{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/tout-est-parfait-maintenant.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/tout-est-parfait-maintenant.html", "title": "Tout est parfait maintenant", "date_published": "2020-02-18T08:51:19Z", "date_modified": "2025-07-09T14:43:50Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "
\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div>\n
\n

Un trait<\/h2>\n

Texte initial<\/h3>\n
\n

Ce n’est \u00e9videmment pas le mot parfait<\/em> qui compte dans cette affirmation, mais l’imm\u00e9diatet\u00e9 dans laquelle elle sera \u00e9mise.<\/p>\n

Si je pose un trait sur la feuille, l\u00e0, tout de suite, dans ce pr\u00e9sent de l’acte de dessiner, c’est un trait qui existe.<\/p>\n

Il n’existait pas avant, et vous ne saurez pas ce qu’il adviendra apr\u00e8s. Mais l\u00e0, tout de suite, il y a un trait — et c’est tellement extraordinaire qu’on n’y pense m\u00eame pas, ou plus.<\/p>\n

La cervelle peut bien s\u00fbr s’emparer du trait — de son image surtout — car elle ne peut rien saisir du trait en lui-m\u00eame. Elle ne fera que l\u2019interpr\u00e9ter sans rel\u00e2che, et finira sans doute par se fatiguer de ne pas pouvoir lui trouver une raison, un sens. Elle le fera sombrer dans la banalit\u00e9. C’est juste un trait, et alors ?<\/p>\n

Revenons \u00e0 l’origine du trait. \u00c0 son origine, il n\u2019y a qu\u2019un point : le point de contact de la main avec le crayon et la feuille, dans un instant particulier. C\u2019est l\u00e0 que tout commence. C\u2019est le d\u00e9but d\u2019une histoire. L\u2019histoire d\u2019un point qui, dans une impulsion produite par la main, m\u00fb par un geste, voyage — selon une droite, une courbe, une humeur.<\/p>\n

Consid\u00e9rer cela, c\u2019est se faire tout petit. Parvenir, si l\u2019on veut, \u00e0 l\u2019\u00e9chelle microscopique du graphite et se sentir emport\u00e9 par la puissance du voyage.<\/p>\n

Notre vie est-elle si diff\u00e9rente de cette errance du point, qui, \u00e0 force de se cloner dans l\u2019espace-temps d\u2019un mouvement, sera ici et l\u00e0 le m\u00eame et diff\u00e9rent, toujours, le long d\u2019une simple ligne de crayon ?<\/p>\n

Tout ce qui est n\u2019a pas \u00e0 \u00eatre plus que cela. Tout ce qui est, est parfait — car l\u2019existence face \u00e0 rien est \u00e0 la fois banale et merveilleuse. Ce qui pose probl\u00e8me, c\u2019est d\u2019affirmer une existence face \u00e0 quoi que ce soit. Car, du coup, le « quoi que ce soit » na\u00eet de la contrari\u00e9t\u00e9, et se renforce d\u2019autant qu\u2019on veuille le r\u00e9pudier.<\/p>\n

Si je gomme le trait pour revenir \u00e0 la surface propre — si je cherche une id\u00e9e du propre — la moindre salet\u00e9 envahira ma cervelle.<\/p>\n

Se tenir dans un entre-deux, comme une porte entreb\u00e2ill\u00e9e, dans l\u2019instant o\u00f9 les choses naissent et meurent, demande beaucoup d\u2019abn\u00e9gation. Et en m\u00eame temps aucune. C\u2019est un grand myst\u00e8re.<\/p>\n<\/blockquote>\n


\n

R\u00e9duction<\/h3>\n

Un trait.<\/strong>\nL\u00e0.\nIl n\u2019\u00e9tait pas.\nIl est.<\/p>\n

Rien d\u2019autre.\nRien avant.\nRien apr\u00e8s.<\/p>\n

La main. Le crayon. La feuille.\nUn point.\nPuis le point se met en route.<\/p>\n

Droit, courbe, humeur.\nIl va.\nIl clone.\nIl oublie.\nIl revient.<\/p>\n

On regarde.\nOn pense.\nOn s\u2019\u00e9puise.<\/p>\n

Le trait n\u2019a pas besoin d\u2019\u00eatre.\nIl est.<\/p>\n

Si on gomme ?\nRien n\u2019est propre.\nTout salit.<\/p>\n

On reste l\u00e0.\nEntre.\nEntre l\u2019avant et l\u2019apr\u00e8s.\nEntre le n\u00e9ant et le presque.<\/p>\n

Pas d\u2019explication.\nPas de sens.\nMais c\u2019est l\u00e0.<\/p>\n


\n

english<\/a><\/p>\n

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div>", "content_text": " --- ## Un trait ### Texte initial > Ce n'est \u00e9videmment pas le mot *parfait* qui compte dans cette affirmation, mais l'imm\u00e9diatet\u00e9 dans laquelle elle sera \u00e9mise. > > Si je pose un trait sur la feuille, l\u00e0, tout de suite, dans ce pr\u00e9sent de l'acte de dessiner, c'est un trait qui existe. > > Il n'existait pas avant, et vous ne saurez pas ce qu'il adviendra apr\u00e8s. Mais l\u00e0, tout de suite, il y a un trait \u2014 et c'est tellement extraordinaire qu'on n'y pense m\u00eame pas, ou plus. > > La cervelle peut bien s\u00fbr s'emparer du trait \u2014 de son image surtout \u2014 car elle ne peut rien saisir du trait en lui-m\u00eame. Elle ne fera que l\u2019interpr\u00e9ter sans rel\u00e2che, et finira sans doute par se fatiguer de ne pas pouvoir lui trouver une raison, un sens. Elle le fera sombrer dans la banalit\u00e9. C'est juste un trait, et alors ? > > Revenons \u00e0 l'origine du trait. \u00c0 son origine, il n\u2019y a qu\u2019un point : le point de contact de la main avec le crayon et la feuille, dans un instant particulier. C\u2019est l\u00e0 que tout commence. C\u2019est le d\u00e9but d\u2019une histoire. L\u2019histoire d\u2019un point qui, dans une impulsion produite par la main, m\u00fb par un geste, voyage \u2014 selon une droite, une courbe, une humeur. > > Consid\u00e9rer cela, c\u2019est se faire tout petit. Parvenir, si l\u2019on veut, \u00e0 l\u2019\u00e9chelle microscopique du graphite et se sentir emport\u00e9 par la puissance du voyage. > > Notre vie est-elle si diff\u00e9rente de cette errance du point, qui, \u00e0 force de se cloner dans l\u2019espace-temps d\u2019un mouvement, sera ici et l\u00e0 le m\u00eame et diff\u00e9rent, toujours, le long d\u2019une simple ligne de crayon ? > > Tout ce qui est n\u2019a pas \u00e0 \u00eatre plus que cela. Tout ce qui est, est parfait \u2014 car l\u2019existence face \u00e0 rien est \u00e0 la fois banale et merveilleuse. Ce qui pose probl\u00e8me, c\u2019est d\u2019affirmer une existence face \u00e0 quoi que ce soit. Car, du coup, le \"quoi que ce soit\" na\u00eet de la contrari\u00e9t\u00e9, et se renforce d\u2019autant qu\u2019on veuille le r\u00e9pudier. > > Si je gomme le trait pour revenir \u00e0 la surface propre \u2014 si je cherche une id\u00e9e du propre \u2014 la moindre salet\u00e9 envahira ma cervelle. > > Se tenir dans un entre-deux, comme une porte entreb\u00e2ill\u00e9e, dans l\u2019instant o\u00f9 les choses naissent et meurent, demande beaucoup d\u2019abn\u00e9gation. Et en m\u00eame temps aucune. C\u2019est un grand myst\u00e8re. --- ### R\u00e9duction **Un trait.** L\u00e0. Il n\u2019\u00e9tait pas. Il est. Rien d\u2019autre. Rien avant. Rien apr\u00e8s. La main. Le crayon. La feuille. Un point. Puis le point se met en route. Droit, courbe, humeur. Il va. Il clone. Il oublie. Il revient. On regarde. On pense. On s\u2019\u00e9puise. Le trait n\u2019a pas besoin d\u2019\u00eatre. Il est. Si on gomme ? Rien n\u2019est propre. Tout salit. On reste l\u00e0. Entre. Entre l\u2019avant et l\u2019apr\u00e8s. Entre le n\u00e9ant et le presque. Pas d\u2019explication. Pas de sens. Mais c\u2019est l\u00e0. --- [english](https:\/\/ledibbouk.net\/everything-is-perfect-now.html) ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/hole-1-2.jpg?1752071652", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/everything-is-perfect-now.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/everything-is-perfect-now.html", "title": "Everything is perfect now", "date_published": "2020-02-09T15:39:00Z", "date_modified": "2025-07-09T15:48:38Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

A Line<\/h2>\n

Original text (translated)<\/h3>\n
\n

It\u2019s not the word perfect<\/em> that matters in the statement, but the immediacy in which it is uttered.<\/p>\n

If I draw a line on the page, right now, in the present of the drawing act, it is a line that exists.<\/p>\n

It didn\u2019t exist before, and you won\u2019t know what becomes of it after. But now, right now, there is a line — and it\u2019s so extraordinary we no longer even notice.<\/p>\n

The brain may seize the line — its image, mostly — for it can\u2019t grasp the line itself. It will interpret it, endlessly, and in time grow tired of failing to find it a reason, a meaning. It will reduce it to banality. Just a line. So what ?<\/p>\n

Let\u2019s return to the origin of the line. At its origin, there\u2019s only a point : the contact point of hand, pencil, and page, in a given instant. That\u2019s where it begins.<\/p>\n

The start of a story. A point set in motion by the hand, moved by a gesture, travelling — along a straight, a curve, a mood.<\/p>\n

To consider this is to become very small. To reach, if one can, the microscopic scale of graphite and feel carried by the power of that journey.<\/p>\n

Is our life so different from that wandering point, cloning itself in the spacetime of a movement — here, then there — the same and different, always, along a simple pencil line ?<\/p>\n

What is doesn\u2019t need to be more than that. What is, is perfect, for existence, faced with nothing, is both banal and wondrous.<\/p>\n

Trouble arises when we try to assert an existence in relation to anything at all. For then that “anything” is born from contradiction, and grows stronger the more we try to reject it.<\/p>\n

If I erase the line to return to a clean surface — if I seek the idea of cleanliness — the smallest speck will infest my brain.<\/p>\n

Holding to the in-between, like a half-open door in the moment when things are born and die, demands great self-denial. And none. It is a mystery.<\/p>\n<\/blockquote>\n


\n

Reduction<\/h3>\n

A line.<\/strong>\nThere.\nWasn\u2019t.\nIs.<\/p>\n

Nothing more.\nNo before.\nNo after.<\/p>\n

Hand. Pencil. Paper.\nA point.\nThen the point moves.<\/p>\n

Straight, curve, mood.\nIt goes.\nIt splits.\nIt forgets.\nIt returns.<\/p>\n

We look.\nWe think.\nWe tire.<\/p>\n

The line need not be.\nIt is.<\/p>\n

Erase ?\nNothing is clean.\nAll dirties.<\/p>\n

Stay.\nBetween.\nBetween before and after.\nBetween nothing and nearly.<\/p>\n

No meaning.\nNo sense.\nBut still, there.<\/p>\n


\n

fran\u00e7ais<\/a><\/p>\n

\n
\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div>", "content_text": " ## A Line ### Original text (translated) > It\u2019s not the word *perfect* that matters in the statement, but the immediacy in which it is uttered. > > If I draw a line on the page, right now, in the present of the drawing act, it is a line that exists. > > It didn\u2019t exist before, and you won\u2019t know what becomes of it after. But now, right now, there is a line \u2014 and it\u2019s so extraordinary we no longer even notice. > > The brain may seize the line \u2014 its image, mostly \u2014 for it can\u2019t grasp the line itself. It will interpret it, endlessly, and in time grow tired of failing to find it a reason, a meaning. It will reduce it to banality. Just a line. So what? > > Let\u2019s return to the origin of the line. At its origin, there\u2019s only a point: the contact point of hand, pencil, and page, in a given instant. That\u2019s where it begins. > > The start of a story. A point set in motion by the hand, moved by a gesture, travelling \u2014 along a straight, a curve, a mood. > > To consider this is to become very small. To reach, if one can, the microscopic scale of graphite and feel carried by the power of that journey. > > Is our life so different from that wandering point, cloning itself in the spacetime of a movement \u2014 here, then there \u2014 the same and different, always, along a simple pencil line? > > What is doesn\u2019t need to be more than that. What is, is perfect, for existence, faced with nothing, is both banal and wondrous. > > Trouble arises when we try to assert an existence in relation to anything at all. For then that \u201canything\u201d is born from contradiction, and grows stronger the more we try to reject it. > > If I erase the line to return to a clean surface \u2014 if I seek the idea of cleanliness \u2014 the smallest speck will infest my brain. > > Holding to the in-between, like a half-open door in the moment when things are born and die, demands great self-denial. And none. It is a mystery. --- ### Reduction **A line.** There. Wasn\u2019t. Is. Nothing more. No before. No after. Hand. Pencil. Paper. A point. Then the point moves. Straight, curve, mood. It goes. It splits. It forgets. It returns. We look. We think. We tire. The line need not be. It is. Erase? Nothing is clean. All dirties. Stay. Between. Between before and after. Between nothing and nearly. No meaning. No sense. But still, there. --- [fran\u00e7ais](https:\/\/ledibbouk.net\/tout-est-parfait-maintenant.html) ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/hole-1-3.jpg?1752071972", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/resister.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/resister.html", "title": "r\u00e9sister", "date_published": "2020-02-09T03:38:47Z", "date_modified": "2025-07-09T14:59:08Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "

R\u00e9sister<\/h2>\n

Texte initial<\/h3>\n
\n

Peindre est une forme de r\u00e9sistance. C\u2019est placer un inutile face \u00e0 l\u2019assommoir de l\u2019utile.\nPeindre, c\u2019est p\u00e9n\u00e9trer dans une ambigu\u00eft\u00e9 entre utile et inutile.\nLa peinture est inutile par essence. Personne ne me demande de peindre. Et cependant, moi-m\u00eame, je trouve tr\u00e8s utile de peindre — avant tout pour moi-m\u00eame.<\/p>\n

Ma peinture n\u2019apporte rien de particulier, rien d\u2019utile \u00e0 personne.\nElle n\u2019apporte rien d\u2019autre que ce qu\u2019elle est : une repr\u00e9sentation d\u2019une r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019utile, une r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019information.<\/p>\n

La notion de th\u00e9matique en peinture permettrait de rejoindre une voie royale, un consensus, qui \u00e9pouserait en apparence cette notion d\u2019utile.\nIl serait alors utile de peindre suivant des th\u00e9matiques, afin d\u2019\u00eatre identifi\u00e9, class\u00e9, \u00e9tiquet\u00e9.\nUn peu comme sur une pierre tombale : on inscrit un « ici-g\u00eet ».\nLe peintre serait l\u00e0, et pas ailleurs, ou partout — ce serait plus rassurant.\nCe serait bien utile de savoir o\u00f9 il n\u2019est pas.<\/p>\n

Sans doute, la notion de r\u00e9sistance d\u00e9passe le cadre de la peinture.\nLa peinture n\u2019est qu\u2019une partie \u00e9merg\u00e9e de cette r\u00e9sistance.\nElle est une r\u00e9sultante, non une cause.<\/p>\n

C\u2019est pour cela que je n\u2019arrive pas \u00e0 accepter l\u2019appellation d\u2019artiste.\nJe suis bien plus r\u00e9sistant qu\u2019artiste, r\u00e9ellement.<\/p>\n

Contre quoi cela vaut-il la peine de r\u00e9sister ? Je ne le sais pas.\nCe que je sais, en revanche, c\u2019est l\u2019intensit\u00e9 que m\u2019apporte cet \u00e9tat de r\u00e9sistance.\nCette sensation d\u2019\u00eatre en vie.<\/p>\n

Tout ce que je pourrais trouver comme raison \u00e0 ma r\u00e9sistance ne tiendrait pas la route face \u00e0 l\u2019utile.\nOn ne tarderait pas \u00e0 m\u2019informer de mon erreur, de mes errances.<\/p>\n

C\u2019est pour cela que je ne m\u2019int\u00e9resse pas \u00e0 ces raisons :\nce ne sont que des pr\u00e9textes pour investir ou maintenir un \u00e9tat de r\u00e9sistance.<\/p>\n

Le fait que je ne crois pas qu\u2019il puisse y avoir de raison est l\u2019emp\u00eachement principal \u00e0 toute tentative de d\u00e9cider s\u00e9rieusement d\u2019une th\u00e9matique.<\/p>\n

P\u00e9n\u00e9trer une th\u00e9matique serait comme s\u2019engager dans une voie sans issue.<\/p>\n

Une th\u00e9matique n\u2019expliquera jamais, de fa\u00e7on utile, \u00e0 quiconque, ma n\u00e9cessit\u00e9 de r\u00e9sistance.<\/p>\n

En revanche, l\u2019absence de th\u00e9matique, accompagnant la profusion des \u0153uvres r\u00e9alis\u00e9es, propose bien quelque chose :\nla mise en \u00e9vidence du refus de toute th\u00e9matique.<\/p>\n

Peindre, c\u2019est non seulement r\u00e9sister, mais aussi utiliser le refus pour cr\u00e9er de l\u2019inutile.\nD\u2019une certaine fa\u00e7on, c\u2019est une fa\u00e7on d\u2019\u00e9quilibrer les choses.<\/p>\n

Je dis « les choses » pour ne pas dire « le monde ».\nJe ne sais absolument pas ce qu\u2019est le monde.<\/p>\n

Je ne connais que le filtre par lequel je refuse bon nombre d\u2019informations venant du monde —\net dont l\u2019utilit\u00e9, pass\u00e9e au peigne fin, le plus souvent, me d\u00e9sesp\u00e8re.<\/p>\n

Me d\u00e9sesp\u00e8re et m\u2019enchante.\nCar au bout du chemin, je ne vois qu\u2019une vanit\u00e9 extraordinaire,\net, en m\u00eame temps, une beaut\u00e9 inou\u00efe dans toute cette agitation humaine.<\/p>\n

C\u2019est peut-\u00eatre dans cet \u00e9cart que j\u2019installerais la po\u00e9sie :\nentre vanit\u00e9 et fl\u00e9chissement gracieux.<\/p>\n

Et c\u2019est sans doute cet entre-deux, ce myst\u00e8re entre ces deux extr\u00eames,\nque je refuse \u00e9galement de vouloir r\u00e9soudre.<\/p>\n

Sans doute, revenant sans cesse \u00e0 l\u2019origine, au commencement — et simultan\u00e9ment \u00e0 toutes les fins —\nen m\u00eame temps, finalement, ce serait cela, le vrai th\u00e8me de la peinture.<\/p>\n

Avec un peu d\u2019humour, je pourrais aussi dire que mon th\u00e8me de pr\u00e9dilection, lorsque je peins,\nest d\u2019enfoncer des portes d\u00e9j\u00e0 ouvertes.<\/p>\n<\/blockquote>\n


\n

R\u00e9duction<\/h3>\n

Peindre.\nUtile \/ inutile.\nPersonne ne demande.\nJe peins.<\/p>\n

Rien n\u2019est \u00e0 apporter.\nRien \u00e0 donner.\nJuste cela :\nun refus.<\/p>\n

Pas de th\u00e8me.\nPas de place.\nPas de nom.\nPas d\u2019ici-g\u00eet.<\/p>\n

R\u00e9sister.\nPas artiste.\nR\u00e9sistant.<\/p>\n

Contre quoi ?\nJe ne sais pas.\nMais je vis mieux.<\/p>\n

Pas de raison.\nPas de justification.\nRefuser suffit.<\/p>\n

Le monde ?\nJe n\u2019en sais rien.\nSeulement ce filtre.\nCe d\u00e9sespoir utile.\nCette beaut\u00e9 vaine.<\/p>\n

La po\u00e9sie peut-\u00eatre.\nEntre vanit\u00e9 et chute.<\/p>\n

Pas de solution.\nSeulement ce battement.\nOrigine, fin,\nen m\u00eame temps.<\/p>\n

Je peins.\nJe refuse.\nJe recommence.<\/p>\n


\n

Traduction anglaise<\/h3>\n

To paint.<\/strong>\nUseful \/ useless.\nNo one asks.\nI paint.<\/p>\n

Nothing to offer.\nNothing to give.\nOnly this :\na refusal.<\/p>\n

No theme.\nNo place.\nNo name.\nNo here-lies.<\/p>\n

Resist.\nNot artist.\nResister.<\/p>\n

Against what ?\nI don\u2019t know.\nBut I feel alive.<\/p>\n

No reason.\nNo meaning.\nRefusal is enough.<\/p>\n

The world ?\nI don\u2019t know.\nOnly the filter.\nThe useful despair.\nThe vain beauty.<\/p>\n

Maybe poetry.\nBetween vanity and collapse.<\/p>\n

No answer.\nJust this pulse.\nBeginning, end,\nall at once.<\/p>\n

I paint.\nI refuse.\nI begin again.<\/p>", "content_text": " ## R\u00e9sister ### Texte initial > Peindre est une forme de r\u00e9sistance. C\u2019est placer un inutile face \u00e0 l\u2019assommoir de l\u2019utile. > Peindre, c\u2019est p\u00e9n\u00e9trer dans une ambigu\u00eft\u00e9 entre utile et inutile. > La peinture est inutile par essence. Personne ne me demande de peindre. Et cependant, moi-m\u00eame, je trouve tr\u00e8s utile de peindre \u2014 avant tout pour moi-m\u00eame. > > Ma peinture n\u2019apporte rien de particulier, rien d\u2019utile \u00e0 personne. > Elle n\u2019apporte rien d\u2019autre que ce qu\u2019elle est : une repr\u00e9sentation d\u2019une r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019utile, une r\u00e9sistance \u00e0 l\u2019information. > > La notion de th\u00e9matique en peinture permettrait de rejoindre une voie royale, un consensus, qui \u00e9pouserait en apparence cette notion d\u2019utile. > Il serait alors utile de peindre suivant des th\u00e9matiques, afin d\u2019\u00eatre identifi\u00e9, class\u00e9, \u00e9tiquet\u00e9. > Un peu comme sur une pierre tombale : on inscrit un \u00ab ici-g\u00eet \u00bb. > Le peintre serait l\u00e0, et pas ailleurs, ou partout \u2014 ce serait plus rassurant. > Ce serait bien utile de savoir o\u00f9 il n\u2019est pas. > > Sans doute, la notion de r\u00e9sistance d\u00e9passe le cadre de la peinture. > La peinture n\u2019est qu\u2019une partie \u00e9merg\u00e9e de cette r\u00e9sistance. > Elle est une r\u00e9sultante, non une cause. > > C\u2019est pour cela que je n\u2019arrive pas \u00e0 accepter l\u2019appellation d\u2019artiste. > Je suis bien plus r\u00e9sistant qu\u2019artiste, r\u00e9ellement. > > Contre quoi cela vaut-il la peine de r\u00e9sister ? Je ne le sais pas. > Ce que je sais, en revanche, c\u2019est l\u2019intensit\u00e9 que m\u2019apporte cet \u00e9tat de r\u00e9sistance. > Cette sensation d\u2019\u00eatre en vie. > > Tout ce que je pourrais trouver comme raison \u00e0 ma r\u00e9sistance ne tiendrait pas la route face \u00e0 l\u2019utile. > On ne tarderait pas \u00e0 m\u2019informer de mon erreur, de mes errances. > > C\u2019est pour cela que je ne m\u2019int\u00e9resse pas \u00e0 ces raisons : > ce ne sont que des pr\u00e9textes pour investir ou maintenir un \u00e9tat de r\u00e9sistance. > > Le fait que je ne crois pas qu\u2019il puisse y avoir de raison est l\u2019emp\u00eachement principal \u00e0 toute tentative de d\u00e9cider s\u00e9rieusement d\u2019une th\u00e9matique. > > P\u00e9n\u00e9trer une th\u00e9matique serait comme s\u2019engager dans une voie sans issue. > > Une th\u00e9matique n\u2019expliquera jamais, de fa\u00e7on utile, \u00e0 quiconque, ma n\u00e9cessit\u00e9 de r\u00e9sistance. > > En revanche, l\u2019absence de th\u00e9matique, accompagnant la profusion des \u0153uvres r\u00e9alis\u00e9es, propose bien quelque chose : > la mise en \u00e9vidence du refus de toute th\u00e9matique. > > Peindre, c\u2019est non seulement r\u00e9sister, mais aussi utiliser le refus pour cr\u00e9er de l\u2019inutile. > D\u2019une certaine fa\u00e7on, c\u2019est une fa\u00e7on d\u2019\u00e9quilibrer les choses. > > Je dis \u00ab les choses \u00bb pour ne pas dire \u00ab le monde \u00bb. > Je ne sais absolument pas ce qu\u2019est le monde. > > Je ne connais que le filtre par lequel je refuse bon nombre d\u2019informations venant du monde \u2014 > et dont l\u2019utilit\u00e9, pass\u00e9e au peigne fin, le plus souvent, me d\u00e9sesp\u00e8re. > > Me d\u00e9sesp\u00e8re et m\u2019enchante. > Car au bout du chemin, je ne vois qu\u2019une vanit\u00e9 extraordinaire, > et, en m\u00eame temps, une beaut\u00e9 inou\u00efe dans toute cette agitation humaine. > > C\u2019est peut-\u00eatre dans cet \u00e9cart que j\u2019installerais la po\u00e9sie : > entre vanit\u00e9 et fl\u00e9chissement gracieux. > > Et c\u2019est sans doute cet entre-deux, ce myst\u00e8re entre ces deux extr\u00eames, > que je refuse \u00e9galement de vouloir r\u00e9soudre. > > Sans doute, revenant sans cesse \u00e0 l\u2019origine, au commencement \u2014 et simultan\u00e9ment \u00e0 toutes les fins \u2014 > en m\u00eame temps, finalement, ce serait cela, le vrai th\u00e8me de la peinture. > > Avec un peu d\u2019humour, je pourrais aussi dire que mon th\u00e8me de pr\u00e9dilection, lorsque je peins, > est d\u2019enfoncer des portes d\u00e9j\u00e0 ouvertes. --- ### R\u00e9duction Peindre. Utile \/ inutile. Personne ne demande. Je peins. Rien n\u2019est \u00e0 apporter. Rien \u00e0 donner. Juste cela : un refus. Pas de th\u00e8me. Pas de place. Pas de nom. Pas d\u2019ici-g\u00eet. R\u00e9sister. Pas artiste. R\u00e9sistant. Contre quoi ? Je ne sais pas. Mais je vis mieux. Pas de raison. Pas de justification. Refuser suffit. Le monde ? Je n\u2019en sais rien. Seulement ce filtre. Ce d\u00e9sespoir utile. Cette beaut\u00e9 vaine. La po\u00e9sie peut-\u00eatre. Entre vanit\u00e9 et chute. Pas de solution. Seulement ce battement. Origine, fin, en m\u00eame temps. Je peins. Je refuse. Je recommence. --- ### Traduction anglaise **To paint.** Useful \/ useless. No one asks. I paint. Nothing to offer. Nothing to give. Only this: a refusal. No theme. No place. No name. No here-lies. Resist. Not artist. Resister. Against what? I don\u2019t know. But I feel alive. No reason. No meaning. Refusal is enough. The world? I don\u2019t know. Only the filter. The useful despair. The vain beauty. Maybe poetry. Between vanity and collapse. No answer. Just this pulse. Beginning, end, all at once. I paint. I refuse. I begin again. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/hole-1-4.jpg?1752073111", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-fevrier-2020.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/09-fevrier-2020.html", "title": "09 f\u00e9vrier 2020", "date_published": "2020-02-09T01:30:00Z", "date_modified": "2024-10-19T16:14:55Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "

La notion de th\u00e9matique en peinture permettrait de rejoindre une sorte de voie royale, un consensus, qui \u00e9pouserait en apparence cette notion d\u2019utile. Il serait alors utile de peindre suivant des th\u00e9matiques afin d\u2019\u00eatre identifi\u00e9, class\u00e9, \u00e9tiquet\u00e9.Un peu comme sur la pierre tombale on inscrit un ici-g\u00eet. Le peintre serait alors l\u00e0 et pas ailleurs ou partout, ce serait plus rassurant, et \u00e9videmment ce serait bien utile de savoir o\u00f9 il n\u2019est pas.<\/p>\n<\/span>