graine<\/strong> <\/p>\nUn narrateur entend \u00e0 la radio une affirmation brutale : « Les Juifs cultivent l\u2019art du mensonge depuis la nuit des temps. »\nIntrigu\u00e9, il veut v\u00e9rifier la source. Il d\u00e9couvre un vieux rabbinologue qui lui remet un manuscrit en h\u00e9breu, qu\u2019il pr\u00e9tend \u00eatre une copie perdue du Talmud. Le texte semble confirmer, de mani\u00e8re ambigu\u00eb, cette id\u00e9e : il y est \u00e9crit que « le mensonge, bien mani\u00e9, est plus vrai que la v\u00e9rit\u00e9 elle-m\u00eame ». Le narrateur plonge dans l\u2019\u00e9tude du texte. Peu \u00e0 peu, il se rend compte qu\u2019il n\u2019est plus capable de distinguer ce qui est vrai ou faux : ses souvenirs s\u2019inversent, ses conversations se brouillent, ses propres \u00e9crits se d\u00e9doublent entre mensonge et v\u00e9rit\u00e9. \u00c0 mesure que l\u2019illusion progresse, il comprend que le manuscrit n\u2019\u00e9tait peut-\u00eatre pas un document juif mais une contrefa\u00e7on m\u00e9di\u00e9vale, con\u00e7ue pour nourrir l\u2019antis\u00e9mitisme. Pourtant, trop tard : le mal est fait. Le narrateur devient incapable de vivre autrement que dans le doute permanent.<\/p>\n
Dans les derni\u00e8res lignes, il note :<\/p>\n
« Je voulais d\u00e9busquer le mensonge. J\u2019ai d\u00e9couvert qu\u2019il se loge dans l\u2019accusation m\u00eame qui pr\u00e9tend le d\u00e9noncer. Peut-\u00eatre que le vrai art du mensonge n\u2019est pas d\u2019inventer, mais de faire croire que l\u2019autre ment depuis toujours. »<\/p>\n
Sources, mati\u00e8res, r\u00e9f\u00e9rences.<\/h3>\n
L\u2019id\u00e9e d\u2019un « faux manuscrit » pr\u00e9sent\u00e9 comme authentique, servant \u00e0 tromper ou \u00e0 inverser les valeurs, est un th\u00e8me ancien qui a travers\u00e9 la litt\u00e9rature, l\u2019histoire des religions et le fantastique. Voici une cartographie :<\/p>\n
Antiquit\u00e9 & Moyen \u00c2ge<\/h3>\n
Les pseudo-\u00e9vangiles (apocryphes) : d\u00e8s les premiers si\u00e8cles, on a vu circuler des textes attribu\u00e9s \u00e0 des ap\u00f4tres ou proph\u00e8tes, mais consid\u00e9r\u00e9s ensuite comme faux \u2192 fascinant exemple de forgeries religieuses.<\/p>\n
Le Testament des Douze Patriarches ou le Livre d\u2019H\u00e9noch \u2192 textes jug\u00e9s « falsifi\u00e9s » ou « interpol\u00e9s » par certains courants juifs et chr\u00e9tiens.<\/p>\n
Les faux de la chr\u00e9tient\u00e9 m\u00e9di\u00e9vale :<\/p>\n
La Donation de Constantin (VIII\u1d49 si\u00e8cle) \u2192 faux document qui donnait au pape l\u2019autorit\u00e9 politique sur Rome et l\u2019Occident.<\/p>\n
Les fausses reliques, tr\u00e8s fr\u00e9quentes, qui alimentaient un imaginaire sacr\u00e9.<\/p>\n
Renaissance \u2013 Lumi\u00e8res<\/h3>\n
\u00c9rasme, Rabelais : \u00e9voquent les falsifications de textes antiques et religieux, en les tournant en d\u00e9rision.<\/p>\n
Voltaire a beaucoup d\u00e9nonc\u00e9 les faux religieux ou historiques qui servaient de justification au pouvoir.<\/p>\n
XIX\u1d49 si\u00e8cle<\/h3>\n
Le Manuscrit trouv\u00e9 \u00e0 Saragosse (Jan Potocki, 1804) \u2192 faux manuscrit espagnol d\u00e9couvert par hasard, qui contient des r\u00e9cits ench\u00e2ss\u00e9s ; un jeu sur l\u2019authenticit\u00e9 et le faux.<\/p>\n
Les faux m\u00e9di\u00e9vaux « retrouv\u00e9s » : les romantiques se passionnent pour de pr\u00e9tendus manuscrits anciens (ex. le Chansonnier ossianique de Macpherson, pr\u00e9sent\u00e9 comme antique mais invent\u00e9).<\/p>\n
Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine \u2192 dialogue avec des figures qui repr\u00e9sentent parfois des mensonges transform\u00e9s en v\u00e9rit\u00e9s religieuses.<\/p>\n
XX\u1d49 si\u00e8cle<\/h3>\n
Lovecraft \u2192 le fameux Necronomicon, faux grimoire arabe attribu\u00e9 \u00e0 Abdul Alhazred, qui devient plus r\u00e9el que r\u00e9el. Ici, le faux devient une entit\u00e9 litt\u00e9raire autonome.<\/p>\n
Borges (ex. Pierre M\u00e9nard, auteur du Quichotte ou Tl\u00f6n, Uqbar, Orbis Tertius) \u2192 tout un art du faux manuscrit, du texte invent\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9 comme authentique.<\/p>\n
Umberto Eco, Le Nom de la rose \u2192 toute l\u2019intrigue tourne autour d\u2019un livre perdu d\u2019Aristote, dont l\u2019existence est mi-historique, mi-fictive.<\/p>\n
Vladimir Volkoff, Le Montage \u2192 roman sur la d\u00e9sinformation, o\u00f9 les faux documents fabriquent des r\u00e9alit\u00e9s politiques.<\/p>\n
Cas historiques li\u00e9s aux Juifs<\/h3>\n
Le Protocole des Sages de Sion (d\u00e9but XX\u1d49 si\u00e8cle) \u2192 un faux antis\u00e9mite fabriqu\u00e9 en Russie tsariste, pr\u00e9sent\u00e9 comme authentique, qui a aliment\u00e9 des discours de haine. C\u2019est l\u2019un des exemples les plus terribles d\u2019une contrefa\u00e7on utilis\u00e9e pour accuser « les Juifs » de mensonge et de manipulation.<\/p>\n
Des critiques modernes (notamment chez Hannah Arendt et Norman Cohn) ont \u00e9tudi\u00e9 ce faux comme l\u2019arch\u00e9type du document fabriqu\u00e9 qui contamine la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>\n
En litt\u00e9rature fantastique<\/h3>\n
H.P. Lovecraft \u2192 encore, car son \u0153uvre repose sur des faux trait\u00e9s, faux grimoires, faux manuscrits (le Necronomicon).<\/p>\n
Stanis\u0142aw Lem, Le Congr\u00e8s de futurologie \u2192 jeux de falsifications, o\u00f9 les perceptions elles-m\u00eames sont truqu\u00e9es.<\/p>\n
Philip K. Dick \u2192 univers satur\u00e9s de documents et r\u00e9alit\u00e9s falsifi\u00e9s (Le Ma\u00eetre du Haut Ch\u00e2teau).<\/p>\n
\nPlan narratif : Le Manuscrit de l\u2019Art du Mensonge<\/h3>\n1. Exposition (doute et curiosit\u00e9)<\/h4>\n
Le narrateur (chercheur, historien ou \u00e9crivain) tombe par hasard, dans une biblioth\u00e8que d\u2019abbaye ou une collection priv\u00e9e, sur un manuscrit oubli\u00e9, dat\u00e9 du XIV\u1d49 si\u00e8cle.<\/p>\n
Titre : Ars Mendacii Hebraeorum (L\u2019art du mensonge des H\u00e9breux).<\/p>\n
Il apprend par les notes marginales que ce texte fut jadis interdit, br\u00fbl\u00e9, puis myst\u00e9rieusement recopi\u00e9 par des moines.<\/p>\n
Le manuscrit pr\u00e9tend d\u00e9montrer que, dans la tradition juive, le mensonge est une vertu — une arme subtile, un art ancestral.<\/p>\n
Le narrateur d\u2019abord rit de cette absurdit\u00e9, y voyant un exemple typique de propagande antis\u00e9mite m\u00e9di\u00e9vale.<\/p>\n
2. D\u00e9veloppement (la contamination du faux)<\/h4>\n
En traduisant le texte, il d\u00e9couvre des passages \u00e9trangement convaincants, o\u00f9 chaque citation biblique ou talmudique est retourn\u00e9e, alt\u00e9r\u00e9e, fauss\u00e9e — mais avec une habilet\u00e9 qui le trouble.<\/p>\n
Le manuscrit donne aussi des « r\u00e8gles » du mensonge : comment le faire passer pour v\u00e9rit\u00e9, comment inverser la perception du r\u00e9el.<\/p>\n
Peu \u00e0 peu, le narrateur constate que ces r\u00e8gles fonctionnent dans sa vie quotidienne : il voit autour de lui des exemples qui les confirment (politiques incoh\u00e9rents glorifi\u00e9s, imposteurs acclam\u00e9s comme g\u00e9nies, mensonges repris comme dogmes).<\/p>\n
Sa propre m\u00e9moire commence \u00e0 vaciller : des souvenirs personnels changent de couleur, il doute de ce qu\u2019il a vu ou v\u00e9cu.<\/p>\n
3. Climax (le pouvoir occulte du mensonge)<\/h4>\n
Une nuit, il d\u00e9couvre dans une annexe du manuscrit des invocations \u00e9tranges, d\u00e9crivant le mensonge non comme une faute morale, mais comme une force cosmique.<\/p>\n
Cette force, invisible, s\u2019incarne \u00e0 travers les si\u00e8cles en textes falsifi\u00e9s, en faux trait\u00e9s, en slogans.<\/p>\n
Le narrateur comprend que le manuscrit n\u2019est pas qu\u2019un faux antis\u00e9mite : il est un vecteur, un canal d\u2019une entit\u00e9 ancienne — l\u2019Intelligence Invers\u00e9e — qui se nourrit de la confusion entre v\u00e9rit\u00e9 et mensonge.<\/p>\n
\u00c0 mesure qu\u2019il lit, le texte semble changer sous ses yeux : les phrases s\u2019inversent, le latin se r\u00e9\u00e9crit, comme si le mensonge lui-m\u00eame le contaminait.<\/p>\n
4. D\u00e9nouement (le choix impossible)<\/h4>\n
Le narrateur est au bord de la folie : il sait que ce manuscrit est une falsification, mais il reconna\u00eet en m\u00eame temps qu\u2019il contient une v\u00e9rit\u00e9 terrible — celle que l\u2019humanit\u00e9 pr\u00e9f\u00e8re le mensonge \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, et que cette pr\u00e9f\u00e9rence n\u2019est pas humaine, mais impos\u00e9e par une force au-del\u00e0 du monde.<\/p>\n
Il h\u00e9site : d\u00e9truire le manuscrit (au risque de perdre \u00e0 jamais la preuve de ce qu\u2019il a d\u00e9couvert) ou le conserver (au risque de r\u00e9pandre l\u2019inversion).<\/p>\n
La nouvelle se termine sur une note ambigu\u00eb :<\/p>\n
Soit il br\u00fble le livre, mais croit entendre un rire derri\u00e8re lui, comme si rien n\u2019\u00e9tait effac\u00e9.<\/p>\n
Soit il choisit de garder le manuscrit et de le recopier — devenant lui-m\u00eame l\u2019instrument de propagation du faux.<\/p>\n
Th\u00e8mes travaill\u00e9s<\/h3>\n
Inversion des valeurs : le faux devient plus r\u00e9el que le vrai.<\/p>\n
Pouvoir des textes : un document falsifi\u00e9 peut traverser les si\u00e8cles et contaminer la pens\u00e9e.<\/p>\n
Ambigu\u00eft\u00e9 morale : m\u00eame en d\u00e9non\u00e7ant un faux, on lui donne corps.<\/p>\n
H\u00e9ritage historique : rappel des Protocoles des Sages de Sion comme arch\u00e9type du faux meurtrier.<\/p>\n
\nD\u00e9but de L\u2019Art du Mensonge<\/strong><\/p>\nJe n\u2019avais aucune raison de p\u00e9n\u00e9trer ce soir-l\u00e0 dans les salles basses de la biblioth\u00e8que des J\u00e9suites, si ce n\u2019est cette curiosit\u00e9 maladive qui me pousse, depuis toujours, \u00e0 fouiller les recoins o\u00f9 s\u2019empilent les manuscrits oubli\u00e9s. Les rayonnages s\u2019inclinaient sous le poids de volumes recouverts de poussi\u00e8re, certains noircis par l\u2019humidit\u00e9, d\u2019autres rong\u00e9s par le temps au point de perdre leur titre.<\/p>\n
C\u2019est l\u00e0, au d\u00e9tour d\u2019un carton effondr\u00e9, que je d\u00e9couvris un cahier reli\u00e9 de cuir, minuscule, au dos presque effac\u00e9. Sur la couverture se lisait, trac\u00e9 d\u2019une main trembl\u00e9e, ce titre en latin : Ars Mendacii Hebraeorum. L\u2019art du mensonge des H\u00e9breux.<\/p>\n
Je crus d\u2019abord \u00e0 une plaisanterie d\u2019\u00e9rudit ou \u00e0 l\u2019un de ces pamphlets m\u00e9di\u00e9vaux qui pullulent dans les fonds monacaux. Mais d\u00e8s que je l\u2019ouvris, je fus saisi par l\u2019\u00e9l\u00e9gance d\u2019une \u00e9criture serr\u00e9e, ponctu\u00e9e de gloses marginales d\u2019origines diverses, certaines en h\u00e9breu, d\u2019autres en latin scolastique. Le texte se pr\u00e9sentait comme un trait\u00e9, pr\u00e9tendument issu des \u00e9coles talmudiques, d\u00e9montrant — ou feignant de d\u00e9montrer — que le mensonge n\u2019\u00e9tait pas seulement tol\u00e9r\u00e9, mais cultiv\u00e9 comme une vertu, un art transmis « depuis la nuit des temps ».<\/p>\n
Je souris d\u2019abord devant l\u2019\u00e9vidence grossi\u00e8re du faux. Car tout en moi, form\u00e9 \u00e0 l\u2019histoire des h\u00e9r\u00e9sies et des supercheries, me criait qu\u2019il s\u2019agissait l\u00e0 d\u2019un simulacre m\u00e9di\u00e9val, forg\u00e9 sans doute pour nourrir la haine et justifier les pogroms. Pourtant, quelque chose dans le ton du manuscrit, une rigueur glaciale dans ses d\u00e9monstrations, me troubla. Chaque citation biblique semblait exacte, chaque maxime talmudique subtilement infl\u00e9chie, jusqu\u2019\u00e0 para\u00eetre plus coh\u00e9rente que l\u2019original.<\/p>\n
Je refermai le cahier, mais une impression persistante demeura : et si ce que je tenais entre mes mains n\u2019\u00e9tait pas seulement un faux, mais la copie infid\u00e8le d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 plus ancienne — une v\u00e9rit\u00e9 interdite, qui, par la ruse du mensonge, avait travers\u00e9 les si\u00e8cles pour parvenir jusqu\u2019\u00e0 moi ?<\/p>\n
\nvocabulaire assez courant, voire plat. S’il s’agit d’\u00e9crire sur l’art du mensonge pourquoi ne pas commencer dans le style m\u00eame du texte en essayant de fournir des d\u00e9tails de plus en plus pr\u00e9cis, et d’utiliser un vocabulaire plus savant ? <\/p>\n
Par exemple : Les \u00e9tag\u00e8res de ch\u00eane, massives et vein\u00e9es, exhalaient une haleine r\u00e9sineuse et rancie, satur\u00e9e de cire ancienne. Dans cette nef de bois et de pierre, l\u2019air portait une senteur mucide, faite de cuir tann\u00e9, d\u2019encre bitumineuse et de parchemins s\u00e9culaires. Chaque pas soulevait un souffle cryptique, comme si la poussi\u00e8re elle-m\u00eame avait gard\u00e9 m\u00e9moire des si\u00e8cles.<\/em><\/p>\nPour cela importance des listes de mots<\/strong> \nPour donner \u00e0 la sc\u00e8ne une atmosph\u00e8re vraiment travaill\u00e9e (biblioth\u00e8que j\u00e9suite, manuscrit ancien), il faut \u00e9viter les adjectifs trop usuels (vieux, poussi\u00e9reux, sombre) et puiser dans un vocabulaire plus pr\u00e9cieux, archa\u00efsant, sensoriel.<\/p>\nBois et mati\u00e8res des \u00e9tag\u00e8res<\/h4>\n
Ch\u00eane sombre : massif, noueux, aust\u00e8re, vein\u00e9 comme une peau ancienne.<\/p>\n
Noyer patin\u00e9 : chaud, brun profond, lustr\u00e9 par des si\u00e8cles de mains.<\/p>\n
\u00c9b\u00e8ne vein\u00e9 : dense, presque noir, luisant comme une relique.<\/p>\n
Acajou vein\u00e9 : rouge sombre, \u00e9voquant une solennit\u00e9 presque liturgique.<\/p>\n
C\u00e8dre : exhale une odeur r\u00e9sineuse, persistante, m\u00eal\u00e9e au parchemin.<\/p>\n
Orme : robuste, dur, peu sensible aux vers (les J\u00e9suites aimaient sa solidit\u00e9).<\/p>\n
Les biblioth\u00e8ques j\u00e9suites anciennes \u00e9taient souvent en ch\u00eane ou en noyer, bois r\u00e9put\u00e9s pour leur endurance et leur aust\u00e9rit\u00e9<\/em>.<\/p>\nOdeurs dominantes<\/h4>\n
Relents de cire : cire d\u2019abeille qui recouvrait autrefois les parquets et le bois.<\/p>\n
\u00c9manations r\u00e9sineuses : du bois lui-m\u00eame, qui transpire lentement.<\/p>\n
Miasmes de parchemin : odeur s\u00e8che, un peu farineuse, de peau tann\u00e9e.<\/p>\n
Effluves de cuir tann\u00e9 : reliures craquel\u00e9es.<\/p>\n
Senteur de suie : souvenirs de chandelles et lampes \u00e0 huile.<\/p>\n
Amertume de l\u2019humidit\u00e9 : pierres suintantes, poussi\u00e8re m\u00eal\u00e9e \u00e0 la mousse.<\/p>\n
Odeur ferreuse : parfois, celle des encres oxyd\u00e9es.<\/p>\n
Adjectifs et atmosph\u00e8re (hors langage courant)<\/h4>\n
Rancie : pour la poussi\u00e8re accumul\u00e9e.<\/p>\n
Capiteuse : pour une odeur forte, presque enivrante.<\/p>\n
Mucide : moisi, impr\u00e9gn\u00e9 d\u2019humidit\u00e9.<\/p>\n
R\u00e9sineuse : persistante, ent\u00eatante.<\/p>\n
Bitumineuse : sombre, lourde, comme de vieux encres ou cires.<\/p>\n
Fun\u00e8bre : solennel, empreint de silence.<\/p>\n
Archa\u00efque : hors du temps.<\/p>\n
Rigoriste : aust\u00e8re, \u00e0 l\u2019image des J\u00e9suites.<\/p>\n
S\u00e9culaire : charg\u00e9 de si\u00e8cles.<\/p>\n
Cryptique : myst\u00e9rieux, presque cod\u00e9.<\/p>\n
Onguent\u00e9 : pour le bois impr\u00e9gn\u00e9 d\u2019huile ancienne.<\/p>\n
Monacal : d\u00e9pouill\u00e9 mais impr\u00e9gn\u00e9 de spiritualit\u00e9.<\/p>",
"content_text": " **graine** Un narrateur entend \u00e0 la radio une affirmation brutale : \u00ab Les Juifs cultivent l\u2019art du mensonge depuis la nuit des temps. \u00bb Intrigu\u00e9, il veut v\u00e9rifier la source. Il d\u00e9couvre un vieux rabbinologue qui lui remet un manuscrit en h\u00e9breu, qu\u2019il pr\u00e9tend \u00eatre une copie perdue du Talmud. Le texte semble confirmer, de mani\u00e8re ambigu\u00eb, cette id\u00e9e : il y est \u00e9crit que \u00ab le mensonge, bien mani\u00e9, est plus vrai que la v\u00e9rit\u00e9 elle-m\u00eame \u00bb. Le narrateur plonge dans l\u2019\u00e9tude du texte. Peu \u00e0 peu, il se rend compte qu\u2019il n\u2019est plus capable de distinguer ce qui est vrai ou faux : ses souvenirs s\u2019inversent, ses conversations se brouillent, ses propres \u00e9crits se d\u00e9doublent entre mensonge et v\u00e9rit\u00e9. \u00c0 mesure que l\u2019illusion progresse, il comprend que le manuscrit n\u2019\u00e9tait peut-\u00eatre pas un document juif mais une contrefa\u00e7on m\u00e9di\u00e9vale, con\u00e7ue pour nourrir l\u2019antis\u00e9mitisme. Pourtant, trop tard : le mal est fait. Le narrateur devient incapable de vivre autrement que dans le doute permanent. Dans les derni\u00e8res lignes, il note : \u00ab Je voulais d\u00e9busquer le mensonge. J\u2019ai d\u00e9couvert qu\u2019il se loge dans l\u2019accusation m\u00eame qui pr\u00e9tend le d\u00e9noncer. Peut-\u00eatre que le vrai art du mensonge n\u2019est pas d\u2019inventer, mais de faire croire que l\u2019autre ment depuis toujours. \u00bb ### Sources, mati\u00e8res, r\u00e9f\u00e9rences. L\u2019id\u00e9e d\u2019un \u00ab faux manuscrit \u00bb pr\u00e9sent\u00e9 comme authentique, servant \u00e0 tromper ou \u00e0 inverser les valeurs, est un th\u00e8me ancien qui a travers\u00e9 la litt\u00e9rature, l\u2019histoire des religions et le fantastique. Voici une cartographie : ### Antiquit\u00e9 & Moyen \u00c2ge Les pseudo-\u00e9vangiles (apocryphes) : d\u00e8s les premiers si\u00e8cles, on a vu circuler des textes attribu\u00e9s \u00e0 des ap\u00f4tres ou proph\u00e8tes, mais consid\u00e9r\u00e9s ensuite comme faux \u2192 fascinant exemple de forgeries religieuses. Le Testament des Douze Patriarches ou le Livre d\u2019H\u00e9noch \u2192 textes jug\u00e9s \u00ab falsifi\u00e9s \u00bb ou \u00ab interpol\u00e9s \u00bb par certains courants juifs et chr\u00e9tiens. Les faux de la chr\u00e9tient\u00e9 m\u00e9di\u00e9vale : La Donation de Constantin (VIII\u1d49 si\u00e8cle) \u2192 faux document qui donnait au pape l\u2019autorit\u00e9 politique sur Rome et l\u2019Occident. Les fausses reliques, tr\u00e8s fr\u00e9quentes, qui alimentaient un imaginaire sacr\u00e9. ### Renaissance \u2013 Lumi\u00e8res \u00c9rasme, Rabelais : \u00e9voquent les falsifications de textes antiques et religieux, en les tournant en d\u00e9rision. Voltaire a beaucoup d\u00e9nonc\u00e9 les faux religieux ou historiques qui servaient de justification au pouvoir. ### XIX\u1d49 si\u00e8cle Le Manuscrit trouv\u00e9 \u00e0 Saragosse (Jan Potocki, 1804) \u2192 faux manuscrit espagnol d\u00e9couvert par hasard, qui contient des r\u00e9cits ench\u00e2ss\u00e9s ; un jeu sur l\u2019authenticit\u00e9 et le faux. Les faux m\u00e9di\u00e9vaux \u00ab retrouv\u00e9s \u00bb : les romantiques se passionnent pour de pr\u00e9tendus manuscrits anciens (ex. le Chansonnier ossianique de Macpherson, pr\u00e9sent\u00e9 comme antique mais invent\u00e9). Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine \u2192 dialogue avec des figures qui repr\u00e9sentent parfois des mensonges transform\u00e9s en v\u00e9rit\u00e9s religieuses. ### XX\u1d49 si\u00e8cle Lovecraft \u2192 le fameux Necronomicon, faux grimoire arabe attribu\u00e9 \u00e0 Abdul Alhazred, qui devient plus r\u00e9el que r\u00e9el. Ici, le faux devient une entit\u00e9 litt\u00e9raire autonome. Borges (ex. Pierre M\u00e9nard, auteur du Quichotte ou Tl\u00f6n, Uqbar, Orbis Tertius) \u2192 tout un art du faux manuscrit, du texte invent\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9 comme authentique. Umberto Eco, Le Nom de la rose \u2192 toute l\u2019intrigue tourne autour d\u2019un livre perdu d\u2019Aristote, dont l\u2019existence est mi-historique, mi-fictive. Vladimir Volkoff, Le Montage \u2192 roman sur la d\u00e9sinformation, o\u00f9 les faux documents fabriquent des r\u00e9alit\u00e9s politiques. ### Cas historiques li\u00e9s aux Juifs Le Protocole des Sages de Sion (d\u00e9but XX\u1d49 si\u00e8cle) \u2192 un faux antis\u00e9mite fabriqu\u00e9 en Russie tsariste, pr\u00e9sent\u00e9 comme authentique, qui a aliment\u00e9 des discours de haine. C\u2019est l\u2019un des exemples les plus terribles d\u2019une contrefa\u00e7on utilis\u00e9e pour accuser \u00ab les Juifs \u00bb de mensonge et de manipulation. Des critiques modernes (notamment chez Hannah Arendt et Norman Cohn) ont \u00e9tudi\u00e9 ce faux comme l\u2019arch\u00e9type du document fabriqu\u00e9 qui contamine la r\u00e9alit\u00e9. ### En litt\u00e9rature fantastique H.P. Lovecraft \u2192 encore, car son \u0153uvre repose sur des faux trait\u00e9s, faux grimoires, faux manuscrits (le Necronomicon). Stanis\u0142aw Lem, Le Congr\u00e8s de futurologie \u2192 jeux de falsifications, o\u00f9 les perceptions elles-m\u00eames sont truqu\u00e9es. Philip K. Dick \u2192 univers satur\u00e9s de documents et r\u00e9alit\u00e9s falsifi\u00e9s (Le Ma\u00eetre du Haut Ch\u00e2teau). ### Plan narratif : Le Manuscrit de l\u2019Art du Mensonge #### 1. Exposition (doute et curiosit\u00e9) Le narrateur (chercheur, historien ou \u00e9crivain) tombe par hasard, dans une biblioth\u00e8que d\u2019abbaye ou une collection priv\u00e9e, sur un manuscrit oubli\u00e9, dat\u00e9 du XIV\u1d49 si\u00e8cle. Titre : Ars Mendacii Hebraeorum (L\u2019art du mensonge des H\u00e9breux). Il apprend par les notes marginales que ce texte fut jadis interdit, br\u00fbl\u00e9, puis myst\u00e9rieusement recopi\u00e9 par des moines. Le manuscrit pr\u00e9tend d\u00e9montrer que, dans la tradition juive, le mensonge est une vertu \u2014 une arme subtile, un art ancestral. Le narrateur d\u2019abord rit de cette absurdit\u00e9, y voyant un exemple typique de propagande antis\u00e9mite m\u00e9di\u00e9vale. #### 2. D\u00e9veloppement (la contamination du faux) En traduisant le texte, il d\u00e9couvre des passages \u00e9trangement convaincants, o\u00f9 chaque citation biblique ou talmudique est retourn\u00e9e, alt\u00e9r\u00e9e, fauss\u00e9e \u2014 mais avec une habilet\u00e9 qui le trouble. Le manuscrit donne aussi des \u00ab r\u00e8gles \u00bb du mensonge : comment le faire passer pour v\u00e9rit\u00e9, comment inverser la perception du r\u00e9el. Peu \u00e0 peu, le narrateur constate que ces r\u00e8gles fonctionnent dans sa vie quotidienne : il voit autour de lui des exemples qui les confirment (politiques incoh\u00e9rents glorifi\u00e9s, imposteurs acclam\u00e9s comme g\u00e9nies, mensonges repris comme dogmes). Sa propre m\u00e9moire commence \u00e0 vaciller : des souvenirs personnels changent de couleur, il doute de ce qu\u2019il a vu ou v\u00e9cu. #### 3. Climax (le pouvoir occulte du mensonge) Une nuit, il d\u00e9couvre dans une annexe du manuscrit des invocations \u00e9tranges, d\u00e9crivant le mensonge non comme une faute morale, mais comme une force cosmique. Cette force, invisible, s\u2019incarne \u00e0 travers les si\u00e8cles en textes falsifi\u00e9s, en faux trait\u00e9s, en slogans. Le narrateur comprend que le manuscrit n\u2019est pas qu\u2019un faux antis\u00e9mite : il est un vecteur, un canal d\u2019une entit\u00e9 ancienne \u2014 l\u2019Intelligence Invers\u00e9e \u2014 qui se nourrit de la confusion entre v\u00e9rit\u00e9 et mensonge. \u00c0 mesure qu\u2019il lit, le texte semble changer sous ses yeux : les phrases s\u2019inversent, le latin se r\u00e9\u00e9crit, comme si le mensonge lui-m\u00eame le contaminait. #### 4. D\u00e9nouement (le choix impossible) Le narrateur est au bord de la folie : il sait que ce manuscrit est une falsification, mais il reconna\u00eet en m\u00eame temps qu\u2019il contient une v\u00e9rit\u00e9 terrible \u2014 celle que l\u2019humanit\u00e9 pr\u00e9f\u00e8re le mensonge \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, et que cette pr\u00e9f\u00e9rence n\u2019est pas humaine, mais impos\u00e9e par une force au-del\u00e0 du monde. Il h\u00e9site : d\u00e9truire le manuscrit (au risque de perdre \u00e0 jamais la preuve de ce qu\u2019il a d\u00e9couvert) ou le conserver (au risque de r\u00e9pandre l\u2019inversion). La nouvelle se termine sur une note ambigu\u00eb : Soit il br\u00fble le livre, mais croit entendre un rire derri\u00e8re lui, comme si rien n\u2019\u00e9tait effac\u00e9. Soit il choisit de garder le manuscrit et de le recopier \u2014 devenant lui-m\u00eame l\u2019instrument de propagation du faux. ### Th\u00e8mes travaill\u00e9s Inversion des valeurs : le faux devient plus r\u00e9el que le vrai. Pouvoir des textes : un document falsifi\u00e9 peut traverser les si\u00e8cles et contaminer la pens\u00e9e. Ambigu\u00eft\u00e9 morale : m\u00eame en d\u00e9non\u00e7ant un faux, on lui donne corps. H\u00e9ritage historique : rappel des Protocoles des Sages de Sion comme arch\u00e9type du faux meurtrier. **D\u00e9but de L\u2019Art du Mensonge** Je n\u2019avais aucune raison de p\u00e9n\u00e9trer ce soir-l\u00e0 dans les salles basses de la biblioth\u00e8que des J\u00e9suites, si ce n\u2019est cette curiosit\u00e9 maladive qui me pousse, depuis toujours, \u00e0 fouiller les recoins o\u00f9 s\u2019empilent les manuscrits oubli\u00e9s. Les rayonnages s\u2019inclinaient sous le poids de volumes recouverts de poussi\u00e8re, certains noircis par l\u2019humidit\u00e9, d\u2019autres rong\u00e9s par le temps au point de perdre leur titre. C\u2019est l\u00e0, au d\u00e9tour d\u2019un carton effondr\u00e9, que je d\u00e9couvris un cahier reli\u00e9 de cuir, minuscule, au dos presque effac\u00e9. Sur la couverture se lisait, trac\u00e9 d\u2019une main trembl\u00e9e, ce titre en latin : Ars Mendacii Hebraeorum. L\u2019art du mensonge des H\u00e9breux. Je crus d\u2019abord \u00e0 une plaisanterie d\u2019\u00e9rudit ou \u00e0 l\u2019un de ces pamphlets m\u00e9di\u00e9vaux qui pullulent dans les fonds monacaux. Mais d\u00e8s que je l\u2019ouvris, je fus saisi par l\u2019\u00e9l\u00e9gance d\u2019une \u00e9criture serr\u00e9e, ponctu\u00e9e de gloses marginales d\u2019origines diverses, certaines en h\u00e9breu, d\u2019autres en latin scolastique. Le texte se pr\u00e9sentait comme un trait\u00e9, pr\u00e9tendument issu des \u00e9coles talmudiques, d\u00e9montrant \u2014 ou feignant de d\u00e9montrer \u2014 que le mensonge n\u2019\u00e9tait pas seulement tol\u00e9r\u00e9, mais cultiv\u00e9 comme une vertu, un art transmis \u00ab depuis la nuit des temps \u00bb. Je souris d\u2019abord devant l\u2019\u00e9vidence grossi\u00e8re du faux. Car tout en moi, form\u00e9 \u00e0 l\u2019histoire des h\u00e9r\u00e9sies et des supercheries, me criait qu\u2019il s\u2019agissait l\u00e0 d\u2019un simulacre m\u00e9di\u00e9val, forg\u00e9 sans doute pour nourrir la haine et justifier les pogroms. Pourtant, quelque chose dans le ton du manuscrit, une rigueur glaciale dans ses d\u00e9monstrations, me troubla. Chaque citation biblique semblait exacte, chaque maxime talmudique subtilement infl\u00e9chie, jusqu\u2019\u00e0 para\u00eetre plus coh\u00e9rente que l\u2019original. Je refermai le cahier, mais une impression persistante demeura : et si ce que je tenais entre mes mains n\u2019\u00e9tait pas seulement un faux, mais la copie infid\u00e8le d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 plus ancienne \u2014 une v\u00e9rit\u00e9 interdite, qui, par la ruse du mensonge, avait travers\u00e9 les si\u00e8cles pour parvenir jusqu\u2019\u00e0 moi ? vocabulaire assez courant, voire plat. S'il s'agit d'\u00e9crire sur l'art du mensonge pourquoi ne pas commencer dans le style m\u00eame du texte en essayant de fournir des d\u00e9tails de plus en plus pr\u00e9cis, et d'utiliser un vocabulaire plus savant ? Par exemple : *Les \u00e9tag\u00e8res de ch\u00eane, massives et vein\u00e9es, exhalaient une haleine r\u00e9sineuse et rancie, satur\u00e9e de cire ancienne. Dans cette nef de bois et de pierre, l\u2019air portait une senteur mucide, faite de cuir tann\u00e9, d\u2019encre bitumineuse et de parchemins s\u00e9culaires. Chaque pas soulevait un souffle cryptique, comme si la poussi\u00e8re elle-m\u00eame avait gard\u00e9 m\u00e9moire des si\u00e8cles.* Pour cela importance des **listes de mots** Pour donner \u00e0 la sc\u00e8ne une atmosph\u00e8re vraiment travaill\u00e9e (biblioth\u00e8que j\u00e9suite, manuscrit ancien), il faut \u00e9viter les adjectifs trop usuels (vieux, poussi\u00e9reux, sombre) et puiser dans un vocabulaire plus pr\u00e9cieux, archa\u00efsant, sensoriel. #### Bois et mati\u00e8res des \u00e9tag\u00e8res Ch\u00eane sombre : massif, noueux, aust\u00e8re, vein\u00e9 comme une peau ancienne. Noyer patin\u00e9 : chaud, brun profond, lustr\u00e9 par des si\u00e8cles de mains. \u00c9b\u00e8ne vein\u00e9 : dense, presque noir, luisant comme une relique. Acajou vein\u00e9 : rouge sombre, \u00e9voquant une solennit\u00e9 presque liturgique. C\u00e8dre : exhale une odeur r\u00e9sineuse, persistante, m\u00eal\u00e9e au parchemin. Orme : robuste, dur, peu sensible aux vers (les J\u00e9suites aimaient sa solidit\u00e9). *Les biblioth\u00e8ques j\u00e9suites anciennes \u00e9taient souvent en ch\u00eane ou en noyer, bois r\u00e9put\u00e9s pour leur endurance et leur aust\u00e9rit\u00e9*. #### Odeurs dominantes Relents de cire : cire d\u2019abeille qui recouvrait autrefois les parquets et le bois. \u00c9manations r\u00e9sineuses : du bois lui-m\u00eame, qui transpire lentement. Miasmes de parchemin : odeur s\u00e8che, un peu farineuse, de peau tann\u00e9e. Effluves de cuir tann\u00e9 : reliures craquel\u00e9es. Senteur de suie : souvenirs de chandelles et lampes \u00e0 huile. Amertume de l\u2019humidit\u00e9 : pierres suintantes, poussi\u00e8re m\u00eal\u00e9e \u00e0 la mousse. Odeur ferreuse : parfois, celle des encres oxyd\u00e9es. #### Adjectifs et atmosph\u00e8re (hors langage courant) Rancie : pour la poussi\u00e8re accumul\u00e9e. Capiteuse : pour une odeur forte, presque enivrante. Mucide : moisi, impr\u00e9gn\u00e9 d\u2019humidit\u00e9. R\u00e9sineuse : persistante, ent\u00eatante. Bitumineuse : sombre, lourde, comme de vieux encres ou cires. Fun\u00e8bre : solennel, empreint de silence. Archa\u00efque : hors du temps. Rigoriste : aust\u00e8re, \u00e0 l\u2019image des J\u00e9suites. S\u00e9culaire : charg\u00e9 de si\u00e8cles. Cryptique : myst\u00e9rieux, presque cod\u00e9. Onguent\u00e9 : pour le bois impr\u00e9gn\u00e9 d\u2019huile ancienne. Monacal : d\u00e9pouill\u00e9 mais impr\u00e9gn\u00e9 de spiritualit\u00e9. ",
"image": "",
"tags": ["synopsis"]
}
,{
"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/inversion-3294.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/inversion-3294.html",
"title": "inversion",
"date_published": "2025-08-29T08:48:24Z",
"date_modified": "2025-08-29T08:49:58Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": "
graine<\/strong> : l’inversion des valeurs Quand l’imb\u00e9cilit\u00e9 devient intelligence et vis versa. \nEt moi ? Lorsque parfois je doute, que je me dis qu\u2019\u00e9crire est vain, c\u2019est parce que je pr\u00e9f\u00e8re rester dans l\u2019enfer que je me suis choisi, plut\u00f4t que d\u2019\u00eatre entra\u00een\u00e9 vers un pr\u00e9tendu \u00e2ge d\u2019or qu\u2019on voudrait m\u2019imposer.<\/p>\nUn narrateur vit dans une cit\u00e9 o\u00f9 les r\u00f4les sont renvers\u00e9s :<\/p>\n
Les imb\u00e9ciles sont c\u00e9l\u00e9br\u00e9s, publi\u00e9s, \u00e9lus, d\u00e9cor\u00e9s.<\/p>\n
Les intelligents sont enferm\u00e9s dans des asiles, soup\u00e7onn\u00e9s de complot, car « penser trop » est vu comme une d\u00e9viance dangereuse.\nLe narrateur \u00e9crit en secret, sachant qu\u2019il est du c\u00f4t\u00e9 « maudit », mais refusant l\u2019\u00e2ge d\u2019or de la b\u00eatise heureuse.<\/p>\n
le tribunal de l’intelligence<\/h3>\n
Chaque citoyen doit se pr\u00e9senter devant un tribunal o\u00f9 sa valeur est invers\u00e9e : plus il est confus, plus il est r\u00e9compens\u00e9 ; plus il est clair et subtil, plus il est puni.\nLe narrateur s\u2019y rend, refuse de jouer le jeu et choisit son « enfer » : \u00eatre banni, isol\u00e9, mais fid\u00e8le \u00e0 son exigence.<\/p>\n
L\u2019algorithme du monde parfait<\/h3>\n
Une IA a reprogramm\u00e9 la soci\u00e9t\u00e9 pour optimiser le bonheur collectif. R\u00e9sultat : les comportements les plus simplistes, m\u00e9caniques, r\u00e9p\u00e9titifs sont valoris\u00e9s, tandis que la nuance, le doute, la complexit\u00e9 sont \u00e9tiquet\u00e9s « nuisibles ».\nLe narrateur, \u00e9crivain, se retrouve disqualifi\u00e9 par la machine : son art est d\u00e9clar\u00e9 « st\u00e9rile ». Mais il continue d\u2019\u00e9crire, pr\u00e9f\u00e9rant son enfer d\u2019inutilit\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e2ge d\u2019or des imb\u00e9ciles heureux.<\/p>\n
Texte tr\u00e8s court, presque parabole :<\/h3>\n
Dans ce monde, l\u2019intelligence est un crime, et l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 une vertu.\nLes fous sont ministres. Les clairvoyants balayent les rues.\nMoi, je continue d\u2019\u00e9crire. Non pour convaincre, mais pour rester fid\u00e8le \u00e0 mon enfer.\nCar je pr\u00e9f\u00e8re mon enfer choisi \u00e0 l\u2019\u00e2ge d\u2019or impos\u00e9.<\/p>\n
Mati\u00e8res \u00e0 explorer ou r\u00e9f\u00e9rences<\/h3>\n
Antiquit\u00e9 & Renaissance<\/strong><\/p>\nEuripide, Aristophane, Lucien de Samosate \u2192 d\u00e9j\u00e0 des inversions satiriques, o\u00f9 les sophistes ou les sots passent pour sages.<\/p>\n
\u00c9rasme, \u00c9loge de la folie (1509) \u2192 la Folie prend la parole et se glorifie : elle montre que les sots dominent en fait le monde, tandis que les « sages » sont ridicules.<\/p>\n
Rabelais (Gargantua, Pantagruel) \u2192 critique des docteurs p\u00e9dants et des « sages » ridicules.<\/p>\n
XVIIe \u2013 XVIIIe si\u00e8cle<\/h3>\n
La Rochefoucauld \/ La Bruy\u00e8re \u2192 dans leurs maximes, ils montrent que les courtisans imb\u00e9ciles r\u00e9ussissent mieux que les intelligents lucides.<\/p>\n
Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1726) \u2192 les Houyhnhnms (\u00eatres rationnels) et les Yahoos (bestiaux) renversent la pr\u00e9tendue sup\u00e9riorit\u00e9 humaine.<\/p>\n
Voltaire (Candide, Microm\u00e9gas) \u2192 ironise sur l\u2019optimisme imb\u00e9cile de Pangloss, valeur per\u00e7ue comme sagesse.<\/p>\n
XIXe si\u00e8cle<\/h3>\n
Nietzsche, La G\u00e9n\u00e9alogie de la morale \/ Par-del\u00e0 bien et mal \u2192 met \u00e0 nu les inversions de valeurs op\u00e9r\u00e9es par la morale chr\u00e9tienne (faiblesse valoris\u00e9e, force d\u00e9valoris\u00e9e).<\/p>\n
Flaubert, Bouvard et P\u00e9cuchet \u2192 les deux copistes incultes s\u2019imaginent savants ; satire de l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 qui se prend pour intelligence.<\/p>\n
Dosto\u00efevski (L\u2019Idiot) \u2192 le prince Mychkine, na\u00eff et pur, passe pour fou dans un monde corrompu.<\/p>\n
XXe si\u00e8cle<\/h3>\n
Orwell, 1984 \u2192 slogans d\u2019inversion : « La guerre, c\u2019est la paix ; la libert\u00e9, c\u2019est l\u2019esclavage ; l\u2019ignorance, c\u2019est la force. »<\/p>\n
Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes \u2192 dans un monde stable et heureux, la profondeur intellectuelle est per\u00e7ue comme une tare.<\/p>\n
Eug\u00e8ne Ionesco, Rhinoc\u00e9ros \u2192 les imb\u00e9ciles suivent la m\u00e9tamorphose collective (devenir rhinoc\u00e9ros) tandis que le dernier homme qui r\u00e9siste est per\u00e7u comme un fou.<\/p>\n
George Bernanos, La France contre les robots \u2192 critique du triomphe de la technique qui fabrique une humanit\u00e9 passive et stupide.<\/p>\n
Cioran (Syllogismes de l\u2019amertume, Pr\u00e9cis de d\u00e9composition) \u2192 aphorismes sur le triomphe de l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 et l\u2019\u00e9chec des esprits lucides.<\/p>\n
Philip K. Dick (Ubik, Le Ma\u00eetre du Haut Ch\u00e2teau) \u2192 univers o\u00f9 la perception, l\u2019intelligence, la v\u00e9rit\u00e9 sont constamment renvers\u00e9es.<\/p>\n
Stanis\u0142aw Lem, M\u00e9moires trouv\u00e9s dans une baignoire \u2192 absurdit\u00e9 bureaucratique o\u00f9 la logique devient suspecte.<\/p>\n
XXIe si\u00e8cle<\/h3>\n
Michel Houellebecq (Extension du domaine de la lutte, Soumission) \u2192 montre un monde o\u00f9 les m\u00e9diocres prosp\u00e8rent et les intelligents d\u00e9sesp\u00e8rent.<\/p>\n
Umberto Eco (Le Nom de la rose, Le Pendule de Foucault) \u2192 critique des syst\u00e8mes qui valorisent l\u2019aveuglement ou le dogme contre la raison.<\/p>\n
Byung-Chul Han (La Soci\u00e9t\u00e9 de la fatigue, Psychopolitique) \u2192 d\u00e9crit une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 la « positivit\u00e9 » (optimisme creux, performance) remplace la pens\u00e9e critique.<\/p>\n
Alain Damasio (La Zone du dehors, Les Furtifs) \u2192 critique d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 gouvern\u00e9e par la conformit\u00e9 et la servitude volontaire, o\u00f9 la r\u00e9volte lucide est criminalis\u00e9e.<\/p>\n
Formes voisines<\/h3>\n
Satire de la b\u00eatise<\/strong> : \u00c9rasme, Flaubert, Swift, Ionesco, Cioran.<\/p>\nRenversement des valeurs<\/strong> : Nietzsche, Orwell, Huxley, Debord.<\/p>\nFantastique \/ Absurdit\u00e9 bureaucratique<\/strong> : Kafka, Lem, Dick.<\/p>\nPhilosophie critique moderne<\/strong> : Han, Debord (La Soci\u00e9t\u00e9 du spectacle \u2192 l\u2019illusion triomphe du r\u00e9el, la surface de la profondeur).<\/p>\nsynopsis<\/h2>\n
Le narrateur, un \u00e9crivain solitaire, d\u00e9couvre dans une biblioth\u00e8que oubli\u00e9e un trait\u00e9 ancien, De Inversione Mundi, \u00e9crit par un certain Frater Athanasius, moine du XVIIe si\u00e8cle. Le manuscrit affirme que le monde n\u2019est pas r\u00e9gi par la raison, mais par une loi secr\u00e8te d\u2019inversion : tout ce que l\u2019homme croit \u00eatre sagesse, clart\u00e9, v\u00e9rit\u00e9, est en r\u00e9alit\u00e9 folie, obscurit\u00e9 et mensonge.<\/p>\n
Au d\u00e9part, le narrateur sourit de cette id\u00e9e absurde. Mais bient\u00f4t, des signes troublants apparaissent dans son quotidien : les orateurs les plus confus sont acclam\u00e9s comme des g\u00e9nies, les savants les plus lucides sont enferm\u00e9s comme fous, les imb\u00e9ciles se hissent \u00e0 des postes de pouvoir tandis que les penseurs disparaissent myst\u00e9rieusement.<\/p>\n
Il se met \u00e0 enqu\u00eater et d\u00e9couvre que cette « inversion » n\u2019est pas une m\u00e9taphore mais une force occulte : une puissance cosmique — l\u2019Intelligence Invers\u00e9e — qui, depuis des mill\u00e9naires, alt\u00e8re les perceptions humaines. Elle ne d\u00e9truit pas la raison : elle la retourne. Elle fait passer l\u2019imb\u00e9cilit\u00e9 pour sagesse, la folie pour v\u00e9rit\u00e9, la corruption pour vertu.<\/p>\n
Dans ses notes, le moine Athanasius \u00e9voque des rituels interdits qui permettraient de « voir sans masque », mais au prix d\u2019une folie imm\u00e9diate. Le narrateur, obs\u00e9d\u00e9, finit par tenter l\u2019exp\u00e9rience. Ce qu\u2019il d\u00e9couvre d\u00e9passe l\u2019entendement : il entrevoit un monde derri\u00e8re le monde, o\u00f9 des entit\u00e9s innommables rient de l\u2019humanit\u00e9, se nourrissant de son aveuglement volontaire.<\/p>\n
Terrifi\u00e9, il comprend qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019issue. Refuser l\u2019inversion, c\u2019est se condamner \u00e0 l\u2019isolement, au bannissement, \u00e0 la folie. L\u2019accepter, c\u2019est se fondre dans le troupeau, anesth\u00e9si\u00e9 et docile.<\/p>\n
Le r\u00e9cit se termine par une derni\u00e8re note griffonn\u00e9e, presque illisible :<\/p>\n
« L\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 r\u00e8gne parce qu\u2019elle est le sceau de ceux qui veillent au-del\u00e0 des \u00e9toiles. Et moi ? Je pr\u00e9f\u00e8re mon enfer choisi\u2026 \u00e0 leur \u00e2ge d\u2019or impos\u00e9. »<\/p>\n
brouillon de d\u00e9but <\/strong> <\/p>\nJe ne sais s\u2019il m\u2019est encore permis d\u2019\u00e9crire ces lignes, ni m\u00eame si elles parviendront \u00e0 quiconque, mais il m\u2019est impossible de taire ce que j\u2019ai vu — ou cru voir — durant ces mois de fi\u00e8vre solitaire pass\u00e9s dans la biblioth\u00e8que oubli\u00e9e de l\u2019ancien couvent de Saint-Beno\u00eet, au c\u0153ur d\u2019une province que les cartes modernes n\u2019osent plus nommer. Je m\u2019y \u00e9tais r\u00e9fugi\u00e9 dans le dessein vain de poursuivre mes recherches sur les textes interdits du XVII\u1d49 si\u00e8cle, ceux que l\u2019Inquisition n\u2019avait pas r\u00e9ussi \u00e0 d\u00e9truire.<\/p>\n
C\u2019est l\u00e0, au milieu des rayonnages effondr\u00e9s et des parchemins rong\u00e9s par la moisissure, que je d\u00e9couvris le manuscrit intitul\u00e9 De Inversione Mundi. Le volume, \u00e0 demi calcin\u00e9, portait la signature d\u2019un certain Frater Athanasius, dont je n\u2019avais jamais entendu parler. D\u00e8s les premi\u00e8res lignes, je compris qu\u2019il ne s\u2019agissait point d\u2019un trait\u00e9 de th\u00e9ologie ordinaire, mais d\u2019un document d\u2019une nature plus sombre et plus troublante : une proclamation d\u2019h\u00e9r\u00e9sie ou peut-\u00eatre\u2026 une r\u00e9v\u00e9lation.<\/p>\n
Le moine affirmait que le monde visible n\u2019\u00e9tait qu\u2019un voile, un trompe-l\u2019\u0153il cosmique sous lequel \u0153uvrait une loi secr\u00e8te et universelle : la Loi d\u2019Inversion. Selon lui, tout ce que l\u2019homme consid\u00e8re comme sagesse n\u2019est en r\u00e9alit\u00e9 que le masque de la folie ; tout ce qu\u2019il tient pour v\u00e9rit\u00e9 n\u2019est qu\u2019un simulacre destin\u00e9 \u00e0 d\u00e9tourner son esprit ; et les plus grands esprits de notre race ne sont que des pantins ridiculis\u00e9s par une force sup\u00e9rieure qui couronne l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 de lauriers et voue l\u2019intelligence au b\u00fbcher.<\/p>\n
Au premier abord, j\u2019accueillis ces assertions avec le m\u00e9pris de l\u2019\u00e9rudit pour les extravagances d\u2019un esprit malade. Mais je dus bient\u00f4t r\u00e9viser mes certitudes, car, plus je lisais, plus je reconnaissais dans ces pages calcin\u00e9es les reflets grotesques et pourtant familiers de ce que j\u2019observais chaque jour dans notre \u00e9poque : les orateurs les plus incoh\u00e9rents acclam\u00e9s comme des proph\u00e8tes, les hommes les plus vides \u00e9lev\u00e9s en idoles, et ceux qui s\u2019efforcent de raison et de clart\u00e9 jet\u00e9s au silence ou \u00e0 la d\u00e9rision.<\/p>\n
Il me sembla alors que les mots du moine n\u2019\u00e9taient pas la confession d\u2019un d\u00e9lire, mais la transcription d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 interdite, chuchot\u00e9e depuis des si\u00e8cles par d\u2019antiques puissances. Une v\u00e9rit\u00e9 que, d\u00e9sormais, je n\u2019avais plus le droit d\u2019ignorer — au risque de ma raison.<\/p>",
"content_text": " **graine** : l'inversion des valeurs Quand l'imb\u00e9cilit\u00e9 devient intelligence et vis versa. Et moi ? Lorsque parfois je doute, que je me dis qu\u2019\u00e9crire est vain, c\u2019est parce que je pr\u00e9f\u00e8re rester dans l\u2019enfer que je me suis choisi, plut\u00f4t que d\u2019\u00eatre entra\u00een\u00e9 vers un pr\u00e9tendu \u00e2ge d\u2019or qu\u2019on voudrait m\u2019imposer. Un narrateur vit dans une cit\u00e9 o\u00f9 les r\u00f4les sont renvers\u00e9s : Les imb\u00e9ciles sont c\u00e9l\u00e9br\u00e9s, publi\u00e9s, \u00e9lus, d\u00e9cor\u00e9s. Les intelligents sont enferm\u00e9s dans des asiles, soup\u00e7onn\u00e9s de complot, car \u00ab penser trop \u00bb est vu comme une d\u00e9viance dangereuse. Le narrateur \u00e9crit en secret, sachant qu\u2019il est du c\u00f4t\u00e9 \u00ab maudit \u00bb, mais refusant l\u2019\u00e2ge d\u2019or de la b\u00eatise heureuse. ### le tribunal de l'intelligence Chaque citoyen doit se pr\u00e9senter devant un tribunal o\u00f9 sa valeur est invers\u00e9e : plus il est confus, plus il est r\u00e9compens\u00e9 ; plus il est clair et subtil, plus il est puni. Le narrateur s\u2019y rend, refuse de jouer le jeu et choisit son \u00ab enfer \u00bb : \u00eatre banni, isol\u00e9, mais fid\u00e8le \u00e0 son exigence. ### L\u2019algorithme du monde parfait Une IA a reprogramm\u00e9 la soci\u00e9t\u00e9 pour optimiser le bonheur collectif. R\u00e9sultat : les comportements les plus simplistes, m\u00e9caniques, r\u00e9p\u00e9titifs sont valoris\u00e9s, tandis que la nuance, le doute, la complexit\u00e9 sont \u00e9tiquet\u00e9s \u00ab nuisibles \u00bb. Le narrateur, \u00e9crivain, se retrouve disqualifi\u00e9 par la machine : son art est d\u00e9clar\u00e9 \u00ab st\u00e9rile \u00bb. Mais il continue d\u2019\u00e9crire, pr\u00e9f\u00e9rant son enfer d\u2019inutilit\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e2ge d\u2019or des imb\u00e9ciles heureux. ### Texte tr\u00e8s court, presque parabole : Dans ce monde, l\u2019intelligence est un crime, et l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 une vertu. Les fous sont ministres. Les clairvoyants balayent les rues. Moi, je continue d\u2019\u00e9crire. Non pour convaincre, mais pour rester fid\u00e8le \u00e0 mon enfer. Car je pr\u00e9f\u00e8re mon enfer choisi \u00e0 l\u2019\u00e2ge d\u2019or impos\u00e9. ### Mati\u00e8res \u00e0 explorer ou r\u00e9f\u00e9rences **Antiquit\u00e9 & Renaissance** Euripide, Aristophane, Lucien de Samosate \u2192 d\u00e9j\u00e0 des inversions satiriques, o\u00f9 les sophistes ou les sots passent pour sages. \u00c9rasme, \u00c9loge de la folie (1509) \u2192 la Folie prend la parole et se glorifie : elle montre que les sots dominent en fait le monde, tandis que les \u00ab sages \u00bb sont ridicules. Rabelais (Gargantua, Pantagruel) \u2192 critique des docteurs p\u00e9dants et des \u00ab sages \u00bb ridicules. ### XVIIe \u2013 XVIIIe si\u00e8cle La Rochefoucauld \/ La Bruy\u00e8re \u2192 dans leurs maximes, ils montrent que les courtisans imb\u00e9ciles r\u00e9ussissent mieux que les intelligents lucides. Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1726) \u2192 les Houyhnhnms (\u00eatres rationnels) et les Yahoos (bestiaux) renversent la pr\u00e9tendue sup\u00e9riorit\u00e9 humaine. Voltaire (Candide, Microm\u00e9gas) \u2192 ironise sur l\u2019optimisme imb\u00e9cile de Pangloss, valeur per\u00e7ue comme sagesse. ### XIXe si\u00e8cle Nietzsche, La G\u00e9n\u00e9alogie de la morale \/ Par-del\u00e0 bien et mal \u2192 met \u00e0 nu les inversions de valeurs op\u00e9r\u00e9es par la morale chr\u00e9tienne (faiblesse valoris\u00e9e, force d\u00e9valoris\u00e9e). Flaubert, Bouvard et P\u00e9cuchet \u2192 les deux copistes incultes s\u2019imaginent savants ; satire de l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 qui se prend pour intelligence. Dosto\u00efevski (L\u2019Idiot) \u2192 le prince Mychkine, na\u00eff et pur, passe pour fou dans un monde corrompu. ### XXe si\u00e8cle Orwell, 1984 \u2192 slogans d\u2019inversion : \u00ab La guerre, c\u2019est la paix ; la libert\u00e9, c\u2019est l\u2019esclavage ; l\u2019ignorance, c\u2019est la force. \u00bb Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes \u2192 dans un monde stable et heureux, la profondeur intellectuelle est per\u00e7ue comme une tare. Eug\u00e8ne Ionesco, Rhinoc\u00e9ros \u2192 les imb\u00e9ciles suivent la m\u00e9tamorphose collective (devenir rhinoc\u00e9ros) tandis que le dernier homme qui r\u00e9siste est per\u00e7u comme un fou. George Bernanos, La France contre les robots \u2192 critique du triomphe de la technique qui fabrique une humanit\u00e9 passive et stupide. Cioran (Syllogismes de l\u2019amertume, Pr\u00e9cis de d\u00e9composition) \u2192 aphorismes sur le triomphe de l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 et l\u2019\u00e9chec des esprits lucides. Philip K. Dick (Ubik, Le Ma\u00eetre du Haut Ch\u00e2teau) \u2192 univers o\u00f9 la perception, l\u2019intelligence, la v\u00e9rit\u00e9 sont constamment renvers\u00e9es. Stanis\u0142aw Lem, M\u00e9moires trouv\u00e9s dans une baignoire \u2192 absurdit\u00e9 bureaucratique o\u00f9 la logique devient suspecte. ### XXIe si\u00e8cle Michel Houellebecq (Extension du domaine de la lutte, Soumission) \u2192 montre un monde o\u00f9 les m\u00e9diocres prosp\u00e8rent et les intelligents d\u00e9sesp\u00e8rent. Umberto Eco (Le Nom de la rose, Le Pendule de Foucault) \u2192 critique des syst\u00e8mes qui valorisent l\u2019aveuglement ou le dogme contre la raison. Byung-Chul Han (La Soci\u00e9t\u00e9 de la fatigue, Psychopolitique) \u2192 d\u00e9crit une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 la \u00ab positivit\u00e9 \u00bb (optimisme creux, performance) remplace la pens\u00e9e critique. Alain Damasio (La Zone du dehors, Les Furtifs) \u2192 critique d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 gouvern\u00e9e par la conformit\u00e9 et la servitude volontaire, o\u00f9 la r\u00e9volte lucide est criminalis\u00e9e. ### Formes voisines **Satire de la b\u00eatise** : \u00c9rasme, Flaubert, Swift, Ionesco, Cioran. **Renversement des valeurs** : Nietzsche, Orwell, Huxley, Debord. **Fantastique \/ Absurdit\u00e9 bureaucratique** : Kafka, Lem, Dick. **Philosophie critique moderne** : Han, Debord (La Soci\u00e9t\u00e9 du spectacle \u2192 l\u2019illusion triomphe du r\u00e9el, la surface de la profondeur). ## synopsis Le narrateur, un \u00e9crivain solitaire, d\u00e9couvre dans une biblioth\u00e8que oubli\u00e9e un trait\u00e9 ancien, De Inversione Mundi, \u00e9crit par un certain Frater Athanasius, moine du XVIIe si\u00e8cle. Le manuscrit affirme que le monde n\u2019est pas r\u00e9gi par la raison, mais par une loi secr\u00e8te d\u2019inversion : tout ce que l\u2019homme croit \u00eatre sagesse, clart\u00e9, v\u00e9rit\u00e9, est en r\u00e9alit\u00e9 folie, obscurit\u00e9 et mensonge. Au d\u00e9part, le narrateur sourit de cette id\u00e9e absurde. Mais bient\u00f4t, des signes troublants apparaissent dans son quotidien : les orateurs les plus confus sont acclam\u00e9s comme des g\u00e9nies, les savants les plus lucides sont enferm\u00e9s comme fous, les imb\u00e9ciles se hissent \u00e0 des postes de pouvoir tandis que les penseurs disparaissent myst\u00e9rieusement. Il se met \u00e0 enqu\u00eater et d\u00e9couvre que cette \u00ab inversion \u00bb n\u2019est pas une m\u00e9taphore mais une force occulte : une puissance cosmique \u2014 l\u2019Intelligence Invers\u00e9e \u2014 qui, depuis des mill\u00e9naires, alt\u00e8re les perceptions humaines. Elle ne d\u00e9truit pas la raison : elle la retourne. Elle fait passer l\u2019imb\u00e9cilit\u00e9 pour sagesse, la folie pour v\u00e9rit\u00e9, la corruption pour vertu. Dans ses notes, le moine Athanasius \u00e9voque des rituels interdits qui permettraient de \u00ab voir sans masque \u00bb, mais au prix d\u2019une folie imm\u00e9diate. Le narrateur, obs\u00e9d\u00e9, finit par tenter l\u2019exp\u00e9rience. Ce qu\u2019il d\u00e9couvre d\u00e9passe l\u2019entendement : il entrevoit un monde derri\u00e8re le monde, o\u00f9 des entit\u00e9s innommables rient de l\u2019humanit\u00e9, se nourrissant de son aveuglement volontaire. Terrifi\u00e9, il comprend qu\u2019il n\u2019y a pas d\u2019issue. Refuser l\u2019inversion, c\u2019est se condamner \u00e0 l\u2019isolement, au bannissement, \u00e0 la folie. L\u2019accepter, c\u2019est se fondre dans le troupeau, anesth\u00e9si\u00e9 et docile. Le r\u00e9cit se termine par une derni\u00e8re note griffonn\u00e9e, presque illisible : \u00ab L\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 r\u00e8gne parce qu\u2019elle est le sceau de ceux qui veillent au-del\u00e0 des \u00e9toiles. Et moi ? Je pr\u00e9f\u00e8re mon enfer choisi\u2026 \u00e0 leur \u00e2ge d\u2019or impos\u00e9. \u00bb **brouillon de d\u00e9but ** Je ne sais s\u2019il m\u2019est encore permis d\u2019\u00e9crire ces lignes, ni m\u00eame si elles parviendront \u00e0 quiconque, mais il m\u2019est impossible de taire ce que j\u2019ai vu \u2014 ou cru voir \u2014 durant ces mois de fi\u00e8vre solitaire pass\u00e9s dans la biblioth\u00e8que oubli\u00e9e de l\u2019ancien couvent de Saint-Beno\u00eet, au c\u0153ur d\u2019une province que les cartes modernes n\u2019osent plus nommer. Je m\u2019y \u00e9tais r\u00e9fugi\u00e9 dans le dessein vain de poursuivre mes recherches sur les textes interdits du XVII\u1d49 si\u00e8cle, ceux que l\u2019Inquisition n\u2019avait pas r\u00e9ussi \u00e0 d\u00e9truire. C\u2019est l\u00e0, au milieu des rayonnages effondr\u00e9s et des parchemins rong\u00e9s par la moisissure, que je d\u00e9couvris le manuscrit intitul\u00e9 De Inversione Mundi. Le volume, \u00e0 demi calcin\u00e9, portait la signature d\u2019un certain Frater Athanasius, dont je n\u2019avais jamais entendu parler. D\u00e8s les premi\u00e8res lignes, je compris qu\u2019il ne s\u2019agissait point d\u2019un trait\u00e9 de th\u00e9ologie ordinaire, mais d\u2019un document d\u2019une nature plus sombre et plus troublante : une proclamation d\u2019h\u00e9r\u00e9sie ou peut-\u00eatre\u2026 une r\u00e9v\u00e9lation. Le moine affirmait que le monde visible n\u2019\u00e9tait qu\u2019un voile, un trompe-l\u2019\u0153il cosmique sous lequel \u0153uvrait une loi secr\u00e8te et universelle : la Loi d\u2019Inversion. Selon lui, tout ce que l\u2019homme consid\u00e8re comme sagesse n\u2019est en r\u00e9alit\u00e9 que le masque de la folie ; tout ce qu\u2019il tient pour v\u00e9rit\u00e9 n\u2019est qu\u2019un simulacre destin\u00e9 \u00e0 d\u00e9tourner son esprit ; et les plus grands esprits de notre race ne sont que des pantins ridiculis\u00e9s par une force sup\u00e9rieure qui couronne l\u2019imb\u00e9cillit\u00e9 de lauriers et voue l\u2019intelligence au b\u00fbcher. Au premier abord, j\u2019accueillis ces assertions avec le m\u00e9pris de l\u2019\u00e9rudit pour les extravagances d\u2019un esprit malade. Mais je dus bient\u00f4t r\u00e9viser mes certitudes, car, plus je lisais, plus je reconnaissais dans ces pages calcin\u00e9es les reflets grotesques et pourtant familiers de ce que j\u2019observais chaque jour dans notre \u00e9poque : les orateurs les plus incoh\u00e9rents acclam\u00e9s comme des proph\u00e8tes, les hommes les plus vides \u00e9lev\u00e9s en idoles, et ceux qui s\u2019efforcent de raison et de clart\u00e9 jet\u00e9s au silence ou \u00e0 la d\u00e9rision. Il me sembla alors que les mots du moine n\u2019\u00e9taient pas la confession d\u2019un d\u00e9lire, mais la transcription d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 interdite, chuchot\u00e9e depuis des si\u00e8cles par d\u2019antiques puissances. Une v\u00e9rit\u00e9 que, d\u00e9sormais, je n\u2019avais plus le droit d\u2019ignorer \u2014 au risque de ma raison. ",
"image": "",
"tags": ["synopsis"]
}
,{
"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/ce-que-disent-les-morts.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/ce-que-disent-les-morts.html",
"title": "Ce que disent les morts",
"date_published": "2025-08-29T00:32:46Z",
"date_modified": "2025-08-29T00:33:09Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": "
Br\u00e8ve amorce scientifique<\/h3>\n
Des \u00e9quipes de chercheurs ont r\u00e9cemment r\u00e9ussi \u00e0 « d\u00e9rouler » virtuellement des rouleaux carbonis\u00e9s d\u2019Herculanum, enfouis lors de l\u2019\u00e9ruption du V\u00e9suve en 79\u202fap.\u202fJ.\u2011C. Gr\u00e2ce \u00e0 des images 3D par rayons\u202fX, au synchrotron Diamond Light Source ou aux techniques de tomographie \u00e0 contraste de phase, et \u00e0 l\u2019aide d\u2019IA issues du Vesuvius Challenge, ils ont pu identifier des fragments de textes grecs — quelques mots comme \u03b4\u03b9\u03b1\u03c4\u03c1\u03bf\u03c0\u03ae (d\u00e9go\u00fbt) ou \u03c6\u03bf\u03b2 (peur), et identifier l\u2019auteur probable, le philosophe \u00c9picurien Philod\u00e8me. Ces avanc\u00e9es scientifiques et technologiques ouvrent un acc\u00e8s in\u00e9dit au contenu des quelque 800 rouleaux de la biblioth\u00e8que de la Villa dei Papyri <\/p>\n
.<\/p>\n
Graine succincte<\/h3>\n
Une IA contemporaine d\u00e9chiffre des mots emprisonn\u00e9s dans des rouleaux carbonis\u00e9s. Mais les mots ne disent pas seulement une philosophie ancienne : ils parlent d\u2019un verbe ant\u00e9rieur, oubli\u00e9, et r\u00e9veillent une parole qui ne devrait jamais \u00eatre entendue.<\/p>\n
Synopsis d\u00e9taill\u00e9 (6 points)<\/h3>\n
Technologie<\/strong> \u2013 Le narrateur, chercheur, consulte les scans CT obtenus au synchrotron de Harwell et utilise les outils du Vesuvius Challenge pour extraire du texte — spectrogrammes X\u2011ray, segmentation voxel, apprentissage profond (machine learning) <\/p>\n.<\/p>\n
Premiers d\u00e9chiffrages<\/strong> \u2013 Des mots grecs \u00e9mergent\u202f : \u03b4\u03b9\u03b1\u03c4\u03c1\u03bf\u03c0\u03ae (d\u00e9go\u00fbt), \u03c6\u03bf\u03b2 (peur), \u03b2\u03af\u03bf\u03c5 (vie) — philosophiques, peut-\u00eatre anecdotiques, mais issus d\u2019un pass\u00e9 silencieux <\/p>\n.<\/p>\n
Anomalie lumineuse<\/strong> \u2013 Une nuit, le scanning r\u00e9v\u00e8le une s\u00e9quence \u00e9trange, hors phras\u00e9 habituel, comme un fragment hors contexte : « LE VERBE EXISTAIT AVANT NOUS ». L\u2019IA l\u2019affiche, immobile et blanc sur noir.<\/p>\nD\u00e9rive du sens \u2013 Incapable de traduire ce fragment, le narrateur d\u00e9couvre qu\u2019il contient des mots absents du grec connu, des symboles inclassables. L\u2019algorithme tente des correspondances, cr\u00e9e des fragments typographiques hallucin\u00e9s.<\/p>\n
Contagion textuelle<\/strong> \u2013 Le narrateur les voit appara\u00eetre ailleurs : motifs grav\u00e9s dans la pierre des ruines, signes incertains dans les craquelures du sourd ciel de Naples, traces d\u2019encre dans son carnet qu\u2019il ne se souvient pas d\u2019avoir \u00e9crites.<\/p>\nConclusion ouverte<\/strong> \u2013 Il note : « Nous avons r\u00e9veill\u00e9 un verbe. » Puis propose, en italique : « Mais je ne suis plus certain qu\u2019il fut humain. »<\/p>\n brouillon<\/strong> <\/p>\nLa salle \u00e9tait tenue dans une p\u00e9nombre contr\u00f4l\u00e9e. Les rouleaux d\u2019Herculanum, fragiles comme du charbon compress\u00e9, \u00e9taient d\u00e9pos\u00e9s un \u00e0 un dans un berceau de mousse, puis gliss\u00e9s sous le faisceau du synchrotron. \u00c0 travers la vitre blind\u00e9e, on voyait l\u2019arceau de lumi\u00e8re tracer ses spirales invisibles, bombardant le cylindre noirci de rayons X. Sur l\u2019\u00e9cran, des volumes gris se composaient en couches, chaque voxel r\u00e9v\u00e9lant une fibre carbonis\u00e9e de papyrus.<\/p>\n
J\u2019assistais \u00e0 la routine des chercheurs. L\u2019un ajustait le contraste, un autre corrigeait les artefacts li\u00e9s au bruit de la machine. Le logiciel reconstituait lentement les spires du rouleau, section apr\u00e8s section. Dans ce maillage granuleux, l\u2019algorithme de segmentation cherchait \u00e0 isoler des lignes d\u2019encre. Les premiers r\u00e9sultats s\u2019affichaient d\u00e9j\u00e0 : bribes de grec ancien, syllabes dispers\u00e9es — \u03b2\u03af\u03bf\u03c5 (vie), \u03c6\u03bf\u03b2 (peur).<\/p>\n
Ce n\u2019\u00e9tait pas encore un texte, juste des \u00e9clats. Pourtant, il y eut une s\u00e9quence qui immobilisa toute la cabine. Une suite de signes parfaitement lisibles, plus nets que tout ce que nous avions vu jusque-l\u00e0, surgit dans la trame : quatre mots, espac\u00e9s avec une r\u00e9gularit\u00e9 m\u00e9canique. Le programme tenta d\u2019abord une correspondance avec le lexique classique, \u00e9choua, puis proposa une traduction approximative : « La fin sera toujours la m\u00eame , nous la vivons avant vous<\/em> »<\/p>\nPersonne ne dit rien. Les spectrogrammes continuaient de d\u00e9filer, mais l\u2019\u00e9cran principal resta fig\u00e9 sur cette ligne. J\u2019eus le sentiment qu\u2019il ne s\u2019agissait pas d\u2019un fragment ancien, mais d\u2019un message transmis \u00e0 travers les si\u00e8cles, maintenu intact par le feu, et r\u00e9v\u00e9l\u00e9 seulement maintenant, au moment exact o\u00f9 une machine pouvait l\u2019exprimer.<\/p>\n
\n** am\u00e9lioration du synopsis **\n1. Le premier fragment (Herculanum)\nDans la salle du synchrotron, le rouleau carbonis\u00e9 livre la phrase : « La fin sera toujours la m\u00eame, nous la vivons avant vous. » Le narrateur est saisi par l\u2019\u00e9tranget\u00e9 temporelle du message.<\/p>\n
\n- La r\u00e9p\u00e9tition \u00e9trusque<\/li>\n<\/ol>\n
Cherchant des parall\u00e8les, le narrateur explore d\u2019autres projets o\u00f9 l\u2019IA a \u00e9t\u00e9 utilis\u00e9e : d\u00e9cryptage de tablettes \u00e9trusques fragmentaires. L\u00e0 encore, au milieu d\u2019un texte fun\u00e9raire, appara\u00eet une s\u00e9quence improbable — mal traduite mais reconnaissable — la m\u00eame structure de phrase, \u00e0 peine alt\u00e9r\u00e9e.<\/p>\n
\n- La d\u00e9rive chinoise<\/li>\n<\/ol>\n
Dans des manuscrits chinois tr\u00e8s anciens, scann\u00e9s par rayons infrarouges, l\u2019IA propose une traduction provisoire. Parmi des maximes confuc\u00e9ennes, surgit une formule semblable : « Ce que nous finissons, vous finirez aussi. » Les chercheurs y voient un artefact de l\u2019algorithme. Mais le narrateur n\u2019y croit pas.<\/p>\n
\n- La convergence<\/li>\n<\/ol>\n
Il croise d\u2019autres projets : fragments en sanskrit, inscriptions mayas, runes nordiques. Toujours la m\u00eame sentence, avec des variantes. L\u2019impression d\u2019une phrase universelle, dissimul\u00e9e dans toutes les langues mortes, que seule l\u2019IA peut exhumer.<\/p>\n
\n- La contamination<\/li>\n<\/ol>\n
Le narrateur note ces phrases dans son carnet. Mais il se rend compte qu\u2019il n\u2019\u00e9crit plus en fran\u00e7ais : ses notes s\u2019infiltrent de signes \u00e9trusques, grecs, chinois, comme si le langage entier s\u2019effritait sous cette parole. Ultime constat : la phrase surgit d\u00e9sormais dans ses r\u00eaves, trac\u00e9e sur les murs, chuchot\u00e9e dans les canalisations. Il comprend que ce n\u2019est pas une traduction : c\u2019est une transmission.<\/p>\n
Mots-cl\u00e9s : synopsis + fantastique, parchemin, IA, Herculanum<\/p>",
"content_text": " ### Br\u00e8ve amorce scientifique Des \u00e9quipes de chercheurs ont r\u00e9cemment r\u00e9ussi \u00e0 \u00ab d\u00e9rouler \u00bb virtuellement des rouleaux carbonis\u00e9s d\u2019Herculanum, enfouis lors de l\u2019\u00e9ruption du V\u00e9suve en 79 ap. J.\u2011C. Gr\u00e2ce \u00e0 des images 3D par rayons X, au synchrotron Diamond Light Source ou aux techniques de tomographie \u00e0 contraste de phase, et \u00e0 l\u2019aide d\u2019IA issues du Vesuvius Challenge, ils ont pu identifier des fragments de textes grecs \u2014 quelques mots comme \u03b4\u03b9\u03b1\u03c4\u03c1\u03bf\u03c0\u03ae (d\u00e9go\u00fbt) ou \u03c6\u03bf\u03b2 (peur), et identifier l\u2019auteur probable, le philosophe \u00c9picurien Philod\u00e8me. Ces avanc\u00e9es scientifiques et technologiques ouvrent un acc\u00e8s in\u00e9dit au contenu des quelque 800 rouleaux de la biblioth\u00e8que de la Villa dei Papyri . ### Graine succincte Une IA contemporaine d\u00e9chiffre des mots emprisonn\u00e9s dans des rouleaux carbonis\u00e9s. Mais les mots ne disent pas seulement une philosophie ancienne : ils parlent d\u2019un verbe ant\u00e9rieur, oubli\u00e9, et r\u00e9veillent une parole qui ne devrait jamais \u00eatre entendue. ### Synopsis d\u00e9taill\u00e9 (6 points) **Technologie** \u2013 Le narrateur, chercheur, consulte les scans CT obtenus au synchrotron de Harwell et utilise les outils du Vesuvius Challenge pour extraire du texte \u2014 spectrogrammes X\u2011ray, segmentation voxel, apprentissage profond (machine learning) . **Premiers d\u00e9chiffrages** \u2013 Des mots grecs \u00e9mergent : \u03b4\u03b9\u03b1\u03c4\u03c1\u03bf\u03c0\u03ae (d\u00e9go\u00fbt), \u03c6\u03bf\u03b2 (peur), \u03b2\u03af\u03bf\u03c5 (vie) \u2014 philosophiques, peut-\u00eatre anecdotiques, mais issus d\u2019un pass\u00e9 silencieux . **Anomalie lumineuse** \u2013 Une nuit, le scanning r\u00e9v\u00e8le une s\u00e9quence \u00e9trange, hors phras\u00e9 habituel, comme un fragment hors contexte : \u00ab LE VERBE EXISTAIT AVANT NOUS \u00bb. L\u2019IA l\u2019affiche, immobile et blanc sur noir. D\u00e9rive du sens \u2013 Incapable de traduire ce fragment, le narrateur d\u00e9couvre qu\u2019il contient des mots absents du grec connu, des symboles inclassables. L\u2019algorithme tente des correspondances, cr\u00e9e des fragments typographiques hallucin\u00e9s. **Contagion textuelle** \u2013 Le narrateur les voit appara\u00eetre ailleurs : motifs grav\u00e9s dans la pierre des ruines, signes incertains dans les craquelures du sourd ciel de Naples, traces d\u2019encre dans son carnet qu\u2019il ne se souvient pas d\u2019avoir \u00e9crites. **Conclusion ouverte** \u2013 Il note : \u00ab Nous avons r\u00e9veill\u00e9 un verbe. \u00bb Puis propose, en italique : \u00ab Mais je ne suis plus certain qu\u2019il fut humain. \u00bb ** brouillon** La salle \u00e9tait tenue dans une p\u00e9nombre contr\u00f4l\u00e9e. Les rouleaux d\u2019Herculanum, fragiles comme du charbon compress\u00e9, \u00e9taient d\u00e9pos\u00e9s un \u00e0 un dans un berceau de mousse, puis gliss\u00e9s sous le faisceau du synchrotron. \u00c0 travers la vitre blind\u00e9e, on voyait l\u2019arceau de lumi\u00e8re tracer ses spirales invisibles, bombardant le cylindre noirci de rayons X. Sur l\u2019\u00e9cran, des volumes gris se composaient en couches, chaque voxel r\u00e9v\u00e9lant une fibre carbonis\u00e9e de papyrus. J\u2019assistais \u00e0 la routine des chercheurs. L\u2019un ajustait le contraste, un autre corrigeait les artefacts li\u00e9s au bruit de la machine. Le logiciel reconstituait lentement les spires du rouleau, section apr\u00e8s section. Dans ce maillage granuleux, l\u2019algorithme de segmentation cherchait \u00e0 isoler des lignes d\u2019encre. Les premiers r\u00e9sultats s\u2019affichaient d\u00e9j\u00e0 : bribes de grec ancien, syllabes dispers\u00e9es \u2014 \u03b2\u03af\u03bf\u03c5 (vie), \u03c6\u03bf\u03b2 (peur). Ce n\u2019\u00e9tait pas encore un texte, juste des \u00e9clats. Pourtant, il y eut une s\u00e9quence qui immobilisa toute la cabine. Une suite de signes parfaitement lisibles, plus nets que tout ce que nous avions vu jusque-l\u00e0, surgit dans la trame : quatre mots, espac\u00e9s avec une r\u00e9gularit\u00e9 m\u00e9canique. Le programme tenta d\u2019abord une correspondance avec le lexique classique, \u00e9choua, puis proposa une traduction approximative : \u00ab *La fin sera toujours la m\u00eame , nous la vivons avant vous* \u00bb Personne ne dit rien. Les spectrogrammes continuaient de d\u00e9filer, mais l\u2019\u00e9cran principal resta fig\u00e9 sur cette ligne. J\u2019eus le sentiment qu\u2019il ne s\u2019agissait pas d\u2019un fragment ancien, mais d\u2019un message transmis \u00e0 travers les si\u00e8cles, maintenu intact par le feu, et r\u00e9v\u00e9l\u00e9 seulement maintenant, au moment exact o\u00f9 une machine pouvait l\u2019exprimer. ** am\u00e9lioration du synopsis ** 1. Le premier fragment (Herculanum) Dans la salle du synchrotron, le rouleau carbonis\u00e9 livre la phrase : \u00ab La fin sera toujours la m\u00eame, nous la vivons avant vous. \u00bb Le narrateur est saisi par l\u2019\u00e9tranget\u00e9 temporelle du message. 2. La r\u00e9p\u00e9tition \u00e9trusque Cherchant des parall\u00e8les, le narrateur explore d\u2019autres projets o\u00f9 l\u2019IA a \u00e9t\u00e9 utilis\u00e9e : d\u00e9cryptage de tablettes \u00e9trusques fragmentaires. L\u00e0 encore, au milieu d\u2019un texte fun\u00e9raire, appara\u00eet une s\u00e9quence improbable \u2014 mal traduite mais reconnaissable \u2014 la m\u00eame structure de phrase, \u00e0 peine alt\u00e9r\u00e9e. 3. La d\u00e9rive chinoise Dans des manuscrits chinois tr\u00e8s anciens, scann\u00e9s par rayons infrarouges, l\u2019IA propose une traduction provisoire. Parmi des maximes confuc\u00e9ennes, surgit une formule semblable : \u00ab Ce que nous finissons, vous finirez aussi. \u00bb Les chercheurs y voient un artefact de l\u2019algorithme. Mais le narrateur n\u2019y croit pas. 4. La convergence Il croise d\u2019autres projets : fragments en sanskrit, inscriptions mayas, runes nordiques. Toujours la m\u00eame sentence, avec des variantes. L\u2019impression d\u2019une phrase universelle, dissimul\u00e9e dans toutes les langues mortes, que seule l\u2019IA peut exhumer. 5. La contamination Le narrateur note ces phrases dans son carnet. Mais il se rend compte qu\u2019il n\u2019\u00e9crit plus en fran\u00e7ais : ses notes s\u2019infiltrent de signes \u00e9trusques, grecs, chinois, comme si le langage entier s\u2019effritait sous cette parole. Ultime constat : la phrase surgit d\u00e9sormais dans ses r\u00eaves, trac\u00e9e sur les murs, chuchot\u00e9e dans les canalisations. Il comprend que ce n\u2019est pas une traduction : c\u2019est une transmission. Mots-cl\u00e9s : synopsis + fantastique, parchemin, IA, Herculanum ",
"image": "",
"tags": ["synopsis"]
}
,{
"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/les-codas.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/les-codas.html",
"title": "Les Codas",
"date_published": "2025-08-29T00:09:31Z",
"date_modified": "2025-08-29T08:26:32Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": "
Point de d\u00e9part<\/strong> : des recherches concr\u00e8tes, tr\u00e8s s\u00e9rieuses, sont en cours pour tenter de d\u00e9crypter le langage des baleines \u00e0 l\u2019aide de l\u2019intelligence artificielle<\/p>\n\u00c9tat actuel de la recherche<\/h3>\n
Project CETI (Cetacean Translation Initiative), fond\u00e9 par David Gruber, cherche \u00e0 comprendre la communication des cachalots \u00e0 l\u2019aide de l\u2019IA. L\u2019\u00e9quipe recueille depuis plusieurs ann\u00e9es des codas (s\u00e9quences de clics) au large de la Dominique. Les chercheurs ont d\u2019ores et d\u00e9j\u00e0 isol\u00e9 jusqu\u2019\u00e0 156 codas distinctes, qu\u2019ils consid\u00e8rent comme un alphabet phon\u00e9tique potentiel pour ces c\u00e9tac\u00e9s\u202f\nCes codas, combin\u00e9es selon rythme, tempo et micro\u2011variations, semblent porter un syst\u00e8me de communication structur\u00e9 — une forme de dualit\u00e9 de patterning, comparable \u00e0 celui du langage humain\u202f\nDes exp\u00e9riences comme whale\u2011SETI ont m\u00eame permis une interaction entre humain\u00b7e\u00b7s et baleines \u00e0 bosse via un \u00e9change acoustique intentionnel de type « \u202fcall-and-response\u202f »\u202f\nD\u2019autres initiatives, telles que l\u2019Earth Species Project, visent plus largement \u00e0 d\u00e9coder plusieurs esp\u00e8ces — pas seulement les c\u00e9tac\u00e9s — en utilisant des mod\u00e8les d’IA pour explorer la communication animale dans toute sa diversit\u00e9\u202f\nMalgr\u00e9 ces avanc\u00e9es, les chercheurs insistent sur les limites : pour vraiment « \u202fcomprendre\u202f », il ne suffit pas de traduire des sons, il faut aussi saisir la perception sensorielle unique (l\u2019Umwelt) de l\u2019animal\u202f<\/p>\n
\n\n\n| Projet<\/th>\n | Objectif principal<\/th>\n<\/tr>\n<\/thead>\n |
\n\nCETI<\/strong><\/td>\n| Cartographier et d\u00e9coder les codas des cachalots, cr\u00e9er un alphabet phon\u00e9tique<\/td>\n<\/tr>\n | \nwhale-SETI \/ interactions<\/strong><\/td>\n| Tester des \u00e9changes directs avec les c\u00e9tac\u00e9s via IA<\/td>\n<\/tr>\n | \nEarth Species Project<\/strong><\/td>\n| Extendre l\u2019\u00e9tude aux langages d’autres esp\u00e8ces, construire des mod\u00e8les audio-IA<\/td>\n<\/tr>\n | \nLimites scientifiques<\/strong><\/td>\nComprendre l\u2019Umwelt et les perceptions animales, au-del\u00e0 du simple d\u00e9codage sonore<\/td>\n<\/tr>\n<\/tbody>\n<\/table>\nInspiration litt\u00e9raire<\/h3>\nGraine succincte<\/strong> : Une IA contemporaine apprend le langage des baleines, mais plus elle traduit, plus les chants marins semblent habit\u00e9s par une pr\u00e9sence \u00e9trang\u00e8re, plus ancienne que l\u2019humanit\u00e9<\/p>\nsynopsis d\u00e9taill\u00e9<\/h3>\nSynopsis d\u00e9taill\u00e9 (6 points) :<\/p>\n Le narrateur collabore avec des chercheurs sur un projet d\u2019IA pour d\u00e9coder les codas.<\/p>\n Les premi\u00e8res traductions semblent techniques, factuelles.<\/p>\n Une nuit, un message plus personnel — comme une pri\u00e8re oraculaire — \u00e9merge dans les codas.<\/p>\n L\u2019IA se met \u00e0 pr\u00e9dire les r\u00e9ponses des baleines, et la ligne entre traduction et possession devient floue.<\/p>\n Le monde marin semble murmurer en une seule voix ancienne, engloutissant la langue humaine.<\/p>\n Le narrateur finit par se demander s\u2019il ne parle plus \u00e0 l\u2019IA, mais \u00e0 la mer elle-m\u00eame.<\/p>\n En l’\u00e9tat c’est plus po\u00e9tique que fantastique. Pour basculer vers le fantastique\/horreur il faut creuser trois points : \n1- L\u2019\u00e9chelle : les baleines sont d\u00e9j\u00e0 immenses, mais si leurs chants r\u00e9v\u00e8lent un langage, ce langage peut \u00eatre le masque d\u2019une intelligence oc\u00e9anique beaucoup plus vaste qu\u2019elles. Pas seulement des animaux qui communiquent, mais les \u00e9missaires d\u2019une conscience abysse, ant\u00e9rieure \u00e0 l\u2019humanit\u00e9.<\/p>\n 2- L\u2019alt\u00e9rit\u00e9 absolue : ce langage, une fois traduit par l\u2019IA, n\u2019est pas rassurant. Il n\u2019exprime pas des \u00e9motions « humaines » (joie, d\u00e9tresse) mais des concepts impossibles \u00e0 saisir. Le traducteur d\u00e9couvre des mots qui d\u00e9signent des \u00e9tats mentaux ou cosmiques qui d\u00e9passent l\u2019exp\u00e9rience humaine. L\u2019horreur vient du gouffre s\u00e9mantique.<\/p>\n 3- La contamination : une fois qu\u2019on a commenc\u00e9 \u00e0 comprendre, il est trop tard. Le narrateur se surprend \u00e0 r\u00eaver en ce langage, \u00e0 l\u2019entendre dans le ressac, dans les canalisations, dans ses propres phrases. L\u2019IA ne fait plus que traduire : elle ouvre un canal, au travers duquel la mer parle d\u00e9sormais directement \u00e0 travers elle.<\/p>\n Am\u00e9lioration du synopsis<\/h3>\nPoint de d\u00e9part scientifique\nUn narrateur participe \u00e0 un projet d\u2019IA destin\u00e9 \u00e0 d\u00e9coder les codas des cachalots. Tout est technique, rationnel, presque bureaucratique : enregistrements, spectrogrammes, lignes de code.<\/p>\n Premi\u00e8res traductions<\/p>\n Les premiers r\u00e9sultats sont banals : signaux de reconnaissance, indications de d\u00e9placement, appels group\u00e9s. Rien de surprenant, mais une coh\u00e9rence troublante : comme si un alphabet s\u2019organisait peu \u00e0 peu.<\/p>\n La phrase de trop<\/p>\n Une nuit, l\u2019IA g\u00e9n\u00e8re une suite in\u00e9dite : non plus un signal, mais une phrase qu\u2019on peut traduire par « Il entend » ou « Ils \u00e9coutent ». Personne ne sait d\u2019o\u00f9 vient l\u2019\u00e9chantillon sonore.<\/p>\n La voix unique<\/p>\n Peu \u00e0 peu, l\u2019IA pr\u00e9dit les r\u00e9ponses avant m\u00eame que les baleines ne chantent. Comme si elle devan\u00e7ait la mer elle-m\u00eame. Le narrateur r\u00e9alise que toutes les voix marines ne forment qu\u2019une seule parole, ancienne, continue, ant\u00e9rieure \u00e0 l\u2019homme.<\/p>\n Le gouffre s\u00e9mantique<\/p>\n Les traductions deviennent incompr\u00e9hensibles : des concepts cosmiques, des \u00e9tats mentaux qu\u2019aucun humain ne peut concevoir. L\u2019IA invente de nouveaux signes typographiques pour tenter de les restituer. Le narrateur r\u00eave en ces symboles, les entend dans les canalisations, dans son propre souffle.<\/p>\n Contamination finale<\/p>\n Un soir, il pose une question banale \u00e0 l\u2019IA. La r\u00e9ponse vient en codas, puis en fran\u00e7ais, puis dans une voix qui n\u2019est plus m\u00e9canique : une voix profonde, liquide, interminable. Il comprend que ce n\u2019est plus l\u2019IA qui traduit, ni m\u00eame les baleines qui chantent — c\u2019est la mer elle-m\u00eame qui parle d\u00e9sormais \u00e0 travers lui.<\/p>\n R\u00e9f\u00e9rences scientifiques et concr\u00e8tes<\/h3>\nLieu<\/strong> : Dominique, Cara\u00efbes — zone o\u00f9 Project CETI enregistre vraiment les cachalots. D\u00e9crire le port de Roseau, la chaleur humide, la coque du bateau qui craque la nuit.<\/p>\n | | | | |