai aussi parl\u00e9 du narrateur. De ce positionnement fuyant. C\u2019est toujours ma b\u00eate noire. Le mot *escarboucle*, chez Apollinaire. Lecture aussi d\u2019un Dosto\u00efevski retrouv\u00e9 au fond d\u2019une \u00e9tag\u00e8re : *Souvenirs de la maison des morts*, \u00e9ditions Baudelaire, achet\u00e9 sur les quais dans les ann\u00e9es 80. Je ne me souviens pas de l\u2019avoir lu. Il y a un marque-page au milieu. La couverture est intacte. Je me glisse sous la couette, lampe allum\u00e9e. Je plonge en Sib\u00e9rie. Aucune mention du traducteur. Peut-\u00eatre faudrait-il relire les traductions de Markowicz. Comparer. Mesurer les \u00e9carts. Ce d\u00e9sir de relecture, de retour, sent le commencement de la fin. Sursaut : il me faut *Il dit que c\u2019est difficile* de Djian, sur Bram Van Velde. Vu des \u00e9ditions Argol et Flohic. Prix modeste, mais frais de port dissuasifs. Van Velde. Je comprends mieux ce qu\u2019il disait du travail : cette endurance dans l\u2019attente. Ne pas gaspiller l\u2019\u00e9nergie en t\u00e2ches secondaires. \u00c0 l\u2019oppos\u00e9 de Picasso, goinfre g\u00e9nial. Qui a raison ? Qui a tort ? Personne. Chacun survit avec son d\u00e9sir. Mais l\u2019attente, oui, a quelque chose de singulier. Qu\u2019elle soit administrative ou cr\u00e9ative. Elle est r\u00e9tention. Une tension. Un arr\u00eat charg\u00e9. R\u00e9tention : en prison. R\u00e9tention : du d\u00e9sir. R\u00e9tention : dans l\u2019\u00e9criture, noy\u00e9e sous la documentation. L\u2019\u00e9bauche avant l\u2019\u0153uvre. Mais qu\u2019est-ce que *l\u2019\u0153uvre v\u00e9ritable*, au fond ? **sous-conversation** \u2026 elle est l\u00e0\u2026 elle est revenue\u2026 comme \u00e7a\u2026 sans pr\u00e9venir\u2026 comme avant\u2026 comme si rien\u2026 et moi, tout ce temps\u2026 le pire\u2026 toujours le pire\u2026 pourquoi toujours ?\u2026 est-ce que je veux \u00e7a ?\u2026 est-ce que je le d\u00e9sire ?\u2026 le monde dehors\u2026 les morts\u2026 les ruines\u2026 et moi, dedans\u2026 chat\u2026 peinture\u2026 obus\u2026 escarboucle\u2026 Dosto\u00efevski\u2026 des noms\u2026 des couches\u2026 B., son chapitre\u2026 trop\u2026 tellement\u2026 et pourtant\u2026 pas encore l\u00e0\u2026 pas encore *\u00e7a*\u2026 elle tourne autour\u2026 elle sature\u2026 elle attend\u2026 moi aussi j\u2019attends\u2026 toujours\u2026 je trie, je cherche, je lis, je relis\u2026 mais pour quoi ?\u2026 c\u2019est jamais le bon moment\u2026 et Van Velde\u2026 cette fatigue active\u2026 cette retenue\u2026 j\u2019en suis l\u00e0\u2026 pas dans l\u2019\u0153uvre\u2026 dans l\u2019avant\u2026 r\u00e9tention\u2026 attente\u2026 non-action\u2026 mais pleine\u2026 pleine \u00e0 craquer\u2026 et ce mot \u00e0 la fin\u2026 *v\u00e9ritable*\u2026 qu\u2019est-ce que \u00e7a veut dire, v\u00e9ritable ?\u2026 est-ce que \u00e7a existe seulement ? **note de travail** Il commence par un apaisement. Le retour du chat. Une pr\u00e9sence retrouv\u00e9e. Mais imm\u00e9diatement, ce r\u00e9pit ouvre la porte \u00e0 une s\u00e9rie d\u2019interrogations \u2014 vastes, graves, irr\u00e9versibles. Il \u00e9crit en spirale. Le r\u00e9el d\u00e9clenche le souvenir, le souvenir d\u00e9clenche le doute, et le doute relance le r\u00e9el. C\u2019est une \u00e9criture de l\u2019oscillation. Le c\u0153ur du texte, c\u2019est l\u2019attente. L\u2019attente comme douleur, comme tension, comme m\u00e9thode. Elle est partout : dans la peur de la perte, dans la lecture diff\u00e9r\u00e9e, dans le chapitre de B. emp\u00each\u00e9 par trop de savoir, dans la peinture, dans le d\u00e9sir de savoir, et dans la r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019action. Il nomme cela \"r\u00e9tention\". C\u2019est un mot juste. Il d\u00e9signe \u00e0 la fois la pr\u00e9paration, le blocage, le refoulement, la saturation. Et il termine par une question : qu\u2019est-ce que *l\u2019ouvrage v\u00e9ritable* ? 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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Les chemises blanches. Relire Barthes — « Saponides et d\u00e9tergents ». Cette blancheur id\u00e9alis\u00e9e, m\u00e9diatis\u00e9e. Paic, Omo, Persil : les marques ressurgissent avec leurs parfums. Mais rien n’\u00e9tait jamais aussi blanc qu’\u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision. Sauf les chemises de mon p\u00e8re. Le col, les poignets. Mais \u00e0 quel prix. Ma m\u00e8re, au-dessus de l\u2019\u00e9vier, frottant, K2R en main. Le blanc impeccable \u00e9tait une ascension. Une victoire quotidienne.<\/p>\n

Chez mes camarades italiens, portugais, le mythe de la blancheur battait fort aussi. Ma m\u00e8re, enfant d\u2019\u00e9migr\u00e9s, savait la honte associ\u00e9e \u00e0 la salet\u00e9. Le linge propre devenait revendication. Int\u00e9gration.<\/p>\n

Mais les chaussettes de sport restaient grises. Et moi, dans les vestiaires, j\u2019en portais le fardeau. Une croix de coton. Une honte endoss\u00e9e sans faute commise.<\/p>\n

Puis ce mot : javel. Barthes encore. La javel tue. Mon fr\u00e8re, un jour, en a bu. Panique, h\u00f4pital, lavage d\u2019estomac. Il survit. Mais quelque chose change. L\u2019\u00e9cole devient un pi\u00e8ge. L\u2019institutrice le stigmatise. Idiot, \u00e9crit au feutre noir sur un panneau. Elle est la femme du directeur de la banque o\u00f9 mes parents resteront fid\u00e8les. L\u2019humiliation log\u00e9e \u00e0 m\u00eame le compte courant.<\/p>\n

Infamie et blancheur, mari\u00e9s dans la m\u00e9moire. Comme Omo et le K2R.<\/p>\n

La chatte a disparu depuis quatre jours. Toussaint. Pressentiment. Et pourtant je peins. Comme si elle \u00e9tait encore l\u00e0. Gestes automatiques. C\u0153ur absent.<\/p>\n

Les chemises blanches reviennent. Et les photos noir et blanc. Ces hommes droits, lisses, linceuls de g\u00e9latine et de sel d\u2019argent. On se voulait beau pour survivre \u00e0 l\u2019image.<\/p>\n

Lu Benjamin, \u00e9cout\u00e9 Didi-Huberman : l\u2019aura, la survivance. C\u2019est peut-\u00eatre ce que je cherche en peinture. Ce que je d\u00e9truis quand c\u2019est trop beau. L\u2019avant-peinture. Une trace qui veut durer apr\u00e8s la d\u00e9b\u00e2cle.<\/p>\n

Lu aussi Gu\u00e9non. Le sanskrit comme refuge. Langue fix\u00e9e. Non morte, mais stable. Le latin, le grec : autant de ports. Mais la peur : s\u2019y perdre, se couper. Une solitude plus vaste encore.<\/p>\n

Et ce soup\u00e7on : la tradition comme pouvoir. Une pens\u00e9e peut devenir arme. Le savoir : extr\u00eame, dominateur.<\/p>\n

La terre s\u2019ouvre. Les tr\u00e9sors brillent. Mais le moindre d\u2019entre eux demande un tribut. Une vie enti\u00e8re.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026le blanc\u2026 encore lui\u2026 jamais assez blanc\u2026 mais trop\u2026 trop de blanc\u2026 cache\u2026 \u00e9touffe\u2026 fardeau\u2026 linge comme blason\u2026<\/p>\n

la honte\u2026 les chaussettes\u2026 cette morsure dans les vestiaires\u2026 pas la faute\u2026 mais le regard\u2026 le gris trop visible\u2026<\/p>\n

la javel\u2026 le fr\u00e8re\u2026 le panneau\u2026 idiot\u2026 c\u2019est \u00e9crit\u2026 c\u2019est marqu\u00e9\u2026 rien \u00e0 dire\u2026 tout \u00e0 porter\u2026<\/p>\n

les photos\u2026 les costumes\u2026 ces hommes\u2026 si propres\u2026 mais pour quoi ? pour qui ?\u2026<\/p>\n

la chatte\u2026 le coussin vide\u2026 et pourtant on peint\u2026 pourquoi ?\u2026<\/p>\n

l\u2019aura\u2026 survivance\u2026 on ne veut pas s\u00e9duire\u2026 juste que \u00e7a reste\u2026 pas beau\u2026 pas joli\u2026 juste\u2026 l\u00e0\u2026<\/p>\n

Gu\u00e9non\u2026 le sanskrit\u2026 mais c\u2019est trop\u2026 c\u2019est haut\u2026 c\u2019est dur\u2026 et moi\u2026 petit\u2026 seul\u2026 je pourrais pas\u2026<\/p>\n

le savoir\u2026 le pouvoir\u2026 \u00e7a se confond\u2026 \u00e7a br\u00fble\u2026 \u00e7a isole\u2026 \u00e7a domine\u2026<\/p>\n

on regarde la terre\u2026 on veut prendre\u2026 mais le prix\u2026 toujours trop lourd\u2026 une vie\u2026 rien que \u00e7a\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Il revient ici sur un mythe — celui de la blancheur. Il l\u2019aborde non pas comme une esth\u00e9tique, mais comme un territoire politique, affectif, social. Une injonction \u00e0 la puret\u00e9 qui p\u00e8se, qui juge, qui marque. Le blanc comme instrument de tri.<\/p>\n

La sc\u00e8ne centrale : sa m\u00e8re qui frotte, le fr\u00e8re qui boit la javel, l\u2019\u00e9cole qui \u00e9crase. Tout est l\u00e0. Le d\u00e9sir d\u2019int\u00e9gration, la violence invisible, la soumission aux signes ext\u00e9rieurs. Et le verdict : « idiot ». Marqu\u00e9 au feutre noir. Ce mot, dans ce contexte, est un sceau. Une mal\u00e9diction.<\/p>\n

Il lie ensuite ces motifs aux images. \u00c0 la photographie. Et \u00e0 l\u2019aura, cette survivance que Benjamin et Didi-Huberman tentent de cerner. Ce n\u2019est pas un hasard. La peinture devient ici une tentative de d\u00e9passer la honte par le geste, de conserver sans idol\u00e2trer, d\u2019habiter un fragment de lumi\u00e8re sans le figer.<\/p>\n

Puis vient Gu\u00e9non. Et une tension vertigineuse : entre savoir et solitude, tradition et isolement, langue fix\u00e9e et langue vivante. Il per\u00e7oit l\u2019attrait du stable, du pur, mais aussi le danger de s\u2019y perdre — ou pire : d\u2019en faire une arme.<\/p>\n

Ce texte est une lutte. Contre les s\u00e9ductions du pouvoir, contre l\u2019humiliation int\u00e9rieure, contre la disparition. Il essaie de nommer une forme de savoir qui ne domine pas, qui n\u2019humilie pas.<\/p>\n

\u00c0 la fin, il regarde la terre s\u2019ouvrir. Il voit les tr\u00e9sors. Mais il sait aussi ce qu\u2019ils exigent. Et il pose la question en silence : suis-je pr\u00eat ?<\/p>", "content_text": " Les chemises blanches. Relire Barthes \u2014 \"Saponides et d\u00e9tergents\". Cette blancheur id\u00e9alis\u00e9e, m\u00e9diatis\u00e9e. Paic, Omo, Persil : les marques ressurgissent avec leurs parfums. Mais rien n'\u00e9tait jamais aussi blanc qu'\u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision. Sauf les chemises de mon p\u00e8re. Le col, les poignets. Mais \u00e0 quel prix. Ma m\u00e8re, au-dessus de l\u2019\u00e9vier, frottant, K2R en main. Le blanc impeccable \u00e9tait une ascension. Une victoire quotidienne. Chez mes camarades italiens, portugais, le mythe de la blancheur battait fort aussi. Ma m\u00e8re, enfant d\u2019\u00e9migr\u00e9s, savait la honte associ\u00e9e \u00e0 la salet\u00e9. Le linge propre devenait revendication. Int\u00e9gration. Mais les chaussettes de sport restaient grises. Et moi, dans les vestiaires, j\u2019en portais le fardeau. Une croix de coton. Une honte endoss\u00e9e sans faute commise. Puis ce mot : javel. Barthes encore. La javel tue. Mon fr\u00e8re, un jour, en a bu. Panique, h\u00f4pital, lavage d\u2019estomac. Il survit. Mais quelque chose change. L\u2019\u00e9cole devient un pi\u00e8ge. L\u2019institutrice le stigmatise. Idiot, \u00e9crit au feutre noir sur un panneau. Elle est la femme du directeur de la banque o\u00f9 mes parents resteront fid\u00e8les. L\u2019humiliation log\u00e9e \u00e0 m\u00eame le compte courant. Infamie et blancheur, mari\u00e9s dans la m\u00e9moire. Comme Omo et le K2R. La chatte a disparu depuis quatre jours. Toussaint. Pressentiment. Et pourtant je peins. Comme si elle \u00e9tait encore l\u00e0. Gestes automatiques. C\u0153ur absent. Les chemises blanches reviennent. Et les photos noir et blanc. Ces hommes droits, lisses, linceuls de g\u00e9latine et de sel d\u2019argent. On se voulait beau pour survivre \u00e0 l\u2019image. Lu Benjamin, \u00e9cout\u00e9 Didi-Huberman : l\u2019aura, la survivance. C\u2019est peut-\u00eatre ce que je cherche en peinture. Ce que je d\u00e9truis quand c\u2019est trop beau. L\u2019avant-peinture. Une trace qui veut durer apr\u00e8s la d\u00e9b\u00e2cle. Lu aussi Gu\u00e9non. Le sanskrit comme refuge. Langue fix\u00e9e. Non morte, mais stable. Le latin, le grec : autant de ports. Mais la peur : s\u2019y perdre, se couper. Une solitude plus vaste encore. Et ce soup\u00e7on : la tradition comme pouvoir. Une pens\u00e9e peut devenir arme. Le savoir : extr\u00eame, dominateur. La terre s\u2019ouvre. Les tr\u00e9sors brillent. Mais le moindre d\u2019entre eux demande un tribut. Une vie enti\u00e8re. **sous-conversation** \u2026le blanc\u2026 encore lui\u2026 jamais assez blanc\u2026 mais trop\u2026 trop de blanc\u2026 cache\u2026 \u00e9touffe\u2026 fardeau\u2026 linge comme blason\u2026 la honte\u2026 les chaussettes\u2026 cette morsure dans les vestiaires\u2026 pas la faute\u2026 mais le regard\u2026 le gris trop visible\u2026 la javel\u2026 le fr\u00e8re\u2026 le panneau\u2026 idiot\u2026 c\u2019est \u00e9crit\u2026 c\u2019est marqu\u00e9\u2026 rien \u00e0 dire\u2026 tout \u00e0 porter\u2026 les photos\u2026 les costumes\u2026 ces hommes\u2026 si propres\u2026 mais pour quoi ? pour qui ?\u2026 la chatte\u2026 le coussin vide\u2026 et pourtant on peint\u2026 pourquoi ?\u2026 l\u2019aura\u2026 survivance\u2026 on ne veut pas s\u00e9duire\u2026 juste que \u00e7a reste\u2026 pas beau\u2026 pas joli\u2026 juste\u2026 l\u00e0\u2026 Gu\u00e9non\u2026 le sanskrit\u2026 mais c\u2019est trop\u2026 c\u2019est haut\u2026 c\u2019est dur\u2026 et moi\u2026 petit\u2026 seul\u2026 je pourrais pas\u2026 le savoir\u2026 le pouvoir\u2026 \u00e7a se confond\u2026 \u00e7a br\u00fble\u2026 \u00e7a isole\u2026 \u00e7a domine\u2026 on regarde la terre\u2026 on veut prendre\u2026 mais le prix\u2026 toujours trop lourd\u2026 une vie\u2026 rien que \u00e7a\u2026 **note de travail** Il revient ici sur un mythe \u2014 celui de la blancheur. Il l\u2019aborde non pas comme une esth\u00e9tique, mais comme un territoire politique, affectif, social. Une injonction \u00e0 la puret\u00e9 qui p\u00e8se, qui juge, qui marque. Le blanc comme instrument de tri. La sc\u00e8ne centrale : sa m\u00e8re qui frotte, le fr\u00e8re qui boit la javel, l\u2019\u00e9cole qui \u00e9crase. Tout est l\u00e0. Le d\u00e9sir d\u2019int\u00e9gration, la violence invisible, la soumission aux signes ext\u00e9rieurs. Et le verdict : \"idiot\". Marqu\u00e9 au feutre noir. Ce mot, dans ce contexte, est un sceau. Une mal\u00e9diction. Il lie ensuite ces motifs aux images. \u00c0 la photographie. Et \u00e0 l\u2019aura, cette survivance que Benjamin et Didi-Huberman tentent de cerner. Ce n\u2019est pas un hasard. La peinture devient ici une tentative de d\u00e9passer la honte par le geste, de conserver sans idol\u00e2trer, d\u2019habiter un fragment de lumi\u00e8re sans le figer. Puis vient Gu\u00e9non. Et une tension vertigineuse : entre savoir et solitude, tradition et isolement, langue fix\u00e9e et langue vivante. Il per\u00e7oit l\u2019attrait du stable, du pur, mais aussi le danger de s\u2019y perdre \u2014 ou pire : d\u2019en faire une arme. Ce texte est une lutte. Contre les s\u00e9ductions du pouvoir, contre l\u2019humiliation int\u00e9rieure, contre la disparition. Il essaie de nommer une forme de savoir qui ne domine pas, qui n\u2019humilie pas. \u00c0 la fin, il regarde la terre s\u2019ouvrir. Il voit les tr\u00e9sors. Mais il sait aussi ce qu\u2019ils exigent. Et il pose la question en silence : suis-je pr\u00eat ? 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\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Min\u00e9ral, v\u00e9g\u00e9tal, animal. Nous aimons penser ces r\u00e8gnes comme des \u00e9tapes d\u2019un r\u00e9cit. Mais ils coexistent, toujours. Et nous ignorons presque tout de leurs \u00e9changes. Ce que la pierre donne \u00e0 la plante, la plante \u00e0 l\u2019abeille. Nous n\u2019entendons rien du chuchotement qui lie les formes du vivant. Pourtant, une plante sait comment s\u00e9duire un insecte. Et parfois, elle agit en nous : organes, r\u00eaves, g\u00e9om\u00e9tries int\u00e9rieures, silhouettes d\u2019homoncules. Le myst\u00e8re est intact. L\u2019humain n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 seul. Il l\u2019a juste oubli\u00e9.<\/p>\n

Ce qui manque : l\u2019humilit\u00e9. Et ce go\u00fbt moderne pour l\u2019expertise, qui fragmente la connaissance en sp\u00e9cialit\u00e9s st\u00e9riles. Or, la connaissance est un parfum, un m\u00e9lange. Pas une case.<\/p>\n

Justement : retour aux imp\u00f4ts. Dossier en main, chemise en ordre. Au guichet, une femme bienveillante me signale deux erreurs. Elle aurait pu se taire. Elle ne l\u2019a pas fait. Merci. Mais quelques minutes plus tard, j\u2019appelle le service entreprises. Chute brutale : ton sec, injonction froide. « Utilisez votre espace professionnel. » Voil\u00e0, battre le chaud et le froid : voil\u00e0 le climat administratif.<\/p>\n

Le site imp\u00f4ts-entreprises est un po\u00e8me kafka\u00efen. Inscription, codes, d\u00e9lais postaux. Une farce, ou un test de pers\u00e9v\u00e9rance.<\/p>\n

Plus tard, je r\u00e9dige la proposition 03 de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture. Un peu vite. Et encore une fois, je parle de moi. Peut-on \u00e9crire sans parler de soi ? J\u2019en doute. M\u00eame un brin d\u2019herbe que l\u2019on d\u00e9crit nous d\u00e9crit.<\/p>\n

Peut-on s\u2019ouvrir comme une hu\u00eetre, s\u2019extirper de sa coquille pour \u00e9crire ? Peut-\u00eatre. Peut-\u00eatre pas.<\/p>\n

Est-ce que cela fera un livre ? Encore une foutue question.<\/p>\n

Et les guerres ? Peut-on \u00e9crire sans jamais les \u00e9voquer ? Peut-on choisir de les oublier ? Ou les fuir ?<\/p>\n

Toujours ce faible, moi, pour les idiots, les \u00e9clop\u00e9s, les inadapt\u00e9s. Ceux qui ne comprennent pas les r\u00e8gles.<\/p>\n

Et si l\u2019on pouvait s\u2019oublier vraiment ? Entendre les nouvelles du vivant : le murmure du granit, la plainte des feuilles racornies, les insectes endeuill\u00e9s, les racines chantantes, et la geste des parasites souterrains transmise par les ailes et les cris d\u2019oiseaux. Un journal du monde. Une langue \u00e0 d\u00e9chiffrer.<\/p>\n

sous-conversation<\/strong><\/p>\n

\u2026 ils sont l\u00e0\u2026 tous l\u00e0\u2026 les r\u00e8gnes\u2026 ensemble\u2026 mais on n\u2019\u00e9coute pas\u2026 on classe, on s\u00e9pare, on range\u2026 comme si le monde \u00e9tait une frise\u2026<\/p>\n

la plante\u2026 elle appelle\u2026 elle attire\u2026 elle soigne\u2026 elle r\u00eave\u2026 mais on ne regarde pas\u2026 trop occup\u00e9s \u00e0 cliquer, \u00e0 calculer\u2026<\/p>\n

les imp\u00f4ts\u2026 toujours les imp\u00f4ts\u2026 une bonne, une mauvaise\u2026 ti\u00e8de\u2026 br\u00fblant\u2026 froid\u2026 c\u2019est \u00e7a, oui\u2026 des chocs de temp\u00e9rature\u2026<\/p>\n

encore moi\u2026 toujours moi\u2026 dans le texte\u2026 impossible de m\u2019arracher\u2026 m\u00eame quand j\u2019essaie de parler d\u2019un arbre\u2026 c\u2019est moi qui pousse\u2026<\/p>\n

les idiots\u2026 eux au moins\u2026 ne savent pas mentir\u2026 ils ne savent pas\u2026 et c\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, la seule connaissance valable\u2026<\/p>\n

et si on pouvait\u2026 juste un instant\u2026 ne plus savoir\u2026 entendre\u2026 les pierres\u2026 les feuilles\u2026 les insectes qui pleurent\u2026 juste \u00e7a\u2026 \u00e7a suffirait\u2026<\/p>\n

note de travail<\/strong><\/p>\n

Le texte commence par une le\u00e7on d\u2019humilit\u00e9. Il \u00e9voque ces r\u00e8gnes du vivant que nous croyons comprendre, dominer, classer. Mais l\u2019auteur, lui, reconna\u00eet ne rien savoir. Il ouvre avec cette belle formule : “le myst\u00e8re est intact”.<\/p>\n

Puis le r\u00e9el le rattrape : la file d\u2019attente, le guichet, la bureaucratie. Ce glissement me semble r\u00e9v\u00e9lateur. C\u2019est l\u00e0 que le texte devient profond\u00e9ment humain : oscillant entre aspiration cosmique et bassesse administrative. Un « battement » existentiel, presque rythmique.<\/p>\n

La question du « je » revient : peut-on \u00e9crire sans soi ? Il se moque un peu de lui-m\u00eame. Mais cette moquerie est tendre. Il parle d\u2019extraction, de d\u00e9cortication, comme si \u00e9crire \u00e9tait un acte de d\u00e9nudement. Et sans doute l\u2019est-ce.<\/p>\n

Les guerres ? Il n\u2019en parle pas. Mais le fait de s\u2019interroger sur cette absence est d\u00e9j\u00e0 une mani\u00e8re d\u2019en parler. Un silence pesant.<\/p>\n

Et puis cette compassion pour les idiots, ceux qui ne comprennent rien \u00e0 ce que l\u2019on attend d\u2019eux. C\u2019est ici que r\u00e9side sa plus grande tendresse, je crois.<\/p>\n

Enfin, la derni\u00e8re vision est une offrande. Un monde qui parle, mais que personne n\u2019\u00e9coute. Des racines qui chantent, des insectes qui pleurent, un r\u00e9seau de signes qui ne demande qu\u2019\u00e0 \u00eatre traduit.<\/p>\n

Ce texte est une pri\u00e8re douce pour un autre langage. Un chant des r\u00e8gnes. Et du r\u00eave d\u2019en faire partie, sans hi\u00e9rarchie.<\/p>", "content_text": " Min\u00e9ral, v\u00e9g\u00e9tal, animal. Nous aimons penser ces r\u00e8gnes comme des \u00e9tapes d\u2019un r\u00e9cit. Mais ils coexistent, toujours. Et nous ignorons presque tout de leurs \u00e9changes. Ce que la pierre donne \u00e0 la plante, la plante \u00e0 l\u2019abeille. Nous n\u2019entendons rien du chuchotement qui lie les formes du vivant. Pourtant, une plante sait comment s\u00e9duire un insecte. Et parfois, elle agit en nous : organes, r\u00eaves, g\u00e9om\u00e9tries int\u00e9rieures, silhouettes d\u2019homoncules. Le myst\u00e8re est intact. L\u2019humain n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 seul. Il l\u2019a juste oubli\u00e9. Ce qui manque : l\u2019humilit\u00e9. Et ce go\u00fbt moderne pour l\u2019expertise, qui fragmente la connaissance en sp\u00e9cialit\u00e9s st\u00e9riles. Or, la connaissance est un parfum, un m\u00e9lange. Pas une case. Justement : retour aux imp\u00f4ts. Dossier en main, chemise en ordre. Au guichet, une femme bienveillante me signale deux erreurs. Elle aurait pu se taire. Elle ne l\u2019a pas fait. Merci. Mais quelques minutes plus tard, j\u2019appelle le service entreprises. Chute brutale : ton sec, injonction froide. \u00ab Utilisez votre espace professionnel. \u00bb Voil\u00e0, battre le chaud et le froid : voil\u00e0 le climat administratif. Le site imp\u00f4ts-entreprises est un po\u00e8me kafka\u00efen. Inscription, codes, d\u00e9lais postaux. Une farce, ou un test de pers\u00e9v\u00e9rance. Plus tard, je r\u00e9dige la proposition 03 de l\u2019atelier d\u2019\u00e9criture. Un peu vite. Et encore une fois, je parle de moi. Peut-on \u00e9crire sans parler de soi ? J\u2019en doute. M\u00eame un brin d\u2019herbe que l\u2019on d\u00e9crit nous d\u00e9crit. Peut-on s\u2019ouvrir comme une hu\u00eetre, s\u2019extirper de sa coquille pour \u00e9crire ? Peut-\u00eatre. Peut-\u00eatre pas. Est-ce que cela fera un livre ? Encore une foutue question. Et les guerres ? Peut-on \u00e9crire sans jamais les \u00e9voquer ? Peut-on choisir de les oublier ? Ou les fuir ? Toujours ce faible, moi, pour les idiots, les \u00e9clop\u00e9s, les inadapt\u00e9s. Ceux qui ne comprennent pas les r\u00e8gles. Et si l\u2019on pouvait s\u2019oublier vraiment ? Entendre les nouvelles du vivant : le murmure du granit, la plainte des feuilles racornies, les insectes endeuill\u00e9s, les racines chantantes, et la geste des parasites souterrains transmise par les ailes et les cris d\u2019oiseaux. Un journal du monde. Une langue \u00e0 d\u00e9chiffrer. **sous-conversation** \u2026 ils sont l\u00e0\u2026 tous l\u00e0\u2026 les r\u00e8gnes\u2026 ensemble\u2026 mais on n\u2019\u00e9coute pas\u2026 on classe, on s\u00e9pare, on range\u2026 comme si le monde \u00e9tait une frise\u2026 la plante\u2026 elle appelle\u2026 elle attire\u2026 elle soigne\u2026 elle r\u00eave\u2026 mais on ne regarde pas\u2026 trop occup\u00e9s \u00e0 cliquer, \u00e0 calculer\u2026 les imp\u00f4ts\u2026 toujours les imp\u00f4ts\u2026 une bonne, une mauvaise\u2026 ti\u00e8de\u2026 br\u00fblant\u2026 froid\u2026 c\u2019est \u00e7a, oui\u2026 des chocs de temp\u00e9rature\u2026 encore moi\u2026 toujours moi\u2026 dans le texte\u2026 impossible de m\u2019arracher\u2026 m\u00eame quand j\u2019essaie de parler d\u2019un arbre\u2026 c\u2019est moi qui pousse\u2026 les idiots\u2026 eux au moins\u2026 ne savent pas mentir\u2026 ils ne savent pas\u2026 et c\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, la seule connaissance valable\u2026 et si on pouvait\u2026 juste un instant\u2026 ne plus savoir\u2026 entendre\u2026 les pierres\u2026 les feuilles\u2026 les insectes qui pleurent\u2026 juste \u00e7a\u2026 \u00e7a suffirait\u2026 **note de travail** Le texte commence par une le\u00e7on d\u2019humilit\u00e9. Il \u00e9voque ces r\u00e8gnes du vivant que nous croyons comprendre, dominer, classer. Mais l\u2019auteur, lui, reconna\u00eet ne rien savoir. Il ouvre avec cette belle formule : \u201cle myst\u00e8re est intact\u201d. Puis le r\u00e9el le rattrape : la file d\u2019attente, le guichet, la bureaucratie. Ce glissement me semble r\u00e9v\u00e9lateur. C\u2019est l\u00e0 que le texte devient profond\u00e9ment humain : oscillant entre aspiration cosmique et bassesse administrative. Un \u00ab battement \u00bb existentiel, presque rythmique. La question du \"je\" revient : peut-on \u00e9crire sans soi ? Il se moque un peu de lui-m\u00eame. Mais cette moquerie est tendre. Il parle d\u2019extraction, de d\u00e9cortication, comme si \u00e9crire \u00e9tait un acte de d\u00e9nudement. Et sans doute l\u2019est-ce. Les guerres ? Il n\u2019en parle pas. Mais le fait de s\u2019interroger sur cette absence est d\u00e9j\u00e0 une mani\u00e8re d\u2019en parler. Un silence pesant. Et puis cette compassion pour les idiots, ceux qui ne comprennent rien \u00e0 ce que l\u2019on attend d\u2019eux. C\u2019est ici que r\u00e9side sa plus grande tendresse, je crois. Enfin, la derni\u00e8re vision est une offrande. Un monde qui parle, mais que personne n\u2019\u00e9coute. Des racines qui chantent, des insectes qui pleurent, un r\u00e9seau de signes qui ne demande qu\u2019\u00e0 \u00eatre traduit. Ce texte est une pri\u00e8re douce pour un autre langage. Un chant des r\u00e8gnes. Et du r\u00eave d\u2019en faire partie, sans hi\u00e9rarchie. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/01-11-2023.webp?1748065122", "tags": ["Autofiction et Introspection", "r\u00eaves"] } ] }