{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-mars-2021.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-mars-2021.html", "title": "20 mars 2021", "date_published": "2024-10-28T20:12:02Z", "date_modified": "2025-10-26T05:18:03Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Elle se r\u00e9sume \u00e0 une \u00e9cume, quelques syllabes, une ou deux plumes.
\nEt toujours elle ressurgit, et ce n\u2019est pas grand-chose ; un rien recr\u00e9e le dialogue, l\u2019analogie
\nn\u00e9e d\u2019un instant suspendu, du carrefour du regard. Elle est lune traversant les nu\u00e9es, les rancunes
\nde toutes les patientes r\u00e9coltes, souvenirs d\u2019avare, le fleuron du catalogue, la nostalgie,
\nhi\u00e9roglyphe cher \u00e0 l\u2019\u00e9gyptologue peinard, bien plus pr\u00e9cieux que la moindre thune.
\n\u00c9chapper \u00e0 l\u2019enfance des yeux, ce serait fuir ton beau visage, l\u2019\u00e9ternit\u00e9, les chronologies.
\nC\u2019est pour cela sans doute qu\u2019existent les rondeurs, la brutalit\u00e9, la douceur,
\nl\u2019exploration spatiale, sans oublier les mineurs, les forgerons, les sp\u00e9l\u00e9ologues,
\nqui vont chercher dans un ailleurs la tendresse premi\u00e8re, l\u2019\u00e9blouissement du c\u0153ur.
\nTous ces errements, cet acharnement, ce naufrage oblig\u00e9 dans le monologue.
\nM\u00eame les plus grandes gueules, les brutes, se font tatouer cette putain d\u2019amertume,
\nqu\u2019enferment ces deux sons doubles qu\u2019on sonne, l\u2019horreur et la splendeur du mot « maman ».<\/p>",
"content_text": "Elle se r\u00e9sume \u00e0 une \u00e9cume, quelques syllabes, une ou deux plumes. Et toujours elle ressurgit, et ce n\u2019est pas grand-chose ; un rien recr\u00e9e le dialogue, l\u2019analogie n\u00e9e d\u2019un instant suspendu, du carrefour du regard. Elle est lune traversant les nu\u00e9es, les rancunes de toutes les patientes r\u00e9coltes, souvenirs d\u2019avare, le fleuron du catalogue, la nostalgie, hi\u00e9roglyphe cher \u00e0 l\u2019\u00e9gyptologue peinard, bien plus pr\u00e9cieux que la moindre thune. \u00c9chapper \u00e0 l\u2019enfance des yeux, ce serait fuir ton beau visage, l\u2019\u00e9ternit\u00e9, les chronologies. C\u2019est pour cela sans doute qu\u2019existent les rondeurs, la brutalit\u00e9, la douceur, l\u2019exploration spatiale, sans oublier les mineurs, les forgerons, les sp\u00e9l\u00e9ologues, qui vont chercher dans un ailleurs la tendresse premi\u00e8re, l\u2019\u00e9blouissement du c\u0153ur. Tous ces errements, cet acharnement, ce naufrage oblig\u00e9 dans le monologue. M\u00eame les plus grandes gueules, les brutes, se font tatouer cette putain d\u2019amertume, qu\u2019enferment ces deux sons doubles qu\u2019on sonne, l\u2019horreur et la splendeur du mot \u00ab maman \u00bb.",
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"title": "Les d\u00e9sirs",
"date_published": "2021-03-27T07:06:43Z",
"date_modified": "2025-11-14T16:07:48Z",
"author": {"name": "Auteur"},
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Harry d\u00e9sormais partageait la pause repas avec ses coreligionnaires. Et bien que ce fut pour lui une v\u00e9ritable torture, le d\u00e9sir de se rapprocher de la petite rousse, Sophie, l’emporta. Une fois de plus constatait- il, il se retrouvait confront\u00e9 \u00e0 ses contradictions sans savoir vraiment comment s’en d\u00e9p\u00eatrer.<\/p>\n
C’est l’animateur du stage, Christian, qui lui donnera les clefs l’apr\u00e8s-midi m\u00eame en invoquant la notion de d\u00e9sir conscient et inconscient.<\/p>\n
Un exemple ?<\/p>\n
Beaucoup de personnes recherchent la gloire, la c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 ( d\u00e9sir conscient) mais dans le fond ils sont agoraphobes, ils d\u00e9testent la foule, parfois m\u00eame l’ensemble de leurs contemporains, et parmi eux nul doute que certaines ou certains pr\u00e9f\u00e8reraient qu’une bombe atomique ait tout d\u00e9vast\u00e9 de l’humanit\u00e9. Imaginer un peu ...se retrouver enfin seul et peinard pour tranquillement se rendre dans ce qui reste de supermarch\u00e9, de boutiques de luxe, sans plus avoir \u00e0 passer \u00e0 la caisse. ( d\u00e9sir inconscient)<\/p>\n
Je vous laisse m\u00e9diter cela quelques instants ajouta t’il en croisant les bras puis les d\u00e9croisant pour finir par ne plus se concentrer visiblement que sur les ongles de sa main gauche.<\/p>\n
Tout cela pour parler de la congruence \u00e9videmment. C’est \u00e0 dire cet effort d’honn\u00eatet\u00e9 vis \u00e0 vis de soi-m\u00eame, qui alignerait nos valeurs avec nos actes et nos pens\u00e9es.<\/p>\n
Un sujet \u00e9minemment passionnant qui n’emp\u00eacha nullement Harry de bailler discr\u00e8tement une bonne dizaine de fois et de se sentir soulag\u00e9 lorsqu’enfin l’animateur les lib\u00e9ra en fin de journ\u00e9e.<\/p>\n
Finalement pourquoi s’\u00e9tait-il inscrit \u00e0 ce stage ? pourquoi s’int\u00e9resser au d\u00e9veloppement personnel ? Il alluma le contact de la Twingo et en roulant au pas pour sortir du parking , il se senti encore plus soulag\u00e9 d’avoir d\u00e9couvert un sujet de r\u00e9flexion pour le chemin du retour.<\/p>\n
Admettons que je veuille apprendre quoique ce soit dans ce domaine, je pourrais invoquer l’envie de me sortir de ma timidit\u00e9 chronique par exemple, est ce vraiment la raison principale ou bien y a t’il d’autres raisons plus profondes que je ne m’avoue pas ? Puis ses pens\u00e9es d\u00e9riv\u00e8rent \u00e0 nouveau vers la plastique de Sophie et notamment sur la commissure de ses l\u00e8vres qu’il avaient longuement observ\u00e9e durant le d\u00e9jeuner.<\/p>\n
La fa\u00e7on dont les gens utilisent leurs bouches pour se nourrir avait toujours \u00e9t\u00e9 un indice important pour Harry. Il s’en rendait compte soudain. C’\u00e9tait tout \u00e0 fait le genre de choses \u00e0 retenir et \u00e0 noter sur son journal de bord aussit\u00f4t qu’il serait de retour chez lui.<\/p>\n
Enfin ses pens\u00e9es d\u00e9riv\u00e8rent encore plus avant vers la texture laiteuse de la peau de Sophie, vers le lobe de l’oreille qui avait \u00e9galement accapar\u00e9 une bonne partie de son attention au cours de cette journ\u00e9e de stage. Et enfin \u00e9videmment tout le reste fut pass\u00e9 au crible durant le reste du trajet.<\/p>\n
En gravissant les sept \u00e9tages qui le conduisaient \u00e0 son appartement, il fut assailli par des images \u00e9rotiques, voire pornographiques. Le d\u00e9sespoir accompagnait le petit film qu’il se faisait. Et si dans le fond il s’\u00e9tait juste inscrit \u00e0 ce stage pour rencontrer des femmes dans un cadre extraordinaire afin de laisser libre cours \u00e0 sa libido d\u00e9vast\u00e9e ?<\/p>\n
C’est sur cette derni\u00e8re trouvaille qu’il d\u00e9cida de s’endormir. Un sommeil agit\u00e9 naturellement ponctu\u00e9 de g\u00e9missements et d’encouragements qu’une g\u00e9ante rousse \u00e0 la peau laiteuse \u00e9mettait en ondulant de tout son long.<\/p>\n
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Jim se curait le nez depuis quelques minutes lorsqu’il entendit le passage des camions poubelles tout en bas de l’immeuble. Il regarda les sacs poubelle qui s’accumulaient depuis quelques temps pr\u00e8s du coin cuisine de sa piaule et d\u00e9cida que c’\u00e9tait maintenant ou jamais. A Paris il n’\u00e9tait pas rare que l’on d\u00e9couvre des cadavres en raison des plaintes des voisins quant aux odeurs.<\/p>\n
L’id\u00e9e que l’on vienne frapper \u00e0 sa porte pour voir s’il \u00e9tait mort l’effraya d’un coup et il bondit hors de sa chaise, s’empara des sacs plastique, puis sortit de la chambre , descendit les escaliers quatre \u00e0 quatre pour rejoindre la rue. Le camion arrivait juste \u00e0 sa hauteur et il balan\u00e7a les sacs directement dans la benne.<\/p>\n
Il serait remont\u00e9 aussit\u00f4t si ce n’avait \u00e9t\u00e9 une si belle journ\u00e9e qui s’annon\u00e7ait . Il se d\u00e9cida \u00e0 pousser jusqu’\u00e0 la rue Custine pour prendre un caf\u00e9. Les platanes avaient recouvr\u00e9 leurs feuillages, il y avait dans l’air une odeur d’essence et de pralines grill\u00e9es. Jim respira \u00e0 plein poumons et se dit que c’\u00e9tait vraiment ce genre de sensation qui importait pour lui. Se sentir libre, seul et libre et gouter de tout son saoul \u00e0 cette libert\u00e9 comme \u00e0 cette solitude dans cette rue particuli\u00e8re sur laquelle il avait jet\u00e9 son d\u00e9volu quelques semaines plus t\u00f4t.<\/p>\n
Les bistrots qui sortaient leurs terrasses, l’eau \u00e9tincelante filant dans les caniveaux, un ciel bleu au dessus des fa\u00e7ades et des toits des immeubles, une luminosit\u00e9 particuli\u00e8re accompagnaient les odeurs de la rue, tout paraissait converger exactement vers le centre n\u00e9vralgique de son r\u00eave, ce personnage d’\u00e9crivain qu’il avait peu \u00e0 peu construit gr\u00e2ce \u00e0 John Fante, Henri Miller, Bukowski, Stendhal et Dosto\u00efevski.<\/p>\n
Pour r\u00eaver des choses extraordinaires il s’\u00e9tait cr\u00e9e une existence pire qu’ordinaire, que n’importe qui d’autre que lui aurait pu consid\u00e9rer mis\u00e9rable. En remuant son caf\u00e9 il se demanda pourquoi il mettait autant d’acharnement \u00e0 refuser de vivre comme tout le monde et il vit passer soudain une ombre sur la fa\u00e7ade d’en face, un nuage qui obscurcissait le ciel soudainement. Il jeta un coup d’\u0153il \u00e0 sa montre, laissa la monnaie sur le ticket de caisse pour clouer celui ci en cas de coup de vent, puis il regagna l’h\u00f4tel, monta les escaliers sans h\u00e2te et referma la porte doucement derri\u00e8re lui pour ne pas faire de bruit. Quelque chose s’\u00e9tait mis en travers de son enthousiasme et il fallait qu’il noircisse un bon paquet de feuilles afin de tenter d’en avoir le c\u0153ur net.<\/p>\n
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Eva Klepper n’avait envie de rien. Elle avait laiss\u00e9 un message quelques minutes plus t\u00f4t sur le r\u00e9pondeur de la boite pour se porter p\u00e2le. Cela n’avait pas du tout \u00e9t\u00e9 pr\u00e9m\u00e9dit\u00e9, elle avait d\u00e9croch\u00e9 l’appareil comme elle avait mis en route la cafeti\u00e8re. Et le plus \u00e9tonnant c’est qu’elle n’\u00e9prouvait aucune honte, aucune culpabilit\u00e9 particuli\u00e8re. Elle avait bien le droit de prendre une journ\u00e9e apr\u00e8s tout, \u00e9tait-t ’elle si essentielle que cela ? Les gens indispensables peuplent les cimeti\u00e8res, c’\u00e9tait cette derni\u00e8re pens\u00e9e qui l’avait aid\u00e9e \u00e0 formuler le message laconique sur le r\u00e9pondeur de la boite.<\/p>\n
L’appartement \u00e9tait d’une propret\u00e9 chirurgicale. Elle ne s’\u00e9tait pas m\u00e9nag\u00e9e la veille jusque tard dans la soir\u00e9e pour tout briquer, tout effacer, la moindre trace qui pourrait lui rappeler Bob le mollusque qu’elle venait tout juste d’\u00e9jecter.<\/p>\n
A un moment elle regarda le canap\u00e9, \u00e9prouva une l\u00e9g\u00e8re crainte comme les petites filles qui jouent \u00e0 se faire peur toutes seules, puis voyant celui ci d\u00e9sert elle en \u00e9prouva une joie soudaine. Un peu exag\u00e9r\u00e9e sans doute se dit-elle.<\/p>\n
Elle se dirigea vers le canap\u00e9 et s’assit. Elle n’aurait pu dire ce qui clochait vraiment. Par la fen\u00eatre la lumi\u00e8re du printemps p\u00e9n\u00e9trait \u00e0 flot, elle gagnait bien sa vie, elle \u00e9tait encore potable physiquement, sans trop de douleur articulaire \u00e0 50 ans pass\u00e9s ce qui n’est pas n\u00e9gligeable, et elle venait de flanquer dehors une ambigu\u00eft\u00e9 qui la taraudait depuis des semaines. Un homme enfant qui n’avait eu de cesse de lui renvoyer d’elle m\u00eame l’image d’une maman un peu pute.<\/p>\n
Eva n’avait jamais voulu avoir d’enfant. Seul sa carri\u00e8re comptait du moins c’est ce qu’elle s’\u00e9tait toujours efforc\u00e9 de croire. Cela lui avait permis d’\u00e9vacuer bon nombre de questions en suspens et qui d\u00e9sormais avec le retour du printemps cette ann\u00e9e l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment revenaient \u00e0 la charge.<\/p>\n
Finalement elle n’\u00e9tait pas bien loin de c\u00e9der \u00e0 une vision d\u00e9risoire de sa vie qui a premi\u00e8re vue ne lui renvoyait que son \u00e9go\u00efsme.<\/p>\n
Bon ce n’est vraiment pas le moment de se laisser aller se dit elle en sautant sur ses jambes. Te laisse pas abattre ma vieille, elle se rendit \u00e0 la salle de bain, se refit une beaut\u00e9, ce qui n’\u00e9tait pas si difficile qu’elle l’aurait cru quelques minutes auparavant, puis elle enfila un jean, des tennis et acheva de compl\u00e9ter sa tenue sport avec un sweet.<\/p>\n
Sport et jeune, abordable quoi.. elle esquissa un sourire face au miroir de l’entr\u00e9e, puis elle sortit de chez elle avec la ferme intention de se remettre en chasse malgr\u00e9 tous les signaux cardiaques qu’elle se h\u00e2ta de balayer en refermant la porte de l’ascenseur.<\/p>\n
Enfin parvenu sur le trottoir de la rue Custine o\u00f9 elle vivait, elle \u00e9tait redevenue cette guerri\u00e8re, cette amazone pr\u00eate \u00e0 lutter contre tous les petits d\u00e9sagr\u00e9ments de l’existence, \u00e0 croquer la vie \u00e0 pleine bouche, en lui roulant une pelle au besoin.<\/p>\n
Emma faisait partie de ces personnes qui se d\u00e9lectent lorsqu’elles propagent de mauvaises nouvelles toujours en qu\u00eate d’une oreille r\u00e9ceptive, ce qui ne manque pas ici aux alentours de la machine \u00e0 caf\u00e9.<\/p>\n Ce matin l\u00e0, apr\u00e8s un bonjour de rigueur et sans plus de pr\u00e9ambule, elle ne pouvait visiblement plus se contenir et d\u00e9versa d’un coup tout ce qui semblait la torturer depuis un sacr\u00e9 bon moment d\u00e9j\u00e0.<\/p>\n Par manque de bol et selon les lois attribu\u00e9es aux effets collat\u00e9raux, j’eus \u00e0 peine le temps de m’esquiver et de rejoindre mon bureau lorsque la nouvelle m’atteignit de plein fouet.<\/p>\n \"Le pr\u00e9sident se tape Grecho j’imagine que vous ne le saviez pas.\"<\/p>\n C’\u00e9tait effectivement une mauvaise nouvelle, le genre de truc qui \u00e9rode petit \u00e0 petit ce sentiment fragile que l’on soutient \u00e0 bout de bras et qui se r\u00e9sume en gros \u00e0 vouloir bien commencer sa journ\u00e9e.<\/p>\n En m\u00eame temps le d\u00e9gout l’emportait sans conteste sur la frustration. J’imaginais ce gros porc de Weiss en train de peloter avec ses petits doigts boudin\u00e9s le corps sculptural de Martine Gr\u00e9cho sur laquelle je ne cache pas avoir eu quelques vues.<\/p>\n La belle brune t\u00e9n\u00e9breuse d\u00e9gringola du petit pi\u00e9destal de mes fantasmes aussi rapidement qu’elle y \u00e9tait parvenue. Ce qui au bout du compte me laissa mi figue mi raisin face \u00e0 ce d\u00e9but de journ\u00e9e morose et \u00e0 la paix soudaine qui nous tombe dessus quand on a perdu une nouvelle illusion, avec toute l’ arm\u00e9e d’engouements et de d\u00e9sirs qui l’accompagne.<\/p>\n Tandis que les oh et les ah entourant comme un essaim d’abeilles et de bourdons Emma la messag\u00e8re, des bribes d’Henri IV \u00e9trangement associ\u00e9es \u00e0 des bouts dialogues de big little lies<\/em> me revinrent inopin\u00e9ment \" Don’t shoot the messenger\" Puis Laura Dern sauta vers David Lynch \u00e0 l’int\u00e9rieur du labyrinthe de ma m\u00e9moire et ils se perdirent je ne sais o\u00f9 lorsque je d\u00e9couvris soudain la pile de dossier en retard que j’avais sur le coin de mon bureau.<\/p>\n J’avais mobilis\u00e9 une partie importante de ce qui me restait d’\u00e9nergie lorsqu’au bout de quelques minutes \u00e0 peine, je refermais le dossier sur lequel je m’effor\u00e7ais de trouver le moindre int\u00e9r\u00eat , une affaire de voisinage au sujet d’une haie intempestive devenue le pr\u00e9texte \u00e0 tous les d\u00e9versements haineux de deux vieilles filles frapp\u00e9es par la fatlit\u00e9 des mitoyennet\u00e9s. Je soulevais un peu le store pour m’accabler un chouia de plus en me rendant compte \u00e0 quel point je g\u00e2chais ma vie et mon talent devant une si magnifique journ\u00e9e lorsque le t\u00e9l\u00e9phone sonna.<\/p>\n C’\u00e9tait Martine Grecho au bout du fil.<\/p>\n Bonjour Paul vous n’oubliez pas la r\u00e9union de 9h30 bien sur et le Pr\u00e9sident aimerait obtenir un point sur les dossiers en cours.<\/p>\n Quelque chose comme \u00e7a bla bla bla . Puis elle raccrocha.<\/p>\n Je consultais ma montre dans l’espoir d’avoir quelques minutes devant moi pour me refaire une contenance car j’avais totalement zapp\u00e9 l’affaire. Je pris ma pile de dossier sous le bras et \u00e0 9h34 j’arrivai dans la grande salle de r\u00e9union comme d’habitude bon dernier.<\/p>\n Le Pr\u00e9sident, lunettes sur le nez, fit semblant de ne pas me voir \u00e9videmment, puis il les releva sur son front et toisa notre petite assembl\u00e9e avec son air hautain et m\u00e9prisant. Comme il inclinait l\u00e9g\u00e8rement la t\u00e8te en arri\u00e8re je m’aper\u00e7us qu’il n’aurait vraiment pas \u00e9t\u00e9 difficile de lui imaginer un groin \u00e0 la place du nez et du coup en attendant qu’il finisse de d\u00e9biter les fadaises hebdomadaires concernant des courbes s’\u00e9pousant s’entrecroisant et divor\u00e7ant je fis semblant de prendre des notes, en esquissant un joli cochon engonc\u00e9 dans un costard \u00e0 rayures et \u00e9trangl\u00e9 par un n\u0153ud pap.<\/p>\n Quand vint mon tour je ne surpris personne en d\u00e9montrant une fois de plus mon talent \u00e0 brasser du vent avec peu de chose, ce qui dans mon esprit caricaturait \u00e0 peine le contenu global de ces putains de r\u00e9unions.<\/p>\n Le Pr\u00e9sident soupira, Martine Grecho install\u00e9e pr\u00e8s de lui en pleine prise de notes croisa les jambes, et j’eus la nette impression que mon inefficacit\u00e9 soulagea \u00e0 ce moment l\u00e0 l’ensemble de mes coll\u00e8gues qui s’en trouv\u00e8rent comme par magie revaloris\u00e9s.<\/p>\n C’\u00e9tait en quelque sorte une resuc\u00e9e hebdo de la trag\u00e9die du Mont des Oliviers dans laquelle j’avais \u00e9t\u00e9 choisi pour incarner le meilleur r\u00f4le. Les doigts boudin\u00e9s du Pr\u00e9sident avaient fini par se rejoindre et ils se frottait les mains nerveusement comme un Ponce Pilate exc\u00e9d\u00e9 d’apercevoir chez son collaborateur \u00e0 la fois un Judas doubl\u00e9 d’un hurluberlu . A mon front ceint d’une couronne de b\u00e9vues et d’oublis, j’incarnais tr\u00e8s certainement le rejeton de la divine Incomp\u00e9tence que la Providence avait jet\u00e9 en travers de ses Weston derbies.<\/p>\n En g\u00e9n\u00e9ral c’\u00e9tait toujours \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment que je r\u00eavais de gains pharaoniques, d’un billet de loterie gagnant qui me propulserait en plein milieu de la table de r\u00e9union et me transformerait en faune. Je sortirai ma flute de pan et vlan j’inonderais toute cette petitesse, cette mesquinerie par des jets d’urine tout azimut sur l’air de la chevauch\u00e9e des Walkyries.<\/p>\n Le seul obstacle \u00e0 surmonter pour que ce genre de sc\u00e9nario se r\u00e9alise aurait \u00e9t\u00e9 que je me mette \u00e0 croire au hasard, \u00e0 la chance et que je p\u00e9n\u00e8tre chez un buraliste pour remplir une grille ce qui ne repr\u00e9sentait pas autre chose que le symbole absolu d’une d\u00e9faite totale. Pourquoi ne pas aller \u00e0 Lourdes aussi et boire de l’eau b\u00e9nite pendant que j’y suis ?<\/p>\n La salle se vida lentement, Martine Grecho ferma la marche. En passant devant elle je tentais un mince sourire auquel elle ne r\u00e9pondit que par un regard bovin. Puis elle donna un tour de clef sec, et disparut au fond d’un couloir accompagn\u00e9e d’un joli tintement de clochettes.<\/p>\n Je rejoignis mon bureau reposai la pile de dossiers exactement au m\u00eame endroit o\u00f9 je l’avais laiss\u00e9e puis je bougeais la souris reli\u00e9e myst\u00e9rieusement \u00e0 l’Azus pr\u00e9historique que la boite m’avait confi\u00e9. L’\u00e9cran de veille s’\u00e9vanouit pour laisser jaillir sur le fond blanc de la messagerie pas moins d’une centaine d’intitul\u00e9s en gras mena\u00e7ants comme des id\u00e9es noires. Je cliquai aussit\u00f4t pour r\u00e9duire la fen\u00eatre sur la barre des taches et ouvrai une nouvelle partie de Freecell. Avec un peu de pugnacit\u00e9 celle ci m’occuperait jusqu’\u00e0 la pause d\u00e9jeuner.<\/p>\n Bon an mal an je ne me plaignais pas. Ce job m’apportait un sacr\u00e9 r\u00e9pit depuis quelques mois et je m’enfon\u00e7ais avec r\u00e9signation dans la vie normale partag\u00e9e par des millions de personnes, ce qui avait longtemps repr\u00e9sent\u00e9 pour moi une singularit\u00e9 effarante. J’avais fait les 400 coups plus d’une fois, travers\u00e9 des pays, fr\u00e9quent\u00e9 des personnes de tout acabit, et ce sans parcimonie jusqu’au alentours de la trentaine.<\/p>\n Et puis soudain l’automne est devenu plus froid que les autres ann\u00e9es, la crainte de g\u00e2cher ma vie est arriv\u00e9e comme une bourrasque pour m’emporter vers cette boite d’int\u00e9rim de la gare de l’Est. Il y avait bien un poste m’avait confi\u00e9 la charg\u00e9e de client\u00e8le avec un air entendu qui accompagna son 06. Un boulot de scribouillard dans un cabinet d’avocats \u00e0 l’autre bout de la capitale. C’\u00e9tait une bonne occasion pour me replonger dans un quotidien plus classique, moins interlope, d’autant que les horaires ne cr\u00e8veraient pas ce que je consid\u00e9rais comme la seule bou\u00e9e de sauvetage \u00e0 laquelle je m’agrippais, mon obsession de devenir un grand \u00e9crivain.<\/em><\/p>\n Au final je ne quittais d\u00e9cidemment pas cette vision du mont des oliviers, que ce soit dans ma vie aventureuse pass\u00e9e ou dans cette existence que j’esp\u00e9rais normale il y avait ce lien sacrificiel qui m’obligeait \u00e0 me consid\u00e9rer comme un juif errant, une sorte d’\u00e9lu, et ce m\u00eame lorsque je d\u00e9cidais de mettre de l’eau dans mon vin, surtout lorsque je m’essayais \u00e0 la modestie. Il fallait toujours que je parvienne \u00e0 modifier la r\u00e9alit\u00e9, ce qui m’en arrivait, que je la malaxe pour me l’accaparer et qu’elle m’aide \u00e0 faire de moi-m\u00eame soit un h\u00e9ros soit une victime extraordinaire.<\/p>\n En en prenant conscience j’ai pass\u00e9 de sales quarts d’heure. J’ai visit\u00e9 un paquets de trente sixi\u00e8me dessous innombrables et ce d’autant que ma fiert\u00e9, mon orgueil, mon imagination ne parvenaient pas \u00e0 accepter que tout cela n’\u00e9tait qu’une sorte de pansement sur une jambe de bois. De la case grand \u00e9crivain en devenir je passais r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 la cat\u00e9gorie dernier des cons<\/em>. A bien y penser c’\u00e9tait encore briguer une place exceptionnelle que je ne m\u00e9ritais certainement pas au bout du compte.<\/p>\n Je crois qu’\u00e0 partir de cette prise de conscience, j’ai arr\u00eat\u00e9 totalement de me rendre \u00e0 la machine \u00e0 caf\u00e9 , j’ai m\u00eame arr\u00eat\u00e9 de travailler dans cette boite quelques semaines plus tard, je d\u00e9sirais prendre ma vie en main, en faire quelque chose , arr\u00eater de divaguer.<\/p>\n J’ai pris cette ann\u00e9e l\u00e0 un sacr\u00e9 coup de vieux qui me flanqua le blues au moins durant 6 mois. Et puis j’ai fini par me dire que tout cela \u00e9tait parfaitement injuste, que je ne m\u00e9ritais vraiment pas \u00e7a et je suis vite reparti vers ma vie loufoque et mon r\u00eave d’\u00e9criture. En y ajoutant l’alcool -une bouteille de Balantines par jour.<\/p>\n M\u00eame si c’\u00e9tait une illusion elle me permettait malgr\u00e9 tout d’endurer la m\u00e9diocrit\u00e9 ambiante qui ne cesse jamais de me sauter au visage \u00e0 tous les coins de rue et mieux, d’en faire comme de la banalit\u00e9 de profondes sources d’inspiration \u00e0 venir, quelque chose dans le voisinage du merveilleux.<\/p>\n Souvent j’ai peint des trucs qui, avec le recul me semblent vains.<\/p>\n Je les planque, les enfouis, comme des hontes. Je n’en suis pas content.<\/p>\n Et c’est souvent aussi lorsque par hasard un visiteur arrive et explore les piles de toiles, les cartons, les archives qu’il pousse des oh et des ah, tout un tas de petites onomatop\u00e9es sens\u00e9es exprimer l’admiration.<\/p>\n \u00e7a me fait dr\u00f4le \u00e0 chaque fois.<\/p>\n Ce qui ne me plait pas \u00e0 moi \u00e7a plait \u00e0 d’autres c’est d’ailleurs assez souvent comme \u00e7a.<\/p>\n Aussi pour r\u00e9sumer j’ai fini par faire comme Diog\u00e8ne avec son bol qui l’a jet\u00e9 en voyant un enfant boire juste \u00e0 m\u00eame les mains.<\/p>\n Le r\u00e9sultat final de chaque peinture, pas besoin d’\u00eatre ou non content.<\/p>\n Et plus \u00e7a va plus c’est ainsi chaque jour des choses naissent et meurent dans l’atelier, comme des fruits<\/p>\n mort humide, mort s\u00e8che<\/p>\n mais peu importe les r\u00e9sultats les \u00e9nervements, la joie comme la tristesse<\/p>\n l’essentiel n’est pas dans un r\u00e9sultat<\/p>\n il est dans l’obstination de recommencer tout le temps.<\/p>\n Non il n’est nul besoin de s’accrocher \u00e0 cette id\u00e9e d’\u00eatre content ou triste de ce que l’on fait.<\/p>\n On le fait du mieux qu’on peut \u00e0 cet instant, comme on le peut<\/p>\n et c’est d\u00e9j\u00e0 largement suffisant.<\/p>\n huile sur papier 36x48 cm Patrick Blanchon 2021<\/p>",
"content_text": "Souvent j'ai peint des trucs qui, avec le recul me semblent vains. \n\nJe les planque, les enfouis, comme des hontes. Je n'en suis pas content.\n\nEt c'est souvent aussi lorsque par hasard un visiteur arrive et explore les piles de toiles, les cartons, les archives qu'il pousse des oh et des ah, tout un tas de petites onomatop\u00e9es sens\u00e9es exprimer l'admiration.\n\n\u00e7a me fait dr\u00f4le \u00e0 chaque fois.\n\nCe qui ne me plait pas \u00e0 moi \u00e7a plait \u00e0 d'autres c'est d'ailleurs assez souvent comme \u00e7a.\n\nAussi pour r\u00e9sumer j'ai fini par faire comme Diog\u00e8ne avec son bol qui l'a jet\u00e9 en voyant un enfant boire juste \u00e0 m\u00eame les mains.\n\nLe r\u00e9sultat final de chaque peinture, pas besoin d'\u00eatre ou non content. \n\nEt plus \u00e7a va plus c'est ainsi chaque jour des choses naissent et meurent dans l'atelier, comme des fruits \n\nmort humide, mort s\u00e8che \n\nmais peu importe les r\u00e9sultats les \u00e9nervements, la joie comme la tristesse \n\nl'essentiel n'est pas dans un r\u00e9sultat \n\nil est dans l'obstination de recommencer tout le temps.\n\nNon il n'est nul besoin de s'accrocher \u00e0 cette id\u00e9e d'\u00eatre content ou triste de ce que l'on fait.\n\nOn le fait du mieux qu'on peut \u00e0 cet instant, comme on le peut \n\net c'est d\u00e9j\u00e0 largement suffisant.huile sur papier 36x48 cm Patrick Blanchon 2021",
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"title": "Visage",
"date_published": "2021-03-20T07:15:58Z",
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"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Elle se r\u00e9sume \u00e0 une \u00e9cume, quelques syllabes, une ou deux plumes.<\/p>\n Et toujours elle ressurgit, et ce n’est pas grand chose, un rien recr\u00e9e le dialogue, l’analogie<\/p>\n n\u00e9e d’un instant suspendu du carrefour du regard elle est lune traversant les nu\u00e9es les rancunes<\/p>\n de toutes les patientes r\u00e9coltes souvenirs d’avare le fleuron du catalogue la nostalgie<\/p>\n hi\u00e9roglyphe cher \u00e0 l’\u00e9gyptologue peinard bien plus pr\u00e9cieux que la moindre thune.<\/p>\n Echapper \u00e0 l’enfance des yeux ce serait fuir ton beau visage l’\u00e9ternit\u00e9 les chronologies.<\/p>\n C’est pour cela sans doute qu’existent les rondeurs la brutalit\u00e9 la douceur<\/p>\n l’exploration spatiale sans oublier les mineurs, les forgerons les sp\u00e9l\u00e9ologues<\/p>\n Qui vont chercher dans un ailleurs la tendresse premi\u00e8re l’\u00e9blouissement du c\u0153ur<\/p>\n Tous ces errements cet acharnement ce naufrage oblig\u00e9 dans le monologue.<\/p>\n m\u00eame les plus grandes gueules, les brutes se font tatouer cette putain d’amertume<\/p>\n qu’enferment ces deux sons doubles qu’on sonne l’horreur et la splendeur du mot maman.<\/em><\/p>",
"content_text": "Elle se r\u00e9sume \u00e0 une \u00e9cume, quelques syllabes, une ou deux plumes.\n\nEt toujours elle ressurgit, et ce n'est pas grand chose, un rien recr\u00e9e le dialogue, l'analogie\n\nn\u00e9e d'un instant suspendu du carrefour du regard elle est lune traversant les nu\u00e9es les rancunes\n\nde toutes les patientes r\u00e9coltes souvenirs d'avare le fleuron du catalogue la nostalgie\n\nhi\u00e9roglyphe cher \u00e0 l'\u00e9gyptologue peinard bien plus pr\u00e9cieux que la moindre thune.\n\nEchapper \u00e0 l'enfance des yeux ce serait fuir ton beau visage l'\u00e9ternit\u00e9 les chronologies.\n\nC'est pour cela sans doute qu'existent les rondeurs la brutalit\u00e9 la douceur \n\nl'exploration spatiale sans oublier les mineurs, les forgerons les sp\u00e9l\u00e9ologues \n\nQui vont chercher dans un ailleurs la tendresse premi\u00e8re l'\u00e9blouissement du c\u0153ur \n\nTous ces errements cet acharnement ce naufrage oblig\u00e9 dans le monologue.\n\nm\u00eame les plus grandes gueules, les brutes se font tatouer cette putain d'amertume \n\nqu'enferment ces deux sons doubles qu'on sonne l'horreur et la splendeur du mot maman.",
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"title": "Une petite joie.",
"date_published": "2021-03-19T06:47:00Z",
"date_modified": "2025-11-14T15:59:31Z",
"author": {"name": "Auteur"},
"content_html": " Il tire sur la cupule d’alu et \u00f4 miracle, elle r\u00e9siste suffisamment pour que le couvercle baille puis s’ouvre en grand.<\/p>\n Au fond bien rang\u00e9es cinq sardines brillantes plus une rondelle de citron si fine qu’elle en est diaphane.<\/p>\n Fourchette ou couteau ?<\/p>\n Tout doucement il passe les dents sous un ventre puis l\u00e8ve.<\/p>\n La sardine est toute enti\u00e8re dans l’assiette, une petite joie.<\/p>\n Toutes ces peines, ces chagrins, ces d\u00e9sirs, un essaim incessant qui bourdonne gentiment dans la nuit. En carte postale, c\u2019est bien. \u00c7a fait plaisir cinq minutes, surtout s\u2019il y a du texte \u00e9crit derri\u00e8re, un interligne qui semble dire « je pense \u00e0 toi », ou plut\u00f4t « je te fais croire que je pense \u00e0 toi » pour maintenir le lien, la relation. En r\u00e9alit\u00e9, la plupart des cartes postales sont comme des \u0153uvres de charit\u00e9 ; elles ne visent qu\u2019\u00e0 se donner bonne conscience. Ensuite, on peut aller baiser, se balader, faire du shopping le c\u0153ur serein, l\u2019\u00e2me en paix, autant que possible.<\/p>\n Mais pour comprendre vraiment, il faut vivre quelque temps dans un pays ensoleill\u00e9 toute l\u2019ann\u00e9e. C\u2019est aussi chiant que les pays o\u00f9 il pleut toujours, o\u00f9 il fait toujours froid. Pass\u00e9 les premi\u00e8res impressions fugaces, l\u2019\u00e9tonnement, on retombe in\u00e9vitablement dans l\u2019habitude. On revient \u00e0 cette fa\u00e7on obs\u00e9dante de voir les choses du fond d\u2019un ennui personnel dont on n\u2019arrive plus \u00e0 se d\u00e9faire.<\/p>\n Car autrement, si on est v\u00e9ritablement occup\u00e9, si on a un but, si on s\u2019y attelle avec ferveur, jour apr\u00e8s jour, quelle importance qu\u2019il fasse beau ou pas ?<\/p>\n C\u2019est pareil pour tout : un job, une rencontre, une passion. Pass\u00e9 le cap de la surprise et de l\u2019excitation, l\u2019amygdale ne cesse de cr\u00e9er des lassitudes, des peurs, des hantises. Salet\u00e9 de glande, toujours aux aguets, avec pour seule obsession l\u2019arriv\u00e9e aussi imminente que plausible du p\u00e9pin.<\/p>\n Le bruit du courrier dans la bo\u00eete \u00e0 lettres a remplac\u00e9 le grognement du tigre \u00e0 dents de sabre. C\u2019est toujours une jungle peupl\u00e9e de dangers. Il faut que ce soit une jungle, sinon ce ne serait pas dr\u00f4le, pas palpitant. Il ne resterait que cette impression \u00e9trange d\u2019\u00eatre un navet plant\u00e9 l\u00e0, dont le destin est de finir au mieux dans la soupe.<\/p>\n Pas question de devenir poireau ou tomate, non non non. L\u2019image obs\u00e9dante de ce l\u00e9gume fade, accompagn\u00e9e du fameux bon sens, nous en emp\u00eache. Croyez-vous pouvoir changer \u00e0 votre guise ? Imaginez l\u2019effort, la transmutation du plomb en or. Les scientifiques savent faire, avec un appareillage qui s\u2019\u00e9tend sur des kilom\u00e8tres. Il suffit de bombarder, de cr\u00e9er des collisions, pour qu\u2019un atome de plomb l\u00e2che quelques protons et neutrons par lassitude, et devienne un atome d\u2019or. \u00c0 quel prix ? Franchement, est-ce que \u00e7a vaut vraiment la peine ?<\/p>\n Si tout ce qui brille n\u2019est pas de l\u2019or, ce qui ne brille pas n\u2019est pas pour autant de la merde, voulais-je dire.<\/p>\n On ne pense pas au courage qu\u2019il faut pour \u00eatre seulement ce que l\u2019on est, et s\u2019y tenir. Mais avant cela, il faut \u00eatre persuad\u00e9 d\u2019\u00eatre quelque chose, ou quelqu\u2019un. C\u2019est le plus difficile, sauf si on croit que tout ce qu\u2019on nous dit est vrai depuis le d\u00e9but. Sauf si l\u2019amour est l\u00e0. Et on met aussi un temps fou \u00e0 comprendre qu\u2019il est toujours l\u00e0. C\u2019est un sacr\u00e9 parcours que tout le monde n\u2019a pas vraiment l\u2019envie, le courage d\u2019effectuer. Et pourtant, on l\u2019effectue peu ou prou, comme aller vivre dans ce pays o\u00f9 il fait toujours beau.<\/p>\n Car m\u00eame si l\u2019on s\u2019habitue aux \u00e9l\u00e9phants roses, si on commence \u00e0 les entretenir, \u00e0 les nourrir, il serait \u00e9tonnant qu\u2019on ne soit pas rattrap\u00e9 par un fant\u00f4me d\u2019\u00e9l\u00e9phant gris. Celui-ci dirait en barrissant : « Assassin ! Tu me rel\u00e8gues dans la cat\u00e9gorie des fossiles, des cadavres du placard, et pourtant j\u2019ai v\u00e9cu moi aussi. J\u2019ai exist\u00e9, je n\u2019ai pas \u00e9t\u00e9 qu\u2019une illusion, une belle ou une sale histoire ! »<\/p>\n Savoir qui on est, peut-\u00eatre que cela commence par admettre que tout est \u00e0 sa place, que le gris et le rose ont autant leur place dans la farandole que les jours de pluie et les jours ensoleill\u00e9s. Ce qui nous emp\u00eache de nous en apercevoir, c\u2019est cette id\u00e9e de confort et de s\u00e9curit\u00e9 qui accompagne obstin\u00e9ment l\u2019ennui.<\/p>",
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"title": "Le pays o\u00f9 il fait toujours beau",
"date_published": "2021-03-17T06:15:27Z",
"date_modified": "2025-11-14T15:57:10Z",
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<\/a>huile sur toile 20x30 cm Patrick Blanchon 2021<\/p>",
"content_text": "Harry d\u00e9sormais partageait la pause repas avec ses coreligionnaires. Et bien que ce fut pour lui une v\u00e9ritable torture, le d\u00e9sir de se rapprocher de la petite rousse, Sophie, l'emporta. Une fois de plus constatait- il, il se retrouvait confront\u00e9 \u00e0 ses contradictions sans savoir vraiment comment s'en d\u00e9p\u00eatrer.\n\nC'est l'animateur du stage, Christian, qui lui donnera les clefs l'apr\u00e8s-midi m\u00eame en invoquant la notion de d\u00e9sir conscient et inconscient.\n\nUn exemple ?\n\nBeaucoup de personnes recherchent la gloire, la c\u00e9l\u00e9brit\u00e9 ( d\u00e9sir conscient) mais dans le fond ils sont agoraphobes, ils d\u00e9testent la foule, parfois m\u00eame l'ensemble de leurs contemporains, et parmi eux nul doute que certaines ou certains pr\u00e9f\u00e8reraient qu'une bombe atomique ait tout d\u00e9vast\u00e9 de l'humanit\u00e9. Imaginer un peu ...se retrouver enfin seul et peinard pour tranquillement se rendre dans ce qui reste de supermarch\u00e9, de boutiques de luxe, sans plus avoir \u00e0 passer \u00e0 la caisse. ( d\u00e9sir inconscient) \n\nJe vous laisse m\u00e9diter cela quelques instants ajouta t'il en croisant les bras puis les d\u00e9croisant pour finir par ne plus se concentrer visiblement que sur les ongles de sa main gauche.\n\nTout cela pour parler de la congruence \u00e9videmment. C'est \u00e0 dire cet effort d'honn\u00eatet\u00e9 vis \u00e0 vis de soi-m\u00eame, qui alignerait nos valeurs avec nos actes et nos pens\u00e9es.\n\nUn sujet \u00e9minemment passionnant qui n'emp\u00eacha nullement Harry de bailler discr\u00e8tement une bonne dizaine de fois et de se sentir soulag\u00e9 lorsqu'enfin l'animateur les lib\u00e9ra en fin de journ\u00e9e.\n\nFinalement pourquoi s'\u00e9tait-il inscrit \u00e0 ce stage ? pourquoi s'int\u00e9resser au d\u00e9veloppement personnel ? Il alluma le contact de la Twingo et en roulant au pas pour sortir du parking , il se senti encore plus soulag\u00e9 d'avoir d\u00e9couvert un sujet de r\u00e9flexion pour le chemin du retour.\n\nAdmettons que je veuille apprendre quoique ce soit dans ce domaine, je pourrais invoquer l'envie de me sortir de ma timidit\u00e9 chronique par exemple, est ce vraiment la raison principale ou bien y a t'il d'autres raisons plus profondes que je ne m'avoue pas ? Puis ses pens\u00e9es d\u00e9riv\u00e8rent \u00e0 nouveau vers la plastique de Sophie et notamment sur la commissure de ses l\u00e8vres qu'il avaient longuement observ\u00e9e durant le d\u00e9jeuner.\n\nLa fa\u00e7on dont les gens utilisent leurs bouches pour se nourrir avait toujours \u00e9t\u00e9 un indice important pour Harry. Il s'en rendait compte soudain. C'\u00e9tait tout \u00e0 fait le genre de choses \u00e0 retenir et \u00e0 noter sur son journal de bord aussit\u00f4t qu'il serait de retour chez lui.\n\nEnfin ses pens\u00e9es d\u00e9riv\u00e8rent encore plus avant vers la texture laiteuse de la peau de Sophie, vers le lobe de l'oreille qui avait \u00e9galement accapar\u00e9 une bonne partie de son attention au cours de cette journ\u00e9e de stage. Et enfin \u00e9videmment tout le reste fut pass\u00e9 au crible durant le reste du trajet.\n\nEn gravissant les sept \u00e9tages qui le conduisaient \u00e0 son appartement, il fut assailli par des images \u00e9rotiques, voire pornographiques. Le d\u00e9sespoir accompagnait le petit film qu'il se faisait. Et si dans le fond il s'\u00e9tait juste inscrit \u00e0 ce stage pour rencontrer des femmes dans un cadre extraordinaire afin de laisser libre cours \u00e0 sa libido d\u00e9vast\u00e9e ?\n\nC'est sur cette derni\u00e8re trouvaille qu'il d\u00e9cida de s'endormir. Un sommeil agit\u00e9 naturellement ponctu\u00e9 de g\u00e9missements et d'encouragements qu'une g\u00e9ante rousse \u00e0 la peau laiteuse \u00e9mettait en ondulant de tout son long.\n\n..........................................................................................................................................................................................................................................\n\nJim se curait le nez depuis quelques minutes lorsqu'il entendit le passage des camions poubelles tout en bas de l'immeuble. Il regarda les sacs poubelle qui s'accumulaient depuis quelques temps pr\u00e8s du coin cuisine de sa piaule et d\u00e9cida que c'\u00e9tait maintenant ou jamais. A Paris il n'\u00e9tait pas rare que l'on d\u00e9couvre des cadavres en raison des plaintes des voisins quant aux odeurs.\n\nL'id\u00e9e que l'on vienne frapper \u00e0 sa porte pour voir s'il \u00e9tait mort l'effraya d'un coup et il bondit hors de sa chaise, s'empara des sacs plastique, puis sortit de la chambre , descendit les escaliers quatre \u00e0 quatre pour rejoindre la rue. Le camion arrivait juste \u00e0 sa hauteur et il balan\u00e7a les sacs directement dans la benne.\n\nIl serait remont\u00e9 aussit\u00f4t si ce n'avait \u00e9t\u00e9 une si belle journ\u00e9e qui s'annon\u00e7ait . Il se d\u00e9cida \u00e0 pousser jusqu'\u00e0 la rue Custine pour prendre un caf\u00e9. Les platanes avaient recouvr\u00e9 leurs feuillages, il y avait dans l'air une odeur d'essence et de pralines grill\u00e9es. Jim respira \u00e0 plein poumons et se dit que c'\u00e9tait vraiment ce genre de sensation qui importait pour lui. Se sentir libre, seul et libre et gouter de tout son saoul \u00e0 cette libert\u00e9 comme \u00e0 cette solitude dans cette rue particuli\u00e8re sur laquelle il avait jet\u00e9 son d\u00e9volu quelques semaines plus t\u00f4t.\n\nLes bistrots qui sortaient leurs terrasses, l'eau \u00e9tincelante filant dans les caniveaux, un ciel bleu au dessus des fa\u00e7ades et des toits des immeubles, une luminosit\u00e9 particuli\u00e8re accompagnaient les odeurs de la rue, tout paraissait converger exactement vers le centre n\u00e9vralgique de son r\u00eave, ce personnage d'\u00e9crivain qu'il avait peu \u00e0 peu construit gr\u00e2ce \u00e0 John Fante, Henri Miller, Bukowski, Stendhal et Dosto\u00efevski.\n\nPour r\u00eaver des choses extraordinaires il s'\u00e9tait cr\u00e9e une existence pire qu'ordinaire, que n'importe qui d'autre que lui aurait pu consid\u00e9rer mis\u00e9rable. En remuant son caf\u00e9 il se demanda pourquoi il mettait autant d'acharnement \u00e0 refuser de vivre comme tout le monde et il vit passer soudain une ombre sur la fa\u00e7ade d'en face, un nuage qui obscurcissait le ciel soudainement. Il jeta un coup d'\u0153il \u00e0 sa montre, laissa la monnaie sur le ticket de caisse pour clouer celui ci en cas de coup de vent, puis il regagna l'h\u00f4tel, monta les escaliers sans h\u00e2te et referma la porte doucement derri\u00e8re lui pour ne pas faire de bruit. Quelque chose s'\u00e9tait mis en travers de son enthousiasme et il fallait qu'il noircisse un bon paquet de feuilles afin de tenter d'en avoir le c\u0153ur net.\n\n..............................................................................................................................................................................................................................................\n\nEva Klepper n'avait envie de rien. Elle avait laiss\u00e9 un message quelques minutes plus t\u00f4t sur le r\u00e9pondeur de la boite pour se porter p\u00e2le. Cela n'avait pas du tout \u00e9t\u00e9 pr\u00e9m\u00e9dit\u00e9, elle avait d\u00e9croch\u00e9 l'appareil comme elle avait mis en route la cafeti\u00e8re. Et le plus \u00e9tonnant c'est qu'elle n'\u00e9prouvait aucune honte, aucune culpabilit\u00e9 particuli\u00e8re. Elle avait bien le droit de prendre une journ\u00e9e apr\u00e8s tout, \u00e9tait-t 'elle si essentielle que cela ? Les gens indispensables peuplent les cimeti\u00e8res, c'\u00e9tait cette derni\u00e8re pens\u00e9e qui l'avait aid\u00e9e \u00e0 formuler le message laconique sur le r\u00e9pondeur de la boite.\n\nL'appartement \u00e9tait d'une propret\u00e9 chirurgicale. Elle ne s'\u00e9tait pas m\u00e9nag\u00e9e la veille jusque tard dans la soir\u00e9e pour tout briquer, tout effacer, la moindre trace qui pourrait lui rappeler Bob le mollusque qu'elle venait tout juste d'\u00e9jecter.\n\nA un moment elle regarda le canap\u00e9, \u00e9prouva une l\u00e9g\u00e8re crainte comme les petites filles qui jouent \u00e0 se faire peur toutes seules, puis voyant celui ci d\u00e9sert elle en \u00e9prouva une joie soudaine. Un peu exag\u00e9r\u00e9e sans doute se dit-elle.\n\nElle se dirigea vers le canap\u00e9 et s'assit. Elle n'aurait pu dire ce qui clochait vraiment. Par la fen\u00eatre la lumi\u00e8re du printemps p\u00e9n\u00e9trait \u00e0 flot, elle gagnait bien sa vie, elle \u00e9tait encore potable physiquement, sans trop de douleur articulaire \u00e0 50 ans pass\u00e9s ce qui n'est pas n\u00e9gligeable, et elle venait de flanquer dehors une ambigu\u00eft\u00e9 qui la taraudait depuis des semaines. Un homme enfant qui n'avait eu de cesse de lui renvoyer d'elle m\u00eame l'image d'une maman un peu pute.\n\nEva n'avait jamais voulu avoir d'enfant. Seul sa carri\u00e8re comptait du moins c'est ce qu'elle s'\u00e9tait toujours efforc\u00e9 de croire. Cela lui avait permis d'\u00e9vacuer bon nombre de questions en suspens et qui d\u00e9sormais avec le retour du printemps cette ann\u00e9e l\u00e0 pr\u00e9cis\u00e9ment revenaient \u00e0 la charge.\n\nFinalement elle n'\u00e9tait pas bien loin de c\u00e9der \u00e0 une vision d\u00e9risoire de sa vie qui a premi\u00e8re vue ne lui renvoyait que son \u00e9go\u00efsme. \n\nBon ce n'est vraiment pas le moment de se laisser aller se dit elle en sautant sur ses jambes. Te laisse pas abattre ma vieille, elle se rendit \u00e0 la salle de bain, se refit une beaut\u00e9, ce qui n'\u00e9tait pas si difficile qu'elle l'aurait cru quelques minutes auparavant, puis elle enfila un jean, des tennis et acheva de compl\u00e9ter sa tenue sport avec un sweet. \n\nSport et jeune, abordable quoi.. elle esquissa un sourire face au miroir de l'entr\u00e9e, puis elle sortit de chez elle avec la ferme intention de se remettre en chasse malgr\u00e9 tous les signaux cardiaques qu'elle se h\u00e2ta de balayer en refermant la porte de l'ascenseur.\n\nEnfin parvenu sur le trottoir de la rue Custine o\u00f9 elle vivait, elle \u00e9tait redevenue cette guerri\u00e8re, cette amazone pr\u00eate \u00e0 lutter contre tous les petits d\u00e9sagr\u00e9ments de l'existence, \u00e0 croquer la vie \u00e0 pleine bouche, en lui roulant une pelle au besoin.huile sur toile 20x30 cm Patrick Blanchon 2021",
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"title": "Le mont des Oliviers.",
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<\/a>Huile sur toile format 24x30 cm Patrick Blanchon 2021<\/p>",
"content_text": "Emma faisait partie de ces personnes qui se d\u00e9lectent lorsqu'elles propagent de mauvaises nouvelles toujours en qu\u00eate d'une oreille r\u00e9ceptive, ce qui ne manque pas ici aux alentours de la machine \u00e0 caf\u00e9.\n\nCe matin l\u00e0, apr\u00e8s un bonjour de rigueur et sans plus de pr\u00e9ambule, elle ne pouvait visiblement plus se contenir et d\u00e9versa d'un coup tout ce qui semblait la torturer depuis un sacr\u00e9 bon moment d\u00e9j\u00e0.\n\nPar manque de bol et selon les lois attribu\u00e9es aux effets collat\u00e9raux, j'eus \u00e0 peine le temps de m'esquiver et de rejoindre mon bureau lorsque la nouvelle m'atteignit de plein fouet. \n\n\"Le pr\u00e9sident se tape Grecho j'imagine que vous ne le saviez pas.\"\n\nC'\u00e9tait effectivement une mauvaise nouvelle, le genre de truc qui \u00e9rode petit \u00e0 petit ce sentiment fragile que l'on soutient \u00e0 bout de bras et qui se r\u00e9sume en gros \u00e0 vouloir bien commencer sa journ\u00e9e. \n\nEn m\u00eame temps le d\u00e9gout l'emportait sans conteste sur la frustration. J'imaginais ce gros porc de Weiss en train de peloter avec ses petits doigts boudin\u00e9s le corps sculptural de Martine Gr\u00e9cho sur laquelle je ne cache pas avoir eu quelques vues.\n\nLa belle brune t\u00e9n\u00e9breuse d\u00e9gringola du petit pi\u00e9destal de mes fantasmes aussi rapidement qu'elle y \u00e9tait parvenue. Ce qui au bout du compte me laissa mi figue mi raisin face \u00e0 ce d\u00e9but de journ\u00e9e morose et \u00e0 la paix soudaine qui nous tombe dessus quand on a perdu une nouvelle illusion, avec toute l' arm\u00e9e d'engouements et de d\u00e9sirs qui l'accompagne.\n\nTandis que les oh et les ah entourant comme un essaim d'abeilles et de bourdons Emma la messag\u00e8re, des bribes d'Henri IV \u00e9trangement associ\u00e9es \u00e0 des bouts dialogues de big little lies me revinrent inopin\u00e9ment \" Don't shoot the messenger\" Puis Laura Dern sauta vers David Lynch \u00e0 l'int\u00e9rieur du labyrinthe de ma m\u00e9moire et ils se perdirent je ne sais o\u00f9 lorsque je d\u00e9couvris soudain la pile de dossier en retard que j'avais sur le coin de mon bureau.\n\nJ'avais mobilis\u00e9 une partie importante de ce qui me restait d'\u00e9nergie lorsqu'au bout de quelques minutes \u00e0 peine, je refermais le dossier sur lequel je m'effor\u00e7ais de trouver le moindre int\u00e9r\u00eat , une affaire de voisinage au sujet d'une haie intempestive devenue le pr\u00e9texte \u00e0 tous les d\u00e9versements haineux de deux vieilles filles frapp\u00e9es par la fatlit\u00e9 des mitoyennet\u00e9s. Je soulevais un peu le store pour m'accabler un chouia de plus en me rendant compte \u00e0 quel point je g\u00e2chais ma vie et mon talent devant une si magnifique journ\u00e9e lorsque le t\u00e9l\u00e9phone sonna.\n\nC'\u00e9tait Martine Grecho au bout du fil. \n\nBonjour Paul vous n'oubliez pas la r\u00e9union de 9h30 bien sur et le Pr\u00e9sident aimerait obtenir un point sur les dossiers en cours.\n\nQuelque chose comme \u00e7a bla bla bla . Puis elle raccrocha.\n\nJe consultais ma montre dans l'espoir d'avoir quelques minutes devant moi pour me refaire une contenance car j'avais totalement zapp\u00e9 l'affaire. Je pris ma pile de dossier sous le bras et \u00e0 9h34 j'arrivai dans la grande salle de r\u00e9union comme d'habitude bon dernier. \n\nLe Pr\u00e9sident, lunettes sur le nez, fit semblant de ne pas me voir \u00e9videmment, puis il les releva sur son front et toisa notre petite assembl\u00e9e avec son air hautain et m\u00e9prisant. Comme il inclinait l\u00e9g\u00e8rement la t\u00e8te en arri\u00e8re je m'aper\u00e7us qu'il n'aurait vraiment pas \u00e9t\u00e9 difficile de lui imaginer un groin \u00e0 la place du nez et du coup en attendant qu'il finisse de d\u00e9biter les fadaises hebdomadaires concernant des courbes s'\u00e9pousant s'entrecroisant et divor\u00e7ant je fis semblant de prendre des notes, en esquissant un joli cochon engonc\u00e9 dans un costard \u00e0 rayures et \u00e9trangl\u00e9 par un n\u0153ud pap.\n\nQuand vint mon tour je ne surpris personne en d\u00e9montrant une fois de plus mon talent \u00e0 brasser du vent avec peu de chose, ce qui dans mon esprit caricaturait \u00e0 peine le contenu global de ces putains de r\u00e9unions. \n\nLe Pr\u00e9sident soupira, Martine Grecho install\u00e9e pr\u00e8s de lui en pleine prise de notes croisa les jambes, et j'eus la nette impression que mon inefficacit\u00e9 soulagea \u00e0 ce moment l\u00e0 l'ensemble de mes coll\u00e8gues qui s'en trouv\u00e8rent comme par magie revaloris\u00e9s.\n\nC'\u00e9tait en quelque sorte une resuc\u00e9e hebdo de la trag\u00e9die du Mont des Oliviers dans laquelle j'avais \u00e9t\u00e9 choisi pour incarner le meilleur r\u00f4le. Les doigts boudin\u00e9s du Pr\u00e9sident avaient fini par se rejoindre et ils se frottait les mains nerveusement comme un Ponce Pilate exc\u00e9d\u00e9 d'apercevoir chez son collaborateur \u00e0 la fois un Judas doubl\u00e9 d'un hurluberlu . A mon front ceint d'une couronne de b\u00e9vues et d'oublis, j'incarnais tr\u00e8s certainement le rejeton de la divine Incomp\u00e9tence que la Providence avait jet\u00e9 en travers de ses Weston derbies.\n\nEn g\u00e9n\u00e9ral c'\u00e9tait toujours \u00e0 cet instant pr\u00e9cis\u00e9ment que je r\u00eavais de gains pharaoniques, d'un billet de loterie gagnant qui me propulserait en plein milieu de la table de r\u00e9union et me transformerait en faune. Je sortirai ma flute de pan et vlan j'inonderais toute cette petitesse, cette mesquinerie par des jets d'urine tout azimut sur l'air de la chevauch\u00e9e des Walkyries. \n\nLe seul obstacle \u00e0 surmonter pour que ce genre de sc\u00e9nario se r\u00e9alise aurait \u00e9t\u00e9 que je me mette \u00e0 croire au hasard, \u00e0 la chance et que je p\u00e9n\u00e8tre chez un buraliste pour remplir une grille ce qui ne repr\u00e9sentait pas autre chose que le symbole absolu d'une d\u00e9faite totale. Pourquoi ne pas aller \u00e0 Lourdes aussi et boire de l'eau b\u00e9nite pendant que j'y suis ?\n\nLa salle se vida lentement, Martine Grecho ferma la marche. En passant devant elle je tentais un mince sourire auquel elle ne r\u00e9pondit que par un regard bovin. Puis elle donna un tour de clef sec, et disparut au fond d'un couloir accompagn\u00e9e d'un joli tintement de clochettes.\n\nJe rejoignis mon bureau reposai la pile de dossiers exactement au m\u00eame endroit o\u00f9 je l'avais laiss\u00e9e puis je bougeais la souris reli\u00e9e myst\u00e9rieusement \u00e0 l'Azus pr\u00e9historique que la boite m'avait confi\u00e9. L'\u00e9cran de veille s'\u00e9vanouit pour laisser jaillir sur le fond blanc de la messagerie pas moins d'une centaine d'intitul\u00e9s en gras mena\u00e7ants comme des id\u00e9es noires. Je cliquai aussit\u00f4t pour r\u00e9duire la fen\u00eatre sur la barre des taches et ouvrai une nouvelle partie de Freecell. Avec un peu de pugnacit\u00e9 celle ci m'occuperait jusqu'\u00e0 la pause d\u00e9jeuner.\n\nBon an mal an je ne me plaignais pas. Ce job m'apportait un sacr\u00e9 r\u00e9pit depuis quelques mois et je m'enfon\u00e7ais avec r\u00e9signation dans la vie normale partag\u00e9e par des millions de personnes, ce qui avait longtemps repr\u00e9sent\u00e9 pour moi une singularit\u00e9 effarante. J'avais fait les 400 coups plus d'une fois, travers\u00e9 des pays, fr\u00e9quent\u00e9 des personnes de tout acabit, et ce sans parcimonie jusqu'au alentours de la trentaine.\n\nEt puis soudain l'automne est devenu plus froid que les autres ann\u00e9es, la crainte de g\u00e2cher ma vie est arriv\u00e9e comme une bourrasque pour m'emporter vers cette boite d'int\u00e9rim de la gare de l'Est. Il y avait bien un poste m'avait confi\u00e9 la charg\u00e9e de client\u00e8le avec un air entendu qui accompagna son 06. Un boulot de scribouillard dans un cabinet d'avocats \u00e0 l'autre bout de la capitale. C'\u00e9tait une bonne occasion pour me replonger dans un quotidien plus classique, moins interlope, d'autant que les horaires ne cr\u00e8veraient pas ce que je consid\u00e9rais comme la seule bou\u00e9e de sauvetage \u00e0 laquelle je m'agrippais, mon obsession de devenir un grand \u00e9crivain.\n\nAu final je ne quittais d\u00e9cidemment pas cette vision du mont des oliviers, que ce soit dans ma vie aventureuse pass\u00e9e ou dans cette existence que j'esp\u00e9rais normale il y avait ce lien sacrificiel qui m'obligeait \u00e0 me consid\u00e9rer comme un juif errant, une sorte d'\u00e9lu, et ce m\u00eame lorsque je d\u00e9cidais de mettre de l'eau dans mon vin, surtout lorsque je m'essayais \u00e0 la modestie. Il fallait toujours que je parvienne \u00e0 modifier la r\u00e9alit\u00e9, ce qui m'en arrivait, que je la malaxe pour me l'accaparer et qu'elle m'aide \u00e0 faire de moi-m\u00eame soit un h\u00e9ros soit une victime extraordinaire.\n\nEn en prenant conscience j'ai pass\u00e9 de sales quarts d'heure. J'ai visit\u00e9 un paquets de trente sixi\u00e8me dessous innombrables et ce d'autant que ma fiert\u00e9, mon orgueil, mon imagination ne parvenaient pas \u00e0 accepter que tout cela n'\u00e9tait qu'une sorte de pansement sur une jambe de bois. De la case grand \u00e9crivain en devenir je passais r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 la cat\u00e9gorie dernier des cons. A bien y penser c'\u00e9tait encore briguer une place exceptionnelle que je ne m\u00e9ritais certainement pas au bout du compte.\n\nJe crois qu'\u00e0 partir de cette prise de conscience, j'ai arr\u00eat\u00e9 totalement de me rendre \u00e0 la machine \u00e0 caf\u00e9 , j'ai m\u00eame arr\u00eat\u00e9 de travailler dans cette boite quelques semaines plus tard, je d\u00e9sirais prendre ma vie en main, en faire quelque chose , arr\u00eater de divaguer.\n\nJ'ai pris cette ann\u00e9e l\u00e0 un sacr\u00e9 coup de vieux qui me flanqua le blues au moins durant 6 mois. Et puis j'ai fini par me dire que tout cela \u00e9tait parfaitement injuste, que je ne m\u00e9ritais vraiment pas \u00e7a et je suis vite reparti vers ma vie loufoque et mon r\u00eave d'\u00e9criture. En y ajoutant l'alcool -une bouteille de Balantines par jour.\n\nM\u00eame si c'\u00e9tait une illusion elle me permettait malgr\u00e9 tout d'endurer la m\u00e9diocrit\u00e9 ambiante qui ne cesse jamais de me sauter au visage \u00e0 tous les coins de rue et mieux, d'en faire comme de la banalit\u00e9 de profondes sources d'inspiration \u00e0 venir, quelque chose dans le voisinage du merveilleux.Huile sur toile format 24x30 cm Patrick Blanchon 2021",
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"content_text": "Il tire sur la cupule d'alu et \u00f4 miracle, elle r\u00e9siste suffisamment pour que le couvercle baille puis s'ouvre en grand.\n\nAu fond bien rang\u00e9es cinq sardines brillantes plus une rondelle de citron si fine qu'elle en est diaphane. \n\nFourchette ou couteau ?\n\nTout doucement il passe les dents sous un ventre puis l\u00e8ve.\n\nLa sardine est toute enti\u00e8re dans l'assiette, une petite joie.",
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"title": "18 mars 2021",
"date_published": "2021-03-18T20:02:00Z",
"date_modified": "2025-10-26T05:17:30Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": "
\nUne richesse qui se brasse toute seule au fond d\u2019un regard avare. Un ivrogne avide de conserver toute sa soif.
\nUne constipation sans fin. On voudrait tout garder encore et encore, ne rien l\u00e2cher.
\nS\u2019y vautrer par confort face \u00e0 l\u2019inqui\u00e9tude du rien.
\nRessasser, en rajouter des couches, encore et encore, des questions et des « et si ».
\nUne abondance stup\u00e9fiante et toxique qui abolit l\u2019espace et le temps.
\nIl suffirait de faire un pas de c\u00f4t\u00e9 pour sentir le froid monter.
\nGlac\u00e9 par ce face-\u00e0-face, on voudrait bien, mais on ne peut pas.
\nOn ne peut pas et on se r\u00e9fugie vite fait dans le fameux « c\u2019est plus fort que moi ».
\nOn ne peut pas, on n\u2019est que ligne.
\nMais quand m\u00eame, on retente, on s\u2019accroche, l\u2019\u00e9vasion fait r\u00eaver.
\nImagine un autre r\u00eave que celui-ci.
\nPeut-\u00eatre une autre chance, une page blanche.
\nMais que dit la mort sinon ce que l\u2019on sait d\u00e9j\u00e0, encore et encore ?
\n\u00c9puise tout \u00e7a, mon petit gars, \u00e9puise.
\n\u00c9puise encore, et tu verras.
\nUn peu comme Pavese, mal compris :
\n« La mort viendra et elle aura tes yeux. »
\nJe m\u2019attendais \u00e0 une amante, un genre de bombe qui ferait tout exploser,
\nqui r\u00e9duirait tout \u00e7a en poudre pour toujours,
\nen poussi\u00e8re d\u2019\u00e9toile, en origine.
\nAu final, je n\u2019ai vu qu\u2019un voile orange.
\nLe chirurgien tombe \u00e0 point nomm\u00e9, me d\u00e9barrasse gentiment de mes vieux cristallins.
\nChanger de vision, ce n\u2019est pas rien.
\nMais l\u2019habitude est reine, le confort de la peine est roi.
\nPour un clin d\u2019\u0153il de joie, on paie ici des mill\u00e9naires de chagrins.
\nC\u2019est le prix, c\u2019est sans doute ce que \u00e7a vaut.
\nJe serais bien foutu d\u2019en abuser, je me connais.
\nSe ruer vers la joie pour \u00e9chapper \u00e0 soi.
\nSe barrer \u00e0 l\u2019anglaise, encore une fois.
\nMais n\u2019as-tu pas du tout de r\u00eave ?
\nBien s\u00fbr, j\u2019en ai plein, mais rien que des r\u00eaves ne servant \u00e0 rien.
\nR\u00eaver \u00e0 rien, c\u2019est tout de m\u00eame quelque chose.
\nC\u2019est comme des coups d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau.
\n\u00c7a ne fait rien \u00e0 l\u2019eau.
\n\u00c7a dit juste que t\u2019as une \u00e9p\u00e9e dont tu ne sais pas quoi faire.
\nTu ne l\u2019emporteras pas au paradis, mon petit gars,
\nah \u00e7a non.
\nPour t\u2019en d\u00e9barrasser, juste un enfer \u00e0 traverser.
\nEt puis maintenant, nu comme un ver, vas-y,
\nparle-moi donc de cet autre r\u00eave.
\nJe plongerais le nez dans ton haleine de b\u00e9b\u00e9,
\nj\u2019\u00e9couterais ton silence,
\net si tout se passe bien, alors je serais apais\u00e9.<\/p>",
"content_text": "Toutes ces peines, ces chagrins, ces d\u00e9sirs, un essaim incessant qui bourdonne gentiment dans la nuit. Une richesse qui se brasse toute seule au fond d\u2019un regard avare. Un ivrogne avide de conserver toute sa soif. Une constipation sans fin. On voudrait tout garder encore et encore, ne rien l\u00e2cher. S\u2019y vautrer par confort face \u00e0 l\u2019inqui\u00e9tude du rien. Ressasser, en rajouter des couches, encore et encore, des questions et des \u00ab et si \u00bb. Une abondance stup\u00e9fiante et toxique qui abolit l\u2019espace et le temps. Il suffirait de faire un pas de c\u00f4t\u00e9 pour sentir le froid monter. Glac\u00e9 par ce face-\u00e0-face, on voudrait bien, mais on ne peut pas. On ne peut pas et on se r\u00e9fugie vite fait dans le fameux \u00ab c\u2019est plus fort que moi \u00bb. On ne peut pas, on n\u2019est que ligne. Mais quand m\u00eame, on retente, on s\u2019accroche, l\u2019\u00e9vasion fait r\u00eaver. Imagine un autre r\u00eave que celui-ci. Peut-\u00eatre une autre chance, une page blanche. Mais que dit la mort sinon ce que l\u2019on sait d\u00e9j\u00e0, encore et encore ? \u00c9puise tout \u00e7a, mon petit gars, \u00e9puise. \u00c9puise encore, et tu verras. Un peu comme Pavese, mal compris : \u00ab La mort viendra et elle aura tes yeux. \u00bb Je m\u2019attendais \u00e0 une amante, un genre de bombe qui ferait tout exploser, qui r\u00e9duirait tout \u00e7a en poudre pour toujours, en poussi\u00e8re d\u2019\u00e9toile, en origine. Au final, je n\u2019ai vu qu\u2019un voile orange. Le chirurgien tombe \u00e0 point nomm\u00e9, me d\u00e9barrasse gentiment de mes vieux cristallins. Changer de vision, ce n\u2019est pas rien. Mais l\u2019habitude est reine, le confort de la peine est roi. Pour un clin d\u2019\u0153il de joie, on paie ici des mill\u00e9naires de chagrins. C\u2019est le prix, c\u2019est sans doute ce que \u00e7a vaut. Je serais bien foutu d\u2019en abuser, je me connais. Se ruer vers la joie pour \u00e9chapper \u00e0 soi. Se barrer \u00e0 l\u2019anglaise, encore une fois. Mais n\u2019as-tu pas du tout de r\u00eave ? Bien s\u00fbr, j\u2019en ai plein, mais rien que des r\u00eaves ne servant \u00e0 rien. R\u00eaver \u00e0 rien, c\u2019est tout de m\u00eame quelque chose. C\u2019est comme des coups d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau. \u00c7a ne fait rien \u00e0 l\u2019eau. \u00c7a dit juste que t\u2019as une \u00e9p\u00e9e dont tu ne sais pas quoi faire. Tu ne l\u2019emporteras pas au paradis, mon petit gars, ah \u00e7a non. Pour t\u2019en d\u00e9barrasser, juste un enfer \u00e0 traverser. Et puis maintenant, nu comme un ver, vas-y, parle-moi donc de cet autre r\u00eave. Je plongerais le nez dans ton haleine de b\u00e9b\u00e9, j\u2019\u00e9couterais ton silence, et si tout se passe bien, alors je serais apais\u00e9. ",
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"title": "17 mars 2021",
"date_published": "2021-03-17T19:53:00Z",
"date_modified": "2024-10-28T19:55:44Z",
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