\n\t\t
<\/a>\n<\/figure>\n<\/div>\nTous les ans, c\u2019est la m\u00eame histoire : les bonnes r\u00e9solutions reviennent par vagues pour m\u2019envahir la caboche, et il me faut vraiment me ramasser sur moi-m\u00eame, m\u2019arcbouter farouchement pour tenter de leur r\u00e9sister. Mais parfois, certaines sont plus virulentes que d\u2019autres, et il me faut alors ajouter un petit quelque chose en plus : du bon sens, ou du discernement.<\/p>\n
En tant que peintre, la plus belle partie du travail est \u00e9videmment de peindre. Mais une fois l\u2019an, en janvier, tout me rappelle que \u00e7a ne suffit pas, d\u2019une mani\u00e8re encore plus insistante que les autres mois. Je commence \u00e0 m\u2019accabler, \u00e0 me juger f\u00e9rocement, \u00e0 me chercher des poux dans ce qu\u2019il me reste de cheveux, et tout tourne autour des termes « strat\u00e9gies », « visibilit\u00e9 », « notori\u00e9t\u00e9 » et, \u00e9videmment, « p\u00e9pettes ».<\/p>\n
Il faut faire tellement d\u2019autres choses que de peindre quand on veut vraiment vivre de sa peinture, et j\u2019avoue que \u00e7a me coupe les bras. Ce qui, convenons-en, est un inconv\u00e9nient majeur pour ma profession.<\/p>\n
Du coup, je traverse une p\u00e9riode \u00e9trange o\u00f9 une multitude d\u2019id\u00e9es biscornues et de d\u00e9sirs troubles, surgissant de je ne sais quel recoin mercantile de ma psych\u00e9, finissent par m\u2019assaillir et me prendre la t\u00eate.<\/p>\n
\u00c0 chaque t\u00eate qu\u2019Hercule coupe, il en pousse deux autres ; \u00f4 quelle salet\u00e9 que cette hydre de Lerne !<\/p>\n
Faut-il am\u00e9liorer le site web, le rendre plus joli, plus \"responsive\", plus professionnel, pour obtenir les faveurs Googolesques en mati\u00e8re de r\u00e9f\u00e9rencement ?<\/p>\n
Faut-il enfin s\u2019int\u00e9resser s\u00e9rieusement au fonctionnement \u00e9sot\u00e9rique de ce putain d\u2019autor\u00e9pondeur auquel je ne pige que dalle, bien que je le paie chaque mois pour pas grand-chose ?<\/p>\n
Faut-il cr\u00e9er une boutique ? Et dans ce cas, troquer WordPress pour Prestashop ?<\/p>\n
Commence alors une batterie de tests et d\u2019essais pas vraiment concluants, je l\u2019avoue. Rien n\u2019est simple lorsqu\u2019on bidouille un bout de code par ici, une classe CSS par l\u00e0. Je finis par m\u2019embrouiller dans toutes les ID.<\/p>\n
Je passe des heures \u00e0 visionner des tutos sur YouTube, \u00e0 m\u2019en faire pleurer les yeux, sur des sujets tellement \u00e9loign\u00e9s de la peinture qu\u2019\u00e0 la fin, la confusion envahit tout. Et surtout, elle \u00e9rode largement le simple plaisir de se retrouver devant son chevalet et de peindre de bon c\u0153ur.<\/p>\n
Dans le fond, c\u2019est un peu la m\u00eame chose pour la peinture elle-m\u00eame, sauf que je l\u2019avais oubli\u00e9.<\/p>\n
Au d\u00e9but, on se sent tellement d\u00e9muni de tout ce qu\u2019on imagine comme savoir ou exp\u00e9rience, qu\u2019on passe des heures innombrables \u00e0 chercher en dehors de soi des astuces techniques, sous forme de cours, de tutos, de formations et de stages, voire d\u2019une \u00e9cole d\u2019art.<\/p>\n
On croit que tout cela est absolument n\u00e9cessaire pour ne pas rester au niveau de l\u2019amateur. C\u2019est sans doute vrai en partie, mais pas compl\u00e8tement.<\/p>\n
D\u2019o\u00f9 vient vraiment toute cette confusion ?<\/p>\n
Peut-\u00eatre du fait qu\u2019on n\u2019arrive pas \u00e0 savoir ce qu\u2019on veut, ni dans le blogging, ni dans la peinture.<\/p>\n
Et si on n\u2019y parvient pas, c\u2019est qu\u2019on s\u2019y refuse peut-\u00eatre. Car \"savoir ce qu\u2019on veut\" m\u00e8ne g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 un objectif unique : \"faire du pognon\".<\/p>\n
Je n\u2019ai rien contre l\u2019id\u00e9e d\u2019en gagner. J\u2019y ai consacr\u00e9 la plus grande partie de ma vie en entreprise. C\u2019est d\u2019ailleurs cette absurdit\u00e9 qui m\u2019en a fait partir.<\/p>\n
Apr\u00e8s tant d\u2019\u00e9merveillement et de libert\u00e9, en choisissant tous les al\u00e9as d\u2019une vie de peintre, il est difficile de revenir vers ce questionnement pour red\u00e9finir des strat\u00e9gies que je connais, au demeurant, assez bien.<\/p>\n
M\u00eame si les outils changent et si je ne suis plus vraiment \u00e0 la page, le contenu reste le m\u00eame : promettre, faire saliver, r\u00e9pondre aux objections de ne pas acheter, promettre encore, faire saliver encore, au moins sept fois, puis cr\u00e9er une urgence avec un \"call to action\".<\/p>\n
Vendre des tableaux comme \u00e7a, j\u2019y suis tent\u00e9 une fois l\u2019an, g\u00e9n\u00e9ralement en janvier. C\u2019est perturbant, et \u00e0 la fin j\u2019en ris tout seul.<\/p>\n
Peut-on vraiment diviser \u00e0 ce point son \u00e9tat d\u2019esprit pour \u00eatre \u00e0 la fois peintre, camelot et technicien en informatique ? C\u2019est encore une colle pour moi.<\/p>\n
M\u00eame si certains y parviennent et semblent avoir un franc succ\u00e8s, je me demande quel impact cette schizophr\u00e9nie peut avoir sur la justesse de leur art.<\/p>\n
Peut-\u00eatre suis-je encore trop na\u00eff, trop boh\u00e8me, mais je sais ce que je ne veux pas : je veux rester peintre, et je n\u2019ai pas envie de me transformer en homme d\u2019affaires, ni en crack de la SEO, encore moins de rester les trois quarts de la journ\u00e9e les yeux riv\u00e9s sur des \u00e9crans \u00e0 contempler des graphiques pour me rassurer sur mon talent ou sur ma s\u00e9curit\u00e9.<\/p>\n
La question importante \u00e0 se poser alors est : pourquoi je continue \u00e0 bloguer ou \u00e0 peindre ?<\/p>\n
Pour le plaisir de m\u2019exprimer, \u00e9videmment. Et en ces temps, cela peut para\u00eetre \u00e9go\u00efste, inefficace, et absolument pas rentable. Mais au fond, je m\u2019en fiche. On m\u2019a d\u00e9j\u00e0 fait le coup avec des b\u00eatises comme \"le temps, c\u2019est de l\u2019argent\" ou \"le temps perdu ne se rattrape jamais\". Je connais la musique, et surtout le silence entre les notes.<\/p>\n
Chaque ann\u00e9e, un h\u00e9ros antique use de son arc, de ses fl\u00e8ches et de ses strat\u00e9gies pour occire le monstre du marais. En vain, du 1er janvier \u00e0 la fin janvier, jusqu\u2019\u00e0 ce que toutes les t\u00eates du monstre soient finalement calcin\u00e9es m\u00e9ticuleusement.<\/p>",
"content_text": "Tous les ans, c\u2019est la m\u00eame histoire : les bonnes r\u00e9solutions reviennent par vagues pour m\u2019envahir la caboche, et il me faut vraiment me ramasser sur moi-m\u00eame, m\u2019arcbouter farouchement pour tenter de leur r\u00e9sister. Mais parfois, certaines sont plus virulentes que d\u2019autres, et il me faut alors ajouter un petit quelque chose en plus : du bon sens, ou du discernement. En tant que peintre, la plus belle partie du travail est \u00e9videmment de peindre. Mais une fois l\u2019an, en janvier, tout me rappelle que \u00e7a ne suffit pas, d\u2019une mani\u00e8re encore plus insistante que les autres mois. Je commence \u00e0 m\u2019accabler, \u00e0 me juger f\u00e9rocement, \u00e0 me chercher des poux dans ce qu\u2019il me reste de cheveux, et tout tourne autour des termes \u00ab strat\u00e9gies \u00bb, \u00ab visibilit\u00e9 \u00bb, \u00ab notori\u00e9t\u00e9 \u00bb et, \u00e9videmment, \u00ab p\u00e9pettes \u00bb. Il faut faire tellement d\u2019autres choses que de peindre quand on veut vraiment vivre de sa peinture, et j\u2019avoue que \u00e7a me coupe les bras. Ce qui, convenons-en, est un inconv\u00e9nient majeur pour ma profession. Du coup, je traverse une p\u00e9riode \u00e9trange o\u00f9 une multitude d\u2019id\u00e9es biscornues et de d\u00e9sirs troubles, surgissant de je ne sais quel recoin mercantile de ma psych\u00e9, finissent par m\u2019assaillir et me prendre la t\u00eate. \u00c0 chaque t\u00eate qu\u2019Hercule coupe, il en pousse deux autres ; \u00f4 quelle salet\u00e9 que cette hydre de Lerne ! Faut-il am\u00e9liorer le site web, le rendre plus joli, plus \"responsive\", plus professionnel, pour obtenir les faveurs Googolesques en mati\u00e8re de r\u00e9f\u00e9rencement ? Faut-il enfin s\u2019int\u00e9resser s\u00e9rieusement au fonctionnement \u00e9sot\u00e9rique de ce putain d\u2019autor\u00e9pondeur auquel je ne pige que dalle, bien que je le paie chaque mois pour pas grand-chose ? Faut-il cr\u00e9er une boutique ? Et dans ce cas, troquer WordPress pour Prestashop ? Commence alors une batterie de tests et d\u2019essais pas vraiment concluants, je l\u2019avoue. Rien n\u2019est simple lorsqu\u2019on bidouille un bout de code par ici, une classe CSS par l\u00e0. Je finis par m\u2019embrouiller dans toutes les ID. Je passe des heures \u00e0 visionner des tutos sur YouTube, \u00e0 m\u2019en faire pleurer les yeux, sur des sujets tellement \u00e9loign\u00e9s de la peinture qu\u2019\u00e0 la fin, la confusion envahit tout. Et surtout, elle \u00e9rode largement le simple plaisir de se retrouver devant son chevalet et de peindre de bon c\u0153ur. Dans le fond, c\u2019est un peu la m\u00eame chose pour la peinture elle-m\u00eame, sauf que je l\u2019avais oubli\u00e9. Au d\u00e9but, on se sent tellement d\u00e9muni de tout ce qu\u2019on imagine comme savoir ou exp\u00e9rience, qu\u2019on passe des heures innombrables \u00e0 chercher en dehors de soi des astuces techniques, sous forme de cours, de tutos, de formations et de stages, voire d\u2019une \u00e9cole d\u2019art. On croit que tout cela est absolument n\u00e9cessaire pour ne pas rester au niveau de l\u2019amateur. C\u2019est sans doute vrai en partie, mais pas compl\u00e8tement. D\u2019o\u00f9 vient vraiment toute cette confusion ? Peut-\u00eatre du fait qu\u2019on n\u2019arrive pas \u00e0 savoir ce qu\u2019on veut, ni dans le blogging, ni dans la peinture. Et si on n\u2019y parvient pas, c\u2019est qu\u2019on s\u2019y refuse peut-\u00eatre. Car \"savoir ce qu\u2019on veut\" m\u00e8ne g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 un objectif unique : \"faire du pognon\". Je n\u2019ai rien contre l\u2019id\u00e9e d\u2019en gagner. J\u2019y ai consacr\u00e9 la plus grande partie de ma vie en entreprise. C\u2019est d\u2019ailleurs cette absurdit\u00e9 qui m\u2019en a fait partir. Apr\u00e8s tant d\u2019\u00e9merveillement et de libert\u00e9, en choisissant tous les al\u00e9as d\u2019une vie de peintre, il est difficile de revenir vers ce questionnement pour red\u00e9finir des strat\u00e9gies que je connais, au demeurant, assez bien. M\u00eame si les outils changent et si je ne suis plus vraiment \u00e0 la page, le contenu reste le m\u00eame : promettre, faire saliver, r\u00e9pondre aux objections de ne pas acheter, promettre encore, faire saliver encore, au moins sept fois, puis cr\u00e9er une urgence avec un \"call to action\". Vendre des tableaux comme \u00e7a, j\u2019y suis tent\u00e9 une fois l\u2019an, g\u00e9n\u00e9ralement en janvier. C\u2019est perturbant, et \u00e0 la fin j\u2019en ris tout seul. Peut-on vraiment diviser \u00e0 ce point son \u00e9tat d\u2019esprit pour \u00eatre \u00e0 la fois peintre, camelot et technicien en informatique ? C\u2019est encore une colle pour moi. M\u00eame si certains y parviennent et semblent avoir un franc succ\u00e8s, je me demande quel impact cette schizophr\u00e9nie peut avoir sur la justesse de leur art. Peut-\u00eatre suis-je encore trop na\u00eff, trop boh\u00e8me, mais je sais ce que je ne veux pas : je veux rester peintre, et je n\u2019ai pas envie de me transformer en homme d\u2019affaires, ni en crack de la SEO, encore moins de rester les trois quarts de la journ\u00e9e les yeux riv\u00e9s sur des \u00e9crans \u00e0 contempler des graphiques pour me rassurer sur mon talent ou sur ma s\u00e9curit\u00e9. La question importante \u00e0 se poser alors est : pourquoi je continue \u00e0 bloguer ou \u00e0 peindre ? Pour le plaisir de m\u2019exprimer, \u00e9videmment. Et en ces temps, cela peut para\u00eetre \u00e9go\u00efste, inefficace, et absolument pas rentable. Mais au fond, je m\u2019en fiche. On m\u2019a d\u00e9j\u00e0 fait le coup avec des b\u00eatises comme \"le temps, c\u2019est de l\u2019argent\" ou \"le temps perdu ne se rattrape jamais\". Je connais la musique, et surtout le silence entre les notes. Chaque ann\u00e9e, un h\u00e9ros antique use de son arc, de ses fl\u00e8ches et de ses strat\u00e9gies pour occire le monstre du marais. En vain, du 1er janvier \u00e0 la fin janvier, jusqu\u2019\u00e0 ce que toutes les t\u00eates du monstre soient finalement calcin\u00e9es m\u00e9ticuleusement.",
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"title": "Le blogging, la peinture, l'hydre de Lerne annuelle",
"date_published": "2021-01-07T08:02:02Z",
"date_modified": "2025-11-14T15:49:51Z",
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Tous les ans c’est la m\u00eame histoire, les bonnes r\u00e9solutions reviennent par vagues pour m’envahir la caboche et il me faut vraiment me ramasser sur moi-m\u00eame, m’arcbouter farouchement pour tenter de leur r\u00e9sister. Mais parfois certaines sont plus virulentes que d’autres et il me faut encore ajouter \u00e0 la r\u00e9sistance un petit quelque chose en plus. Mettons du bon sens, ou du discernement.<\/p>\n
En tant que peintre la plus belle partie du travail est \u00e9videmment de peindre. Alors donc, une fois l’an, en janvier, tout me rappelle que \u00e7a ne suffit pas et ce d’une fa\u00e7on encore plus insistante que tous les autres mois. Je commence \u00e0 m’accabler, \u00e0 me juger f\u00e9rocement, \u00e0 me chercher des poux dans ce qu’il me reste de cheveux et tout cela tourne autour des termes \"strat\u00e9gies, visibilit\u00e9, notori\u00e9t\u00e9, et \u00e9videmment \"p\u00e9pettes\".<\/p>\n
Il faut faire tellement d’autres choses que de peindre quand on veut vivre de sa peinture vraiment que je l’avoue syst\u00e9matiquement les bras m’en tombent. Ce qui est un inconv\u00e9nient majeur pour ma profession on en conviendra.<\/p>\n
Du coup je passe par une p\u00e9riode bizarre o\u00f9 un tas d’id\u00e9es biscornues, de d\u00e9sirs troubles, montant de je ne sais quel lieu mercantile de ma psych\u00e9, finissent par m’assaillir et me prendre de fa\u00e7on obs\u00e9dante, la t\u00eate.<\/p>\n
A chaque t\u00eate qu’Hercule coupe, il en pousse deux autres, o quelle salet\u00e9 que cette hydre de Lerne !<\/p>\n
Faut-il am\u00e9liorer le site web, afin de le rendre plus joli, plus \" responsive\" , plus pro, et ainsi obtenir les faveurs Googolesques en mati\u00e8re de r\u00e9f\u00e9rencement ?<\/p>\n
Faut il enfin s\u00e9rieusement s’int\u00e9resser au fonctionnement \u00e9sot\u00e9rique de ce putain d’autor\u00e9pondeur auquel je ne pige que couic et que je paye pourtant chaque mois pour pas grand chose ?<\/p>\n
Faut il s’int\u00e9resser \u00e0 la cr\u00e9ation d’une boutique ? Et dans ce cas changer de CMS, troquer Wordpress contre un Prestashop ?<\/p>\n
Et puis commence alors aussi tout une batteries de tests, d’essais, pas vraiment concluants je l’avoue. Evidemment rien n’est simple lorsqu’on bidouille, un morceau de code par l\u00e0, une classe CSS par ci. Je finis g\u00e9n\u00e9ralement par m’embrouiller copieusement dans toutes les ID<\/p>\n
Du coup des heures et des heures de visionnages de tutos sur YouTube \u00e0 s’en faire pleurer les yeux sur des sujets tellement \u00e9loign\u00e9s de la peinture dans le fond que la confusion finit par envahir \u00e0 peu pr\u00e8s tout, et surtout elle \u00e9rode largement le plaisir simple de se retrouver devant son chevalet et peindre de bon c\u0153ur.<\/p>\n
Dans le fond c’est un peu la m\u00eame chose dans la peinture elle-m\u00eame, sauf que je l’avais oubli\u00e9.<\/p>\n
Au d\u00e9but on se trouve tellement d\u00e9pourvu de tout ce que l’on imagine comme savoir, exp\u00e9rience, que l’on passe des heures innombrables \u00e0 chercher en dehors de soi, des astuces techniques, des savoir faire, que ce soit sous forme de cours, de tutos, de formations et de stages, si ce n’est pas une \u00e9cole d’art.<\/p>\n
On croit que toutes ces choses ext\u00e9rieures sont absolument n\u00e9cessaires, que sans elles on sera condamn\u00e9 \u00e0 ne rester qu’au niveau de l’amateur. C’est sans doute vrai en partie, mais pas compl\u00e8tement.<\/p>\n
Toute cette confusion d’o\u00f9 vient-elle vraiment finalement ?<\/p>\n
Peut-\u00eatre du fait qu’on n’arrive pas vraiment \u00e0 savoir ce que l’on veut, ni dans le blogging ni dans la peinture.<\/p>\n
Et si on n’y parvient pas, je dirais en ce qui me concerne que je m’y refuse m\u00eame, car \"savoir ce que l’on veut\" dirige g\u00e9n\u00e9ralement vers un seul objectif d\u00e9sormais qui est de \"faire du pognon\".<\/p>\n
Bon je n’ai rien contre le fait d’en gagner, j’ai m\u00eame pass\u00e9 la plus grande partie de ma vie dans ce but lorsque je travaillais en entreprise. C’est d’ailleurs en raison de cette absurdit\u00e9 que j’en suis finalement parti.<\/p>\n
Alors \u00e9videmment c’est difficile apr\u00e8s tant d’\u00e9merveillement, de libert\u00e9, en choisissant tous les al\u00e9as d’une vie de peintre de revenir \u00e0 nouveau vers ce questionnement et de red\u00e9finir des strat\u00e9gies que je connais au demeurant assez bien finalement.<\/p>\n
M\u00eame si les outils changent, si je ne suis pas tout \u00e0 fait \u00e0 la page, le contenu est toujours le m\u00eame : Promettre, faire saliver, r\u00e9pondre \u00e0 l’avance aux objections de ne pas acheter, promettre encore, faire saliver \u00e0 nouveau, au moins 7 fois si possible \u00e0 la queue leu leu pour que \u00e7a p\u00e9n\u00e8tre les cervelles et puis balancer une urgence, accompagn\u00e9 d’un \"call to action\".<\/p>\n
Vendre des tableaux comme \u00e7a, j’avoue que je suis tent\u00e9 une fois l’an, g\u00e9n\u00e9ralement en Janvier. C’est assez perturbant et \u00e0 la fin j’arrive m\u00eame \u00e0 en rigoler tout seul.<\/p>\n
Peut-on vraiment diviser \u00e0 ce point son \u00e9tat d’esprit pour \u00eatre \u00e0 la fois peintre, camelot, et technicien en informatique ? C’est une colle encore pour moi.<\/p>\n
M\u00eame si je vois parfois des personnes qui y parviennent et qui m\u00eame ont l’air de remporter un franc succ\u00e8s, je me demande bien l’impact que peut avoir cette sorte de schizophr\u00e9nie, globalement sur la justesse de leur art...<\/p>\n
Peut-\u00eatre suis je encore trop na\u00eff, trop boh\u00e8me, mais ce que je sais c’est ce que je ne veux pas surtout. Je veux rester peintre et n’ai pas vraiment envie de me transformer en homme d’affaire, ni en crack de la SEO, et surtout pas rester les trois quarts de la journ\u00e9e les yeux fix\u00e9s sur des \u00e9crans \u00e0 contempler des graphiques et des courbes pour me rassurer sur mon talent, sur ma s\u00e9curit\u00e9 et tirer je ne sais quelle fausse gloriole de toute forme de reconnaissance.<\/p>\n
La question tout de m\u00eame, importante \u00e0 se poser \u00e0 partir de l\u00e0 c’est pourquoi je continue \u00e0 blogguer ou \u00e0 peindre ?<\/p>\n
Pour le plaisir de m’exprimer \u00e9videmment, et par les temps qui courent, sans doute que cela peut paraitre \u00e9go\u00efste, inefficace absolument comme pas du tout rentable, je m’en fiche pas mal au fond. On m’a d\u00e9j\u00e0 fait le coup avec le temps, avec le genre de conneries telles que \" le temps c’est de l’argent\" ou encore le temps perdu ne se rattrape jamais\" \u2026 je connais la musique et surtout le silence comme d’habitude entre les notes.<\/p>\n
Chaque ann\u00e9e il y a un h\u00e9ros antique qui use son arc ses fl\u00e8ches et tout un tas de strat\u00e9gies pour occire le monstre du marais. En vain du 1er de l’an \u00e0 la fin janvier, apr\u00e8s \u00e7a se calme une fois que toutes les t\u00eates du monstre ont \u00e9t\u00e9 calcin\u00e9es m\u00e9ticuleusement..<\/p>",
"content_text": "Tous les ans c'est la m\u00eame histoire, les bonnes r\u00e9solutions reviennent par vagues pour m'envahir la caboche et il me faut vraiment me ramasser sur moi-m\u00eame, m'arcbouter farouchement pour tenter de leur r\u00e9sister. Mais parfois certaines sont plus virulentes que d'autres et il me faut encore ajouter \u00e0 la r\u00e9sistance un petit quelque chose en plus. Mettons du bon sens, ou du discernement.\n\nEn tant que peintre la plus belle partie du travail est \u00e9videmment de peindre. Alors donc, une fois l'an, en janvier, tout me rappelle que \u00e7a ne suffit pas et ce d'une fa\u00e7on encore plus insistante que tous les autres mois. Je commence \u00e0 m'accabler, \u00e0 me juger f\u00e9rocement, \u00e0 me chercher des poux dans ce qu'il me reste de cheveux et tout cela tourne autour des termes \"strat\u00e9gies, visibilit\u00e9, notori\u00e9t\u00e9, et \u00e9videmment \"p\u00e9pettes\".\n\nIl faut faire tellement d'autres choses que de peindre quand on veut vivre de sa peinture vraiment que je l'avoue syst\u00e9matiquement les bras m'en tombent. Ce qui est un inconv\u00e9nient majeur pour ma profession on en conviendra.\n\nDu coup je passe par une p\u00e9riode bizarre o\u00f9 un tas d'id\u00e9es biscornues, de d\u00e9sirs troubles, montant de je ne sais quel lieu mercantile de ma psych\u00e9, finissent par m'assaillir et me prendre de fa\u00e7on obs\u00e9dante, la t\u00eate.A chaque t\u00eate qu'Hercule coupe, il en pousse deux autres, o quelle salet\u00e9 que cette hydre de Lerne !\n\nFaut-il am\u00e9liorer le site web, afin de le rendre plus joli, plus \" responsive\" , plus pro, et ainsi obtenir les faveurs Googolesques en mati\u00e8re de r\u00e9f\u00e9rencement ? \n\nFaut il enfin s\u00e9rieusement s'int\u00e9resser au fonctionnement \u00e9sot\u00e9rique de ce putain d'autor\u00e9pondeur auquel je ne pige que couic et que je paye pourtant chaque mois pour pas grand chose ?\n\nFaut il s'int\u00e9resser \u00e0 la cr\u00e9ation d'une boutique ? Et dans ce cas changer de CMS, troquer Wordpress contre un Prestashop ? \n\nEt puis commence alors aussi tout une batteries de tests, d'essais, pas vraiment concluants je l'avoue. Evidemment rien n'est simple lorsqu'on bidouille, un morceau de code par l\u00e0, une classe CSS par ci. Je finis g\u00e9n\u00e9ralement par m'embrouiller copieusement dans toutes les ID\n\nDu coup des heures et des heures de visionnages de tutos sur YouTube \u00e0 s'en faire pleurer les yeux sur des sujets tellement \u00e9loign\u00e9s de la peinture dans le fond que la confusion finit par envahir \u00e0 peu pr\u00e8s tout, et surtout elle \u00e9rode largement le plaisir simple de se retrouver devant son chevalet et peindre de bon c\u0153ur.\n\nDans le fond c'est un peu la m\u00eame chose dans la peinture elle-m\u00eame, sauf que je l'avais oubli\u00e9.\n\nAu d\u00e9but on se trouve tellement d\u00e9pourvu de tout ce que l'on imagine comme savoir, exp\u00e9rience, que l'on passe des heures innombrables \u00e0 chercher en dehors de soi, des astuces techniques, des savoir faire, que ce soit sous forme de cours, de tutos, de formations et de stages, si ce n'est pas une \u00e9cole d'art.\n\nOn croit que toutes ces choses ext\u00e9rieures sont absolument n\u00e9cessaires, que sans elles on sera condamn\u00e9 \u00e0 ne rester qu'au niveau de l'amateur. C'est sans doute vrai en partie, mais pas compl\u00e8tement.\n\nToute cette confusion d'o\u00f9 vient-elle vraiment finalement ?\n\nPeut-\u00eatre du fait qu'on n'arrive pas vraiment \u00e0 savoir ce que l'on veut, ni dans le blogging ni dans la peinture.\n\nEt si on n'y parvient pas, je dirais en ce qui me concerne que je m'y refuse m\u00eame, car \"savoir ce que l'on veut\" dirige g\u00e9n\u00e9ralement vers un seul objectif d\u00e9sormais qui est de \"faire du pognon\".\n\nBon je n'ai rien contre le fait d'en gagner, j'ai m\u00eame pass\u00e9 la plus grande partie de ma vie dans ce but lorsque je travaillais en entreprise. C'est d'ailleurs en raison de cette absurdit\u00e9 que j'en suis finalement parti.\n\nAlors \u00e9videmment c'est difficile apr\u00e8s tant d'\u00e9merveillement, de libert\u00e9, en choisissant tous les al\u00e9as d'une vie de peintre de revenir \u00e0 nouveau vers ce questionnement et de red\u00e9finir des strat\u00e9gies que je connais au demeurant assez bien finalement.\n\nM\u00eame si les outils changent, si je ne suis pas tout \u00e0 fait \u00e0 la page, le contenu est toujours le m\u00eame: Promettre, faire saliver, r\u00e9pondre \u00e0 l'avance aux objections de ne pas acheter, promettre encore, faire saliver \u00e0 nouveau, au moins 7 fois si possible \u00e0 la queue leu leu pour que \u00e7a p\u00e9n\u00e8tre les cervelles et puis balancer une urgence, accompagn\u00e9 d'un \"call to action\".\n\nVendre des tableaux comme \u00e7a, j'avoue que je suis tent\u00e9 une fois l'an, g\u00e9n\u00e9ralement en Janvier. C'est assez perturbant et \u00e0 la fin j'arrive m\u00eame \u00e0 en rigoler tout seul.\n\nPeut-on vraiment diviser \u00e0 ce point son \u00e9tat d'esprit pour \u00eatre \u00e0 la fois peintre, camelot, et technicien en informatique ? C'est une colle encore pour moi.\n\nM\u00eame si je vois parfois des personnes qui y parviennent et qui m\u00eame ont l'air de remporter un franc succ\u00e8s, je me demande bien l'impact que peut avoir cette sorte de schizophr\u00e9nie, globalement sur la justesse de leur art... \n\nPeut-\u00eatre suis je encore trop na\u00eff, trop boh\u00e8me, mais ce que je sais c'est ce que je ne veux pas surtout. Je veux rester peintre et n'ai pas vraiment envie de me transformer en homme d'affaire, ni en crack de la SEO, et surtout pas rester les trois quarts de la journ\u00e9e les yeux fix\u00e9s sur des \u00e9crans \u00e0 contempler des graphiques et des courbes pour me rassurer sur mon talent, sur ma s\u00e9curit\u00e9 et tirer je ne sais quelle fausse gloriole de toute forme de reconnaissance.\n\nLa question tout de m\u00eame, importante \u00e0 se poser \u00e0 partir de l\u00e0 c'est pourquoi je continue \u00e0 blogguer ou \u00e0 peindre ?\n\nPour le plaisir de m'exprimer \u00e9videmment, et par les temps qui courent, sans doute que cela peut paraitre \u00e9go\u00efste, inefficace absolument comme pas du tout rentable, je m'en fiche pas mal au fond. On m'a d\u00e9j\u00e0 fait le coup avec le temps, avec le genre de conneries telles que \" le temps c'est de l'argent\" ou encore le temps perdu ne se rattrape jamais\" \u2026 je connais la musique et surtout le silence comme d'habitude entre les notes.\n\nChaque ann\u00e9e il y a un h\u00e9ros antique qui use son arc ses fl\u00e8ches et tout un tas de strat\u00e9gies pour occire le monstre du marais. En vain du 1er de l'an \u00e0 la fin janvier, apr\u00e8s \u00e7a se calme une fois que toutes les t\u00eates du monstre ont \u00e9t\u00e9 calcin\u00e9es m\u00e9ticuleusement..",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/5-janvier-2021.html",
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"title": "5 janvier 2021",
"date_published": "2021-01-05T15:29:00Z",
"date_modified": "2025-07-17T21:45:41Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": "
J\u2019habitais une chambre de bonne au septi\u00e8me \u00e9tage d\u2019un immeuble place de la Bastille. Au troisi\u00e8me vivait la famille Laraison, le p\u00e8re directeur de la Banque de France. Le tapis rouge s\u2019arr\u00eatait \u00e0 leur \u00e9tage. Quand je d\u00e9valais les escaliers, je les croisais parfois. Monsieur Laraison, v\u00eatu de gris. Sa femme, son ombre. Leurs marmots, joufflus, regard en biais. Le mardi, ils recevaient. \u00c0 20h, je remontais. Dans l\u2019escalier : parfums inconnus. J\u2019\u00e9coutais \u00e0 la porte : rires bourgeois. J\u2019en parlais \u00e0 Pauline apr\u00e8s l\u2019amour. Nous riions. Cela nous rassurait. Le jour o\u00f9 j\u2019ai perdu Pauline, j\u2019ai quitt\u00e9 la piaule. Je me suis barr\u00e9. Je ne les ai jamais revus. Parfois, \u00e7a me revient. Je colle mon oreille \u00e0 la porte des souvenirs. Je revois Pauline. Puis un pet sonore fend l\u2019air du troisi\u00e8me. Et je me mets \u00e0 rire. Je pensais \u00e0 tout \u00e7a en voyant une \u0153uvre de Chen Wenling : Le taureau qui p\u00e8te.
\nEn fait : Ce que vous voyez pourrait ne pas \u00eatre r\u00e9el. Un taureau propuls\u00e9 par un pet, \u00e9crasant Madoff. La critique de la crise financi\u00e8re. Ou autre chose.<\/p>",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/03-janvier-2021.html",
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"title": "03 janvier 2021",
"date_published": "2021-01-03T15:15:00Z",
"date_modified": "2025-04-30T14:42:33Z",
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\n<\/figure>\n<\/div>\nPeut-\u00eatre que tout tient dans cette id\u00e9e : rester quelque part, rester en lien.
\nSe r\u00e9soudre \u00e0 devenir une sorte de solide, une cristallisation. Mais au fond, ce n\u2019est pas vraiment une question de choix ou de volont\u00e9. Aussi loin que je me souvienne, chaque rencontre avec l\u2019autre m\u2019a toujours inspir\u00e9 une peur brutale, visc\u00e9rale. Une peur difficile \u00e0 d\u00e9finir, mais si vive qu\u2019elle paralysait tout \u00e9lan naturel. Cette angoisse primaire m\u2019a pouss\u00e9, sans doute inconsciemment, \u00e0 me prot\u00e9ger, \u00e0 dresser des barri\u00e8res autour de moi. Le cerveau, lui, s\u2019est charg\u00e9 du reste. Il a cr\u00e9\u00e9 des sch\u00e9mas de survie, alternant entre des \u00e9lans d\u2019affection sinc\u00e8re envers certaines personnes proches et des mouvements de rejet tout aussi spontan\u00e9s. La sinc\u00e9rit\u00e9, la qu\u00eate d\u2019authenticit\u00e9, sont venues plus tard, comme des tentatives d\u2019explication, un moyen de rationaliser ce sentiment profond d\u2019inadaptation. Tout repose sur l\u2019id\u00e9e qu\u2019on se fait du lien. Je suppose qu\u2019elle peut \u00eatre envisag\u00e9e de mani\u00e8re positive ou n\u00e9gative. Chez moi, le n\u00e9gatif l\u2019emporte toujours. Non que j\u2019aie « coup\u00e9 » consciemment ni syst\u00e9matiquement. Je ne dirais pas cela, car m\u00eame si les choses se passent mal dans une relation, on peut malgr\u00e9 tout rester en lien.
\n \u00c0 de rares exceptions pr\u00e8s, les gens font cela. Il y a aussi cette id\u00e9e de convenance qui dicte de ne pas rester en lien avec certaines personnes — des flirts de jeunesse, des anciens camarades de classe. Face \u00e0 cette porosit\u00e9, j\u2019ai toujours rencontr\u00e9 des difficult\u00e9s. Non pas par esprit de contradiction ou par influence ext\u00e9rieure, mais par un rejet visc\u00e9ral de ce qui, en moi, aurait pu se figer en quelque chose d\u2019insinc\u00e8re. Je ne supporte pas l\u2019id\u00e9e de me voir devenir ce que je ne suis pas, de me compromettre avec des attentes sociales ou des convenances qui finiraient par me d\u00e9former. Comme si le simple fait de s\u2019y conformer risquait d\u2019ab\u00eemer l\u2019\u00eatre que j\u2019imagine \u00eatre. Fuir cela, c\u2019est peut-\u00eatre fuir une fatalit\u00e9 sociale, la compromission qui semble in\u00e9vitable. Mais en cherchant \u00e0 rester sinc\u00e8re, une question persiste : qui suis-je vraiment pour en d\u00e9cider ? Quelle l\u00e9gitimit\u00e9 ai-je \u00e0 d\u00e9cr\u00e9ter ce qui est juste ou ce qui ne l\u2019est pas, m\u00eame en moi ? Peut-\u00eatre que cette qu\u00eate d\u2019authenticit\u00e9, au fond, n\u2019est qu\u2019une autre illusion, une fa\u00e7ade derri\u00e8re laquelle je me cache. Une fa\u00e7on de fuir, sous pr\u00e9texte de sinc\u00e9rit\u00e9, ce que la vie pourrait exiger de moi. Si je n\u2019entretiens pas de liens avec les personnes que j\u2019ai rencontr\u00e9es dans ma vie, elles n\u2019en ont pourtant jamais totalement disparues. Elles se situent dans ma m\u00e9moire et je peux revenir vers les moments pass\u00e9s ensemble autant que je le d\u00e9sire pour les examiner. Peut-\u00eatre pour comprendre aussi pourquoi nous ne nous voyons plus. Pourquoi nous nous sommes perdus de vue. Ce n\u2019est jamais de la faute \u00e0 quelqu\u2019un en particulier. C\u2019est la vie qui veut \u00e7a, je crois. Et puis sur l\u2019id\u00e9e que l\u2019on se fait de soi-m\u00eame aussi. Pour certaines personnes, rester en lien avec les autres c\u2019est aussi rester en lien avec soi-m\u00eame par un jeu de miroirs utiles. Comme je n\u2019ai jamais eu d\u2019id\u00e9e de moi-m\u00eame suffisamment solide et durable, rester en lien n\u2019a peut-\u00eatre jamais eu d\u2019importance. J\u2019ai v\u00e9cu de cercles de connaissances en cercles de connaissances, abandonnant ces cercles \u00e0 chaque fois que j\u2019en p\u00e9n\u00e9trais un nouveau, sans vraiment me poser de question. Cela demande des efforts d\u2019entretenir les relations, d\u2019autant plus si on ne trouve pas de sens \u00e0 les conserver.
\n Ce qui m\u2019a toujours effray\u00e9, c\u2019est la cristallisation d\u2019un \u00eatre dans un r\u00f4le d\u00e9termin\u00e9, choisi, « devenir quelqu\u2019un » en toute conscience et s\u2019y accrocher. Je me suis dissimul\u00e9 cette peur derri\u00e8re la stupidit\u00e9 que j\u2019attribuais \u00e0 toutes ces personnes prisonni\u00e8res de la constance, sans voir que j\u2019\u00e9tais tout aussi attach\u00e9 \u00e0 la constance de ne pas en avoir du tout. Cette ironie masquait un malheur profond, un renoncement d\u00e9finitif tr\u00e8s t\u00f4t \u00e0 ce que l\u2019on appelle « la chaleur humaine ».
\n C\u2019est Roger, le peintre en lettres de l\u2019imprimerie o\u00f9 je travaille, qui a mis le doigt sur le probl\u00e8me. J\u2019ai ri doucement lorsqu\u2019il m\u2019a dit \u00e7a pour ne pas montrer qu\u2019il m\u2019avait mis KO. Avec lui non plus je ne suis pas rest\u00e9 en lien, pourtant on s\u2019appr\u00e9ciait vraiment bien. \u00c7a ne m\u2019emp\u00eache pas de penser souvent \u00e0 lui, comme \u00e0 toutes ces personnes perdues en chemin. J\u2019entretiens une conversation ininterrompue avec chacune d\u2019entre elles, chacun d\u2019entre eux. Avec leurs fant\u00f4mes comme avec le mien, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019homme que j\u2019ai pu \u00eatre \u00e0 un moment donn\u00e9 d\u2019une ligne de temps. J\u2019ai essay\u00e9 parfois d\u2019entretenir les relations, mais d\u2019une fa\u00e7on tellement maladroite, tellement peu convaincante\u2026 Mon manque de chaleur humaine va dans les deux sens : je ne peux ni en obtenir ni en donner vraiment. C\u2019est la m\u00eame chose avec les objectifs que j\u2019ai pu me fixer dans la vie. Le risque d\u2019acqu\u00e9rir une v\u00e9ritable solidit\u00e9, une existence « r\u00e9elle » aux yeux des autres, c\u2019est-\u00e0-dire quelqu\u2019un sur lequel on peut « compter ». Les objectifs que je me fixe ne peuvent pas plus compter sur moi que je ne peux compter sur eux pour devenir « quelqu\u2019un » que je ne suis pas. Pour \u00eatre ce que je suis et me tenir \u00e0 cela, j\u2019ai envoy\u00e9 valdinguer tout ce \u00e0 quoi un \u00eatre humain s\u2019accroche g\u00e9n\u00e9ralement. Le seul objectif que j\u2019ai toujours suivi finalement, c\u2019est de ne pas \u00eatre en lien, ni avec les gens ni avec les objectifs trop longtemps, pour pouvoir comprendre combien le temps est un mensonge, une illusion. Et peut-\u00eatre, finalement, que cette obsession est li\u00e9e \u00e0 la mort. Ne pas rester en lien pour \u00e9chapper \u00e0 la nouvelle de la mort des gens, comme \u00e0 la mienne in\u00e9luctable au bout du compte.<\/p>",
"content_text": "Peut-\u00eatre que tout tient dans cette id\u00e9e : rester quelque part, rester en lien. Se r\u00e9soudre \u00e0 devenir une sorte de solide, une cristallisation. Mais au fond, ce n\u2019est pas vraiment une question de choix ou de volont\u00e9. Aussi loin que je me souvienne, chaque rencontre avec l\u2019autre m\u2019a toujours inspir\u00e9 une peur brutale, visc\u00e9rale. Une peur difficile \u00e0 d\u00e9finir, mais si vive qu\u2019elle paralysait tout \u00e9lan naturel. Cette angoisse primaire m\u2019a pouss\u00e9, sans doute inconsciemment, \u00e0 me prot\u00e9ger, \u00e0 dresser des barri\u00e8res autour de moi. Le cerveau, lui, s\u2019est charg\u00e9 du reste. Il a cr\u00e9\u00e9 des sch\u00e9mas de survie, alternant entre des \u00e9lans d\u2019affection sinc\u00e8re envers certaines personnes proches et des mouvements de rejet tout aussi spontan\u00e9s. La sinc\u00e9rit\u00e9, la qu\u00eate d\u2019authenticit\u00e9, sont venues plus tard, comme des tentatives d\u2019explication, un moyen de rationaliser ce sentiment profond d\u2019inadaptation. Tout repose sur l\u2019id\u00e9e qu\u2019on se fait du lien. Je suppose qu\u2019elle peut \u00eatre envisag\u00e9e de mani\u00e8re positive ou n\u00e9gative. Chez moi, le n\u00e9gatif l\u2019emporte toujours. Non que j\u2019aie \u00ab coup\u00e9 \u00bb consciemment ni syst\u00e9matiquement. Je ne dirais pas cela, car m\u00eame si les choses se passent mal dans une relation, on peut malgr\u00e9 tout rester en lien. \u00c0 de rares exceptions pr\u00e8s, les gens font cela. Il y a aussi cette id\u00e9e de convenance qui dicte de ne pas rester en lien avec certaines personnes \u2014 des flirts de jeunesse, des anciens camarades de classe. Face \u00e0 cette porosit\u00e9, j\u2019ai toujours rencontr\u00e9 des difficult\u00e9s. Non pas par esprit de contradiction ou par influence ext\u00e9rieure, mais par un rejet visc\u00e9ral de ce qui, en moi, aurait pu se figer en quelque chose d\u2019insinc\u00e8re. Je ne supporte pas l\u2019id\u00e9e de me voir devenir ce que je ne suis pas, de me compromettre avec des attentes sociales ou des convenances qui finiraient par me d\u00e9former. Comme si le simple fait de s\u2019y conformer risquait d\u2019ab\u00eemer l\u2019\u00eatre que j\u2019imagine \u00eatre. Fuir cela, c\u2019est peut-\u00eatre fuir une fatalit\u00e9 sociale, la compromission qui semble in\u00e9vitable. Mais en cherchant \u00e0 rester sinc\u00e8re, une question persiste : qui suis-je vraiment pour en d\u00e9cider ? Quelle l\u00e9gitimit\u00e9 ai-je \u00e0 d\u00e9cr\u00e9ter ce qui est juste ou ce qui ne l\u2019est pas, m\u00eame en moi ? Peut-\u00eatre que cette qu\u00eate d\u2019authenticit\u00e9, au fond, n\u2019est qu\u2019une autre illusion, une fa\u00e7ade derri\u00e8re laquelle je me cache. Une fa\u00e7on de fuir, sous pr\u00e9texte de sinc\u00e9rit\u00e9, ce que la vie pourrait exiger de moi. Si je n\u2019entretiens pas de liens avec les personnes que j\u2019ai rencontr\u00e9es dans ma vie, elles n\u2019en ont pourtant jamais totalement disparues. Elles se situent dans ma m\u00e9moire et je peux revenir vers les moments pass\u00e9s ensemble autant que je le d\u00e9sire pour les examiner. Peut-\u00eatre pour comprendre aussi pourquoi nous ne nous voyons plus. Pourquoi nous nous sommes perdus de vue. Ce n\u2019est jamais de la faute \u00e0 quelqu\u2019un en particulier. C\u2019est la vie qui veut \u00e7a, je crois. Et puis sur l\u2019id\u00e9e que l\u2019on se fait de soi-m\u00eame aussi. Pour certaines personnes, rester en lien avec les autres c\u2019est aussi rester en lien avec soi-m\u00eame par un jeu de miroirs utiles. Comme je n\u2019ai jamais eu d\u2019id\u00e9e de moi-m\u00eame suffisamment solide et durable, rester en lien n\u2019a peut-\u00eatre jamais eu d\u2019importance. J\u2019ai v\u00e9cu de cercles de connaissances en cercles de connaissances, abandonnant ces cercles \u00e0 chaque fois que j\u2019en p\u00e9n\u00e9trais un nouveau, sans vraiment me poser de question. Cela demande des efforts d\u2019entretenir les relations, d\u2019autant plus si on ne trouve pas de sens \u00e0 les conserver. Ce qui m\u2019a toujours effray\u00e9, c\u2019est la cristallisation d\u2019un \u00eatre dans un r\u00f4le d\u00e9termin\u00e9, choisi, \u00ab devenir quelqu\u2019un \u00bb en toute conscience et s\u2019y accrocher. Je me suis dissimul\u00e9 cette peur derri\u00e8re la stupidit\u00e9 que j\u2019attribuais \u00e0 toutes ces personnes prisonni\u00e8res de la constance, sans voir que j\u2019\u00e9tais tout aussi attach\u00e9 \u00e0 la constance de ne pas en avoir du tout. Cette ironie masquait un malheur profond, un renoncement d\u00e9finitif tr\u00e8s t\u00f4t \u00e0 ce que l\u2019on appelle \u00ab la chaleur humaine \u00bb. C\u2019est Roger, le peintre en lettres de l\u2019imprimerie o\u00f9 je travaille, qui a mis le doigt sur le probl\u00e8me. J\u2019ai ri doucement lorsqu\u2019il m\u2019a dit \u00e7a pour ne pas montrer qu\u2019il m\u2019avait mis KO. Avec lui non plus je ne suis pas rest\u00e9 en lien, pourtant on s\u2019appr\u00e9ciait vraiment bien. \u00c7a ne m\u2019emp\u00eache pas de penser souvent \u00e0 lui, comme \u00e0 toutes ces personnes perdues en chemin. J\u2019entretiens une conversation ininterrompue avec chacune d\u2019entre elles, chacun d\u2019entre eux. Avec leurs fant\u00f4mes comme avec le mien, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019homme que j\u2019ai pu \u00eatre \u00e0 un moment donn\u00e9 d\u2019une ligne de temps. J\u2019ai essay\u00e9 parfois d\u2019entretenir les relations, mais d\u2019une fa\u00e7on tellement maladroite, tellement peu convaincante\u2026 Mon manque de chaleur humaine va dans les deux sens : je ne peux ni en obtenir ni en donner vraiment. C\u2019est la m\u00eame chose avec les objectifs que j\u2019ai pu me fixer dans la vie. Le risque d\u2019acqu\u00e9rir une v\u00e9ritable solidit\u00e9, une existence \u00ab r\u00e9elle \u00bb aux yeux des autres, c\u2019est-\u00e0-dire quelqu\u2019un sur lequel on peut \u00ab compter \u00bb. Les objectifs que je me fixe ne peuvent pas plus compter sur moi que je ne peux compter sur eux pour devenir \u00ab quelqu\u2019un \u00bb que je ne suis pas. Pour \u00eatre ce que je suis et me tenir \u00e0 cela, j\u2019ai envoy\u00e9 valdinguer tout ce \u00e0 quoi un \u00eatre humain s\u2019accroche g\u00e9n\u00e9ralement. Le seul objectif que j\u2019ai toujours suivi finalement, c\u2019est de ne pas \u00eatre en lien, ni avec les gens ni avec les objectifs trop longtemps, pour pouvoir comprendre combien le temps est un mensonge, une illusion. Et peut-\u00eatre, finalement, que cette obsession est li\u00e9e \u00e0 la mort. Ne pas rester en lien pour \u00e9chapper \u00e0 la nouvelle de la mort des gens, comme \u00e0 la mienne in\u00e9luctable au bout du compte.",
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