{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-mars-2021.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-mars-2021.html", "title": "20 mars 2021", "date_published": "2024-10-28T20:12:02Z", "date_modified": "2025-10-26T05:18:03Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Elle se r\u00e9sume \u00e0 une \u00e9cume, quelques syllabes, une ou deux plumes.
\nEt toujours elle ressurgit, et ce n\u2019est pas grand-chose ; un rien recr\u00e9e le dialogue, l\u2019analogie
\nn\u00e9e d\u2019un instant suspendu, du carrefour du regard. Elle est lune traversant les nu\u00e9es, les rancunes
\nde toutes les patientes r\u00e9coltes, souvenirs d\u2019avare, le fleuron du catalogue, la nostalgie,
\nhi\u00e9roglyphe cher \u00e0 l\u2019\u00e9gyptologue peinard, bien plus pr\u00e9cieux que la moindre thune.
\n\u00c9chapper \u00e0 l\u2019enfance des yeux, ce serait fuir ton beau visage, l\u2019\u00e9ternit\u00e9, les chronologies.
\nC\u2019est pour cela sans doute qu\u2019existent les rondeurs, la brutalit\u00e9, la douceur,
\nl\u2019exploration spatiale, sans oublier les mineurs, les forgerons, les sp\u00e9l\u00e9ologues,
\nqui vont chercher dans un ailleurs la tendresse premi\u00e8re, l\u2019\u00e9blouissement du c\u0153ur.
\nTous ces errements, cet acharnement, ce naufrage oblig\u00e9 dans le monologue.
\nM\u00eame les plus grandes gueules, les brutes, se font tatouer cette putain d\u2019amertume,
\nqu\u2019enferment ces deux sons doubles qu\u2019on sonne, l\u2019horreur et la splendeur du mot « maman ».<\/p>",
"content_text": "Elle se r\u00e9sume \u00e0 une \u00e9cume, quelques syllabes, une ou deux plumes. Et toujours elle ressurgit, et ce n\u2019est pas grand-chose ; un rien recr\u00e9e le dialogue, l\u2019analogie n\u00e9e d\u2019un instant suspendu, du carrefour du regard. Elle est lune traversant les nu\u00e9es, les rancunes de toutes les patientes r\u00e9coltes, souvenirs d\u2019avare, le fleuron du catalogue, la nostalgie, hi\u00e9roglyphe cher \u00e0 l\u2019\u00e9gyptologue peinard, bien plus pr\u00e9cieux que la moindre thune. \u00c9chapper \u00e0 l\u2019enfance des yeux, ce serait fuir ton beau visage, l\u2019\u00e9ternit\u00e9, les chronologies. C\u2019est pour cela sans doute qu\u2019existent les rondeurs, la brutalit\u00e9, la douceur, l\u2019exploration spatiale, sans oublier les mineurs, les forgerons, les sp\u00e9l\u00e9ologues, qui vont chercher dans un ailleurs la tendresse premi\u00e8re, l\u2019\u00e9blouissement du c\u0153ur. Tous ces errements, cet acharnement, ce naufrage oblig\u00e9 dans le monologue. M\u00eame les plus grandes gueules, les brutes, se font tatouer cette putain d\u2019amertume, qu\u2019enferment ces deux sons doubles qu\u2019on sonne, l\u2019horreur et la splendeur du mot \u00ab maman \u00bb.",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-mars-2021.html",
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"title": "18 mars 2021",
"date_published": "2021-03-18T20:02:00Z",
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Toutes ces peines, ces chagrins, ces d\u00e9sirs, un essaim incessant qui bourdonne gentiment dans la nuit. En carte postale, c\u2019est bien. \u00c7a fait plaisir cinq minutes, surtout s\u2019il y a du texte \u00e9crit derri\u00e8re, un interligne qui semble dire « je pense \u00e0 toi », ou plut\u00f4t « je te fais croire que je pense \u00e0 toi » pour maintenir le lien, la relation. En r\u00e9alit\u00e9, la plupart des cartes postales sont comme des \u0153uvres de charit\u00e9 ; elles ne visent qu\u2019\u00e0 se donner bonne conscience. Ensuite, on peut aller baiser, se balader, faire du shopping le c\u0153ur serein, l\u2019\u00e2me en paix, autant que possible.<\/p>\n Mais pour comprendre vraiment, il faut vivre quelque temps dans un pays ensoleill\u00e9 toute l\u2019ann\u00e9e. C\u2019est aussi chiant que les pays o\u00f9 il pleut toujours, o\u00f9 il fait toujours froid. Pass\u00e9 les premi\u00e8res impressions fugaces, l\u2019\u00e9tonnement, on retombe in\u00e9vitablement dans l\u2019habitude. On revient \u00e0 cette fa\u00e7on obs\u00e9dante de voir les choses du fond d\u2019un ennui personnel dont on n\u2019arrive plus \u00e0 se d\u00e9faire.<\/p>\n Car autrement, si on est v\u00e9ritablement occup\u00e9, si on a un but, si on s\u2019y attelle avec ferveur, jour apr\u00e8s jour, quelle importance qu\u2019il fasse beau ou pas ?<\/p>\n C\u2019est pareil pour tout : un job, une rencontre, une passion. Pass\u00e9 le cap de la surprise et de l\u2019excitation, l\u2019amygdale ne cesse de cr\u00e9er des lassitudes, des peurs, des hantises. Salet\u00e9 de glande, toujours aux aguets, avec pour seule obsession l\u2019arriv\u00e9e aussi imminente que plausible du p\u00e9pin.<\/p>\n Le bruit du courrier dans la bo\u00eete \u00e0 lettres a remplac\u00e9 le grognement du tigre \u00e0 dents de sabre. C\u2019est toujours une jungle peupl\u00e9e de dangers. Il faut que ce soit une jungle, sinon ce ne serait pas dr\u00f4le, pas palpitant. Il ne resterait que cette impression \u00e9trange d\u2019\u00eatre un navet plant\u00e9 l\u00e0, dont le destin est de finir au mieux dans la soupe.<\/p>\n Pas question de devenir poireau ou tomate, non non non. L\u2019image obs\u00e9dante de ce l\u00e9gume fade, accompagn\u00e9e du fameux bon sens, nous en emp\u00eache. Croyez-vous pouvoir changer \u00e0 votre guise ? Imaginez l\u2019effort, la transmutation du plomb en or. Les scientifiques savent faire, avec un appareillage qui s\u2019\u00e9tend sur des kilom\u00e8tres. Il suffit de bombarder, de cr\u00e9er des collisions, pour qu\u2019un atome de plomb l\u00e2che quelques protons et neutrons par lassitude, et devienne un atome d\u2019or. \u00c0 quel prix ? Franchement, est-ce que \u00e7a vaut vraiment la peine ?<\/p>\n Si tout ce qui brille n\u2019est pas de l\u2019or, ce qui ne brille pas n\u2019est pas pour autant de la merde, voulais-je dire.<\/p>\n On ne pense pas au courage qu\u2019il faut pour \u00eatre seulement ce que l\u2019on est, et s\u2019y tenir. Mais avant cela, il faut \u00eatre persuad\u00e9 d\u2019\u00eatre quelque chose, ou quelqu\u2019un. C\u2019est le plus difficile, sauf si on croit que tout ce qu\u2019on nous dit est vrai depuis le d\u00e9but. Sauf si l\u2019amour est l\u00e0. Et on met aussi un temps fou \u00e0 comprendre qu\u2019il est toujours l\u00e0. C\u2019est un sacr\u00e9 parcours que tout le monde n\u2019a pas vraiment l\u2019envie, le courage d\u2019effectuer. Et pourtant, on l\u2019effectue peu ou prou, comme aller vivre dans ce pays o\u00f9 il fait toujours beau.<\/p>\n Car m\u00eame si l\u2019on s\u2019habitue aux \u00e9l\u00e9phants roses, si on commence \u00e0 les entretenir, \u00e0 les nourrir, il serait \u00e9tonnant qu\u2019on ne soit pas rattrap\u00e9 par un fant\u00f4me d\u2019\u00e9l\u00e9phant gris. Celui-ci dirait en barrissant : « Assassin ! Tu me rel\u00e8gues dans la cat\u00e9gorie des fossiles, des cadavres du placard, et pourtant j\u2019ai v\u00e9cu moi aussi. J\u2019ai exist\u00e9, je n\u2019ai pas \u00e9t\u00e9 qu\u2019une illusion, une belle ou une sale histoire ! »<\/p>\n Savoir qui on est, peut-\u00eatre que cela commence par admettre que tout est \u00e0 sa place, que le gris et le rose ont autant leur place dans la farandole que les jours de pluie et les jours ensoleill\u00e9s. Ce qui nous emp\u00eache de nous en apercevoir, c\u2019est cette id\u00e9e de confort et de s\u00e9curit\u00e9 qui accompagne obstin\u00e9ment l\u2019ennui.<\/p>",
"content_text": "En carte postale, c\u2019est bien. \u00c7a fait plaisir cinq minutes, surtout s\u2019il y a du texte \u00e9crit derri\u00e8re, un interligne qui semble dire \u00ab je pense \u00e0 toi \u00bb, ou plut\u00f4t \u00ab je te fais croire que je pense \u00e0 toi \u00bb pour maintenir le lien, la relation. En r\u00e9alit\u00e9, la plupart des cartes postales sont comme des \u0153uvres de charit\u00e9 ; elles ne visent qu\u2019\u00e0 se donner bonne conscience. Ensuite, on peut aller baiser, se balader, faire du shopping le c\u0153ur serein, l\u2019\u00e2me en paix, autant que possible. Mais pour comprendre vraiment, il faut vivre quelque temps dans un pays ensoleill\u00e9 toute l\u2019ann\u00e9e. C\u2019est aussi chiant que les pays o\u00f9 il pleut toujours, o\u00f9 il fait toujours froid. Pass\u00e9 les premi\u00e8res impressions fugaces, l\u2019\u00e9tonnement, on retombe in\u00e9vitablement dans l\u2019habitude. On revient \u00e0 cette fa\u00e7on obs\u00e9dante de voir les choses du fond d\u2019un ennui personnel dont on n\u2019arrive plus \u00e0 se d\u00e9faire. Car autrement, si on est v\u00e9ritablement occup\u00e9, si on a un but, si on s\u2019y attelle avec ferveur, jour apr\u00e8s jour, quelle importance qu\u2019il fasse beau ou pas ? C\u2019est pareil pour tout : un job, une rencontre, une passion. Pass\u00e9 le cap de la surprise et de l\u2019excitation, l\u2019amygdale ne cesse de cr\u00e9er des lassitudes, des peurs, des hantises. Salet\u00e9 de glande, toujours aux aguets, avec pour seule obsession l\u2019arriv\u00e9e aussi imminente que plausible du p\u00e9pin. Le bruit du courrier dans la bo\u00eete \u00e0 lettres a remplac\u00e9 le grognement du tigre \u00e0 dents de sabre. C\u2019est toujours une jungle peupl\u00e9e de dangers. Il faut que ce soit une jungle, sinon ce ne serait pas dr\u00f4le, pas palpitant. Il ne resterait que cette impression \u00e9trange d\u2019\u00eatre un navet plant\u00e9 l\u00e0, dont le destin est de finir au mieux dans la soupe. Pas question de devenir poireau ou tomate, non non non. L\u2019image obs\u00e9dante de ce l\u00e9gume fade, accompagn\u00e9e du fameux bon sens, nous en emp\u00eache. Croyez-vous pouvoir changer \u00e0 votre guise ? Imaginez l\u2019effort, la transmutation du plomb en or. Les scientifiques savent faire, avec un appareillage qui s\u2019\u00e9tend sur des kilom\u00e8tres. Il suffit de bombarder, de cr\u00e9er des collisions, pour qu\u2019un atome de plomb l\u00e2che quelques protons et neutrons par lassitude, et devienne un atome d\u2019or. \u00c0 quel prix ? Franchement, est-ce que \u00e7a vaut vraiment la peine ? Si tout ce qui brille n\u2019est pas de l\u2019or, ce qui ne brille pas n\u2019est pas pour autant de la merde, voulais-je dire. On ne pense pas au courage qu\u2019il faut pour \u00eatre seulement ce que l\u2019on est, et s\u2019y tenir. Mais avant cela, il faut \u00eatre persuad\u00e9 d\u2019\u00eatre quelque chose, ou quelqu\u2019un. C\u2019est le plus difficile, sauf si on croit que tout ce qu\u2019on nous dit est vrai depuis le d\u00e9but. Sauf si l\u2019amour est l\u00e0. Et on met aussi un temps fou \u00e0 comprendre qu\u2019il est toujours l\u00e0. C\u2019est un sacr\u00e9 parcours que tout le monde n\u2019a pas vraiment l\u2019envie, le courage d\u2019effectuer. Et pourtant, on l\u2019effectue peu ou prou, comme aller vivre dans ce pays o\u00f9 il fait toujours beau. Car m\u00eame si l\u2019on s\u2019habitue aux \u00e9l\u00e9phants roses, si on commence \u00e0 les entretenir, \u00e0 les nourrir, il serait \u00e9tonnant qu\u2019on ne soit pas rattrap\u00e9 par un fant\u00f4me d\u2019\u00e9l\u00e9phant gris. Celui-ci dirait en barrissant : \u00ab Assassin ! Tu me rel\u00e8gues dans la cat\u00e9gorie des fossiles, des cadavres du placard, et pourtant j\u2019ai v\u00e9cu moi aussi. J\u2019ai exist\u00e9, je n\u2019ai pas \u00e9t\u00e9 qu\u2019une illusion, une belle ou une sale histoire ! \u00bb Savoir qui on est, peut-\u00eatre que cela commence par admettre que tout est \u00e0 sa place, que le gris et le rose ont autant leur place dans la farandole que les jours de pluie et les jours ensoleill\u00e9s. Ce qui nous emp\u00eache de nous en apercevoir, c\u2019est cette id\u00e9e de confort et de s\u00e9curit\u00e9 qui accompagne obstin\u00e9ment l\u2019ennui. ",
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-mars-2021.html",
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"title": "10 mars 2021",
"date_published": "2021-03-10T16:34:00Z",
"date_modified": "2025-02-17T02:07:03Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": "<\/span>
\nUne richesse qui se brasse toute seule au fond d\u2019un regard avare. Un ivrogne avide de conserver toute sa soif.
\nUne constipation sans fin. On voudrait tout garder encore et encore, ne rien l\u00e2cher.
\nS\u2019y vautrer par confort face \u00e0 l\u2019inqui\u00e9tude du rien.
\nRessasser, en rajouter des couches, encore et encore, des questions et des « et si ».
\nUne abondance stup\u00e9fiante et toxique qui abolit l\u2019espace et le temps.
\nIl suffirait de faire un pas de c\u00f4t\u00e9 pour sentir le froid monter.
\nGlac\u00e9 par ce face-\u00e0-face, on voudrait bien, mais on ne peut pas.
\nOn ne peut pas et on se r\u00e9fugie vite fait dans le fameux « c\u2019est plus fort que moi ».
\nOn ne peut pas, on n\u2019est que ligne.
\nMais quand m\u00eame, on retente, on s\u2019accroche, l\u2019\u00e9vasion fait r\u00eaver.
\nImagine un autre r\u00eave que celui-ci.
\nPeut-\u00eatre une autre chance, une page blanche.
\nMais que dit la mort sinon ce que l\u2019on sait d\u00e9j\u00e0, encore et encore ?
\n\u00c9puise tout \u00e7a, mon petit gars, \u00e9puise.
\n\u00c9puise encore, et tu verras.
\nUn peu comme Pavese, mal compris :
\n« La mort viendra et elle aura tes yeux. »
\nJe m\u2019attendais \u00e0 une amante, un genre de bombe qui ferait tout exploser,
\nqui r\u00e9duirait tout \u00e7a en poudre pour toujours,
\nen poussi\u00e8re d\u2019\u00e9toile, en origine.
\nAu final, je n\u2019ai vu qu\u2019un voile orange.
\nLe chirurgien tombe \u00e0 point nomm\u00e9, me d\u00e9barrasse gentiment de mes vieux cristallins.
\nChanger de vision, ce n\u2019est pas rien.
\nMais l\u2019habitude est reine, le confort de la peine est roi.
\nPour un clin d\u2019\u0153il de joie, on paie ici des mill\u00e9naires de chagrins.
\nC\u2019est le prix, c\u2019est sans doute ce que \u00e7a vaut.
\nJe serais bien foutu d\u2019en abuser, je me connais.
\nSe ruer vers la joie pour \u00e9chapper \u00e0 soi.
\nSe barrer \u00e0 l\u2019anglaise, encore une fois.
\nMais n\u2019as-tu pas du tout de r\u00eave ?
\nBien s\u00fbr, j\u2019en ai plein, mais rien que des r\u00eaves ne servant \u00e0 rien.
\nR\u00eaver \u00e0 rien, c\u2019est tout de m\u00eame quelque chose.
\nC\u2019est comme des coups d\u2019\u00e9p\u00e9e dans l\u2019eau.
\n\u00c7a ne fait rien \u00e0 l\u2019eau.
\n\u00c7a dit juste que t\u2019as une \u00e9p\u00e9e dont tu ne sais pas quoi faire.
\nTu ne l\u2019emporteras pas au paradis, mon petit gars,
\nah \u00e7a non.
\nPour t\u2019en d\u00e9barrasser, juste un enfer \u00e0 traverser.
\nEt puis maintenant, nu comme un ver, vas-y,
\nparle-moi donc de cet autre r\u00eave.
\nJe plongerais le nez dans ton haleine de b\u00e9b\u00e9,
\nj\u2019\u00e9couterais ton silence,
\net si tout se passe bien, alors je serais apais\u00e9.<\/p>",
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"title": "17 mars 2021",
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