{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/habiter-l-inhabitable.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/habiter-l-inhabitable.html", "title": "Habiter l'inhabitable", "date_published": "2024-09-29T15:29:52Z", "date_modified": "2025-07-16T21:57:31Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

Des chambres d\u2019h\u00f4tel. Trop de chambres. Barb\u00e8s, Ch\u00e2teau Rouge, Goutte d\u2019Or. Endroits fatigu\u00e9s. Draps humides. Odeur de moisi et de parfums sans nom. Des lieux de passage. Pas faits pour rester. Et pourtant, j\u2019y reviens. L\u2019habitude s\u2019installe. Je reconnais le sol qui grince, les heures de lumi\u00e8re, les cris de la rue. Je sais o\u00f9 poser mes affaires. Ce qui m\u2019avait sembl\u00e9 inhabitable devient vivable. Pas confortable. Vivable. Je me surprends \u00e0 m\u2019y sentir presque chez moi. L\u2019inhabituel devient un d\u00e9cor. Une routine. Je ne cherche plus \u00e0 d\u00e9corer, juste \u00e0 survivre. Et parfois, au petit matin, une lumi\u00e8re douce. Un silence rare. Quelques secondes d\u2019apaisement. Suffisantes pour tenir. Je ne hais plus ces chambres. J\u2019y d\u00e9pose des souvenirs sans le vouloir. J\u2019habite sans y croire. Mais j\u2019habite quand m\u00eame. Et c\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, habiter l\u2019inhabitable. Ne plus fuir. S\u2019adosser \u00e0 ce qu\u2019on a. M\u00eame si c\u2019est gris, froid, temporaire. Parce que dans le pire, on finit par trouver un d\u00e9tail qui retient. Une lueur. Un appui.<\/p>", "content_text": " Des chambres d\u2019h\u00f4tel. Trop de chambres. Barb\u00e8s, Ch\u00e2teau Rouge, Goutte d\u2019Or. Endroits fatigu\u00e9s. Draps humides. Odeur de moisi et de parfums sans nom. Des lieux de passage. Pas faits pour rester. Et pourtant, j\u2019y reviens. L\u2019habitude s\u2019installe. Je reconnais le sol qui grince, les heures de lumi\u00e8re, les cris de la rue. Je sais o\u00f9 poser mes affaires. Ce qui m\u2019avait sembl\u00e9 inhabitable devient vivable. Pas confortable. Vivable. Je me surprends \u00e0 m\u2019y sentir presque chez moi. L\u2019inhabituel devient un d\u00e9cor. Une routine. Je ne cherche plus \u00e0 d\u00e9corer, juste \u00e0 survivre. Et parfois, au petit matin, une lumi\u00e8re douce. Un silence rare. Quelques secondes d\u2019apaisement. Suffisantes pour tenir. Je ne hais plus ces chambres. J\u2019y d\u00e9pose des souvenirs sans le vouloir. J\u2019habite sans y croire. Mais j\u2019habite quand m\u00eame. Et c\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, habiter l\u2019inhabitable. Ne plus fuir. S\u2019adosser \u00e0 ce qu\u2019on a. M\u00eame si c\u2019est gris, froid, temporaire. Parce que dans le pire, on finit par trouver un d\u00e9tail qui retient. Une lueur. Un appui. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3108.jpg?1748065055", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/24-septembre-2024.html", "title": "24 septembre 2024", "date_published": "2024-09-24T20:39:03Z", "date_modified": "2025-01-15T19:22:44Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Sur la pancarte, c\u2019est le m\u00eame nom. C\u2019est donc, en principe, le m\u00eame village. Sauf qu\u2019il s\u2019est pass\u00e9 quelque chose d\u2019\u00e9trange, cela se sent plus que \u00e7a ne se voit. On reconna\u00eet, \u00e7\u00e0 et l\u00e0, les maisons, une fois pass\u00e9 le carrefour du Lichou. Mais le restaurant \u00e9ponyme, bien que le b\u00e2timent soit identifiable, a chang\u00e9 de nom. Plus loin, l\u2019\u00e9picerie est devenue une sorte de palais du facteur Cheval, en beaucoup plus modeste. Ce n\u2019est d\u2019ailleurs plus une \u00e9picerie, la devanture a aussi \u00e9t\u00e9 modifi\u00e9e. La scierie, elle, semble toujours en activit\u00e9. Je me demande ce qu\u2019est devenue la fille C. Elle nous tenait la drag\u00e9e haute, celle-l\u00e0. Peut-\u00eatre pour \u00e7a qu\u2019on en \u00e9tait un peu amoureux.<\/p>\n

Sous le pont du Cher, les abattoirs ne d\u00e9versent plus dans le fleuve le sang des animaux. C\u2019est devenu un local associatif, quelque chose dans ce genre. Ils ont aussi cr\u00e9\u00e9 un petit restaurant l\u00e0 o\u00f9 il n\u2019y avait autrefois que des hangars. Des hangars \u00e0 quoi ? On ne s\u2019en souvient plus vraiment. \u00c0 bl\u00e9, s\u00fbrement. L\u2019ancien ponton de l\u2019All\u00e9e des Soupirs est toujours l\u00e0. \u00c0 moins que ce ne soit un nouveau, qui lui ressemble \u00e9norm\u00e9ment. Enfin, tout semble paisible, bien paisible. Puis on entre dans le bourg et plus rien ne nous dit rien. Comme un coup de vent qui serait pass\u00e9 par l\u00e0, qui aurait tout chamboul\u00e9. Plus le moindre magasin reconnaissable.<\/p>\n

Il y a une foire, malgr\u00e9 tout. Oh, pas une grande, une petite foire de rien du tout et un unique bistrot qui d\u00e9borde. Boivent-ils encore du blanc ou du rouge lim\u00e9 ? On se le demande, mais on n\u2019entrera pas pour v\u00e9rifier. Soudain, une main sur l\u2019\u00e9paule me fait tressaillir — On se conna\u00eet, non ? L\u00e0, je vois un gros gars rougeaud \u00e0 l\u2019air m\u00e9lancolique, un \u0153il de poisson mort vitreux. C\u2019est toi, fi de garc\u2019 ! Et soudain, l\u2019accent le secoue de la t\u00eate aux pieds, je l\u2019ai reconnu, P. le fils du ma\u00e7on, devenu apparemment ma\u00e7on lui aussi, vu les paluches qu\u2019il a. T\u2019as jamais donn\u00e9 de nouvelles, hein ? qu\u2019il continue, pour bien enfoncer le clou.<\/p>\n

Qu\u2019est-ce qu\u2019on aurait encore \u00e0 se dire, je me demande, et d\u2019\u00e9voquer quel souvenir d\u2019anciens combattants, manquerait plus que \u00e7a\u2026 J\u2019ai \u00e9cout\u00e9 puis j\u2019ai grimp\u00e9 plus haut dans le bourg vers l\u2019\u00e9cole communale. J\u2019aurais bien aim\u00e9 revoir des platanes, le pr\u00e9au, mais tout \u00e7a s\u2019\u00e9tait envol\u00e9, il n\u2019y avait m\u00eame plus d\u2019\u00e9cole. \u00c0 la place, un autre local associatif. \u00c0 la fin, c\u2019\u00e9tait trop triste de voir tout \u00e7a si diff\u00e9rent, mais qu\u2019est-ce que je pouvais en attendre, je me suis dit, et j\u2019ai pris la route d\u2019Epineuil \u00e0 la sortie du village pour aller gratter un peu les salet\u00e9s sur la tombe de mon vieux p\u00e8re.<\/p>", "content_text": "Sur la pancarte, c\u2019est le m\u00eame nom. C\u2019est donc, en principe, le m\u00eame village. Sauf qu\u2019il s\u2019est pass\u00e9 quelque chose d\u2019\u00e9trange, cela se sent plus que \u00e7a ne se voit. On reconna\u00eet, \u00e7\u00e0 et l\u00e0, les maisons, une fois pass\u00e9 le carrefour du Lichou. Mais le restaurant \u00e9ponyme, bien que le b\u00e2timent soit identifiable, a chang\u00e9 de nom. Plus loin, l\u2019\u00e9picerie est devenue une sorte de palais du facteur Cheval, en beaucoup plus modeste. Ce n\u2019est d\u2019ailleurs plus une \u00e9picerie, la devanture a aussi \u00e9t\u00e9 modifi\u00e9e. La scierie, elle, semble toujours en activit\u00e9. Je me demande ce qu\u2019est devenue la fille C. Elle nous tenait la drag\u00e9e haute, celle-l\u00e0. Peut-\u00eatre pour \u00e7a qu\u2019on en \u00e9tait un peu amoureux. Sous le pont du Cher, les abattoirs ne d\u00e9versent plus dans le fleuve le sang des animaux. C\u2019est devenu un local associatif, quelque chose dans ce genre. Ils ont aussi cr\u00e9\u00e9 un petit restaurant l\u00e0 o\u00f9 il n\u2019y avait autrefois que des hangars. Des hangars \u00e0 quoi ? On ne s\u2019en souvient plus vraiment. \u00c0 bl\u00e9, s\u00fbrement. L\u2019ancien ponton de l\u2019All\u00e9e des Soupirs est toujours l\u00e0. \u00c0 moins que ce ne soit un nouveau, qui lui ressemble \u00e9norm\u00e9ment. Enfin, tout semble paisible, bien paisible. Puis on entre dans le bourg et plus rien ne nous dit rien. Comme un coup de vent qui serait pass\u00e9 par l\u00e0, qui aurait tout chamboul\u00e9. Plus le moindre magasin reconnaissable. Il y a une foire, malgr\u00e9 tout. Oh, pas une grande, une petite foire de rien du tout et un unique bistrot qui d\u00e9borde. Boivent-ils encore du blanc ou du rouge lim\u00e9 ? On se le demande, mais on n\u2019entrera pas pour v\u00e9rifier. Soudain, une main sur l\u2019\u00e9paule me fait tressaillir \u2014 On se conna\u00eet, non ? L\u00e0, je vois un gros gars rougeaud \u00e0 l\u2019air m\u00e9lancolique, un \u0153il de poisson mort vitreux. C\u2019est toi, fi de garc\u2019 ! Et soudain, l\u2019accent le secoue de la t\u00eate aux pieds, je l\u2019ai reconnu, P. le fils du ma\u00e7on, devenu apparemment ma\u00e7on lui aussi, vu les paluches qu\u2019il a. T\u2019as jamais donn\u00e9 de nouvelles, hein ? qu\u2019il continue, pour bien enfoncer le clou. Qu\u2019est-ce qu\u2019on aurait encore \u00e0 se dire, je me demande, et d\u2019\u00e9voquer quel souvenir d\u2019anciens combattants, manquerait plus que \u00e7a\u2026 J\u2019ai \u00e9cout\u00e9 puis j\u2019ai grimp\u00e9 plus haut dans le bourg vers l\u2019\u00e9cole communale. J\u2019aurais bien aim\u00e9 revoir des platanes, le pr\u00e9au, mais tout \u00e7a s\u2019\u00e9tait envol\u00e9, il n\u2019y avait m\u00eame plus d\u2019\u00e9cole. \u00c0 la place, un autre local associatif. \u00c0 la fin, c\u2019\u00e9tait trop triste de voir tout \u00e7a si diff\u00e9rent, mais qu\u2019est-ce que je pouvais en attendre, je me suis dit, et j\u2019ai pris la route d\u2019Epineuil \u00e0 la sortie du village pour aller gratter un peu les salet\u00e9s sur la tombe de mon vieux p\u00e8re.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/5f1b1245-d76c-49e1-ba09-5dd03331b571.webp?1748065124", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-septembre-2024.html", "title": "22 septembre 2024", "date_published": "2024-09-22T07:00:35Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Quelques am\u00e9liorations apport\u00e9es au site — le nom de l\u2019auteur retir\u00e9 — on ajuste des d\u00e9tails pour que les textes soient plus explicites, surtout dans la rubrique « Fictions ». Des titres, des sous-titres, un chapeau — comme une invitation \u00e0 la distance, \u00e0 la r\u00e9vision. Reprendre ces fragments en les relisant avec un regard d’\u00e9tranger, d\u00e9tach\u00e9, pour voir ce qui surgit quand on laisse l\u2019autre en soi s\u2019en emparer.<\/p>\n

Un agenda install\u00e9 sur le site en local, accompagn\u00e9 d\u2019un plugin — tarteaucitron — pour la politique de confidentialit\u00e9. Mais le script reste obscur, il faudra revoir. L\u2019irritation monte, cette r\u00e9flexion lancinante ne cesse de r\u00f4der : Tout cela ne sert \u00e0 rien. Cela n\u2019am\u00e9liorera pas le monde. Alors on se raccroche \u00e0 cette po\u00e9tique enfantine, comme une vieille berceuse. Oublier le duel \u00e9cul\u00e9 entre nature et culture. Et si la vieille mobylette bleue dont je me souviens devenait plus qu\u2019un objet ? Peut-\u00eatre un \u00eatre, au m\u00eame titre que nous, que les arbres, les pierres, les id\u00e9es confuses du bien et du mal, comme des \u00e9l\u00e9ments d\u2019un tout qui nous d\u00e9passe.<\/p>\n

Le mot « enfantin » revient, s\u2019ent\u00eate. Il questionne l\u2019enfance et l\u2019\u00e2ge adulte en creux, comme une cicatrice. Pourquoi faudrait-il trancher ? On est tous responsables ou bien personne ne l\u2019est vraiment. Comment \u00e9crire \u00e0 partir de ce point de vue sans retomber dans l\u2019usure de la dualit\u00e9, du contraste facile ? Peut-\u00eatre que la sagesse est d\u2019accepter d\u2019aller jusqu\u2019au bout du personnage, sans changer de cap \u00e0 chaque virage. Reconna\u00eetre qu\u2019on a beaucoup err\u00e9, qu\u2019on ne retrouvera probablement plus la maison d\u2019origine. Il y a des choses li\u00e9es au temps, aux actes commis, \u00e0 ceux que nous avons \u00e9t\u00e9, et \u00e0 ceux que nous serons encore avant de n\u2019\u00eatre plus que soupir ou ombre.<\/p>\n

On ne revient pas en arri\u00e8re impun\u00e9ment. Quelque chose en nous l\u2019interdit, une loi obscure qui, si on l\u2019enfreint, nous d\u00e9vaste. Tout ce qui est contre-nature nous d\u00e9vaste.<\/p>\n

Nos marches, \u00e0 S. et moi, s\u2019\u00e9tendent maintenant sur une heure quotidienne. On explore les alentours de Sablons, de Serri\u00e8res, sur des chemins familiers et pourtant toujours nouveaux. Hier, l\u2019\u00e9trange apparition d\u2019un homme tirant un caddy encombr\u00e9. Toute sa vie d\u00e9bordait de part et d\u2019autre de l\u2019engin brinquebalant. Sur un bon kilom\u00e8tre le long du Rh\u00f4ne, nous l\u2019avons suivi. Le caddy, ses roulettes ind\u00e9pendantes en d\u00e9saccord, semblait r\u00e9sister, tirant l\u2019homme plus qu\u2019il ne le poussait.<\/p>\n

Je l\u2019observe, et une r\u00e9plique de film ressurgit, comme une bouff\u00e9e de m\u00e9moire : « Il faut que tu sois toujours pr\u00eat \u00e0 tout quitter en moins de cinq minutes. » Cette phrase, sortie du n\u00e9ant, m\u2019arrache \u00e0 ma contemplation. Si je redevenais ce vagabond, me dis-je, je n\u2019aurais besoin de presque rien. Pas de ce bazar pesant \u00e0 tra\u00eener. Seulement l\u2019essentiel, une poign\u00e9e de souvenirs, les pens\u00e9es qui tiennent chaud.<\/p>\n

Le caddy devient plus qu\u2019un simple accessoire de fortune ; il incarne un fardeau que l\u2019on tra\u00eene et qui finit par nous guider, bien plus qu\u2019on ne le ma\u00eetrise. Les objets emport\u00e9s ne sont pas anodins ; ils portent les histoires accumul\u00e9es, les poids invisibles de ce que l\u2019on ne sait pas abandonner. Et moi, dans ce reflet, je revois ce vieux dilemme : tout quitter ou tout porter.<\/p>\n

Marcher en suivant cet homme me renvoie \u00e0 une autre \u00e9poque, celle des routes ouvertes et de l\u2019absence de racines. Mais aujourd\u2019hui, ce caddy d\u00e9pareill\u00e9, indocile, est une image parfaite de la difficult\u00e9 \u00e0 avancer sans tr\u00e9bucher sur ce qu\u2019on emporte avec soi.<\/p>", "content_text": "Quelques am\u00e9liorations apport\u00e9es au site \u2014 le nom de l\u2019auteur retir\u00e9 \u2014 on ajuste des d\u00e9tails pour que les textes soient plus explicites, surtout dans la rubrique \u00ab Fictions \u00bb. Des titres, des sous-titres, un chapeau \u2014 comme une invitation \u00e0 la distance, \u00e0 la r\u00e9vision. Reprendre ces fragments en les relisant avec un regard d'\u00e9tranger, d\u00e9tach\u00e9, pour voir ce qui surgit quand on laisse l\u2019autre en soi s\u2019en emparer. Un agenda install\u00e9 sur le site en local, accompagn\u00e9 d\u2019un plugin \u2014 tarteaucitron \u2014 pour la politique de confidentialit\u00e9. Mais le script reste obscur, il faudra revoir. L\u2019irritation monte, cette r\u00e9flexion lancinante ne cesse de r\u00f4der : Tout cela ne sert \u00e0 rien. Cela n\u2019am\u00e9liorera pas le monde. Alors on se raccroche \u00e0 cette po\u00e9tique enfantine, comme une vieille berceuse. Oublier le duel \u00e9cul\u00e9 entre nature et culture. Et si la vieille mobylette bleue dont je me souviens devenait plus qu\u2019un objet ? Peut-\u00eatre un \u00eatre, au m\u00eame titre que nous, que les arbres, les pierres, les id\u00e9es confuses du bien et du mal, comme des \u00e9l\u00e9ments d\u2019un tout qui nous d\u00e9passe. Le mot \u00ab enfantin \u00bb revient, s\u2019ent\u00eate. Il questionne l\u2019enfance et l\u2019\u00e2ge adulte en creux, comme une cicatrice. Pourquoi faudrait-il trancher ? On est tous responsables ou bien personne ne l\u2019est vraiment. Comment \u00e9crire \u00e0 partir de ce point de vue sans retomber dans l\u2019usure de la dualit\u00e9, du contraste facile ? Peut-\u00eatre que la sagesse est d\u2019accepter d\u2019aller jusqu\u2019au bout du personnage, sans changer de cap \u00e0 chaque virage. Reconna\u00eetre qu\u2019on a beaucoup err\u00e9, qu\u2019on ne retrouvera probablement plus la maison d\u2019origine. Il y a des choses li\u00e9es au temps, aux actes commis, \u00e0 ceux que nous avons \u00e9t\u00e9, et \u00e0 ceux que nous serons encore avant de n\u2019\u00eatre plus que soupir ou ombre. On ne revient pas en arri\u00e8re impun\u00e9ment. Quelque chose en nous l\u2019interdit, une loi obscure qui, si on l\u2019enfreint, nous d\u00e9vaste. Tout ce qui est contre-nature nous d\u00e9vaste. Nos marches, \u00e0 S. et moi, s\u2019\u00e9tendent maintenant sur une heure quotidienne. On explore les alentours de Sablons, de Serri\u00e8res, sur des chemins familiers et pourtant toujours nouveaux. Hier, l\u2019\u00e9trange apparition d\u2019un homme tirant un caddy encombr\u00e9. Toute sa vie d\u00e9bordait de part et d\u2019autre de l\u2019engin brinquebalant. Sur un bon kilom\u00e8tre le long du Rh\u00f4ne, nous l\u2019avons suivi. Le caddy, ses roulettes ind\u00e9pendantes en d\u00e9saccord, semblait r\u00e9sister, tirant l\u2019homme plus qu\u2019il ne le poussait. Je l\u2019observe, et une r\u00e9plique de film ressurgit, comme une bouff\u00e9e de m\u00e9moire : \u00ab Il faut que tu sois toujours pr\u00eat \u00e0 tout quitter en moins de cinq minutes. \u00bb Cette phrase, sortie du n\u00e9ant, m\u2019arrache \u00e0 ma contemplation. Si je redevenais ce vagabond, me dis-je, je n\u2019aurais besoin de presque rien. Pas de ce bazar pesant \u00e0 tra\u00eener. Seulement l\u2019essentiel, une poign\u00e9e de souvenirs, les pens\u00e9es qui tiennent chaud. Le caddy devient plus qu\u2019un simple accessoire de fortune ; il incarne un fardeau que l\u2019on tra\u00eene et qui finit par nous guider, bien plus qu\u2019on ne le ma\u00eetrise. Les objets emport\u00e9s ne sont pas anodins ; ils portent les histoires accumul\u00e9es, les poids invisibles de ce que l\u2019on ne sait pas abandonner. Et moi, dans ce reflet, je revois ce vieux dilemme : tout quitter ou tout porter. Marcher en suivant cet homme me renvoie \u00e0 une autre \u00e9poque, celle des routes ouvertes et de l\u2019absence de racines. Mais aujourd\u2019hui, ce caddy d\u00e9pareill\u00e9, indocile, est une image parfaite de la difficult\u00e9 \u00e0 avancer sans tr\u00e9bucher sur ce qu\u2019on emporte avec soi. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3035.jpg?1748065169", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-septembre-2024.html", "title": "17 septembre 2024", "date_published": "2024-09-17T07:27:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:04:57Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Dans quelle mesure — peut-on le mesurer — pourquoi le mesurer — ce besoin perp\u00e9tuel de mesure. L’expression s’associe au ruban souple et gradu\u00e9 — m\u00e8tre de couturi\u00e8re dans la main de la m\u00e8re — ou encore pos\u00e9 sur le plan de travail. Cela me fait penser aussit\u00f4t \u00e0 un serpent : la tentation de la mesure.<\/p>\n

*
\nSi l’on sort de la mesure, entre-t-on dans la d\u00e9mesure, le d\u00e9lire, les d\u00e9boires, la d\u00e9route ?<\/p>\n

*
\nSoudain ce nom oubli\u00e9 — Mesureur — un camarade de classe. Mais infichu de retrouver le lieu, l’\u00e9poque, juste un brouillard et ce nom — Mesureur.<\/p>\n

*
\nLa notion d’arpenter se rapproche de mesurer — un trajet, une distance, un certain nombre de pas — mesurer en perches (carr\u00e9es) une superficie — si proche de la superficialit\u00e9. Voici une association qu’on ne devrait pas faire, mais comment s’en d\u00e9faire une fois que c’est fait ? Grande confusion, erreur de logique, qui ne reste pas sans cons\u00e9quence.<\/p>\n

*
\nComment mesurer la superficie de sa propre imb\u00e9cilit\u00e9 ? Jusqu’o\u00f9 se loge le d\u00e9mon de la mesure ?<\/p>\n

*
\nSe rep\u00e9rer, s’orienter — mais o\u00f9 suis-je en m\u00eame temps que qui suis-je — quel est le bon ordre des questions — Qui, que, quoi, donc o\u00f9 ?<\/p>\n

*
\nImpossible d’en mesurer la port\u00e9e — r\u00e9tif au solf\u00e8ge par ricochet — les ondes concentriques s’enfuient \u00e0 partir de cette impossibilit\u00e9 — il apprend la musique \u00e0 l’oreille, la fameuse m\u00e9thode empirique — d\u00e9testable entre toutes d’apr\u00e8s le professeur de math\u00e9matiques.<\/p>\n

*
\nLa d\u00e9mesure est toujours une proportion de l’id\u00e9e de mesure — inversez la proposition, et il est possible que ce soit plausible — l’\u00e9crire noir sur blanc : L’id\u00e9e de la mesure est toujours en proportion d’une d\u00e9mesure — comme le conscient est en rapport avec l’inconscient — la raison est en rapport avec la folie — \u00eatre en rapport, c’est \u00eatre en relation — souvent, cela n’a aucun rapport, lui dit-on, avec ce petit ton tout \u00e0 fait ridicule et hautain que certains affectionnent — mais non, rien \u00e0 voir, \u00e7a n’a aucun rapport !<\/p>\n

*
\nTout bien pes\u00e9, il s’emp\u00eatre surtout dans ses scrupules — ce qui, au bout du compte, ne donne aucun poids \u00e0 ses propos.<\/p>\n

*
\nEstimer une distance, un rapport, une proportion — l’accent mis sur cette qualit\u00e9 de l’\u0153il pour bien dessiner — il y a aussi le mot accommoder — s’accommoder peu \u00e0 peu \u00e0 l’obscurit\u00e9 — on s’accommode toujours peu \u00e0 peu, ce n’est jamais imm\u00e9diat — cela prend du temps. S’accommoder ainsi d’une vie enti\u00e8re, s’accommoder d’une chaussure trop serr\u00e9e — il faut que \u00e7a se fasse, comme si c’\u00e9tait une donn\u00e9e incontournable.<\/p>\n

*
\nHors la loi par ignorance, car nul n’est cens\u00e9 l’ignorer — puis, p\u00e9niblement, on apprend que ceux qui font les lois les appliquent rarement — un malin plaisir \u00e0 contourner la loi. Avec l’apprentissage de la mesure s’\u00e9tend soudain toute l’iniquit\u00e9 qui nous entoure — creuser un sillon, marcher droit, porter des \u0153ill\u00e8res pour ne pas d\u00e9vier de la ligne droite — se concentrer sur une id\u00e9e de rectitude — la tentation toujours de penser que cette rectitude est synonyme de ridicule — comme si l’on \u00e9tait soudain happ\u00e9 par l’esprit du si\u00e8cle, qu’on ne puisse s’en d\u00e9barrasser, s’en d\u00e9faire.<\/p>\n

*
\nLe rapprochement intempestif entre plaisir, jouissance, joie, hyst\u00e9rie — confusion due \u00e0 l’absence de proportion, de mesure, \u00e0 l’ignorance.<\/p>", "content_text": "Dans quelle mesure \u2014 peut-on le mesurer \u2014 pourquoi le mesurer \u2014 ce besoin perp\u00e9tuel de mesure. L'expression s'associe au ruban souple et gradu\u00e9 \u2014 m\u00e8tre de couturi\u00e8re dans la main de la m\u00e8re \u2014 ou encore pos\u00e9 sur le plan de travail. Cela me fait penser aussit\u00f4t \u00e0 un serpent : la tentation de la mesure. * Si l'on sort de la mesure, entre-t-on dans la d\u00e9mesure, le d\u00e9lire, les d\u00e9boires, la d\u00e9route ? * Soudain ce nom oubli\u00e9 \u2014 Mesureur \u2014 un camarade de classe. Mais infichu de retrouver le lieu, l'\u00e9poque, juste un brouillard et ce nom \u2014 Mesureur. * La notion d'arpenter se rapproche de mesurer \u2014 un trajet, une distance, un certain nombre de pas \u2014 mesurer en perches (carr\u00e9es) une superficie \u2014 si proche de la superficialit\u00e9. Voici une association qu'on ne devrait pas faire, mais comment s'en d\u00e9faire une fois que c'est fait ? Grande confusion, erreur de logique, qui ne reste pas sans cons\u00e9quence. * Comment mesurer la superficie de sa propre imb\u00e9cilit\u00e9 ? Jusqu'o\u00f9 se loge le d\u00e9mon de la mesure ? * Se rep\u00e9rer, s'orienter \u2014 mais o\u00f9 suis-je en m\u00eame temps que qui suis-je \u2014 quel est le bon ordre des questions \u2014 Qui, que, quoi, donc o\u00f9 ? * Impossible d'en mesurer la port\u00e9e \u2014 r\u00e9tif au solf\u00e8ge par ricochet \u2014 les ondes concentriques s'enfuient \u00e0 partir de cette impossibilit\u00e9 \u2014 il apprend la musique \u00e0 l'oreille, la fameuse m\u00e9thode empirique \u2014 d\u00e9testable entre toutes d'apr\u00e8s le professeur de math\u00e9matiques. * La d\u00e9mesure est toujours une proportion de l'id\u00e9e de mesure \u2014 inversez la proposition, et il est possible que ce soit plausible \u2014 l'\u00e9crire noir sur blanc : L'id\u00e9e de la mesure est toujours en proportion d'une d\u00e9mesure \u2014 comme le conscient est en rapport avec l'inconscient \u2014 la raison est en rapport avec la folie \u2014 \u00eatre en rapport, c'est \u00eatre en relation \u2014 souvent, cela n'a aucun rapport, lui dit-on, avec ce petit ton tout \u00e0 fait ridicule et hautain que certains affectionnent \u2014 mais non, rien \u00e0 voir, \u00e7a n'a aucun rapport ! * Tout bien pes\u00e9, il s'emp\u00eatre surtout dans ses scrupules \u2014 ce qui, au bout du compte, ne donne aucun poids \u00e0 ses propos. * Estimer une distance, un rapport, une proportion \u2014 l'accent mis sur cette qualit\u00e9 de l'\u0153il pour bien dessiner \u2014 il y a aussi le mot accommoder \u2014 s'accommoder peu \u00e0 peu \u00e0 l'obscurit\u00e9 \u2014 on s'accommode toujours peu \u00e0 peu, ce n'est jamais imm\u00e9diat \u2014 cela prend du temps. S'accommoder ainsi d'une vie enti\u00e8re, s'accommoder d'une chaussure trop serr\u00e9e \u2014 il faut que \u00e7a se fasse, comme si c'\u00e9tait une donn\u00e9e incontournable. * Hors la loi par ignorance, car nul n'est cens\u00e9 l'ignorer \u2014 puis, p\u00e9niblement, on apprend que ceux qui font les lois les appliquent rarement \u2014 un malin plaisir \u00e0 contourner la loi. Avec l'apprentissage de la mesure s'\u00e9tend soudain toute l'iniquit\u00e9 qui nous entoure \u2014 creuser un sillon, marcher droit, porter des \u0153ill\u00e8res pour ne pas d\u00e9vier de la ligne droite \u2014 se concentrer sur une id\u00e9e de rectitude \u2014 la tentation toujours de penser que cette rectitude est synonyme de ridicule \u2014 comme si l'on \u00e9tait soudain happ\u00e9 par l'esprit du si\u00e8cle, qu'on ne puisse s'en d\u00e9barrasser, s'en d\u00e9faire. * Le rapprochement intempestif entre plaisir, jouissance, joie, hyst\u00e9rie \u2014 confusion due \u00e0 l'absence de proportion, de mesure, \u00e0 l'ignorance. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/397aaff1-1d17-4cd1-ac74-9584a37631db.webp?1748065123", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/16-septembre-2024.html", "title": "16 septembre 2024", "date_published": "2024-09-16T05:18:43Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le d\u00e9sarroi, quand tu tombes sur des liens morts en cherchant un article qui t\u2019int\u00e9resse. \u00c7a date de 1997, et malgr\u00e9 la renomm\u00e9e du site de la maison d\u2019\u00e9dition (Verdier), tu tombes sur la fameuse page introuvable. L\u2019article concerne la sortie des Onze de P.M. Dommage, mais qu\u2019\u00e0 cela ne tienne, tu navigues. Tu te laisses entra\u00eener vers un hommage \u00e0 Pierre Rahmy, n\u00e9 en 1966, mort en 2017. Pierre Rahmy te m\u00e8ne \u00e0 B\u00e9ton arm\u00e9, que tu retrouves, et ensuite, tu atterris tout pr\u00e8s du Voyageur de Cristal de Lou Lepori, etc., etc. \u00c7a pourrait \u00eatre sans fin, comme sans but.<\/p>\n

Ou plut\u00f4t, pour \u00e9viter le but.<\/p>\n

Il te semble que tu as pass\u00e9 ta vie \u00e0 r\u00eaver le but, et \u00e0 chaque fois que tu l\u2019atteins dans la r\u00e9alit\u00e9, il te d\u00e9\u00e7oit. Tu en attends trop. Tu fais d\u2019un but une fin. Ta vie ne tient qu\u2019\u00e0 ce but, comme une dent suspendue \u00e0 son dernier lambeau de chair.<\/p>\n

Tellement revenu de tous les buts, il se peut que l\u2019unique, en ce moment, soit de t\u2019en \u00e9loigner chaque jour un peu plus, consciemment. Avec une sorte de nostalgie, comme un animal de compagnie qui r\u00e9clame, que tu nourris malgr\u00e9 tout, mais avec parcimonie. Tu lui reconnais une existence, bien s\u00fbr, mais tu n\u2019en fais pas un but.<\/p>\n

Et puis, cette r\u00e9flexion de Dominique Rabat\u00e9 te revient \u00e0 l\u2019esprit : « le roman constituerait [\u2026] le lieu paradoxal de r\u00e9sistance face \u00e0 la normalisation sociale, aux dispositifs toujours grandissants de contr\u00f4le et d\u2019assignation, une fa\u00e7on de d\u00e9serter qui puisse exprimer la force encore vitale d\u2019une s\u00e9cession individuelle ». Est-ce cela, le but que tu poursuis sans cesse, cette d\u00e9sertion, cette s\u00e9cession vitale ?<\/p>\n

Plus rien, une cure de rien : plus de livres, plus de vid\u00e9os, plus d\u2019images, plus de sons, plus de paroles.<\/p>\n

Un enfoncement progressif, volontaire, vers l\u2019aridit\u00e9 souhait\u00e9e du quotidien.<\/p>\n

Et tu dis que tu n\u2019as pas de but ?<\/p>\n

Personne ne t\u2019en voudra de t\u2019arr\u00eater, de faire une pause, et m\u00eame de t\u2019enfuir dans la fiction.<\/p>", "content_text": "Le d\u00e9sarroi, quand tu tombes sur des liens morts en cherchant un article qui t\u2019int\u00e9resse. \u00c7a date de 1997, et malgr\u00e9 la renomm\u00e9e du site de la maison d\u2019\u00e9dition (Verdier), tu tombes sur la fameuse page introuvable. L\u2019article concerne la sortie des Onze de P.M. Dommage, mais qu\u2019\u00e0 cela ne tienne, tu navigues. Tu te laisses entra\u00eener vers un hommage \u00e0 Pierre Rahmy, n\u00e9 en 1966, mort en 2017. Pierre Rahmy te m\u00e8ne \u00e0 B\u00e9ton arm\u00e9, que tu retrouves, et ensuite, tu atterris tout pr\u00e8s du Voyageur de Cristal de Lou Lepori, etc., etc. \u00c7a pourrait \u00eatre sans fin, comme sans but. Ou plut\u00f4t, pour \u00e9viter le but. Il te semble que tu as pass\u00e9 ta vie \u00e0 r\u00eaver le but, et \u00e0 chaque fois que tu l\u2019atteins dans la r\u00e9alit\u00e9, il te d\u00e9\u00e7oit. Tu en attends trop. Tu fais d\u2019un but une fin. Ta vie ne tient qu\u2019\u00e0 ce but, comme une dent suspendue \u00e0 son dernier lambeau de chair. Tellement revenu de tous les buts, il se peut que l\u2019unique, en ce moment, soit de t\u2019en \u00e9loigner chaque jour un peu plus, consciemment. Avec une sorte de nostalgie, comme un animal de compagnie qui r\u00e9clame, que tu nourris malgr\u00e9 tout, mais avec parcimonie. Tu lui reconnais une existence, bien s\u00fbr, mais tu n\u2019en fais pas un but. Et puis, cette r\u00e9flexion de Dominique Rabat\u00e9 te revient \u00e0 l\u2019esprit : \u00ab le roman constituerait [\u2026] le lieu paradoxal de r\u00e9sistance face \u00e0 la normalisation sociale, aux dispositifs toujours grandissants de contr\u00f4le et d\u2019assignation, une fa\u00e7on de d\u00e9serter qui puisse exprimer la force encore vitale d\u2019une s\u00e9cession individuelle \u00bb. Est-ce cela, le but que tu poursuis sans cesse, cette d\u00e9sertion, cette s\u00e9cession vitale ? Plus rien, une cure de rien : plus de livres, plus de vid\u00e9os, plus d\u2019images, plus de sons, plus de paroles. Un enfoncement progressif, volontaire, vers l\u2019aridit\u00e9 souhait\u00e9e du quotidien. Et tu dis que tu n\u2019as pas de but ? Personne ne t\u2019en voudra de t\u2019arr\u00eater, de faire une pause, et m\u00eame de t\u2019enfuir dans la fiction.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/fb_img_1572769258424.jpg?1748065204", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/15-septembre-2024.html", "title": "15 septembre 2024", "date_published": "2024-09-15T05:16:00Z", "date_modified": "2025-09-30T03:36:51Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

\u00c0 la lecture du Dit Nerval de Florence Delay, cet \u00e9tonnement de voir s\u2019afficher le mot « B\u00e9r\u00e9sina » (elle l\u2019\u00e9crit avec un « s » au lieu d\u2019un « z », comme je le fais). En effet, mais il se peut que ce ne soit qu\u2019une l\u00e9gende v\u00e9hicul\u00e9e par G\u00e9rard Labrunie, sa m\u00e8re serait morte en traversant un pont jonch\u00e9 de cadavres lors de la retraite de Russie. Peut-\u00eatre \u00e0 Glogau en Sil\u00e9sie.<\/p>\n

\n

Elle est morte \u00e0 vingt-cinq ans des fatigues de la guerre, d\u2019une fi\u00e8vre qu\u2019elle gagna en traversant un pont charg\u00e9 de cadavres o\u00f9 sa voiture manqua d\u2019\u00eatre renvers\u00e9e. Mon p\u00e8re, forc\u00e9 de rejoindre l\u2019arm\u00e9e \u00e0 Moscou, perdit plus tard ses lettres et ses bijoux dans les flots de la B\u00e9r\u00e9sina.<\/p>\n<\/blockquote>\n

Je note la co\u00efncidence simplement, sans en disserter.<\/p>\n

Autre d\u00e9couverte dans un article du site Cairn.info : cette affaire de la maison du docteur Blanche que F. situe dans ses vid\u00e9os vers la maison de la radio, ce qui m\u2019a fait beaucoup douter de ma propre m\u00e9moire, car je situais celle-ci \u00e0 Montmartre, du c\u00f4t\u00e9 du Ch\u00e2teau des Brouillards. Or, dans cet article, il est effectivement question de la maison d\u2019Esprit Blanche \u00e0 Montmartre. (Nerval avait \u00e9t\u00e9 soign\u00e9 pr\u00e9c\u00e9demment \u00e0 la maison de sant\u00e9 Madame Sainte-Colombe, rue de Picpus.) Apr\u00e8s quelques recherches sur le docteur Blanche, il s\u2019av\u00e8re qu\u2019il a d\u00e9m\u00e9nag\u00e9 de Montmartre pour Passy lorsqu\u2019il devint plus ais\u00e9 (en 1846).<\/p>\n

La chirurgie est \u00e9troitement li\u00e9e \u00e0 l\u2019histoire de G. \u00c0 noter que le c\u00e9l\u00e8bre chirurgien John Hunter, au 18e si\u00e8cle, n\u2019a jamais achev\u00e9 de cursus de m\u00e9decine ni obtenu de dipl\u00f4me en la mati\u00e8re. Ce qui ne l\u2019emp\u00eacha pas d\u2019\u00eatre reconnu comme le fondateur de l\u2019anatomie pathologique et par beaucoup comme le p\u00e8re de la chirurgie scientifique moderne. Il a servi durant la guerre de Sept Ans (1756-1763), o\u00f9 ses exp\u00e9riences l\u2019ont conduit \u00e0 publier un trait\u00e9 sur les blessures par balle. \u00c0 noter aussi que le p\u00e8re de G. est chirurgien et qu\u2019il a rejoint l\u2019arm\u00e9e du Rhin, lors des guerres napol\u00e9oniennes. Le p\u00e8re de F.L. l\u2019\u00e9tait \u00e9galement, tout comme le docteur Blanche. Le mot « chirurgie » provient du grec kheirourg\u00eda, qui signifie « travail manuel », faisant r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la branche de la m\u00e9decine responsable de la manipulation physique des structures corporelles.<\/p>\n

Cela me conduit presque aussit\u00f4t \u00e0 repenser au mot « organe », \u00e0 « s\u2019organiser ». J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 \u00e9crit quelque chose \u00e0 ce sujet, mais comme je ne suis pas du tout organis\u00e9, va savoir o\u00f9 et quand.<\/p>\n

Ce qui me conduit, encore et encore, \u00e0 me morfondre un peu, puis \u00e0 prendre le taureau par les cornes une fois de plus en charognant sur ce site SPIP local que je d\u00e9veloppe parall\u00e8lement \u00e0 celui d\u00e9pos\u00e9 sur un serveur distant. La partie graphique (structure de la page) m\u2019a d\u00e9j\u00e0 bien fait tourner en bourrique. Mais avec un peu d\u2019opini\u00e2tret\u00e9, de la patience\u2026 surtout ce fait que le d\u00e9veloppement web me renvoie \u00e0 ma scolarit\u00e9 d\u00e9sastreuse en math\u00e9matiques. Je passe de fichus quarts d\u2019heure \u00e0 relire plusieurs fois ces tutoriels du site SPIP.net concernant les boucles. Concernant la partie CSS, j\u2019ai d\u00e9couvert une fa\u00e7on commode, rapide et efficace de ne pas perdre de temps. J\u2019ai t\u00e9l\u00e9charg\u00e9 les fichiers CSS et JS de la plateforme Uikit, que j\u2019ai coll\u00e9s ensuite dans des dossiers pr\u00e9par\u00e9s \u00e0 cet effet. Plus qu\u2019une simple ligne de code ensuite pour y faire r\u00e9f\u00e9rence, et le tour est (presque) jou\u00e9.<\/p>\n

Cette incapacit\u00e9 \u00e0 structurer le code, ce d\u00e9sordre dans lequel je me d\u00e9bats, refl\u00e8te sans doute un chaos plus large, celui de la pens\u00e9e, de l\u2019existence. Comme la chirurgie organise un corps en souffrance, je tente maladroitement d\u2019organiser ce fouillis de boucles et de pages web, en esp\u00e9rant trouver une coh\u00e9rence cach\u00e9e.<\/p>\n

Ce besoin d\u2019organisation\u2026 ou cette incapacit\u00e9 \u00e0 l\u2019atteindre ? Peut-\u00eatre que mon chaos apparent est aussi une forme d\u2019organisation, une autre fa\u00e7on de structurer les choses. J\u2019aime penser que je m\u2019organise comme un corps qui gu\u00e9rit de lui-m\u00eame, sans intervention directe, avec ses propres moyens. Ou peut-\u00eatre est-ce juste une excuse pour expliquer mon manque de rigueur\u2026<\/p>\n

Cette affaire de mise en page, de structure, rejoint assez vite l\u2019id\u00e9e d\u2019entr\u00e9e en mati\u00e8re. Le moindre de ces termes soul\u00e8ve des montagnes d\u2019interrogations quasi m\u00e9taphysiques. Presque toujours en filigrane une phrase de Beckett ou d\u2019un de ses personnages : « Quand est-ce qu\u2019on va na\u00eetre ? » (de m\u00e9moire).<\/p>\n

Autrement dit : que ce soit dans la chirurgie, le d\u00e9veloppement web ou m\u00eame l\u2019\u00e9criture, il y a toujours cette question de la mati\u00e8re. Quand est-ce qu\u2019on va na\u00eetre, pour de vrai ? Ou bien est-ce que tout cela n\u2019est qu\u2019une s\u00e9rie d\u2019entr\u00e9es incompl\u00e8tes, jamais totalement r\u00e9alis\u00e9es, des fragments d\u2019organisation qui cherchent encore leur coh\u00e9rence ?<\/p>\n

Hier matin et apr\u00e8s-midi, tout le long de la journ\u00e9e, de magnifiques gribouillis, et parall\u00e8lement chacun se vide concernant la situation actuelle du pays , tout le monde \u00e0 peu pr\u00e8s d\u2019accord pour dire \u00e0 quel point c\u2019est injuste, d\u00e9gueulasse, et presque aussit\u00f4t l\u2019ombre sinistre de l\u2019abattement. Les corps se voutent un peu, et observ\u00e9 leur lenteur \u00e0 se relever, \u00e0 ranger leurs affaires, \u00e0 repartir vers la cour, traverser la cuisine, ressortir dans la rue.<\/p>\n

Relu quelques articles d\u2019Annie Le Brun dans Ailleurs et Autrement. Bien raison d\u2019en revenir \u00e0 Jarry autant qu\u2019on peut, dr\u00f4le de retrouver \u00e7a, qui date des ann\u00e9es 2000 et de me souvenir encore de « M\u00e8re Ubu, tu es bien laide aujourd\u2019hui. Est-ce parce que nous avons du monde ? » que j\u2019ai du dire \u00e0 voix haute il n\u2019y a pas si longtemps encore.<\/p>\n

Notre promenade du 14 septembre emprunte un nouvel itin\u00e9raire, l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 du Rhone \u00e0 Serri\u00e8res, une bonne heure, un vent formidable souffle, nous d\u00e9barrassant de tous les miasmes engendr\u00e9s par la morosit\u00e9 actuelle du monde.<\/p>", "content_text": "\u00c0 la lecture du Dit Nerval de Florence Delay, cet \u00e9tonnement de voir s\u2019afficher le mot \u00ab B\u00e9r\u00e9sina \u00bb (elle l\u2019\u00e9crit avec un \u00ab s \u00bb au lieu d\u2019un \u00ab z \u00bb, comme je le fais). En effet, mais il se peut que ce ne soit qu\u2019une l\u00e9gende v\u00e9hicul\u00e9e par G\u00e9rard Labrunie, sa m\u00e8re serait morte en traversant un pont jonch\u00e9 de cadavres lors de la retraite de Russie. Peut-\u00eatre \u00e0 Glogau en Sil\u00e9sie. Elle est morte \u00e0 vingt-cinq ans des fatigues de la guerre, d\u2019une fi\u00e8vre qu\u2019elle gagna en traversant un pont charg\u00e9 de cadavres o\u00f9 sa voiture manqua d\u2019\u00eatre renvers\u00e9e. Mon p\u00e8re, forc\u00e9 de rejoindre l\u2019arm\u00e9e \u00e0 Moscou, perdit plus tard ses lettres et ses bijoux dans les flots de la B\u00e9r\u00e9sina. Je note la co\u00efncidence simplement, sans en disserter. Autre d\u00e9couverte dans un article du site Cairn.info : cette affaire de la maison du docteur Blanche que F. situe dans ses vid\u00e9os vers la maison de la radio, ce qui m\u2019a fait beaucoup douter de ma propre m\u00e9moire, car je situais celle-ci \u00e0 Montmartre, du c\u00f4t\u00e9 du Ch\u00e2teau des Brouillards. Or, dans cet article, il est effectivement question de la maison d\u2019Esprit Blanche \u00e0 Montmartre. (Nerval avait \u00e9t\u00e9 soign\u00e9 pr\u00e9c\u00e9demment \u00e0 la maison de sant\u00e9 Madame Sainte-Colombe, rue de Picpus.) Apr\u00e8s quelques recherches sur le docteur Blanche, il s\u2019av\u00e8re qu\u2019il a d\u00e9m\u00e9nag\u00e9 de Montmartre pour Passy lorsqu\u2019il devint plus ais\u00e9 (en 1846). La chirurgie est \u00e9troitement li\u00e9e \u00e0 l\u2019histoire de G. \u00c0 noter que le c\u00e9l\u00e8bre chirurgien John Hunter, au 18e si\u00e8cle, n\u2019a jamais achev\u00e9 de cursus de m\u00e9decine ni obtenu de dipl\u00f4me en la mati\u00e8re. Ce qui ne l\u2019emp\u00eacha pas d\u2019\u00eatre reconnu comme le fondateur de l\u2019anatomie pathologique et par beaucoup comme le p\u00e8re de la chirurgie scientifique moderne. Il a servi durant la guerre de Sept Ans (1756-1763), o\u00f9 ses exp\u00e9riences l\u2019ont conduit \u00e0 publier un trait\u00e9 sur les blessures par balle. \u00c0 noter aussi que le p\u00e8re de G. est chirurgien et qu\u2019il a rejoint l\u2019arm\u00e9e du Rhin, lors des guerres napol\u00e9oniennes. Le p\u00e8re de F.L. l\u2019\u00e9tait \u00e9galement, tout comme le docteur Blanche. Le mot \u00ab chirurgie \u00bb provient du grec kheirourg\u00eda, qui signifie \u00ab travail manuel \u00bb, faisant r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la branche de la m\u00e9decine responsable de la manipulation physique des structures corporelles. Cela me conduit presque aussit\u00f4t \u00e0 repenser au mot \u00ab organe \u00bb, \u00e0 \u00ab s\u2019organiser \u00bb. J\u2019avais d\u00e9j\u00e0 \u00e9crit quelque chose \u00e0 ce sujet, mais comme je ne suis pas du tout organis\u00e9, va savoir o\u00f9 et quand. Ce qui me conduit, encore et encore, \u00e0 me morfondre un peu, puis \u00e0 prendre le taureau par les cornes une fois de plus en charognant sur ce site SPIP local que je d\u00e9veloppe parall\u00e8lement \u00e0 celui d\u00e9pos\u00e9 sur un serveur distant. La partie graphique (structure de la page) m\u2019a d\u00e9j\u00e0 bien fait tourner en bourrique. Mais avec un peu d\u2019opini\u00e2tret\u00e9, de la patience\u2026 surtout ce fait que le d\u00e9veloppement web me renvoie \u00e0 ma scolarit\u00e9 d\u00e9sastreuse en math\u00e9matiques. Je passe de fichus quarts d\u2019heure \u00e0 relire plusieurs fois ces tutoriels du site SPIP.net concernant les boucles. Concernant la partie CSS, j\u2019ai d\u00e9couvert une fa\u00e7on commode, rapide et efficace de ne pas perdre de temps. J\u2019ai t\u00e9l\u00e9charg\u00e9 les fichiers CSS et JS de la plateforme Uikit, que j\u2019ai coll\u00e9s ensuite dans des dossiers pr\u00e9par\u00e9s \u00e0 cet effet. Plus qu\u2019une simple ligne de code ensuite pour y faire r\u00e9f\u00e9rence, et le tour est (presque) jou\u00e9. Cette incapacit\u00e9 \u00e0 structurer le code, ce d\u00e9sordre dans lequel je me d\u00e9bats, refl\u00e8te sans doute un chaos plus large, celui de la pens\u00e9e, de l\u2019existence. Comme la chirurgie organise un corps en souffrance, je tente maladroitement d\u2019organiser ce fouillis de boucles et de pages web, en esp\u00e9rant trouver une coh\u00e9rence cach\u00e9e. Ce besoin d\u2019organisation\u2026 ou cette incapacit\u00e9 \u00e0 l\u2019atteindre ? Peut-\u00eatre que mon chaos apparent est aussi une forme d\u2019organisation, une autre fa\u00e7on de structurer les choses. J\u2019aime penser que je m\u2019organise comme un corps qui gu\u00e9rit de lui-m\u00eame, sans intervention directe, avec ses propres moyens. Ou peut-\u00eatre est-ce juste une excuse pour expliquer mon manque de rigueur\u2026 Cette affaire de mise en page, de structure, rejoint assez vite l\u2019id\u00e9e d\u2019entr\u00e9e en mati\u00e8re. Le moindre de ces termes soul\u00e8ve des montagnes d\u2019interrogations quasi m\u00e9taphysiques. Presque toujours en filigrane une phrase de Beckett ou d\u2019un de ses personnages : \u00ab Quand est-ce qu\u2019on va na\u00eetre ? \u00bb (de m\u00e9moire). Autrement dit : que ce soit dans la chirurgie, le d\u00e9veloppement web ou m\u00eame l\u2019\u00e9criture, il y a toujours cette question de la mati\u00e8re. Quand est-ce qu\u2019on va na\u00eetre, pour de vrai ? Ou bien est-ce que tout cela n\u2019est qu\u2019une s\u00e9rie d\u2019entr\u00e9es incompl\u00e8tes, jamais totalement r\u00e9alis\u00e9es, des fragments d\u2019organisation qui cherchent encore leur coh\u00e9rence ? Hier matin et apr\u00e8s-midi, tout le long de la journ\u00e9e, de magnifiques gribouillis, et parall\u00e8lement chacun se vide concernant la situation actuelle du pays , tout le monde \u00e0 peu pr\u00e8s d\u2019accord pour dire \u00e0 quel point c\u2019est injuste, d\u00e9gueulasse, et presque aussit\u00f4t l\u2019ombre sinistre de l\u2019abattement. Les corps se voutent un peu, et observ\u00e9 leur lenteur \u00e0 se relever, \u00e0 ranger leurs affaires, \u00e0 repartir vers la cour, traverser la cuisine, ressortir dans la rue. Relu quelques articles d\u2019Annie Le Brun dans Ailleurs et Autrement. Bien raison d\u2019en revenir \u00e0 Jarry autant qu\u2019on peut, dr\u00f4le de retrouver \u00e7a, qui date des ann\u00e9es 2000 et de me souvenir encore de \u00ab M\u00e8re Ubu, tu es bien laide aujourd\u2019hui. Est-ce parce que nous avons du monde ? \u00bb que j\u2019ai du dire \u00e0 voix haute il n\u2019y a pas si longtemps encore. Notre promenade du 14 septembre emprunte un nouvel itin\u00e9raire, l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 du Rhone \u00e0 Serri\u00e8res, une bonne heure, un vent formidable souffle, nous d\u00e9barrassant de tous les miasmes engendr\u00e9s par la morosit\u00e9 actuelle du monde. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/im1_1_.jpg?1748065097", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina", "\u00e9criture fragmentaire"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-septembre-2024.html", "title": "14 septembre 2024", "date_published": "2024-09-14T05:13:00Z", "date_modified": "2025-02-17T01:49:14Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

« Mais voyez-vous cela ? », dit-elle. Comme je ne voyais rien, elle r\u00e9p\u00e9ta : « Vous le voyez ou non ? ». Ce qui me laissa encore plus emp\u00eatr\u00e9, plus mal \u00e0 l\u2019aise, ne voyant de toute \u00e9vidence rien de rien, ne comprenant plus rien \u00e0 rien. Ah, si elle ne m\u2019avait pas pos\u00e9 cette question, comme notre relation aurait \u00e9t\u00e9 agr\u00e9able, peut-\u00eatre m\u00eame durerait-elle encore. Mais non, il fallait qu\u2019elle pose ce genre de question, et aussi le fameux « \u00c0 quoi pensez-vous donc ? », ce qui fut la goutte d\u2019eau qui fit d\u00e9border le vase.<\/p>\n

Et encore une fois, je me retrouve seul, avec cette sensation d\u2019abandon qui m\u2019agace prodigieusement. D\u00e9cid\u00e9ment, je n\u2019ai vraiment rien \u00e0 faire ici, etc., etc.
\nJe suis l\u00e0, assis \u00e0 une petite table ronde dans ce caf\u00e9 bruyant. Les serveurs virevoltent, les clients rient, \u00e9changent des regards complices. Je suis ici, mais aussi compl\u00e8tement ailleurs. Ils parlent, ils rient. Moi, je compte les taches de caf\u00e9 sur la nappe, comme si elles allaient m\u2019apporter des r\u00e9ponses. Mais rien. Mon regard se perd sur les visages autour de moi, mais aucune expression ne me touche vraiment. C\u2019est comme si une barri\u00e8re invisible me s\u00e9parait d\u2019eux. Peut-\u00eatre que je suis seul, m\u00eame dans cette foule. Et c\u2019est toujours ainsi : seul quand il n\u2019y a personne, et seul quand tout le monde est l\u00e0.<\/p>\n

autre version possible :<\/p>\n

Je suis l\u00e0, assis \u00e0 une petite table ronde dans ce caf\u00e9 bruyant. Les serveurs virevoltent, les clients rient, \u00e9changent des regards complices. Je suis ici, mais aussi compl\u00e8tement ailleurs. Ils parlent, ils rient. Autour de moi, tout n\u2019est que rires et discussions anim\u00e9es, mais pour moi, c\u2019est comme un bruit de fond indistinct. Ce bruit fait ressortir, par contraste, ce silence int\u00e9rieur qui m\u2019habite. Je suis seul, m\u00eame dans cette foule. Et cette solitude, je la connais trop bien : elle me suit, que je sois entour\u00e9 ou non.<\/p>\n

Je ne sais pas si cette monstruosit\u00e9 est en eux, en moi, ou ailleurs, mais chaque fois que je tombe dessus, j\u2019ai toujours l\u2019air \u00e0 la fois h\u00e9b\u00e9t\u00e9 et surpris, comme si je ne savais pas, comme si c\u2019\u00e9tait la toute premi\u00e8re fois. Qu\u2019est-ce que j\u2019ai donc avec les premi\u00e8res fois ? Que me veulent-elles ? Ou pourquoi est-ce que j\u2019insiste tant \u00e0 ce que tout soit toujours une premi\u00e8re fois ?<\/p>\n

La r\u00e9union de famille annuelle. Toujours la m\u00eame table, les m\u00eames assiettes. Les m\u00eames visages qui se retrouvent et se r\u00e9p\u00e8tent. « Alors, tu fais quoi en ce moment ? » La question revient chaque ann\u00e9e, comme un disque ray\u00e9. Je r\u00e9ponds machinalement, sans m\u00eame r\u00e9fl\u00e9chir, et pourtant je me sens \u00e9trangement ailleurs. C\u2019est comme \u00eatre coinc\u00e9 dans une boucle temporelle. Je regarde les autres parler, manger, rire, mais c\u2019est comme si j\u2019\u00e9tais invisible, un intrus dans ce monde qui n\u2019est plus vraiment le mien.<\/p>\n

Mais c\u2019est la m\u00eame id\u00e9e que dans pr\u00e9c\u00e9demment dans le caf\u00e9\u2026 l\u2019anonymat et la sensation d\u00e9sagr\u00e9able du familier, de ce que l\u2019on croit \u00eatre familier et qui nous renvoie quand m\u00eame \u00e0 un anonymat, peut-\u00eatre encore plus douloureux.<\/p>\n

« Tu ne cours pas apr\u00e8s les \u00eatres, tu cavales apr\u00e8s la premi\u00e8re fois », m\u2019a-t-on dit un jour.<\/p>\n

Quelque chose d\u2019insupportable dans la r\u00e9p\u00e9tition, dans certaines r\u00e9p\u00e9titions peut-\u00eatre. Car toutes les r\u00e9p\u00e9titions ne se valent pas. Mais d\u2019avoir \u00e0 r\u00e9p\u00e9ter sans arret que je n\u2019ai pas tr\u00e8s bien compris ou saisi, me retrouver dans l\u2019obligation de lui faire r\u00e9p\u00e9ter certaines choses je ne saurais pas dire l\u2019effet que \u00e7a provoque en moi, je me r\u00e9tracte compl\u00e8tement, une boule de nerf. A cet instant je peux exploser pour un rien, le fait d\u2019\u00e9chapper ne serait-ce qu\u2019une petite cuill\u00e8re dans l\u2019\u00e9vier me fait sursauter et je suis en boule une bonne partie de la journ\u00e9e.<\/p>\n

Et puis cette certitude surtout de te croire toujours seul, le seul. Non pas l\u2019unique, n\u2019exag\u00e8rons pas, une singularit\u00e9 ind\u00e9crotable plut\u00f4t. tu es seul quand il n\u2019y a personne et tu es seul quand tout le monde est l\u00e0. H\u00e9las tu n\u2019es pas invisible, on te voit. Tu as l\u2019air d\u2019un poisson rouge dans un bocal, tu vis dans un aquarium. Ou bien quand tu nous regardes c\u2019est nous que tu enfermes dans un bocal. Enfin on a toujours l\u2019impression qu\u2019il te faut un mur de verre, tu le sais \u00e7a ?<\/p>\n

La seule aventure v\u00e9ritable consisterait donc \u00e0 creuser cette solitude, \u00e0 se taper le front \u2013 ou les regarder se taper le front \u2013 contre ce mur de verre ? Est-ce parce qu\u2019en \u00e0 peine un si\u00e8cle tout est all\u00e9 si vite que l\u2019on a eu l\u2019impression d\u2019avoir tout vu, tout entendu, que l\u2019attrait de la nouveaut\u00e9 a achev\u00e9 la nouveaut\u00e9 elle-m\u00eame ? Quand il n\u2019y a plus rien de nouveau, quand on se heurte syst\u00e9matiquement \u00e0 du d\u00e9j\u00e0 vu, quel ennui. Alors peut-\u00eatre qu\u2019on rebrousse chemin \u2013 c\u2019est une image, bien s\u00fbr. On retourne vers soi, on se recroqueville, on s\u2019enferme, on s\u2019isole. On cherche \u00e0 comprendre ce qui a bien pu se passer, ce qui a fait d\u00e9railler le train. Le moindre grain de sable devient suspect. Et puis il y a la fuite du temps, la peur de ne pas parvenir \u00e0 une r\u00e9solution. On finit par fuir les plages, m\u00eame d\u00e9sertes, tant le sable nous exasp\u00e8re.<\/p>\n

Bien sur on veut fuir \u00e7a, on veut l\u2019oublier, \u00e0 la moindre occasion on se rue vers le divertissement. D\u2019autant plus dur est le retour \u00e0 la solitude essentielle quand \u00e7a s\u2019arr\u00e8te quand le divertissement tombe le masque, montre enfin son vrai visage. Que faire alors ? Ecrire, l\u2019\u00e9crire, essayer de prendre un peu de recul par rapport \u00e0 \u00e7a. On l\u2019esp\u00e8re, on sait pertinemment que \u00e7a ne marche pas comme \u00e7a, mais on s\u2019y accroche, on insiste. Est-ce que pour te divertir du divertissement tu \u00e9crirais ?<\/p>\n

On \u00e9crit, on pense \u00e9chapper. On trace des mots, on essaie de donner un sens. Mais l\u2019\u00e9criture devient vite comme ces \u00e9missions t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es sans fin, ces s\u00e9ries aux \u00e9pisodes qui se ressemblent tous, des boucles sans r\u00e9solution. Ce n\u2019est plus une qu\u00eate de v\u00e9rit\u00e9, c\u2019est une diversion d\u00e9guis\u00e9e en acte noble. Peut-\u00eatre que je ne fais qu\u2019\u00e9crire pour oublier que je n\u2019ai rien \u00e0 dire. Peut-\u00eatre que l\u2019\u00e9criture est le pire des divertissements : celui qui te fait croire que tu te lib\u00e8res, alors que tu t\u2019emprisonnes encore plus.<\/p>\n

Tu ne peux pas te poser autant de questions sur l\u2019\u00e9criture et \u00e9crire en m\u00eame temps, c\u2019est comme si un oiseau essayait de comprendre l\u2019a\u00e9rodynamique en plein vol.<\/p>\n

Peut-\u00eatre que le seul moment o\u00f9 tu te sens \u00e0 peu pr\u00e8s bien c\u2019est lorsque vous allez vous promener avec S. Parfois vous parlez de tout de rien, parfois m\u00eame vous ne dites rien. Je crois que S. est tout aussi seule que toi, elle ne le manifeste pas de la m\u00eame fa\u00e7on voil\u00e0 tout, et pourquoi le manifester en fin de compte.<\/p>", "content_text": "\u00ab Mais voyez-vous cela ? \u00bb, dit-elle. Comme je ne voyais rien, elle r\u00e9p\u00e9ta : \u00ab Vous le voyez ou non ? \u00bb. Ce qui me laissa encore plus emp\u00eatr\u00e9, plus mal \u00e0 l\u2019aise, ne voyant de toute \u00e9vidence rien de rien, ne comprenant plus rien \u00e0 rien. Ah, si elle ne m\u2019avait pas pos\u00e9 cette question, comme notre relation aurait \u00e9t\u00e9 agr\u00e9able, peut-\u00eatre m\u00eame durerait-elle encore. Mais non, il fallait qu\u2019elle pose ce genre de question, et aussi le fameux \u00ab \u00c0 quoi pensez-vous donc ? \u00bb, ce qui fut la goutte d\u2019eau qui fit d\u00e9border le vase. Et encore une fois, je me retrouve seul, avec cette sensation d\u2019abandon qui m\u2019agace prodigieusement. D\u00e9cid\u00e9ment, je n\u2019ai vraiment rien \u00e0 faire ici, etc., etc. Je suis l\u00e0, assis \u00e0 une petite table ronde dans ce caf\u00e9 bruyant. Les serveurs virevoltent, les clients rient, \u00e9changent des regards complices. Je suis ici, mais aussi compl\u00e8tement ailleurs. Ils parlent, ils rient. Moi, je compte les taches de caf\u00e9 sur la nappe, comme si elles allaient m\u2019apporter des r\u00e9ponses. Mais rien. Mon regard se perd sur les visages autour de moi, mais aucune expression ne me touche vraiment. C\u2019est comme si une barri\u00e8re invisible me s\u00e9parait d\u2019eux. Peut-\u00eatre que je suis seul, m\u00eame dans cette foule. Et c\u2019est toujours ainsi : seul quand il n\u2019y a personne, et seul quand tout le monde est l\u00e0. autre version possible : Je suis l\u00e0, assis \u00e0 une petite table ronde dans ce caf\u00e9 bruyant. Les serveurs virevoltent, les clients rient, \u00e9changent des regards complices. Je suis ici, mais aussi compl\u00e8tement ailleurs. Ils parlent, ils rient. Autour de moi, tout n\u2019est que rires et discussions anim\u00e9es, mais pour moi, c\u2019est comme un bruit de fond indistinct. Ce bruit fait ressortir, par contraste, ce silence int\u00e9rieur qui m\u2019habite. Je suis seul, m\u00eame dans cette foule. Et cette solitude, je la connais trop bien : elle me suit, que je sois entour\u00e9 ou non. Je ne sais pas si cette monstruosit\u00e9 est en eux, en moi, ou ailleurs, mais chaque fois que je tombe dessus, j\u2019ai toujours l\u2019air \u00e0 la fois h\u00e9b\u00e9t\u00e9 et surpris, comme si je ne savais pas, comme si c\u2019\u00e9tait la toute premi\u00e8re fois. Qu\u2019est-ce que j\u2019ai donc avec les premi\u00e8res fois ? Que me veulent-elles ? Ou pourquoi est-ce que j\u2019insiste tant \u00e0 ce que tout soit toujours une premi\u00e8re fois ? La r\u00e9union de famille annuelle. Toujours la m\u00eame table, les m\u00eames assiettes. Les m\u00eames visages qui se retrouvent et se r\u00e9p\u00e8tent. \u00ab Alors, tu fais quoi en ce moment ? \u00bb La question revient chaque ann\u00e9e, comme un disque ray\u00e9. Je r\u00e9ponds machinalement, sans m\u00eame r\u00e9fl\u00e9chir, et pourtant je me sens \u00e9trangement ailleurs. C\u2019est comme \u00eatre coinc\u00e9 dans une boucle temporelle. Je regarde les autres parler, manger, rire, mais c\u2019est comme si j\u2019\u00e9tais invisible, un intrus dans ce monde qui n\u2019est plus vraiment le mien. Mais c\u2019est la m\u00eame id\u00e9e que dans pr\u00e9c\u00e9demment dans le caf\u00e9\u2026 l\u2019anonymat et la sensation d\u00e9sagr\u00e9able du familier, de ce que l\u2019on croit \u00eatre familier et qui nous renvoie quand m\u00eame \u00e0 un anonymat, peut-\u00eatre encore plus douloureux. \u00ab Tu ne cours pas apr\u00e8s les \u00eatres, tu cavales apr\u00e8s la premi\u00e8re fois \u00bb, m\u2019a-t-on dit un jour. Quelque chose d\u2019insupportable dans la r\u00e9p\u00e9tition, dans certaines r\u00e9p\u00e9titions peut-\u00eatre. Car toutes les r\u00e9p\u00e9titions ne se valent pas. Mais d\u2019avoir \u00e0 r\u00e9p\u00e9ter sans arret que je n\u2019ai pas tr\u00e8s bien compris ou saisi, me retrouver dans l\u2019obligation de lui faire r\u00e9p\u00e9ter certaines choses je ne saurais pas dire l\u2019effet que \u00e7a provoque en moi, je me r\u00e9tracte compl\u00e8tement, une boule de nerf. A cet instant je peux exploser pour un rien, le fait d\u2019\u00e9chapper ne serait-ce qu\u2019une petite cuill\u00e8re dans l\u2019\u00e9vier me fait sursauter et je suis en boule une bonne partie de la journ\u00e9e. Et puis cette certitude surtout de te croire toujours seul, le seul. Non pas l\u2019unique, n\u2019exag\u00e8rons pas, une singularit\u00e9 ind\u00e9crotable plut\u00f4t. tu es seul quand il n\u2019y a personne et tu es seul quand tout le monde est l\u00e0. H\u00e9las tu n\u2019es pas invisible, on te voit. Tu as l\u2019air d\u2019un poisson rouge dans un bocal, tu vis dans un aquarium. Ou bien quand tu nous regardes c\u2019est nous que tu enfermes dans un bocal. Enfin on a toujours l\u2019impression qu\u2019il te faut un mur de verre, tu le sais \u00e7a ? La seule aventure v\u00e9ritable consisterait donc \u00e0 creuser cette solitude, \u00e0 se taper le front \u2013 ou les regarder se taper le front \u2013 contre ce mur de verre ? Est-ce parce qu\u2019en \u00e0 peine un si\u00e8cle tout est all\u00e9 si vite que l\u2019on a eu l\u2019impression d\u2019avoir tout vu, tout entendu, que l\u2019attrait de la nouveaut\u00e9 a achev\u00e9 la nouveaut\u00e9 elle-m\u00eame ? Quand il n\u2019y a plus rien de nouveau, quand on se heurte syst\u00e9matiquement \u00e0 du d\u00e9j\u00e0 vu, quel ennui. Alors peut-\u00eatre qu\u2019on rebrousse chemin \u2013 c\u2019est une image, bien s\u00fbr. On retourne vers soi, on se recroqueville, on s\u2019enferme, on s\u2019isole. On cherche \u00e0 comprendre ce qui a bien pu se passer, ce qui a fait d\u00e9railler le train. Le moindre grain de sable devient suspect. Et puis il y a la fuite du temps, la peur de ne pas parvenir \u00e0 une r\u00e9solution. On finit par fuir les plages, m\u00eame d\u00e9sertes, tant le sable nous exasp\u00e8re. Bien sur on veut fuir \u00e7a, on veut l\u2019oublier, \u00e0 la moindre occasion on se rue vers le divertissement. D\u2019autant plus dur est le retour \u00e0 la solitude essentielle quand \u00e7a s\u2019arr\u00e8te quand le divertissement tombe le masque, montre enfin son vrai visage. Que faire alors ? Ecrire, l\u2019\u00e9crire, essayer de prendre un peu de recul par rapport \u00e0 \u00e7a. On l\u2019esp\u00e8re, on sait pertinemment que \u00e7a ne marche pas comme \u00e7a, mais on s\u2019y accroche, on insiste. Est-ce que pour te divertir du divertissement tu \u00e9crirais ? On \u00e9crit, on pense \u00e9chapper. On trace des mots, on essaie de donner un sens. Mais l\u2019\u00e9criture devient vite comme ces \u00e9missions t\u00e9l\u00e9vis\u00e9es sans fin, ces s\u00e9ries aux \u00e9pisodes qui se ressemblent tous, des boucles sans r\u00e9solution. Ce n\u2019est plus une qu\u00eate de v\u00e9rit\u00e9, c\u2019est une diversion d\u00e9guis\u00e9e en acte noble. Peut-\u00eatre que je ne fais qu\u2019\u00e9crire pour oublier que je n\u2019ai rien \u00e0 dire. Peut-\u00eatre que l\u2019\u00e9criture est le pire des divertissements : celui qui te fait croire que tu te lib\u00e8res, alors que tu t\u2019emprisonnes encore plus. Tu ne peux pas te poser autant de questions sur l\u2019\u00e9criture et \u00e9crire en m\u00eame temps, c\u2019est comme si un oiseau essayait de comprendre l\u2019a\u00e9rodynamique en plein vol. Peut-\u00eatre que le seul moment o\u00f9 tu te sens \u00e0 peu pr\u00e8s bien c\u2019est lorsque vous allez vous promener avec S. Parfois vous parlez de tout de rien, parfois m\u00eame vous ne dites rien. Je crois que S. est tout aussi seule que toi, elle ne le manifeste pas de la m\u00eame fa\u00e7on voil\u00e0 tout, et pourquoi le manifester en fin de compte. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2952-1.jpg?1748065130", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/13-septembre-2024.html", "title": "13 septembre 2024", "date_published": "2024-09-13T05:08:00Z", "date_modified": "2025-02-17T01:49:59Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

En recherchant un livre de Pierre Bayard, Comment parler des livres que l\u2019on n\u2019a pas lus ?, je tombe \u00e9videmment sur un autre que je ne cherchais pas : Comment am\u00e9liorer les \u0153uvres rat\u00e9es ?, Minuit, 2000. Je note les trois phases qui forment la structure de l\u2019ouvrage : « Consternation, r\u00e9flexion, am\u00e9lioration. » Puis je r\u00e9fl\u00e9chis. Cette difficult\u00e9 mienne \u00e0 d\u00e9passer la consternation vis-\u00e0-vis de mon propre travail, j\u2019y reviens imm\u00e9diatement. Et soudain, est-ce de la r\u00e9flexion, je n\u2019en sais rien, mais la lucidit\u00e9 me para\u00eet toujours \u00eatre la premi\u00e8re responsable de cette consternation. Elle surgit plus ou moins rapidement, voil\u00e0 le probl\u00e8me avec la lucidit\u00e9. Cependant, si l\u2019on \u00e9tait lucide sur tout ce que l\u2019on d\u00e9sire entreprendre, et ce d\u00e8s le d\u00e9part, on ne ficherait rien du tout.<\/p>\n

On peut ainsi rater une vie par manque de lucidit\u00e9. Au bout du compte, elle sera quand m\u00eame r\u00e9ussie sur ce point : on ne meurt pas totalement ignorant de ce qu\u2019elle exigeait. La lucidit\u00e9 doit certainement se construire lentement, peu \u00e0 peu, vie apr\u00e8s vie, tant cette derni\u00e8re valide \u00e0 elle seule la th\u00e9orie de la r\u00e9incarnation et des m\u00e9tempsychoses.<\/p>\n

Est-on jamais lucide d\u2019un seul coup ? La lucidit\u00e9 est-elle un genre de champignon ? J\u2019en doute. En cela, elle ressemble \u00e0 l\u2019intuition, elle est probablement le fruit de l\u2019exp\u00e9rience, tombant avec fracas d\u2019une branche invisible. Exp\u00e9rience d\u2019une seule vie, de plusieurs, qu\u2019est-ce que \u00e7a change ? Rien.<\/p>\n

Si tout ce que j\u2019\u00e9cris est mauvais, alors je ne me rends compte de rien, et la lucidit\u00e9 n\u2019est qu\u2019un autre nom pour l\u2019habitude, un r\u00e9flexe. Fille de la vell\u00e9it\u00e9, de la faiblesse, ou d\u2019une certaine forme d\u2019avarice ou de paresse. En revanche, si j\u2019ai r\u00e9ussi un ou deux textes dans cet ensemble, les probl\u00e8mes commencent. J\u2019ai un \u00e9l\u00e9ment de comparaison. \u00c0 l\u2019aune de cette r\u00e9ussite, je peux enfin mesurer lucidement mes \u00e9checs.<\/p>\n

On peut ensuite se demander si cela vaut le coup de perdre son temps en comparaisons et flagellations. Ce qui rend d\u2019une logique implacable le fait de continuer \u00e0 rater sans rel\u00e2che, plut\u00f4t que de ne rien faire. Et si c\u2019est r\u00e9ussi, c\u2019est soit un coup de chance, soit ce sont les autres qui le diront, et encore, si \u00e7a leur chante.<\/p>\n

Puis, au bout de ces quelques paragraphes, la consternation ne tarde pas. Encore un coup d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau, encore une porte ouverte enfonc\u00e9e. Il est possible que le fragment ne soit qu\u2019un copeau d\u2019une lucidit\u00e9 qu\u2019on aiguise, d\u2019un crayon que l\u2019on taille.<\/p>\n

Essayons la r\u00e9flexion. Ce qui r\u00e9sonne. Dans cette sensation commune de d\u00e9faite : d\u00e9faite d\u2019un monde, d\u00e9faite d\u2019un r\u00eave, une sensation accompagne l\u2019id\u00e9e, morose, la fin de la partie, la fin de la f\u00eate. La d\u00e9faite est donc au moins, d\u2019une mani\u00e8re sonore, une « d\u00e9-f\u00eate ». Ce qui tombe bien, car je d\u00e9teste en g\u00e9n\u00e9ral les f\u00eates. Ce malaise incontr\u00f4lable que j\u2019\u00e9prouve sur le seuil de toute f\u00eate, comme si d\u00e8s le seuil j\u2019en \u00e9tais aussit\u00f4t exclu. L\u2019irruption de cette lucidit\u00e9, \u00e0 chaque fois \u00e0 l\u2019or\u00e9e des f\u00eates. Peut-\u00eatre que ce n\u2019est autre chose que de la lucidit\u00e9, ce n\u2019est peut-\u00eatre pas le bon mot, il faut aussi \u00eatre conscient de cela, en \u00eatre lucide. Peut-\u00eatre que c\u2019est un exc\u00e8s de sensibilit\u00e9, de la sensiblerie, une absence douloureuse de consistance qui tente, toujours en vain, de s\u2019extirper et qui rate, rate, rate encore, rate toujours.<\/p>\n

De la rate au foie, il n\u2019y a pas une bien grande distance, cinq ou dix centim\u00e8tres suivant la morphologie des individus, la position que le corps prend lorsqu\u2019il se redresse ou, au contraire, se plie.<\/p>\n

J\u2019\u00e9vite de penser \u00e0 la lecture \u00e0 voix haute quand j\u2019\u00e9cris. Je ne veux absolument pas entendre parler de lecture \u00e0 voix haute. Je m\u2019arc-boute l\u00e0-dessus tellement qu\u2019il est \u00e9vident que \u00e7a ne va pas tarder \u00e0 arriver.<\/p>\n

Il y a un an que je ne publie plus rien sur ma cha\u00eene YouTube. Parfois, je re\u00e7ois encore des notifications, des commentaires sur telle ou telle vid\u00e9o, et je reste de marbre. L\u2019impression que tout cela n\u2019a pas servi \u00e0 grand-chose, que c\u2019est du blabla, du divertissement, une fuite. Mais quand ce peintre m\u2019appelle au t\u00e9l\u00e9phone pour me demander si je donne des stages, je suis dans mon cadre quotidien, durant cinq bonnes minutes, j\u2019imagine quelqu\u2019un vivant dans une commune environnante. Peu \u00e0 peu, les choses s\u2019\u00e9claircissent quand il me parle de ma cha\u00eene qu\u2019il vient de d\u00e9couvrir et qui l\u2019enchante. Il me propose de venir passer une semaine de vacances \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de Bayonne. D\u00e9sar\u00e7onn\u00e9 compl\u00e8tement par cette proposition, je temporise, pr\u00e9texte un emploi du temps charg\u00e9\u2026 peut-\u00eatre plus simple l\u2019\u00e9t\u00e9\u2026 etc.<\/p>\n

Le r\u00e9sultat final est encore du domaine du conflit, faire ou ne pas faire. Et puis ce passage du Mahabharata o\u00f9 les fr\u00e8res ne comprennent pas le p\u00e8re, qui ne cherche pas \u00e0 se venger, qui accepte l\u2019exil de treize ans sans broncher et qui tente de s\u2019accrocher \u00e0 la Vertu, au pardon, \u00e0 l\u2019acceptation comme \u00e9tant les valeurs les plus hautes dont il ne veut pas s\u2019\u00e9carter.<\/p>\n

Cependant, Arjuna est d\u00e9p\u00each\u00e9 pour aller qu\u00e9rir les armes les plus puissantes des dieux. Et s\u2019il faut aller jusqu\u2019\u00e0 m\u00e9diter en se tenant sur un seul orteil tout en haut de l\u2019Himalaya, le bougre n\u2019h\u00e9site pas.<\/p>\n

Dans l\u2019affaissement le plus sinc\u00e8re comme dans le courage le plus \u00e9lev\u00e9, il y a un point commun, encore difficile \u00e0 discerner, ou que l\u2019on refuse de discerner. Se fondre totalement dans quelque chose de plus grand que soi\u2026 Mais pour que l\u2019alchimie op\u00e8re, tout risque de vanit\u00e9 ou de m\u00e9pris de soi doit d\u2019abord \u00eatre \u00e9cart\u00e9.<\/p>\n

Lu un article dans lequel je d\u00e9couvre que cette m\u00e9ditation d\u2019Arjuna a \u00e9t\u00e9 mise en sc\u00e8ne dans le th\u00e9atre de marionnettes balinais depuis plus de 1000 ans.<\/p>", "content_text": "En recherchant un livre de Pierre Bayard, Comment parler des livres que l\u2019on n\u2019a pas lus ?, je tombe \u00e9videmment sur un autre que je ne cherchais pas : Comment am\u00e9liorer les \u0153uvres rat\u00e9es ?, Minuit, 2000. Je note les trois phases qui forment la structure de l\u2019ouvrage : \u00ab Consternation, r\u00e9flexion, am\u00e9lioration. \u00bb Puis je r\u00e9fl\u00e9chis. Cette difficult\u00e9 mienne \u00e0 d\u00e9passer la consternation vis-\u00e0-vis de mon propre travail, j\u2019y reviens imm\u00e9diatement. Et soudain, est-ce de la r\u00e9flexion, je n\u2019en sais rien, mais la lucidit\u00e9 me para\u00eet toujours \u00eatre la premi\u00e8re responsable de cette consternation. Elle surgit plus ou moins rapidement, voil\u00e0 le probl\u00e8me avec la lucidit\u00e9. Cependant, si l\u2019on \u00e9tait lucide sur tout ce que l\u2019on d\u00e9sire entreprendre, et ce d\u00e8s le d\u00e9part, on ne ficherait rien du tout. On peut ainsi rater une vie par manque de lucidit\u00e9. Au bout du compte, elle sera quand m\u00eame r\u00e9ussie sur ce point : on ne meurt pas totalement ignorant de ce qu\u2019elle exigeait. La lucidit\u00e9 doit certainement se construire lentement, peu \u00e0 peu, vie apr\u00e8s vie, tant cette derni\u00e8re valide \u00e0 elle seule la th\u00e9orie de la r\u00e9incarnation et des m\u00e9tempsychoses. Est-on jamais lucide d\u2019un seul coup ? La lucidit\u00e9 est-elle un genre de champignon ? J\u2019en doute. En cela, elle ressemble \u00e0 l\u2019intuition, elle est probablement le fruit de l\u2019exp\u00e9rience, tombant avec fracas d\u2019une branche invisible. Exp\u00e9rience d\u2019une seule vie, de plusieurs, qu\u2019est-ce que \u00e7a change ? Rien. Si tout ce que j\u2019\u00e9cris est mauvais, alors je ne me rends compte de rien, et la lucidit\u00e9 n\u2019est qu\u2019un autre nom pour l\u2019habitude, un r\u00e9flexe. Fille de la vell\u00e9it\u00e9, de la faiblesse, ou d\u2019une certaine forme d\u2019avarice ou de paresse. En revanche, si j\u2019ai r\u00e9ussi un ou deux textes dans cet ensemble, les probl\u00e8mes commencent. J\u2019ai un \u00e9l\u00e9ment de comparaison. \u00c0 l\u2019aune de cette r\u00e9ussite, je peux enfin mesurer lucidement mes \u00e9checs. On peut ensuite se demander si cela vaut le coup de perdre son temps en comparaisons et flagellations. Ce qui rend d\u2019une logique implacable le fait de continuer \u00e0 rater sans rel\u00e2che, plut\u00f4t que de ne rien faire. Et si c\u2019est r\u00e9ussi, c\u2019est soit un coup de chance, soit ce sont les autres qui le diront, et encore, si \u00e7a leur chante. Puis, au bout de ces quelques paragraphes, la consternation ne tarde pas. Encore un coup d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau, encore une porte ouverte enfonc\u00e9e. Il est possible que le fragment ne soit qu\u2019un copeau d\u2019une lucidit\u00e9 qu\u2019on aiguise, d\u2019un crayon que l\u2019on taille. Essayons la r\u00e9flexion. Ce qui r\u00e9sonne. Dans cette sensation commune de d\u00e9faite : d\u00e9faite d\u2019un monde, d\u00e9faite d\u2019un r\u00eave, une sensation accompagne l\u2019id\u00e9e, morose, la fin de la partie, la fin de la f\u00eate. La d\u00e9faite est donc au moins, d\u2019une mani\u00e8re sonore, une \u00ab d\u00e9-f\u00eate \u00bb. Ce qui tombe bien, car je d\u00e9teste en g\u00e9n\u00e9ral les f\u00eates. Ce malaise incontr\u00f4lable que j\u2019\u00e9prouve sur le seuil de toute f\u00eate, comme si d\u00e8s le seuil j\u2019en \u00e9tais aussit\u00f4t exclu. L\u2019irruption de cette lucidit\u00e9, \u00e0 chaque fois \u00e0 l\u2019or\u00e9e des f\u00eates. Peut-\u00eatre que ce n\u2019est autre chose que de la lucidit\u00e9, ce n\u2019est peut-\u00eatre pas le bon mot, il faut aussi \u00eatre conscient de cela, en \u00eatre lucide. Peut-\u00eatre que c\u2019est un exc\u00e8s de sensibilit\u00e9, de la sensiblerie, une absence douloureuse de consistance qui tente, toujours en vain, de s\u2019extirper et qui rate, rate, rate encore, rate toujours. De la rate au foie, il n\u2019y a pas une bien grande distance, cinq ou dix centim\u00e8tres suivant la morphologie des individus, la position que le corps prend lorsqu\u2019il se redresse ou, au contraire, se plie. J\u2019\u00e9vite de penser \u00e0 la lecture \u00e0 voix haute quand j\u2019\u00e9cris. Je ne veux absolument pas entendre parler de lecture \u00e0 voix haute. Je m\u2019arc-boute l\u00e0-dessus tellement qu\u2019il est \u00e9vident que \u00e7a ne va pas tarder \u00e0 arriver. Il y a un an que je ne publie plus rien sur ma cha\u00eene YouTube. Parfois, je re\u00e7ois encore des notifications, des commentaires sur telle ou telle vid\u00e9o, et je reste de marbre. L\u2019impression que tout cela n\u2019a pas servi \u00e0 grand-chose, que c\u2019est du blabla, du divertissement, une fuite. Mais quand ce peintre m\u2019appelle au t\u00e9l\u00e9phone pour me demander si je donne des stages, je suis dans mon cadre quotidien, durant cinq bonnes minutes, j\u2019imagine quelqu\u2019un vivant dans une commune environnante. Peu \u00e0 peu, les choses s\u2019\u00e9claircissent quand il me parle de ma cha\u00eene qu\u2019il vient de d\u00e9couvrir et qui l\u2019enchante. Il me propose de venir passer une semaine de vacances \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de Bayonne. D\u00e9sar\u00e7onn\u00e9 compl\u00e8tement par cette proposition, je temporise, pr\u00e9texte un emploi du temps charg\u00e9\u2026 peut-\u00eatre plus simple l\u2019\u00e9t\u00e9\u2026 etc. Le r\u00e9sultat final est encore du domaine du conflit, faire ou ne pas faire. Et puis ce passage du Mahabharata o\u00f9 les fr\u00e8res ne comprennent pas le p\u00e8re, qui ne cherche pas \u00e0 se venger, qui accepte l\u2019exil de treize ans sans broncher et qui tente de s\u2019accrocher \u00e0 la Vertu, au pardon, \u00e0 l\u2019acceptation comme \u00e9tant les valeurs les plus hautes dont il ne veut pas s\u2019\u00e9carter. Cependant, Arjuna est d\u00e9p\u00each\u00e9 pour aller qu\u00e9rir les armes les plus puissantes des dieux. Et s\u2019il faut aller jusqu\u2019\u00e0 m\u00e9diter en se tenant sur un seul orteil tout en haut de l\u2019Himalaya, le bougre n\u2019h\u00e9site pas. Dans l\u2019affaissement le plus sinc\u00e8re comme dans le courage le plus \u00e9lev\u00e9, il y a un point commun, encore difficile \u00e0 discerner, ou que l\u2019on refuse de discerner. Se fondre totalement dans quelque chose de plus grand que soi\u2026 Mais pour que l\u2019alchimie op\u00e8re, tout risque de vanit\u00e9 ou de m\u00e9pris de soi doit d\u2019abord \u00eatre \u00e9cart\u00e9. Lu un article dans lequel je d\u00e9couvre que cette m\u00e9ditation d\u2019Arjuna a \u00e9t\u00e9 mise en sc\u00e8ne dans le th\u00e9atre de marionnettes balinais depuis plus de 1000 ans.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2941.jpg?1748065226", "tags": ["\u00e9criture fragmentaire", "Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-septembre-2024.html", "title": "12 septembre 2024", "date_published": "2024-09-12T05:04:00Z", "date_modified": "2025-02-17T01:50:16Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Ce que c\u2019est qu\u2019une co\u00efncidence, on ne le sait pas. On voudrait bien le savoir, afin d\u2019en tirer des r\u00e8gles, l\u2019exploiter, Dieu seul sait \u00e0 quelles fins. \u00c0 mon avis, pas des plus nobles. Et changer ce mot en un autre vocable, plus scientifique — synchronicit\u00e9 par exemple — indique bien la volont\u00e9 de contr\u00f4le, associ\u00e9e \u00e0 on ne sait trop quelle soi-disant expertise, qui me d\u00e9go\u00fbte au plus haut point. D\u00e9go\u00fbt\u00e9 par cette envie de contr\u00f4le, et par ces vernis de tout bord. Une sorte de maquillage, un trompe-couillon, rien de plus.<\/p>\n

Seulement, la co\u00efncidence existe, voil\u00e0. Et ne pas aller plus loin que cette prise de conscience demande une fermet\u00e9 d\u2019esprit. Admirer le fait que cette sorte de chose existe. Surtout \u00e7a. Ne pas ensuite vouloir en faire un outil, un moyen. Tout comme la po\u00e9sie n\u2019est pas un moyen. Peut-\u00eatre n\u2019est-on po\u00e8te qu\u2019\u00e0 la suite du rejet total et absolu que le moyeu soit le moyen. Ce qui n\u2019emp\u00eache nullement la roue de tourner et d\u2019aspirer tout de sa p\u00e9riph\u00e9rie, que tout devienne moyen de parvenir au moyeu.<\/p>\n

Six personnes se sont inscrites \u00e0 C. Ce qui d\u00e9passe mes esp\u00e9rances, mon pessimisme ordinaire, et le d\u00e9range un peu, si on l\u2019examine attentivement. Et je me demande si je ne prends pas une sorte de plaisir \u00e0 la provocation de mener cette petite troupe dans l\u2019aridit\u00e9 du dessin au fusain. Pire encore, \u00e0 ce lieu o\u00f9 l\u2019on a tant de difficult\u00e9s \u00e0 parvenir : le presque rien en dessin. Et de les voir si ob\u00e9issants, trouvant des raisons certainement autres qu\u2019elles ne sont en r\u00e9alit\u00e9, cela me trouble. Me trouble en tant que singleton, qui par les vibrations alentour pourrait se gonfler d\u2019importance, ou se trouver enchant\u00e9 par l\u2019addition. Sauf une, fort heureusement, d\u00e9j\u00e0 vers\u00e9e dans les r\u00e9criminations pour un oui ou pour un non, comme l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re. Fort heureusement, cela cr\u00e9e ainsi un point d\u2019int\u00e9r\u00eat suppl\u00e9mentaire, m\u2019obligeant \u00e0 ne pas me r\u00e9pandre en justifications.<\/p>\n

me suis d\u00e9got\u00e9 en version epub le livre de Florence Delay, Dit Nerval. M\u00eame impression que la narratrice concernant les \u00e9lectrochocs. Un seul \u00e9lectrochoc, on ne voit pas tr\u00e8s bien ce que c\u2019est, on a juste l\u2019impression de savoir. Mais le pluriel\u2026 Et presque aussit\u00f4t apr\u00e8s, l\u2019\u00e9vocation de la guerre de 14-18, le grand-p\u00e8re chirurgien. Pens\u00e9e fugace pour un entretien entendu, o\u00f9 P.B \u00e9voque plusieurs \u00e9crivains, dont lui-m\u00eame, qui ont v\u00e9cu sans p\u00e8re en raison de ce massacre. Pens\u00e9e aussi pour Julien Gracq, qui dans la m\u00eame entrevue, \u00e9voque son Balcon en for\u00eat et prend grand soin de pr\u00e9ciser que ce texte-l\u00e0 n\u2019est pas du tout autobiographique. Toujours cette pudeur, cette g\u00eane \u00e0 ne pas vouloir parler de soi. Respectable, certainement, mais parfois, cela laisse une impression de carcan. Se promener dans l\u2019existence ainsi, en tant qu\u2019\u0153il, sans jamais vraiment vouloir admettre que cet \u0153il est le sien.<\/p>\n

La g\u00eane a souvent chang\u00e9 de bord, ces hontes notamment quand je m\u2019\u00e9tais aper\u00e7u de ce mot d\u2019ordre, qu\u2019\u00e9crire n\u2019avait rien \u00e0 voir avec parler de sa petite personne. Encore eut-il fallu que j\u2019accepte d\u2019\u00e9crire moi-m\u00eame, ce qui aura toujours \u00e9t\u00e9 un doute parmi tant d\u2019autres.<\/p>\n

Cette expression, ce verbe, conjugu\u00e9 au pr\u00e9sent et \u00e0 la premi\u00e8re personne du singulier : « j\u2019\u00e9cris ». Il est d\u2019ailleurs rare que je l\u2019emploie en public. C\u2019est, je crois, parce que tout le monde \u00e9crit plus ou moins, qu\u2019il le sache ou non. Donc, rien d\u2019original \u00e0 s\u2019en vanter, au contraire.<\/p>", "content_text": "Ce que c\u2019est qu\u2019une co\u00efncidence, on ne le sait pas. On voudrait bien le savoir, afin d\u2019en tirer des r\u00e8gles, l\u2019exploiter, Dieu seul sait \u00e0 quelles fins. \u00c0 mon avis, pas des plus nobles. Et changer ce mot en un autre vocable, plus scientifique \u2014 synchronicit\u00e9 par exemple \u2014 indique bien la volont\u00e9 de contr\u00f4le, associ\u00e9e \u00e0 on ne sait trop quelle soi-disant expertise, qui me d\u00e9go\u00fbte au plus haut point. D\u00e9go\u00fbt\u00e9 par cette envie de contr\u00f4le, et par ces vernis de tout bord. Une sorte de maquillage, un trompe-couillon, rien de plus. Seulement, la co\u00efncidence existe, voil\u00e0. Et ne pas aller plus loin que cette prise de conscience demande une fermet\u00e9 d\u2019esprit. Admirer le fait que cette sorte de chose existe. Surtout \u00e7a. Ne pas ensuite vouloir en faire un outil, un moyen. Tout comme la po\u00e9sie n\u2019est pas un moyen. Peut-\u00eatre n\u2019est-on po\u00e8te qu\u2019\u00e0 la suite du rejet total et absolu que le moyeu soit le moyen. Ce qui n\u2019emp\u00eache nullement la roue de tourner et d\u2019aspirer tout de sa p\u00e9riph\u00e9rie, que tout devienne moyen de parvenir au moyeu. Six personnes se sont inscrites \u00e0 C. Ce qui d\u00e9passe mes esp\u00e9rances, mon pessimisme ordinaire, et le d\u00e9range un peu, si on l\u2019examine attentivement. Et je me demande si je ne prends pas une sorte de plaisir \u00e0 la provocation de mener cette petite troupe dans l\u2019aridit\u00e9 du dessin au fusain. Pire encore, \u00e0 ce lieu o\u00f9 l\u2019on a tant de difficult\u00e9s \u00e0 parvenir : le presque rien en dessin. Et de les voir si ob\u00e9issants, trouvant des raisons certainement autres qu\u2019elles ne sont en r\u00e9alit\u00e9, cela me trouble. Me trouble en tant que singleton, qui par les vibrations alentour pourrait se gonfler d\u2019importance, ou se trouver enchant\u00e9 par l\u2019addition. Sauf une, fort heureusement, d\u00e9j\u00e0 vers\u00e9e dans les r\u00e9criminations pour un oui ou pour un non, comme l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re. Fort heureusement, cela cr\u00e9e ainsi un point d\u2019int\u00e9r\u00eat suppl\u00e9mentaire, m\u2019obligeant \u00e0 ne pas me r\u00e9pandre en justifications. me suis d\u00e9got\u00e9 en version epub le livre de Florence Delay, Dit Nerval. M\u00eame impression que la narratrice concernant les \u00e9lectrochocs. Un seul \u00e9lectrochoc, on ne voit pas tr\u00e8s bien ce que c\u2019est, on a juste l\u2019impression de savoir. Mais le pluriel\u2026 Et presque aussit\u00f4t apr\u00e8s, l\u2019\u00e9vocation de la guerre de 14-18, le grand-p\u00e8re chirurgien. Pens\u00e9e fugace pour un entretien entendu, o\u00f9 P.B \u00e9voque plusieurs \u00e9crivains, dont lui-m\u00eame, qui ont v\u00e9cu sans p\u00e8re en raison de ce massacre. Pens\u00e9e aussi pour Julien Gracq, qui dans la m\u00eame entrevue, \u00e9voque son Balcon en for\u00eat et prend grand soin de pr\u00e9ciser que ce texte-l\u00e0 n\u2019est pas du tout autobiographique. Toujours cette pudeur, cette g\u00eane \u00e0 ne pas vouloir parler de soi. Respectable, certainement, mais parfois, cela laisse une impression de carcan. Se promener dans l\u2019existence ainsi, en tant qu\u2019\u0153il, sans jamais vraiment vouloir admettre que cet \u0153il est le sien. La g\u00eane a souvent chang\u00e9 de bord, ces hontes notamment quand je m\u2019\u00e9tais aper\u00e7u de ce mot d\u2019ordre, qu\u2019\u00e9crire n\u2019avait rien \u00e0 voir avec parler de sa petite personne. Encore eut-il fallu que j\u2019accepte d\u2019\u00e9crire moi-m\u00eame, ce qui aura toujours \u00e9t\u00e9 un doute parmi tant d\u2019autres. Cette expression, ce verbe, conjugu\u00e9 au pr\u00e9sent et \u00e0 la premi\u00e8re personne du singulier : \u00ab j\u2019\u00e9cris \u00bb. Il est d\u2019ailleurs rare que je l\u2019emploie en public. C\u2019est, je crois, parce que tout le monde \u00e9crit plus ou moins, qu\u2019il le sache ou non. Donc, rien d\u2019original \u00e0 s\u2019en vanter, au contraire. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2947.jpg?1748065099", "tags": ["Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-septembre-2024.html", "title": "11 septembre 2024", "date_published": "2024-09-11T04:59:00Z", "date_modified": "2025-09-30T03:37:19Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

L\u2019expression « fuite en avant ».
\n\u00c0 travers les fen\u00eatres du bistrot, celui qui reste assis aper\u00e7oit des gens courir dans la rue. Ils vont tomber sur les forces de l\u2019ordre, peut-\u00eatre s\u2019y opposer. L\u2019id\u00e9e de faire partie de l\u2019\u00e9v\u00e9nement, d\u2019entrer dans l\u2019histoire, de faire quelque chose plut\u00f4t que rien, d\u2019agir, m\u00eame si c\u2019est peine perdue, en d\u00e9pit du bon sens. Et la col\u00e8re monte, donne du c\u0153ur au ventre, les meut.<\/p>\n

« C\u2019est toujours la m\u00eame histoire », dit quelqu\u2019un assis \u00e0 c\u00f4t\u00e9.
\n« \u00c7a fait partie de la ritournelle », r\u00e9pond un autre.
\n« Ils sont peut-\u00eatre d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s », sugg\u00e8re une femme.
\n« Qui a dit que le d\u00e9sespoir est une bonne chose ? » reprend celui qui observe tour \u00e0 tour la salle et la rue. « Ceux qui sont d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s, qu\u2019attendent-ils ? Ils attendent l\u2019espoir, voil\u00e0 ce qu\u2019ils veulent. Et quand ils verront la mascarade, quand ils seront persuad\u00e9s qu\u2019il s\u2019agit encore d\u2019une blague, ils reviendront \u00e0 leur d\u00e9sespoir, et ainsi de suite. »<\/p>\n

« Donc il faut se tenir loin de l\u2019espoir, dis-tu ? Ce n\u2019est pas humain comme position. C\u2019est une position solitaire, coup\u00e9e du monde, un d\u00e9sert glac\u00e9. »
\n« Tu n\u2019as donc rien compris, ce n\u2019est pas l\u2019espoir ou le d\u00e9sespoir l\u2019important, c\u2019est d\u2019\u00eatre ensemble, comme ici, dans ce bistrot. »<\/p>\n

Pendant ce temps, le 25 novembre 2012, \u00e0 Gruy\u00e8re, \u00e0 Villars-sous-Mont, les Suisses c\u00e9l\u00e8brent seuls les 200 ans de la B\u00e9r\u00e9zina, car des Suisses y \u00e9taient. L\u2019\u00e9v\u00e9nement est si peu connu des cantons environnants, dans toute la Suisse, qu\u2019ils seront bien les seuls \u00e0 le c\u00e9l\u00e9brer.<\/p>\n

« Ne perdons pas espoir, ne perdons pas la m\u00e9moire, restons unis, et chantons en ch\u0153ur : Ah, le petit vin blanc », dit une voix enjou\u00e9e.<\/p>\n

« Ce ne serait pas \u00e7a exactement, « une fuite en avant » ? » conclut le loufiat, en nettoyant une table vide.<\/p>\n

Comment parvenir peu \u00e0 peu \u00e0 s\u2019extraire totalement de la surface des choses, sans que \u00e7a ne se voie trop ?
\nQuestion bizarre, n\u2019est-ce pas ? Il en \u00e9tait presque fier de sa question. Elle allait faire sa journ\u00e9e, comme on dit. Sauf que, le soir venu, \u00e0 l\u2019heure du d\u00eener, sa place \u00e9tait vide. Il n\u2019\u00e9tait pas rentr\u00e9. Il revint dix ans plus tard, comme si rien ne s\u2019\u00e9tait pass\u00e9. Et effectivement, rien ne s\u2019\u00e9tait vraiment pass\u00e9. Il ne savait pas s\u2019il fallait en \u00eatre chagrin ou en col\u00e8re. Il se sentait plus balaud qu\u2019autre chose.<\/p>\n

Puis ce fut \u00e0 leur tour de dispara\u00eetre, les uns apr\u00e8s les autres. Sauf qu\u2019on savait o\u00f9 ils \u00e9taient. Il suffisait de se rendre au cimeti\u00e8re de Valenton, ou encore \u00e0 celui de Vallon. Mais ce qu\u2019il trouvait l\u00e0-bas, les quelques fois o\u00f9 il avait voulu les « voir », \u00e9tait encore bien pire que l\u2019absence.<\/p>\n

S\u2019effacer petit \u00e0 petit, en parlant de moins en moins. Pas d\u2019un seul coup, \u00e7a se verrait trop. On penserait encore qu\u2019il boude.<\/p>\n

Ce trou dans les carri\u00e8res, par exemple, et tous les autres trous qui vinrent \u00e0 sa suite. S\u2019enfoncer dans un trou, progresser lentement dans un tunnel qu\u2019on creuse comme une taupe aveugle. C\u2019est l\u00e0, seulement dans ce mouvement, cette progression, qu\u2019il se sentait vraiment vivant, se dit-il.<\/p>\n

On imagine qu\u2019il fit de m\u00eame \u00e0 la marge du champ de bataille : il rampa pour atteindre la neige blanche, tra\u00eenant derri\u00e8re lui une tra\u00een\u00e9e de sang rouge, mais ce n\u2019\u00e9tait pas le sien. Puis, parvenu dans le silence, dans la nuit noire, il creusa la neige, cherchant \u00e0 atteindre la terre ti\u00e8de. Mais il n\u2019avait plus de main, seulement de grosses pattes insensibles.<\/p>\n

\u00c0 la nuit tomb\u00e9e, une femme sortit de la maison et cria un pr\u00e9nom, une fois, deux fois. Pas de r\u00e9ponse. L\u2019obscurit\u00e9 ne renvoyait que l\u2019obscurit\u00e9 \u2013 c\u2019\u00e9tait d\u00e9chirant.<\/p>\n

Enfin, il s\u2019allongea. Il chercha un moment les cents noms pour nommer le soleil. Il ne r\u00e9ussit qu\u2019\u00e0 en retrouver dix. C\u2019\u00e9tait suffisant pour s\u2019aveugler quand m\u00eame, sombrer dans la r\u00eaverie, s\u2019absenter.<\/p>\n

Les deux hommes se retrouvent ainsi juste avant de devoir passer la Berezina, et c\u2019est apr\u00e8s ce passage que l\u2019auteur est captur\u00e9 par les cosaques. Commence alors la seconde partie des M\u00e9moires, \u00e9voquant les temps de sa violente captivit\u00e9, de laquelle il ne parvient \u00e0 survivre (deux survivants sur trois cents) que parce qu\u2019un g\u00e9n\u00e9ral russe cherchait un professeur de piano pour ses filles. Apr\u00e8s cette lib\u00e9ration, il doit encore se faire passer pour un paysan polonais durant presque un an avant de pouvoir regagner la France, qu\u2019il quitta imp\u00e9riale en 1812 pour la retrouver monarchique en juillet 1814. ( M\u00e9moires de Jean-Baptiste Mathieu de Vienne, auditeur au Conseil d\u2019Etat \u00e0 l\u2019\u00e9poque de la B\u00e9r\u00e9sina)<\/p>", "content_text": "L\u2019expression \u00ab fuite en avant \u00bb. \u00c0 travers les fen\u00eatres du bistrot, celui qui reste assis aper\u00e7oit des gens courir dans la rue. Ils vont tomber sur les forces de l\u2019ordre, peut-\u00eatre s\u2019y opposer. L\u2019id\u00e9e de faire partie de l\u2019\u00e9v\u00e9nement, d\u2019entrer dans l\u2019histoire, de faire quelque chose plut\u00f4t que rien, d\u2019agir, m\u00eame si c\u2019est peine perdue, en d\u00e9pit du bon sens. Et la col\u00e8re monte, donne du c\u0153ur au ventre, les meut. \u00ab C\u2019est toujours la m\u00eame histoire \u00bb, dit quelqu\u2019un assis \u00e0 c\u00f4t\u00e9. \u00ab \u00c7a fait partie de la ritournelle \u00bb, r\u00e9pond un autre. \u00ab Ils sont peut-\u00eatre d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s \u00bb, sugg\u00e8re une femme. \u00ab Qui a dit que le d\u00e9sespoir est une bonne chose ? \u00bb reprend celui qui observe tour \u00e0 tour la salle et la rue. \u00ab Ceux qui sont d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s, qu\u2019attendent-ils ? Ils attendent l\u2019espoir, voil\u00e0 ce qu\u2019ils veulent. Et quand ils verront la mascarade, quand ils seront persuad\u00e9s qu\u2019il s\u2019agit encore d\u2019une blague, ils reviendront \u00e0 leur d\u00e9sespoir, et ainsi de suite. \u00bb \u00ab Donc il faut se tenir loin de l\u2019espoir, dis-tu ? Ce n\u2019est pas humain comme position. C\u2019est une position solitaire, coup\u00e9e du monde, un d\u00e9sert glac\u00e9. \u00bb \u00ab Tu n\u2019as donc rien compris, ce n\u2019est pas l\u2019espoir ou le d\u00e9sespoir l\u2019important, c\u2019est d\u2019\u00eatre ensemble, comme ici, dans ce bistrot. \u00bb Pendant ce temps, le 25 novembre 2012, \u00e0 Gruy\u00e8re, \u00e0 Villars-sous-Mont, les Suisses c\u00e9l\u00e8brent seuls les 200 ans de la B\u00e9r\u00e9zina, car des Suisses y \u00e9taient. L\u2019\u00e9v\u00e9nement est si peu connu des cantons environnants, dans toute la Suisse, qu\u2019ils seront bien les seuls \u00e0 le c\u00e9l\u00e9brer. \u00ab Ne perdons pas espoir, ne perdons pas la m\u00e9moire, restons unis, et chantons en ch\u0153ur : Ah, le petit vin blanc \u00bb, dit une voix enjou\u00e9e. \u00ab Ce ne serait pas \u00e7a exactement, \u00ab une fuite en avant \u00bb ? \u00bb conclut le loufiat, en nettoyant une table vide. Comment parvenir peu \u00e0 peu \u00e0 s\u2019extraire totalement de la surface des choses, sans que \u00e7a ne se voie trop ? Question bizarre, n\u2019est-ce pas ? Il en \u00e9tait presque fier de sa question. Elle allait faire sa journ\u00e9e, comme on dit. Sauf que, le soir venu, \u00e0 l\u2019heure du d\u00eener, sa place \u00e9tait vide. Il n\u2019\u00e9tait pas rentr\u00e9. Il revint dix ans plus tard, comme si rien ne s\u2019\u00e9tait pass\u00e9. Et effectivement, rien ne s\u2019\u00e9tait vraiment pass\u00e9. Il ne savait pas s\u2019il fallait en \u00eatre chagrin ou en col\u00e8re. Il se sentait plus balaud qu\u2019autre chose. Puis ce fut \u00e0 leur tour de dispara\u00eetre, les uns apr\u00e8s les autres. Sauf qu\u2019on savait o\u00f9 ils \u00e9taient. Il suffisait de se rendre au cimeti\u00e8re de Valenton, ou encore \u00e0 celui de Vallon. Mais ce qu\u2019il trouvait l\u00e0-bas, les quelques fois o\u00f9 il avait voulu les \u00ab voir \u00bb, \u00e9tait encore bien pire que l\u2019absence. S\u2019effacer petit \u00e0 petit, en parlant de moins en moins. Pas d\u2019un seul coup, \u00e7a se verrait trop. On penserait encore qu\u2019il boude. Ce trou dans les carri\u00e8res, par exemple, et tous les autres trous qui vinrent \u00e0 sa suite. S\u2019enfoncer dans un trou, progresser lentement dans un tunnel qu\u2019on creuse comme une taupe aveugle. C\u2019est l\u00e0, seulement dans ce mouvement, cette progression, qu\u2019il se sentait vraiment vivant, se dit-il. On imagine qu\u2019il fit de m\u00eame \u00e0 la marge du champ de bataille : il rampa pour atteindre la neige blanche, tra\u00eenant derri\u00e8re lui une tra\u00een\u00e9e de sang rouge, mais ce n\u2019\u00e9tait pas le sien. Puis, parvenu dans le silence, dans la nuit noire, il creusa la neige, cherchant \u00e0 atteindre la terre ti\u00e8de. Mais il n\u2019avait plus de main, seulement de grosses pattes insensibles. \u00c0 la nuit tomb\u00e9e, une femme sortit de la maison et cria un pr\u00e9nom, une fois, deux fois. Pas de r\u00e9ponse. L\u2019obscurit\u00e9 ne renvoyait que l\u2019obscurit\u00e9 \u2013 c\u2019\u00e9tait d\u00e9chirant. Enfin, il s\u2019allongea. Il chercha un moment les cents noms pour nommer le soleil. Il ne r\u00e9ussit qu\u2019\u00e0 en retrouver dix. C\u2019\u00e9tait suffisant pour s\u2019aveugler quand m\u00eame, sombrer dans la r\u00eaverie, s\u2019absenter. Les deux hommes se retrouvent ainsi juste avant de devoir passer la Berezina, et c\u2019est apr\u00e8s ce passage que l\u2019auteur est captur\u00e9 par les cosaques. Commence alors la seconde partie des M\u00e9moires, \u00e9voquant les temps de sa violente captivit\u00e9, de laquelle il ne parvient \u00e0 survivre (deux survivants sur trois cents) que parce qu\u2019un g\u00e9n\u00e9ral russe cherchait un professeur de piano pour ses filles. Apr\u00e8s cette lib\u00e9ration, il doit encore se faire passer pour un paysan polonais durant presque un an avant de pouvoir regagner la France, qu\u2019il quitta imp\u00e9riale en 1812 pour la retrouver monarchique en juillet 1814. ( M\u00e9moires de Jean-Baptiste Mathieu de Vienne, auditeur au Conseil d\u2019Etat \u00e0 l\u2019\u00e9poque de la B\u00e9r\u00e9sina)", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2921.jpg?1748065173", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina", "\u00e9criture fragmentaire", "po\u00e9sie du quotidien"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-septembre-2024.html", "title": "10 septembre 2024", "date_published": "2024-09-10T04:56:00Z", "date_modified": "2025-09-30T03:39:07Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

La raison, \u00eatre « raisonnable », se raisonner, raison garder, perdre la raison, voil\u00e0 ce qui me vient en tout premier. Raison que j\u2019associe aussit\u00f4t au bon sens, \u00e0 une id\u00e9e que je me suis toujours fabriqu\u00e9e de l\u2019humanisme. Ce mot semble appartenir \u00e0 un monde ancien, un monde qui me pousse gentiment vers la sortie. Il est possible que la lecture du Mahabharata influence cette pens\u00e9e. On prend conscience de l\u2019aspect cyclique des \u00e9v\u00e9nements, des caract\u00e8res, de l\u2019alternance entre la destruction et la cr\u00e9ation des mondes. Sans doute avec plus d\u2019acuit\u00e9 lorsque l\u2019on est r\u00e9ellement face \u00e0 ce chaos. L\u2019\u00e9tourdissante sensation de ne plus vraiment savoir ce qui, depuis toujours, nous semblait \u00eatre bien et mal. Les doutes concernant nos propres jugements. Nous ne savons plus rien et sans doute est-ce le but recherch\u00e9 par\u2026 on ne sait pas tr\u00e8s bien qui, au final. Mais on pourrait donner un terme g\u00e9n\u00e9rique : le Mal, l\u2019Inf\u00e2me, l\u2019Abject. Cependant, je reste persuad\u00e9 qu\u2019on ne construit pas le bien sur le dos du mal, et en ce sens, je reste r\u00e9solument manich\u00e9en, ou bonhomme, comme ils voudront m\u2019appeler. Ce qui ne veut pas dire noir et blanc, comme on le croit souvent. Sans doute parce que l\u2019Empire, ou l\u2019\u00c9glise catholique, les deux, nous ont fourr\u00e9 ce monde binaire en t\u00eate. Adorer une croix, quelle horreur quand on y pense, ou plut\u00f4t quelle ineptie.<\/p>\n

Les contraires se valent, chacun ayant sa raison d\u2019\u00eatre, comme les faces d\u2019une m\u00e9daille, d\u2019un symbole. Le probl\u00e8me est la terreur qu\u2019on laisse entrer en soi si ais\u00e9ment, qu\u2019elle nous d\u00e9range, nous d\u00e9truit peu \u00e0 peu, embrase le peu qu\u2019il nous reste alors, le m\u00e9tamorphosant en rage, en col\u00e8re, en une faiblesse inou\u00efe qui nous ach\u00e8ve. Je suis contre, \u00e9videmment. Je parie sur le sourire, envers et contre tout, sur l\u2019humour, en prenant soin cependant de ne pas glisser vers l\u2019ironie. Un pari pascalien, si l\u2019on veut. Qu\u2019ai-je \u00e0 perdre, qu\u2019ai-je \u00e0 y gagner, m\u00eame pas. Le seul fait de penser au d\u00e9compte des jours qu\u2019il me reste me suffit. Ne pas ab\u00eemer, ne pas g\u00e2cher, \u00eatre du c\u00f4t\u00e9 de la vie si possible, toute vie, car j\u2019ai travers\u00e9 la mort, ce grand d\u00e9sert inhabit\u00e9, et j\u2019ai senti \u00e0 quel point le n\u00e9ant m\u2019habitait, comment il d\u00e9sirait que je m\u2019efface seul face \u00e0 lui. Il voulait \u00eatre l\u2019empereur du monde, et moi, je veux seulement vivre ma vie comme je l\u2019entends.<\/p>\n

Un peu pompeux, mais c\u2019est l\u2019id\u00e9e.<\/p>\n

La guerre d\u2019en bas est la manifestation d\u2019une guerre se d\u00e9roulant dans les cieux, dans l\u2019univers, depuis le tout d\u00e9but de sa cr\u00e9ation. L\u2019amour, la guerre, les deux oppos\u00e9s, pense-t-on, alors que ce ne sont que des forces aveugles. Mais toi qui vois, toi seul peux donner du sens \u00e0 tout cela. \u00c0 commencer par te donner une raison de vivre, pour toi d\u2019abord, car charit\u00e9 bien ordonn\u00e9e commence par soi-m\u00eame.<\/p>\n

Et les ragots, les potins, la rumeur se d\u00e9ployant sans cesse, si attirants dans tes moments de faiblesse, te rapprochant des autres, penses-tu. La plus habituelle teneur de nos conversations. La fatigue \u00e0 les \u00e9couter est \u00e9gale \u00e0 celle de d\u00e9sirer les repousser. C\u2019est donc un bruit de fond perp\u00e9tuel et il faut faire avec. Garder l\u2019\u00e9quilibre consiste alors \u00e0 ne pas refuser compl\u00e8tement d\u2019\u00e9couter, tout en restant bien silencieux \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, sans sombrer dans le jugement.<\/p>\n

Il y a toujours un aspect spirituel \u00e0 tout ce que nous faisons, une part invisible de nous-m\u00eames, un enjeu d\u2019\u00e2me. C\u2019est une de mes croyances profondes. Et parfois, m\u00eame si nous nous engageons dans le mal en en \u00e9tant conscients, nous restons inconscients des v\u00e9ritables raisons qui nous poussent. Elles nous \u00e9chappent. Il n\u2019y a donc pas \u00e0 culpabiliser de trop, \u00e0 s\u2019en vouloir, mais en revanche, chercher le bien comme terme \u00e0 ce mouvement semble \u00eatre le but que l\u2019on d\u00e9couvre avec plus ou moins d\u2019effort, de discernement. Car la loi de l\u2019univers semble \u00eatre d\u2019aller vers l\u2019infini et vers l\u2019avant, jusqu\u2019\u00e0 un certain point, o\u00f9 il rebrousse chemin, se contracte \u00e0 nouveau comme un point, s\u2019endort durant des \u00e9ons, revisitant en r\u00eave toutes les aventures de sa cr\u00e9ation, puis se r\u00e9veille, et recommence, comme on respire.<\/p>\n

C\u2019est un survol. Ce qui donne un aspect brouillon \u00e0 ce billet, comme \u00e0 de nombreux autres. Je ne sais pas bien o\u00f9 je d\u00e9sire aller avec ce « Bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina ». Je compte sans doute sur la spontan\u00e9it\u00e9 pour me l\u2019apprendre. Parall\u00e8lement, c\u2019est en prenant conscience de mes erreurs, de cette errance, que j\u2019arrive \u00e0 entrevoir une sorte de texte parall\u00e8le qui, peu \u00e0 peu, s\u2019\u00e9crit en creux. Une alternance compos\u00e9e de textes tr\u00e8s courts, une phrase parfois, et puis des d\u00e9veloppements sur certaines id\u00e9es qui ont ici l\u2019air trop vagues ou trop abstraites. Pour cela, il faut red\u00e9plier quelque chose, tout un cheminement qui aura pris des ann\u00e9es pour parvenir \u00e0 cette abstraction. Ce qui renvoie \u00e0 l\u2019\u00e9vidence, \u00e0 ce que je comprends de l\u2019\u00e9vidence, la mienne, celle des autres, et la difficult\u00e9 renouvel\u00e9e qu\u2019elle soit la m\u00eame pour les deux parties.<\/p>\n

Le lyrisme, le mien, souvent m\u2019effraie, me met mal \u00e0 l\u2019aise, me fait rire. Exactement la m\u00eame chose que lorsque j\u2019entends Malraux prononcer son discours sur Jean Moulin. C\u2019est une r\u00e9action premi\u00e8re, instinctive, presque animale : le lyrisme me fait rire ou m\u2019ennuie. Puis, le doute sur un tel point de vue surgit, m\u2019interroge, et je me souviens qu\u2019il n\u2019en a pas toujours \u00e9t\u00e9 ainsi. \u00c0 certains moments, le lyrisme est le seul mode possible pour atteindre des strates profondes de l\u2019\u00eatre, pour d\u00e9voiler certains tr\u00e9sors enfouis. En cela, il est semblable \u00e0 ces dragons l\u00e9gendaires qui gardent les montagnes, prot\u00e9geant des secrets inaccessibles autrement. Le lyrisme, dans sa grandeur et son exc\u00e8s, devient alors une cl\u00e9 pour acc\u00e9der \u00e0 des v\u00e9rit\u00e9s int\u00e9rieures, cach\u00e9es au-del\u00e0 du langage quotidien.<\/p>", "content_text": "La raison, \u00eatre \u00ab raisonnable \u00bb, se raisonner, raison garder, perdre la raison, voil\u00e0 ce qui me vient en tout premier. Raison que j\u2019associe aussit\u00f4t au bon sens, \u00e0 une id\u00e9e que je me suis toujours fabriqu\u00e9e de l\u2019humanisme. Ce mot semble appartenir \u00e0 un monde ancien, un monde qui me pousse gentiment vers la sortie. Il est possible que la lecture du Mahabharata influence cette pens\u00e9e. On prend conscience de l\u2019aspect cyclique des \u00e9v\u00e9nements, des caract\u00e8res, de l\u2019alternance entre la destruction et la cr\u00e9ation des mondes. Sans doute avec plus d\u2019acuit\u00e9 lorsque l\u2019on est r\u00e9ellement face \u00e0 ce chaos. L\u2019\u00e9tourdissante sensation de ne plus vraiment savoir ce qui, depuis toujours, nous semblait \u00eatre bien et mal. Les doutes concernant nos propres jugements. Nous ne savons plus rien et sans doute est-ce le but recherch\u00e9 par\u2026 on ne sait pas tr\u00e8s bien qui, au final. Mais on pourrait donner un terme g\u00e9n\u00e9rique : le Mal, l\u2019Inf\u00e2me, l\u2019Abject. Cependant, je reste persuad\u00e9 qu\u2019on ne construit pas le bien sur le dos du mal, et en ce sens, je reste r\u00e9solument manich\u00e9en, ou bonhomme, comme ils voudront m\u2019appeler. Ce qui ne veut pas dire noir et blanc, comme on le croit souvent. Sans doute parce que l\u2019Empire, ou l\u2019\u00c9glise catholique, les deux, nous ont fourr\u00e9 ce monde binaire en t\u00eate. Adorer une croix, quelle horreur quand on y pense, ou plut\u00f4t quelle ineptie. Les contraires se valent, chacun ayant sa raison d\u2019\u00eatre, comme les faces d\u2019une m\u00e9daille, d\u2019un symbole. Le probl\u00e8me est la terreur qu\u2019on laisse entrer en soi si ais\u00e9ment, qu\u2019elle nous d\u00e9range, nous d\u00e9truit peu \u00e0 peu, embrase le peu qu\u2019il nous reste alors, le m\u00e9tamorphosant en rage, en col\u00e8re, en une faiblesse inou\u00efe qui nous ach\u00e8ve. Je suis contre, \u00e9videmment. Je parie sur le sourire, envers et contre tout, sur l\u2019humour, en prenant soin cependant de ne pas glisser vers l\u2019ironie. Un pari pascalien, si l\u2019on veut. Qu\u2019ai-je \u00e0 perdre, qu\u2019ai-je \u00e0 y gagner, m\u00eame pas. Le seul fait de penser au d\u00e9compte des jours qu\u2019il me reste me suffit. Ne pas ab\u00eemer, ne pas g\u00e2cher, \u00eatre du c\u00f4t\u00e9 de la vie si possible, toute vie, car j\u2019ai travers\u00e9 la mort, ce grand d\u00e9sert inhabit\u00e9, et j\u2019ai senti \u00e0 quel point le n\u00e9ant m\u2019habitait, comment il d\u00e9sirait que je m\u2019efface seul face \u00e0 lui. Il voulait \u00eatre l\u2019empereur du monde, et moi, je veux seulement vivre ma vie comme je l\u2019entends. Un peu pompeux, mais c\u2019est l\u2019id\u00e9e. La guerre d\u2019en bas est la manifestation d\u2019une guerre se d\u00e9roulant dans les cieux, dans l\u2019univers, depuis le tout d\u00e9but de sa cr\u00e9ation. L\u2019amour, la guerre, les deux oppos\u00e9s, pense-t-on, alors que ce ne sont que des forces aveugles. Mais toi qui vois, toi seul peux donner du sens \u00e0 tout cela. \u00c0 commencer par te donner une raison de vivre, pour toi d\u2019abord, car charit\u00e9 bien ordonn\u00e9e commence par soi-m\u00eame. Et les ragots, les potins, la rumeur se d\u00e9ployant sans cesse, si attirants dans tes moments de faiblesse, te rapprochant des autres, penses-tu. La plus habituelle teneur de nos conversations. La fatigue \u00e0 les \u00e9couter est \u00e9gale \u00e0 celle de d\u00e9sirer les repousser. C\u2019est donc un bruit de fond perp\u00e9tuel et il faut faire avec. Garder l\u2019\u00e9quilibre consiste alors \u00e0 ne pas refuser compl\u00e8tement d\u2019\u00e9couter, tout en restant bien silencieux \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur, sans sombrer dans le jugement. Il y a toujours un aspect spirituel \u00e0 tout ce que nous faisons, une part invisible de nous-m\u00eames, un enjeu d\u2019\u00e2me. C\u2019est une de mes croyances profondes. Et parfois, m\u00eame si nous nous engageons dans le mal en en \u00e9tant conscients, nous restons inconscients des v\u00e9ritables raisons qui nous poussent. Elles nous \u00e9chappent. Il n\u2019y a donc pas \u00e0 culpabiliser de trop, \u00e0 s\u2019en vouloir, mais en revanche, chercher le bien comme terme \u00e0 ce mouvement semble \u00eatre le but que l\u2019on d\u00e9couvre avec plus ou moins d\u2019effort, de discernement. Car la loi de l\u2019univers semble \u00eatre d\u2019aller vers l\u2019infini et vers l\u2019avant, jusqu\u2019\u00e0 un certain point, o\u00f9 il rebrousse chemin, se contracte \u00e0 nouveau comme un point, s\u2019endort durant des \u00e9ons, revisitant en r\u00eave toutes les aventures de sa cr\u00e9ation, puis se r\u00e9veille, et recommence, comme on respire. C\u2019est un survol. Ce qui donne un aspect brouillon \u00e0 ce billet, comme \u00e0 de nombreux autres. Je ne sais pas bien o\u00f9 je d\u00e9sire aller avec ce \u00ab Bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina \u00bb. Je compte sans doute sur la spontan\u00e9it\u00e9 pour me l\u2019apprendre. Parall\u00e8lement, c\u2019est en prenant conscience de mes erreurs, de cette errance, que j\u2019arrive \u00e0 entrevoir une sorte de texte parall\u00e8le qui, peu \u00e0 peu, s\u2019\u00e9crit en creux. Une alternance compos\u00e9e de textes tr\u00e8s courts, une phrase parfois, et puis des d\u00e9veloppements sur certaines id\u00e9es qui ont ici l\u2019air trop vagues ou trop abstraites. Pour cela, il faut red\u00e9plier quelque chose, tout un cheminement qui aura pris des ann\u00e9es pour parvenir \u00e0 cette abstraction. Ce qui renvoie \u00e0 l\u2019\u00e9vidence, \u00e0 ce que je comprends de l\u2019\u00e9vidence, la mienne, celle des autres, et la difficult\u00e9 renouvel\u00e9e qu\u2019elle soit la m\u00eame pour les deux parties. Le lyrisme, le mien, souvent m\u2019effraie, me met mal \u00e0 l\u2019aise, me fait rire. Exactement la m\u00eame chose que lorsque j\u2019entends Malraux prononcer son discours sur Jean Moulin. C\u2019est une r\u00e9action premi\u00e8re, instinctive, presque animale : le lyrisme me fait rire ou m\u2019ennuie. Puis, le doute sur un tel point de vue surgit, m\u2019interroge, et je me souviens qu\u2019il n\u2019en a pas toujours \u00e9t\u00e9 ainsi. \u00c0 certains moments, le lyrisme est le seul mode possible pour atteindre des strates profondes de l\u2019\u00eatre, pour d\u00e9voiler certains tr\u00e9sors enfouis. En cela, il est semblable \u00e0 ces dragons l\u00e9gendaires qui gardent les montagnes, prot\u00e9geant des secrets inaccessibles autrement. Le lyrisme, dans sa grandeur et son exc\u00e8s, devient alors une cl\u00e9 pour acc\u00e9der \u00e0 des v\u00e9rit\u00e9s int\u00e9rieures, cach\u00e9es au-del\u00e0 du langage quotidien.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0186-1.jpg?1748065119", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-septembre-2024.html", "title": "09 septembre 2024", "date_published": "2024-09-09T04:52:00Z", "date_modified": "2025-02-17T01:51:24Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Me suis couch\u00e9 t\u00f4t, vers 21 h, puis me r\u00e9veille \u00e0 1 h. Encore un r\u00eave. Nous arrivons devant la maison, pla\u00e7ons la cl\u00e9 dans la serrure, et quand on ouvre la porte, quelqu\u2019un essaie de sortir. Je l\u2019attrape \u00e0 bras le corps pour l\u2019emp\u00eacher de s\u2019enfuir. Ensuite, nous nous retrouvons dans l\u2019appartement du type, qui au d\u00e9but ressemble \u00e0 l\u2019un de ces moudjahidins rencontr\u00e9s au Pakistan, ( la barbe sans doute ) dans les caves de l\u2019H\u00f4tel Osmani, \u00e0 Quetta. Je dis « au d\u00e9but » parce qu\u2019apr\u00e8s, il prend l\u2019allure d\u2019un gamin des cit\u00e9s. Il trafique, et je me retrouve avec un \u00e9norme morceau de bois de r\u00e9glisse au bec , en train d\u2019essayer de le fumer. Rigolade. Mais le mieux, c\u2019est que je parviens \u00e0 le fourguer pour pas loin de 700 euros. « Rends-moi l\u2019argent », me dit le gars. Et c\u2019est \u00e0 ce moment-l\u00e0 que je me r\u00e9veille. R\u00eave d\u2019autant plus \u00e9tonnant que, \u00e0 ma connaissance, je n\u2019ai jamais fait le moindre trafic, pas m\u00eame de billes de bonbons ni de timbres. Juste ma force de travail ou un peu de cr\u00e9ativit\u00e9 contre des sommes lapidaires si j\u2019y pense. Ce qui est \u00e9trange, c\u2019est de me souvenir de ces r\u00eaves, surtout. Peut-\u00eatre est-ce d\u00fb \u00e0 la position \u00e0 plat ventre que je prends au bout d\u2019un moment, apr\u00e8s avoir test\u00e9 les deux positions lat\u00e9rales. Cette position ventrale semble \u00eatre celle dans laquelle je m\u2019endors au d\u00e9but de la nuit.<\/p>\n

Puis, au matin, une envie de persil pressante ; me rends donc \u00e0 pied au march\u00e9 de Roussillon et tombe sur C. et M. qui ne me reconnaissent d\u2019abord pas parce que j\u2019ai ras\u00e9 ma barbe. Peut-\u00eatre aussi qu\u2019on ne reconnait pas les gens dans des lieux o\u00f9 l\u2019on n\u2019a pas l\u2019habitude de les trouver. Le persil est moche, pitoyable, comme d\u00e9j\u00e0 fan\u00e9, ainsi que nos espoirs d\u00e9mocratiques ou r\u00e9publicains. Me suis rabattu sur des oeufs, deux boites de six , de la ferme, pour 3 euros. Au retour, 4000 pas plus tard, nous cherchons S. et moi la meilleure r\u00e9ponse \u00e0 produire en peu de caract\u00e8res pour la naissance d\u2019une petite Cassandre, arriv\u00e9e cette nuit dans notre monde fluctuant. Cassandre, fille d\u2019H\u00e9cube, frapp\u00e9e par la col\u00e8re d\u2019Apollon quand elle se refuse \u00e0 lui, re\u00e7oit en retour l\u2019infame mal\u00e9diction de pr\u00e9voir l\u2019avenir et de n\u2019\u00eatre jamais crue. H\u00e9cube, pas H\u00e9cube, superbe pi\u00e8ce vue cet \u00e9t\u00e9 \u00e0 la carri\u00e8re de Boulbon en Avignon, mise sc\u00e8ne de Tiago Rodriguez, que des acteurs de la Com\u00e9die Fran\u00e7aise, haute vol\u00e9e.<\/p>\n

comme une culpabilit\u00e9 de trop \u00e9crire.<\/p>\n

A moins qu\u2019il ne s\u2019agisse que d\u2019une erreur de lieu. Dans quel lieu \u00e9crire, priv\u00e9 ou public. Blogue ou cahier \u00e0 petits carreaux. Et aussi dans ce bureau ou dans un bistrot. Sarraute para\u00eet-il se rend au caf\u00e9 chaque matin pour \u00e9crire, on la voit en images avec son cartable. Si j\u2019habitais encore la ville je ne suis pas sur que j\u2019aurais envie de me rendre au caf\u00e9 pour \u00e9crire. Les temps ont chang\u00e9, ou c\u2019est simplement moi qui ai chang\u00e9. Bien plus distrait qu\u2019auparavant, j\u2019aurais je crois du mal \u00e0 me concentrer dans un lieu public. Et cette impression persistante d\u2019un monde qui s\u2019\u00e9croule, qui se m\u00e9tamorphose, pour m\u2019en persuader encore plus je n\u2019en perdrais pas une miette d\u2019observer tout \u00e0 chacun. Comme si un mouton prenant le temps de regarder la file d\u2019attente \u00e0 l\u2019abattoir.<\/p>\n

Le poids stagne, pourtant pas de folie gastronomique. Hier soir, aval\u00e9 une soupe de cresson, une petite quantit\u00e9 de poivrons et tomates cuits, un yaourt.<\/p>\n

Tant pis, je reprends ma lecture. Episode concernant le tournoi pour Draupadi, d\u2019un arc tellement difficile \u00e0 bander que de nombreux pr\u00e9tendants \u00e9chouent. Sauf Arjuna bien sur, qui fixe \u00e0 la suface du bassin le reflet du petit poisson et lui d\u00e9coche cinq fl\u00e8ches dans l\u2019oeil. Il obtient instantan\u00e9ment la belle princesse (\u2026) en mariage de m\u00eame que ses quatres autres fr\u00e8res. Ce qui, dit le texte procure \u00e0 la jeune femme le m\u00eame effet qu\u2019 un bain de jouvence \u00e0 chaque aurore- on la nomme \u00e9galement Nityayuvani : celle qui reste toujours jeune<\/p>\n

interessant passage aussi de la soeur du d\u00e9mon ( Hidimba et Hidimb\u00e2) ayant le pouvoir de modifier son apparence, d\u2019appara\u00eetre comme une nymphe magnifique \u00e0 (\u2026) alors qu\u2019au d\u00e9part elle \u00e9tait missionn\u00e9e par son affreux fr\u00e8re tout aussi monstrueux pour r\u00e9cup\u00e9rer leur d\u00eener. Mais voil\u00e0 elle tombe face au colosse Bhima. Ainsi m\u00eame les d\u00e9mon(es) auraient un coeur, m\u00eames les d\u00e9mons peuvent \u00eatre frapp\u00e9s par les fl\u00e8ches du dieu (\u2026) En lisant je somnole, effectue des va et vient entre la veille et le sommeil. Pas d\u2019autre r\u00eave cependant dont je me souvienne.<\/p>\n

Malgr\u00e9 la pluie mena\u00e7ante, sommes all\u00e9s, sommes rendus, sommes tomb\u00e9s d\u2019accord pour aller nous rendre \u00e0 Saint-Pierre-de-Boeuf, longeant la rivi\u00e8re. Un monde fou ; rest\u00e9 un long moment \u00e0 contempler les embarcations et leurs \u00e9quipages passant les rapides. Avec leurs casques, leurs gilets de sauvetage, leurs pagaies, les marins ressemblaient \u00e0 des guerriers antiques. Des images se superposaient, c\u2019est cela qui m\u2019a soudain fait m\u2019arr\u00eater.<\/p>\n

Se souvenir des id\u00e9es qui traversent l\u2019esprit dans la journ\u00e9e, se dire « tiens, celle-ci, il ne faut pas que je l\u2019oublie », et arriver au moment de r\u00e9capituler, pour finalement se rendre compte qu\u2019on l\u2019a oubli\u00e9e.<\/p>\n

Hier, samedi, j\u2019apprends par mail que C. n\u2019\u00e9prouve plus go\u00fbt de venir au cours. Sa sant\u00e9 s\u2019\u00e9tait d\u00e9grad\u00e9e peu \u00e0 peu durant les derni\u00e8res ann\u00e9es. Elle \u00e9tait devenue silencieuse, renferm\u00e9e sur elle-m\u00eame. Et puis parfois, comme si elle s\u2019en rendait compte, elle demandait soudain des nouvelles de la fille de K. ou de C., puis offrait son dessin, sa peinture du jour, et tournait les talons, pr\u00e9textant soudain qu\u2019elle avait tr\u00e8s faim.<\/p>\n

La pluie tombe dru pendant que j\u2019\u00e9cris. J\u2019esp\u00e8re que l\u2019eau ne va pas trop monter. Toujours ce probl\u00e8me de voirie pas r\u00e9gl\u00e9 qui fait que l\u2019eau de la rue se transforme en mare, puis en \u00e9tang et p\u00e9n\u00e8tre ainsi dans notre maison par-dessous la porte d\u2019entr\u00e9e.<\/p>", "content_text": "Me suis couch\u00e9 t\u00f4t, vers 21 h, puis me r\u00e9veille \u00e0 1 h. Encore un r\u00eave. Nous arrivons devant la maison, pla\u00e7ons la cl\u00e9 dans la serrure, et quand on ouvre la porte, quelqu\u2019un essaie de sortir. Je l\u2019attrape \u00e0 bras le corps pour l\u2019emp\u00eacher de s\u2019enfuir. Ensuite, nous nous retrouvons dans l\u2019appartement du type, qui au d\u00e9but ressemble \u00e0 l\u2019un de ces moudjahidins rencontr\u00e9s au Pakistan, ( la barbe sans doute ) dans les caves de l\u2019H\u00f4tel Osmani, \u00e0 Quetta. Je dis \u00ab au d\u00e9but \u00bb parce qu\u2019apr\u00e8s, il prend l\u2019allure d\u2019un gamin des cit\u00e9s. Il trafique, et je me retrouve avec un \u00e9norme morceau de bois de r\u00e9glisse au bec , en train d\u2019essayer de le fumer. Rigolade. Mais le mieux, c\u2019est que je parviens \u00e0 le fourguer pour pas loin de 700 euros. \u00ab Rends-moi l\u2019argent \u00bb, me dit le gars. Et c\u2019est \u00e0 ce moment-l\u00e0 que je me r\u00e9veille. R\u00eave d\u2019autant plus \u00e9tonnant que, \u00e0 ma connaissance, je n\u2019ai jamais fait le moindre trafic, pas m\u00eame de billes de bonbons ni de timbres. Juste ma force de travail ou un peu de cr\u00e9ativit\u00e9 contre des sommes lapidaires si j\u2019y pense. Ce qui est \u00e9trange, c\u2019est de me souvenir de ces r\u00eaves, surtout. Peut-\u00eatre est-ce d\u00fb \u00e0 la position \u00e0 plat ventre que je prends au bout d\u2019un moment, apr\u00e8s avoir test\u00e9 les deux positions lat\u00e9rales. Cette position ventrale semble \u00eatre celle dans laquelle je m\u2019endors au d\u00e9but de la nuit. Puis, au matin, une envie de persil pressante; me rends donc \u00e0 pied au march\u00e9 de Roussillon et tombe sur C. et M. qui ne me reconnaissent d\u2019abord pas parce que j\u2019ai ras\u00e9 ma barbe. Peut-\u00eatre aussi qu\u2019on ne reconnait pas les gens dans des lieux o\u00f9 l\u2019on n\u2019a pas l\u2019habitude de les trouver. Le persil est moche, pitoyable, comme d\u00e9j\u00e0 fan\u00e9, ainsi que nos espoirs d\u00e9mocratiques ou r\u00e9publicains. Me suis rabattu sur des oeufs, deux boites de six , de la ferme, pour 3 euros. Au retour, 4000 pas plus tard, nous cherchons S. et moi la meilleure r\u00e9ponse \u00e0 produire en peu de caract\u00e8res pour la naissance d\u2019une petite Cassandre, arriv\u00e9e cette nuit dans notre monde fluctuant. Cassandre, fille d\u2019H\u00e9cube, frapp\u00e9e par la col\u00e8re d\u2019Apollon quand elle se refuse \u00e0 lui, re\u00e7oit en retour l\u2019infame mal\u00e9diction de pr\u00e9voir l\u2019avenir et de n\u2019\u00eatre jamais crue. H\u00e9cube, pas H\u00e9cube, superbe pi\u00e8ce vue cet \u00e9t\u00e9 \u00e0 la carri\u00e8re de Boulbon en Avignon, mise sc\u00e8ne de Tiago Rodriguez, que des acteurs de la Com\u00e9die Fran\u00e7aise, haute vol\u00e9e. comme une culpabilit\u00e9 de trop \u00e9crire. A moins qu\u2019il ne s\u2019agisse que d\u2019une erreur de lieu. Dans quel lieu \u00e9crire, priv\u00e9 ou public. Blogue ou cahier \u00e0 petits carreaux. Et aussi dans ce bureau ou dans un bistrot. Sarraute para\u00eet-il se rend au caf\u00e9 chaque matin pour \u00e9crire, on la voit en images avec son cartable. Si j\u2019habitais encore la ville je ne suis pas sur que j\u2019aurais envie de me rendre au caf\u00e9 pour \u00e9crire. Les temps ont chang\u00e9, ou c\u2019est simplement moi qui ai chang\u00e9. Bien plus distrait qu\u2019auparavant, j\u2019aurais je crois du mal \u00e0 me concentrer dans un lieu public. Et cette impression persistante d\u2019un monde qui s\u2019\u00e9croule, qui se m\u00e9tamorphose, pour m\u2019en persuader encore plus je n\u2019en perdrais pas une miette d\u2019observer tout \u00e0 chacun. Comme si un mouton prenant le temps de regarder la file d\u2019attente \u00e0 l\u2019abattoir. Le poids stagne, pourtant pas de folie gastronomique. Hier soir, aval\u00e9 une soupe de cresson, une petite quantit\u00e9 de poivrons et tomates cuits, un yaourt. Tant pis, je reprends ma lecture. Episode concernant le tournoi pour Draupadi, d\u2019un arc tellement difficile \u00e0 bander que de nombreux pr\u00e9tendants \u00e9chouent. Sauf Arjuna bien sur, qui fixe \u00e0 la suface du bassin le reflet du petit poisson et lui d\u00e9coche cinq fl\u00e8ches dans l\u2019oeil. Il obtient instantan\u00e9ment la belle princesse (\u2026) en mariage de m\u00eame que ses quatres autres fr\u00e8res. Ce qui, dit le texte procure \u00e0 la jeune femme le m\u00eame effet qu\u2019 un bain de jouvence \u00e0 chaque aurore- on la nomme \u00e9galement Nityayuvani : celle qui reste toujours jeune interessant passage aussi de la soeur du d\u00e9mon ( Hidimba et Hidimb\u00e2) ayant le pouvoir de modifier son apparence, d\u2019appara\u00eetre comme une nymphe magnifique \u00e0 (\u2026) alors qu\u2019au d\u00e9part elle \u00e9tait missionn\u00e9e par son affreux fr\u00e8re tout aussi monstrueux pour r\u00e9cup\u00e9rer leur d\u00eener. Mais voil\u00e0 elle tombe face au colosse Bhima. Ainsi m\u00eame les d\u00e9mon(es) auraient un coeur, m\u00eames les d\u00e9mons peuvent \u00eatre frapp\u00e9s par les fl\u00e8ches du dieu (\u2026) En lisant je somnole, effectue des va et vient entre la veille et le sommeil. Pas d\u2019autre r\u00eave cependant dont je me souvienne. Malgr\u00e9 la pluie mena\u00e7ante, sommes all\u00e9s, sommes rendus, sommes tomb\u00e9s d\u2019accord pour aller nous rendre \u00e0 Saint-Pierre-de-Boeuf, longeant la rivi\u00e8re. Un monde fou; rest\u00e9 un long moment \u00e0 contempler les embarcations et leurs \u00e9quipages passant les rapides. Avec leurs casques, leurs gilets de sauvetage, leurs pagaies, les marins ressemblaient \u00e0 des guerriers antiques. Des images se superposaient, c\u2019est cela qui m\u2019a soudain fait m\u2019arr\u00eater. Se souvenir des id\u00e9es qui traversent l\u2019esprit dans la journ\u00e9e, se dire \u00ab tiens, celle-ci, il ne faut pas que je l\u2019oublie \u00bb, et arriver au moment de r\u00e9capituler, pour finalement se rendre compte qu\u2019on l\u2019a oubli\u00e9e. Hier, samedi, j\u2019apprends par mail que C. n\u2019\u00e9prouve plus go\u00fbt de venir au cours. Sa sant\u00e9 s\u2019\u00e9tait d\u00e9grad\u00e9e peu \u00e0 peu durant les derni\u00e8res ann\u00e9es. Elle \u00e9tait devenue silencieuse, renferm\u00e9e sur elle-m\u00eame. Et puis parfois, comme si elle s\u2019en rendait compte, elle demandait soudain des nouvelles de la fille de K. ou de C., puis offrait son dessin, sa peinture du jour, et tournait les talons, pr\u00e9textant soudain qu\u2019elle avait tr\u00e8s faim. La pluie tombe dru pendant que j\u2019\u00e9cris. J\u2019esp\u00e8re que l\u2019eau ne va pas trop monter. Toujours ce probl\u00e8me de voirie pas r\u00e9gl\u00e9 qui fait que l\u2019eau de la rue se transforme en mare, puis en \u00e9tang et p\u00e9n\u00e8tre ainsi dans notre maison par-dessous la porte d\u2019entr\u00e9e.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2930.jpg?1748065084", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/8-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/8-septembre-2024.html", "title": "8 septembre 2024", "date_published": "2024-09-08T04:46:00Z", "date_modified": "2025-02-17T01:52:05Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

\u00c0 partir du moment. \u00c0 partir de l\u2019instant. \u00c0 partir de l\u00e0. \u00c0 partir de maintenant. On en revient. Nous, en somme, revenus. Somnambules d\u00e9ambulant dans les venelles du village, de la ville. Rien de bien vil, mais une peur surtout, une sensation, la peur du lendemain. \u00c7a ne chante pas. Quitte \u00e0 partir, partons paisibles, sans rancune, sans promesse de retour.<\/p>\n

Admettons, \u00e9tablissons l\u2019hypoth\u00e8se, supputons : nous sommes immortels, mais nous devons l\u2019oublier, traverser le L\u00e9th\u00e9.<\/p>\n

Pour engloutir mes sanglots apais\u00e9s
\nRien ne me vaut l\u2019ab\u00eeme de ta couche ;
\nL\u2019oubli puissant habite sur ta bouche,
\nEt le L\u00e9th\u00e9 coule dans tes baisers.<\/p>\n

Lui, Gavroche, \u00e9tait venu, avait vu, et n\u2019en \u00e9tait pas revenu. Alors tout \u00e7a n\u2019a donc servi \u00e0 rien, c\u2019est \u00e7a la le\u00e7on ? Et l\u2019Atlantide sombre \u00e0 nouveau, la mer monte.<\/p>\n

Quand la mer monte
\nJ\u2019ai honte, j\u2019ai honte
\nQuand elle descend
\nJe l\u2019attends
\n\u00c0 mar\u00e9e basse
\nElle est partie h\u00e9las
\n\u00c0 mar\u00e9e haute
\nAvec un autre.<\/p>\n

Dans l\u2019Apocalypse de Saint-Jean, tout est dit depuis belle lurette. C\u2019est l\u00e0 maintenant, et on ne veut pas y croire. D\u00e9ni de r\u00e9alit\u00e9. M\u00eame si les Annunakis reviennent, la plupart d\u2019entre-nous hausseraient les \u00e9paules et parleraient de connerie en barre.<\/p>\n

La sale r\u00e9alit\u00e9 qu\u2019on s\u2019est cr\u00e9\u00e9e pour avoir plaisir et d\u00e9plaisir m\u00eal\u00e9s de dire : « voici, c\u2019est notre r\u00e9alit\u00e9. »<\/p>\n

Toujours cette usure, ce pouvoir de passer entre Charybde et Scylla sur des vaisseaux l\u00e9gers, en sifflotant.<\/p>\n

Mon pays, ce n\u2019est pas un pays, c\u2019est l\u2019envers
\nD\u2019un pays qui n\u2019\u00e9tait ni pays ni patrie
\nMa chanson, ce n\u2019est pas ma chanson, c\u2019est ma vie
\nC\u2019est pour toi que je veux poss\u00e9der mes hivers.<\/p>\n

Aper\u00e7u P.B. dans un beau film en noir et blanc : des machines \u00e0 l\u2019arr\u00eat, fig\u00e9es dans le temps, immobilis\u00e9es dans le temps, et l\u2019homme dit en les voyant : « on dirait qu\u2019elles se sont arr\u00eat\u00e9es il y a cinq minutes. » Puis, un peu plus loin : « il suffirait qu\u2019on appuie sur le bouton pour que tout redevienne comme avant. » La voix de P.B. ponctuant les dires de l\u2019autre homme, gentiment mais si fermement. Et surtout ce « vous », prononc\u00e9 avec une si authentique — on le sent vraiment — d\u00e9f\u00e9rence. M\u00e9taphore d\u2019une r\u00e9sistance, ce livre fruit qui en r\u00e9sulte : Les forges de Syam. En passant, le c\u0153ur se serre en apercevant les pommes et le couteau sur la table de travail ; repens\u00e9 \u00e0 mon arri\u00e8re-grand-p\u00e8re, \u00e0 cette sorte de frugalit\u00e9 qui permet autre chose que la consommation de l\u2019instant. Prendre soin de l\u2019instant. Ne pas le d\u00e9vorer n\u2019importe quand, n\u2019importe comment, en se laissant terrasser par la fringale.<\/p>\n

(On peut voir le film ici<\/a>.)<\/p>\n

Il y a des hommes qui deviennent tout de suite des amis, mais avec qui on ne saurait partager toute la trivialit\u00e9 par laquelle il faut parfois passer en amiti\u00e9. Comme si cette obligation du naufrage, ils nous en dispensaient d\u00e8s l\u2019instant o\u00f9 on les rencontre. Ceci explique cela. Le fait de rester \u00e0 bonne distance, surtout de ces hommes-l\u00e0. La raison est toujours la m\u00eame : ne rien d\u00e9ranger, ne rien polluer, et peut-\u00eatre aussi la trouille d\u2019\u00eatre d\u00e9\u00e7u. Je dis les hommes, mais pour les femmes, c\u2019est pareil. Avec l\u2019\u00e2ge, \u00e7a ne s\u2019am\u00e9liore pas.<\/p>\n

Dans les dessins que j\u2019ai propos\u00e9s de r\u00e9aliser le mot gribouillis utilis\u00e9 avec escient. Puis avec quelques remarques au fur et \u00e0 mesure sur l\u2019intensit\u00e9 obtenue par la pression de la main, du bras, du corps sur le trait, j\u2019essaie de les initier \u00e0 la profondeur. Ainsi le mot gribouillis reste en surface, puis peu \u00e0 peu on le traverse, on plonge, et au bout du compte des formes commencent \u00e0 na\u00eetre. Avec la prise de conscience de la par\u00e9idolie que tout \u00e0 chacun ne perd pas vraiment depuis l\u2019enfance. Ce qui est important \u00e0 comprendre c\u2019est la naivet\u00e9 premi\u00e8re de ces formes auxquelles m\u00eames adulte on s\u2019accroche pour tenter de donner du sens. Ceci aussi est une surface.<\/p>\n

Il y a certainement quelque chose qui transite entre le dessin et l\u2019\u00e9criture mais les cordonniers sont toujours les plus mal chauss\u00e9s.<\/p>\n

Admettons que ce que j\u2019ai \u00e9crit sur ce blog il y a 371 jours ne soit jamais lu ou relu, cela me donne t\u2019il l\u2019autorisation de r\u00e9utiliser l\u2019image d\u2019illustration de ce tout premier billet et ainsi de repartir pour un tour ad vitam aeternam. Ou encore autour de cette p\u00e9riode, rependre une illustration qui a d\u00e9j\u00e0 servi, pour ne pas surcharger la m\u00e9diath\u00e8que, recycler. Economiser.<\/p>\n

Pour celle ou celui qui refuse de consid\u00e9rer la parole comme un capital, dilapider cette parole est-il un acte de r\u00e9sistance ?<\/p>", "content_text": "\u00c0 partir du moment. \u00c0 partir de l\u2019instant. \u00c0 partir de l\u00e0. \u00c0 partir de maintenant. On en revient. Nous, en somme, revenus. Somnambules d\u00e9ambulant dans les venelles du village, de la ville. Rien de bien vil, mais une peur surtout, une sensation, la peur du lendemain. \u00c7a ne chante pas. Quitte \u00e0 partir, partons paisibles, sans rancune, sans promesse de retour. Admettons, \u00e9tablissons l\u2019hypoth\u00e8se, supputons : nous sommes immortels, mais nous devons l\u2019oublier, traverser le L\u00e9th\u00e9. Pour engloutir mes sanglots apais\u00e9s Rien ne me vaut l\u2019ab\u00eeme de ta couche ; L\u2019oubli puissant habite sur ta bouche, Et le L\u00e9th\u00e9 coule dans tes baisers. Lui, Gavroche, \u00e9tait venu, avait vu, et n\u2019en \u00e9tait pas revenu. Alors tout \u00e7a n\u2019a donc servi \u00e0 rien, c\u2019est \u00e7a la le\u00e7on ? Et l\u2019Atlantide sombre \u00e0 nouveau, la mer monte. Quand la mer monte J\u2019ai honte, j\u2019ai honte Quand elle descend Je l\u2019attends \u00c0 mar\u00e9e basse Elle est partie h\u00e9las \u00c0 mar\u00e9e haute Avec un autre. Dans l\u2019Apocalypse de Saint-Jean, tout est dit depuis belle lurette. C\u2019est l\u00e0 maintenant, et on ne veut pas y croire. D\u00e9ni de r\u00e9alit\u00e9. M\u00eame si les Annunakis reviennent, la plupart d\u2019entre-nous hausseraient les \u00e9paules et parleraient de connerie en barre. La sale r\u00e9alit\u00e9 qu\u2019on s\u2019est cr\u00e9\u00e9e pour avoir plaisir et d\u00e9plaisir m\u00eal\u00e9s de dire : \u00ab voici, c\u2019est notre r\u00e9alit\u00e9. \u00bb Toujours cette usure, ce pouvoir de passer entre Charybde et Scylla sur des vaisseaux l\u00e9gers, en sifflotant. Mon pays, ce n\u2019est pas un pays, c\u2019est l\u2019envers D\u2019un pays qui n\u2019\u00e9tait ni pays ni patrie Ma chanson, ce n\u2019est pas ma chanson, c\u2019est ma vie C\u2019est pour toi que je veux poss\u00e9der mes hivers. Aper\u00e7u P.B. dans un beau film en noir et blanc : des machines \u00e0 l\u2019arr\u00eat, fig\u00e9es dans le temps, immobilis\u00e9es dans le temps, et l\u2019homme dit en les voyant : \u00ab on dirait qu\u2019elles se sont arr\u00eat\u00e9es il y a cinq minutes. \u00bb Puis, un peu plus loin : \u00ab il suffirait qu\u2019on appuie sur le bouton pour que tout redevienne comme avant. \u00bb La voix de P.B. ponctuant les dires de l\u2019autre homme, gentiment mais si fermement. Et surtout ce \u00ab vous \u00bb, prononc\u00e9 avec une si authentique \u2014 on le sent vraiment \u2014 d\u00e9f\u00e9rence. M\u00e9taphore d\u2019une r\u00e9sistance, ce livre fruit qui en r\u00e9sulte : Les forges de Syam. En passant, le c\u0153ur se serre en apercevant les pommes et le couteau sur la table de travail ; repens\u00e9 \u00e0 mon arri\u00e8re-grand-p\u00e8re, \u00e0 cette sorte de frugalit\u00e9 qui permet autre chose que la consommation de l\u2019instant. Prendre soin de l\u2019instant. Ne pas le d\u00e9vorer n\u2019importe quand, n\u2019importe comment, en se laissant terrasser par la fringale. ([On peut voir le film ici->https:\/\/youtu.be\/j2CDNiLeZXU?si=aWjAcHOXCg3oR24M].) Il y a des hommes qui deviennent tout de suite des amis, mais avec qui on ne saurait partager toute la trivialit\u00e9 par laquelle il faut parfois passer en amiti\u00e9. Comme si cette obligation du naufrage, ils nous en dispensaient d\u00e8s l\u2019instant o\u00f9 on les rencontre. Ceci explique cela. Le fait de rester \u00e0 bonne distance, surtout de ces hommes-l\u00e0. La raison est toujours la m\u00eame : ne rien d\u00e9ranger, ne rien polluer, et peut-\u00eatre aussi la trouille d\u2019\u00eatre d\u00e9\u00e7u. Je dis les hommes, mais pour les femmes, c\u2019est pareil. Avec l\u2019\u00e2ge, \u00e7a ne s\u2019am\u00e9liore pas. Dans les dessins que j\u2019ai propos\u00e9s de r\u00e9aliser le mot gribouillis utilis\u00e9 avec escient. Puis avec quelques remarques au fur et \u00e0 mesure sur l\u2019intensit\u00e9 obtenue par la pression de la main, du bras, du corps sur le trait, j\u2019essaie de les initier \u00e0 la profondeur. Ainsi le mot gribouillis reste en surface, puis peu \u00e0 peu on le traverse, on plonge, et au bout du compte des formes commencent \u00e0 na\u00eetre. Avec la prise de conscience de la par\u00e9idolie que tout \u00e0 chacun ne perd pas vraiment depuis l\u2019enfance. Ce qui est important \u00e0 comprendre c\u2019est la naivet\u00e9 premi\u00e8re de ces formes auxquelles m\u00eames adulte on s\u2019accroche pour tenter de donner du sens. Ceci aussi est une surface. Il y a certainement quelque chose qui transite entre le dessin et l\u2019\u00e9criture mais les cordonniers sont toujours les plus mal chauss\u00e9s. Admettons que ce que j\u2019ai \u00e9crit sur ce blog il y a 371 jours ne soit jamais lu ou relu, cela me donne t\u2019il l\u2019autorisation de r\u00e9utiliser l\u2019image d\u2019illustration de ce tout premier billet et ainsi de repartir pour un tour ad vitam aeternam. Ou encore autour de cette p\u00e9riode, rependre une illustration qui a d\u00e9j\u00e0 servi, pour ne pas surcharger la m\u00e9diath\u00e8que, recycler. Economiser. Pour celle ou celui qui refuse de consid\u00e9rer la parole comme un capital, dilapider cette parole est-il un acte de r\u00e9sistance ? ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/5d87135a-9aa3-4317-8fb9-5bfb3d146efb_2_.jpg?1748065173", "tags": ["Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/07-septembre-2024.html", "title": "07 septembre 2024", "date_published": "2024-09-07T07:08:31Z", "date_modified": "2025-09-30T03:44:00Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Lu sur le site Diacritik un article bien int\u00e9ressant \u00e0 propos de Midlife Crisis de Jean-Fran\u00e7ois Santoro. Pour l\u2019essentiel, c\u2019est l\u2019expression « dilapidation de la parole » qui m\u2019a pouss\u00e9 \u00e0 lire. Conclusion : \u00e9conomiser ou dilapider la parole (dans un but litt\u00e9raire) conduit \u00e0 un r\u00e9sultat semblable : la vanit\u00e9 de la condition humaine, pas vue m\u00e9chamment, peut-\u00eatre m\u00eame th\u00e9\u00e2tralement, po\u00e9tiquement. Et plus que jamais, il s\u2019agit de faire front \u00e0 une parole tout aussi b\u00eate (moins consciente d\u2019elle-m\u00eame). Une sorte d\u2019entit\u00e9 fasciste qui surgit de toute part. Au bout du compte, on retrouve la notion d\u2019un dialogue avec soi dans l\u2019utilisation du monologue. Du coup, j\u2019ai pens\u00e9 un peu \u00e0 moi.<\/p>\n

La seconde fourn\u00e9e des \u00e9l\u00e8ves, ce vendredi. J\u2019ai pu ainsi mettre quelques sous sur mon compte en banque. Il \u00e9tait temps, pour \u00eatre aussit\u00f4t engloutis par les pr\u00e9l\u00e8vements URSSAF et CIPAV. Moins peur cependant de ne pas manger que d\u2019\u00eatre emmerd\u00e9 encore comme l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re.<\/p>\n

Le froid, est-ce que 20° repr\u00e9sente le froid ? J\u2019ai mis un gilet. Je me suis souvenu que, pas si longtemps, on crevait de chaud. Je ne me plains de rien, mais quand m\u00eame, il me semble que le froid, c\u2019est autre chose. Ce qui me fait penser \u00e0 la vitesse \u00e0 laquelle on dit certains mots, juste parce qu\u2019on se sent oblig\u00e9 de dire quelque chose.<\/p>\n

Un nouveau Premier ministre in extremis, bien impliqu\u00e9 dans la grande vacherie europ\u00e9enne \u00e0 ce que j\u2019en comprends. Ils vont vouloir passer \u00e0 la vitesse sup\u00e9rieure, nous tondre jusqu\u2019\u00e0 l\u2019os. Est-ce qu\u2019on va sortir avec des fourches ? C\u2019est pas dit. On a fini par comprendre que tout vacille gentiment, qu\u2019il faut se mettre au russe, qui est ma foi une jolie langue, ou au chinois. Enfin, il faut se mettre \u00e0 quelque chose. S\u2019occuper avant d\u2019\u00eatre totalement occup\u00e9 par des \u00e9v\u00e9nements bien d\u00e9sagr\u00e9ables.<\/p>\n

J\u2019ai continu\u00e9 un peu la lecture du Mahabharata en me reposant apr\u00e8s le d\u00e9jeuner. Puis me suis endormi, et soudain, au r\u00e9veil, des souvenirs d\u2019un r\u00eave de la nuit pr\u00e9c\u00e9dente, une nuit bien courte. Dans ce r\u00eave, je crois que j\u2019\u00e9tais avec un groupe de personnes que je ne connaissais pas. Je m\u2019emp\u00eatrais dans les usages, ne sachant pas s\u2019il fallait les saluer en les \u00e9treignant, les embrasser comme les membres d\u2019une famille , ou bien leur tendre la main. Puis, soudain, me suis retrouv\u00e9 bloqu\u00e9 dans une cahute vitr\u00e9e, impression d\u2019une douane \u00e0 traverser. On me demande mes papiers d\u2019identit\u00e9 et je d\u00e9couvre un document qui porte un autre nom que le mien et qui aussit\u00f4t s\u2019effrite, tombe en poussi\u00e8re. C\u2019est \u00e0 ce moment que je me r\u00e9veille.<\/p>\n

Encore charogn\u00e9 un peu en fin d\u2019apr\u00e8s-midi sur les fichiers de SPIP. Le dossier INCLURE notamment se r\u00e9v\u00e8le \u00eatre un v\u00e9ritable tr\u00e9sor. Je me suis rendu sur le site UlKIT pour t\u00e9l\u00e9charger les fichiers CSS et JS n\u00e9cessaires \u00e0 retravailler la mise en page de mon site local. J\u2019ai pass\u00e9 un bon moment ensuite \u00e0 faire des tests de boucles imbriqu\u00e9es.<\/p>\n

Cette sensation de pi\u00e9tiner, de tourner en rond, ne m\u2019importe pas autant que je le craignais hier encore. Il ne manque plus que la garde-robe \u00e0 constituer : sirkke, hirka et tennure, et je serai fin pr\u00eat \u00e0 danser.<\/p>", "content_text": "Lu sur le site Diacritik un article bien int\u00e9ressant \u00e0 propos de Midlife Crisis de Jean-Fran\u00e7ois Santoro. Pour l\u2019essentiel, c\u2019est l\u2019expression \u00ab dilapidation de la parole \u00bb qui m\u2019a pouss\u00e9 \u00e0 lire. Conclusion : \u00e9conomiser ou dilapider la parole (dans un but litt\u00e9raire) conduit \u00e0 un r\u00e9sultat semblable : la vanit\u00e9 de la condition humaine, pas vue m\u00e9chamment, peut-\u00eatre m\u00eame th\u00e9\u00e2tralement, po\u00e9tiquement. Et plus que jamais, il s\u2019agit de faire front \u00e0 une parole tout aussi b\u00eate (moins consciente d\u2019elle-m\u00eame). Une sorte d\u2019entit\u00e9 fasciste qui surgit de toute part. Au bout du compte, on retrouve la notion d\u2019un dialogue avec soi dans l\u2019utilisation du monologue. Du coup, j\u2019ai pens\u00e9 un peu \u00e0 moi. La seconde fourn\u00e9e des \u00e9l\u00e8ves, ce vendredi. J\u2019ai pu ainsi mettre quelques sous sur mon compte en banque. Il \u00e9tait temps, pour \u00eatre aussit\u00f4t engloutis par les pr\u00e9l\u00e8vements URSSAF et CIPAV. Moins peur cependant de ne pas manger que d\u2019\u00eatre emmerd\u00e9 encore comme l\u2019ann\u00e9e derni\u00e8re. Le froid, est-ce que 20\u00b0 repr\u00e9sente le froid ? J\u2019ai mis un gilet. Je me suis souvenu que, pas si longtemps, on crevait de chaud. Je ne me plains de rien, mais quand m\u00eame, il me semble que le froid, c\u2019est autre chose. Ce qui me fait penser \u00e0 la vitesse \u00e0 laquelle on dit certains mots, juste parce qu\u2019on se sent oblig\u00e9 de dire quelque chose. Un nouveau Premier ministre in extremis, bien impliqu\u00e9 dans la grande vacherie europ\u00e9enne \u00e0 ce que j\u2019en comprends. Ils vont vouloir passer \u00e0 la vitesse sup\u00e9rieure, nous tondre jusqu\u2019\u00e0 l\u2019os. Est-ce qu\u2019on va sortir avec des fourches ? C\u2019est pas dit. On a fini par comprendre que tout vacille gentiment, qu\u2019il faut se mettre au russe, qui est ma foi une jolie langue, ou au chinois. Enfin, il faut se mettre \u00e0 quelque chose. S\u2019occuper avant d\u2019\u00eatre totalement occup\u00e9 par des \u00e9v\u00e9nements bien d\u00e9sagr\u00e9ables. J\u2019ai continu\u00e9 un peu la lecture du Mahabharata en me reposant apr\u00e8s le d\u00e9jeuner. Puis me suis endormi, et soudain, au r\u00e9veil, des souvenirs d\u2019un r\u00eave de la nuit pr\u00e9c\u00e9dente, une nuit bien courte. Dans ce r\u00eave, je crois que j\u2019\u00e9tais avec un groupe de personnes que je ne connaissais pas. Je m\u2019emp\u00eatrais dans les usages, ne sachant pas s\u2019il fallait les saluer en les \u00e9treignant, les embrasser comme les membres d\u2019une famille , ou bien leur tendre la main. Puis, soudain, me suis retrouv\u00e9 bloqu\u00e9 dans une cahute vitr\u00e9e, impression d\u2019une douane \u00e0 traverser. On me demande mes papiers d\u2019identit\u00e9 et je d\u00e9couvre un document qui porte un autre nom que le mien et qui aussit\u00f4t s\u2019effrite, tombe en poussi\u00e8re. C\u2019est \u00e0 ce moment que je me r\u00e9veille. Encore charogn\u00e9 un peu en fin d\u2019apr\u00e8s-midi sur les fichiers de SPIP. Le dossier INCLURE notamment se r\u00e9v\u00e8le \u00eatre un v\u00e9ritable tr\u00e9sor. Je me suis rendu sur le site UlKIT pour t\u00e9l\u00e9charger les fichiers CSS et JS n\u00e9cessaires \u00e0 retravailler la mise en page de mon site local. J\u2019ai pass\u00e9 un bon moment ensuite \u00e0 faire des tests de boucles imbriqu\u00e9es. Cette sensation de pi\u00e9tiner, de tourner en rond, ne m\u2019importe pas autant que je le craignais hier encore. Il ne manque plus que la garde-robe \u00e0 constituer : sirkke, hirka et tennure, et je serai fin pr\u00eat \u00e0 danser.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/5d87135a-9aa3-4317-8fb9-5bfb3d146efb_1_.jpg?1748065201", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina", "\u00e9criture fragmentaire", "Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-septembre-2024.html", "title": "06 septembre 2024", "date_published": "2024-09-07T06:00:00Z", "date_modified": "2025-09-30T03:43:36Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Entr\u00e9e en mati\u00e8re. C\u2019est sur le tr\u00f4ne que je m\u2019interroge souvent, dans l\u2019urgence puissance deux, par exemple, ce matin, sur la signification de l\u2019expression « entr\u00e9e en mati\u00e8re ». Peut-\u00eatre un relais neuronal, l\u2019intestin \u00e9tant, para\u00eet-il, notre second cerveau, ou l\u2019unique pour ceux qui ne disposeraient pas du premier. Ce qui m\u2019entra\u00eene rapidement au mot « traiter », traiter d\u2019un sujet, du latin tractare, tirer, attirer, solliciter. De l\u00e0, au surgissement d\u2019un trait s\u00e9parateur (celui du 6 sur le clavier azerty) pour \u00e9crire bien-traitance, alors que son antonyme, bien plus ancien, n\u2019en dispose pas. Dans ce petit signe typographique, toute une \u00e9poque, toute une pens\u00e9e concernant la condition de l\u2019enfance. Puis, ensuite, tout ce qui n\u2019est pas dans ce domaine de la bien-traitance passe illico dans la maltraitance (aux alentours de 1997). Ce qui me fait ensuite songer \u00e0 cette volont\u00e9 de bien-traitance qui se g\u00e9n\u00e9ralise \u00e0 de nombreux \u00e9chelons de la soci\u00e9t\u00e9. Publicit\u00e9s o\u00f9 l\u2019on ne peut omettre — pour certains produits — de ne pas en abuser, d\u2019y aller avec mod\u00e9ration ; sans oublier de manger cinq fruits et l\u00e9gumes par jour. Parall\u00e8lement \u00e0 cela, et au passage, l\u2019information m\u2019est donn\u00e9e qu\u2019entre 1945 et 2021, le nombre de bistrots en France serait pass\u00e9 de 400 000 \u00e0 40 000. Donc, une fois ma culotte remont\u00e9e, je suis all\u00e9 v\u00e9rifier l\u2019orthographe de « bistrot », car l\u2019effroi m\u2019a saisi \u00e0 l\u2019id\u00e9e de l\u2019avoir peut-\u00eatre mal \u00e9crit.<\/p>\n

Aper\u00e7u une bande-annonce. La saga de Balam, qui semble r\u00e9unir un certain nombre de th\u00e9ories alternatives (complotistes ?). Les Annunakis, les reptiliens, les \u00c9gyptiens et les Mayas. Bref, une autre vision de l\u2019Histoire qui interroge un narratif officiel de plus en plus d\u00e9faillant. Est-ce \u00e0 dire que ces nouvelles th\u00e9ories, si ridicules qu\u2019elles aient paru il y a encore vingt ans, se dirigent peu \u00e0 peu vers une \u00e9vidence ? On peut remarquer que l\u2019enseignement, la fa\u00e7on de renouveler la pens\u00e9e, les paradigmes, les mentalit\u00e9s, passe de plus en plus par les s\u00e9ries, les films. Au d\u00e9but, ils semblent inoffensifs, ce ne sont que des fictions, puis, peu \u00e0 peu, l\u2019id\u00e9e germe d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 s\u2019y dissimulant.<\/p>\n

Encore une nuit d\u2019insomnie durant laquelle j\u2019ai pass\u00e9 beaucoup de temps \u00e0 \u00e9tudier des arborescences de sites, notamment celui du T.L et de T.C. Mes lacunes ne sont pas que purement techniques, je m\u2019aper\u00e7ois aussi d\u2019un manque de r\u00e9flexion de ma part (de cr\u00e9ativit\u00e9 ?). Il semble que l\u2019usage des boucles dans SPIP permette de r\u00e9aliser cette alliance (tant recherch\u00e9e) m\u00ealant complexit\u00e9 et clart\u00e9. L\u2019esprit de l\u2019auteur d\u2019un site web se r\u00e9v\u00e8le \u00e0 l\u2019aune de cet agr\u00e9gat. En ce qui me concerne, j\u2019ai totalement fait l\u2019impasse sur la pr\u00e9sentation, j\u2019ai utilis\u00e9 tr\u00e8s peu du potentiel de SPIP, comme certainement tr\u00e8s peu r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 l\u2019organisation de mes propres textes, \u00e0 la fa\u00e7on de les pr\u00e9senter de mani\u00e8re coh\u00e9rente, de donner envie de naviguer d\u2019un texte \u00e0 l\u2019autre \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du site. Bien qu\u2019y ayant pass\u00e9 des heures, des jours, cette impression d\u00e9sagr\u00e9able persiste, puis vient l\u2019envie de me retrousser les manches, d\u2019am\u00e9liorer. D\u2019ailleurs, je ne donne m\u00eame pas l\u2019adresse de mon site sur ce blogue. Bien la preuve que c\u2019est encore en construction, pas abouti, pas pr\u00e9sentable.<\/p>\n

Lecture du Mahabharata, Serge Demetrian, Albin Michel, 2013. Impossible de m\u00e9moriser les noms des personnages. Une sorte de support de r\u00eaverie. Lecture lente, o\u00f9 presque \u00e0 chaque phrase un feu d\u2019artifice d\u2019associations d\u2019id\u00e9es. Il faudrait reprendre depuis le d\u00e9but, noter les noms, leur fonction, leur r\u00f4le, les r\u00e9p\u00e9titions, et \u00e9ventuellement les associations d\u2019id\u00e9es.<\/p>\n

Les cours ont repris ce jeudi, peu d\u2019\u00e9l\u00e8ves. La piste de ce trimestre consacr\u00e9e au dessin est lanc\u00e9e et a \u00e9t\u00e9 bien accept\u00e9e. Pour ce premier cours, des images appartenant \u00e0 Cy Twombly, avec un peu d\u2019appr\u00e9hension au d\u00e9part. Quel soulagement qu\u2019elles aient \u00e9t\u00e9 appr\u00e9ci\u00e9es. Ce qui signifie quand m\u00eame quelque chose dans ce parcours : un regard qui s\u2019ouvre, qui s\u2019est ouvert au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es, pour eux et pour moi.<\/p>\n

Tellement de choses \u00e0 faire, tellement d\u2019envies, et en m\u00eame temps tant de lassitude. Cette guerre encore \u00e0 peine d\u00e9guis\u00e9e entre le bien et le mal, avec toute la complexit\u00e9 de ce que peuvent \u00eatre d\u00e9sormais ces deux termes.<\/p>\n

Cueilli une figue sur l\u2019arbre, son go\u00fbt au d\u00e9but n\u2019\u00e9tait pas celui attendu ; c\u2019est en parvenant \u00e0 la fin qu\u2019on sait qu\u2019elle est sucr\u00e9e. Bu le reste d\u2019une d\u00e9coction de gingembre et de clous de girofle, amertume bue jusqu\u2019\u00e0 la lie, sans cet ajout habituel de citron vert pour faire passer.<\/p>\n

Ce que j\u2019aime sur le site de T.C., c\u2019est ce mois de journal qu\u2019on peut lire presque sur l\u2019enti\u00e8ret\u00e9 de l\u2019\u00e9cran : juste une date, quelques phrases, des s\u00e9parateurs, une s\u00e9rie de photographies entre les phrases, une autre date, et ainsi de suite. En comparaison, la volubilit\u00e9 est comme une absence de choix. Ne pas avoir le choix, ne pas vouloir faire un choix, refuser le choix.<\/p>", "content_text": "Entr\u00e9e en mati\u00e8re. C\u2019est sur le tr\u00f4ne que je m\u2019interroge souvent, dans l\u2019urgence puissance deux, par exemple, ce matin, sur la signification de l\u2019expression \u00ab entr\u00e9e en mati\u00e8re \u00bb. Peut-\u00eatre un relais neuronal, l\u2019intestin \u00e9tant, para\u00eet-il, notre second cerveau, ou l\u2019unique pour ceux qui ne disposeraient pas du premier. Ce qui m\u2019entra\u00eene rapidement au mot \u00ab traiter \u00bb, traiter d\u2019un sujet, du latin tractare, tirer, attirer, solliciter. De l\u00e0, au surgissement d\u2019un trait s\u00e9parateur (celui du 6 sur le clavier azerty) pour \u00e9crire bien-traitance, alors que son antonyme, bien plus ancien, n\u2019en dispose pas. Dans ce petit signe typographique, toute une \u00e9poque, toute une pens\u00e9e concernant la condition de l\u2019enfance. Puis, ensuite, tout ce qui n\u2019est pas dans ce domaine de la bien-traitance passe illico dans la maltraitance (aux alentours de 1997). Ce qui me fait ensuite songer \u00e0 cette volont\u00e9 de bien-traitance qui se g\u00e9n\u00e9ralise \u00e0 de nombreux \u00e9chelons de la soci\u00e9t\u00e9. Publicit\u00e9s o\u00f9 l\u2019on ne peut omettre \u2014 pour certains produits \u2014 de ne pas en abuser, d\u2019y aller avec mod\u00e9ration ; sans oublier de manger cinq fruits et l\u00e9gumes par jour. Parall\u00e8lement \u00e0 cela, et au passage, l\u2019information m\u2019est donn\u00e9e qu\u2019entre 1945 et 2021, le nombre de bistrots en France serait pass\u00e9 de 400 000 \u00e0 40 000. Donc, une fois ma culotte remont\u00e9e, je suis all\u00e9 v\u00e9rifier l\u2019orthographe de \u00ab bistrot \u00bb, car l\u2019effroi m\u2019a saisi \u00e0 l\u2019id\u00e9e de l\u2019avoir peut-\u00eatre mal \u00e9crit. Aper\u00e7u une bande-annonce. La saga de Balam, qui semble r\u00e9unir un certain nombre de th\u00e9ories alternatives (complotistes ?). Les Annunakis, les reptiliens, les \u00c9gyptiens et les Mayas. Bref, une autre vision de l\u2019Histoire qui interroge un narratif officiel de plus en plus d\u00e9faillant. Est-ce \u00e0 dire que ces nouvelles th\u00e9ories, si ridicules qu\u2019elles aient paru il y a encore vingt ans, se dirigent peu \u00e0 peu vers une \u00e9vidence ? On peut remarquer que l\u2019enseignement, la fa\u00e7on de renouveler la pens\u00e9e, les paradigmes, les mentalit\u00e9s, passe de plus en plus par les s\u00e9ries, les films. Au d\u00e9but, ils semblent inoffensifs, ce ne sont que des fictions, puis, peu \u00e0 peu, l\u2019id\u00e9e germe d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 s\u2019y dissimulant. Encore une nuit d\u2019insomnie durant laquelle j\u2019ai pass\u00e9 beaucoup de temps \u00e0 \u00e9tudier des arborescences de sites, notamment celui du T.L et de T.C. Mes lacunes ne sont pas que purement techniques, je m\u2019aper\u00e7ois aussi d\u2019un manque de r\u00e9flexion de ma part (de cr\u00e9ativit\u00e9 ?). Il semble que l\u2019usage des boucles dans SPIP permette de r\u00e9aliser cette alliance (tant recherch\u00e9e) m\u00ealant complexit\u00e9 et clart\u00e9. L\u2019esprit de l\u2019auteur d\u2019un site web se r\u00e9v\u00e8le \u00e0 l\u2019aune de cet agr\u00e9gat. En ce qui me concerne, j\u2019ai totalement fait l\u2019impasse sur la pr\u00e9sentation, j\u2019ai utilis\u00e9 tr\u00e8s peu du potentiel de SPIP, comme certainement tr\u00e8s peu r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 l\u2019organisation de mes propres textes, \u00e0 la fa\u00e7on de les pr\u00e9senter de mani\u00e8re coh\u00e9rente, de donner envie de naviguer d\u2019un texte \u00e0 l\u2019autre \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du site. Bien qu\u2019y ayant pass\u00e9 des heures, des jours, cette impression d\u00e9sagr\u00e9able persiste, puis vient l\u2019envie de me retrousser les manches, d\u2019am\u00e9liorer. D\u2019ailleurs, je ne donne m\u00eame pas l\u2019adresse de mon site sur ce blogue. Bien la preuve que c\u2019est encore en construction, pas abouti, pas pr\u00e9sentable. Lecture du Mahabharata, Serge Demetrian, Albin Michel, 2013. Impossible de m\u00e9moriser les noms des personnages. Une sorte de support de r\u00eaverie. Lecture lente, o\u00f9 presque \u00e0 chaque phrase un feu d\u2019artifice d\u2019associations d\u2019id\u00e9es. Il faudrait reprendre depuis le d\u00e9but, noter les noms, leur fonction, leur r\u00f4le, les r\u00e9p\u00e9titions, et \u00e9ventuellement les associations d\u2019id\u00e9es. Les cours ont repris ce jeudi, peu d\u2019\u00e9l\u00e8ves. La piste de ce trimestre consacr\u00e9e au dessin est lanc\u00e9e et a \u00e9t\u00e9 bien accept\u00e9e. Pour ce premier cours, des images appartenant \u00e0 Cy Twombly, avec un peu d\u2019appr\u00e9hension au d\u00e9part. Quel soulagement qu\u2019elles aient \u00e9t\u00e9 appr\u00e9ci\u00e9es. Ce qui signifie quand m\u00eame quelque chose dans ce parcours : un regard qui s\u2019ouvre, qui s\u2019est ouvert au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es, pour eux et pour moi. Tellement de choses \u00e0 faire, tellement d\u2019envies, et en m\u00eame temps tant de lassitude. Cette guerre encore \u00e0 peine d\u00e9guis\u00e9e entre le bien et le mal, avec toute la complexit\u00e9 de ce que peuvent \u00eatre d\u00e9sormais ces deux termes. Cueilli une figue sur l\u2019arbre, son go\u00fbt au d\u00e9but n\u2019\u00e9tait pas celui attendu ; c\u2019est en parvenant \u00e0 la fin qu\u2019on sait qu\u2019elle est sucr\u00e9e. Bu le reste d\u2019une d\u00e9coction de gingembre et de clous de girofle, amertume bue jusqu\u2019\u00e0 la lie, sans cet ajout habituel de citron vert pour faire passer. Ce que j\u2019aime sur le site de T.C., c\u2019est ce mois de journal qu\u2019on peut lire presque sur l\u2019enti\u00e8ret\u00e9 de l\u2019\u00e9cran : juste une date, quelques phrases, des s\u00e9parateurs, une s\u00e9rie de photographies entre les phrases, une autre date, et ainsi de suite. En comparaison, la volubilit\u00e9 est comme une absence de choix. Ne pas avoir le choix, ne pas vouloir faire un choix, refuser le choix.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/612_1994_cccr.jpg?1748065236", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina", "Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-septembre-2024.html", "title": "05 septembre 2024", "date_published": "2024-09-06T07:43:17Z", "date_modified": "2025-09-30T03:43:13Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

\u00c9tonnante jeunesse. Un vieillard deviendrait b\u00eate comme ses pieds s\u2019il ne la fr\u00e9quentait pas. Aujourd\u2019hui, j\u2019ai entendu une analyse tr\u00e8s pertinente du Lysis de Platon. La mise en sc\u00e8ne, les acteurs, tout \u00e9tait au poil. Et soudain, le grand regret m\u2019a envahi de nouveau : ma b\u00e9ance devant les langues mortes. Quel avantage certain de conna\u00eetre \u00e0 la fois le grec ancien, le latin, l\u2019arabe, le sanskrit, essentiellement pour la clart\u00e9 de l\u2019esprit. Aller \u00e0 la racine des mots, comme le boucher avec sa lame (qui du coup ne s\u2019use jamais) dans les interstices des os, des muscles, des nerfs, et des mots. Voil\u00e0 l\u2019art, la discipline, la paix.<\/p>\n

Nous devons acheter un tensiom\u00e8tre. Cela fait bien trois mois. La tension ne faiblit plus. En m\u2019allongeant, c\u2019est comme si un pieu en fer rouill\u00e9 se plantait dans ma cervelle. Un paratonnerre d\u00e9fectueux qui ne cesse de prendre la foudre. J\u2019ai aval\u00e9 plus que la dose prescrite de Nicopass. J\u2019en suis \u00e0 ma deuxi\u00e8me plaquette, entam\u00e9e en d\u00e9but de soir\u00e9e. Je ne vois que \u00e7a : la tension li\u00e9e \u00e0 la nicotine. \u00c7a ne peut \u00eatre physiologiquement que \u00e7a. Pour l\u2019imaginaire ensuite, les possibilit\u00e9s se d\u00e9multiplient, car l\u2019esprit humain, laiss\u00e9 \u00e0 lui-m\u00eame, ne conna\u00eet ni bornes ni limites. \u00c0 l\u2019instar des mythes que nous cultivons depuis l\u2019Antiquit\u00e9, la pens\u00e9e contemporaine, souvent incapable de discerner l\u2019essentiel, s\u2019embourbe dans des fictions grotesques. Ainsi, les sombres r\u00e9cits circulent : des gouvernements de p\u00e9dophiles, des conspirations de faux juifs, des reptiliens dirigeant le monde depuis les coulisses. Et le peuple ? Bras ballants, b\u00e9ats comme des veaux devant l\u2019abattoir, agneaux offerts au sacrifice. Mes cochons ! Sans oublier, bien s\u00fbr, TikTok, ce miroir aux alouettes modernes. Une journ\u00e9e l\u00e0-dessus, et te voil\u00e0 bon pour Sainte-Anne, intern\u00e9 avec les fous. \u00d4 mes a\u00efeux, quelle chute !<\/p>\n

Donc, on en est revenu l\u00e0. Pire que ce qu\u2019on s\u2019\u00e9tait invent\u00e9 sur le Moyen \u00c2ge, sur l\u2019obscurantisme. C\u2019est \u00e0 coup s\u00fbr \u00e7a, le Kali Yuga. Un effondrement par la b\u00eatise, un d\u00e9luge de sornettes de toutes parts. Personne ne peut \u00eatre \u00e9pargn\u00e9, surtout ceux qui voient la B\u00eate tr\u00e8s clairement. Elle n\u2019en fera qu\u2019une bouch\u00e9e. Et rien ne dit que \u00e7a l\u2019\u00e9touffera.<\/p>\n

Pour en revenir aux langues mortes, en marchant tout \u00e0 l\u2019heure, toujours dans ce m\u00eame parc \u00e0 Saint-Pierre-de-Boeuf, d\u2019un seul coup ce dialogue silencieux avec les arbres, la v\u00e9g\u00e9tation. Tout ce vert encore, ces ombres et ces lumi\u00e8res. Un moment suspendu. J\u2019en ai ressenti une forte \u00e9motion, comme une surprise, un appel. Puis c\u2019est reparti, aussi vite que c\u2019est venu. Une fois l\u2019extase dissip\u00e9e, je me suis rappel\u00e9 cette vieille le\u00e7on : pour chaque gr\u00e2ce, il faut payer un lourd tribut. Mais tant pis, \u00e7a vaut le coup. Puis je me suis demand\u00e9 si ce n\u2019\u00e9tait pas finalement un peu surfait, tout ce romantisme. Les arbres, le vert, la lumi\u00e8re\u2026 Rien de tel qu\u2019une mauvaise sciatique pour te ramener les pieds sur terre. Je me suis remis en marche, en esp\u00e9rant que mes genoux tiendraient le coup. Ensuite, je suis pass\u00e9 \u00e0 autre chose.<\/p>\n

J\u2019aimerais bien prendre une grande toile et la remplir comme je le fais avec ces textes, la laisser se construire ainsi, mettons, sur un nombre de jours d\u00e9fini \u00e0 l\u2019avance. Si je ne fixe pas de limite, je suis fichu. Il y a une relation avec le fait de rattacher un certain nombre de textes \u00e0 un mot-cl\u00e9, comme les c\u00f4tes \u00e0 la colonne vert\u00e9brale d\u2019un squelette, et de se donner un nombre de jours limit\u00e9 pour laisser faire le hasard ou l\u2019ignorance.<\/p>\n

Je re\u00e7ois cinq sur cinq une parole sans mot ni son ; c\u2019est ainsi que je me console (un peu) de mes carences linguistiques. « Je la re\u00e7ois » ne signifie pas « je la comprends », bien \u00e9videmment. Quel int\u00e9r\u00eat, d\u2019ailleurs, de vouloir la comprendre ? Il me semble parfois qu\u2019il suffit de s\u2019en souvenir. Exactement comme ce contact intermittent avec l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du pr\u00e9sent, avec ce symbole que sont les arbres, la v\u00e9g\u00e9tation, une toile de Bram Van Velde, l\u2019aridit\u00e9 d\u2019un texte de Beckett, ou l\u2019admiration pour la jeunesse, parfois aussi, intermittente \u00e9videmment, intermittente. Mais bon, \u00e0 force de tout recevoir sans comprendre, on finit par se demander si ce n\u2019est pas juste la flemme d\u00e9guis\u00e9e en sagesse. Apr\u00e8s tout, c\u2019est plus facile de contempler l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du pr\u00e9sent que de comprendre un mode d\u2019emploi Ikea. Entre Beckett et une \u00e9tag\u00e8re \u00e0 monter, l\u2019aridit\u00e9 prend parfois des formes bien moins po\u00e9tiques. Enfin bref, je me dis que tant qu\u2019on s\u2019en souvient, c\u2019est l\u2019essentiel.<\/p>", "content_text": "\u00c9tonnante jeunesse. Un vieillard deviendrait b\u00eate comme ses pieds s\u2019il ne la fr\u00e9quentait pas. Aujourd\u2019hui, j\u2019ai entendu une analyse tr\u00e8s pertinente du Lysis de Platon. La mise en sc\u00e8ne, les acteurs, tout \u00e9tait au poil. Et soudain, le grand regret m\u2019a envahi de nouveau : ma b\u00e9ance devant les langues mortes. Quel avantage certain de conna\u00eetre \u00e0 la fois le grec ancien, le latin, l\u2019arabe, le sanskrit, essentiellement pour la clart\u00e9 de l\u2019esprit. Aller \u00e0 la racine des mots, comme le boucher avec sa lame (qui du coup ne s\u2019use jamais) dans les interstices des os, des muscles, des nerfs, et des mots. Voil\u00e0 l\u2019art, la discipline, la paix. Nous devons acheter un tensiom\u00e8tre. Cela fait bien trois mois. La tension ne faiblit plus. En m\u2019allongeant, c\u2019est comme si un pieu en fer rouill\u00e9 se plantait dans ma cervelle. Un paratonnerre d\u00e9fectueux qui ne cesse de prendre la foudre. J\u2019ai aval\u00e9 plus que la dose prescrite de Nicopass. J\u2019en suis \u00e0 ma deuxi\u00e8me plaquette, entam\u00e9e en d\u00e9but de soir\u00e9e. Je ne vois que \u00e7a : la tension li\u00e9e \u00e0 la nicotine. \u00c7a ne peut \u00eatre physiologiquement que \u00e7a. Pour l\u2019imaginaire ensuite, les possibilit\u00e9s se d\u00e9multiplient, car l\u2019esprit humain, laiss\u00e9 \u00e0 lui-m\u00eame, ne conna\u00eet ni bornes ni limites. \u00c0 l\u2019instar des mythes que nous cultivons depuis l\u2019Antiquit\u00e9, la pens\u00e9e contemporaine, souvent incapable de discerner l\u2019essentiel, s\u2019embourbe dans des fictions grotesques. Ainsi, les sombres r\u00e9cits circulent : des gouvernements de p\u00e9dophiles, des conspirations de faux juifs, des reptiliens dirigeant le monde depuis les coulisses. Et le peuple ? Bras ballants, b\u00e9ats comme des veaux devant l\u2019abattoir, agneaux offerts au sacrifice. Mes cochons ! Sans oublier, bien s\u00fbr, TikTok, ce miroir aux alouettes modernes. Une journ\u00e9e l\u00e0-dessus, et te voil\u00e0 bon pour Sainte-Anne, intern\u00e9 avec les fous. \u00d4 mes a\u00efeux, quelle chute ! Donc, on en est revenu l\u00e0. Pire que ce qu\u2019on s\u2019\u00e9tait invent\u00e9 sur le Moyen \u00c2ge, sur l\u2019obscurantisme. C\u2019est \u00e0 coup s\u00fbr \u00e7a, le Kali Yuga. Un effondrement par la b\u00eatise, un d\u00e9luge de sornettes de toutes parts. Personne ne peut \u00eatre \u00e9pargn\u00e9, surtout ceux qui voient la B\u00eate tr\u00e8s clairement. Elle n\u2019en fera qu\u2019une bouch\u00e9e. Et rien ne dit que \u00e7a l\u2019\u00e9touffera. Pour en revenir aux langues mortes, en marchant tout \u00e0 l\u2019heure, toujours dans ce m\u00eame parc \u00e0 Saint-Pierre-de-Boeuf, d\u2019un seul coup ce dialogue silencieux avec les arbres, la v\u00e9g\u00e9tation. Tout ce vert encore, ces ombres et ces lumi\u00e8res. Un moment suspendu. J\u2019en ai ressenti une forte \u00e9motion, comme une surprise, un appel. Puis c\u2019est reparti, aussi vite que c\u2019est venu. Une fois l\u2019extase dissip\u00e9e, je me suis rappel\u00e9 cette vieille le\u00e7on : pour chaque gr\u00e2ce, il faut payer un lourd tribut. Mais tant pis, \u00e7a vaut le coup. Puis je me suis demand\u00e9 si ce n\u2019\u00e9tait pas finalement un peu surfait, tout ce romantisme. Les arbres, le vert, la lumi\u00e8re\u2026 Rien de tel qu\u2019une mauvaise sciatique pour te ramener les pieds sur terre. Je me suis remis en marche, en esp\u00e9rant que mes genoux tiendraient le coup. Ensuite, je suis pass\u00e9 \u00e0 autre chose. J\u2019aimerais bien prendre une grande toile et la remplir comme je le fais avec ces textes, la laisser se construire ainsi, mettons, sur un nombre de jours d\u00e9fini \u00e0 l\u2019avance. Si je ne fixe pas de limite, je suis fichu. Il y a une relation avec le fait de rattacher un certain nombre de textes \u00e0 un mot-cl\u00e9, comme les c\u00f4tes \u00e0 la colonne vert\u00e9brale d\u2019un squelette, et de se donner un nombre de jours limit\u00e9 pour laisser faire le hasard ou l\u2019ignorance. Je re\u00e7ois cinq sur cinq une parole sans mot ni son ; c\u2019est ainsi que je me console (un peu) de mes carences linguistiques. \u00ab Je la re\u00e7ois \u00bb ne signifie pas \u00ab je la comprends \u00bb, bien \u00e9videmment. Quel int\u00e9r\u00eat, d\u2019ailleurs, de vouloir la comprendre ? Il me semble parfois qu\u2019il suffit de s\u2019en souvenir. Exactement comme ce contact intermittent avec l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du pr\u00e9sent, avec ce symbole que sont les arbres, la v\u00e9g\u00e9tation, une toile de Bram Van Velde, l\u2019aridit\u00e9 d\u2019un texte de Beckett, ou l\u2019admiration pour la jeunesse, parfois aussi, intermittente \u00e9videmment, intermittente. Mais bon, \u00e0 force de tout recevoir sans comprendre, on finit par se demander si ce n\u2019est pas juste la flemme d\u00e9guis\u00e9e en sagesse. Apr\u00e8s tout, c\u2019est plus facile de contempler l\u2019\u00e9ternit\u00e9 du pr\u00e9sent que de comprendre un mode d\u2019emploi Ikea. Entre Beckett et une \u00e9tag\u00e8re \u00e0 monter, l\u2019aridit\u00e9 prend parfois des formes bien moins po\u00e9tiques. Enfin bref, je me dis que tant qu\u2019on s\u2019en souvient, c\u2019est l\u2019essentiel. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_2922.jpg?1748065116", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina", "Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/04-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/04-septembre-2024.html", "title": "04 septembre 2024", "date_published": "2024-09-04T16:54:19Z", "date_modified": "2025-09-30T03:38:24Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Parlons donc d\u2019autre chose, de rien, de la peinture. Lieu de l\u2019inexprimable qu\u2019on cherche \u00e0 exprimer malgr\u00e9 tout. ( n\u2019h\u00e9sitons plus \u00e0 mettre les pieds dans le plat) Mais il est compos\u00e9 de quoi ce malgr\u00e9 tout et quel rapport \u00e0 l\u2019\u00e9criture \u2013 s\u2019il faut passer par la g\u00e9om\u00e9trie.<\/p>\n

Surtout, ne pas oublier le manque d\u2019entrain, le manque de d\u00e9sir, Archibald et Thelonious Monk, prendre un temps, entrer en consid\u00e9ration. Comment au couvent. Commencer absolument par l\u00e0. Comme dans le Rig Veda ou les Upanischads. Petit matin glauque, tangible absence de soleil. Chaos. Prononcer le son \u00e0 voix haute. AUM. Et prier pour que \u00e7a marche, encore une fois, en avant la musique sur 24 pieds.<\/p>\n

Quel nettoyage en profondeur l\u2019attend. Il ne se doute m\u00eame pas. Donc s\u2019accrocher \u00e0 un livre mince. Trois dialogues chez Minuit. Georges Duthuit et Samuel Beckett. Id\u00e9ale s\u00e9cheresse du second. Roborative.<\/p>\n

Facile de parler de certains peintres et d\u2019ainsi tirer une couverture \u00e0 soi ( il l\u2019assume vraiment, il ne s\u2019en cache pas) premi\u00e8re r\u00e9flexion \u00e0 la lecture de « Trois dialogues » \u00e0 d\u00e9chiffrer l\u2019\u00e9change entre D et B concernant Tal Coat, Masson et Bram Van Velde. Bon, ne vais pas recopier des bouts, pas de citation, c\u2019est clair. Le noter pour moi ce matin simplement voil\u00e0.<\/p>\n

Et si tous ces mois pass\u00e9s \u00e0 ne pas peindre forment le chemin, le tunnel, le passage n\u00e9cessaire. avec des si on mettrait Paris en bouteille. Evacuer tout d\u00e9sir de peindre. Surtout qu\u2019il n\u2019en reste pas la moindre goutte. Est-ce encore un espoir, une salet\u00e9 d\u2019espoir, la peau si douce de l\u2019esp\u00e9rance vieille engeance. Une croyance. Une imb\u00e9cilit\u00e9. voil\u00e0 ce qu\u2019il dit vil sp\u00e9culateur : C\u2019est quand il n\u2019y a plus de d\u00e9sir que la flamme revient.<\/p>\n

Pauvre petite flamme \u00e0 moiti\u00e9 \u00e9touff\u00e9e par tout ce monstrueux d\u00e9sir.<\/p>\n

En ce moment, ce qui t\u2019emp\u00e8che, te distrait, plisse les yeux et vois en boucle des tableaux de Cy Twombly. Je dois aussi lutter contre \u00e7a aussi.<\/p>\n

Mais comment. Boxe, escrime, lancer de javelot, arc et fl\u00e8ches, \u00e0 mains nues, r\u00e9volver, arme blanche\u2026<\/p>\n

Quand je n\u2019\u00e9cris plus, quand le temps s\u2019est \u00e9coul\u00e9, je dois lutter \u00e9norm\u00e9ment contre tout un tas de choses de ce genre. Genre, tu parles de quel genre. Ne serais tu pas en train de vouloir te donner un genre \u2026<\/p>\n

Non tu n\u2019as pas la chance ni la possibilit\u00e9 d\u2019\u00eatre fou.<\/p>\n

Et je n\u2019ai alors qu\u2019une envie, trouver un trou. m\u2019y enfouir, qu\u2019on m\u2019oublie. Parvenir surtout \u00e0 m\u2019oublier moi. Dans ce trou- je le trouve toujours- je peins sans rien, sans toile, sans pinceau, sans peinture. Je ne peins rien c\u2019est \u00e0 dire que je peins tout.<\/p>\n

Faites pas suer avec votre pychologie \u00e0 deux balles, pan ! pan !<\/p>\n

Une v\u00e9ritable orgie de peinture pour \u00eatre tout \u00e0 fait pr\u00e9cis. Sauf que non \u00e7a ne va pas, non mais quel gandin. Aucune pr\u00e9cision, tu as seulement r\u00eav\u00e9 celle-ci encore une fois. L\u2019\u00e9p\u00e9e de Damocles ressurgit. Tu vas d\u00e9rouiller c\u2019est s\u00fbr. Un peu de compassion pour lui quand m\u00eame.<\/p>\n

sinon, je pourrais continuer sur Lord Dunsany , puis d\u00e9river vers Sidney Sime, \u00e7a t\u2019aiderait surement \u00e0 te rappeler de l\u2019expression aller au charbon. 1857-1941. Oui voil\u00e0, ce genre de phrase sybilline, \u00e9patant. Et qu\u2019as tu fichu aujourd\u2019hui \u00e0 part \u00e7a me demande S. au retour de chez E. vann\u00e9e.<\/p>\n

J\u2019ai mis bon ordre dans les choses. Il suffirait de le dire d\u2019un ton assez ferme pour que tu y crois toi-m\u00eame<\/p>\n

r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 un outil pour agr\u00e9ger les flux, akregator, \u00e9patant. Plus besoin de taper les url, de se rendre sur les sites, les blogues, « t\u00e9l\u00e9chargez le flux et hop ».<\/p>\n

« On d\u00e9froisse les eaux et on lisse les vagues. » t\u2019ai pas dit, c\u2019est tr\u00e8s joliment dit. et aussi , plus loin « pour ce jour de repliement \u00e9go\u00efste » Waterloo morne plaine, Victor.<\/p>\n

Et non pas n\u00e9cessaire de tout expliquer, c\u2019est la grande mode on en cr\u00e8vera , vous verrez.<\/p>\n

Nouvelle s\u00e9rie, nouvelle \u00e9tiquette, ou mot cl\u00e9s. d\u00e9tournement de la taverne de la ruine en bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina.<\/p>\n

Mais toujours bien trop long. Encore bien trop le sanglot long des violons.<\/p>", "content_text": "Parlons donc d\u2019autre chose, de rien, de la peinture. Lieu de l\u2019inexprimable qu\u2019on cherche \u00e0 exprimer malgr\u00e9 tout. ( n\u2019h\u00e9sitons plus \u00e0 mettre les pieds dans le plat) Mais il est compos\u00e9 de quoi ce malgr\u00e9 tout et quel rapport \u00e0 l\u2019\u00e9criture \u2013 s\u2019il faut passer par la g\u00e9om\u00e9trie. Surtout, ne pas oublier le manque d\u2019entrain, le manque de d\u00e9sir, Archibald et Thelonious Monk, prendre un temps, entrer en consid\u00e9ration. Comment au couvent. Commencer absolument par l\u00e0. Comme dans le Rig Veda ou les Upanischads. Petit matin glauque, tangible absence de soleil. Chaos. Prononcer le son \u00e0 voix haute. AUM. Et prier pour que \u00e7a marche, encore une fois, en avant la musique sur 24 pieds. Quel nettoyage en profondeur l\u2019attend. Il ne se doute m\u00eame pas. Donc s\u2019accrocher \u00e0 un livre mince. Trois dialogues chez Minuit. Georges Duthuit et Samuel Beckett. Id\u00e9ale s\u00e9cheresse du second. Roborative. Facile de parler de certains peintres et d\u2019ainsi tirer une couverture \u00e0 soi ( il l\u2019assume vraiment, il ne s\u2019en cache pas) premi\u00e8re r\u00e9flexion \u00e0 la lecture de \u00ab Trois dialogues \u00bb \u00e0 d\u00e9chiffrer l\u2019\u00e9change entre D et B concernant Tal Coat, Masson et Bram Van Velde. Bon, ne vais pas recopier des bouts, pas de citation, c\u2019est clair. Le noter pour moi ce matin simplement voil\u00e0. Et si tous ces mois pass\u00e9s \u00e0 ne pas peindre forment le chemin, le tunnel, le passage n\u00e9cessaire. avec des si on mettrait Paris en bouteille. Evacuer tout d\u00e9sir de peindre. Surtout qu\u2019il n\u2019en reste pas la moindre goutte. Est-ce encore un espoir, une salet\u00e9 d\u2019espoir, la peau si douce de l\u2019esp\u00e9rance vieille engeance. Une croyance. Une imb\u00e9cilit\u00e9. voil\u00e0 ce qu\u2019il dit vil sp\u00e9culateur: C\u2019est quand il n\u2019y a plus de d\u00e9sir que la flamme revient. Pauvre petite flamme \u00e0 moiti\u00e9 \u00e9touff\u00e9e par tout ce monstrueux d\u00e9sir. En ce moment, ce qui t\u2019emp\u00e8che, te distrait, plisse les yeux et vois en boucle des tableaux de Cy Twombly. Je dois aussi lutter contre \u00e7a aussi. Mais comment. Boxe, escrime, lancer de javelot, arc et fl\u00e8ches, \u00e0 mains nues, r\u00e9volver, arme blanche\u2026 Quand je n\u2019\u00e9cris plus, quand le temps s\u2019est \u00e9coul\u00e9, je dois lutter \u00e9norm\u00e9ment contre tout un tas de choses de ce genre. Genre, tu parles de quel genre. Ne serais tu pas en train de vouloir te donner un genre \u2026 Non tu n\u2019as pas la chance ni la possibilit\u00e9 d\u2019\u00eatre fou. Et je n\u2019ai alors qu\u2019une envie, trouver un trou. m\u2019y enfouir, qu\u2019on m\u2019oublie. Parvenir surtout \u00e0 m\u2019oublier moi. Dans ce trou- je le trouve toujours- je peins sans rien, sans toile, sans pinceau, sans peinture. Je ne peins rien c\u2019est \u00e0 dire que je peins tout. Faites pas suer avec votre pychologie \u00e0 deux balles, pan ! pan ! Une v\u00e9ritable orgie de peinture pour \u00eatre tout \u00e0 fait pr\u00e9cis. Sauf que non \u00e7a ne va pas, non mais quel gandin. Aucune pr\u00e9cision, tu as seulement r\u00eav\u00e9 celle-ci encore une fois. L\u2019\u00e9p\u00e9e de Damocles ressurgit. Tu vas d\u00e9rouiller c\u2019est s\u00fbr. Un peu de compassion pour lui quand m\u00eame. sinon, je pourrais continuer sur Lord Dunsany , puis d\u00e9river vers Sidney Sime, \u00e7a t\u2019aiderait surement \u00e0 te rappeler de l\u2019expression aller au charbon. 1857-1941. Oui voil\u00e0, ce genre de phrase sybilline, \u00e9patant. Et qu\u2019as tu fichu aujourd\u2019hui \u00e0 part \u00e7a me demande S. au retour de chez E. vann\u00e9e. J\u2019ai mis bon ordre dans les choses. Il suffirait de le dire d\u2019un ton assez ferme pour que tu y crois toi-m\u00eame r\u00e9cup\u00e9r\u00e9 un outil pour agr\u00e9ger les flux, akregator, \u00e9patant. Plus besoin de taper les url, de se rendre sur les sites, les blogues, \u00ab t\u00e9l\u00e9chargez le flux et hop \u00bb. \u00ab On d\u00e9froisse les eaux et on lisse les vagues. \u00bb t\u2019ai pas dit, c\u2019est tr\u00e8s joliment dit. et aussi , plus loin \u00ab pour ce jour de repliement \u00e9go\u00efste \u00bb Waterloo morne plaine, Victor. Et non pas n\u00e9cessaire de tout expliquer, c\u2019est la grande mode on en cr\u00e8vera , vous verrez. Nouvelle s\u00e9rie, nouvelle \u00e9tiquette, ou mot cl\u00e9s. d\u00e9tournement de la taverne de la ruine en bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina. Mais toujours bien trop long. Encore bien trop le sanglot long des violons.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/f8cbf00_29048-1ynfcua_gopggy14i_1_.jpg?1748065087", "tags": ["bistrot de la B\u00e9r\u00e9zina"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-septembre-2024.html", "title": "03 septembre 2024", "date_published": "2024-09-04T16:52:23Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le lendemain, rien ne change. Flaubert et ses livres sur rien sauf la qu\u00eate du propre. Comme Beckett si on veut. Vieux sanskrit des origines, on peut encore en distinguer quelques racines. Un d\u00e9luge a lieu r\u00e9guli\u00e8rement, tous les 11 ou 12 000 ans. Napol\u00e9on souffre de l\u2019idiotie de devoir revenir en Macron. L\u2019 Arl\u00e9sienne d\u2019un premier ministre. Anne, ma s\u0153ur Anne, ne vois-tu rien venir. Si, quand m\u00eame une l\u00e9g\u00e8re illumination en lisant d\u2019une traite Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds de Christian Garcin, ce qui m\u2019a conduit \u00e0 revenir du c\u00f4t\u00e9 de chez Swann pour v\u00e9rifier qu\u2019il s\u2019agissait de la m\u00eame chose, ce ph\u00e9nom\u00e8ne de d\u00e9sorientation qui remet en question toutes les certitudes autrefois fond\u00e9es sur l\u2019orientation, l\u2019espace, et surtout l\u2019origine de ce r\u00e9el que l\u2019on ne cesse d\u2019aller piocher dans les livres, dans les rues, jour et nuit. Effectivement, on ne sait pas, l\u2019habitude est si ancr\u00e9e qu\u2019elle s\u2019effondre avec elle-m\u00eame. Le lieu nous devient alors aussi \u00e9tranger que le « toi » qui dis « moi ». La vie ainsi reparcourue dans ce moment de vacillement, on ne sait plus si c\u2019est vrai, si c\u2019est un r\u00eave, ou quelque chose d\u2019hybride \u00e0 mi-chemin de ces deux p\u00f4les. Sans oublier Bob Dylan que l\u2019insomnie me fait relire. Et comme c\u2019est bien \u00e9trange aussi de relire un texte que l\u2019on pensait avoir compris la premi\u00e8re fois. C\u2019est une bonne part de F. que l\u2019on y red\u00e9couvre. La fameuse « sous-conversation » de Sarraute. Ce qui est certain, c\u2019est que le texte ne s\u2019est pas modifi\u00e9 depuis la derni\u00e8re fois, ce ne peut donc qu\u2019\u00eatre un point de vue, celui du lecteur qui change. J\u2019ai relu ainsi plusieurs pages comme pour v\u00e9rifier, puis je suis revenu \u00e0 Proust, et enfin, lass\u00e9, cherchant le sommeil, j\u2019ai achev\u00e9 ce cheminement bizarre par quelques pages de Civilisations englouties de Graham Hancock, plut\u00f4t indigestes au demeurant tant il s\u2019appuie sur cette sorte d\u2019enqu\u00eate scientifique pour s\u2019opposer au narratif officiel\u2026 des scientifiques. En m\u2019endormant, je crois que j\u2019ai pens\u00e9 un peu \u00e0 Beckett, \u00e0 son \u00e9criture surtout, au fait qu\u2019il a certainement \u00e9t\u00e9 bien plus loin que Lacan et Joyce dans « lalangue« . Puis j\u2019ai voulu revenir \u00e0 cette fameuse civilisation pr\u00e9adamique, d\u00e9sormais repouss\u00e9e au-del\u00e0 de l\u2019Antarctique, au-del\u00e0 du fameux Mur de Glace, et j\u2019ai d\u00fb \u00e0 un moment tomber dans un trou, dans une grotte, de celles qui ressemblent \u00e0 celles du Caucase, et me suis laiss\u00e9 guider par les voix des morts.<\/p>\n

La notion d\u2019objet. Sarraute contre Robbe-Grillet. Encore ces antagonismes cr\u00e9\u00e9s de toutes pi\u00e8ces. N\u2019emp\u00eache que, r\u00e9v\u00e9lation soudaine, illumination dont la m\u00e8che est d\u00e9j\u00e0 allum\u00e9e depuis longtemps, l\u2019objet comme m\u00e9diateur entre l\u2019imagination et la r\u00e9alit\u00e9. \u00c0 ce point qu\u2019il faut soudain se demander : qu\u2019est-ce donc que cet objet dont toi tu ne parles pas ? Est-ce parce que tu ne le vois pas, parce que l\u2019habitude le gomme de ton champ de vision, ou bien justement le vois toujours, tellement, que toutes les distractions seront bonnes pour y \u00e9chapper.<\/p>\n

Maintenant et depuis plusieurs semaines la fatigue comme objet. Sauf que tous ces textes \u00e9crits sur le sujet sont d\u2019une part tr\u00e8s « personnels », tr\u00e8s « sentimentaux », et qu\u2019ainsi ils semblent \u00e9chapper justement \u00e0 l\u2019objet de la fatigue ; d\u2019autre part, ils sont peu ou pas du tout travaill\u00e9s, c\u2019est une \u00e9criture vernaculaire , un roman fleuve, une \u00e9criture spontan\u00e9e, une \u00e9criture qui reste en amont de l\u2019\u00e9criture, parce qu\u2019elle semble ne s\u2019adresser qu\u2019\u00e0 son auteur, et reste absconse la plupart du temps au lecteur. C\u2019est la parole primordiale au 1000 syllabes mais dont on ne peut absolument rien faire, qu\u2019on ne peut exploiter, dont on ne peut profiter. C\u2019est de l\u2019indicible qu\u2019on voudrait \u00e0 tout prix dire. En gros, du caca, une logorh\u00e9e, une diarh\u00e9e. Et bien mon vieux comme tu y vas. N\u2019exag\u00e8re pas, ne te c\u00e9l\u00e8bre pas \u00e0 l\u2019envers non plus.<\/p>\n

D\u2019ailleurs, quel lecteur ? Aucune id\u00e9e de ce qu\u2019il peut \u00eatre ou surtout sera dans un autre temps, quand la mode, les id\u00e9es du temps pr\u00e9sent seront r\u00e9volues ; comment alors ne pas imaginer le ridicule, le path\u00e9tisme pour le lecteur de demain ? J\u2019avais \u00e9prouv\u00e9 cela moi-m\u00eame \u00e0 la lecture de Pana\u00eft Istrati, et aussi de L\u00e9on Bloy, lorsque j\u2019\u00e9tais jeune et encore tellement tranchant dans mes jugements. Puis, vers la quarantaine, je me suis adouci, j\u2019ai relu ces deux auteurs ainsi que bien d\u2019autres diff\u00e9remment. Il semble cependant que je n\u2019en ai gu\u00e8re tir\u00e9 de le\u00e7on pour ma propre \u00e9criture. Secr\u00e8tement, j\u2019ai d\u00fb m\u2019identifier de la pire des fa\u00e7ons \u00e0 Montaigne, \u00e0 Saint-Simon, \u00e0 Proust et quelques autres encore qui faisaient de leur vie la mati\u00e8re m\u00eame de leurs \u00e9crits ; si je dis de la pire des fa\u00e7ons, c\u2019est parce que je ne faisais jamais grand cas de la phrase en elle-m\u00eame, celle qui sort comme Ath\u00e9na toute arm\u00e9e de la t\u00eate de Zeus. Et je ne sais toujours pas bien si cette ignorance est volontaire ou bien le signe \u00e9vident de ma m\u00e9connaissance de la notion d\u2019objet. L\u2019objet \u00e0 cet instant \u00e9tant la langue tentant de dire quelque chose \u00e0 travers moi, s\u2019obscurcissant justement parce qu\u2019il s\u2019agit de moi.<\/p>\n

Les commentaires, les notes de bas de page, la recherche d\u2019information sur tel ou tel sujet-objet, rien ne doit \u00eatre laiss\u00e9 au hasard une fois que l\u2019on sait ce qu\u2019est ce hasard, c\u2019est \u00e0 dire une paresse. Il ne s\u2019agit plus ici d\u2019ignorance que d\u2019une volonte de ne pas vouloir savoir. Une fois qu\u2019on le sait, c\u2019est inscrit dans le corps, on ne peut plus s\u2019en d\u00e9barasser, m\u00eame en faisant des efforts, \u00e7a ne fonctionne plus. Toutes ces difficult\u00e9s \u00e0 marcher durant cet \u00e9t\u00e9 me reviennent. Je ne comprenais pas la raison de l\u2019incident ; J\u2019avais aid\u00e9 un couple d\u2019automobiliste \u00e0 d\u00e9sembourber leur v\u00e9hicule et tout de suite apr\u00e8s j\u2019\u00e9tais tomb\u00e9, je m\u2019\u00e9tais tordu cette cheville. J\u2019en ai voulu bien \u00e9videmment \u00e0 la Providence aussit\u00f4t en ne m\u00e9nageant pas les injures \u00e0 son \u00e9gard, ce c\u00f4t\u00e9 juif, vicitimaire, pers\u00e9cut\u00e9 par le destin qui ne me l\u00e2che pas depuis l\u2019enfance. J\u2019aurais pu en rester l\u00e0, p\u00e9n\u00e9trer dans la tristesse d\u00fbe \u00e0 cette incompr\u00e9hension, puis l\u2019intuition doucement a pris le relais, m\u2019a men\u00e9 \u00e0 la fatigue, et c\u2019est l\u00e0 peu \u00e0 peu que l\u2019objet est devenu visible, \u00e9vident, et surtout que j\u2019ai pu recouvrir la vue, ne plus \u00eatre aveugl\u00e9 par cette \u00e9vidence.<\/p>\n

J\u2019ai la sensation que toute cette pens\u00e9e concernant la fatigue, commence par une chute, que ce soit celle que j\u2019\u00e9nonce dans l\u2019andecdote pr\u00e9c\u00e9dente mais aussi le fait d\u2019avoir renonc\u00e9 \u00e0 compiler comme propos\u00e9 par F. tous les textes que j\u2019avais \u00e9crits durant un mois dans son atelier d\u2019\u00e9criture. J\u2019y vois le m\u00eame d\u00e9sespoir, la m\u00eame incompr\u00e9hension, le m\u00eame personnage victimaire qui commence toujours par s\u2019en prendre \u00e0 lui-m\u00eame de ne pas \u00eatre suffisamment ceci sufisamment cela, puis ce d\u00e9clic : l\u2019\u00e9puisement li\u00e9 \u00e0 cette r\u00e9p\u00e9tition devenue soudain si \u00e9vidente.<\/p>\n

En attendant encore perdu 400 grammes. Suis pass\u00e9 d\u2019une demi-heure \u00e0 une heure de marche aujourd\u2019hui. En ai profit\u00e9 pour me r\u00e9aprovisionner en Nicopass, et aussi en huile, moutarde, biscottes, iceberg, tout le n\u00e9cessaire pour rester sur la ligne d\u2019un amaigrissement de soi dans tous les sens du terme. Cette semaine on fait les fonds de placard et de congelateur. L\u00e9gumes secs, quinoa, haricots, lentilles etc. S. voulait que nous allions faire les courses ensemble, mais j\u2019ai vu que c\u2019\u00e9tait pour elle une corv\u00e9e. Ce fut le pr\u00e9texte. J\u2019y vais seul et ce ne sera que le strict n\u00e9cessaire. Achet\u00e9 un grand cahier \u00e0 petits carreaux et un roller dont la r\u00e9clame indique que l\u2019encre est effacable. L\u2019informatique est sans doute bien pour l\u2019\u00e9criture « au fil de l\u2019eau », mais je sens que je vais avoir besoin de biffures, de ratures, de marges. D\u2019en revenir \u00e0 ce silence dont parle Maurice Blanchot. Dans l\u2019espace , ce support, ce brouillon qu\u2019est le blogue, l\u2019essai sur la fatigue s\u2019ach\u00e8ve donc ainsi. Le carnet 2024 continue, j\u2019esp\u00e8re avec un second souffle. La r\u00e9gularit\u00e9 de publication, cependant, n\u2019y est plus tant requise, convenant sans doute autrement \u00e0 la relecture, au travail v\u00e9ritable du texte.<\/p>", "content_text": "Le lendemain, rien ne change. Flaubert et ses livres sur rien sauf la qu\u00eate du propre. Comme Beckett si on veut. Vieux sanskrit des origines, on peut encore en distinguer quelques racines. Un d\u00e9luge a lieu r\u00e9guli\u00e8rement, tous les 11 ou 12 000 ans. Napol\u00e9on souffre de l\u2019idiotie de devoir revenir en Macron. L\u2019 Arl\u00e9sienne d\u2019un premier ministre. Anne, ma s\u0153ur Anne, ne vois-tu rien venir. Si, quand m\u00eame une l\u00e9g\u00e8re illumination en lisant d\u2019une traite Les Vies multiples de Jeremiah Reynolds de Christian Garcin, ce qui m\u2019a conduit \u00e0 revenir du c\u00f4t\u00e9 de chez Swann pour v\u00e9rifier qu\u2019il s\u2019agissait de la m\u00eame chose, ce ph\u00e9nom\u00e8ne de d\u00e9sorientation qui remet en question toutes les certitudes autrefois fond\u00e9es sur l\u2019orientation, l\u2019espace, et surtout l\u2019origine de ce r\u00e9el que l\u2019on ne cesse d\u2019aller piocher dans les livres, dans les rues, jour et nuit. Effectivement, on ne sait pas, l\u2019habitude est si ancr\u00e9e qu\u2019elle s\u2019effondre avec elle-m\u00eame. Le lieu nous devient alors aussi \u00e9tranger que le \u00ab toi \u00bb qui dis \u00ab moi \u00bb. La vie ainsi reparcourue dans ce moment de vacillement, on ne sait plus si c\u2019est vrai, si c\u2019est un r\u00eave, ou quelque chose d\u2019hybride \u00e0 mi-chemin de ces deux p\u00f4les. Sans oublier Bob Dylan que l\u2019insomnie me fait relire. Et comme c\u2019est bien \u00e9trange aussi de relire un texte que l\u2019on pensait avoir compris la premi\u00e8re fois. C\u2019est une bonne part de F. que l\u2019on y red\u00e9couvre. La fameuse \u00ab sous-conversation \u00bb de Sarraute. Ce qui est certain, c\u2019est que le texte ne s\u2019est pas modifi\u00e9 depuis la derni\u00e8re fois, ce ne peut donc qu\u2019\u00eatre un point de vue, celui du lecteur qui change. J\u2019ai relu ainsi plusieurs pages comme pour v\u00e9rifier, puis je suis revenu \u00e0 Proust, et enfin, lass\u00e9, cherchant le sommeil, j\u2019ai achev\u00e9 ce cheminement bizarre par quelques pages de Civilisations englouties de Graham Hancock, plut\u00f4t indigestes au demeurant tant il s\u2019appuie sur cette sorte d\u2019enqu\u00eate scientifique pour s\u2019opposer au narratif officiel\u2026 des scientifiques. En m\u2019endormant, je crois que j\u2019ai pens\u00e9 un peu \u00e0 Beckett, \u00e0 son \u00e9criture surtout, au fait qu\u2019il a certainement \u00e9t\u00e9 bien plus loin que Lacan et Joyce dans \u00ab lalangue\u00ab . Puis j\u2019ai voulu revenir \u00e0 cette fameuse civilisation pr\u00e9adamique, d\u00e9sormais repouss\u00e9e au-del\u00e0 de l\u2019Antarctique, au-del\u00e0 du fameux Mur de Glace, et j\u2019ai d\u00fb \u00e0 un moment tomber dans un trou, dans une grotte, de celles qui ressemblent \u00e0 celles du Caucase, et me suis laiss\u00e9 guider par les voix des morts. La notion d\u2019objet. Sarraute contre Robbe-Grillet. Encore ces antagonismes cr\u00e9\u00e9s de toutes pi\u00e8ces. N\u2019emp\u00eache que, r\u00e9v\u00e9lation soudaine, illumination dont la m\u00e8che est d\u00e9j\u00e0 allum\u00e9e depuis longtemps, l\u2019objet comme m\u00e9diateur entre l\u2019imagination et la r\u00e9alit\u00e9. \u00c0 ce point qu\u2019il faut soudain se demander : qu\u2019est-ce donc que cet objet dont toi tu ne parles pas ? Est-ce parce que tu ne le vois pas, parce que l\u2019habitude le gomme de ton champ de vision, ou bien justement le vois toujours, tellement, que toutes les distractions seront bonnes pour y \u00e9chapper. Maintenant et depuis plusieurs semaines la fatigue comme objet. Sauf que tous ces textes \u00e9crits sur le sujet sont d\u2019une part tr\u00e8s \u00ab personnels \u00bb, tr\u00e8s \u00ab sentimentaux \u00bb, et qu\u2019ainsi ils semblent \u00e9chapper justement \u00e0 l\u2019objet de la fatigue ; d\u2019autre part, ils sont peu ou pas du tout travaill\u00e9s, c\u2019est une \u00e9criture vernaculaire , un roman fleuve, une \u00e9criture spontan\u00e9e, une \u00e9criture qui reste en amont de l\u2019\u00e9criture, parce qu\u2019elle semble ne s\u2019adresser qu\u2019\u00e0 son auteur, et reste absconse la plupart du temps au lecteur. C\u2019est la parole primordiale au 1000 syllabes mais dont on ne peut absolument rien faire, qu\u2019on ne peut exploiter, dont on ne peut profiter. C\u2019est de l\u2019indicible qu\u2019on voudrait \u00e0 tout prix dire. En gros, du caca, une logorh\u00e9e, une diarh\u00e9e. Et bien mon vieux comme tu y vas. N\u2019exag\u00e8re pas, ne te c\u00e9l\u00e8bre pas \u00e0 l\u2019envers non plus. D\u2019ailleurs, quel lecteur ? Aucune id\u00e9e de ce qu\u2019il peut \u00eatre ou surtout sera dans un autre temps, quand la mode, les id\u00e9es du temps pr\u00e9sent seront r\u00e9volues ; comment alors ne pas imaginer le ridicule, le path\u00e9tisme pour le lecteur de demain ? J\u2019avais \u00e9prouv\u00e9 cela moi-m\u00eame \u00e0 la lecture de Pana\u00eft Istrati, et aussi de L\u00e9on Bloy, lorsque j\u2019\u00e9tais jeune et encore tellement tranchant dans mes jugements. Puis, vers la quarantaine, je me suis adouci, j\u2019ai relu ces deux auteurs ainsi que bien d\u2019autres diff\u00e9remment. Il semble cependant que je n\u2019en ai gu\u00e8re tir\u00e9 de le\u00e7on pour ma propre \u00e9criture. Secr\u00e8tement, j\u2019ai d\u00fb m\u2019identifier de la pire des fa\u00e7ons \u00e0 Montaigne, \u00e0 Saint-Simon, \u00e0 Proust et quelques autres encore qui faisaient de leur vie la mati\u00e8re m\u00eame de leurs \u00e9crits ; si je dis de la pire des fa\u00e7ons, c\u2019est parce que je ne faisais jamais grand cas de la phrase en elle-m\u00eame, celle qui sort comme Ath\u00e9na toute arm\u00e9e de la t\u00eate de Zeus. Et je ne sais toujours pas bien si cette ignorance est volontaire ou bien le signe \u00e9vident de ma m\u00e9connaissance de la notion d\u2019objet. L\u2019objet \u00e0 cet instant \u00e9tant la langue tentant de dire quelque chose \u00e0 travers moi, s\u2019obscurcissant justement parce qu\u2019il s\u2019agit de moi. Les commentaires, les notes de bas de page, la recherche d\u2019information sur tel ou tel sujet-objet, rien ne doit \u00eatre laiss\u00e9 au hasard une fois que l\u2019on sait ce qu\u2019est ce hasard, c\u2019est \u00e0 dire une paresse. Il ne s\u2019agit plus ici d\u2019ignorance que d\u2019une volonte de ne pas vouloir savoir. Une fois qu\u2019on le sait, c\u2019est inscrit dans le corps, on ne peut plus s\u2019en d\u00e9barasser, m\u00eame en faisant des efforts, \u00e7a ne fonctionne plus. Toutes ces difficult\u00e9s \u00e0 marcher durant cet \u00e9t\u00e9 me reviennent. Je ne comprenais pas la raison de l\u2019incident; J\u2019avais aid\u00e9 un couple d\u2019automobiliste \u00e0 d\u00e9sembourber leur v\u00e9hicule et tout de suite apr\u00e8s j\u2019\u00e9tais tomb\u00e9, je m\u2019\u00e9tais tordu cette cheville. J\u2019en ai voulu bien \u00e9videmment \u00e0 la Providence aussit\u00f4t en ne m\u00e9nageant pas les injures \u00e0 son \u00e9gard, ce c\u00f4t\u00e9 juif, vicitimaire, pers\u00e9cut\u00e9 par le destin qui ne me l\u00e2che pas depuis l\u2019enfance. J\u2019aurais pu en rester l\u00e0, p\u00e9n\u00e9trer dans la tristesse d\u00fbe \u00e0 cette incompr\u00e9hension, puis l\u2019intuition doucement a pris le relais, m\u2019a men\u00e9 \u00e0 la fatigue, et c\u2019est l\u00e0 peu \u00e0 peu que l\u2019objet est devenu visible, \u00e9vident, et surtout que j\u2019ai pu recouvrir la vue, ne plus \u00eatre aveugl\u00e9 par cette \u00e9vidence. J\u2019ai la sensation que toute cette pens\u00e9e concernant la fatigue, commence par une chute, que ce soit celle que j\u2019\u00e9nonce dans l\u2019andecdote pr\u00e9c\u00e9dente mais aussi le fait d\u2019avoir renonc\u00e9 \u00e0 compiler comme propos\u00e9 par F. tous les textes que j\u2019avais \u00e9crits durant un mois dans son atelier d\u2019\u00e9criture. J\u2019y vois le m\u00eame d\u00e9sespoir, la m\u00eame incompr\u00e9hension, le m\u00eame personnage victimaire qui commence toujours par s\u2019en prendre \u00e0 lui-m\u00eame de ne pas \u00eatre suffisamment ceci sufisamment cela, puis ce d\u00e9clic : l\u2019\u00e9puisement li\u00e9 \u00e0 cette r\u00e9p\u00e9tition devenue soudain si \u00e9vidente. En attendant encore perdu 400 grammes. Suis pass\u00e9 d\u2019une demi-heure \u00e0 une heure de marche aujourd\u2019hui. En ai profit\u00e9 pour me r\u00e9aprovisionner en Nicopass, et aussi en huile, moutarde, biscottes, iceberg, tout le n\u00e9cessaire pour rester sur la ligne d\u2019un amaigrissement de soi dans tous les sens du terme. Cette semaine on fait les fonds de placard et de congelateur. L\u00e9gumes secs, quinoa, haricots, lentilles etc. S. voulait que nous allions faire les courses ensemble, mais j\u2019ai vu que c\u2019\u00e9tait pour elle une corv\u00e9e. Ce fut le pr\u00e9texte. J\u2019y vais seul et ce ne sera que le strict n\u00e9cessaire. Achet\u00e9 un grand cahier \u00e0 petits carreaux et un roller dont la r\u00e9clame indique que l\u2019encre est effacable. L\u2019informatique est sans doute bien pour l\u2019\u00e9criture \u00ab au fil de l\u2019eau \u00bb, mais je sens que je vais avoir besoin de biffures, de ratures, de marges. D\u2019en revenir \u00e0 ce silence dont parle Maurice Blanchot. Dans l\u2019espace , ce support, ce brouillon qu\u2019est le blogue, l\u2019essai sur la fatigue s\u2019ach\u00e8ve donc ainsi. Le carnet 2024 continue, j\u2019esp\u00e8re avec un second souffle. La r\u00e9gularit\u00e9 de publication, cependant, n\u2019y est plus tant requise, convenant sans doute autrement \u00e0 la relecture, au travail v\u00e9ritable du texte. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/7ojnaxhd4m28ckuzq170t-.webp?1748065115", "tags": ["Essai sur la fatigue"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/2-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/2-septembre-2024.html", "title": "2 septembre 2024", "date_published": "2024-09-02T09:17:59Z", "date_modified": "2025-02-17T01:55:16Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Il pense encore \u00e0 toutes les raisons pour lesquelles il ne veut pas entendre la fatigue, les horaires \u00e0 respecter, les objectifs \u00e0 atteindre, les gosses \u00e0 \u00e9lever, le loyer \u00e0 payer, la bouffe, la poussi\u00e8re, les diff\u00e9rentes machines \u00e0 lancer, les guerres sans cesse recommenc\u00e9es, c\u2019est ce que l\u2019on dit publiquement pour \u00eatre comme tout le monde, bien s\u00fbr. Ce ne sont pas des raisons, ce sont des mots d\u2019ordre. Et au-del\u00e0, il faut plut\u00f4t craindre une singularit\u00e9, \u00eatre pris sur le fait de se distinguer du lot—souvent par la n\u00e9gative—c\u2019est \u00e7a la hantise. En fait, non. Disons que c\u2019est plut\u00f4t une couverture, une l\u00e9gende d\u2019espion, n\u00e9cessaire pour vivre au contact des autres sans appara\u00eetre comme un d\u00e9mon, une b\u00eate, sans les effrayer. Pour \u00e9viter la violence. C\u2019est visc\u00e9ral d\u00e9sormais. Avant, il croyait que c\u2019\u00e9tait de la col\u00e8re, de la rage, du ressentiment. Non, c\u2019est seulement triste, une tristesse insondable comme il arrive qu\u2019on la qualifie sans savoir. Parce qu\u2019on ne veut pas plus sonder la fatigue que la tristesse, c\u2019est surtout \u00e7a. \u00c7a nous emporterait trop loin. Il repense encore \u00e0 cette facilit\u00e9 avec laquelle on lui demande de se taire sit\u00f4t qu\u2019il l\u2019ouvre « sans savoir ». —Tais-toi, tu ne sais pas de quoi tu parles. Il doit y avoir une envie de prendre une revanche, de leur clore le bec \u00e0 eux, leur dire : vous voyez, vous vous \u00eates tromp\u00e9s, aucun besoin de savoir pour la ramener. Parler dans ces cas-l\u00e0 est un r\u00e9flexe qui vaut la bave du chien dans un r\u00eave d\u2019os. Bande de rapporteurs, il pourrait ajouter, mais ils ne comprendraient pas. \u00c7a ne sert \u00e0 rien, ce serait inutile, plus que pr\u00e9tentieux, vain. Ce sont eux qui ne savent pas, ce sont eux qui s\u2019effondrent lentement dans les transports en commun, dans le sommeil, il les voit marcher comme des somnambules. Pas seulement marcher. Mais vivre. Et quel courage ils ont sans le savoir. C\u2019est ce courage de l\u2019ignorance qui lui manque. Ou le courage du choix. Ou le courage de voir la mort bien en face \u00e0 l\u2019entr\u00e9e de la salle de classe, de l\u2019usine, du bureau, du commissariat, du palais de Justice, de la cellule de prison, de l\u2019incin\u00e9rateur, du cimeti\u00e8re. Il faut que ce soient eux qui gagnent la partie, il le sent, il faut qu\u2019\u00e0 eux seuls revienne la fatigue, qu\u2019ils s\u2019y couchent, qu\u2019ils se reposent ainsi, en bonne conscience autant que possible. Lui, il n\u2019a pas ce courage-l\u00e0, c\u2019est l\u2019\u00e9vidence, ce n\u2019est m\u00eame pas une raison digne de ce nom, c\u2019est une pulsion. Il ne veut pas c\u00e9der \u00e0 la fatigue parce qu\u2019il se sent plus fort qu\u2019elle, voil\u00e0 tout, comme autrefois avec l\u2019alcool, comme avec la fid\u00e9lit\u00e9, comme avec l\u2019honn\u00eatet\u00e9, comme avec le monde tel qu\u2019il imagine ce monde. Ce n\u2019est pas se sentir fort comme son p\u00e8re voulait \u00eatre le plus fort, ce n\u2019est pas la m\u00eame id\u00e9e de la force virile, non, c\u2019est tout l\u2019inverse, une force qui vient directement de la faiblesse. Comme quelque chose de f\u00e9minin qui agit en douce, l\u2019air de rien, mais qui s\u2019occupe de tout, qui est toujours l\u00e0 sans qu\u2019on s\u2019en aper\u00e7oive, sauf quand \u00e7a s\u2019absente, quand \u00e7a nous quitte brusquement sans pr\u00e9venir. On ne peut alors plus compter sur l\u2019\u00e9rection vraiment, la verticalit\u00e9 est emport\u00e9e elle aussi par cette absence, on commence une nouvelle vie, une double vie, \u00e0 demi somnambule \u00e0 demi \u00e9veill\u00e9, on louvoie, on marche sur un fil, on cherche l\u2019\u00e9quilibre, on rate, on chute, on recommence. C\u2019est cela qu\u2019on nomme l\u2019endurance, le fait de ne pas se laisser avoir par pire que la fatigue, le renoncement.<\/p>\n

La question n\u2019est pas de se souvenir, de chercher des raisons dans les souvenirs, la question n\u2019est pas de chercher des raisons. La question est la question. « Mais pourquoi ce gamin pose-t-il toujours autant de questions, comme il me fatigue ». Ce sont des souvenirs de phrases dites, des mots qui p\u00e9n\u00e8trent \u00e0 travers la chair, qui s\u2019enfoncent au plus profond des muscles, pour atteindre l\u2019os, le squelette, qui l\u2019explosent \u00e0 la fin. Ils tentent de se maintenir sans se poser de question, tu ne devrais pas prendre \u00e7a \u00e0 la l\u00e9g\u00e8re petit, ne pas t\u2019en moquer, ne pas te sentir plus fort gr\u00e2ce \u00e0 la question. Elle te laissera tomber, tu ne le sais pas encore. La question ne p\u00e8se pas lourd au regard de la vie qui ne se compose que de r\u00e9ponses, et qu\u2019importe si ces r\u00e9ponses te paraissent toutes faites, tant pis si tu es effray\u00e9 par les clich\u00e9s, les lieux communs, \u00e7a te regarde. En attendant, ils agissent, ils produisent le mouvement, si \u00e9cervel\u00e9s penses-tu qu\u2019ils soient, ils sont dans la vie, ils sont la vie.<\/p>\n

Bien s\u00fbr, tu vas encore me parler de Fernando Pessoa, de Pavese, d\u2019un tas de gens importants qui te disent tout le contraire. Tu devrais parfois te demander pourquoi tu les crois, pourquoi eux et pas les autres. Tu devrais les \u00e9couter aussi tous ces autres. Ce qu\u2019ils disent, ou plut\u00f4t qu\u2019ils ne disent pas. En gros que cette vie-l\u00e0 c\u2019est de la merde, qu\u2019il vaut mieux « naviguer », jouer les petits poissons entre deux eaux. Ils disent strictement la m\u00eame chose, sous une forme diff\u00e9rente. De la foutaise mon petit vieux, de la foutaise. On n\u2019en est plus l\u00e0 du tout d\u00e9sormais. Quand la souffrance v\u00e9ritable revient, la d\u00e9sesp\u00e9rance, la faim revient, on ne peut plus se satisfaire de figures de style, on ne peut plus se cantonner qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9l\u00e9gance d\u2019agir, arr\u00eater de parler pour ne rien dire.<\/p>\n

Tu t\u2019es fait une si grande id\u00e9e du fond, de l\u2019id\u00e9e qu\u2019il faut toucher le fond, que tu le rates syst\u00e9matiquement. \u00c0 chaque fois, la sensation r\u00e9elle te semble inf\u00e9rieure \u00e0 ce qu\u2019elle est dans ton fantasme. Il en va de m\u00eame pour tout, tu l\u2019as remarqu\u00e9 j\u2019esp\u00e8re. Qu\u2019on te parle du dernier film \u00e0 voir absolument, de ce sourire \u00e9tincelant, de cette r\u00e9clame aguichante, c\u2019est du pareil au m\u00eame. La sensation imaginaire l\u2019emporte toujours sur la sensation r\u00e9elle. Ce qui te manque est sans doute l\u2019acceptation d\u2019une possibilit\u00e9, d\u2019un entre-deux, d\u2019un symbole. Sans celui-ci, tu seras toujours forclos, enferm\u00e9 dans un ext\u00e9rieur que tu prends pour un int\u00e9rieur.<\/p>\n

Cette qu\u00eate de la part manquante, la puissance qu\u2019elle impose au-del\u00e0 du sentiment de fatigue, de tristesse, de d\u00e9sesp\u00e9rance, c\u2019est une puissance due \u00e0 l\u2019intuition. Il manque l\u2019objet, le symbole pour cr\u00e9er la passerelle entre r\u00e9el et imaginaire. Quand tu y penses, des images apparaissent, des images de n\u0153uds, on devine que si l\u2019on coupe une des trois cordes qui les composent, on lib\u00e8re chaque corde, et cette lib\u00e9ration d\u00e9truit un monde.<\/p>\n

Cette intuition n\u2019a rien \u00e0 voir avec la raison, autant qu\u2019il m\u2019en souvienne elle est toujours pr\u00e9sente, indissociable de chaque journ\u00e9e pass\u00e9e ici, sauf que souvent rabrou\u00e9e y compris par toi-m\u00eame, \u00e0 l\u2019instar des collabos de la derni\u00e8re guerre. C\u2019est cette image de collabos qui vient en premier et tout de suite elle s\u2019accompagne en creux d\u2019une autre image, une \u00e9toile jaune \u00e9pingl\u00e9e sur un veston. C\u2019est comme si cette intuition \u00e9tait l\u2019incarnation du Juif, on la fantasme, on la d\u00e9sire autant qu\u2019on la conspue, qu\u2019on la rejette. C\u2019est cette image contradictoire, symbolique si l\u2019on veut, celle que tu t\u2019inventes comme passerelle depuis ton adolescence pour survivre dans ce monde, pour naviguer entre le r\u00e9el et l\u2019imaginaire, pour essuyer autant de naufrages et malgr\u00e9 tout continuer.<\/p>\n

Car on ne t\u2019a jamais dit que tu \u00e9tais juif, tu l\u2019as devin\u00e9 seul par t\u00e2tonnements successifs, et au d\u00e9but bien s\u00fbr tu ne veux pas le croire, tu repousses de toutes tes forces cette id\u00e9e—sauf que tu ne poses jamais de questions sur ce sujet. Tout est tacite. Je sais que vous savez que je sais, pas la peine d\u2019en parler, c\u2019est notre secret, c\u2019est cette \u00e9toile jaune invisible qui nous lie.<\/p>\n

Quel est le lien avec cette volont\u00e9 d\u2019\u00e9crire, avec ce blogue, avec cette id\u00e9e \u00e9trange de l\u2019avoir nomm\u00e9 ainsi, le Dibbouk ? C\u2019est comme si le but \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 form\u00e9 bien avant que tu ne le saches vraiment, tu n\u2019en avais qu\u2019une vague intuition, une n\u00e9cessit\u00e9 aveugle. Quoi que tu puisses imaginer comme suite \u00e0 l\u2019\u00e9criture, tu peux d\u00e9j\u00e0 t\u2019appuyer sur ce constat : les choses ont l\u2019air de se faire par hasard, mais ce hasard n\u2019est rien d\u2019autre que ta m\u00e9connaissance des n\u0153uds borrom\u00e9ens, ta m\u00e9connaissance de l\u2019\u00e9criture elle-m\u00eame en tant que passerelle, en tant que symbole entre r\u00e9alit\u00e9 et imagination. Tu ne peux pas affirmer que tu en sais plus au terme de ce texte, ce serait pr\u00e9somptueux. Par contre, tu peux faire un peu plus confiance \u00e0 cette intuition d\u00e9sormais, ne plus la repousser comme tu l\u2019as fait si souvent pour avoir l\u2019air de ce que tu n\u2019es pas, pour para\u00eetre autre chose ou quelqu\u2019un d\u2019autre que tu n\u2019es pas, que tu ne peux pas \u00eatre, c\u2019est assez clair \u00e0 pr\u00e9sent. Une stupidit\u00e9 limpide dont on ne peut s\u2019extraire que par le rire, la violence d\u2019un rire, qui s\u2019att\u00e9nue peu \u00e0 peu puis s\u2019ach\u00e8ve en sourire.<\/p>", "content_text": "Il pense encore \u00e0 toutes les raisons pour lesquelles il ne veut pas entendre la fatigue, les horaires \u00e0 respecter, les objectifs \u00e0 atteindre, les gosses \u00e0 \u00e9lever, le loyer \u00e0 payer, la bouffe, la poussi\u00e8re, les diff\u00e9rentes machines \u00e0 lancer, les guerres sans cesse recommenc\u00e9es, c\u2019est ce que l\u2019on dit publiquement pour \u00eatre comme tout le monde, bien s\u00fbr. Ce ne sont pas des raisons, ce sont des mots d\u2019ordre. Et au-del\u00e0, il faut plut\u00f4t craindre une singularit\u00e9, \u00eatre pris sur le fait de se distinguer du lot\u2014souvent par la n\u00e9gative\u2014c\u2019est \u00e7a la hantise. En fait, non. Disons que c\u2019est plut\u00f4t une couverture, une l\u00e9gende d\u2019espion, n\u00e9cessaire pour vivre au contact des autres sans appara\u00eetre comme un d\u00e9mon, une b\u00eate, sans les effrayer. Pour \u00e9viter la violence. C\u2019est visc\u00e9ral d\u00e9sormais. Avant, il croyait que c\u2019\u00e9tait de la col\u00e8re, de la rage, du ressentiment. Non, c\u2019est seulement triste, une tristesse insondable comme il arrive qu\u2019on la qualifie sans savoir. Parce qu\u2019on ne veut pas plus sonder la fatigue que la tristesse, c\u2019est surtout \u00e7a. \u00c7a nous emporterait trop loin. Il repense encore \u00e0 cette facilit\u00e9 avec laquelle on lui demande de se taire sit\u00f4t qu\u2019il l\u2019ouvre \u00ab sans savoir \u00bb. \u2014Tais-toi, tu ne sais pas de quoi tu parles. Il doit y avoir une envie de prendre une revanche, de leur clore le bec \u00e0 eux, leur dire : vous voyez, vous vous \u00eates tromp\u00e9s, aucun besoin de savoir pour la ramener. Parler dans ces cas-l\u00e0 est un r\u00e9flexe qui vaut la bave du chien dans un r\u00eave d\u2019os. Bande de rapporteurs, il pourrait ajouter, mais ils ne comprendraient pas. \u00c7a ne sert \u00e0 rien, ce serait inutile, plus que pr\u00e9tentieux, vain. Ce sont eux qui ne savent pas, ce sont eux qui s\u2019effondrent lentement dans les transports en commun, dans le sommeil, il les voit marcher comme des somnambules. Pas seulement marcher. Mais vivre. Et quel courage ils ont sans le savoir. C\u2019est ce courage de l\u2019ignorance qui lui manque. Ou le courage du choix. Ou le courage de voir la mort bien en face \u00e0 l\u2019entr\u00e9e de la salle de classe, de l\u2019usine, du bureau, du commissariat, du palais de Justice, de la cellule de prison, de l\u2019incin\u00e9rateur, du cimeti\u00e8re. Il faut que ce soient eux qui gagnent la partie, il le sent, il faut qu\u2019\u00e0 eux seuls revienne la fatigue, qu\u2019ils s\u2019y couchent, qu\u2019ils se reposent ainsi, en bonne conscience autant que possible. Lui, il n\u2019a pas ce courage-l\u00e0, c\u2019est l\u2019\u00e9vidence, ce n\u2019est m\u00eame pas une raison digne de ce nom, c\u2019est une pulsion. Il ne veut pas c\u00e9der \u00e0 la fatigue parce qu\u2019il se sent plus fort qu\u2019elle, voil\u00e0 tout, comme autrefois avec l\u2019alcool, comme avec la fid\u00e9lit\u00e9, comme avec l\u2019honn\u00eatet\u00e9, comme avec le monde tel qu\u2019il imagine ce monde. Ce n\u2019est pas se sentir fort comme son p\u00e8re voulait \u00eatre le plus fort, ce n\u2019est pas la m\u00eame id\u00e9e de la force virile, non, c\u2019est tout l\u2019inverse, une force qui vient directement de la faiblesse. Comme quelque chose de f\u00e9minin qui agit en douce, l\u2019air de rien, mais qui s\u2019occupe de tout, qui est toujours l\u00e0 sans qu\u2019on s\u2019en aper\u00e7oive, sauf quand \u00e7a s\u2019absente, quand \u00e7a nous quitte brusquement sans pr\u00e9venir. On ne peut alors plus compter sur l\u2019\u00e9rection vraiment, la verticalit\u00e9 est emport\u00e9e elle aussi par cette absence, on commence une nouvelle vie, une double vie, \u00e0 demi somnambule \u00e0 demi \u00e9veill\u00e9, on louvoie, on marche sur un fil, on cherche l\u2019\u00e9quilibre, on rate, on chute, on recommence. C\u2019est cela qu\u2019on nomme l\u2019endurance, le fait de ne pas se laisser avoir par pire que la fatigue, le renoncement. La question n\u2019est pas de se souvenir, de chercher des raisons dans les souvenirs, la question n\u2019est pas de chercher des raisons. La question est la question. \u00ab Mais pourquoi ce gamin pose-t-il toujours autant de questions, comme il me fatigue \u00bb. Ce sont des souvenirs de phrases dites, des mots qui p\u00e9n\u00e8trent \u00e0 travers la chair, qui s\u2019enfoncent au plus profond des muscles, pour atteindre l\u2019os, le squelette, qui l\u2019explosent \u00e0 la fin. Ils tentent de se maintenir sans se poser de question, tu ne devrais pas prendre \u00e7a \u00e0 la l\u00e9g\u00e8re petit, ne pas t\u2019en moquer, ne pas te sentir plus fort gr\u00e2ce \u00e0 la question. Elle te laissera tomber, tu ne le sais pas encore. La question ne p\u00e8se pas lourd au regard de la vie qui ne se compose que de r\u00e9ponses, et qu\u2019importe si ces r\u00e9ponses te paraissent toutes faites, tant pis si tu es effray\u00e9 par les clich\u00e9s, les lieux communs, \u00e7a te regarde. En attendant, ils agissent, ils produisent le mouvement, si \u00e9cervel\u00e9s penses-tu qu\u2019ils soient, ils sont dans la vie, ils sont la vie. Bien s\u00fbr, tu vas encore me parler de Fernando Pessoa, de Pavese, d\u2019un tas de gens importants qui te disent tout le contraire. Tu devrais parfois te demander pourquoi tu les crois, pourquoi eux et pas les autres. Tu devrais les \u00e9couter aussi tous ces autres. Ce qu\u2019ils disent, ou plut\u00f4t qu\u2019ils ne disent pas. En gros que cette vie-l\u00e0 c\u2019est de la merde, qu\u2019il vaut mieux \u00ab naviguer \u00bb, jouer les petits poissons entre deux eaux. Ils disent strictement la m\u00eame chose, sous une forme diff\u00e9rente. De la foutaise mon petit vieux, de la foutaise. On n\u2019en est plus l\u00e0 du tout d\u00e9sormais. Quand la souffrance v\u00e9ritable revient, la d\u00e9sesp\u00e9rance, la faim revient, on ne peut plus se satisfaire de figures de style, on ne peut plus se cantonner qu\u2019\u00e0 l\u2019\u00e9l\u00e9gance d\u2019agir, arr\u00eater de parler pour ne rien dire. Tu t\u2019es fait une si grande id\u00e9e du fond, de l\u2019id\u00e9e qu\u2019il faut toucher le fond, que tu le rates syst\u00e9matiquement. \u00c0 chaque fois, la sensation r\u00e9elle te semble inf\u00e9rieure \u00e0 ce qu\u2019elle est dans ton fantasme. Il en va de m\u00eame pour tout, tu l\u2019as remarqu\u00e9 j\u2019esp\u00e8re. Qu\u2019on te parle du dernier film \u00e0 voir absolument, de ce sourire \u00e9tincelant, de cette r\u00e9clame aguichante, c\u2019est du pareil au m\u00eame. La sensation imaginaire l\u2019emporte toujours sur la sensation r\u00e9elle. Ce qui te manque est sans doute l\u2019acceptation d\u2019une possibilit\u00e9, d\u2019un entre-deux, d\u2019un symbole. Sans celui-ci, tu seras toujours forclos, enferm\u00e9 dans un ext\u00e9rieur que tu prends pour un int\u00e9rieur. Cette qu\u00eate de la part manquante, la puissance qu\u2019elle impose au-del\u00e0 du sentiment de fatigue, de tristesse, de d\u00e9sesp\u00e9rance, c\u2019est une puissance due \u00e0 l\u2019intuition. Il manque l\u2019objet, le symbole pour cr\u00e9er la passerelle entre r\u00e9el et imaginaire. Quand tu y penses, des images apparaissent, des images de n\u0153uds, on devine que si l\u2019on coupe une des trois cordes qui les composent, on lib\u00e8re chaque corde, et cette lib\u00e9ration d\u00e9truit un monde. Cette intuition n\u2019a rien \u00e0 voir avec la raison, autant qu\u2019il m\u2019en souvienne elle est toujours pr\u00e9sente, indissociable de chaque journ\u00e9e pass\u00e9e ici, sauf que souvent rabrou\u00e9e y compris par toi-m\u00eame, \u00e0 l\u2019instar des collabos de la derni\u00e8re guerre. C\u2019est cette image de collabos qui vient en premier et tout de suite elle s\u2019accompagne en creux d\u2019une autre image, une \u00e9toile jaune \u00e9pingl\u00e9e sur un veston. C\u2019est comme si cette intuition \u00e9tait l\u2019incarnation du Juif, on la fantasme, on la d\u00e9sire autant qu\u2019on la conspue, qu\u2019on la rejette. C\u2019est cette image contradictoire, symbolique si l\u2019on veut, celle que tu t\u2019inventes comme passerelle depuis ton adolescence pour survivre dans ce monde, pour naviguer entre le r\u00e9el et l\u2019imaginaire, pour essuyer autant de naufrages et malgr\u00e9 tout continuer. Car on ne t\u2019a jamais dit que tu \u00e9tais juif, tu l\u2019as devin\u00e9 seul par t\u00e2tonnements successifs, et au d\u00e9but bien s\u00fbr tu ne veux pas le croire, tu repousses de toutes tes forces cette id\u00e9e\u2014sauf que tu ne poses jamais de questions sur ce sujet. Tout est tacite. Je sais que vous savez que je sais, pas la peine d\u2019en parler, c\u2019est notre secret, c\u2019est cette \u00e9toile jaune invisible qui nous lie. Quel est le lien avec cette volont\u00e9 d\u2019\u00e9crire, avec ce blogue, avec cette id\u00e9e \u00e9trange de l\u2019avoir nomm\u00e9 ainsi, le Dibbouk ? C\u2019est comme si le but \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 form\u00e9 bien avant que tu ne le saches vraiment, tu n\u2019en avais qu\u2019une vague intuition, une n\u00e9cessit\u00e9 aveugle. Quoi que tu puisses imaginer comme suite \u00e0 l\u2019\u00e9criture, tu peux d\u00e9j\u00e0 t\u2019appuyer sur ce constat : les choses ont l\u2019air de se faire par hasard, mais ce hasard n\u2019est rien d\u2019autre que ta m\u00e9connaissance des n\u0153uds borrom\u00e9ens, ta m\u00e9connaissance de l\u2019\u00e9criture elle-m\u00eame en tant que passerelle, en tant que symbole entre r\u00e9alit\u00e9 et imagination. Tu ne peux pas affirmer que tu en sais plus au terme de ce texte, ce serait pr\u00e9somptueux. Par contre, tu peux faire un peu plus confiance \u00e0 cette intuition d\u00e9sormais, ne plus la repousser comme tu l\u2019as fait si souvent pour avoir l\u2019air de ce que tu n\u2019es pas, pour para\u00eetre autre chose ou quelqu\u2019un d\u2019autre que tu n\u2019es pas, que tu ne peux pas \u00eatre, c\u2019est assez clair \u00e0 pr\u00e9sent. Une stupidit\u00e9 limpide dont on ne peut s\u2019extraire que par le rire, la violence d\u2019un rire, qui s\u2019att\u00e9nue peu \u00e0 peu puis s\u2019ach\u00e8ve en sourire.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/3c0e2c7e-01f5-49b4-994b-d932dbf99022-1.jpg?1748065066", "tags": ["Essai sur la fatigue", "Autofiction et Introspection"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/1er-septembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/1er-septembre-2024.html", "title": "1er septembre 2024", "date_published": "2024-09-01T04:16:01Z", "date_modified": "2025-02-17T01:53:56Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Et bien voil\u00e0, on y est, \u00e7a fait un an. Sauf que c\u2019est mal fichu, on ne sait pas bien sur quoi ils se basent pour m\u2019envoyer ce message chaque matin ; il faut croire que c\u2019est \u00e0 cause du fait de publier tous les jours, c\u2019est certainement \u00e7a, \u00e7a ne peut \u00eatre que \u00e7a. En fait, tu publierais un gribouillis, un doigt d\u2019honneur, un graffitis scabreux, pour eux ce serait strictement la m\u00eame chose. Tu comprends leur chronom\u00e8tre, de quoi est constitu\u00e9e cette notion du temps qu\u2019ils se fabriquent, qu\u2019ils finissent par nous fabriquer par la bande. Parce que mine de rien, c\u2019est une sorte de petit encouragement qu\u2019ils semblent prodiguer, un petit bravo matinal, de la dopamine, \u00e7a ne va gu\u00e8re plus loin. Mais c\u2019est tr\u00e8s bien de le remarquer, de l\u2019examiner, si possible de parvenir \u00e0 s\u2019en d\u00e9barrasser, \u00e0 s\u2019en foutre. Ce n\u2019est pas facile, on pourrait le croire, \u00e7a va chercher quand m\u00eame tr\u00e8s loin \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du ressort humain, c\u2019est forc\u00e9ment des reliquats tr\u00e8s anciens, des choses qu\u2019on dirait \u00e9sot\u00e9riques, une sorte d\u2019enseignement cach\u00e9 r\u00e9serv\u00e9 aux initi\u00e9s, le reste \u00e9tant en gros des b\u00e9otiens, quand on ne vous traite pas de con tout \u00e0 fait ouvertement d\u00e9sormais. C\u2019est l\u2019\u00e9poque, on navigue ainsi entre f\u00e9licitations pour rien et m\u00e9pris pour tout. Un vieux manich\u00e9isme mal dig\u00e9r\u00e9, du nazisme, ni plus ni moins, tr\u00e8s fatiguant de s\u2019en rendre compte. On s\u2019en rend de plus en plus compte, je ne sais pas si vous le remarquez, \u00e7a devient d\u2019une limpidit\u00e9 aveuglante, une tarte \u00e0 la cr\u00e8me, un poncif, un clich\u00e9.<\/p>\n

D\u00e9cid\u00e9ment c\u2019est incroyable, encore perdu 500 grammes, et sans le moindre effort, par simple d\u00e9go\u00fbt, je ne vois que \u00e7a. Hier soir on en parlait avec C. On avait fait comme d\u2019habitude avec eux, quelque chose de simple, une brick, une salade, et le dessert tellement rafra\u00eechissant, des petits morceaux de melon et de past\u00e8que en salade, mais sans ajouter quoi que ce soit, pas de sucre, rien, comme \u00e7a. Et puis chacun l\u2019un en face de l\u2019autre, les femmes avec les femmes, les hommes avec les hommes, ce qui donne cette impression de conversation parall\u00e8le. On s\u2019y sent tout \u00e0 fait \u00e0 l\u2019aise avec l\u2019habitude, \u00e7a roule, comme sur des rails. Avec de temps \u00e0 autre, bien s\u00fbr, des intersections. Il arrive qu\u2019un sujet soit une sorte de station d\u2019aiguillage, le yoga notamment, hier soir c\u2019\u00e9tait \u00e7a avec eux, d\u2019ailleurs c\u2019est le yoga, c\u2019est toujours le yoga, je ne me souviens pas d\u2019autre sujet en tout cas. Sinon, \u00e0 part \u00e7a, dans la conversation entre hommes, c\u2019\u00e9tait la viande le sujet, le d\u00e9go\u00fbt de la viande. On le savait d\u00e9j\u00e0 un peu, on le supputait par de nombreux indices m\u00eame si on n\u2019est pas cul et chemise, on se conna\u00eet maintenant depuis quoi, trois ans je crois. J\u2019ai racont\u00e9 la fatigue, le d\u00e9go\u00fbt, je ne sais plus dans quel ordre vraiment exposer cela, le fait de manger de la viande, ce sujet a fait remonter bien des choses de l\u2019enfance. Et ce, pour chacun des deux, car C. ne fut pas en reste, surtout avec ce r\u00e9cit d\u2019un petit chevreau qui saute dans un pr\u00e9, quand le coq vient se poser sur son dos. Mais comment peut-on ensuite manger du chevreau ? Il n\u2019y a que le p\u00e8re qui le pouvait, nous, les enfants, on \u00e9vitait, on n\u2019en mangeait point. Cette sympathie imm\u00e9diate pour les animaux, et dont il faut comprendre qu\u2019elle est surtout due au fait de les fr\u00e9quenter pour de vrai tr\u00e8s t\u00f4t, que le fait de garder des ch\u00e8vres vous oblige notamment \u00e0 les consid\u00e9rer, ce qui n\u2019est pas rien aujourd\u2019hui, m\u2019a \u00e9branl\u00e9. Ce fut comme un d\u00e9placement de plaques tectoniques tout au fond, surtout en me souvenant des monceaux de viande saignante \u00e0 quoi nous avions droit de fa\u00e7on dominicale en famille. Cet app\u00e9tit que nous avions alors, nom de Dieu, quelle ignorance quand j\u2019y repense, c\u2019est un vrai regret, je crois m\u00eame que c\u2019est un remords. Le fait de se jeter comme \u00e7a sur la nourriture, sur de la viande rouge et saignante, mon Dieu, mais quel d\u00e9go\u00fbt rien qu\u2019\u00e0 essayer de l\u2019\u00e9voquer. Quelle honte. On est tomb\u00e9 d\u2019accord l\u00e0-dessus, sauf que C., lui, s\u2019en sortait bien mieux, il avait eu ses d\u00e9go\u00fbts, sa fatigue bien plus t\u00f4t, peut-\u00eatre m\u00eame avant l\u2019adolescence. Alors que moi, comme j\u2019\u00e9tais sur cette lanc\u00e9e, il a bien fallu attendre la quarantaine avant de commencer \u00e0 entretenir des soup\u00e7ons, des scrupules, des doutes, et \u00e7a ne s\u2019est pas fait d\u2019un coup, rien de miraculeux, je dirais que \u00e7a ressemble \u00e0 une lente \u00e9rosion, quelque chose de grignot\u00e9 l\u2019air de rien, petit \u00e0 petit, de mani\u00e8re quasi invisible. Mais cette association soudaine entre le d\u00e9sir de se remplir, de se jeter sur\u2026 du poulet r\u00f4ti, je prends l\u2019image du poulet r\u00f4ti parce qu\u2019elle semble \u00eatre la plus inoffensive en apparence, mais c\u2019est le pi\u00e8ge, c\u2019est dr\u00f4le d\u2019avoir d\u00e9riv\u00e9 du steak saignant au poulet en passant, cette association m\u2019a rappel\u00e9 toute ma fatigue de ces derniers temps et aussi l\u2019intuition que si tu ne comprends pas quelque chose avec la t\u00eate ou le c\u0153ur, c\u2019est la fatigue, le d\u00e9go\u00fbt, petit \u00e0 petit, qui va te l\u2019enseigner.<\/p>\n

Et c\u2019est exactement comme \u00e7a qu\u2019il a encore fallu que je raconte cette image. L\u2019enfant qui va \u00e0 l\u2019\u00e9cole \u00e0 pied par tous les temps, qui se tient sur le pont qui enjambe le Cher, qui voit les flaques de sang s\u2019\u00e9couler par de gros tuyaux venant des abattoirs, de gros tuyaux \u00e0 peine cach\u00e9s par les herbes de la rive, et ce souvenir, le sang en train de s\u2019\u00e9tendre \u00e0 la surface des eaux, ce liquide que l\u2019on devine visqueux, graisseux, et toute la tristesse, la m\u00e9lancolie qui serre le c\u0153ur \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment, dans une odeur de fer et de rouille et qui se m\u00eale au gris du ciel bas, \u00e0 la sobri\u00e9t\u00e9 des maisons, des rues, de la vie ici dans ce village, et cette sensation d\u2019\u00eatre encore un peu vivant parmi tous les morts nous entourant. Cette sensation d\u2019\u00eatre pris entre deux feux, entre les vivants et les morts, d\u2019h\u00e9siter vraiment \u00e0 choisir son camp.<\/p>\n

Ce qui nous a r\u00e9unis au bout de tout ce d\u00e9go\u00fbt, ce sont des souvenirs d\u2019enfance encore, l\u2019\u00e9vocation de certains noms de poissons. On s\u2019est souvenu, comme si on allait les p\u00eacher dans le fin fond de la m\u00e9moire, des noms du gardon, du black-bass, du poisson-chat. On avait d\u00e9vi\u00e9, c\u2019\u00e9tait \u00e9vident, l\u2019app\u00e9tit ancien de la viande s\u2019adressait en apparence au poisson, on aurait pu le croire, mais ce n\u2019\u00e9tait pas \u00e7a. Non, on ne se leurrait pas, on parlait d\u2019un app\u00e9tit perdu voil\u00e0 tout, on le regardait ainsi, ce mouvement, on le regardait, impuissants et m\u00eame un peu idiots, s\u2019enfuir, en regardant par o\u00f9 il s\u2019enfuyait au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es. Et il ressemblait \u00e0 tout ce sang \u00e9tal\u00e9 sur l\u2019eau du Cher, il ne servait plus \u00e0 grand-chose sinon \u00e0 nourrir la nostalgie et les poissons.<\/p>\n

C\u2019est sans fin, \u00e7a fait encore partie de la mythologie enfantine, que les choses puissent \u00eatre sans fin, et c\u2019est de l\u00e0 qu\u2019on extrait certainement toute cette faim, cette propension \u00e0 croire en l\u2019insatiable, en l\u2019\u00e9ternit\u00e9. C\u2019est un r\u00eave d\u2019enfant, oui voil\u00e0, ce ne peut \u00eatre que \u00e7a, et l\u2019on peut dire ce que l\u2019on voudra, que la soci\u00e9t\u00e9 pallie cela, qu\u2019elle tente en tout cas d\u2019y pallier, mais \u00e7a va bien au-del\u00e0 de \u00e7a. Cette faim prend ses racines ailleurs, dans un ailleurs, dans un grand vide, quelque chose juste avant la toute premi\u00e8re \u00e9tincelle du big bang, c\u2019est \u00e0 croire que, que ce soit par la science ou le Saint-Esprit, cela n\u2019a pas vraiment d\u2019importance. Des enfants de la faim, voil\u00e0 ce que nous sommes, et on y a cru, on y a tellement cru, quelle que soit la mani\u00e8re d\u2019aborder cette sensation, cette peur, cet effroi, ce d\u00e9sir. Que ce soit en d\u00e9vorant le monde cru ou cuit, de fa\u00e7on sauvage ou distingu\u00e9e, raffin\u00e9e, en se jetant \u00e0 corps perdu dans l\u2019apprentissage de la lecture, de l\u2019\u00e9criture, par besoin, par n\u00e9cessit\u00e9, ou parce qu\u2019on ne pouvait tout simplement pas faire autrement, faute de viande rouge, faute d\u2019autre denr\u00e9e \u00e0 se mettre sous la dent, tous, nous en arrivons \u00e0 la fin, au d\u00e9go\u00fbt ou \u00e0 une forme d\u2019\u00e9puisement, de lassitude, peut-\u00eatre en s\u2019apercevant \u00e0 quel point on se sera laiss\u00e9 mener par le bout du nez par la faim ou la fin elles-m\u00eames. Peut-\u00eatre que \u00e7a ne sert \u00e0 rien de se plaindre de ce d\u00e9go\u00fbt, de cette fatigue, de soupirer ou de souffler. Et \u00e7a me ram\u00e8ne encore \u00e0 une image, c\u2019est \u00e9tonnant comme certaines images acqui\u00e8rent de l\u2019importance au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es. Un enfant court autour d\u2019un stade avec ses camarades, c\u2019est un jour gris, il va pleuvoir, on peut sentir l\u2019orage d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sent dans l\u2019air. L\u2019enfant ralentit, se laisse d\u00e9passer par tous ses camarades, il semble prendre conscience que quelque chose est \u00e9trange, c\u2019est insidieux, \u00e7a a l\u2019air d\u2019arriver comme la pluie, quelques gouttes, par-ci par-l\u00e0. Il s\u2019arr\u00eate et s\u2019interroge : \u00e0 quoi \u00e7a sert de courir autour de ce stade, quel est le but, et s\u2019il refusait de courir avec les autres, que se passerait-il ? Le voici, il s\u2019est assis sur le bord de la piste d\u00e9sormais, il est la ris\u00e9e des autres, on le menace d\u2019une punition, il s\u2019en fiche, il a trouv\u00e9 sa place, c\u2019est ce qu\u2019il \u00e9prouve. C\u2019est \u00e9norme, il suffit simplement de s\u2019asseoir et d\u2019observer tout ce qui se passe, comment \u00e7a marche, comment \u00e7a court, rien de plus, et de calmer la peur, le d\u00e9sir, d\u2019accepter la solitude. \u00c7a ressemble \u00e0 une autre course, dans l\u2019invisible, une course d\u2019endurance que personne ne peut voir, sauf la fatigue, et voil\u00e0 tout.<\/p>", "content_text": "Et bien voil\u00e0, on y est, \u00e7a fait un an. Sauf que c\u2019est mal fichu, on ne sait pas bien sur quoi ils se basent pour m\u2019envoyer ce message chaque matin ; il faut croire que c\u2019est \u00e0 cause du fait de publier tous les jours, c\u2019est certainement \u00e7a, \u00e7a ne peut \u00eatre que \u00e7a. En fait, tu publierais un gribouillis, un doigt d\u2019honneur, un graffitis scabreux, pour eux ce serait strictement la m\u00eame chose. Tu comprends leur chronom\u00e8tre, de quoi est constitu\u00e9e cette notion du temps qu\u2019ils se fabriquent, qu\u2019ils finissent par nous fabriquer par la bande. Parce que mine de rien, c\u2019est une sorte de petit encouragement qu\u2019ils semblent prodiguer, un petit bravo matinal, de la dopamine, \u00e7a ne va gu\u00e8re plus loin. Mais c\u2019est tr\u00e8s bien de le remarquer, de l\u2019examiner, si possible de parvenir \u00e0 s\u2019en d\u00e9barrasser, \u00e0 s\u2019en foutre. Ce n\u2019est pas facile, on pourrait le croire, \u00e7a va chercher quand m\u00eame tr\u00e8s loin \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur du ressort humain, c\u2019est forc\u00e9ment des reliquats tr\u00e8s anciens, des choses qu\u2019on dirait \u00e9sot\u00e9riques, une sorte d\u2019enseignement cach\u00e9 r\u00e9serv\u00e9 aux initi\u00e9s, le reste \u00e9tant en gros des b\u00e9otiens, quand on ne vous traite pas de con tout \u00e0 fait ouvertement d\u00e9sormais. C\u2019est l\u2019\u00e9poque, on navigue ainsi entre f\u00e9licitations pour rien et m\u00e9pris pour tout. Un vieux manich\u00e9isme mal dig\u00e9r\u00e9, du nazisme, ni plus ni moins, tr\u00e8s fatiguant de s\u2019en rendre compte. On s\u2019en rend de plus en plus compte, je ne sais pas si vous le remarquez, \u00e7a devient d\u2019une limpidit\u00e9 aveuglante, une tarte \u00e0 la cr\u00e8me, un poncif, un clich\u00e9. D\u00e9cid\u00e9ment c\u2019est incroyable, encore perdu 500 grammes, et sans le moindre effort, par simple d\u00e9go\u00fbt, je ne vois que \u00e7a. Hier soir on en parlait avec C. On avait fait comme d\u2019habitude avec eux, quelque chose de simple, une brick, une salade, et le dessert tellement rafra\u00eechissant, des petits morceaux de melon et de past\u00e8que en salade, mais sans ajouter quoi que ce soit, pas de sucre, rien, comme \u00e7a. Et puis chacun l\u2019un en face de l\u2019autre, les femmes avec les femmes, les hommes avec les hommes, ce qui donne cette impression de conversation parall\u00e8le. On s\u2019y sent tout \u00e0 fait \u00e0 l\u2019aise avec l\u2019habitude, \u00e7a roule, comme sur des rails. Avec de temps \u00e0 autre, bien s\u00fbr, des intersections. Il arrive qu\u2019un sujet soit une sorte de station d\u2019aiguillage, le yoga notamment, hier soir c\u2019\u00e9tait \u00e7a avec eux, d\u2019ailleurs c\u2019est le yoga, c\u2019est toujours le yoga, je ne me souviens pas d\u2019autre sujet en tout cas. Sinon, \u00e0 part \u00e7a, dans la conversation entre hommes, c\u2019\u00e9tait la viande le sujet, le d\u00e9go\u00fbt de la viande. On le savait d\u00e9j\u00e0 un peu, on le supputait par de nombreux indices m\u00eame si on n\u2019est pas cul et chemise, on se conna\u00eet maintenant depuis quoi, trois ans je crois. J\u2019ai racont\u00e9 la fatigue, le d\u00e9go\u00fbt, je ne sais plus dans quel ordre vraiment exposer cela, le fait de manger de la viande, ce sujet a fait remonter bien des choses de l\u2019enfance. Et ce, pour chacun des deux, car C. ne fut pas en reste, surtout avec ce r\u00e9cit d\u2019un petit chevreau qui saute dans un pr\u00e9, quand le coq vient se poser sur son dos. Mais comment peut-on ensuite manger du chevreau ? Il n\u2019y a que le p\u00e8re qui le pouvait, nous, les enfants, on \u00e9vitait, on n\u2019en mangeait point. Cette sympathie imm\u00e9diate pour les animaux, et dont il faut comprendre qu\u2019elle est surtout due au fait de les fr\u00e9quenter pour de vrai tr\u00e8s t\u00f4t, que le fait de garder des ch\u00e8vres vous oblige notamment \u00e0 les consid\u00e9rer, ce qui n\u2019est pas rien aujourd\u2019hui, m\u2019a \u00e9branl\u00e9. Ce fut comme un d\u00e9placement de plaques tectoniques tout au fond, surtout en me souvenant des monceaux de viande saignante \u00e0 quoi nous avions droit de fa\u00e7on dominicale en famille. Cet app\u00e9tit que nous avions alors, nom de Dieu, quelle ignorance quand j\u2019y repense, c\u2019est un vrai regret, je crois m\u00eame que c\u2019est un remords. Le fait de se jeter comme \u00e7a sur la nourriture, sur de la viande rouge et saignante, mon Dieu, mais quel d\u00e9go\u00fbt rien qu\u2019\u00e0 essayer de l\u2019\u00e9voquer. Quelle honte. On est tomb\u00e9 d\u2019accord l\u00e0-dessus, sauf que C., lui, s\u2019en sortait bien mieux, il avait eu ses d\u00e9go\u00fbts, sa fatigue bien plus t\u00f4t, peut-\u00eatre m\u00eame avant l\u2019adolescence. Alors que moi, comme j\u2019\u00e9tais sur cette lanc\u00e9e, il a bien fallu attendre la quarantaine avant de commencer \u00e0 entretenir des soup\u00e7ons, des scrupules, des doutes, et \u00e7a ne s\u2019est pas fait d\u2019un coup, rien de miraculeux, je dirais que \u00e7a ressemble \u00e0 une lente \u00e9rosion, quelque chose de grignot\u00e9 l\u2019air de rien, petit \u00e0 petit, de mani\u00e8re quasi invisible. Mais cette association soudaine entre le d\u00e9sir de se remplir, de se jeter sur\u2026 du poulet r\u00f4ti, je prends l\u2019image du poulet r\u00f4ti parce qu\u2019elle semble \u00eatre la plus inoffensive en apparence, mais c\u2019est le pi\u00e8ge, c\u2019est dr\u00f4le d\u2019avoir d\u00e9riv\u00e9 du steak saignant au poulet en passant, cette association m\u2019a rappel\u00e9 toute ma fatigue de ces derniers temps et aussi l\u2019intuition que si tu ne comprends pas quelque chose avec la t\u00eate ou le c\u0153ur, c\u2019est la fatigue, le d\u00e9go\u00fbt, petit \u00e0 petit, qui va te l\u2019enseigner. Et c\u2019est exactement comme \u00e7a qu\u2019il a encore fallu que je raconte cette image. L\u2019enfant qui va \u00e0 l\u2019\u00e9cole \u00e0 pied par tous les temps, qui se tient sur le pont qui enjambe le Cher, qui voit les flaques de sang s\u2019\u00e9couler par de gros tuyaux venant des abattoirs, de gros tuyaux \u00e0 peine cach\u00e9s par les herbes de la rive, et ce souvenir, le sang en train de s\u2019\u00e9tendre \u00e0 la surface des eaux, ce liquide que l\u2019on devine visqueux, graisseux, et toute la tristesse, la m\u00e9lancolie qui serre le c\u0153ur \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment, dans une odeur de fer et de rouille et qui se m\u00eale au gris du ciel bas, \u00e0 la sobri\u00e9t\u00e9 des maisons, des rues, de la vie ici dans ce village, et cette sensation d\u2019\u00eatre encore un peu vivant parmi tous les morts nous entourant. Cette sensation d\u2019\u00eatre pris entre deux feux, entre les vivants et les morts, d\u2019h\u00e9siter vraiment \u00e0 choisir son camp. Ce qui nous a r\u00e9unis au bout de tout ce d\u00e9go\u00fbt, ce sont des souvenirs d\u2019enfance encore, l\u2019\u00e9vocation de certains noms de poissons. On s\u2019est souvenu, comme si on allait les p\u00eacher dans le fin fond de la m\u00e9moire, des noms du gardon, du black-bass, du poisson-chat. On avait d\u00e9vi\u00e9, c\u2019\u00e9tait \u00e9vident, l\u2019app\u00e9tit ancien de la viande s\u2019adressait en apparence au poisson, on aurait pu le croire, mais ce n\u2019\u00e9tait pas \u00e7a. Non, on ne se leurrait pas, on parlait d\u2019un app\u00e9tit perdu voil\u00e0 tout, on le regardait ainsi, ce mouvement, on le regardait, impuissants et m\u00eame un peu idiots, s\u2019enfuir, en regardant par o\u00f9 il s\u2019enfuyait au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es. Et il ressemblait \u00e0 tout ce sang \u00e9tal\u00e9 sur l\u2019eau du Cher, il ne servait plus \u00e0 grand-chose sinon \u00e0 nourrir la nostalgie et les poissons. C\u2019est sans fin, \u00e7a fait encore partie de la mythologie enfantine, que les choses puissent \u00eatre sans fin, et c\u2019est de l\u00e0 qu\u2019on extrait certainement toute cette faim, cette propension \u00e0 croire en l\u2019insatiable, en l\u2019\u00e9ternit\u00e9. C\u2019est un r\u00eave d\u2019enfant, oui voil\u00e0, ce ne peut \u00eatre que \u00e7a, et l\u2019on peut dire ce que l\u2019on voudra, que la soci\u00e9t\u00e9 pallie cela, qu\u2019elle tente en tout cas d\u2019y pallier, mais \u00e7a va bien au-del\u00e0 de \u00e7a. Cette faim prend ses racines ailleurs, dans un ailleurs, dans un grand vide, quelque chose juste avant la toute premi\u00e8re \u00e9tincelle du big bang, c\u2019est \u00e0 croire que, que ce soit par la science ou le Saint-Esprit, cela n\u2019a pas vraiment d\u2019importance. Des enfants de la faim, voil\u00e0 ce que nous sommes, et on y a cru, on y a tellement cru, quelle que soit la mani\u00e8re d\u2019aborder cette sensation, cette peur, cet effroi, ce d\u00e9sir. Que ce soit en d\u00e9vorant le monde cru ou cuit, de fa\u00e7on sauvage ou distingu\u00e9e, raffin\u00e9e, en se jetant \u00e0 corps perdu dans l\u2019apprentissage de la lecture, de l\u2019\u00e9criture, par besoin, par n\u00e9cessit\u00e9, ou parce qu\u2019on ne pouvait tout simplement pas faire autrement, faute de viande rouge, faute d\u2019autre denr\u00e9e \u00e0 se mettre sous la dent, tous, nous en arrivons \u00e0 la fin, au d\u00e9go\u00fbt ou \u00e0 une forme d\u2019\u00e9puisement, de lassitude, peut-\u00eatre en s\u2019apercevant \u00e0 quel point on se sera laiss\u00e9 mener par le bout du nez par la faim ou la fin elles-m\u00eames. Peut-\u00eatre que \u00e7a ne sert \u00e0 rien de se plaindre de ce d\u00e9go\u00fbt, de cette fatigue, de soupirer ou de souffler. Et \u00e7a me ram\u00e8ne encore \u00e0 une image, c\u2019est \u00e9tonnant comme certaines images acqui\u00e8rent de l\u2019importance au fur et \u00e0 mesure des ann\u00e9es. Un enfant court autour d\u2019un stade avec ses camarades, c\u2019est un jour gris, il va pleuvoir, on peut sentir l\u2019orage d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9sent dans l\u2019air. L\u2019enfant ralentit, se laisse d\u00e9passer par tous ses camarades, il semble prendre conscience que quelque chose est \u00e9trange, c\u2019est insidieux, \u00e7a a l\u2019air d\u2019arriver comme la pluie, quelques gouttes, par-ci par-l\u00e0. Il s\u2019arr\u00eate et s\u2019interroge : \u00e0 quoi \u00e7a sert de courir autour de ce stade, quel est le but, et s\u2019il refusait de courir avec les autres, que se passerait-il ? Le voici, il s\u2019est assis sur le bord de la piste d\u00e9sormais, il est la ris\u00e9e des autres, on le menace d\u2019une punition, il s\u2019en fiche, il a trouv\u00e9 sa place, c\u2019est ce qu\u2019il \u00e9prouve. C\u2019est \u00e9norme, il suffit simplement de s\u2019asseoir et d\u2019observer tout ce qui se passe, comment \u00e7a marche, comment \u00e7a court, rien de plus, et de calmer la peur, le d\u00e9sir, d\u2019accepter la solitude. \u00c7a ressemble \u00e0 une autre course, dans l\u2019invisible, une course d\u2019endurance que personne ne peut voir, sauf la fatigue, et voil\u00e0 tout.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/ete-activite-solo-trail-courchevel-arthur-bertrand-1920x1080-473_1_.jpg?1748065103", "tags": ["Essai sur la fatigue", "Autofiction et Introspection", "Narration et Exp\u00e9rimentation"] } ] }