{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/30-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/30-novembre-2024.html", "title": "30 novembre 2024", "date_published": "2024-11-30T08:29:04Z", "date_modified": "2024-11-30T08:31:53Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>
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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Dans la langue des usuriers, des maquignons et autres salopards : enculeurs de mouches, coupeux de cheveux en quatre, de poils de cul en six mensualit\u00e9s avec int\u00e9r\u00eat, celle des banques en g\u00e9n\u00e9ral, et celle dont je suis un num\u00e9ro lambda, la mienne qui ne sera jamais mienne mais qui « exige » que je recouvrasse tous les quinze jours ce que j’ai, non sans peine, douleurs, d\u00e9couvert. Cette langue des clebs tordus, enrag\u00e9s, obs\u00e9d\u00e9s d’enterrer des os, et qui surtout les laissent pourrir avec grande minutie, afin de se mettre \u00e0 japer, \u00e0 aboyer, \u00e0 exhiber par courrier timbr\u00e9 un chien de leur chienne au pauvre client qui a bien du mal \u00e0 joindre les deux bouts devant comme gros Jean.<\/p>\n

Dans cette hypnose collective, t\u00f4t chop\u00e9e sur les bancs de l’\u00e9cole, o\u00f9 l’on apprendra avec force bons points, images, coups de r\u00e8gle carr\u00e9e que deux plus deux font quatre et que nos anc\u00eatres n’\u00e9taient pas noirs mais francs comme des \u00e2nes qui reculent ; dans cette hypnose qui tient chaud — comme la merde tient chaud qu’on ne veuille plus en sortir — nous dormons \u00e0 poings ferm\u00e9s une trop grande part de notre vie, et mourrons comme nous sommes n\u00e9s, avec coll\u00e9 sur le front un certificat, des dates, contrat soci\u00e9tal qui prend sa source empoisonn\u00e9e d’une mairie \u00e0 l’autre sans qu’on ne signe jamais rien de vive voix ni d’encre ind\u00e9l\u00e9bile.<\/p>\n

On peut saluer le coup de g\u00e9nie de Rome qui, de l’esclavage antique au moderne, nous prend pour des jambons avec trois mots dont on aurait peine \u00e0 faire coller la d\u00e9finition des dictionnaires \u00e0 ce que l’on voit tous les jours dans nos rues, dans nos campagnes.<\/p>\n

La d\u00e9sesp\u00e9rance totale qui en r\u00e9sulte \u00e0 la fin, ne croyons pas qu’elle est fictive, qu’elle ne sert \u00e0 rien, elle fait partie de l’ensemble, c’est m\u00eame certainement l’objectif. Que nous ajoutions nous-m\u00eames, de fa\u00e7on ind\u00e9pendante et r\u00e9solue, une \u00e9ni\u00e8me couche de merde suppl\u00e9mentaire \u00e0 tant d’autres, pour nous y enfouir encore plus profond\u00e9ment, ne plus broncher, attendre enfin que tout \u00e7a passe.<\/p>\n

L’envie qui vient n’est pas de changer le monde, mais d’assister \u00e0 sa chute de mani\u00e8re consciente, dire : d’accord, je vais mourir, et toutes les solutions qu’on voudra nous inventer n’y changeront rien. De devenir de plus en plus lucide et calme pour se rassembler, soi, individuellement d’abord, avant de se jeter dans l’\u00e9lan vers le pire.<\/p>", "content_text": "Dans la langue des usuriers, des maquignons et autres salopards : enculeurs de mouches, coupeux de cheveux en quatre, de poils de cul en six mensualit\u00e9s avec int\u00e9r\u00eat, celle des banques en g\u00e9n\u00e9ral, et celle dont je suis un num\u00e9ro lambda, la mienne qui ne sera jamais mienne mais qui \"exige\" que je recouvrasse tous les quinze jours ce que j'ai, non sans peine, douleurs, d\u00e9couvert. Cette langue des clebs tordus, enrag\u00e9s, obs\u00e9d\u00e9s d'enterrer des os, et qui surtout les laissent pourrir avec grande minutie, afin de se mettre \u00e0 japer, \u00e0 aboyer, \u00e0 exhiber par courrier timbr\u00e9 un chien de leur chienne au pauvre client qui a bien du mal \u00e0 joindre les deux bouts devant comme gros Jean. Dans cette hypnose collective, t\u00f4t chop\u00e9e sur les bancs de l'\u00e9cole, o\u00f9 l'on apprendra avec force bons points, images, coups de r\u00e8gle carr\u00e9e que deux plus deux font quatre et que nos anc\u00eatres n'\u00e9taient pas noirs mais francs comme des \u00e2nes qui reculent ; dans cette hypnose qui tient chaud \u2014 comme la merde tient chaud qu'on ne veuille plus en sortir \u2014 nous dormons \u00e0 poings ferm\u00e9s une trop grande part de notre vie, et mourrons comme nous sommes n\u00e9s, avec coll\u00e9 sur le front un certificat, des dates, contrat soci\u00e9tal qui prend sa source empoisonn\u00e9e d'une mairie \u00e0 l'autre sans qu'on ne signe jamais rien de vive voix ni d'encre ind\u00e9l\u00e9bile. On peut saluer le coup de g\u00e9nie de Rome qui, de l'esclavage antique au moderne, nous prend pour des jambons avec trois mots dont on aurait peine \u00e0 faire coller la d\u00e9finition des dictionnaires \u00e0 ce que l'on voit tous les jours dans nos rues, dans nos campagnes. La d\u00e9sesp\u00e9rance totale qui en r\u00e9sulte \u00e0 la fin, ne croyons pas qu'elle est fictive, qu'elle ne sert \u00e0 rien, elle fait partie de l'ensemble, c'est m\u00eame certainement l'objectif. Que nous ajoutions nous-m\u00eames, de fa\u00e7on ind\u00e9pendante et r\u00e9solue, une \u00e9ni\u00e8me couche de merde suppl\u00e9mentaire \u00e0 tant d'autres, pour nous y enfouir encore plus profond\u00e9ment, ne plus broncher, attendre enfin que tout \u00e7a passe. L'envie qui vient n'est pas de changer le monde, mais d'assister \u00e0 sa chute de mani\u00e8re consciente, dire : d'accord, je vais mourir, et toutes les solutions qu'on voudra nous inventer n'y changeront rien. De devenir de plus en plus lucide et calme pour se rassembler, soi, individuellement d'abord, avant de se jeter dans l'\u00e9lan vers le pire. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img-11-small580.jpg?1748065077", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/29-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/29-novembre-2024.html", "title": "29 novembre 2024", "date_published": "2024-11-29T16:44:00Z", "date_modified": "2024-11-30T07:03:39Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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Autoportrait, Egon Schiele\n<\/strong><\/div>\n\t \n\t \n<\/figcaption><\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je regarde une main. Je ne sais pas si c\u2019est ma main. Peut-\u00eatre que c\u2019est la tienne. Peut-\u00eatre que c\u2019est celle d\u2019un singe. Ou d\u2019un mort. Ou d\u2019un grand-p\u00e8re. Toutes les mains se ressemblent. Au bout du compte, elles se ressemblent toutes. Elles bougent toutes seules. Elles frappent. Elles attrapent. Elles s\u2019agitent. Souvent pour rien. Comme un arbre agite ses branches. Comme l\u2019herbe se redresse sous le pas des gosses.<\/p>\n

Une main n\u2019a pas de m\u00e9moire. Ou si. Elle se souvient. Peut-\u00eatre de poign\u00e9es de porte. Du poids des courses. De coins de table. De corridors. D\u2019un billot. D\u2019un tranchoir. De l\u00e8vres qu\u2019on effleure, de bouches qu\u2019on baillonne. Du taffetas qui glisse sous les doigts. Elle transporte tout. Elle absorbe tout. Feu et eau. Des gestes qu\u2019elle n\u2019a pas faits. Des gestes qu\u2019elle n\u2019a pas finis. Des gestes qui n\u2019existent pas encore. Une main est un tiroir qui s\u2019ouvre tout seul, sans qu\u2019on sache ce qu\u2019il contient. Et parfois, il claque. Une main se ferme comme une porte sur elle-m\u00eame.<\/p>\n

Ma main a d\u00e9cid\u00e9. Une fois. En pleine c\u00e9r\u00e9monie. C\u2019est eux qui ont commenc\u00e9. Ils m\u2019ont dit de monter. Ma main a ferm\u00e9 les doigts. Un poing dur, mais pas un poing violent. Un poing qui tient. Qui ne l\u00e2che rien. Puis elle a lev\u00e9 un doigt. Le majeur. Un doigt d\u2019honneur. Oh Oh Oh comme c’\u00e9tait bizarre. Elle a insult\u00e9 tout ce qui \u00e9tait autour, tout ce qui regardait, tout ce qui jugeait. Je n\u2019avais rien \u00e0 dire. J’aurais voulu dire « non », par convenance, mais ma bouche s\u2019est remplie de silence.<\/p>\n

Ma main avance encore. Elle avance vers le fleuve. Elle touche l\u2019eau. Elle traverse. Elle flotte. Elle bouge encore. Sans moi. Une main qui flotte sans corps, comme un corps qui flotte sans vie, une carcasse, \u00e7a sert \u00e0 quoi ? Une main d\u00e9tach\u00e9e se souvient, mais pas de moi. Elle pourrait para\u00eetre indiff\u00e9rente. N\u2019\u00eatre qu\u2019une grume roulant sur elle-m\u00eame par pur amusement. Mais non. Quand j\u2019y pense, ma main se souvient d\u2019autres mains. D\u2019autres gestes. D\u2019autres corps. D\u2019autres peaux.<\/p>\n

Quand ils mettront ma main et tout le reste en terre, qu\u2019elle rejoindra la racine, j\u2019aimerais \u00eatre une feuille. Une feuille et en m\u00eame temps une racine. Une feuille. Qui tombe. Qui vole. Qui s\u2019\u00e9loigne. Une racine qui s\u2019en va dans la profondeur de la terre, dans l\u2019inconnu, \u00e0 la recherche d\u2019une autre racine—quelle connerie l’expression t\u00eate chercheuse<\/i> quand j’y pense.<\/p>\n

Ma main claque des doigts. Comme le lapin blanc ou un vieux n\u00e9on. Tout s\u2019\u00e9teint. Tout se rallume. Je suis l\u00e0. Pas tout \u00e0 fait. Peut-\u00eatre bien que oui peut-\u00eatre bien que non. Un oiseau passe, mais il ne s\u2019envole pas. Il reste suspendu dans un vent qui ne souffle plus.<\/p>", "content_text": "Je regarde une main. Je ne sais pas si c\u2019est ma main. Peut-\u00eatre que c\u2019est la tienne. Peut-\u00eatre que c\u2019est celle d\u2019un singe. Ou d\u2019un mort. Ou d\u2019un grand-p\u00e8re. Toutes les mains se ressemblent. Au bout du compte, elles se ressemblent toutes. Elles bougent toutes seules. Elles frappent. Elles attrapent. Elles s\u2019agitent. Souvent pour rien. Comme un arbre agite ses branches. Comme l\u2019herbe se redresse sous le pas des gosses. Une main n\u2019a pas de m\u00e9moire. Ou si. Elle se souvient. Peut-\u00eatre de poign\u00e9es de porte. Du poids des courses. De coins de table. De corridors. D\u2019un billot. D\u2019un tranchoir. De l\u00e8vres qu\u2019on effleure, de bouches qu\u2019on baillonne. Du taffetas qui glisse sous les doigts. Elle transporte tout. Elle absorbe tout. Feu et eau. Des gestes qu\u2019elle n\u2019a pas faits. Des gestes qu\u2019elle n\u2019a pas finis. Des gestes qui n\u2019existent pas encore. Une main est un tiroir qui s\u2019ouvre tout seul, sans qu\u2019on sache ce qu\u2019il contient. Et parfois, il claque. Une main se ferme comme une porte sur elle-m\u00eame. Ma main a d\u00e9cid\u00e9. Une fois. En pleine c\u00e9r\u00e9monie. C\u2019est eux qui ont commenc\u00e9. Ils m\u2019ont dit de monter. Ma main a ferm\u00e9 les doigts. Un poing dur, mais pas un poing violent. Un poing qui tient. Qui ne l\u00e2che rien. Puis elle a lev\u00e9 un doigt. Le majeur. Un doigt d\u2019honneur. Oh Oh Oh comme c'\u00e9tait bizarre. Elle a insult\u00e9 tout ce qui \u00e9tait autour, tout ce qui regardait, tout ce qui jugeait. Je n\u2019avais rien \u00e0 dire. J'aurais voulu dire \"non\", par convenance, mais ma bouche s\u2019est remplie de silence. Ma main avance encore. Elle avance vers le fleuve. Elle touche l\u2019eau. Elle traverse. Elle flotte. Elle bouge encore. Sans moi. Une main qui flotte sans corps, comme un corps qui flotte sans vie, une carcasse, \u00e7a sert \u00e0 quoi ? Une main d\u00e9tach\u00e9e se souvient, mais pas de moi. Elle pourrait para\u00eetre indiff\u00e9rente. N\u2019\u00eatre qu\u2019une grume roulant sur elle-m\u00eame par pur amusement. Mais non. Quand j\u2019y pense, ma main se souvient d\u2019autres mains. D\u2019autres gestes. D\u2019autres corps. D\u2019autres peaux. Quand ils mettront ma main et tout le reste en terre, qu\u2019elle rejoindra la racine, j\u2019aimerais \u00eatre une feuille. Une feuille et en m\u00eame temps une racine. Une feuille. Qui tombe. Qui vole. Qui s\u2019\u00e9loigne. Une racine qui s\u2019en va dans la profondeur de la terre, dans l\u2019inconnu, \u00e0 la recherche d\u2019une autre racine\u2014quelle connerie l'expression{ t\u00eate chercheuse} quand j'y pense. Ma main claque des doigts. Comme le lapin blanc ou un vieux n\u00e9on. Tout s\u2019\u00e9teint. Tout se rallume. Je suis l\u00e0. Pas tout \u00e0 fait. Peut-\u00eatre bien que oui peut-\u00eatre bien que non. Un oiseau passe, mais il ne s\u2019envole pas. Il reste suspendu dans un vent qui ne souffle plus.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/unnamed.jpg?1748065137", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/28-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/28-novembre-2024.html", "title": "28 novembre 2024", "date_published": "2024-11-28T06:34:00Z", "date_modified": "2025-05-01T20:31:26Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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Le Sabbat des sorci\u00e8res ou Le Grand Bouc, (l’une des « Peintures noires » de Goya ), (d\u00e9tail)\n<\/strong><\/div>\n\t \n\t \n<\/figcaption><\/figure>\n<\/div><\/span>\n

R\u00e9cemment, j\u2019ai repens\u00e9 \u00e0 cette id\u00e9e du double. Une obsession, peut-\u00eatre. Une mani\u00e8re de nommer quelque chose qui m\u2019accompagne depuis toujours. Un murmure, une ombre, une absence qui p\u00e8se plus lourd que les pr\u00e9sences. Je me suis demand\u00e9 si cela venait de l\u2019enfance, cette habitude d\u2019imaginer des compagnons silencieux. Ou si c\u2019\u00e9tait autre chose, quelque chose de plus vieux, un \u00e9cho d\u2019histoires qu\u2019on ne m\u2019a pas racont\u00e9es mais que j\u2019ai devin\u00e9es. Quand j\u2019\u00e9cris, il est l\u00e0. Pas tout le temps, mais assez pour que je sache qu\u2019il existe. Le double, je l\u2019appelle parfois. D\u2019autres fois, je le repousse. Mais il revient toujours. Socrate l\u2019appelait daemon. Maupassant l\u2019a nomm\u00e9 horla. Moi, je ne sais pas comment l\u2019appeler. Alors j\u2019\u00e9cris sur lui.<\/p>\n

Socrate parlait d\u2019un daemon. Pas un dieu, pas un d\u00e9mon, juste une voix. Une intuition. Quelque chose qui guide sans jamais dicter. J\u2019aime cette id\u00e9e, mais je ne suis pas s\u00fbre qu\u2019elle s\u2019applique \u00e0 moi. Mon double ne guide pas. Il observe. Il attend. Parfois, il murmure. Pas pour \u00e9clairer, mais pour souligner ce que je pr\u00e9f\u00e8re ignorer. « Tu savais », dit-il. Il dit cela souvent. Et il a raison. Mais je d\u00e9teste quand il le dit. Je crois que je l\u2019ai rencontr\u00e9 tr\u00e8s t\u00f4t. Dans les r\u00eaves. Dans les silences des apr\u00e8s-midi d\u2019\u00e9t\u00e9, quand l\u2019air est si immobile qu\u2019on entend les ombres bouger. Je le voyais parfois, ou je pensais le voir. Un reflet dans une vitre. Une silhouette qui n\u2019\u00e9tait pas tout \u00e0 fait moi. Et pourtant, c\u2019\u00e9tait moi. Ce genre de choses, on les oublie. Jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019on les \u00e9crive.<\/p>\n

Dans les histoires de dibbouks, l\u2019esprit errant s\u2019attache \u00e0 un vivant. Il ne s\u2019invite pas. Il s\u2019impose. J\u2019aime cette id\u00e9e. Pas parce qu\u2019elle me rassure, mais parce qu\u2019elle m\u2019explique quelque chose. Le double n\u2019est pas toujours choisi. Il est l\u00e0 parce qu\u2019il doit l\u2019\u00eatre. Parce qu\u2019on ne peut pas tout porter seul. Alors on lui donne une place. Une voix. M\u00eame si c\u2019est une voix qui d\u00e9range. Je pense souvent que mes textes sont des espaces pour lui. Pas pour le chasser, mais pour le contenir. Pour qu\u2019il ne d\u00e9borde pas.<\/p>\n

Maupassant, lui, n\u2019a pas su contenir le horla. Le Horla, c\u2019est une autre histoire. Pas une voix. Une force. Une invasion. Quelque chose qui prend, qui ronge, qui d\u00e9vore. Ce n\u2019est pas mon double. Mais je comprends ce que Maupassant a vu. Ce d\u00e9bordement, cette folie. \u00c0 une \u00e9poque, j\u2019aurais pu le sentir moi aussi. Mais j\u2019ai appris \u00e0 maintenir la barri\u00e8re. Ou peut-\u00eatre est-ce l\u2019\u00e2ge. Peut-\u00eatre qu\u2019avec le temps, on apprend \u00e0 marcher avec son ombre sans qu\u2019elle nous \u00e9touffe.
\nChez Dosto\u00efevski, le double est plus proche de moi. Goliadkine voit un autre lui-m\u00eame, un rival, un voleur d\u2019identit\u00e9. Il ne sait plus qui il est. Il lutte pour une place qui lui \u00e9chappe. J\u2019ai parfois ressenti cela, mais diff\u00e9remment. Mon double n\u2019est pas un voleur. Il ne me remplace pas. Il me d\u00e9double. Il met en lumi\u00e8re des angles que je ne veux pas voir. Mais il ne prend jamais tout. C\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, la diff\u00e9rence. Lui, il reste \u00e0 c\u00f4t\u00e9, dans l\u2019ombre.<\/p>\n

Je n\u2019\u00e9cris pas pour m\u2019en d\u00e9barrasser. Je n\u2019\u00e9cris pas pour lui non plus. Je crois que j\u2019\u00e9cris pour garder l\u2019\u00e9quilibre. Entre ce que je suis et ce qu\u2019il est. Entre ce qui murmure et ce qui crie. Contre mauvaise fortune, faire bon c\u0153ur. Peut-\u00eatre. Mais il faut aussi faire bon c\u0153ur \u00e0 son double. M\u00eame quand il est gris. M\u00eame quand il est maussade. Parce qu\u2019il est l\u00e0. Parce qu\u2019il reste.<\/p>", "content_text": "R\u00e9cemment, j\u2019ai repens\u00e9 \u00e0 cette id\u00e9e du double. Une obsession, peut-\u00eatre. Une mani\u00e8re de nommer quelque chose qui m\u2019accompagne depuis toujours. Un murmure, une ombre, une absence qui p\u00e8se plus lourd que les pr\u00e9sences. Je me suis demand\u00e9 si cela venait de l\u2019enfance, cette habitude d\u2019imaginer des compagnons silencieux. Ou si c\u2019\u00e9tait autre chose, quelque chose de plus vieux, un \u00e9cho d\u2019histoires qu\u2019on ne m\u2019a pas racont\u00e9es mais que j\u2019ai devin\u00e9es. Quand j\u2019\u00e9cris, il est l\u00e0. Pas tout le temps, mais assez pour que je sache qu\u2019il existe. Le double, je l\u2019appelle parfois. D\u2019autres fois, je le repousse. Mais il revient toujours. Socrate l\u2019appelait daemon. Maupassant l\u2019a nomm\u00e9 horla. Moi, je ne sais pas comment l\u2019appeler. Alors j\u2019\u00e9cris sur lui. Socrate parlait d\u2019un daemon. Pas un dieu, pas un d\u00e9mon, juste une voix. Une intuition. Quelque chose qui guide sans jamais dicter. J\u2019aime cette id\u00e9e, mais je ne suis pas s\u00fbre qu\u2019elle s\u2019applique \u00e0 moi. Mon double ne guide pas. Il observe. Il attend. Parfois, il murmure. Pas pour \u00e9clairer, mais pour souligner ce que je pr\u00e9f\u00e8re ignorer. \u00ab Tu savais \u00bb, dit-il. Il dit cela souvent. Et il a raison. Mais je d\u00e9teste quand il le dit. Je crois que je l\u2019ai rencontr\u00e9 tr\u00e8s t\u00f4t. Dans les r\u00eaves. Dans les silences des apr\u00e8s-midi d\u2019\u00e9t\u00e9, quand l\u2019air est si immobile qu\u2019on entend les ombres bouger. Je le voyais parfois, ou je pensais le voir. Un reflet dans une vitre. Une silhouette qui n\u2019\u00e9tait pas tout \u00e0 fait moi. Et pourtant, c\u2019\u00e9tait moi. Ce genre de choses, on les oublie. Jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019on les \u00e9crive. Dans les histoires de dibbouks, l\u2019esprit errant s\u2019attache \u00e0 un vivant. Il ne s\u2019invite pas. Il s\u2019impose. J\u2019aime cette id\u00e9e. Pas parce qu\u2019elle me rassure, mais parce qu\u2019elle m\u2019explique quelque chose. Le double n\u2019est pas toujours choisi. Il est l\u00e0 parce qu\u2019il doit l\u2019\u00eatre. Parce qu\u2019on ne peut pas tout porter seul. Alors on lui donne une place. Une voix. M\u00eame si c\u2019est une voix qui d\u00e9range. Je pense souvent que mes textes sont des espaces pour lui. Pas pour le chasser, mais pour le contenir. Pour qu\u2019il ne d\u00e9borde pas. Maupassant, lui, n\u2019a pas su contenir le horla. Le Horla, c\u2019est une autre histoire. Pas une voix. Une force. Une invasion. Quelque chose qui prend, qui ronge, qui d\u00e9vore. Ce n\u2019est pas mon double. Mais je comprends ce que Maupassant a vu. Ce d\u00e9bordement, cette folie. \u00c0 une \u00e9poque, j\u2019aurais pu le sentir moi aussi. Mais j\u2019ai appris \u00e0 maintenir la barri\u00e8re. Ou peut-\u00eatre est-ce l\u2019\u00e2ge. Peut-\u00eatre qu\u2019avec le temps, on apprend \u00e0 marcher avec son ombre sans qu\u2019elle nous \u00e9touffe. Chez Dosto\u00efevski, le double est plus proche de moi. Goliadkine voit un autre lui-m\u00eame, un rival, un voleur d\u2019identit\u00e9. Il ne sait plus qui il est. Il lutte pour une place qui lui \u00e9chappe. J\u2019ai parfois ressenti cela, mais diff\u00e9remment. Mon double n\u2019est pas un voleur. Il ne me remplace pas. Il me d\u00e9double. Il met en lumi\u00e8re des angles que je ne veux pas voir. Mais il ne prend jamais tout. C\u2019est peut-\u00eatre \u00e7a, la diff\u00e9rence. Lui, il reste \u00e0 c\u00f4t\u00e9, dans l\u2019ombre. Je n\u2019\u00e9cris pas pour m\u2019en d\u00e9barrasser. Je n\u2019\u00e9cris pas pour lui non plus. Je crois que j\u2019\u00e9cris pour garder l\u2019\u00e9quilibre. Entre ce que je suis et ce qu\u2019il est. Entre ce qui murmure et ce qui crie. Contre mauvaise fortune, faire bon c\u0153ur. Peut-\u00eatre. Mais il faut aussi faire bon c\u0153ur \u00e0 son double. M\u00eame quand il est gris. M\u00eame quand il est maussade. Parce qu\u2019il est l\u00e0. Parce qu\u2019il reste.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/francisco_de_goya_-_the_witches_sabbath_or_the_great_he-goat__one_of_the_black_paintings__c1821-23_-__meisterdrucke-121787_.jpg?1748065130", "tags": ["Auteurs litt\u00e9raires"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/27-novembre-2024.html", "title": "27 novembre 2024", "date_published": "2024-11-27T09:43:34Z", "date_modified": "2024-11-27T09:50:09Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Piazzale Roma. Une large esplanade en b\u00e9ton. Le b\u00e9ton est lisse par endroits, fissur\u00e9 ailleurs. Le sol est marqu\u00e9 de lignes jaunes, des lignes qui se croisent, des lignes qui s\u2019effacent. \u00c0 droite, une rang\u00e9e de bus blancs et verts, align\u00e9s comme des blocs. Une femme descend. Elle tire une valise. Une poign\u00e9e. Une roue. Un bruit de plastique contre le b\u00e9ton. Un homme reste sur la derni\u00e8re marche, immobile. Il regarde \u00e0 droite. Puis \u00e0 gauche. Puis rien. Les panneaux suspendus indiquent des directions. « \u202fFerrovia\u202f ». Fl\u00e8che. « \u202fTronchetto\u202f ». Fl\u00e8che. Les panneaux sont inclin\u00e9s, tordus \u00e0 la base. Une pancarte lumineuse clignote. 17:12. La lumi\u00e8re s\u2019allume. La lumi\u00e8re s\u2019\u00e9teint. La lumi\u00e8re revient. Toujours 17:12. Toujours. \u00c0 gauche, des distributeurs automatiques. Boissons. Snacks. Une bouteille coinc\u00e9e dans la machine. Un homme tape doucement sur le verre. Une, deux fois. Puis il abandonne. Une poubelle d\u00e9borde. Gobelets. Papiers froiss\u00e9s. Sacs en plastique. Au centre, un banc m\u00e9tallique. Gris. Rouill\u00e9. Une femme s\u2019assied. Son sac sur les genoux. Elle fixe le vide. \u00c0 ses pieds, une valise. La fermeture \u00e9clair est \u00e0 moiti\u00e9 ouverte. Une chaussette blanche d\u00e9passe. Le moteur d\u2019un bus tourne. Toujours le moteur. Toujours les vibrations. Le diesel flotte dans l\u2019air. Une canette roule sur le trottoir. Puis s\u2019arr\u00eate. \u00c0 quelques m\u00e8tres, une borne rouge\u202f : « \u202fTaxi Aquatique\u202f ». Un plan de la ville coll\u00e9 de travers. Un chien maigre passe. Renifle. S\u2019arr\u00eate. Continue. Plus loin, une barri\u00e8re jaune. Une barri\u00e8re encercle un chantier. Des gravats contre un grillage. Dans les mailles, des sacs plastiques. Les sacs sont accroch\u00e9s aux pointes. Le vent les agite doucement. Toujours le vent. Toujours.<\/p>\n

Le Ponte degli Scalzi est en pierre grise, son arche unique s\u2019\u00e9l\u00e8ve doucement, r\u00e9guli\u00e8re, mais les marches sont irr\u00e9guli\u00e8res. Certaines sont lisses, presque polies, d\u2019autres creus\u00e9es, comme si le poids des passants avait laiss\u00e9 sa marque au fil des ans. La lumi\u00e8re de l\u2019apr\u00e8s-midi glisse sur les bords, \u00e9claire les petits \u00e9clats de quartz dans la pierre. \u00c0 gauche, la balustrade, froide, us\u00e9e par les mains. Un morceau de papier y est coll\u00e9, un reste d\u2019affiche\u202f : *24 APRILE*, le reste a disparu, lessiv\u00e9 par l\u2019humidit\u00e9. Plus loin, des initiales grav\u00e9es\u202f : *Luca e Giulia, 1982.* Les lettres sont encore nettes, le temps n\u2019a pas effac\u00e9 cet amour, ou ce qu\u2019il en reste.Des pas r\u00e9sonnent sur les marches. Un homme monte, une valise en cuir noir \u00e0 la main, un peu us\u00e9e sur les bords. Derri\u00e8re lui, une femme en robe fleurie tire un sac plastique translucide. Le plastique bruisse, et \u00e0 travers, on devine des pommes, une bouteille d\u2019eau, un paquet de biscuits. En dessous, une gondole glisse. Les rames fendent l\u2019eau dans un mouvement lent et pr\u00e9cis. Une voix monte, celle du gondolier\u202f : *“Attento, destra !”* Le bruit des rames se m\u00eale \u00e0 celui d\u2019un vaporetto. Bruyant, presque agressif, ses vagues frappent les murs du canal, qui semblent tanguer sous le choc. Le pont a t’il une m\u00e9moire\u202f ? Il n\u2019est pas seulement un passage pour les vivants, il est aussi le souvenir des autres. Les moines d\u00e9chauss\u00e9s, pieds nus sur ces m\u00eames pierres, marchant en silence. Les soldats autrichiens, hongrois, leurs bottes claquant sur le pont en fer forg\u00e9 qui existait avant celui-ci. Aujourd\u2019hui, ce sont des chaussures modernes, des semelles en caoutchouc qui crissent ou glissent selon la marche. Une valise \u00e0 roulettes descend les marches, chaque rebond produit un son sourd. Une clocharde est assise, immobile. Un foulard couvre ses cheveux. Dans ses mains, un polaroid jauni\u202f ; on y devine une silhouette floue, presque effac\u00e9e. Devant elle, un gobelet en plastique\u202f : deux pi\u00e8ces. Une brille, l\u2019autre semble terne, presque noire. Depuis le sommet, \u00e0 gauche, la gare Santa Lucia se dresse comme un rectangle de pierre clair. Sa fa\u00e7ade minimaliste contraste avec l\u2019agitation de son parvis. Les portes vitr\u00e9es refl\u00e8tent la lumi\u00e8re du canal, et les silhouettes des passants traversent l\u2019entr\u00e9e, disparaissent dans l\u2019ombre du hall, puis r\u00e9apparaissent \u00e0 la sortie. Des valises roulent sur les pav\u00e9s irr\u00e9guliers, produisant une cadence chaotique. Un vendeur ambulant est install\u00e9 juste devant l\u2019entr\u00e9e, ses bouteilles d\u2019eau dispos\u00e9es sur une table pliante. Plus loin, une rang\u00e9e de taxis aquatiques tangue l\u00e9g\u00e8rement \u00e0 leur amarrage, leurs coques claires brillent sous le soleil. \u00c0 droite, le Grand Canal s\u2019\u00e9tire, bord\u00e9 de fa\u00e7ades ocre et rose. Les volets ferm\u00e9s donnent une impression de retenue, sauf une fen\u00eatre ouverte. Derri\u00e8re le rideau blanc qui bouge lentement, une silhouette floue appara\u00eet, s\u2019\u00e9loigne. Une autre gondole passe, son sillage brise la surface calme de l\u2019eau. L\u2019agitation est constante, mais elle semble loin, adoucie par la distance. En redescendant du pont, le bruit des pas diminue. Le quartier de Cannaregio s\u2019ouvre devant moi\u202f : ses rues \u00e9troites, ses murs qui semblent absorber la lumi\u00e8re. Au loin, une fa\u00e7ade en briques sombres attire mon regard. Elle marque l\u2019entr\u00e9e du Ghetto. Une inscription h\u00e9bra\u00efque, \u00e0 moiti\u00e9 effac\u00e9e, surplombe une porte basse. Les lettres grav\u00e9es dans la pierre paraissent anciennes, presque \u00e9rod\u00e9es par le temps. Plus loin, des cordes \u00e0 linge relient deux immeubles aux teintes d\u00e9lav\u00e9es. Un chat se repose sur une passerelle en bois, immobile. En bas, les bruits s\u2019amenuisent. Une femme \u00e2g\u00e9e descend lentement, sa main glisse sur la balustrade. Derri\u00e8re elle, un homme avec un sac en bandouli\u00e8re passe rapidement, sans la regarder. L\u2019air semble plus \u00e9pais ici, charg\u00e9 d\u2019une odeur de bois mouill\u00e9 et de pierre froide. Mais la lumi\u00e8re du canal persiste, diffuse, presque irr\u00e9elle, comme si elle s\u2019accrochait aux murs et aux pav\u00e9s.<\/p>\n

Les rues s\u2019\u00e9tr\u00e9cissent. Les murs montent plus haut, enfermant la lumi\u00e8re. Le Ghetto commence, mais il n\u2019y a pas de seuil, juste une transition imperceptible. Les briques sombres, les fen\u00eatres \u00e9troites, les volets parfois clos, parfois \u00e0 demi ouverts. L\u2019air devient plus frais, plus dense. Les pas sur les pav\u00e9s r\u00e9sonnent diff\u00e9remment\u202f : un \u00e9cho l\u00e9ger, presque intime.Je ne m\u2019arr\u00eate pas, pas tout de suite. La place du Ghetto Nuovo s\u2019ouvre devant moi, large et claire, mais ses contours sont encadr\u00e9s par ces immeubles si hauts qu\u2019ils semblent vouloir contenir le ciel. Les fen\u00eatres s\u2019empilent, irr\u00e9guli\u00e8res. Certaines sont mur\u00e9es\u202f ; d\u2019autres, ouvertes sur l\u2019ombre d\u2019une pi\u00e8ce. Une corde \u00e0 linge traverse l\u2019espace, tendue entre deux fa\u00e7ades\u202f : des draps blancs flottent doucement, en silence. Au centre de la place, un puits. Ferm\u00e9 par une grille rouill\u00e9e, il semble inutilis\u00e9 depuis longtemps. Mais je m\u2019approche. Je regarde les pierres qui l\u2019entourent, creus\u00e9es par les pas de ceux qui ont d\u00fb venir puiser ici. Le vent agite les feuilles d\u2019un arbre solitaire, juste assez pour qu\u2019un frisson traverse l\u2019air. Un banc, vide. Son bois est us\u00e9, presque noir, les accoudoirs d\u00e9form\u00e9s par le temps. Une inscription grav\u00e9e\u202f : un nom peut-\u00eatre, ou un mot, mais je ne peux pas le lire. Les bruits diminuent ici. Les langues m\u00eal\u00e9es du pont disparaissent. Pas de gondoles, pas de moteurs. Juste un froissement l\u00e9ger, celui du linge au-dessus de moi. Plus loin, des oiseaux. Un chat passe, son ombre glisse entre deux portes. Sur un mur, une plaque en bronze. Les noms y sont align\u00e9s, grav\u00e9s avec une pr\u00e9cision froide. Des dates, aussi\u202f : elles s\u2019arr\u00eatent brusquement. Je ne lis pas tout, mais je reste l\u00e0, devant, un instant. Le m\u00e9tal capte la lumi\u00e8re, en silence. Plus loin, une ruelle serpente. \u00c9troite, ombrag\u00e9e, presque ferm\u00e9e. Je m\u2019y engage, mes pas ralentissent. La lumi\u00e8re devient douce, diffuse. Je sens quelque chose changer, mais je ne sais pas quoi. Chaque coin du Ghetto semble porter une m\u00e9moire. Pas une histoire, mais une accumulation. Les briques, les pav\u00e9s, les grilles. Les fen\u00eatres minuscules, comme des yeux fatigu\u00e9s. Le linge suspendu, les odeurs de pierre mouill\u00e9e. Ce n\u2019est pas lourd, mais pr\u00e9sent. Je continue \u00e0 marcher. Je me perds sans effort, tournant \u00e0 chaque nouvelle intersection, comme si j\u2019attendais qu\u2019un chemin se dessine seul. Une porte basse attire mon regard\u202f ; elle est ferm\u00e9e, mais le bois semble avoir \u00e9t\u00e9 touch\u00e9 mille fois. Les traces sont l\u00e0\u202f : griffures, fissures, caresses peut-\u00eatre. Puis, un puits encore. Je m\u2019arr\u00eate devant. Je ne sais pas pourquoi. Je regarde l\u2019eau en dessous, ou ce qu\u2019il reste d\u2019elle. Le vent s\u2019arr\u00eate. Le linge ne bouge plus. Je fouille dans ma poche, en sors ma montre. Les aiguilles avancent lentement, mais il est d\u00e9j\u00e0 l\u2019heure.Je l\u00e8ve les yeux une derni\u00e8re fois. Les fa\u00e7ades me paraissent moins hautes. Les rues moins sombres. Il est temps de revenir vers le bus, de reprendre le voyage.<\/p>", "content_text": "Piazzale Roma. Une large esplanade en b\u00e9ton. Le b\u00e9ton est lisse par endroits, fissur\u00e9 ailleurs. Le sol est marqu\u00e9 de lignes jaunes, des lignes qui se croisent, des lignes qui s\u2019effacent. \u00c0 droite, une rang\u00e9e de bus blancs et verts, align\u00e9s comme des blocs. Une femme descend. Elle tire une valise. Une poign\u00e9e. Une roue. Un bruit de plastique contre le b\u00e9ton. Un homme reste sur la derni\u00e8re marche, immobile. Il regarde \u00e0 droite. Puis \u00e0 gauche. Puis rien. Les panneaux suspendus indiquent des directions. \u00ab Ferrovia \u00bb. Fl\u00e8che. \u00ab Tronchetto \u00bb. Fl\u00e8che. Les panneaux sont inclin\u00e9s, tordus \u00e0 la base. Une pancarte lumineuse clignote. 17:12. La lumi\u00e8re s\u2019allume. La lumi\u00e8re s\u2019\u00e9teint. La lumi\u00e8re revient. Toujours 17:12. Toujours. \u00c0 gauche, des distributeurs automatiques. Boissons. Snacks. Une bouteille coinc\u00e9e dans la machine. Un homme tape doucement sur le verre. Une, deux fois. Puis il abandonne. Une poubelle d\u00e9borde. Gobelets. Papiers froiss\u00e9s. Sacs en plastique. Au centre, un banc m\u00e9tallique. Gris. Rouill\u00e9. Une femme s\u2019assied. Son sac sur les genoux. Elle fixe le vide. \u00c0 ses pieds, une valise. La fermeture \u00e9clair est \u00e0 moiti\u00e9 ouverte. Une chaussette blanche d\u00e9passe. Le moteur d\u2019un bus tourne. Toujours le moteur. Toujours les vibrations. Le diesel flotte dans l\u2019air. Une canette roule sur le trottoir. Puis s\u2019arr\u00eate. \u00c0 quelques m\u00e8tres, une borne rouge : \u00ab Taxi Aquatique \u00bb. Un plan de la ville coll\u00e9 de travers. Un chien maigre passe. Renifle. S\u2019arr\u00eate. Continue. Plus loin, une barri\u00e8re jaune. Une barri\u00e8re encercle un chantier. Des gravats contre un grillage. Dans les mailles, des sacs plastiques. Les sacs sont accroch\u00e9s aux pointes. Le vent les agite doucement. Toujours le vent. Toujours. Le Ponte degli Scalzi est en pierre grise, son arche unique s\u2019\u00e9l\u00e8ve doucement, r\u00e9guli\u00e8re, mais les marches sont irr\u00e9guli\u00e8res. Certaines sont lisses, presque polies, d\u2019autres creus\u00e9es, comme si le poids des passants avait laiss\u00e9 sa marque au fil des ans. 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Une brille, l\u2019autre semble terne, presque noire. Depuis le sommet, \u00e0 gauche, la gare Santa Lucia se dresse comme un rectangle de pierre clair. Sa fa\u00e7ade minimaliste contraste avec l\u2019agitation de son parvis. Les portes vitr\u00e9es refl\u00e8tent la lumi\u00e8re du canal, et les silhouettes des passants traversent l\u2019entr\u00e9e, disparaissent dans l\u2019ombre du hall, puis r\u00e9apparaissent \u00e0 la sortie. Des valises roulent sur les pav\u00e9s irr\u00e9guliers, produisant une cadence chaotique. Un vendeur ambulant est install\u00e9 juste devant l\u2019entr\u00e9e, ses bouteilles d\u2019eau dispos\u00e9es sur une table pliante. Plus loin, une rang\u00e9e de taxis aquatiques tangue l\u00e9g\u00e8rement \u00e0 leur amarrage, leurs coques claires brillent sous le soleil. \u00c0 droite, le Grand Canal s\u2019\u00e9tire, bord\u00e9 de fa\u00e7ades ocre et rose. Les volets ferm\u00e9s donnent une impression de retenue, sauf une fen\u00eatre ouverte. Derri\u00e8re le rideau blanc qui bouge lentement, une silhouette floue appara\u00eet, s\u2019\u00e9loigne. Une autre gondole passe, son sillage brise la surface calme de l\u2019eau. L\u2019agitation est constante, mais elle semble loin, adoucie par la distance. En redescendant du pont, le bruit des pas diminue. Le quartier de Cannaregio s\u2019ouvre devant moi : ses rues \u00e9troites, ses murs qui semblent absorber la lumi\u00e8re. Au loin, une fa\u00e7ade en briques sombres attire mon regard. Elle marque l\u2019entr\u00e9e du Ghetto. Une inscription h\u00e9bra\u00efque, \u00e0 moiti\u00e9 effac\u00e9e, surplombe une porte basse. Les lettres grav\u00e9es dans la pierre paraissent anciennes, presque \u00e9rod\u00e9es par le temps. Plus loin, des cordes \u00e0 linge relient deux immeubles aux teintes d\u00e9lav\u00e9es. Un chat se repose sur une passerelle en bois, immobile. En bas, les bruits s\u2019amenuisent. Une femme \u00e2g\u00e9e descend lentement, sa main glisse sur la balustrade. Derri\u00e8re elle, un homme avec un sac en bandouli\u00e8re passe rapidement, sans la regarder. L\u2019air semble plus \u00e9pais ici, charg\u00e9 d\u2019une odeur de bois mouill\u00e9 et de pierre froide. Mais la lumi\u00e8re du canal persiste, diffuse, presque irr\u00e9elle, comme si elle s\u2019accrochait aux murs et aux pav\u00e9s. Les rues s\u2019\u00e9tr\u00e9cissent. Les murs montent plus haut, enfermant la lumi\u00e8re. Le Ghetto commence, mais il n\u2019y a pas de seuil, juste une transition imperceptible. Les briques sombres, les fen\u00eatres \u00e9troites, les volets parfois clos, parfois \u00e0 demi ouverts. L\u2019air devient plus frais, plus dense. Les pas sur les pav\u00e9s r\u00e9sonnent diff\u00e9remment : un \u00e9cho l\u00e9ger, presque intime.Je ne m\u2019arr\u00eate pas, pas tout de suite. La place du Ghetto Nuovo s\u2019ouvre devant moi, large et claire, mais ses contours sont encadr\u00e9s par ces immeubles si hauts qu\u2019ils semblent vouloir contenir le ciel. Les fen\u00eatres s\u2019empilent, irr\u00e9guli\u00e8res. Certaines sont mur\u00e9es ; d\u2019autres, ouvertes sur l\u2019ombre d\u2019une pi\u00e8ce. Une corde \u00e0 linge traverse l\u2019espace, tendue entre deux fa\u00e7ades : des draps blancs flottent doucement, en silence. Au centre de la place, un puits. Ferm\u00e9 par une grille rouill\u00e9e, il semble inutilis\u00e9 depuis longtemps. Mais je m\u2019approche. Je regarde les pierres qui l\u2019entourent, creus\u00e9es par les pas de ceux qui ont d\u00fb venir puiser ici. Le vent agite les feuilles d\u2019un arbre solitaire, juste assez pour qu\u2019un frisson traverse l\u2019air. Un banc, vide. Son bois est us\u00e9, presque noir, les accoudoirs d\u00e9form\u00e9s par le temps. Une inscription grav\u00e9e : un nom peut-\u00eatre, ou un mot, mais je ne peux pas le lire. Les bruits diminuent ici. Les langues m\u00eal\u00e9es du pont disparaissent. Pas de gondoles, pas de moteurs. Juste un froissement l\u00e9ger, celui du linge au-dessus de moi. Plus loin, des oiseaux. Un chat passe, son ombre glisse entre deux portes. Sur un mur, une plaque en bronze. Les noms y sont align\u00e9s, grav\u00e9s avec une pr\u00e9cision froide. Des dates, aussi : elles s\u2019arr\u00eatent brusquement. Je ne lis pas tout, mais je reste l\u00e0, devant, un instant. Le m\u00e9tal capte la lumi\u00e8re, en silence. Plus loin, une ruelle serpente. \u00c9troite, ombrag\u00e9e, presque ferm\u00e9e. Je m\u2019y engage, mes pas ralentissent. La lumi\u00e8re devient douce, diffuse. Je sens quelque chose changer, mais je ne sais pas quoi. Chaque coin du Ghetto semble porter une m\u00e9moire. Pas une histoire, mais une accumulation. Les briques, les pav\u00e9s, les grilles. Les fen\u00eatres minuscules, comme des yeux fatigu\u00e9s. Le linge suspendu, les odeurs de pierre mouill\u00e9e. Ce n\u2019est pas lourd, mais pr\u00e9sent. Je continue \u00e0 marcher. Je me perds sans effort, tournant \u00e0 chaque nouvelle intersection, comme si j\u2019attendais qu\u2019un chemin se dessine seul. Une porte basse attire mon regard ; elle est ferm\u00e9e, mais le bois semble avoir \u00e9t\u00e9 touch\u00e9 mille fois. Les traces sont l\u00e0 : griffures, fissures, caresses peut-\u00eatre. Puis, un puits encore. Je m\u2019arr\u00eate devant. Je ne sais pas pourquoi. Je regarde l\u2019eau en dessous, ou ce qu\u2019il reste d\u2019elle. Le vent s\u2019arr\u00eate. Le linge ne bouge plus. Je fouille dans ma poche, en sors ma montre. Les aiguilles avancent lentement, mais il est d\u00e9j\u00e0 l\u2019heure.Je l\u00e8ve les yeux une derni\u00e8re fois. Les fa\u00e7ades me paraissent moins hautes. Les rues moins sombres. Il est temps de revenir vers le bus, de reprendre le voyage.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/piazzale-roma-min.jpg?1748065159", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/26-novembre-2024.html", "title": "26 novembre 2024", "date_published": "2024-11-26T12:53:00Z", "date_modified": "2024-11-26T13:11:26Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Je l\u2019ai achet\u00e9 un jour de grisaille, dans une librairie pr\u00e8s de la gare de l\u2019Est. Je ne savais pas trop pourquoi. C\u2019\u00e9tait probablement \u00e0 classer dans la cat\u00e9gorie des lubies passag\u00e8res. Ce n\u2019\u00e9tait pas un projet r\u00e9fl\u00e9chi, juste une impulsion. \u00c0 cette \u00e9poque, je travaillais comme receveur dans une imprimerie familiale. Les L., deux fr\u00e8res toujours \u00e0 cran, me tol\u00e9raient plus qu\u2019ils ne m\u2019appr\u00e9ciaient. Les rotatives tournaient sans fin, remplissant mes journ\u00e9es d\u2019un bruit si assourdissant qu\u2019il continuait jusque dans mes r\u00eaves.<\/p>\n

Ce jour-l\u00e0, \u00e0 l\u2019heure de ma pause, je suis entr\u00e9 dans un caf\u00e9 avec ce carnet bleu et un feutre \u00e0 pointe fine. Il \u00e9tait rare que j\u2019entre dans un caf\u00e9 \u00e0 cette \u00e9poque. Mais je me suis senti soudain plus courageux. Peut-\u00eatre \u00e0 cause de ce carnet et de ce feutre, neufs, inutilis\u00e9s. J\u2019avais entam\u00e9 une action, et il semblait parfaitement logique de la poursuivre. Le seul refuge \u00e9tait cet \u00e9tablissement dans lequel je p\u00e9n\u00e9trais.<\/p>\n

Je me souviens de la lumi\u00e8re tamis\u00e9e, du tintement des cuill\u00e8res contre les tasses, du parfum du caf\u00e9. Je me suis assis dans un coin, persuad\u00e9 que quelque chose allait na\u00eetre. Jack London l\u2019a fait, pourquoi pas moi, me suis-je dit.<\/p>\n

Mais tout ce que j\u2019ai r\u00e9ussi \u00e0 \u00e9crire, c\u2019\u00e9tait la date du jour et le mot solitude, r\u00e9p\u00e9t\u00e9 dix fois dans le m\u00eame paragraphe. Solitude. Solitude. Solitude. \u00c0 chaque r\u00e9p\u00e9tition, le mot devenait plus lourd, comme s\u2019il creusait un trou dans la page.<\/p>\n

Je me suis fig\u00e9. Je sentais les conversations autour de moi, les gestes des serveurs. Personne ne faisait attention \u00e0 moi, mais je me sentais expos\u00e9, presque ridicule. Ce carnet bleu, qui devait me sauver, devenait un objet inutile, un poids.<\/p>\n

Les L. \u00e9taient toujours l\u00e0. Toujours debout. Deux fr\u00e8res au visage ferm\u00e9. Leur costume gris, un peu us\u00e9, mais propre. Les m\u00eames chaussures, cir\u00e9es. Pas un mot de trop. Pas un geste inutile.<\/p>\n

Ils regardaient les rotatives comme d\u2019autres regardent une forge. On aurait dit qu\u2019ils attendaient quelque chose. Quoi, je ne sais pas.<\/p>\n

Les machines tournaient, tournaient. \u00c7a ne s\u2019arr\u00eatait jamais vraiment. M\u00eame \u00e9teintes, elles vibraient encore, \u00e0 peine. Je me disais parfois qu\u2019elles respiraient. Je me disais aussi que ce genre de phrases iraient tr\u00e8s bien dans le carnet bleu, si je parvenais \u00e0 m\u2019en souvenir, \u00e0 les noter. Mais m\u00eame quand je ne l\u2019ouvrais pas, je savais qu\u2019il \u00e9tait l\u00e0. Comme un objet qu\u2019on n\u2019a pas encore appris \u00e0 utiliser.<\/p>\n

Les L. passaient, revenaient. Toujours le m\u00eame trajet, entre les rang\u00e9es. Parfois, ils levaient un \u0153il. Parfois non. Ils savaient. Je ne sais pas quoi, mais ils savaient. Ce n\u2019\u00e9tait pas une menace. C\u2019\u00e9tait autre chose. Une tension, comme avant un orage.<\/p>\n

Parfois, je me demandais si ce n\u2019\u00e9taient pas les L. qui faisaient tourner les machines. Ou si c\u2019\u00e9taient les machines qui leur donnaient cette immobilit\u00e9, cette patience. Tout semblait li\u00e9, sans que je comprenne comment.<\/p>\n

Les rotatives forgeaient quelque chose. Pas des affiches de cin\u00e9ma, pas des livres. Autre chose. Une mati\u00e8re invisible, qui vibrait dans l\u2019air. Quelque chose qu\u2019on ne voyait pas mais qui, je le sentais, s\u2019impr\u00e9gnait de tout.<\/p>\n

\u00c0 cette \u00e9poque, j\u2019avais toujours un vague projet de voyage en t\u00eate. Une id\u00e9e floue, plus un pr\u00e9texte qu\u2019un vrai plan. Je me disais que \u00e7a m\u2019aiderait \u00e0 tenir, \u00e0 survivre. Cette ann\u00e9e-l\u00e0, j\u2019allais avoir 26 ans. Je me rendais compte, avec une sorte d\u2019aigreur, que je n\u2019avais rien fichu de ma vie.<\/p>\n

La seule chose qui m\u2019avait vraiment motiv\u00e9 jusque-l\u00e0, c\u2019\u00e9tait l\u2019id\u00e9e d\u2019avoir une copine, un appartement, et de me la couler douce. Mais tout \u00e9tait parti en vrille. Ma copine m\u2019avait largu\u00e9, je n\u2019arrivais plus \u00e0 payer les termes de mon logis, et j\u2019encha\u00eenais les missions d\u2019int\u00e9rim les plus p\u00e9nibles. Le genre de boulots o\u00f9 on vous demande de poser vos id\u00e9es \u00e0 la porte. \u00c7a tombait bien : on m\u2019avait toujours dit que ma t\u00eate n\u2019\u00e9tait pas bonne conseill\u00e8re.<\/p>\n

La s\u00e9paration avait \u00e9t\u00e9 une d\u00e9flagration. J\u2019en \u00e9tais venu \u00e0 penser qu\u2019elle avait d\u00e9truit ma vie. Ou, pour \u00eatre honn\u00eate, ce que j\u2019appelais ainsi. Une vie qui n\u2019\u00e9tait rien de plus qu\u2019un refuge, un petit cocon bancal o\u00f9 je pouvais me cacher du reste.<\/p>\n

J\u2019avais une passion : la photographie argentique. Je photographiais la ville sous toutes les coutures. Les murs \u00e9caill\u00e9s, les reflets dans les flaques, les gens qui ne regardent jamais l\u2019objectif. Quelques mois plus t\u00f4t, j\u2019avais m\u00eame travaill\u00e9 pour un architecte. Prises de vue de maquettes, d\u00e9veloppement de tirages. C\u2019\u00e9tait minutieux, presque m\u00e9ditatif. Peut-\u00eatre m\u00eame trop, parce que je ne pouvais pas m\u2019emp\u00eacher de m\u2019y perdre, comme si ces maquettes \u00e9taient plus r\u00e9elles que la ville elle-m\u00eame.
\nJ\u2019avais donc ce projet de voyage. L\u2019Iran, peut-\u00eatre l\u2019Afghanistan. L\u2019id\u00e9e me fascinait, moins pour les paysages que pour une image plus vaste, plus floue, celle d\u2019un Orient qui hantait mes lectures.<\/p>\n

\u00c0 cette \u00e9poque, je passais mes jours libres \u00e0 la biblioth\u00e8que du Centre Pompidou. Je lisais Nerval, Ren\u00e9 Gu\u00e9non, et bien d\u2019autres dont j\u2019ai oubli\u00e9 les noms. Des ouvrages qui parlaient de l\u2019Orient comme d\u2019un lieu int\u00e9rieur autant qu\u2019un espace g\u00e9ographique. Un miroir du monde, mais invers\u00e9. Il y avait cette phrase, je crois, dans Voyage en Orient : « L\u2019Orient, ce n\u2019est pas seulement une direction g\u00e9ographique, c\u2019est une direction de l\u2019\u00e2me. » Elle me restait en t\u00eate, revenait \u00e0 chaque fois que j\u2019ouvrais un nouveau livre ou que je feuilletais un atlas en r\u00eavant \u00e0 des cartes poussi\u00e9reuses et des trajets improbables.<\/p>\n

Mais en attendant de partir, je travaillais. La nuit, je jouais les vigiles dans une bo\u00eete informatique de la place Vend\u00f4me. Mes coll\u00e8gues \u00e9taient de jeunes \u00e9tudiants iraniens. Nous \u00e9changions sur tout : les subtilit\u00e9s de la grammaire fran\u00e7aise, des fragments de po\u00e8mes, et cette m\u00e9lancolie douce qu\u2019ils appelaient gham-e-ghorbat, le chagrin de l\u2019exil.<\/p>\n

Ils me r\u00e9citaient Hafez. « Le chemin est long, le d\u00e9sert infini, et je suis seul, » disait l\u2019un d\u2019eux, avant de sourire. Les mots flottaient dans l\u2019air ti\u00e8de de l\u2019immeuble, au milieu des bruits feutr\u00e9s des serveurs et des ventilateurs. Parfois, ils tentaient de traduire les vers. « En fran\u00e7ais, c\u2019est difficile, » disaient-ils. Je hochais la t\u00eate. C\u2019\u00e9tait difficile dans toutes les langues, je crois.<\/p>\n

Ces nuits avaient une atmosph\u00e8re \u00e9trange. Suspendue. Comme si nous vivions dans un entre-deux : entre veille et sommeil, entre travail et r\u00eaverie, entre Paris et ce pays lointain qu\u2019ils d\u00e9crivaient d\u2019une voix lente et grave.<\/p>\n

Le carnet bleu, que je gardais toujours dans ma poche, ne s\u2019ouvrait pas souvent. Mais parfois, je me surprenais \u00e0 noter un mot ou une phrase. Des fragments de ces conversations, ou peut-\u00eatre des pens\u00e9es que leurs voix faisaient na\u00eetre. Des mots comme d\u00e9sert, exil, \u00e9toiles. Ils n\u2019avaient pas de suite. Pas encore.<\/p>\n

Le froid s\u2019est intensifi\u00e9. Je me suis mis devant l\u2019ordinateur de bonne heure, et le temps a fil\u00e9. Il est d\u00e9j\u00e0 la mi-journ\u00e9e, et \u00e0 part \u00e9crire, je n\u2019ai rien fait. Peut-\u00eatre est-il temps de clore ce billet, de le laisser reposer, et de reprendre ma journ\u00e9e — ou ce qu\u2019il en reste.<\/p>", "content_text": "Je l\u2019ai achet\u00e9 un jour de grisaille, dans une librairie pr\u00e8s de la gare de l\u2019Est. Je ne savais pas trop pourquoi. C\u2019\u00e9tait probablement \u00e0 classer dans la cat\u00e9gorie des lubies passag\u00e8res. Ce n\u2019\u00e9tait pas un projet r\u00e9fl\u00e9chi, juste une impulsion. \u00c0 cette \u00e9poque, je travaillais comme receveur dans une imprimerie familiale. Les L., deux fr\u00e8res toujours \u00e0 cran, me tol\u00e9raient plus qu\u2019ils ne m\u2019appr\u00e9ciaient. Les rotatives tournaient sans fin, remplissant mes journ\u00e9es d\u2019un bruit si assourdissant qu\u2019il continuait jusque dans mes r\u00eaves. Ce jour-l\u00e0, \u00e0 l\u2019heure de ma pause, je suis entr\u00e9 dans un caf\u00e9 avec ce carnet bleu et un feutre \u00e0 pointe fine. Il \u00e9tait rare que j\u2019entre dans un caf\u00e9 \u00e0 cette \u00e9poque. Mais je me suis senti soudain plus courageux. Peut-\u00eatre \u00e0 cause de ce carnet et de ce feutre, neufs, inutilis\u00e9s. J\u2019avais entam\u00e9 une action, et il semblait parfaitement logique de la poursuivre. Le seul refuge \u00e9tait cet \u00e9tablissement dans lequel je p\u00e9n\u00e9trais. Je me souviens de la lumi\u00e8re tamis\u00e9e, du tintement des cuill\u00e8res contre les tasses, du parfum du caf\u00e9. Je me suis assis dans un coin, persuad\u00e9 que quelque chose allait na\u00eetre. Jack London l\u2019a fait, pourquoi pas moi, me suis-je dit. Mais tout ce que j\u2019ai r\u00e9ussi \u00e0 \u00e9crire, c\u2019\u00e9tait la date du jour et le mot solitude, r\u00e9p\u00e9t\u00e9 dix fois dans le m\u00eame paragraphe. Solitude. Solitude. Solitude. \u00c0 chaque r\u00e9p\u00e9tition, le mot devenait plus lourd, comme s\u2019il creusait un trou dans la page. Je me suis fig\u00e9. Je sentais les conversations autour de moi, les gestes des serveurs. Personne ne faisait attention \u00e0 moi, mais je me sentais expos\u00e9, presque ridicule. Ce carnet bleu, qui devait me sauver, devenait un objet inutile, un poids. Les L. \u00e9taient toujours l\u00e0. Toujours debout. Deux fr\u00e8res au visage ferm\u00e9. Leur costume gris, un peu us\u00e9, mais propre. Les m\u00eames chaussures, cir\u00e9es. Pas un mot de trop. Pas un geste inutile. Ils regardaient les rotatives comme d\u2019autres regardent une forge. On aurait dit qu\u2019ils attendaient quelque chose. Quoi, je ne sais pas. Les machines tournaient, tournaient. \u00c7a ne s\u2019arr\u00eatait jamais vraiment. M\u00eame \u00e9teintes, elles vibraient encore, \u00e0 peine. Je me disais parfois qu\u2019elles respiraient. Je me disais aussi que ce genre de phrases iraient tr\u00e8s bien dans le carnet bleu, si je parvenais \u00e0 m\u2019en souvenir, \u00e0 les noter. Mais m\u00eame quand je ne l\u2019ouvrais pas, je savais qu\u2019il \u00e9tait l\u00e0. Comme un objet qu\u2019on n\u2019a pas encore appris \u00e0 utiliser. Les L. passaient, revenaient. Toujours le m\u00eame trajet, entre les rang\u00e9es. Parfois, ils levaient un \u0153il. Parfois non. Ils savaient. Je ne sais pas quoi, mais ils savaient. Ce n\u2019\u00e9tait pas une menace. C\u2019\u00e9tait autre chose. Une tension, comme avant un orage. Parfois, je me demandais si ce n\u2019\u00e9taient pas les L. qui faisaient tourner les machines. Ou si c\u2019\u00e9taient les machines qui leur donnaient cette immobilit\u00e9, cette patience. Tout semblait li\u00e9, sans que je comprenne comment. Les rotatives forgeaient quelque chose. Pas des affiches de cin\u00e9ma, pas des livres. Autre chose. Une mati\u00e8re invisible, qui vibrait dans l\u2019air. Quelque chose qu\u2019on ne voyait pas mais qui, je le sentais, s\u2019impr\u00e9gnait de tout. \u00c0 cette \u00e9poque, j\u2019avais toujours un vague projet de voyage en t\u00eate. Une id\u00e9e floue, plus un pr\u00e9texte qu\u2019un vrai plan. Je me disais que \u00e7a m\u2019aiderait \u00e0 tenir, \u00e0 survivre. Cette ann\u00e9e-l\u00e0, j\u2019allais avoir 26 ans. Je me rendais compte, avec une sorte d\u2019aigreur, que je n\u2019avais rien fichu de ma vie. La seule chose qui m\u2019avait vraiment motiv\u00e9 jusque-l\u00e0, c\u2019\u00e9tait l\u2019id\u00e9e d\u2019avoir une copine, un appartement, et de me la couler douce. Mais tout \u00e9tait parti en vrille. Ma copine m\u2019avait largu\u00e9, je n\u2019arrivais plus \u00e0 payer les termes de mon logis, et j\u2019encha\u00eenais les missions d\u2019int\u00e9rim les plus p\u00e9nibles. Le genre de boulots o\u00f9 on vous demande de poser vos id\u00e9es \u00e0 la porte. \u00c7a tombait bien : on m\u2019avait toujours dit que ma t\u00eate n\u2019\u00e9tait pas bonne conseill\u00e8re. La s\u00e9paration avait \u00e9t\u00e9 une d\u00e9flagration. J\u2019en \u00e9tais venu \u00e0 penser qu\u2019elle avait d\u00e9truit ma vie. Ou, pour \u00eatre honn\u00eate, ce que j\u2019appelais ainsi. Une vie qui n\u2019\u00e9tait rien de plus qu\u2019un refuge, un petit cocon bancal o\u00f9 je pouvais me cacher du reste. J\u2019avais une passion : la photographie argentique. Je photographiais la ville sous toutes les coutures. Les murs \u00e9caill\u00e9s, les reflets dans les flaques, les gens qui ne regardent jamais l\u2019objectif. Quelques mois plus t\u00f4t, j\u2019avais m\u00eame travaill\u00e9 pour un architecte. Prises de vue de maquettes, d\u00e9veloppement de tirages. C\u2019\u00e9tait minutieux, presque m\u00e9ditatif. Peut-\u00eatre m\u00eame trop, parce que je ne pouvais pas m\u2019emp\u00eacher de m\u2019y perdre, comme si ces maquettes \u00e9taient plus r\u00e9elles que la ville elle-m\u00eame. J\u2019avais donc ce projet de voyage. L\u2019Iran, peut-\u00eatre l\u2019Afghanistan. L\u2019id\u00e9e me fascinait, moins pour les paysages que pour une image plus vaste, plus floue, celle d\u2019un Orient qui hantait mes lectures. \u00c0 cette \u00e9poque, je passais mes jours libres \u00e0 la biblioth\u00e8que du Centre Pompidou. Je lisais Nerval, Ren\u00e9 Gu\u00e9non, et bien d\u2019autres dont j\u2019ai oubli\u00e9 les noms. Des ouvrages qui parlaient de l\u2019Orient comme d\u2019un lieu int\u00e9rieur autant qu\u2019un espace g\u00e9ographique. Un miroir du monde, mais invers\u00e9. Il y avait cette phrase, je crois, dans Voyage en Orient : \"L\u2019Orient, ce n\u2019est pas seulement une direction g\u00e9ographique, c\u2019est une direction de l\u2019\u00e2me.\" Elle me restait en t\u00eate, revenait \u00e0 chaque fois que j\u2019ouvrais un nouveau livre ou que je feuilletais un atlas en r\u00eavant \u00e0 des cartes poussi\u00e9reuses et des trajets improbables. Mais en attendant de partir, je travaillais. La nuit, je jouais les vigiles dans une bo\u00eete informatique de la place Vend\u00f4me. Mes coll\u00e8gues \u00e9taient de jeunes \u00e9tudiants iraniens. Nous \u00e9changions sur tout : les subtilit\u00e9s de la grammaire fran\u00e7aise, des fragments de po\u00e8mes, et cette m\u00e9lancolie douce qu\u2019ils appelaient gham-e-ghorbat, le chagrin de l\u2019exil. Ils me r\u00e9citaient Hafez. \"Le chemin est long, le d\u00e9sert infini, et je suis seul,\" disait l\u2019un d\u2019eux, avant de sourire. Les mots flottaient dans l\u2019air ti\u00e8de de l\u2019immeuble, au milieu des bruits feutr\u00e9s des serveurs et des ventilateurs. Parfois, ils tentaient de traduire les vers. \"En fran\u00e7ais, c\u2019est difficile,\" disaient-ils. Je hochais la t\u00eate. C\u2019\u00e9tait difficile dans toutes les langues, je crois. Ces nuits avaient une atmosph\u00e8re \u00e9trange. Suspendue. Comme si nous vivions dans un entre-deux : entre veille et sommeil, entre travail et r\u00eaverie, entre Paris et ce pays lointain qu\u2019ils d\u00e9crivaient d\u2019une voix lente et grave. Le carnet bleu, que je gardais toujours dans ma poche, ne s\u2019ouvrait pas souvent. Mais parfois, je me surprenais \u00e0 noter un mot ou une phrase. Des fragments de ces conversations, ou peut-\u00eatre des pens\u00e9es que leurs voix faisaient na\u00eetre. Des mots comme d\u00e9sert, exil, \u00e9toiles. Ils n\u2019avaient pas de suite. Pas encore. Le froid s\u2019est intensifi\u00e9. Je me suis mis devant l\u2019ordinateur de bonne heure, et le temps a fil\u00e9. Il est d\u00e9j\u00e0 la mi-journ\u00e9e, et \u00e0 part \u00e9crire, je n\u2019ai rien fait. Peut-\u00eatre est-il temps de clore ce billet, de le laisser reposer, et de reprendre ma journ\u00e9e \u2014 ou ce qu\u2019il en reste. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/carnet-balthazar-souple-ligne.jpg.png?1748065078", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/25-novembre-2024-reflexion-sur-la-reecriture.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/25-novembre-2024-reflexion-sur-la-reecriture.html", "title": "25 novembre 2024 | R\u00e9flexion sur la r\u00e9\u00e9criture", "date_published": "2024-11-25T09:18:42Z", "date_modified": "2024-11-25T09:18:42Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le site se remplit lentement. J\u2019ai achev\u00e9 de recopier les articles de f\u00e9vrier 2022, et commenc\u00e9 ceux de mars de la m\u00eame ann\u00e9e. Quelques nouveaux articles sont r\u00e9\u00e9crits en utilisant (un peu) la m\u00e9thode de Perec, toute d\u00e9f\u00e9rence gard\u00e9e, bien s\u00fbr. Je me rends compte encore une fois de la longueur de mes textes. Souvent atterr\u00e9, j’h\u00e9site entre l’envie de les r\u00e9duire et le devoir de les laisser tels quels. Comme si r\u00e9\u00e9crire \u00e9tait une *esp\u00e8ce* de trahison. Ce qui est idiot, puisqu’on passe bien plus de temps \u00e0 devoir r\u00e9\u00e9crire qu’\u00e0 \u00e9crire. M\u00eame si, tout \u00e0 fait inconsciemment, on \u00e9crit toujours les m\u00eames choses. Ce biais syst\u00e9matique de vouloir obstin\u00e9ment s’accrocher \u00e0 quelque chose.<\/p>\n

J’ai r\u00e9duit mon traitement, je coupe mes cachets en deux. Ma tension remonte peu \u00e0 peu : de 8 lundi pass\u00e9 \u00e0 11,5 aujourd\u2019hui. \u00c0 ce sujet, je remarque \u00eatre moins productif ces derniers jours. Le d\u00e9sir et la tension sont-ils li\u00e9s ? Ou encore, faut-il stopper le traitement compl\u00e8tement, remonter \u00e0 16 voire 17, pour en finir une bonne fois pour toutes avec cette vell\u00e9it\u00e9 imb\u00e9cile ? Partir en beaut\u00e9 avec un \u00e9norme pav\u00e9. Je plaisante, bien s\u00fbr. D’ailleurs, je ne fais gu\u00e8re autre chose. Toute la violence que je porte au monde, je la d\u00e9tourne, comme un pirate \u00e9lectrique d\u00e9tourne le jus pour s’\u00e9clairer, r\u00e9sistance, r\u00e9volte et d\u00e9rive sur moi-m\u00eame.<\/p>\n

Un \u00e9l\u00e9ment que m’a apport\u00e9 l’intelligence artificielle depuis que je la pratique \u2013 et depuis que j’ai souvent ressenti le malaise de la voir r\u00e9\u00e9crire certains de mes textes \u2013 c’est celui-ci : la volont\u00e9 de conserver ma fa\u00e7on d’\u00e9crire, m\u00eame si elle me para\u00eet souvent maladroite. Apr\u00e8s tout, je n’\u00e9cris pas autrement que je peins : sans intention, de fa\u00e7on brouillonne. En peinture, ce passage m’a toujours paru important : accepter le brouillon, le chaos, le d\u00e9sordre, les d\u00e9sirer, afin qu’ils m’aident, \u00e0 force d’opini\u00e2tret\u00e9, \u00e0 parvenir \u00e0 une forme de clart\u00e9.<\/p>\n

Pris deux livres la semaine pass\u00e9e dans la boite \u00e0 livres de l’association de C. Le Cl\u00e9zio, « La ronde et autres faits divers » chez Folio , et un bouquin de Joan Didion « Une saison de nuits » ce dernier en livre de Poche porte un macaron rouge indiquant « livre offert pour 2 livres de Poche achet\u00e9s » A propos des livres \u00e9galement pendant que j’y pense toujours le m\u00eame dilemme concernant les milliers de romans policiers au-dessus de nos t\u00eates. Les revendre sur les plateformes de vente de livres d’occasion en ligne, ou conserver comme reliques. Avec le risque qu’ils s’ab\u00eement l\u00e0-haut, que des rats ou des souris les d\u00e9vorent ou chient dedans.<\/p>", "content_text": "Le site se remplit lentement. J\u2019ai achev\u00e9 de recopier les articles de f\u00e9vrier 2022, et commenc\u00e9 ceux de mars de la m\u00eame ann\u00e9e. Quelques nouveaux articles sont r\u00e9\u00e9crits en utilisant (un peu) la m\u00e9thode de Perec, toute d\u00e9f\u00e9rence gard\u00e9e, bien s\u00fbr. Je me rends compte encore une fois de la longueur de mes textes. Souvent atterr\u00e9, j'h\u00e9site entre l'envie de les r\u00e9duire et le devoir de les laisser tels quels. Comme si r\u00e9\u00e9crire \u00e9tait une *esp\u00e8ce* de trahison. Ce qui est idiot, puisqu'on passe bien plus de temps \u00e0 devoir r\u00e9\u00e9crire qu'\u00e0 \u00e9crire. M\u00eame si, tout \u00e0 fait inconsciemment, on \u00e9crit toujours les m\u00eames choses. Ce biais syst\u00e9matique de vouloir obstin\u00e9ment s'accrocher \u00e0 quelque chose. J'ai r\u00e9duit mon traitement, je coupe mes cachets en deux. Ma tension remonte peu \u00e0 peu : de 8 lundi pass\u00e9 \u00e0 11,5 aujourd\u2019hui. \u00c0 ce sujet, je remarque \u00eatre moins productif ces derniers jours. Le d\u00e9sir et la tension sont-ils li\u00e9s ? Ou encore, faut-il stopper le traitement compl\u00e8tement, remonter \u00e0 16 voire 17, pour en finir une bonne fois pour toutes avec cette vell\u00e9it\u00e9 imb\u00e9cile ? Partir en beaut\u00e9 avec un \u00e9norme pav\u00e9. Je plaisante, bien s\u00fbr. D'ailleurs, je ne fais gu\u00e8re autre chose. Toute la violence que je porte au monde, je la d\u00e9tourne, comme un pirate \u00e9lectrique d\u00e9tourne le jus pour s'\u00e9clairer, r\u00e9sistance, r\u00e9volte et d\u00e9rive sur moi-m\u00eame. Un \u00e9l\u00e9ment que m'a apport\u00e9 l'intelligence artificielle depuis que je la pratique \u2013 et depuis que j'ai souvent ressenti le malaise de la voir r\u00e9\u00e9crire certains de mes textes \u2013 c'est celui-ci : la volont\u00e9 de conserver ma fa\u00e7on d'\u00e9crire, m\u00eame si elle me para\u00eet souvent maladroite. Apr\u00e8s tout, je n'\u00e9cris pas autrement que je peins : sans intention, de fa\u00e7on brouillonne. En peinture, ce passage m'a toujours paru important : accepter le brouillon, le chaos, le d\u00e9sordre, les d\u00e9sirer, afin qu'ils m'aident, \u00e0 force d'opini\u00e2tret\u00e9, \u00e0 parvenir \u00e0 une forme de clart\u00e9. Pris deux livres la semaine pass\u00e9e dans la boite \u00e0 livres de l'association de C. Le Cl\u00e9zio, \"La ronde et autres faits divers\" chez Folio , et un bouquin de Joan Didion \"Une saison de nuits\" ce dernier en livre de Poche porte un macaron rouge indiquant \"livre offert pour 2 livres de Poche achet\u00e9s\" A propos des livres \u00e9galement pendant que j'y pense toujours le m\u00eame dilemme concernant les milliers de romans policiers au-dessus de nos t\u00eates. Les revendre sur les plateformes de vente de livres d'occasion en ligne, ou conserver comme reliques. Avec le risque qu'ils s'ab\u00eement l\u00e0-haut, que des rats ou des souris les d\u00e9vorent ou chient dedans.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_8259.webp?1748065068", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/25-novembre-2024-fragments-a-propos-du-hameau-de-v.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/25-novembre-2024-fragments-a-propos-du-hameau-de-v.html", "title": "25 novembre 2024 | fragments \u00e0 propos du hameau de V.", "date_published": "2024-11-25T03:02:46Z", "date_modified": "2025-02-15T06:27:14Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Il est 8 heures.
\nJe ne vis tous ces gens ensemble qu\u2019une seule fois, dans le nouveau cimeti\u00e8re de V. Ils \u00e9taient l\u00e0, r\u00e9unis d\u2019abord \u00e0 l\u2019\u00e9glise, puis les voici \u00e0 nouveau, tout autour du caveau. M\u00eame monsieur Pauvre Type est l\u00e0. La seule absente est N., elle n\u2019est pas venue, sans doute parce que c\u2019est un jour de semaine ; elle a commenc\u00e9 ses \u00e9tudes \u00e0 M. Peut-\u00eatre qu\u2019elle ne sait pas, peut-\u00eatre qu\u2019elle en a entendu parler, peut-\u00eatre pas. Sa s\u0153ur non plus n\u2019est pas l\u00e0 . Mais pour B., je comprends mieux. C\u2019est dans l\u2019ordre des choses.<\/p>\n

Il \u00e9tait 8 heures.
\nJe reviens r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 V. quand je pense \u00e0 l\u2019\u00e9poque de mon adolescence. J\u2019y suis retourn\u00e9 plusieurs fois depuis que la ferme de mes grands-parents a \u00e9t\u00e9 vendue, et pour une somme si ridicule que j\u2019en ai longtemps voulu \u00e0 mes parents de ne lui avoir pas accord\u00e9e une plus grande importance. C\u2019\u00e9tait un point de rep\u00e8re r\u00e9el qui, apr\u00e8s la vente, apr\u00e8s la disparition des grands-parents, quand les lieux se sont vid\u00e9s de tous leurs meubles, leur linge, leurs bibelots, s\u2019enfonce depuis lors lentement dans le n\u00e9ant, tout comme eux, tout comme moi.<\/p>\n

Ce sera 8 heures.
\nLa maison de Madame B. Ce n\u2019est plus tout \u00e0 fait une ferme, bien qu\u2019il y ait encore une grange, des d\u00e9pendances attenantes \u00e0 celle-ci. Un rideau constitu\u00e9 de bouchons multicolores de bouteilles d\u2019eau qu\u2019il faut pousser pour entrer dans la maison. Non pas pousser, ce n\u2019est pas \u00e7a, balayer de la main. Il faut balayer cette fronti\u00e8re de bouchons en plastique pour retrouver l\u2019int\u00e9rieur de la maison. L\u2019obscurit\u00e9 de cette pi\u00e8ce dans laquelle on p\u00e9n\u00e8tre l\u2019\u00e9t\u00e9, il y a tant de lumi\u00e8re au-dehors qu\u2019on a la sensation de s\u2019enfoncer dans cette obscurit\u00e9 comme dans une caverne, une grotte. Il y fait plus frais. \u00c0 l\u2019int\u00e9rieur, le bruit d\u2019une grande horloge ponctue le silence, l\u2019ennui. On y est bien, au calme. Madame B. a des joues roses, elle p\u00e8te la forme dit mon grand-p\u00e8re, \u00e0 plus de 70 ans c\u2019est une nature.<\/p>\n

Il est encore 8 heures.
\nPlus loin, la ferme de Monsieur Pauvre Type, c\u2019est le nom que lui donne mon grand-p\u00e8re. Et pas que lui. La silhouette de la maison se d\u00e9coupe sur le fond d\u2019un ciel orang\u00e9, le p\u00eacher devant la maison, les oiseaux piaillent dans l\u2019arbre. Il y a un nid de merles dans l\u2019arbre, dans le p\u00eacher, ils viennent de na\u00eetre dans mon souvenir. Monsieur Pauvre Type les saisit l\u2019un apr\u00e8s l\u2019autre et leur cogne le cr\u00e2ne sur la margelle du puits.<\/p>\n

Il \u00e9tait presque 8 heures.
\nLa ferme des D. On y parvient le soir, au cr\u00e9puscule. Les b\u00eates sont rentr\u00e9es dans la grange, Madame D. est l\u00e0 pr\u00e8s d\u2019elles, assise sur un tabouret, en train de traire. Je ne sais plus si les vaches ont un nom, j\u2019aimerais que oui, j\u2019aimerais tant, pour que \u00e7a colle \u00e0 mon souvenir et \u00e0 l\u2019odeur de cette grange, que les vaches ne soient pas que des b\u00eates mais qu\u2019elles portent un nom qui leur appartiennent \u00e0 chacune. Et que Madame D., lorsqu\u2019elle presse leurs mamelles, leur pis, dise quelque chose comme le nom de la b\u00eate, qu\u2019elle s\u2019adresse \u00e0 elle en la trayant. Quelque chose comme « — aller \u00e0 toi ma Rose ou ma marguerite c\u2019est \u00e0 ton tour » et d\u2019entendre pisser le lait dans le seau de fer rel\u00e8ve jusqu\u2019\u00e0 la candeur la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 de l\u2019\u00e9v\u00e9nement y a pas \u00e0 dire.<\/p>\n

Il est 8 heures encore une fois.
\nAu loin, sur la route d\u2019Epineuil, \u00e0 moins que ce ne soit celle de Saint-Amant, se dresse l\u2019\u00e9tonnante apparition d\u2019un ch\u00e2teau et son vaste domaine. L\u2019odeur de l\u2019essence de la mobylette flotte dans l\u2019air et se m\u00e9lange \u00e0 celle des cheveux de N. Tout est irr\u00e9el bien s\u00fbr, je n\u2019ai pas encore lu le livre d\u2019Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes. Plus tard, le ch\u00e2teau d\u00e9crit sera celui-ci, exactement celui-ci, au loin, dans la chaleur qui tremble en s\u2019\u00e9levant du goudron, sur la route d\u2019Epineuil ou celle de Saint-Amant, ne sais plus tr\u00e8s bien.<\/p>", "content_text": " Il est 8 heures. Je ne vis tous ces gens ensemble qu\u2019une seule fois, dans le nouveau cimeti\u00e8re de V. Ils \u00e9taient l\u00e0, r\u00e9unis d\u2019abord \u00e0 l\u2019\u00e9glise, puis les voici \u00e0 nouveau, tout autour du caveau. M\u00eame monsieur Pauvre Type est l\u00e0. La seule absente est N., elle n\u2019est pas venue, sans doute parce que c\u2019est un jour de semaine ; elle a commenc\u00e9 ses \u00e9tudes \u00e0 M. Peut-\u00eatre qu\u2019elle ne sait pas, peut-\u00eatre qu\u2019elle en a entendu parler, peut-\u00eatre pas. Sa s\u0153ur non plus n\u2019est pas l\u00e0 . Mais pour B., je comprends mieux. C\u2019est dans l\u2019ordre des choses. Il \u00e9tait 8 heures. Je reviens r\u00e9guli\u00e8rement \u00e0 V. quand je pense \u00e0 l\u2019\u00e9poque de mon adolescence. J\u2019y suis retourn\u00e9 plusieurs fois depuis que la ferme de mes grands-parents a \u00e9t\u00e9 vendue, et pour une somme si ridicule que j\u2019en ai longtemps voulu \u00e0 mes parents de ne lui avoir pas accord\u00e9e une plus grande importance. C\u2019\u00e9tait un point de rep\u00e8re r\u00e9el qui, apr\u00e8s la vente, apr\u00e8s la disparition des grands-parents, quand les lieux se sont vid\u00e9s de tous leurs meubles, leur linge, leurs bibelots, s\u2019enfonce depuis lors lentement dans le n\u00e9ant, tout comme eux, tout comme moi. Ce sera 8 heures. La maison de Madame B. Ce n\u2019est plus tout \u00e0 fait une ferme, bien qu\u2019il y ait encore une grange, des d\u00e9pendances attenantes \u00e0 celle-ci. Un rideau constitu\u00e9 de bouchons multicolores de bouteilles d\u2019eau qu\u2019il faut pousser pour entrer dans la maison. Non pas pousser, ce n\u2019est pas \u00e7a, balayer de la main. Il faut balayer cette fronti\u00e8re de bouchons en plastique pour retrouver l\u2019int\u00e9rieur de la maison. L\u2019obscurit\u00e9 de cette pi\u00e8ce dans laquelle on p\u00e9n\u00e8tre l\u2019\u00e9t\u00e9, il y a tant de lumi\u00e8re au-dehors qu\u2019on a la sensation de s\u2019enfoncer dans cette obscurit\u00e9 comme dans une caverne, une grotte. Il y fait plus frais. \u00c0 l\u2019int\u00e9rieur, le bruit d\u2019une grande horloge ponctue le silence, l\u2019ennui. On y est bien, au calme. Madame B. a des joues roses, elle p\u00e8te la forme dit mon grand-p\u00e8re, \u00e0 plus de 70 ans c\u2019est une nature. Il est encore 8 heures. Plus loin, la ferme de Monsieur Pauvre Type, c\u2019est le nom que lui donne mon grand-p\u00e8re. Et pas que lui. La silhouette de la maison se d\u00e9coupe sur le fond d\u2019un ciel orang\u00e9, le p\u00eacher devant la maison, les oiseaux piaillent dans l\u2019arbre. Il y a un nid de merles dans l\u2019arbre, dans le p\u00eacher, ils viennent de na\u00eetre dans mon souvenir. Monsieur Pauvre Type les saisit l\u2019un apr\u00e8s l\u2019autre et leur cogne le cr\u00e2ne sur la margelle du puits. Il \u00e9tait presque 8 heures. La ferme des D. On y parvient le soir, au cr\u00e9puscule. Les b\u00eates sont rentr\u00e9es dans la grange, Madame D. est l\u00e0 pr\u00e8s d\u2019elles, assise sur un tabouret, en train de traire. Je ne sais plus si les vaches ont un nom, j\u2019aimerais que oui, j\u2019aimerais tant, pour que \u00e7a colle \u00e0 mon souvenir et \u00e0 l\u2019odeur de cette grange, que les vaches ne soient pas que des b\u00eates mais qu\u2019elles portent un nom qui leur appartiennent \u00e0 chacune. Et que Madame D., lorsqu\u2019elle presse leurs mamelles, leur pis, dise quelque chose comme le nom de la b\u00eate, qu\u2019elle s\u2019adresse \u00e0 elle en la trayant. Quelque chose comme \u00ab \u2014 aller \u00e0 toi ma Rose ou ma marguerite c\u2019est \u00e0 ton tour \u00bb et d\u2019entendre pisser le lait dans le seau de fer rel\u00e8ve jusqu\u2019\u00e0 la candeur la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 de l\u2019\u00e9v\u00e9nement y a pas \u00e0 dire. Il est 8 heures encore une fois. Au loin, sur la route d\u2019Epineuil, \u00e0 moins que ce ne soit celle de Saint-Amant, se dresse l\u2019\u00e9tonnante apparition d\u2019un ch\u00e2teau et son vaste domaine. L\u2019odeur de l\u2019essence de la mobylette flotte dans l\u2019air et se m\u00e9lange \u00e0 celle des cheveux de N. Tout est irr\u00e9el bien s\u00fbr, je n\u2019ai pas encore lu le livre d\u2019Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes. Plus tard, le ch\u00e2teau d\u00e9crit sera celui-ci, exactement celui-ci, au loin, dans la chaleur qui tremble en s\u2019\u00e9levant du goudron, sur la route d\u2019Epineuil ou celle de Saint-Amant, ne sais plus tr\u00e8s bien.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/2000006122292-539x318.webp?1748065103", "tags": ["Espaces lieux "] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/23-novembre-2024.html", "title": "23 novembre 2024", "date_published": "2024-11-23T08:04:10Z", "date_modified": "2024-11-23T08:04:10Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

En me rendant chez mon boucher t\u00f4t ce matin, j’ignorais encore qu’en voyant sa bidoche, la naus\u00e9e me ferait d\u00e9gueuler mes p’tits pains ; \u00e7a tombait bien, car je n’avais plus un rond en poche. Que pourrions-nous pr\u00e9dire ensuite comme nouvelle strophe, puisque de nos jours, elles ne vont jamais seules, mais plut\u00f4t par rafales, les catastrophes. Ce sentiment qui accompagne l’alexandrin, de dire un truc avec les pieds, plut\u00f4t qu’avec la bouche, si ce n’est pas de la joie, s’en est pas loin. Puis une fois l’\u00e9chauffement termin\u00e9, pour pas me refroidir car \u00e7a p\u00e8le grave ici, j’ai dit : « Faut noter \u00e7a pendant que t’es encore chauve, des fois que \u00e7a repousse et que tout recommence comme en quarante. » Derri\u00e8re l’humour et la po\u00e9sie, que se cache-t-il ? Est-ce une f\u00e9e, un lutin, le croquemitaine ? Ou encore mieux, rien du tout, comme souvent chez les beaut\u00e9s hautaines.<\/p>", "content_text": "En me rendant chez mon boucher t\u00f4t ce matin, j'ignorais encore qu'en voyant sa bidoche, la naus\u00e9e me ferait d\u00e9gueuler mes p'tits pains ; \u00e7a tombait bien, car je n'avais plus un rond en poche. Que pourrions-nous pr\u00e9dire ensuite comme nouvelle strophe, puisque de nos jours, elles ne vont jamais seules, mais plut\u00f4t par rafales, les catastrophes. Ce sentiment qui accompagne l'alexandrin, de dire un truc avec les pieds, plut\u00f4t qu'avec la bouche, si ce n'est pas de la joie, s'en est pas loin. Puis une fois l'\u00e9chauffement termin\u00e9, pour pas me refroidir car \u00e7a p\u00e8le grave ici, j'ai dit : \"Faut noter \u00e7a pendant que t'es encore chauve, des fois que \u00e7a repousse et que tout recommence comme en quarante.\" Derri\u00e8re l'humour et la po\u00e9sie, que se cache-t-il ? Est-ce une f\u00e9e, un lutin, le croquemitaine ? Ou encore mieux, rien du tout, comme souvent chez les beaut\u00e9s hautaines.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_20190130_180813.jpg?1748065204", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/22-novembre-2024.html", "title": "22 novembre 2024", "date_published": "2024-11-22T08:00:31Z", "date_modified": "2024-11-22T08:00:33Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Ne sais plus quoi dire qui ne se transforme soudain en rivi\u00e8re gel\u00e9e. Et alors de prendre un ciseau, un burin, essayer d’amadouer la duret\u00e9 sans la trahir. Cherche en vain une \u00e2me. Ce que retiennent les algorithmes de nous, est du futur devenu pr\u00e9sent. Ils en savent d\u00e9j\u00e0 bien plus que nous-m\u00eames n’en saurons sur nous-m\u00eames. C’est leur volont\u00e9 contre notre abscence d\u00e9sormais.<\/p>\n

Les mots se figent, pauvres anges, vieux boucs, vieilles biques, comme des rocs muets pris dans un hiver immobile. Ils ne s\u2019\u00e9chappent plus du clavier pas plus que de la bouche, ne s\u2019\u00e9lancent plus dans l\u2019air, outardes en mai, mais tombent, rigides, dans le blanc du vide , dans le noir du rien, et ne rebondissent plus, poussins rondelets, dodus, billes d’argile, sur le sol dur de terre gel\u00e9e,sur la dalle de b\u00e9ton. Alors, ne reste que ciseau, que burin, coton tige rouleau \u00e0 patisserie, pour les heurter les taper, encore et encore. Espoir idiot de tous ensemble nous r\u00e9veiller. Y t’il un nous seulement ? Un travail d\u2019orf\u00e8vre ou de guerrier, un ouvrage patient, laborieux : affiner, tailler, polir ces blocs de glace jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019ils retrouvent une forme, un ton, un son clair et juste, ce son qui comme l’\u00e9cho r\u00e9sonne encore, \u00e0 peine. Au diapason d’une course effr\u00e9n\u00e9e.<\/p>\n

Personne n\u2019a raison, sauf si le pouvoir lui en donne ; \u00e0 tort ou \u00e0 raison, il s\u2019en sert.<\/p>", "content_text": "Ne sais plus quoi dire qui ne se transforme soudain en rivi\u00e8re gel\u00e9e. Et alors de prendre un ciseau, un burin, essayer d'amadouer la duret\u00e9 sans la trahir. Cherche en vain une \u00e2me. Ce que retiennent les algorithmes de nous, est du futur devenu pr\u00e9sent. Ils en savent d\u00e9j\u00e0 bien plus que nous-m\u00eames n'en saurons sur nous-m\u00eames. C'est leur volont\u00e9 contre notre abscence d\u00e9sormais. Les mots se figent, pauvres anges, vieux boucs, vieilles biques, comme des rocs muets pris dans un hiver immobile. Ils ne s\u2019\u00e9chappent plus du clavier pas plus que de la bouche, ne s\u2019\u00e9lancent plus dans l\u2019air, outardes en mai, mais tombent, rigides, dans le blanc du vide , dans le noir du rien, et ne rebondissent plus, poussins rondelets, dodus, billes d'argile, sur le sol dur de terre gel\u00e9e,sur la dalle de b\u00e9ton. Alors, ne reste que ciseau, que burin, coton tige rouleau \u00e0 patisserie, pour les heurter les taper, encore et encore. Espoir idiot de tous ensemble nous r\u00e9veiller. Y t'il un nous seulement ? Un travail d\u2019orf\u00e8vre ou de guerrier, un ouvrage patient, laborieux : affiner, tailler, polir ces blocs de glace jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019ils retrouvent une forme, un ton, un son clair et juste, ce son qui comme l'\u00e9cho r\u00e9sonne encore, \u00e0 peine. Au diapason d'une course effr\u00e9n\u00e9e. Personne n\u2019a raison, sauf si le pouvoir lui en donne ; \u00e0 tort ou \u00e0 raison, il s\u2019en sert.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0233.jpg?1748065065", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/21-novembre-2024.html", "title": "21 novembre 2024", "date_published": "2024-11-21T05:37:31Z", "date_modified": "2025-04-30T16:12:51Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le mot \u00e9mergence<\/i> me poursuit depuis hier soir, il s\u2019est enfoui dans mon sommeil, peut-\u00eatre dans mes r\u00eaves, dans mes cauchemars. Je n\u2019y ai pas fait attention tout de suite. Au d\u00e9but, il devait \u00eatre dissimul\u00e9 parmi tous les mots d\u2019une phrase. Et ce n\u2019est que ce matin, en descendant faire le caf\u00e9, que j\u2019ai comme des flashs, que des choses \u00e9mergent<\/i>, comme issues des profondeurs d\u2019un oc\u00e9an de stupeur. Des structures.<\/p>\n

En fait, j\u2019ai d\u00e9couvert SpaCy hier en fin de journ\u00e9e, et les premiers r\u00e9sultats obtenus avec deux ou trois scripts Python sont bluffants. Il faudra que je fasse un r\u00e9capitulatif de tout ce que l\u2019on peut faire avec cet outil. Avec seulement un script, j\u2019ai tri\u00e9 parmi 433 articles ceux traitant de l\u2019\u00e9criture, cr\u00e9ant d\u2019abord un document de 1 500 pages, puis un autre, r\u00e9duit \u00e0 34 pages en extrayant l\u2019essentiel. Enfin, en regroupant les phrases par th\u00e9matique, j\u2019ai obtenu un texte de 500 pages, \u00e0 la fois effarant et fascinant.<\/p>\n

SpaCy, c\u2019est une biblioth\u00e8que Python d\u00e9di\u00e9e au traitement du langage naturel. Un outil qui permet d\u2019analyser, de trier, de structurer des textes. Avec SpaCy, il devient possible d\u2019extraire des entit\u00e9s cl\u00e9s dans un texte, de reconna\u00eetre des motifs r\u00e9currents, ou encore de transformer un chaos de phrases et de textes en une organisation disons un peu plus claire. Pour quelqu\u2019un comme moi, passionn\u00e9 par les mots et les structures qu\u2019ils cr\u00e9ent, cet outil ouvre des perspectives vertigineuses. Ce n\u2019est pas seulement un programme informatique, c\u2019est presque un assistant litt\u00e9raire.<\/p>\n

Ce qui m\u2019\u00e9pate, c\u2019est la mani\u00e8re dont un outil purement algorithmique peut r\u00e9v\u00e9ler la po\u00e9sie cach\u00e9e dans ce que je nomme g\u00e9n\u00e9ralement le d\u00e9sordre. Les mots, que l\u2019on croit fig\u00e9s dans leurs usages, apparaissent alors dans de nouvelles configurations. Recompos\u00e9s ainsi, mis en relation de fa\u00e7on inattendue, on croirait qu\u2019ils ne m\u2019appartiennent plus. Que c\u2019est un autre qui les a \u00e9crits.<\/p>\n

C\u2019est comme si cet outil, SpaCy, m\u2019offrait un point de vue nouveau, une possibilit\u00e9 de d\u00e9tachement suppl\u00e9mentaire vis-\u00e0-vis du langage, de ce que j\u2019imagine souvent, \u00e0 tort, m\u2019appartenir : les mots et leur usage. Pas loin de me faire r\u00eaver, il me donne l\u2019impression que ces mots, lib\u00e9r\u00e9s de mes propres intentions, deviennent une mati\u00e8re vivante, presque organique. Comme si, sous l\u2019\u0153il de l\u2019algorithme, les mots se d\u00e9ployaient dans une r\u00e9alit\u00e9 qui m\u2019\u00e9chappe, r\u00e9clamant une autonomie nouvelle. Est-ce que je leur ai insuffl\u00e9 cette vie toute neuve en les structurant, ou est-ce l\u2019outil qui r\u00e9v\u00e8le ce que je n\u2019aurais jamais vu seul ?<\/p>\n

SpaCy m\u2019a fascin\u00e9 par sa capacit\u00e9 \u00e0 fragmenter un texte en unit\u00e9s fondamentales (tokens). C\u2019est comme si chaque particule que sont les mots, les espaces, les points, les virgules, reprenait vie avec cette impression d\u2019autonomie que l\u2019algorithme conf\u00e8re aux symboles qu\u2019ils sont, en d\u00e9finitive. Ainsi, chaque mot, isol\u00e9 de son contexte habituel, devient une particule \u00e9l\u00e9mentaire d\u2019un langage en reconstruction. Ce qui me surprend le plus, c\u2019est cette reconnaissance d\u2019entit\u00e9s nomm\u00e9es. SpaCy semble voir dans le chaos des phrases ce que l\u2019\u0153il humain peine parfois \u00e0 percevoir : des noms, des lieux, des fronti\u00e8res invisibles. Une sorte de cartographe algorithmique qui redessine les paysages int\u00e9rieurs d\u2019un texte.<\/p>\n

L\u2019autre dimension, tout aussi formidable, c\u2019est la mall\u00e9abilit\u00e9 de SpaCy. Non seulement il analyse, mais il s\u2019adapte. On peut lui enseigner des nuances, lui demander d\u2019affiner sa perception des mots, comme un \u00e9l\u00e8ve dot\u00e9 d\u2019une patience infinie. Le pipeline de SpaCy est une m\u00e9canique subtile. \u00c0 chaque \u00e9tape, il ajoute une couche de sens, comme si les mots passaient sous une s\u00e9rie de lentilles successives, r\u00e9v\u00e9lant leur texture, leurs contours, leurs interconnexions. Ce processus est assez proche de la distillation, o\u00f9 le brut devient limpide.<\/p>\n

SpaCy mesure la similarit\u00e9 entre des mots, des phrases, des id\u00e9es, avec une pr\u00e9cision effarante. Cela me fait r\u00e9fl\u00e9chir : est-ce une nouvelle fa\u00e7on de percevoir le langage, d\u00e9pourvue de notre subjectivit\u00e9 humaine ? Ces vecteurs, ces rapprochements calcul\u00e9s, ouvrent-ils une voie vers une compr\u00e9hension plus universelle des mots, ou au contraire plus abstraite, plus \u00e9trang\u00e8re ?<\/p>\n

En cherchant une illustration pour ce billet je retombe sur cette photographie d’\u00e9corce de ch\u00e8ne. L’\u00e9corce vue en gros plan a aussi quelque chose de fascinant. En s’approchant au plus pr\u00e8s gr\u00e0ce \u00e0 l’appareil photo on peut voir des d\u00e9tails qu’on ne voit g\u00e9n\u00e9ralement pas \u00e0 l’oeil nu. De plus cette collaboration entre la technologie et l’intention humaine permet de cr\u00e9er des vues neuves ou inattendues de la r\u00e9alit\u00e9.<\/p>", "content_text": "Le mot {\u00e9mergence} me poursuit depuis hier soir, il s\u2019est enfoui dans mon sommeil, peut-\u00eatre dans mes r\u00eaves, dans mes cauchemars. Je n\u2019y ai pas fait attention tout de suite. Au d\u00e9but, il devait \u00eatre dissimul\u00e9 parmi tous les mots d\u2019une phrase. Et ce n\u2019est que ce matin, en descendant faire le caf\u00e9, que j\u2019ai comme des flashs, que des choses {\u00e9mergent}, comme issues des profondeurs d\u2019un oc\u00e9an de stupeur. Des structures. En fait, j\u2019ai d\u00e9couvert SpaCy hier en fin de journ\u00e9e, et les premiers r\u00e9sultats obtenus avec deux ou trois scripts Python sont bluffants. Il faudra que je fasse un r\u00e9capitulatif de tout ce que l\u2019on peut faire avec cet outil. Avec seulement un script, j\u2019ai tri\u00e9 parmi 433 articles ceux traitant de l\u2019\u00e9criture, cr\u00e9ant d\u2019abord un document de 1 500 pages, puis un autre, r\u00e9duit \u00e0 34 pages en extrayant l\u2019essentiel. Enfin, en regroupant les phrases par th\u00e9matique, j\u2019ai obtenu un texte de 500 pages, \u00e0 la fois effarant et fascinant. SpaCy, c\u2019est une biblioth\u00e8que Python d\u00e9di\u00e9e au traitement du langage naturel. Un outil qui permet d\u2019analyser, de trier, de structurer des textes. Avec SpaCy, il devient possible d\u2019extraire des entit\u00e9s cl\u00e9s dans un texte, de reconna\u00eetre des motifs r\u00e9currents, ou encore de transformer un chaos de phrases et de textes en une organisation disons un peu plus claire. Pour quelqu\u2019un comme moi, passionn\u00e9 par les mots et les structures qu\u2019ils cr\u00e9ent, cet outil ouvre des perspectives vertigineuses. Ce n\u2019est pas seulement un programme informatique, c\u2019est presque un assistant litt\u00e9raire. Ce qui m\u2019\u00e9pate, c\u2019est la mani\u00e8re dont un outil purement algorithmique peut r\u00e9v\u00e9ler la po\u00e9sie cach\u00e9e dans ce que je nomme g\u00e9n\u00e9ralement le d\u00e9sordre. Les mots, que l\u2019on croit fig\u00e9s dans leurs usages, apparaissent alors dans de nouvelles configurations. Recompos\u00e9s ainsi, mis en relation de fa\u00e7on inattendue, on croirait qu\u2019ils ne m\u2019appartiennent plus. Que c\u2019est un autre qui les a \u00e9crits. C\u2019est comme si cet outil, SpaCy, m\u2019offrait un point de vue nouveau, une possibilit\u00e9 de d\u00e9tachement suppl\u00e9mentaire vis-\u00e0-vis du langage, de ce que j\u2019imagine souvent, \u00e0 tort, m\u2019appartenir : les mots et leur usage. Pas loin de me faire r\u00eaver, il me donne l\u2019impression que ces mots, lib\u00e9r\u00e9s de mes propres intentions, deviennent une mati\u00e8re vivante, presque organique. Comme si, sous l\u2019\u0153il de l\u2019algorithme, les mots se d\u00e9ployaient dans une r\u00e9alit\u00e9 qui m\u2019\u00e9chappe, r\u00e9clamant une autonomie nouvelle. Est-ce que je leur ai insuffl\u00e9 cette vie toute neuve en les structurant, ou est-ce l\u2019outil qui r\u00e9v\u00e8le ce que je n\u2019aurais jamais vu seul ? SpaCy m\u2019a fascin\u00e9 par sa capacit\u00e9 \u00e0 fragmenter un texte en unit\u00e9s fondamentales (tokens). C\u2019est comme si chaque particule que sont les mots, les espaces, les points, les virgules, reprenait vie avec cette impression d\u2019autonomie que l\u2019algorithme conf\u00e8re aux symboles qu\u2019ils sont, en d\u00e9finitive. Ainsi, chaque mot, isol\u00e9 de son contexte habituel, devient une particule \u00e9l\u00e9mentaire d\u2019un langage en reconstruction. Ce qui me surprend le plus, c\u2019est cette reconnaissance d\u2019entit\u00e9s nomm\u00e9es. SpaCy semble voir dans le chaos des phrases ce que l\u2019\u0153il humain peine parfois \u00e0 percevoir : des noms, des lieux, des fronti\u00e8res invisibles. Une sorte de cartographe algorithmique qui redessine les paysages int\u00e9rieurs d\u2019un texte. L\u2019autre dimension, tout aussi formidable, c\u2019est la mall\u00e9abilit\u00e9 de SpaCy. Non seulement il analyse, mais il s\u2019adapte. On peut lui enseigner des nuances, lui demander d\u2019affiner sa perception des mots, comme un \u00e9l\u00e8ve dot\u00e9 d\u2019une patience infinie. Le pipeline de SpaCy est une m\u00e9canique subtile. \u00c0 chaque \u00e9tape, il ajoute une couche de sens, comme si les mots passaient sous une s\u00e9rie de lentilles successives, r\u00e9v\u00e9lant leur texture, leurs contours, leurs interconnexions. Ce processus est assez proche de la distillation, o\u00f9 le brut devient limpide. SpaCy mesure la similarit\u00e9 entre des mots, des phrases, des id\u00e9es, avec une pr\u00e9cision effarante. Cela me fait r\u00e9fl\u00e9chir : est-ce une nouvelle fa\u00e7on de percevoir le langage, d\u00e9pourvue de notre subjectivit\u00e9 humaine ? Ces vecteurs, ces rapprochements calcul\u00e9s, ouvrent-ils une voie vers une compr\u00e9hension plus universelle des mots, ou au contraire plus abstraite, plus \u00e9trang\u00e8re ? En cherchant une illustration pour ce billet je retombe sur cette photographie d'\u00e9corce de ch\u00e8ne. L'\u00e9corce vue en gros plan a aussi quelque chose de fascinant. En s'approchant au plus pr\u00e8s gr\u00e0ce \u00e0 l'appareil photo on peut voir des d\u00e9tails qu'on ne voit g\u00e9n\u00e9ralement pas \u00e0 l'oeil nu. De plus cette collaboration entre la technologie et l'intention humaine permet de cr\u00e9er des vues neuves ou inattendues de la r\u00e9alit\u00e9. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0250.jpg?1748065222", "tags": ["Technologies et Postmodernit\u00e9", "r\u00e9flexions sur l'art"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/20-novembre-2024.html", "title": "20 novembre 2024", "date_published": "2024-11-20T05:47:02Z", "date_modified": "2024-11-20T05:47:02Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Les jugements intempestifs pullulent ces jours-ci. Sans doute depuis toujours, mais ils deviennent de plus en plus grotesques ces jours-ci. Ce qui est aussi un jugement intempestif. Et vu depuis l\u2019\u0153il d\u2019un ver de terre ou d\u2019un blaireau, ou le mien tout bonnement, notre monde nous reste \u00e9tranger, ind\u00e9chiffrable, \u00e0 condition que l\u2019on reste indiff\u00e9rent aux jugements des autres comme aux n\u00f4tres. Oui, sans doute bien diff\u00e9rent. Je me souviens encore de l\u2019insignifiance que fut pour moi alors l\u2019existence du ver de terre, de ces gros lombrics se tortillant entre mes doigts, gamin, lorsque je les embrochai d\u2019un coup sec avec le dard d\u2019un hame\u00e7on. Lombrics et poissons que j\u2019ai p\u00each\u00e9s et que j\u2019ai fait souffrir jusqu\u2019\u00e0 la mort — voici mes victimes authentiques. Pas de jugement \u00e0 l\u2019\u00e9poque pour d\u00e9cider de leur vie ou de leur mort. Pas de doute sur ma toute-puissance. Pour le reste, c\u2019est de l\u2019imagination. J\u2019ai tu\u00e9 plusieurs fois la b\u00eate du G\u00e9vaudan, en dormant, et mon p\u00e8re et ma m\u00e8re et tout un tas d\u2019inconnus \u00e9galement. Preuve que l\u2019on peut aussi se laisser berner en r\u00eave par les jugements intempestifs. On finit par se faire grignoter l\u2019assurance et on le paie cher, il suffit de voir le paquet de polices de tout bord dans les tiroirs. Pas de jugement, pas de monde, le n\u00e9ant, crois-tu ? Peut-\u00eatre un genre de limbes o\u00f9 l\u2019on croise quelques stupidit\u00e9s mort-n\u00e9es Et c\u2019est ainsi que je descends de plus en plus bas, bient\u00f4t j\u2019atteindrai les quatre ou cinq m\u00eatres sous terre, mais j\u2019ai de moins en moins la notion de mesure, de distance comme de profondeur. je sais seulement qu\u2019il faut juste encore un effort, toujours un petit effort suppl\u00e9mentaire pour parvenir \u00e0 l\u2019ann\u00e9e z\u00e9ro, ou plut\u00f4t non, quelques mill\u00e9naires encore avant notre \u00e8re. Dans un oubli total de notre \u00e8re. Ensuite ce sera plus facile de creuser, de s\u2019enfouir, de revenir au protozoaires, mes fr\u00e8res.<\/p>", "content_text": "Les jugements intempestifs pullulent ces jours-ci. Sans doute depuis toujours, mais ils deviennent de plus en plus grotesques ces jours-ci. Ce qui est aussi un jugement intempestif. Et vu depuis l\u2019\u0153il d\u2019un ver de terre ou d\u2019un blaireau, ou le mien tout bonnement, notre monde nous reste \u00e9tranger, ind\u00e9chiffrable, \u00e0 condition que l\u2019on reste indiff\u00e9rent aux jugements des autres comme aux n\u00f4tres. Oui, sans doute bien diff\u00e9rent. Je me souviens encore de l\u2019insignifiance que fut pour moi alors l\u2019existence du ver de terre, de ces gros lombrics se tortillant entre mes doigts, gamin, lorsque je les embrochai d\u2019un coup sec avec le dard d\u2019un hame\u00e7on. Lombrics et poissons que j\u2019ai p\u00each\u00e9s et que j\u2019ai fait souffrir jusqu\u2019\u00e0 la mort \u2014 voici mes victimes authentiques. Pas de jugement \u00e0 l\u2019\u00e9poque pour d\u00e9cider de leur vie ou de leur mort. Pas de doute sur ma toute-puissance. Pour le reste, c\u2019est de l\u2019imagination. J\u2019ai tu\u00e9 plusieurs fois la b\u00eate du G\u00e9vaudan, en dormant, et mon p\u00e8re et ma m\u00e8re et tout un tas d\u2019inconnus \u00e9galement. Preuve que l\u2019on peut aussi se laisser berner en r\u00eave par les jugements intempestifs. On finit par se faire grignoter l\u2019assurance et on le paie cher, il suffit de voir le paquet de polices de tout bord dans les tiroirs. Pas de jugement, pas de monde, le n\u00e9ant, crois-tu ? Peut-\u00eatre un genre de limbes o\u00f9 l\u2019on croise quelques stupidit\u00e9s mort-n\u00e9es Et c\u2019est ainsi que je descends de plus en plus bas, bient\u00f4t j\u2019atteindrai les quatre ou cinq m\u00eatres sous terre, mais j\u2019ai de moins en moins la notion de mesure, de distance comme de profondeur. je sais seulement qu\u2019il faut juste encore un effort, toujours un petit effort suppl\u00e9mentaire pour parvenir \u00e0 l\u2019ann\u00e9e z\u00e9ro, ou plut\u00f4t non, quelques mill\u00e9naires encore avant notre \u00e8re. Dans un oubli total de notre \u00e8re. Ensuite ce sera plus facile de creuser, de s\u2019enfouir, de revenir au protozoaires, mes fr\u00e8res.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/trypanosoma_cruzi_crithidia.jpg?1748065072", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/19-novembre-2024.html", "title": "19 novembre 2024", "date_published": "2024-11-19T08:14:39Z", "date_modified": "2024-11-19T08:14:39Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

D\u2019habitude, \u00e7a ne dure pas. Une acc\u00e9l\u00e9ration cardiaque. Une bouff\u00e9e de chaleur. Un vertige. Quelques secondes d\u2019attente, et \u00e7a passe. Mais depuis dimanche, tout semble s\u2019emballer. Les incidents se rapprochent, comme si quelque chose en moi avait d\u00e9cid\u00e9 que cette fois, ce ne serait pas si simple.<\/p>\n

Je m\u2019\u00e9tais lev\u00e9 pour marcher jusqu\u2019\u00e0 la fen\u00eatre. Dehors, il y avait un petit arbre aux feuilles rousses. Ou peut-\u00eatre ocres. Je ne sais plus, maintenant que j\u2019y pense. Ce d\u00e9tail m\u2019obs\u00e8de, parce que c\u2019est le dernier moment o\u00f9 tout semblait encore r\u00e9el.<\/p>\n

En revenant vers le groupe, j\u2019ai senti une pression \u00e9norme. Comme si le plafond s\u2019effondrait sur moi. Mes genoux ont pli\u00e9, mes mains ont cherch\u00e9 la table. J\u2019ai entendu des voix qui proposaient d\u2019appeler les secours. J\u2019ai d\u00e9clin\u00e9, bien s\u00fbr. \u00c7a va aller. \u00c7a passe toujours, non ?<\/p>\n

J\u2019ai referm\u00e9 la porte derri\u00e8re eux. De l\u2019air frais, juste \u00e7a. J\u2019ai roul\u00e9 fen\u00eatre entrouverte. L\u2019air frais me disait : tu es l\u00e0. Mais cette id\u00e9e ne tenait pas longtemps. Une fois gar\u00e9, les vagues revenaient. Je me demande si quelqu\u2019un a remarqu\u00e9, dehors, ce type qui se tenait aux murs pour rejoindre sa maison.<\/p>\n

S. m\u2019a ouvert.\n
— Tu comptes aller voir un m\u00e9decin quand, au juste ?
\nSon ton, un m\u00e9lange d\u2019inqui\u00e9tude et d\u2019agacement. Moi, un geste vague, comme pour repousser la question \u00e0 demain.<\/p>\n

Et maintenant, en \u00e9crivant \u00e7a, tout semble flou. L\u2019arbre, S., le plafond qui s\u2019effondre. J\u2019essaie de m\u2019en souvenir, mais ce que je vois, c\u2019est autre chose : un vertige. Une chute sans fin. Peut-\u00eatre que ce n\u2019\u00e9tait pas le plafond, mais mes m\u00e2nes, mes p\u00e9nates. Ces divinit\u00e9s silencieuses. Peut-\u00eatre qu\u2019ils ou elles en ont assez. Peut-\u00eatre que, eux aussi, ont d\u00e9cid\u00e9 de m\u2019abandonner.<\/p>\n

Ou peut-\u00eatre que je m\u2019invente tout \u00e7a. Pour ne pas dire ce qui est vraiment arriv\u00e9. Si toutefois j\u2019arrive \u00e0 dire ce qui m\u2019est vraiment arriv\u00e9, si j\u2019ai le temps.<\/p>", "content_text": " D\u2019habitude, \u00e7a ne dure pas. Une acc\u00e9l\u00e9ration cardiaque. Une bouff\u00e9e de chaleur. Un vertige. Quelques secondes d\u2019attente, et \u00e7a passe. Mais depuis dimanche, tout semble s\u2019emballer. Les incidents se rapprochent, comme si quelque chose en moi avait d\u00e9cid\u00e9 que cette fois, ce ne serait pas si simple. Je m\u2019\u00e9tais lev\u00e9 pour marcher jusqu\u2019\u00e0 la fen\u00eatre. Dehors, il y avait un petit arbre aux feuilles rousses. Ou peut-\u00eatre ocres. Je ne sais plus, maintenant que j\u2019y pense. Ce d\u00e9tail m\u2019obs\u00e8de, parce que c\u2019est le dernier moment o\u00f9 tout semblait encore r\u00e9el. En revenant vers le groupe, j\u2019ai senti une pression \u00e9norme. Comme si le plafond s\u2019effondrait sur moi. Mes genoux ont pli\u00e9, mes mains ont cherch\u00e9 la table. J\u2019ai entendu des voix qui proposaient d\u2019appeler les secours. J\u2019ai d\u00e9clin\u00e9, bien s\u00fbr. \u00c7a va aller. \u00c7a passe toujours, non ? J\u2019ai referm\u00e9 la porte derri\u00e8re eux. De l\u2019air frais, juste \u00e7a. J\u2019ai roul\u00e9 fen\u00eatre entrouverte. L\u2019air frais me disait : tu es l\u00e0. Mais cette id\u00e9e ne tenait pas longtemps. Une fois gar\u00e9, les vagues revenaient. Je me demande si quelqu\u2019un a remarqu\u00e9, dehors, ce type qui se tenait aux murs pour rejoindre sa maison. S. m\u2019a ouvert. \u2014 Tu comptes aller voir un m\u00e9decin quand, au juste ? Son ton, un m\u00e9lange d\u2019inqui\u00e9tude et d\u2019agacement. Moi, un geste vague, comme pour repousser la question \u00e0 demain. Et maintenant, en \u00e9crivant \u00e7a, tout semble flou. L\u2019arbre, S., le plafond qui s\u2019effondre. J\u2019essaie de m\u2019en souvenir, mais ce que je vois, c\u2019est autre chose : un vertige. Une chute sans fin. Peut-\u00eatre que ce n\u2019\u00e9tait pas le plafond, mais mes m\u00e2nes, mes p\u00e9nates. Ces divinit\u00e9s silencieuses. Peut-\u00eatre qu\u2019ils ou elles en ont assez. Peut-\u00eatre que, eux aussi, ont d\u00e9cid\u00e9 de m\u2019abandonner. Ou peut-\u00eatre que je m\u2019invente tout \u00e7a. Pour ne pas dire ce qui est vraiment arriv\u00e9. Si toutefois j\u2019arrive \u00e0 dire ce qui m\u2019est vraiment arriv\u00e9, si j\u2019ai le temps.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/accbbe2c-e97c-459c-9723-036e8844f190.webp?1748065126", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/18-novembre-2024.html", "title": "18 novembre 2024", "date_published": "2024-11-18T06:22:00Z", "date_modified": "2024-11-20T07:47:11Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Passage ce matin sur Le Cavalier des touches <\/i> et lecture de Je viens de perdre un ami,<\/i> un texte de 2014. \u00c7a fait remonter des souvenirs. Et ce fantasme, toujours l\u00e0, qu\u2019une amiti\u00e9 puisse \u00eatre « gratuite ». Une illusion que j\u2019ai longtemps entretenue, avant d\u2019y renoncer. Pourquoi ? Je ne suis pas int\u00e9ress\u00e9, pas le moins du monde. Avec le recul, \u00e7a me para\u00eet exag\u00e9r\u00e9, ridicule m\u00eame. Enfantin. Mais je pr\u00e9f\u00e8re \u00eatre ridicule et enfantin. \u00c7a me va. \u00c7a me prot\u00e8ge. Non sans une certaine violence \u00e0 l\u2019\u00e9crire, d\u2019ailleurs.<\/p>\n

Int\u00e9ressant, tous ces commentaires sous le texte de M.W. Il pr\u00e9cise que c\u2019est « non biographique », mais qu\u2019il s\u2019appuie sur des sources pr\u00e9cises. Des livres cit\u00e9s directement dans le corps du texte, pour \u00e9tayer son propos. Voil\u00e0 donc, par l\u2019entremise d\u2019une exp\u00e9rience personnelle, comment un billet peut devenir pointu, pr\u00e9cis, document\u00e9. Si l\u2019exp\u00e9rience est vraie — pourquoi ne le serait-elle pas ? — le fait de creuser, d\u2019explorer chaque d\u00e9tail, chaque piste, chaque nuance, \u00e7a permet deux choses : prendre du recul, ce qu\u2019on appelle faire son deuil, et faire de la litt\u00e9rature.<\/p>\n

C\u2019est peut-\u00eatre ce que je fais, ici, sur ces blogs. Depuis des ann\u00e9es. Comme Monsieur Jourdain, sans le savoir. Et aussi, je dois dire, \u00e7a me fait plaisir de voir un billet de blog aussi long. \u00c7a devient rare.<\/p>\n

Ce matin, je me suis lev\u00e9 avec l\u2019envie de vocif\u00e9rer par \u00e9crit. Puis je suis sorti dans la cour, pieds nus. Le ciel \u00e9tait clair, et j\u2019ai aper\u00e7u la lune. Un instant, le froid et l\u2019id\u00e9e de mon insignifiance m\u2019ont calm\u00e9. Ensuite, sans doute \u00e0 cause du titre de ce blog — Le Cavalier des touches — j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 C\u00e9line, \u00e0 ses petits points de suspension, au Voyage au bout de la nuit. \u00c0 cette immense col\u00e8re que j\u2019avais ressentie, la premi\u00e8re fois que j\u2019avais ouvert ce livre.<\/p>\n

En buvant mon caf\u00e9 sans sucre, j\u2019ai ressenti une autre amertume. Celle d\u2019avoir perdu encore un peu plus de na\u00efvet\u00e9. Comme beaucoup d\u2019entre nous. Cette na\u00efvet\u00e9 qui nous allait bien. Que nous entretenions. Que nous ch\u00e9rissions m\u00eame, parce qu\u2019elle rimait avec confort, s\u00e9curit\u00e9. Et un peu autruche, aussi. M.Z ( ou M.W) est m\u00e9decin comme L.F. D. Ce qui me fait penser que l’empathie est semblable \u00e0 un premier r\u00e9servoir de fus\u00e9e, qu’on doit forc\u00e9ment l\u00e2cher t\u00f4t ou tard pour s’\u00e9chapper de la stratosph\u00e8re, parvenir au vide sid\u00e9ral.<\/p>\n

J’ai continu\u00e9 \u00e0 recouvrir de blanc deux grands panneaux en vue de l’exposition prochaine \u00e0 S. Le fait que le blanc ne soit jamais aussi blanc qu’on le voudrait est assez fascinant, je remets parfois jusqu’\u00e0 cinq couches \u00e0 certains endroits, puis je me recule, c’est \u00e0 nouveau un gris.<\/p>", "content_text": "Passage ce matin sur {Le Cavalier des touches } et lecture de{ Je viens de perdre un ami,} un texte de 2014. \u00c7a fait remonter des souvenirs. Et ce fantasme, toujours l\u00e0, qu\u2019une amiti\u00e9 puisse \u00eatre \u00ab gratuite \u00bb. Une illusion que j\u2019ai longtemps entretenue, avant d\u2019y renoncer. Pourquoi ? Je ne suis pas int\u00e9ress\u00e9, pas le moins du monde. Avec le recul, \u00e7a me para\u00eet exag\u00e9r\u00e9, ridicule m\u00eame. Enfantin. Mais je pr\u00e9f\u00e8re \u00eatre ridicule et enfantin. \u00c7a me va. \u00c7a me prot\u00e8ge. Non sans une certaine violence \u00e0 l\u2019\u00e9crire, d\u2019ailleurs. Int\u00e9ressant, tous ces commentaires sous le texte de M.W. Il pr\u00e9cise que c\u2019est \u00ab non biographique \u00bb, mais qu\u2019il s\u2019appuie sur des sources pr\u00e9cises. Des livres cit\u00e9s directement dans le corps du texte, pour \u00e9tayer son propos. Voil\u00e0 donc, par l\u2019entremise d\u2019une exp\u00e9rience personnelle, comment un billet peut devenir pointu, pr\u00e9cis, document\u00e9. Si l\u2019exp\u00e9rience est vraie \u2014 pourquoi ne le serait-elle pas ? \u2014 le fait de creuser, d\u2019explorer chaque d\u00e9tail, chaque piste, chaque nuance, \u00e7a permet deux choses : prendre du recul, ce qu\u2019on appelle faire son deuil, et faire de la litt\u00e9rature. C\u2019est peut-\u00eatre ce que je fais, ici, sur ces blogs. Depuis des ann\u00e9es. Comme Monsieur Jourdain, sans le savoir. Et aussi, je dois dire, \u00e7a me fait plaisir de voir un billet de blog aussi long. \u00c7a devient rare. Ce matin, je me suis lev\u00e9 avec l\u2019envie de vocif\u00e9rer par \u00e9crit. Puis je suis sorti dans la cour, pieds nus. Le ciel \u00e9tait clair, et j\u2019ai aper\u00e7u la lune. Un instant, le froid et l\u2019id\u00e9e de mon insignifiance m\u2019ont calm\u00e9. Ensuite, sans doute \u00e0 cause du titre de ce blog \u2014 Le Cavalier des touches \u2014 j\u2019ai pens\u00e9 \u00e0 C\u00e9line, \u00e0 ses petits points de suspension, au Voyage au bout de la nuit. \u00c0 cette immense col\u00e8re que j\u2019avais ressentie, la premi\u00e8re fois que j\u2019avais ouvert ce livre. En buvant mon caf\u00e9 sans sucre, j\u2019ai ressenti une autre amertume. Celle d\u2019avoir perdu encore un peu plus de na\u00efvet\u00e9. Comme beaucoup d\u2019entre nous. Cette na\u00efvet\u00e9 qui nous allait bien. Que nous entretenions. Que nous ch\u00e9rissions m\u00eame, parce qu\u2019elle rimait avec confort, s\u00e9curit\u00e9. Et un peu autruche, aussi. M.Z ( ou M.W) est m\u00e9decin comme L.F. D. Ce qui me fait penser que l'empathie est semblable \u00e0 un premier r\u00e9servoir de fus\u00e9e, qu'on doit forc\u00e9ment l\u00e2cher t\u00f4t ou tard pour s'\u00e9chapper de la stratosph\u00e8re, parvenir au vide sid\u00e9ral. J'ai continu\u00e9 \u00e0 recouvrir de blanc deux grands panneaux en vue de l'exposition prochaine \u00e0 S. Le fait que le blanc ne soit jamais aussi blanc qu'on le voudrait est assez fascinant, je remets parfois jusqu'\u00e0 cinq couches \u00e0 certains endroits, puis je me recule, c'est \u00e0 nouveau un gris.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3381.jpg?1748065147", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/17-novembre-2024.html", "title": "17 novembre 2024", "date_published": "2024-11-17T06:13:00Z", "date_modified": "2025-10-17T16:23:00Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

*Le soleil luisait, les oiseaux gazouillaient, l\u2019air \u00e9tait empli de parfums printaniers.*
\nUne phrase banale, lue quelque part, reprise ailleurs, comme un motif qui se perd. Elle se r\u00e9\u00e9crit, se diffuse, s\u2019efface \u00e0 force d\u2019\u00eatre transmise. L\u2019auteur ? Oubli\u00e9. Moi, je m\u2019amuse \u00e0 l\u2019annoter \u00e0 mon tour, la faisant glisser encore un peu plus dans l\u2019anonymat. Et puis, il y a ce fil conducteur. Non pas son absence, mais mon refus obstin\u00e9 de l\u2019accepter. Il est l\u00e0, pourtant, ce fil rouge qui implore qu\u2019on le suive, qu\u2019on lui donne sens. Mais non. Je lui crie de se taire, de dispara\u00eetre. Pourquoi c\u00e9derais-je ? Je n\u2019ai aucune envie de coudre, d\u2019assembler, de rapi\u00e9cer. Laisser les morceaux s\u00e9par\u00e9s, c\u2019est leur donner une existence propre. Le fil, c\u2019est cet outil d\u00e9licat qu\u2019on fait passer dans le chas d\u2019une aiguille, ce qui unit et transperce \u00e0 la fois. Mais ici, il devient rouge sang, il rappelle les sc\u00e8nes d\u2019horreur qu\u2019on pourrait filmer \u00e0 loisir, en boucle, \u00e0 l’acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 comme au ralenti. Je pr\u00e9f\u00e8re l\u00e2cher le fil. Ne rien raccommoder. Refuser la r\u00e9conciliation des morceaux disparates. Quant \u00e0 « conducteur », le mot convoque d\u2019autres images. Le m\u00e9tal glacial sous la paume un matin d\u2019hiver, le portail gel\u00e9 que je ne peux quitter des doigts. Mon p\u00e8re, conducteur d\u2019agressivit\u00e9, sa voiture gar\u00e9e en pente l\u00e9g\u00e8re devant la maison, annon\u00e7ant son retour comme une menace sourde. Il conduit tout et sans cesse, mais jamais moi.Il me conduira jamais. Je marche . \u00c9cole, dentiste, cat\u00e9chisme \u2013 toujours seul, toujours \u00e0 pieds. L\u2019absence de conducteur m\u2019a rendu autonome, mais aussi furieux d\u00e8s l’origine contre le monde entier. Et c\u2019est peut-\u00eatre cela : un fil conducteur, c\u2019est un lien. Mais aussi une contrainte, une structure impos\u00e9e. Moi, je choisis de laisser les morceaux en suspens.<\/p>\n

*note sur la notion de disparate ( ao\u00fbt 2025)*
\nTu \u00e9cris *Refuser la r\u00e9conciliation des morceaux disparates* Cela voudrait dire qu’une raison les a rendu disparates, une querelle, un conflit. Ce que tu n’acceptes pas c’est implicitement que la s\u00e9paration soit « sans raison ». Et donc quand tu te rends compte qu’aucune raison n’explique la disparit\u00e9, tu refuses la raison. Tu refuses le fil conducteur.
\nQuestion : est-ce que les choses peuvent \u00eatre s\u00e9par\u00e9es sans raison sans conflit, simplement parce qu’ils sont de nature disparate.
\n*Note sur le mot furieux* Tu penses aussit\u00f4t au Roland Furieux.
\nParce que c\u2019est le titre fran\u00e7ais d\u2019Orlando furioso (1516, version d\u00e9finitive 1532) de l\u2019Arioste. “Orlando” est l\u2019italien de Roland, le paladin de Charlemagne ; furioso signifie ici non pas seulement “en col\u00e8re” mais “devenu fou”. Dans le po\u00e8me, Roland perd la raison en d\u00e9couvrant que Ang\u00e9lique aime le soldat Medoro : il arrache son armure, ravage for\u00eats et campements — d\u2019o\u00f9 le “furieux”.
\nLa* furie* l’envahie. Et que sont les furies dans la mythologie grecque :<\/p>\n

Les Furies sont, chez les Grecs, les \u00c9rinyes (\u1f10\u03c1\u03b9\u03bd\u03cd\u03b5\u03c2) : divinit\u00e9s chthoniennes de la vengeance et du ch\u00e2timent.<\/p>\n

Noms et nombre : \u00e0 l\u2019origine ind\u00e9termin\u00e9es et multiples, la tradition tardive les fixe \u00e0 trois : Alecto (“l\u2019Incessante”), M\u00e9g\u00e8re (“la Rancuni\u00e8re”), Tisiphone (“la Vengeresse du meurtre”).<\/p>\n

Origine : selon H\u00e9siode, elles naissent du sang d\u2019Ouranos tomb\u00e9 sur la terre (Ga\u00efa) lors de sa castration par Cronos ; d\u2019autres traditions les disent filles de Nyx (la Nuit).<\/p>\n

R\u00f4le : elles poursuivent sans rel\u00e2che les coupables de crimes graves, surtout meurtres au sein de la famille (matricide, parricide, fratricide), parjure et impiet\u00e9. Elles infligent folie, maladies, remords et mal\u00e9dictions jusqu\u2019\u00e0 expiation.<\/p>\n

Apparence et attributs : vieilles d\u00e9esses sombres, chevelure de serpents, torches et fouets ; leur pr\u00e9sence s\u2019accompagne de miasmes et de cris.<\/p>\n

Culte et euph\u00e9misme : redout\u00e9es, on les appelle \u00e0 Ath\u00e8nes les Eum\u00e9nides (“Bienveillantes”) par euph\u00e9misme, surtout apr\u00e8s le proc\u00e8s d\u2019Or\u00e9stes (chez Eschyle, Eum\u00e9nides), o\u00f9 elles deviennent protectrices de la justice civique.<\/p>\n

\u00c9quivalents romains : Furiae ou Dirae ; chez Virgile, Alecto et Tisiphone interviennent pour d\u00e9clencher ou garder les ch\u00e2timents.<\/p>\n

En bref, les Furies\/\u00c9rinyes personnifient la vengeance implacable de la loi morale, n\u00e9e de la terre et plus ancienne que les dieux olympiens.<\/p>", "content_text": " *Le soleil luisait, les oiseaux gazouillaient, l\u2019air \u00e9tait empli de parfums printaniers.* Une phrase banale, lue quelque part, reprise ailleurs, comme un motif qui se perd. Elle se r\u00e9\u00e9crit, se diffuse, s\u2019efface \u00e0 force d\u2019\u00eatre transmise. L\u2019auteur ? Oubli\u00e9. Moi, je m\u2019amuse \u00e0 l\u2019annoter \u00e0 mon tour, la faisant glisser encore un peu plus dans l\u2019anonymat. Et puis, il y a ce fil conducteur. Non pas son absence, mais mon refus obstin\u00e9 de l\u2019accepter. Il est l\u00e0, pourtant, ce fil rouge qui implore qu\u2019on le suive, qu\u2019on lui donne sens. Mais non. Je lui crie de se taire, de dispara\u00eetre. Pourquoi c\u00e9derais-je ? Je n\u2019ai aucune envie de coudre, d\u2019assembler, de rapi\u00e9cer. Laisser les morceaux s\u00e9par\u00e9s, c\u2019est leur donner une existence propre. Le fil, c\u2019est cet outil d\u00e9licat qu\u2019on fait passer dans le chas d\u2019une aiguille, ce qui unit et transperce \u00e0 la fois. Mais ici, il devient rouge sang, il rappelle les sc\u00e8nes d\u2019horreur qu\u2019on pourrait filmer \u00e0 loisir, en boucle, \u00e0 l'acc\u00e9l\u00e9r\u00e9 comme au ralenti. Je pr\u00e9f\u00e8re l\u00e2cher le fil. Ne rien raccommoder. Refuser la r\u00e9conciliation des morceaux disparates. Quant \u00e0 \"conducteur\", le mot convoque d\u2019autres images. Le m\u00e9tal glacial sous la paume un matin d\u2019hiver, le portail gel\u00e9 que je ne peux quitter des doigts. Mon p\u00e8re, conducteur d\u2019agressivit\u00e9, sa voiture gar\u00e9e en pente l\u00e9g\u00e8re devant la maison, annon\u00e7ant son retour comme une menace sourde. Il conduit tout et sans cesse, mais jamais moi.Il me conduira jamais. Je marche . \u00c9cole, dentiste, cat\u00e9chisme \u2013 toujours seul, toujours \u00e0 pieds. L\u2019absence de conducteur m\u2019a rendu autonome, mais aussi furieux d\u00e8s l'origine contre le monde entier. Et c\u2019est peut-\u00eatre cela : un fil conducteur, c\u2019est un lien. Mais aussi une contrainte, une structure impos\u00e9e. Moi, je choisis de laisser les morceaux en suspens. *note sur la notion de disparate ( ao\u00fbt 2025)* Tu \u00e9cris *Refuser la r\u00e9conciliation des morceaux disparates* Cela voudrait dire qu'une raison les a rendu disparates, une querelle, un conflit. Ce que tu n'acceptes pas c'est implicitement que la s\u00e9paration soit \"sans raison\". Et donc quand tu te rends compte qu'aucune raison n'explique la disparit\u00e9, tu refuses la raison. Tu refuses le fil conducteur. Question: est-ce que les choses peuvent \u00eatre s\u00e9par\u00e9es sans raison sans conflit, simplement parce qu'ils sont de nature disparate. *Note sur le mot furieux* Tu penses aussit\u00f4t au Roland Furieux. Parce que c\u2019est le titre fran\u00e7ais d\u2019Orlando furioso (1516, version d\u00e9finitive 1532) de l\u2019Arioste. \u201cOrlando\u201d est l\u2019italien de Roland, le paladin de Charlemagne; furioso signifie ici non pas seulement \u201cen col\u00e8re\u201d mais \u201cdevenu fou\u201d. Dans le po\u00e8me, Roland perd la raison en d\u00e9couvrant que Ang\u00e9lique aime le soldat Medoro : il arrache son armure, ravage for\u00eats et campements \u2014 d\u2019o\u00f9 le \u201cfurieux\u201d. La* furie* l'envahie. Et que sont les furies dans la mythologie grecque : Les Furies sont, chez les Grecs, les \u00c9rinyes (\u1f10\u03c1\u03b9\u03bd\u03cd\u03b5\u03c2) : divinit\u00e9s chthoniennes de la vengeance et du ch\u00e2timent. Noms et nombre : \u00e0 l\u2019origine ind\u00e9termin\u00e9es et multiples, la tradition tardive les fixe \u00e0 trois : Alecto (\u201cl\u2019Incessante\u201d), M\u00e9g\u00e8re (\u201cla Rancuni\u00e8re\u201d), Tisiphone (\u201cla Vengeresse du meurtre\u201d). Origine : selon H\u00e9siode, elles naissent du sang d\u2019Ouranos tomb\u00e9 sur la terre (Ga\u00efa) lors de sa castration par Cronos ; d\u2019autres traditions les disent filles de Nyx (la Nuit). R\u00f4le : elles poursuivent sans rel\u00e2che les coupables de crimes graves, surtout meurtres au sein de la famille (matricide, parricide, fratricide), parjure et impiet\u00e9. Elles infligent folie, maladies, remords et mal\u00e9dictions jusqu\u2019\u00e0 expiation. Apparence et attributs : vieilles d\u00e9esses sombres, chevelure de serpents, torches et fouets ; leur pr\u00e9sence s\u2019accompagne de miasmes et de cris. Culte et euph\u00e9misme : redout\u00e9es, on les appelle \u00e0 Ath\u00e8nes les Eum\u00e9nides (\u201cBienveillantes\u201d) par euph\u00e9misme, surtout apr\u00e8s le proc\u00e8s d\u2019Or\u00e9stes (chez Eschyle, Eum\u00e9nides), o\u00f9 elles deviennent protectrices de la justice civique. \u00c9quivalents romains : Furiae ou Dirae ; chez Virgile, Alecto et Tisiphone interviennent pour d\u00e9clencher ou garder les ch\u00e2timents. En bref, les Furies\/\u00c9rinyes personnifient la vengeance implacable de la loi morale, n\u00e9e de la terre et plus ancienne que les dieux olympiens. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

j\u2019\u00e9cris en ce moment, le matin pour le lendemain. Enfin c\u2019est le pr\u00e9texte que je me donne pour \u00e9crire le matin, pour ne pas trop \u00e9crire, pour \u00e9crire un seul texte. J\u2019\u00e9cris en ce moment sur l\u2019\u00e9diteur de WP, c\u2019est ici que j\u2019\u00e9cris le matin. Sinon, j\u2019ai d\u2019autres cordes \u00e0 mon arc, je peux \u00e9crire dans Notebooklm, dans Perplexity, dans Evernote, dans Notion, dans Ulysse, dans Notes. Je ne sais pas si je n\u2019en oublie pas. Surement, j\u2019ai un carnet Clairefontaine de 196 pages avec seulement trois pages griffonn\u00e9es d\u2019une \u00e9criture tr\u00e8s s\u00e9rr\u00e9e ,et un autre cahier de 96 pages \u00e0 petits carreaux que j\u2019ai achet\u00e9 ces derniers jours- en pr\u00e9vision de je ne sais plus quoi \u2013 et aussit\u00f4t rang\u00e9 dans un tiroir de l\u2019atelier. Ce qui compte c\u2019est de ne pas se poser trop de questions —c\u2019est ce que je me disais encore ce matin avant de m\u2019asseoir \u00e0 ma table, d\u2019ouvrir mon Ipad, de lire quelques pages de j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 d\u2019arr\u00e9ter d\u2019\u00e9crire<\/i> de Pierre Patrolin.<\/p>\n

J\u2019ai l\u2019habitude de me heurter \u00e0 l\u2019id\u00e9e de ma propre insignifiance, de plus en plus ces derniers jours. J\u2019entends cette voix \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur qui ne cesse de me dire que tout ceci ne sert pas \u00e0 grand-chose, que les jeux sont faits, que si j\u2019avais d\u00fb \u00eatre ce que j\u2019ai r\u00eav\u00e9 d\u2019\u00eatre — mais ai-je jamais vraiment r\u00eav\u00e9 d\u2019\u00eatre ce quelqu\u2019un d\u2019autre— je le serais d\u00e9j\u00e0. Sans doute me suis-je trop m\u00e9fi\u00e9 de mes r\u00eaves, d\u00e8s l\u2019enfance, alors qu\u2019on devrait au contraire faire pleine confiance \u00e0 ceux-ci et \u00e0 soi-m\u00eame surtout. Ce doute permanent concernant la r\u00e9alit\u00e9 et moi dans cette r\u00e9alit\u00e9, j\u2019en ai d\u00e9sormais fait un compagnon. Peut-\u00eatre le seul compagnon tangible de toute mon existence.<\/p>", "content_text": "j\u2019\u00e9cris en ce moment, le matin pour le lendemain. Enfin c\u2019est le pr\u00e9texte que je me donne pour \u00e9crire le matin, pour ne pas trop \u00e9crire, pour \u00e9crire un seul texte. J\u2019\u00e9cris en ce moment sur l\u2019\u00e9diteur de WP, c\u2019est ici que j\u2019\u00e9cris le matin. Sinon, j\u2019ai d\u2019autres cordes \u00e0 mon arc, je peux \u00e9crire dans Notebooklm, dans Perplexity, dans Evernote, dans Notion, dans Ulysse, dans Notes. Je ne sais pas si je n\u2019en oublie pas. Surement, j\u2019ai un carnet Clairefontaine de 196 pages avec seulement trois pages griffonn\u00e9es d\u2019une \u00e9criture tr\u00e8s s\u00e9rr\u00e9e ,et un autre cahier de 96 pages \u00e0 petits carreaux que j\u2019ai achet\u00e9 ces derniers jours- en pr\u00e9vision de je ne sais plus quoi \u2013 et aussit\u00f4t rang\u00e9 dans un tiroir de l\u2019atelier. Ce qui compte c\u2019est de ne pas se poser trop de questions \u2014c\u2019est ce que je me disais encore ce matin avant de m\u2019asseoir \u00e0 ma table, d\u2019ouvrir mon Ipad, de lire quelques pages de {j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 d\u2019arr\u00e9ter d\u2019\u00e9crire} de Pierre Patrolin. J\u2019ai l\u2019habitude de me heurter \u00e0 l\u2019id\u00e9e de ma propre insignifiance, de plus en plus ces derniers jours. J\u2019entends cette voix \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur qui ne cesse de me dire que tout ceci ne sert pas \u00e0 grand-chose, que les jeux sont faits, que si j\u2019avais d\u00fb \u00eatre ce que j\u2019ai r\u00eav\u00e9 d\u2019\u00eatre \u2014 mais ai-je jamais vraiment r\u00eav\u00e9 d\u2019\u00eatre ce quelqu\u2019un d\u2019autre\u2014 je le serais d\u00e9j\u00e0. Sans doute me suis-je trop m\u00e9fi\u00e9 de mes r\u00eaves, d\u00e8s l\u2019enfance, alors qu\u2019on devrait au contraire faire pleine confiance \u00e0 ceux-ci et \u00e0 soi-m\u00eame surtout. Ce doute permanent concernant la r\u00e9alit\u00e9 et moi dans cette r\u00e9alit\u00e9, j\u2019en ai d\u00e9sormais fait un compagnon. Peut-\u00eatre le seul compagnon tangible de toute mon existence.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0271.jpg?1748065069", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/14-novembre-2024.html", "title": "14 novembre 2024", "date_published": "2024-11-14T06:21:00Z", "date_modified": "2025-07-07T05:14:54Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Insomnie mise \u00e0 profit pour relire les deux premi\u00e8res parties des Emigrants<\/i> de W. G. Sebald. J\u2019essaie de me souvenir en quelle ann\u00e9e j\u2019avais d\u00e9couvert ce livre la toute premi\u00e8re fois, sans doute \u00e0 mon retour de Suisse, vers 2003, \u00e0 moins que ce ne fut \u00e0 Lausanne, mais bien du mal \u00e0 accepter de me rappeler de cette p\u00e9riode, j\u2019ai oubli\u00e9 jusqu\u2019au nom de la rue o\u00f9 j\u2019habitais, et celle o\u00f9 je travaillais, voire cette librairie que je fr\u00e9quentais, ce qui me fait penser par d\u00e9placement t\u00e9l\u00e9m\u00e9trique, esp\u00e9rance de nettet\u00e9, que c\u2019\u00e9tait peut-\u00eatre m\u00eame dans cette autre librairie, \u00e0 Yverdon en 2000. En tous cas, j\u2019avais lu une premi\u00e8re fois ce bouquin sans \u00e9prouver un grand enthousiasme . Les phrases m\u2019avaient parues trop longues, alambiqu\u00e9es, et totalement d\u00e9cal\u00e9es du temps dans lequel \u00e0 cette \u00e9poque je vivais. Ce qui oblige aujourd\u2019hui \u00e0 une certaine humilit\u00e9 lorsque j\u2019y repense, je veux dire sur la mani\u00e8re dont on emet un jugement quel qu\u2019il soit sur ce que l\u2019on voit, ce que l\u2019on entend, ce que l\u2019on lit. Et cette impression s\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 faite lourdement sentir dans la journ\u00e9e alors que je mettais une fois de plus un peu d\u2019ordre dans mon atelier, que je retrouvais de vieilles toiles, datant de 2006 ou 2007, toiles dont je n\u2019\u00e9tais \u00e0 l\u2019\u00e9poque pas peu fi\u00e8r et qui, aujourd\u2019hui, me font songer \u00e0 de la boue coll\u00e9 sur du tissu. Voil\u00e0 en gros, avec quoi il faut bien partir aujoud\u2019hui, avec la fatigue et la modestie comme bagages, face aux effondrements successifs tout autour de soi et en soi. Ces exils relat\u00e9s par le narrateur du livre font r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la mont\u00e9e du nazisme, ce qui n\u2019est sans doute pas tout \u00e0 fait un hasard lorsque j\u2019y pense d\u2019avoir justement choisi ce livre sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re de la biblioth\u00e8que cette nuit. Ne sommes-nous pas, en ce moment m\u00eame, confront\u00e9s \u00e0 une situation tout \u00e0 fait semblable que celle qui fit fuir les personnages de Emigrants<\/i>. Etrangement je me suis aussi souvenu que j\u2019avais effectu\u00e9 des recherches sur le prix des terrains avec cabane cadastr\u00e9e, d\u2019abord dans le centre de la France, vers Epineuil le Fleuriel, puis Saint-Bonnet de Tron\u00e7ay, jusqu\u2019\u00e0 m\u2019\u00e9loigner de plus en plus , vers la Bulgarie, la Cr\u00e8te, enfin loin d\u2019ici, de cette vie de ces lieux de cette athmosph\u00e8re de marasme permanent. J\u2019ai jongl\u00e9 avec les hypoth\u00e8ses d\u2019amasser en vendant tout la somme n\u00e9cessaire pour partir, pour fuir, seul \u00e9videmment, tant qu\u2019\u00e0 faire puisqu\u2019il ne s\u2019agissait que d\u2019hypoth\u00e8ses, de r\u00eaveries d\u2019imagination. Le fait que chaque histoire lue s\u2019ach\u00e8ve par un suicide du personnage principal ne m\u2019est venue que tardivement, en \u00e9crivant ces lignes ce matin. Et puis bizarrerie suppl\u00e9mentaire ce que j\u2019avais trouv\u00e9 p\u00e9nible \u00e0 la lecture des Emigrants, notamment ces longues descriptions tellement d\u00e9taill\u00e9es de la nature, souvent travers\u00e9es de digressions en tout genre, de d\u00e9tails outrageusement pr\u00e9cis, trop pr\u00e9cis pour \u00eatre vrais avais-je alors song\u00e9, ces descriptions et digressions cette nuit m\u2019ont apais\u00e9 voire berc\u00e9, emmitoufl\u00e9 \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019un passager clandestin enferm\u00e9 \u00e0 fond de cale dans un vieux rafiot traversant des \u00e9tendues liquides instables, se fabriquant ainsi dans la lecture lente des phrases de Sebald une sorte de s\u00e9curit\u00e9 totalement illusoire mais bien agr\u00e9able cependant.<\/p>\n


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Cette nuit, l\u2019insomnie. Alors, je suis all\u00e9 prendre un livre sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re : Les \u00c9migrants<\/i> de Sebald. Je ne me souvenais plus vraiment de la premi\u00e8re fois que je l\u2019avais lu. C\u2019\u00e9tait quelque part apr\u00e8s la Suisse, peut-\u00eatre en 2003. Ou m\u00eame avant, peut-\u00eatre \u00e0 Lausanne. \u00c0 vrai dire, j\u2019ai oubli\u00e9 les d\u00e9tails. J\u2019ai m\u00eame oubli\u00e9 les noms des rues o\u00f9 je vivais, o\u00f9 je travaillais. Il y avait une librairie, quelque part. Peut-\u00eatre \u00e0 Yverdon, peut-\u00eatre pas. La premi\u00e8re fois, ce livre ne m\u2019avait pas vraiment parl\u00e9. Les phrases, je les trouvais longues, compliqu\u00e9es. Pas mon style. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, je voulais du simple, du direct. Ce genre de lecture me passait au-dessus. Et maintenant, quand j\u2019y repense, \u00e7a me fait sourire. Il faut du temps pour savoir ce qu\u2019on pense, du temps pour comprendre ce qu\u2019on regarde. On ne le sait pas toujours sur le moment. Cet apr\u00e8s-midi, je rangeais l\u2019atelier, fouillant des vieilles toiles de 2006, peut-\u00eatre 2007. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, je trouvais \u00e7a pas mal. Maintenant, ce n\u2019est rien de plus que de la mati\u00e8re, une boue s\u00e8che coll\u00e9e sur du tissu. \u00c7a m\u2019a fait penser \u00e0 tout ce qu\u2019on accumule, tout ce qui s\u2019efface. Avec le temps, tout \u00e7a ne veut plus dire grand-chose. Sebald \u00e9crivait sur l\u2019exil, sur la fuite. Sur des vies qui se d\u00e9font. Je me suis demand\u00e9 pourquoi j\u2019avais choisi ce livre-l\u00e0, cette nuit. Peut-\u00eatre parce que \u00e7a me parlait plus qu\u2019avant, maintenant. Il m\u2019est m\u00eame revenu cette id\u00e9e que j\u2019avais, de trouver un bout de terre quelque part. Un terrain avec une cabane, loin d\u2019ici. J\u2019avais regard\u00e9 vers le centre de la France, puis plus loin encore. La Bulgarie, la Cr\u00e8te. C\u2019\u00e9tait juste un r\u00eave. Vendre, partir, seul. Un r\u00eave, c\u2019est tout. Et puis, en lisant, je me suis souvenu que chaque histoire chez Sebald finit mal, souvent par un suicide. Je ne l\u2019avais pas vu tout de suite. Je ne sais pas pourquoi \u00e7a m\u2019a frapp\u00e9 ce soir. Ce qui me d\u00e9rangeait dans le livre, \u00e0 l\u2019\u00e9poque, c\u2019\u00e9tait les descriptions, les d\u00e9tails. Tout me paraissait lourd, \u00e9touffant. Mais cette nuit, ces phrases m\u2019ont fait du bien. Elles avaient une lenteur rassurante, comme si elles me couvraient d\u2019un voile. Une sorte de paix. Comme si je pouvais me cacher dans ses mots, juste pour un moment.<\/p>\n


\nJe suis encore l\u00e0, dans la cuisine, au milieu de la nuit. Le silence p\u00e8se, le tic-tac de l\u2019horloge s\u2019\u00e9tire. Mes mains sont pos\u00e9es sur la table, froides et immobiles. Je sais que le sommeil ne viendra pas. Alors, presque sans r\u00e9fl\u00e9chir, je me l\u00e8ve et me dirige vers la chambre au rez de chauss\u00e9e, vers la biblitoh\u00e8que. Il fait sombre.Je reste un instant l\u00e0 debout, sans allumer. Puis, la lumi\u00e8re des phares d\u2019un v\u00e9hicule qui passe dans la rue glisse \u00e0 travers les stores, fr\u00f4lant les livres en rang, juste assez pour en deviner les titres. Je n\u2019ai pas besoin de chercher. Je sais d\u00e9j\u00e0 lequel je veux. Ma main trouve Les \u00c9migrants <\/i> de Sebald. C\u2019est comme s\u2019il m\u2019attendait. Je passe les doigts sur la couverture, sentant le livre, son poids. Un souvenir vague, un moment sans contours nets. La premi\u00e8re fois que je l\u2019avais lu, je n\u2019y avais rien compris, ou alors trop peu. Peut-\u00eatre en Suisse, ou juste apr\u00e8s, mais ce n\u2019\u00e9tait pas clair, ni maintenant ni alors. Et cette nuit, tout me revient dans un flou, une h\u00e9sitation. Je retourne m\u2019asseoir \u00e0 la table, ouvre le livre. Les premi\u00e8res pages sont comme je m\u2019en souvenais : lentes, denses, presque trop d\u00e9taill\u00e9es. Je m\u2019y perds volontairement, chaque mot comme un pas dans l\u2019obscurit\u00e9. Puis, entre deux paragraphes, un blanc, puis une photo. Je m\u2019arr\u00eate. C\u2019est une vieille photo en noir et blanc. Un visage ou un b\u00e2timent, parfois flou, parfois d\u2019une nettet\u00e9 troublante. Ces images, plant\u00e9es l\u00e0 comme des balises dans le texte, sans explications. Elles me regardent presque, fixes, \u00e9trang\u00e8res. Je tourne les pages, et les photographies reviennent. Un homme qui marche, une maison abandonn\u00e9e, un paysage sans horizon. C\u2019est comme si Sebald avait sem\u00e9 des indices d\u2019un monde \u00e9vanoui, une autre vie, quelque part en marge du texte. Elles font remonter quelque chose en moi, des bouts de souvenirs, sans les d\u00e9tails, juste les impressions. Comme si, dans chaque image, il y avait une part d\u2019exil, de fuite \u2013 une invitation \u00e0 laisser moi aussi derri\u00e8re moi quelque chose. Peut-\u00eatre qu\u2019au fond, c\u2019est pour \u00e7a que je l\u2019ai repris cette nuit. Comme une main tendue \u00e0 travers le temps. Chaque image en noir et blanc m\u2019accroche un peu plus, des portraits d\u2019inconnus, des b\u00e2timents d\u00e9serts. Une suite d\u2019ombres, o\u00f9 je me sens presque chez moi. Les photos et les mots se m\u00e9langent, comme une mar\u00e9e lente qui efface les contours, brouille les lignes. Je laisse les phrases m\u2019engloutir. Juste cette nuit, \u00e7a suffira.", "content_text": "Insomnie mise \u00e0 profit pour relire les deux premi\u00e8res parties des {Emigrants} de W. G. Sebald. J\u2019essaie de me souvenir en quelle ann\u00e9e j\u2019avais d\u00e9couvert ce livre la toute premi\u00e8re fois, sans doute \u00e0 mon retour de Suisse, vers 2003, \u00e0 moins que ce ne fut \u00e0 Lausanne, mais bien du mal \u00e0 accepter de me rappeler de cette p\u00e9riode, j\u2019ai oubli\u00e9 jusqu\u2019au nom de la rue o\u00f9 j\u2019habitais, et celle o\u00f9 je travaillais, voire cette librairie que je fr\u00e9quentais, ce qui me fait penser par d\u00e9placement t\u00e9l\u00e9m\u00e9trique, esp\u00e9rance de nettet\u00e9, que c\u2019\u00e9tait peut-\u00eatre m\u00eame dans cette autre librairie, \u00e0 Yverdon en 2000. En tous cas, j\u2019avais lu une premi\u00e8re fois ce bouquin sans \u00e9prouver un grand enthousiasme . Les phrases m\u2019avaient parues trop longues, alambiqu\u00e9es, et totalement d\u00e9cal\u00e9es du temps dans lequel \u00e0 cette \u00e9poque je vivais. Ce qui oblige aujourd\u2019hui \u00e0 une certaine humilit\u00e9 lorsque j\u2019y repense, je veux dire sur la mani\u00e8re dont on emet un jugement quel qu\u2019il soit sur ce que l\u2019on voit, ce que l\u2019on entend, ce que l\u2019on lit. Et cette impression s\u2019\u00e9tait d\u00e9j\u00e0 faite lourdement sentir dans la journ\u00e9e alors que je mettais une fois de plus un peu d\u2019ordre dans mon atelier, que je retrouvais de vieilles toiles, datant de 2006 ou 2007, toiles dont je n\u2019\u00e9tais \u00e0 l\u2019\u00e9poque pas peu fi\u00e8r et qui, aujourd\u2019hui, me font songer \u00e0 de la boue coll\u00e9 sur du tissu. Voil\u00e0 en gros, avec quoi il faut bien partir aujoud\u2019hui, avec la fatigue et la modestie comme bagages, face aux effondrements successifs tout autour de soi et en soi. Ces exils relat\u00e9s par le narrateur du livre font r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la mont\u00e9e du nazisme, ce qui n\u2019est sans doute pas tout \u00e0 fait un hasard lorsque j\u2019y pense d\u2019avoir justement choisi ce livre sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re de la biblioth\u00e8que cette nuit. Ne sommes-nous pas, en ce moment m\u00eame, confront\u00e9s \u00e0 une situation tout \u00e0 fait semblable que celle qui fit fuir les personnages de {Emigrants}. Etrangement je me suis aussi souvenu que j\u2019avais effectu\u00e9 des recherches sur le prix des terrains avec cabane cadastr\u00e9e, d\u2019abord dans le centre de la France, vers Epineuil le Fleuriel, puis Saint-Bonnet de Tron\u00e7ay, jusqu\u2019\u00e0 m\u2019\u00e9loigner de plus en plus , vers la Bulgarie, la Cr\u00e8te, enfin loin d\u2019ici, de cette vie de ces lieux de cette athmosph\u00e8re de marasme permanent. J\u2019ai jongl\u00e9 avec les hypoth\u00e8ses d\u2019amasser en vendant tout la somme n\u00e9cessaire pour partir, pour fuir, seul \u00e9videmment, tant qu\u2019\u00e0 faire puisqu\u2019il ne s\u2019agissait que d\u2019hypoth\u00e8ses, de r\u00eaveries d\u2019imagination. Le fait que chaque histoire lue s\u2019ach\u00e8ve par un suicide du personnage principal ne m\u2019est venue que tardivement, en \u00e9crivant ces lignes ce matin. Et puis bizarrerie suppl\u00e9mentaire ce que j\u2019avais trouv\u00e9 p\u00e9nible \u00e0 la lecture des Emigrants, notamment ces longues descriptions tellement d\u00e9taill\u00e9es de la nature, souvent travers\u00e9es de digressions en tout genre, de d\u00e9tails outrageusement pr\u00e9cis, trop pr\u00e9cis pour \u00eatre vrais avais-je alors song\u00e9, ces descriptions et digressions cette nuit m\u2019ont apais\u00e9 voire berc\u00e9, emmitoufl\u00e9 \u00e0 la fa\u00e7on d\u2019un passager clandestin enferm\u00e9 \u00e0 fond de cale dans un vieux rafiot traversant des \u00e9tendues liquides instables, se fabriquant ainsi dans la lecture lente des phrases de Sebald une sorte de s\u00e9curit\u00e9 totalement illusoire mais bien agr\u00e9able cependant. Cette nuit, l\u2019insomnie. Alors, je suis all\u00e9 prendre un livre sur l\u2019\u00e9tag\u00e8re :{ Les \u00c9migrants} de Sebald. Je ne me souvenais plus vraiment de la premi\u00e8re fois que je l\u2019avais lu. C\u2019\u00e9tait quelque part apr\u00e8s la Suisse, peut-\u00eatre en 2003. Ou m\u00eame avant, peut-\u00eatre \u00e0 Lausanne. \u00c0 vrai dire, j\u2019ai oubli\u00e9 les d\u00e9tails. J\u2019ai m\u00eame oubli\u00e9 les noms des rues o\u00f9 je vivais, o\u00f9 je travaillais. Il y avait une librairie, quelque part. Peut-\u00eatre \u00e0 Yverdon, peut-\u00eatre pas. La premi\u00e8re fois, ce livre ne m\u2019avait pas vraiment parl\u00e9. Les phrases, je les trouvais longues, compliqu\u00e9es. Pas mon style. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, je voulais du simple, du direct. Ce genre de lecture me passait au-dessus. Et maintenant, quand j\u2019y repense, \u00e7a me fait sourire. Il faut du temps pour savoir ce qu\u2019on pense, du temps pour comprendre ce qu\u2019on regarde. On ne le sait pas toujours sur le moment. Cet apr\u00e8s-midi, je rangeais l\u2019atelier, fouillant des vieilles toiles de 2006, peut-\u00eatre 2007. \u00c0 l\u2019\u00e9poque, je trouvais \u00e7a pas mal. Maintenant, ce n\u2019est rien de plus que de la mati\u00e8re, une boue s\u00e8che coll\u00e9e sur du tissu. \u00c7a m\u2019a fait penser \u00e0 tout ce qu\u2019on accumule, tout ce qui s\u2019efface. Avec le temps, tout \u00e7a ne veut plus dire grand-chose. Sebald \u00e9crivait sur l\u2019exil, sur la fuite. Sur des vies qui se d\u00e9font. Je me suis demand\u00e9 pourquoi j\u2019avais choisi ce livre-l\u00e0, cette nuit. Peut-\u00eatre parce que \u00e7a me parlait plus qu\u2019avant, maintenant. Il m\u2019est m\u00eame revenu cette id\u00e9e que j\u2019avais, de trouver un bout de terre quelque part. Un terrain avec une cabane, loin d\u2019ici. J\u2019avais regard\u00e9 vers le centre de la France, puis plus loin encore. La Bulgarie, la Cr\u00e8te. C\u2019\u00e9tait juste un r\u00eave. Vendre, partir, seul. Un r\u00eave, c\u2019est tout. Et puis, en lisant, je me suis souvenu que chaque histoire chez Sebald finit mal, souvent par un suicide. Je ne l\u2019avais pas vu tout de suite. Je ne sais pas pourquoi \u00e7a m\u2019a frapp\u00e9 ce soir. Ce qui me d\u00e9rangeait dans le livre, \u00e0 l\u2019\u00e9poque, c\u2019\u00e9tait les descriptions, les d\u00e9tails. Tout me paraissait lourd, \u00e9touffant. Mais cette nuit, ces phrases m\u2019ont fait du bien. Elles avaient une lenteur rassurante, comme si elles me couvraient d\u2019un voile. Une sorte de paix. Comme si je pouvais me cacher dans ses mots, juste pour un moment. Je suis encore l\u00e0, dans la cuisine, au milieu de la nuit. Le silence p\u00e8se, le tic-tac de l\u2019horloge s\u2019\u00e9tire. Mes mains sont pos\u00e9es sur la table, froides et immobiles. Je sais que le sommeil ne viendra pas. Alors, presque sans r\u00e9fl\u00e9chir, je me l\u00e8ve et me dirige vers la chambre au rez de chauss\u00e9e, vers la biblitoh\u00e8que. Il fait sombre.Je reste un instant l\u00e0 debout, sans allumer. Puis, la lumi\u00e8re des phares d\u2019un v\u00e9hicule qui passe dans la rue glisse \u00e0 travers les stores, fr\u00f4lant les livres en rang, juste assez pour en deviner les titres. Je n\u2019ai pas besoin de chercher. Je sais d\u00e9j\u00e0 lequel je veux. Ma main trouve{ Les \u00c9migrants } de Sebald. C\u2019est comme s\u2019il m\u2019attendait. Je passe les doigts sur la couverture, sentant le livre, son poids. Un souvenir vague, un moment sans contours nets. La premi\u00e8re fois que je l\u2019avais lu, je n\u2019y avais rien compris, ou alors trop peu. Peut-\u00eatre en Suisse, ou juste apr\u00e8s, mais ce n\u2019\u00e9tait pas clair, ni maintenant ni alors. Et cette nuit, tout me revient dans un flou, une h\u00e9sitation. Je retourne m\u2019asseoir \u00e0 la table, ouvre le livre. Les premi\u00e8res pages sont comme je m\u2019en souvenais : lentes, denses, presque trop d\u00e9taill\u00e9es. Je m\u2019y perds volontairement, chaque mot comme un pas dans l\u2019obscurit\u00e9. Puis, entre deux paragraphes, un blanc, puis une photo. Je m\u2019arr\u00eate. C\u2019est une vieille photo en noir et blanc. Un visage ou un b\u00e2timent, parfois flou, parfois d\u2019une nettet\u00e9 troublante. Ces images, plant\u00e9es l\u00e0 comme des balises dans le texte, sans explications. Elles me regardent presque, fixes, \u00e9trang\u00e8res. Je tourne les pages, et les photographies reviennent. Un homme qui marche, une maison abandonn\u00e9e, un paysage sans horizon. C\u2019est comme si Sebald avait sem\u00e9 des indices d\u2019un monde \u00e9vanoui, une autre vie, quelque part en marge du texte. Elles font remonter quelque chose en moi, des bouts de souvenirs, sans les d\u00e9tails, juste les impressions. Comme si, dans chaque image, il y avait une part d\u2019exil, de fuite \u2013 une invitation \u00e0 laisser moi aussi derri\u00e8re moi quelque chose. 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J\u2019ai d\u00e9couvert « Les choses » de Perec en 1980, probablement dans la boite d\u2019un bouquiniste. Les bouquinistes de Paris sont install\u00e9s sur plusieurs quais le long de la Seine. Sur la rive droite, ils s\u2019\u00e9tendent du pont Marie au quai du Louvre. Sur la rive gauche, ils occupent les quais de la Tournelle, de Montebello, Saint-Michel, des Grands-Augustins, de Conti, Malaquais et Voltaire. Je les arpentais tous \u00e0 l\u2019\u00e9poque, bien difficile de dire lequel exactement. Les Choses (1965) est le premier roman de Georges Perec, qui lui a valu une reconnaissance imm\u00e9diate en remportant le prix Renaudot. Ce roman est une critique subtile de la soci\u00e9t\u00e9 de consommation des ann\u00e9es 1960, p\u00e9riode marqu\u00e9e par l\u2019essor des Trente Glorieuses et l\u2019apparition d\u2019une classe moyenne aspirant \u00e0 la richesse mat\u00e9rielle. Le roman raconte l\u2019histoire de J\u00e9r\u00f4me et Sylvie, un jeune couple parisien qui gagne sa vie en r\u00e9alisant des enqu\u00eates d\u2019opinion pour des agences de publicit\u00e9. Bien qu\u2019ils vivent d\u00e9cemment, ils sont obs\u00e9d\u00e9s par un mode de vie luxueux qu\u2019ils ne peuvent s\u2019offrir. Leurs r\u00eaves de confort mat\u00e9riel — meubles \u00e9l\u00e9gants, v\u00eatements raffin\u00e9s, objets de luxe — les plongent dans une spirale d\u2019insatisfaction et de frustration. Ils aspirent \u00e0 une vie faite de possessions, mais leur r\u00e9alit\u00e9 est marqu\u00e9e par l\u2019impossibilit\u00e9 d\u2019atteindre ces id\u00e9aux. Cette qu\u00eate mat\u00e9rialiste devient le moteur de leur existence, les \u00e9loignant peu \u00e0 peu du bonheur v\u00e9ritable. Perec utilise ce couple pour dresser un portrait critique de la soci\u00e9t\u00e9 de consommation naissante. Les personnages sont pris au pi\u00e8ge d\u2019un syst\u00e8me o\u00f9 les objets deviennent les v\u00e9ritables protagonistes du r\u00e9cit. Les choses qu\u2019ils d\u00e9sirent d\u00e9finissent leur identit\u00e9 et leur qu\u00eate du bonheur. Cependant, cette obsession pour les biens mat\u00e9riels conduit \u00e0 un sentiment d\u2019ali\u00e9nation et d\u2019insatisfaction permanente. Le roman explore ainsi les m\u00e9canismes psychologiques et sociaux qui poussent les individus \u00e0 vouloir toujours plus, sans jamais \u00eatre satisfaits. J\u00e9r\u00f4me et Sylvie se heurtent constamment \u00e0 la disproportion entre leurs d\u00e9sirs et leurs moyens, ce qui refl\u00e8te la frustration g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e dans une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 l\u2019abondance mat\u00e9rielle ne garantit pas le bonheur. Le style de Perec dans Les Choses est influenc\u00e9 par le Nouveau Roman, un mouvement litt\u00e9raire qui privil\u00e9gie la description minutieuse des objets et des situations plut\u00f4t que le d\u00e9veloppement psychologique des personnages ou une intrigue traditionnelle. Les descriptions des objets sont extr\u00eamement d\u00e9taill\u00e9es, presque cliniques, ce qui renforce l\u2019id\u00e9e que ce sont les choses qui prennent le dessus sur les individus. L\u2019influence de Flaubert est \u00e9galement palpable dans ce roman, notamment par l\u2019usage du style indirect libre et par un regard ironique sur ses personnages]. Comme chez Flaubert, Perec ne condamne pas explicitement ses protagonistes ni la soci\u00e9t\u00e9 qu\u2019il d\u00e9crit ; il se contente d\u2019observer et de d\u00e9crire avec une certaine distance critique. Les th\u00e8mes principaux de ce roman sont l\u2019ali\u00e9nation par la consommation, le couple est prisonnier d\u2019un cycle sans fin o\u00f9 l\u2019acquisition mat\u00e9rielle devient un but en soi, mais ne m\u00e8ne jamais \u00e0 la satisfaction. On y d\u00e9couvre \u00e9galement que J\u00e9r\u00f4me et Sylvie associent le bonheur \u00e0 la possession d\u2019objets luxueux, mais cette qu\u00eate se r\u00e9v\u00e8le vaine. Malgr\u00e9 leurs aspirations mat\u00e9rielles, les personnages m\u00e8nent une vie monotone et vide, o\u00f9 les objets prennent plus d\u2019importance que leurs relations humaines ou leurs passions. Les Choses est une \u0153uvre embl\u00e9matique du regard lucide que Georges Perec porte sur son \u00e9poque. \u00c0 travers une \u00e9criture pr\u00e9cise et descriptive, il interroge la relation complexe entre les individus et les objets dans une soci\u00e9t\u00e9 domin\u00e9e par la consommation. Le roman reste pertinent aujourd\u2019hui en tant que r\u00e9flexion sur les pi\u00e8ges du mat\u00e9rialisme et sur l\u2019insatisfaction chronique qui peut en d\u00e9couler J\u2019avais besoin de revenir sur ce livre et d\u2019\u00e9crire cette premi\u00e8re partie documentaire pour mieux me resituer dans cette p\u00e9riode des ann\u00e9es 80 o\u00f9 je le d\u00e9couvris. A peu pr\u00e8s inculte, il est \u00e9tonnant que ce livre ne me gliss\u00e2t pas des mains, tout au contraire, je crois qu\u2019\u00e0 sa lecture j\u2019ai pu poser des mots, au moins \u00e0 mi voix si ce n\u2019est par \u00e9crit sur le vide existentiel que repr\u00e9sentait ma vie \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Probablement parce qu\u2019\u00e0 20 ans mon quotidien n\u2019\u00e9tait pas si \u00e9loign\u00e9 de celui de ces jeunes gens des ann\u00e9es 60. Il se peut que ce livre ait \u00e9t\u00e9 une sorte de r\u00e9v\u00e9lation m\u00eame de l\u2019indigence intellectuelle et artistique dans laquelle je vivais \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Il est possible qu\u2019il fut m\u00eame \u00e0 la source de ma premi\u00e8re s\u00e9paration de couple. Le malaise qui naquit apr\u00e8s sa lecture, quoique violent, fut sans doute dans une certaine mesure salvateur. A cette \u00e9poque je vendais des automobiles en porte \u00e0 porte dans la banlieue Est. Je gagnais assez confortablement ma vie, j\u2019avais une petite amie, un pied \u00e0 terre \u00e0 Paris, je n\u2019\u00e9tais pas vraiment \u00e0 l\u2019aise dans cette vie, j\u2019\u00e9prouvais la sensation permanente de n\u2019\u00eatre pas \u00e0 ma place v\u00e9ritable, d\u2019\u00eatre un imposteur. Aussi bien dans mon travail, dans ma relation de couple, qu\u2019aupr\u00e8s des amis que nous fr\u00e9quentions. Toujours cette impression d\u2019un d\u00e9calage ahurissant et en m\u00eame temps la stupeur provoqu\u00e9e par une forme aig\u00fbe d\u2019acrasie m\u2019emp\u00eachait de changer de vie, de peau. Ce fut la lecture des Choses qui fut le d\u00e9clic. Peu de temps apr\u00e8s je quittais mon travail, ma petite amie disparut, je perdais mon pied \u00e0 terre parisien, je d\u00e9couvrais la photographie noir et blanc et je me mis en t\u00eate de devenir quelqu\u2019un d\u2019autre que moi-m\u00eame. Mais je ne savais pas plus quel autre devenir que je ne savais qui j\u2019\u00e9tais moi-m\u00eame. Qu\u2019est-ce qui, dans Les Choses, continue de me parler aujourd\u2019hui ? Serais-je capable de vivre sans ces objets qui semblent remplir la vie des autres ? La photographie fut une r\u00e9ponse, une \u00e9chappatoire, mais \u00e9tait-ce la bonne ? Sans doute pas plus que la peinture, la litt\u00e9rature. Ce que je comprends c\u2019est que je n\u2019ai jamais v\u00e9cu autrement que gr\u00e2ce \u00e0 ces \u00e9chappatoires pour m\u2019enfoncer dans un sorte d\u2019existence immat\u00e9rielle dans laquelle les objets \u00e9taient des obstacles \u00e0 \u00e9viter tout comme le terme d\u2019objectif qu\u2019inconciemment je leur ai associ\u00e9.<\/p>\n

Sources de cet article
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<\/span>https:\/\/fr.wikipedia.org\/wiki\/Les_Choses<\/span><\/a>
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<\/span>https:\/\/www.lhistoire.fr\/classique\/%C2%AB-les-choses-%C2%BB-de-georges-perec<\/span><\/a>
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<\/span>https:\/\/mastersfdl.hypotheses.org\/5625<\/span><\/a>
\n
<\/span>https:\/\/www.pimido.com\/blog\/nos-astuces\/georges-perec-les-choses-fiche-lecture-02-02-2022.html<\/span><\/a>
\n
<\/span>https:\/\/www.kartable.fr\/ressources\/francais\/profil-d-oeuvre\/les-choses\/16957<\/span><\/a>
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<\/span>https:\/\/www.litte-ratures.fr\/les-choses-georges-perec\/<\/span><\/a><\/p>\n

illustration r\u00e9alis\u00e9e avec Flux ai.<\/p>", "content_text": "J\u2019ai d\u00e9couvert \u00ab Les choses \u00bb de Perec en 1980, probablement dans la boite d\u2019un bouquiniste. Les bouquinistes de Paris sont install\u00e9s sur plusieurs quais le long de la Seine. Sur la rive droite, ils s\u2019\u00e9tendent du pont Marie au quai du Louvre. Sur la rive gauche, ils occupent les quais de la Tournelle, de Montebello, Saint-Michel, des Grands-Augustins, de Conti, Malaquais et Voltaire. Je les arpentais tous \u00e0 l\u2019\u00e9poque, bien difficile de dire lequel exactement. Les Choses (1965) est le premier roman de Georges Perec, qui lui a valu une reconnaissance imm\u00e9diate en remportant le prix Renaudot. Ce roman est une critique subtile de la soci\u00e9t\u00e9 de consommation des ann\u00e9es 1960, p\u00e9riode marqu\u00e9e par l\u2019essor des Trente Glorieuses et l\u2019apparition d\u2019une classe moyenne aspirant \u00e0 la richesse mat\u00e9rielle. Le roman raconte l\u2019histoire de J\u00e9r\u00f4me et Sylvie, un jeune couple parisien qui gagne sa vie en r\u00e9alisant des enqu\u00eates d\u2019opinion pour des agences de publicit\u00e9. Bien qu\u2019ils vivent d\u00e9cemment, ils sont obs\u00e9d\u00e9s par un mode de vie luxueux qu\u2019ils ne peuvent s\u2019offrir. Leurs r\u00eaves de confort mat\u00e9riel \u2014 meubles \u00e9l\u00e9gants, v\u00eatements raffin\u00e9s, objets de luxe \u2014 les plongent dans une spirale d\u2019insatisfaction et de frustration. Ils aspirent \u00e0 une vie faite de possessions, mais leur r\u00e9alit\u00e9 est marqu\u00e9e par l\u2019impossibilit\u00e9 d\u2019atteindre ces id\u00e9aux. Cette qu\u00eate mat\u00e9rialiste devient le moteur de leur existence, les \u00e9loignant peu \u00e0 peu du bonheur v\u00e9ritable. Perec utilise ce couple pour dresser un portrait critique de la soci\u00e9t\u00e9 de consommation naissante. Les personnages sont pris au pi\u00e8ge d\u2019un syst\u00e8me o\u00f9 les objets deviennent les v\u00e9ritables protagonistes du r\u00e9cit. Les choses qu\u2019ils d\u00e9sirent d\u00e9finissent leur identit\u00e9 et leur qu\u00eate du bonheur. Cependant, cette obsession pour les biens mat\u00e9riels conduit \u00e0 un sentiment d\u2019ali\u00e9nation et d\u2019insatisfaction permanente. Le roman explore ainsi les m\u00e9canismes psychologiques et sociaux qui poussent les individus \u00e0 vouloir toujours plus, sans jamais \u00eatre satisfaits. J\u00e9r\u00f4me et Sylvie se heurtent constamment \u00e0 la disproportion entre leurs d\u00e9sirs et leurs moyens, ce qui refl\u00e8te la frustration g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e dans une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 l\u2019abondance mat\u00e9rielle ne garantit pas le bonheur. Le style de Perec dans Les Choses est influenc\u00e9 par le Nouveau Roman, un mouvement litt\u00e9raire qui privil\u00e9gie la description minutieuse des objets et des situations plut\u00f4t que le d\u00e9veloppement psychologique des personnages ou une intrigue traditionnelle. Les descriptions des objets sont extr\u00eamement d\u00e9taill\u00e9es, presque cliniques, ce qui renforce l\u2019id\u00e9e que ce sont les choses qui prennent le dessus sur les individus. L\u2019influence de Flaubert est \u00e9galement palpable dans ce roman, notamment par l\u2019usage du style indirect libre et par un regard ironique sur ses personnages]. Comme chez Flaubert, Perec ne condamne pas explicitement ses protagonistes ni la soci\u00e9t\u00e9 qu\u2019il d\u00e9crit ; il se contente d\u2019observer et de d\u00e9crire avec une certaine distance critique. Les th\u00e8mes principaux de ce roman sont l\u2019ali\u00e9nation par la consommation, le couple est prisonnier d\u2019un cycle sans fin o\u00f9 l\u2019acquisition mat\u00e9rielle devient un but en soi, mais ne m\u00e8ne jamais \u00e0 la satisfaction. On y d\u00e9couvre \u00e9galement que J\u00e9r\u00f4me et Sylvie associent le bonheur \u00e0 la possession d\u2019objets luxueux, mais cette qu\u00eate se r\u00e9v\u00e8le vaine. Malgr\u00e9 leurs aspirations mat\u00e9rielles, les personnages m\u00e8nent une vie monotone et vide, o\u00f9 les objets prennent plus d\u2019importance que leurs relations humaines ou leurs passions. Les Choses est une \u0153uvre embl\u00e9matique du regard lucide que Georges Perec porte sur son \u00e9poque. \u00c0 travers une \u00e9criture pr\u00e9cise et descriptive, il interroge la relation complexe entre les individus et les objets dans une soci\u00e9t\u00e9 domin\u00e9e par la consommation. Le roman reste pertinent aujourd\u2019hui en tant que r\u00e9flexion sur les pi\u00e8ges du mat\u00e9rialisme et sur l\u2019insatisfaction chronique qui peut en d\u00e9couler J\u2019avais besoin de revenir sur ce livre et d\u2019\u00e9crire cette premi\u00e8re partie documentaire pour mieux me resituer dans cette p\u00e9riode des ann\u00e9es 80 o\u00f9 je le d\u00e9couvris. A peu pr\u00e8s inculte, il est \u00e9tonnant que ce livre ne me gliss\u00e2t pas des mains, tout au contraire, je crois qu\u2019\u00e0 sa lecture j\u2019ai pu poser des mots, au moins \u00e0 mi voix si ce n\u2019est par \u00e9crit sur le vide existentiel que repr\u00e9sentait ma vie \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Probablement parce qu\u2019\u00e0 20 ans mon quotidien n\u2019\u00e9tait pas si \u00e9loign\u00e9 de celui de ces jeunes gens des ann\u00e9es 60. Il se peut que ce livre ait \u00e9t\u00e9 une sorte de r\u00e9v\u00e9lation m\u00eame de l\u2019indigence intellectuelle et artistique dans laquelle je vivais \u00e0 l\u2019\u00e9poque. Il est possible qu\u2019il fut m\u00eame \u00e0 la source de ma premi\u00e8re s\u00e9paration de couple. Le malaise qui naquit apr\u00e8s sa lecture, quoique violent, fut sans doute dans une certaine mesure salvateur. A cette \u00e9poque je vendais des automobiles en porte \u00e0 porte dans la banlieue Est. Je gagnais assez confortablement ma vie, j\u2019avais une petite amie, un pied \u00e0 terre \u00e0 Paris, je n\u2019\u00e9tais pas vraiment \u00e0 l\u2019aise dans cette vie, j\u2019\u00e9prouvais la sensation permanente de n\u2019\u00eatre pas \u00e0 ma place v\u00e9ritable, d\u2019\u00eatre un imposteur. Aussi bien dans mon travail, dans ma relation de couple, qu\u2019aupr\u00e8s des amis que nous fr\u00e9quentions. Toujours cette impression d\u2019un d\u00e9calage ahurissant et en m\u00eame temps la stupeur provoqu\u00e9e par une forme aig\u00fbe d\u2019acrasie m\u2019emp\u00eachait de changer de vie, de peau. Ce fut la lecture des Choses qui fut le d\u00e9clic. Peu de temps apr\u00e8s je quittais mon travail, ma petite amie disparut, je perdais mon pied \u00e0 terre parisien, je d\u00e9couvrais la photographie noir et blanc et je me mis en t\u00eate de devenir quelqu\u2019un d\u2019autre que moi-m\u00eame. Mais je ne savais pas plus quel autre devenir que je ne savais qui j\u2019\u00e9tais moi-m\u00eame. Qu\u2019est-ce qui, dans Les Choses, continue de me parler aujourd\u2019hui ? Serais-je capable de vivre sans ces objets qui semblent remplir la vie des autres ? La photographie fut une r\u00e9ponse, une \u00e9chappatoire, mais \u00e9tait-ce la bonne ? Sans doute pas plus que la peinture, la litt\u00e9rature. Ce que je comprends c\u2019est que je n\u2019ai jamais v\u00e9cu autrement que gr\u00e2ce \u00e0 ces \u00e9chappatoires pour m\u2019enfoncer dans un sorte d\u2019existence immat\u00e9rielle dans laquelle les objets \u00e9taient des obstacles \u00e0 \u00e9viter tout comme le terme d\u2019objectif qu\u2019inconciemment je leur ai associ\u00e9. Sources de cet article https:\/\/fr.wikipedia.org\/wiki\/Les_Choses https:\/\/www.lhistoire.fr\/classique\/%C2%AB-les-choses-%C2%BB-de-georges-perec https:\/\/mastersfdl.hypotheses.org\/5625 https:\/\/www.pimido.com\/blog\/nos-astuces\/georges-perec-les-choses-fiche-lecture-02-02-2022.html https:\/\/www.kartable.fr\/ressources\/francais\/profil-d-oeuvre\/les-choses\/16957 https:\/\/www.litte-ratures.fr\/les-choses-georges-perec\/ illustration r\u00e9alis\u00e9e avec Flux ai.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/pb8ogpqs9mncpoomhyuk.png?1748065141", "tags": ["Auteurs litt\u00e9raires"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/12-novembre-2024.html", "title": "12 novembre 2024", "date_published": "2024-11-12T10:43:16Z", "date_modified": "2024-11-12T10:43:16Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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La tendance \u00e0 dire « on » — bravo \u00e0 C. de l’avoir mise en relief ce week-end. Depuis, non seulement je me suis attel\u00e9 \u00e0 la traquer chez moi, mais aussi dans tout ce que je lis. Le « on » est ce pronom vicieux qui nous englobe autant que nous englobons les autres dans son usage. Le « on » prononc\u00e9 inconsciemment nous met sous cloche, comme de vieux fromages moisis. Et puis, je peux voir le monde de mani\u00e8re diff\u00e9rente de celle qu\u2019on adopte quand « on » est pris dedans. Quand je dis « je », je ne suis pas dans le « on ». Encore que, d’une mani\u00e8re tout aussi inconsciente, ce « on » familier revienne toujours \u00e0 la charge — quand est-ce qu’on part, qu’on mange —on va demander de l’huile, de la farine ou du sucre aux voisins ? Lu un peu du Chemin des \u00e9cluses<\/i> de Lionel Bourg. J’aurais d\u00fb le d\u00e9couvrir plus t\u00f4t. Il en va des livres comme des l\u00e9gumes ou des fruits. Je devrais me renseigner un peu mieux pour apprendre \u00e0 les consommer au bon moment ; mais c’est \u00e9trange que je le dise ainsi : les l\u00e9gumes et les fruits suivent leur destin\u00e9e sans broncher, alors que moi\u2026 La question de la maturit\u00e9 doit forc\u00e9ment m\u2019\u00e9chapper, avec toute l’ambigu\u00eft\u00e9 du devoir en tant que verbe ou substantif, se posant ici exactement. Retour sur le site de Guillaume Vissac et quelques observations utiles dont je peux tenir compte pour modifier le css du squelette « article » de mon propre site. Pour le journal notamment, des textes courts qui correspondent \u00e0 la hauteur de la section, toujours sensiblement la m\u00eame : 970x490 px (ambigu\u00eft\u00e9 \u00e0 cet instant entre section et paragraphe, contenu texte, encore \u00e0 r\u00e9soudre). Ce n’est pas la premi\u00e8re fois que je me fais \u00e0 moi-m\u00eame la reflexion concernant la longueur de mes textes — toujours bien trop longs, du bavardage. En m\u00eame temps que je sens bien la r\u00e9sistance aussit\u00f4t que, de l’ext\u00e9rieur, la contrainte surgit de vouloir les restreindre. Concernant l’utilisation de Perplexity et de Notebooklm, le risque d’\u00e9parpillement s’accro\u00eet au fur et \u00e0 mesure que je d\u00e9couvre les possibilit\u00e9s de ce couplage. Car le probl\u00e8me n’est pas d’avoir des id\u00e9es, mais d’apprendre \u00e0 les organiser, \u00e0 les classer pour pouvoir les retrouver facilement, et de comprendre ce qui les relie les unes aux autres. J’avais d\u00e9j\u00e0 rencontr\u00e9 ce m\u00eame probl\u00e8me avec ChatGPT. L’historique \u00e9tait tellement volumineux que j’ai d\u00fb effectuer une sauvegarde puis un nombre cons\u00e9quent de scripts Python selon la bonne vieille m\u00e9thode— essai \u00e9chec r\u00e9ussite — pour en extraire des documents textes par cat\u00e9gorie. Enfin, suis parvenu \u00e0 injecter ces documents comme articles dignes de ce nom dans la base de donn\u00e9es d’un SPIP local, et cerise sur le g\u00e2teau, par rubrique. L’\u00e9tape suivante pourrait \u00eatre le maillage des articles en utilisant des liens hypertextes. Enfin, la r\u00e9alisation d’un sitemap en XML s’av\u00e8re n\u00e9cessaire ; soigner la possibilit\u00e9 de r\u00e9f\u00e9rencement \u00e9tant important si je ne veux pas utiliser les r\u00e9seaux sociaux pour partager de fa\u00e7on ostensible mes textes. L’homme crois\u00e9 \u00e0 H., B ne mange que deux oranges par jour. Victime de rhumatismes articulaires tr\u00e8s jeune, il s’est tourn\u00e9 vers un r\u00e9gime hypotoxique, \u00e0 l’aide de chercheurs s’inspirant de la m\u00e9thode du docteur Jean Seignalet. ( 1985 ?) D’apr\u00e8s ce que j’en ai compris il s’agit d’une v\u00e9ritable asc\u00e8se : Suppression des produits laitiers : Le r\u00e9gime exclut tous les produits laitiers d’origine animale, consid\u00e9r\u00e9s comme inadapt\u00e9s \u00e0 l’organisme humain adulte \u00c9limination des c\u00e9r\u00e9ales modernes : Les c\u00e9r\u00e9ales contenant du gluten (bl\u00e9, orge, seigle) sont interdites. Seignalet estime que les transformations g\u00e9n\u00e9tiques et la cuisson de ces c\u00e9r\u00e9ales augmentent leur toxicit\u00e9 pour l’intestin.Seules certaines c\u00e9r\u00e9ales non mut\u00e9es comme le riz, le sarrasin et le s\u00e9same sont autoris\u00e9es. Privil\u00e9gier les aliments crus ou peu cuits : Le r\u00e9gime recommande la consommation d’aliments crus ou cuits \u00e0 basse temp\u00e9rature pour \u00e9viter la formation de toxines (r\u00e9action de Maillard) Retour \u00e0 une alimentation ancestrale : Inspir\u00e9 du mode alimentaire des chasseurs-cueilleurs, le r\u00e9gime favorise les aliments non transform\u00e9s et biologiques, tels que les viandes crues, poissons crus, l\u00e9gumes secs, fruits frais et ol\u00e9agineux En tous cas, B semble se porter comme un charme, je l’ai vu d\u00e9couper plusieurs st\u00e8res de bois en \u00e0 peine une matin\u00e9e. Pour se donner du coeur au ventre il chante des chansons de F\u00e9rr\u00e9 et de Brassens. Nous parlons du son, de sa magie associ\u00e9e aux vieilles l\u00e9gendes, des S\u00e9same ouvre toi, et autres abracadabra. Je me rends compte apr\u00e8s coup que je n’ai pas demand\u00e9 ni num\u00e9ro de t\u00e9l\u00e9phone, ni adresse email qui pourrait aider \u00e0 prendre des nouvelles, \u00e0 poursuivre l’\u00e9change. JR qui loue au rez de chauss\u00e9e de chez B et qui semble un peu plus civilis\u00e9, part pour plusieurs mois au Laos. B repartira en Espagne o\u00f9 il vit la moiti\u00e9 de l’ann\u00e9e. Voil\u00e0 comment je ne prends pas soin des liens. Peut-\u00eatre justement parce que je n’ai pas d’autre mot que celui-l\u00e0 pour d\u00e9signer les relations. Rapport\u00e9 de H. un grand bocal d’olives, deux mangues \u00e0 laisser m\u00fbrir encore quelques jours \u00e0 la cuisine ainsi qu’un paquet de mangues s\u00e8ch\u00e9es, excellent para\u00eet-il comme condiment dans les salades, les plats.<\/p>", "content_text": "La tendance \u00e0 dire \"on\" \u2014 bravo \u00e0 C. de l'avoir mise en relief ce week-end. Depuis, non seulement je me suis attel\u00e9 \u00e0 la traquer chez moi, mais aussi dans tout ce que je lis. Le \"on\" est ce pronom vicieux qui nous englobe autant que nous englobons les autres dans son usage. Le \"on\" prononc\u00e9 inconsciemment nous met sous cloche, comme de vieux fromages moisis. Et puis, je peux voir le monde de mani\u00e8re diff\u00e9rente de celle qu\u2019on adopte quand \"on\" est pris dedans. Quand je dis \"je\", je ne suis pas dans le \"on\". Encore que, d'une mani\u00e8re tout aussi inconsciente, ce \"on\" familier revienne toujours \u00e0 la charge \u2014 quand est-ce qu'on part, qu'on mange \u2014on va demander de l'huile, de la farine ou du sucre aux voisins ? Lu un peu du {Chemin des \u00e9cluses} de Lionel Bourg. J'aurais d\u00fb le d\u00e9couvrir plus t\u00f4t. Il en va des livres comme des l\u00e9gumes ou des fruits. Je devrais me renseigner un peu mieux pour apprendre \u00e0 les consommer au bon moment ; mais c'est \u00e9trange que je le dise ainsi : les l\u00e9gumes et les fruits suivent leur destin\u00e9e sans broncher, alors que moi\u2026 La question de la maturit\u00e9 doit forc\u00e9ment m\u2019\u00e9chapper, avec toute l'ambigu\u00eft\u00e9 du devoir en tant que verbe ou substantif, se posant ici exactement. Retour sur le site de Guillaume Vissac et quelques observations utiles dont je peux tenir compte pour modifier le css du squelette \"article\" de mon propre site. Pour le journal notamment, des textes courts qui correspondent \u00e0 la hauteur de la section, toujours sensiblement la m\u00eame : 970x490 px (ambigu\u00eft\u00e9 \u00e0 cet instant entre section et paragraphe, contenu texte, encore \u00e0 r\u00e9soudre). Ce n'est pas la premi\u00e8re fois que je me fais \u00e0 moi-m\u00eame la reflexion concernant la longueur de mes textes \u2014 toujours bien trop longs, du bavardage. En m\u00eame temps que je sens bien la r\u00e9sistance aussit\u00f4t que, de l'ext\u00e9rieur, la contrainte surgit de vouloir les restreindre. Concernant l'utilisation de Perplexity et de Notebooklm, le risque d'\u00e9parpillement s'accro\u00eet au fur et \u00e0 mesure que je d\u00e9couvre les possibilit\u00e9s de ce couplage. Car le probl\u00e8me n'est pas d'avoir des id\u00e9es, mais d'apprendre \u00e0 les organiser, \u00e0 les classer pour pouvoir les retrouver facilement, et de comprendre ce qui les relie les unes aux autres. J'avais d\u00e9j\u00e0 rencontr\u00e9 ce m\u00eame probl\u00e8me avec ChatGPT. L'historique \u00e9tait tellement volumineux que j'ai d\u00fb effectuer une sauvegarde puis un nombre cons\u00e9quent de scripts Python selon la bonne vieille m\u00e9thode\u2014 essai \u00e9chec r\u00e9ussite \u2014 pour en extraire des documents textes par cat\u00e9gorie. Enfin, suis parvenu \u00e0 injecter ces documents comme articles dignes de ce nom dans la base de donn\u00e9es d'un SPIP local, et cerise sur le g\u00e2teau, par rubrique. L'\u00e9tape suivante pourrait \u00eatre le maillage des articles en utilisant des liens hypertextes. Enfin, la r\u00e9alisation d'un sitemap en XML s'av\u00e8re n\u00e9cessaire ; soigner la possibilit\u00e9 de r\u00e9f\u00e9rencement \u00e9tant important si je ne veux pas utiliser les r\u00e9seaux sociaux pour partager de fa\u00e7on ostensible mes textes. L'homme crois\u00e9 \u00e0 H., B ne mange que deux oranges par jour. Victime de rhumatismes articulaires tr\u00e8s jeune, il s'est tourn\u00e9 vers un r\u00e9gime hypotoxique, \u00e0 l'aide de chercheurs s'inspirant de la m\u00e9thode du docteur Jean Seignalet. ( 1985 ?) D'apr\u00e8s ce que j'en ai compris il s'agit d'une v\u00e9ritable asc\u00e8se : Suppression des produits laitiers : Le r\u00e9gime exclut tous les produits laitiers d'origine animale, consid\u00e9r\u00e9s comme inadapt\u00e9s \u00e0 l'organisme humain adulte \u00c9limination des c\u00e9r\u00e9ales modernes : Les c\u00e9r\u00e9ales contenant du gluten (bl\u00e9, orge, seigle) sont interdites. Seignalet estime que les transformations g\u00e9n\u00e9tiques et la cuisson de ces c\u00e9r\u00e9ales augmentent leur toxicit\u00e9 pour l'intestin.Seules certaines c\u00e9r\u00e9ales non mut\u00e9es comme le riz, le sarrasin et le s\u00e9same sont autoris\u00e9es. Privil\u00e9gier les aliments crus ou peu cuits : Le r\u00e9gime recommande la consommation d'aliments crus ou cuits \u00e0 basse temp\u00e9rature pour \u00e9viter la formation de toxines (r\u00e9action de Maillard) Retour \u00e0 une alimentation ancestrale : Inspir\u00e9 du mode alimentaire des chasseurs-cueilleurs, le r\u00e9gime favorise les aliments non transform\u00e9s et biologiques, tels que les viandes crues, poissons crus, l\u00e9gumes secs, fruits frais et ol\u00e9agineux En tous cas, B semble se porter comme un charme, je l'ai vu d\u00e9couper plusieurs st\u00e8res de bois en \u00e0 peine une matin\u00e9e. Pour se donner du coeur au ventre il chante des chansons de F\u00e9rr\u00e9 et de Brassens. Nous parlons du son, de sa magie associ\u00e9e aux vieilles l\u00e9gendes, des S\u00e9same ouvre toi, et autres abracadabra. Je me rends compte apr\u00e8s coup que je n'ai pas demand\u00e9 ni num\u00e9ro de t\u00e9l\u00e9phone, ni adresse email qui pourrait aider \u00e0 prendre des nouvelles, \u00e0 poursuivre l'\u00e9change. JR qui loue au rez de chauss\u00e9e de chez B et qui semble un peu plus civilis\u00e9, part pour plusieurs mois au Laos. B repartira en Espagne o\u00f9 il vit la moiti\u00e9 de l'ann\u00e9e. Voil\u00e0 comment je ne prends pas soin des liens. Peut-\u00eatre justement parce que je n'ai pas d'autre mot que celui-l\u00e0 pour d\u00e9signer les relations. Rapport\u00e9 de H. un grand bocal d'olives, deux mangues \u00e0 laisser m\u00fbrir encore quelques jours \u00e0 la cuisine ainsi qu'un paquet de mangues s\u00e8ch\u00e9es, excellent para\u00eet-il comme condiment dans les salades, les plats.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/xk70nnqlafy2ny54w0nr.png?1748065121", "tags": [] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/11-novembre-2024.html", "title": "11 novembre 2024", "date_published": "2024-11-11T17:20:01Z", "date_modified": "2024-11-11T17:20:39Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

—Type d’\u00e9jectas volcanique, famille des t\u00e9phras ou pyroclastes, d’une constitution solide mais l\u00e9g\u00e8re, quand on songe qu’elle est faite de cendres et de feu, plut\u00f4t poreux.<\/p>\n

— De la m\u00eame forme qu’un oeuf dont on aurait sci\u00e9 l’un des c\u00f4t\u00e9s pour obtenir un c\u00f4t\u00e9 plat.<\/p>\n

— gris comme la cendre \u00e9videmment. Avec \u00e0 son sommet un trou noir fait de main d’homme ou de femme dans lequel on introduit une cordelette pour l’accrocher \u00e0 un clou, g\u00e9n\u00e9ralement plant\u00e9 dans le carrelage, le mur d’une salle d’eau.<\/p>\n

— La surface —toute proportion et d\u00e9f\u00e9rence gard\u00e9e pour l’oeil exhorbit\u00e9 de la nuit —peut faire songer \u00e0 la surface ab\u00eem\u00e9e de la lune. Selon l’\u00e9clairage, il est aussi loisible d’associer cette surface \u00e0 une barbe de trois jours port\u00e9e par les vieillards solitaires.<\/p>\n

— Son utilit\u00e9 tombe sous le sens, elle sert \u00e0 poncer les vieilles peaux, les peaux mortes<\/p>\n

— On peut aussi la conserver sans jamais s’en servir, accroch\u00e9e \u00e0 un clou en dehors d’une salle d’eau, elle pourra sans probl\u00e8me survivre sans le moindre usage—sauf celui de pendre, d’\u00eatre couch\u00e9e, oubli\u00e9e, ici ou l\u00e0, comme n’importe quelle pierre, ponce ou pas.<\/p>\n

— Comment distinguer une pierre ponce d’une autre pierre ponce ? question \u00e0 creuser pour faire passer une ficelle, peut-\u00eatre une question de taille, de propret\u00e9, d’odeur ?<\/p>\n

— Combien d’\u00e9changes la pierre ponce a t’elle avec les habitants du lieu, et de quelle nature ces \u00e9changes sont-ils, on ne le sait pas toujours, mais on esp\u00e8re une courtoisie mutuelle.<\/p>\n

— Quand on touche une pierre ponce on a l’impression de toucher une barbe de trois jours sans l’inconv\u00e9nient de toucher son propre visage.<\/p>", "content_text": "\u2014Type d'\u00e9jectas volcanique, famille des t\u00e9phras ou pyroclastes, d'une constitution solide mais l\u00e9g\u00e8re, quand on songe qu'elle est faite de cendres et de feu, plut\u00f4t poreux. \u2014De la m\u00eame forme qu'un oeuf dont on aurait sci\u00e9 l'un des c\u00f4t\u00e9s pour obtenir un c\u00f4t\u00e9 plat. \u2014 gris comme la cendre \u00e9videmment. Avec \u00e0 son sommet un trou noir fait de main d'homme ou de femme dans lequel on introduit une cordelette pour l'accrocher \u00e0 un clou, g\u00e9n\u00e9ralement plant\u00e9 dans le carrelage, le mur d'une salle d'eau. \u2014 La surface \u2014toute proportion et d\u00e9f\u00e9rence gard\u00e9e pour l'oeil exhorbit\u00e9 de la nuit \u2014peut faire songer \u00e0 la surface ab\u00eem\u00e9e de la lune. Selon l'\u00e9clairage, il est aussi loisible d'associer cette surface \u00e0 une barbe de trois jours port\u00e9e par les vieillards solitaires. \u2014 Son utilit\u00e9 tombe sous le sens, elle sert \u00e0 poncer les vieilles peaux, les peaux mortes \u2014 On peut aussi la conserver sans jamais s'en servir, accroch\u00e9e \u00e0 un clou en dehors d'une salle d'eau, elle pourra sans probl\u00e8me survivre sans le moindre usage\u2014sauf celui de pendre, d'\u00eatre couch\u00e9e, oubli\u00e9e, ici ou l\u00e0, comme n'importe quelle pierre, ponce ou pas. \u2014 Comment distinguer une pierre ponce d'une autre pierre ponce ? question \u00e0 creuser pour faire passer une ficelle, peut-\u00eatre une question de taille, de propret\u00e9, d'odeur ? \u2014 Combien d'\u00e9changes la pierre ponce a t'elle avec les habitants du lieu, et de quelle nature ces \u00e9changes sont-ils, on ne le sait pas toujours, mais on esp\u00e8re une courtoisie mutuelle. \u2014 Quand on touche une pierre ponce on a l'impression de toucher une barbe de trois jours sans l'inconv\u00e9nient de toucher son propre visage.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0304.jpg?1748065224", "tags": ["Auteurs litt\u00e9raires"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-novembre-2024.html", "title": "10 novembre 2024", "date_published": "2024-11-10T23:09:04Z", "date_modified": "2024-11-10T23:09:04Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Le fait de n’avoir pris que peu de photographies de ce week-end pass\u00e9 au-dessus d’Albertville ne signifie pas que je n’ai pas trouv\u00e9 le paysage somptueux, les gens tr\u00e8s agr\u00e9ables. Au contraire, c’est sans doute pour cette raison que je n’ai gu\u00e8re os\u00e9 sortir mon iPhone. Les seules photographies dont je dispose au retour, dimanche soir, ne semblent pas \u00eatre autre chose que vol\u00e9es, \u00e0 la sauvette, comme si, quand m\u00eame, et comme malgr\u00e9 moi, il fallait que je prenne quelque chose \u00e0 t\u00e9moin. D\u00e9sormais, que ce soit un nouveau paragraphe lu, de nouvelles exp\u00e9riences, un nouveau go\u00fbt, une nouvelle odeur, une poign\u00e9e de main, un regard, il appara\u00eet que chacune de ces exp\u00e9riences puisse se d\u00e9vider \u00e0 l’infini, que je puisse devenir intarissable sur chacune d’elles. Ce qui pourrait me ravir si je ne trouvais pas cela un peu effrayant. Comme si la r\u00e9alit\u00e9 et la fiction que je peux en tirer n’avaient de limites que le temps pris pour m’asseoir et les noter. Ce qui me renvoie soudain \u00e0 la raison possible pour laquelle, un jour dans ma vie, apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s amoureux de la photographie, \u00e0 l’\u00e9poque o\u00f9 elle \u00e9tait essentiellement argentique, je l’ai laiss\u00e9e choir comme une vieille chaussette, probablement aux alentours de 1995. Apr\u00e8s avoir vendu mon dernier appareil, un pr\u00e9cieux Leica, et tout le laboratoire qui allait avec, ainsi que le personnage du photographe que j’avais construit \u00e0 l’aide de ces \u00e9l\u00e9ments. Personnage aussit\u00f4t jet\u00e9 que je m’emparai d’une autre peau derechef, celle de l’\u00e9crivain. Sans doute \u00e0 fin de me d\u00e9porter d’un point de vue vers un autre, inconnu, in\u00e9dit—celui du contact avec une r\u00e9alit\u00e9 plus brute— sans la n\u00e9cessit\u00e9 que je m’\u00e9tais forg\u00e9e de l’imaginer, la capturer au travers d’un oeilleton. L’abandon de la photographie correspond alors \u00e0 une forme de r\u00e9ticence, \u00e0 une forme de respect aussi, qui ne diminue en rien les moments v\u00e9cus, mais souligne une vision nouvelle pour la fragilit\u00e9 de l’existence, des rencontres, que ce soit la rencontre d’un lieu ou des \u00eatres qui le peuplent. Ainsi, tous les efforts effectu\u00e9s afin d’acqu\u00e9rir une technicit\u00e9 dans la prise de vue, le d\u00e9veloppement, la r\u00e9alisation d’\u00e9preuves positives sur papier baryt\u00e9, m’auront conduit \u00e0 d’autres fa\u00e7ons d’observer cette r\u00e9alit\u00e9, de la modifier sans doute, de modifier mon rapport \u00e0 celle-ci surtout. Comme il s’agissait d’exposer des tableaux, je me suis en outre content\u00e9 de n’\u00eatre que le personnage du peintre que les gens ici m’attribu\u00e8rent, tout comme ils s’\u00e9taient attribu\u00e9 le r\u00f4le de berger, de pr\u00e9sident d’association, du Lyonnais en retraite, de po\u00e8te d\u00e9clamant, de musicien revenant dans ses p\u00e9nates, de compagne, d’amie arrivant les mains pleines avec des plats \u00e0 gratin de crozets, de chien observant tout cela d’un air mi-figue mi-raisin, dans l’expectative qu’on jou\u00e2t avec lui, qu’on lui donn\u00e2t un bout de gras, une caresse sur le cr\u00e2ne.<\/p>", "content_text": "Le fait de n'avoir pris que peu de photographies de ce week-end pass\u00e9 au-dessus d'Albertville ne signifie pas que je n'ai pas trouv\u00e9 le paysage somptueux, les gens tr\u00e8s agr\u00e9ables. Au contraire, c'est sans doute pour cette raison que je n'ai gu\u00e8re os\u00e9 sortir mon iPhone. Les seules photographies dont je dispose au retour, dimanche soir, ne semblent pas \u00eatre autre chose que vol\u00e9es, \u00e0 la sauvette, comme si, quand m\u00eame, et comme malgr\u00e9 moi, il fallait que je prenne quelque chose \u00e0 t\u00e9moin. D\u00e9sormais, que ce soit un nouveau paragraphe lu, de nouvelles exp\u00e9riences, un nouveau go\u00fbt, une nouvelle odeur, une poign\u00e9e de main, un regard, il appara\u00eet que chacune de ces exp\u00e9riences puisse se d\u00e9vider \u00e0 l'infini, que je puisse devenir intarissable sur chacune d'elles. Ce qui pourrait me ravir si je ne trouvais pas cela un peu effrayant. Comme si la r\u00e9alit\u00e9 et la fiction que je peux en tirer n'avaient de limites que le temps pris pour m'asseoir et les noter. Ce qui me renvoie soudain \u00e0 la raison possible pour laquelle, un jour dans ma vie, apr\u00e8s avoir \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s amoureux de la photographie, \u00e0 l'\u00e9poque o\u00f9 elle \u00e9tait essentiellement argentique, je l'ai laiss\u00e9e choir comme une vieille chaussette, probablement aux alentours de 1995. Apr\u00e8s avoir vendu mon dernier appareil, un pr\u00e9cieux Leica, et tout le laboratoire qui allait avec, ainsi que le personnage du photographe que j'avais construit \u00e0 l'aide de ces \u00e9l\u00e9ments. Personnage aussit\u00f4t jet\u00e9 que je m'emparai d'une autre peau derechef, celle de l'\u00e9crivain. Sans doute \u00e0 fin de me d\u00e9porter d'un point de vue vers un autre, inconnu, in\u00e9dit\u2014celui du contact avec une r\u00e9alit\u00e9 plus brute\u2014 sans la n\u00e9cessit\u00e9 que je m'\u00e9tais forg\u00e9e de l'imaginer, la capturer au travers d'un oeilleton. L'abandon de la photographie correspond alors \u00e0 une forme de r\u00e9ticence, \u00e0 une forme de respect aussi, qui ne diminue en rien les moments v\u00e9cus, mais souligne une vision nouvelle pour la fragilit\u00e9 de l'existence, des rencontres, que ce soit la rencontre d'un lieu ou des \u00eatres qui le peuplent. Ainsi, tous les efforts effectu\u00e9s afin d'acqu\u00e9rir une technicit\u00e9 dans la prise de vue, le d\u00e9veloppement, la r\u00e9alisation d'\u00e9preuves positives sur papier baryt\u00e9, m'auront conduit \u00e0 d'autres fa\u00e7ons d'observer cette r\u00e9alit\u00e9, de la modifier sans doute, de modifier mon rapport \u00e0 celle-ci surtout. Comme il s'agissait d'exposer des tableaux, je me suis en outre content\u00e9 de n'\u00eatre que le personnage du peintre que les gens ici m'attribu\u00e8rent, tout comme ils s'\u00e9taient attribu\u00e9 le r\u00f4le de berger, de pr\u00e9sident d'association, du Lyonnais en retraite, de po\u00e8te d\u00e9clamant, de musicien revenant dans ses p\u00e9nates, de compagne, d'amie arrivant les mains pleines avec des plats \u00e0 gratin de crozets, de chien observant tout cela d'un air mi-figue mi-raisin, dans l'expectative qu'on jou\u00e2t avec lui, qu'on lui donn\u00e2t un bout de gras, une caresse sur le cr\u00e2ne.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/salondejr.jpg?1748065194", "tags": ["Th\u00e9orie et critique litt\u00e9raire"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/9-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/9-novembre-2024.html", "title": "9 novembre 2024", "date_published": "2024-11-09T07:00:00Z", "date_modified": "2024-11-08T08:53:22Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Suis-je de gauche, de droite, du centre ? Franchement, je n’en sais rien, et \u00e7a m\u2019est \u00e9gal. La politique m\u2019effare, m\u2019\u00e9tourdit, avec ses mar\u00e9es d\u2019opinions, ses jugements tranch\u00e9s, ses d\u00e9cisions comme autant de claques jet\u00e9es au visage. Pour moi, la politique, c\u2019est surtout de la r\u00e9clame : le m\u00eame man\u00e8ge pour s\u00e9duire les foules que pour leur vendre de la lessive. Et puis, il y a cette violence, une violence qui suinte la faiblesse. Trop de bruit, de fureur, comme pour compenser un vide. Je repense souvent \u00e0 cette phrase : « Un homme, \u00e7a s\u2019emp\u00eache. » Les politiciens, eux, ne s\u2019emp\u00eachent rien. Ils s\u2019imposent partout, exactement comme la r\u00e9clame envahit nos maisons, nos vies, qu\u2019on le veuille ou non. Alors, fermer les \u00e9coutilles, solution tentante mais trop facile. Non, mieux vaut rester face \u00e0 tout cela sans s\u2019emballer, sto\u00efque, calme. C\u2019est un exercice, une r\u00e9sistance tranquille. Apr\u00e8s tout, tout jugement ressemble \u00e0 un boomerang aborig\u00e8ne : il te revient dans la main avec un peu de chance, sinon dans le cul ou dans la poire. Vieillir a un avantage : on se laisse moins berner par ses propres enthousiasmes, ses espoirs, ses d\u00e9ceptions. Mais c\u2019est aussi un inconv\u00e9nient, cette lucidit\u00e9. Dans les bouleversements actuels, le m\u00e9canisme reste le m\u00eame : ce sont les plus fragiles, les plus insouciants, qui paieront le prix de cette obsession collective de survie et d\u2019efficacit\u00e9, de la perp\u00e9tuation sans fin d\u2019un syst\u00e8me \u00e9conomique corrompu. Je repense \u00e0 ma r\u00e9flexion de la semaine derni\u00e8re : ceux qui tirent le mieux leur \u00e9pingle du jeu, ce sont les « beaufs », toujours. Obs\u00e9d\u00e9s par l’objectif, peu leur importent les moyens. Ce sont eux qui finissent milliardaires, hommes de pouvoir. Leur pr\u00e9tendue subtilit\u00e9 intellectuelle ? Un trompe-l\u2019\u0153il, un maquillage grossier. Ils sont n\u00e9s pour \u00e9craser, pantins de leurs propres terreurs et la rh\u00e9torique est leur arme : interchangeable, contournable, une fa\u00e7ade qui masque des intentions froides et des man\u0153uvres sans \u00e9tat d\u2019\u00e2me. Reste la litt\u00e9rature o\u00f9 se r\u00e9fugier et peut-\u00eatre tenter de r\u00e9sister. Parfois \u00e7a me semble tout aussi l\u00e2che que de se r\u00e9fugier dans la peinture, la masturbation, la m\u00e9ditation, l’amour universel, les sucreries. Mais jamais vraiment \u00e9t\u00e9 un foudre de guerre, vais pas commencer maintenant. En tous cas ce qui est \u00e9vident c’est qu’on marche sur des oeufs \u00e0 chaque minute de la journ\u00e9e. On ne sait plus rien du vrai, du faux, tout est si contradictoire. En m\u00eame temps voir que tant de rationalit\u00e9 cr\u00e9e une si grande absurdit\u00e9 est amusant. Rire jaune. La tristesse l’emporte souvent ces derniers jours.<\/p>", "content_text": "Suis-je de gauche, de droite, du centre ? Franchement, je n'en sais rien, et \u00e7a m\u2019est \u00e9gal. La politique m\u2019effare, m\u2019\u00e9tourdit, avec ses mar\u00e9es d\u2019opinions, ses jugements tranch\u00e9s, ses d\u00e9cisions comme autant de claques jet\u00e9es au visage. Pour moi, la politique, c\u2019est surtout de la r\u00e9clame : le m\u00eame man\u00e8ge pour s\u00e9duire les foules que pour leur vendre de la lessive. Et puis, il y a cette violence, une violence qui suinte la faiblesse. Trop de bruit, de fureur, comme pour compenser un vide. Je repense souvent \u00e0 cette phrase : \u00ab Un homme, \u00e7a s\u2019emp\u00eache. \u00bb Les politiciens, eux, ne s\u2019emp\u00eachent rien. Ils s\u2019imposent partout, exactement comme la r\u00e9clame envahit nos maisons, nos vies, qu\u2019on le veuille ou non. Alors, fermer les \u00e9coutilles, solution tentante mais trop facile. Non, mieux vaut rester face \u00e0 tout cela sans s\u2019emballer, sto\u00efque, calme. C\u2019est un exercice, une r\u00e9sistance tranquille. Apr\u00e8s tout, tout jugement ressemble \u00e0 un boomerang aborig\u00e8ne : il te revient dans la main avec un peu de chance, sinon dans le cul ou dans la poire. Vieillir a un avantage : on se laisse moins berner par ses propres enthousiasmes, ses espoirs, ses d\u00e9ceptions. Mais c\u2019est aussi un inconv\u00e9nient, cette lucidit\u00e9. Dans les bouleversements actuels, le m\u00e9canisme reste le m\u00eame : ce sont les plus fragiles, les plus insouciants, qui paieront le prix de cette obsession collective de survie et d\u2019efficacit\u00e9, de la perp\u00e9tuation sans fin d\u2019un syst\u00e8me \u00e9conomique corrompu. Je repense \u00e0 ma r\u00e9flexion de la semaine derni\u00e8re : ceux qui tirent le mieux leur \u00e9pingle du jeu, ce sont les \"beaufs\", toujours. Obs\u00e9d\u00e9s par l'objectif, peu leur importent les moyens. Ce sont eux qui finissent milliardaires, hommes de pouvoir. Leur pr\u00e9tendue subtilit\u00e9 intellectuelle ? Un trompe-l\u2019\u0153il, un maquillage grossier. Ils sont n\u00e9s pour \u00e9craser, pantins de leurs propres terreurs et la rh\u00e9torique est leur arme : interchangeable, contournable, une fa\u00e7ade qui masque des intentions froides et des man\u0153uvres sans \u00e9tat d\u2019\u00e2me. Reste la litt\u00e9rature o\u00f9 se r\u00e9fugier et peut-\u00eatre tenter de r\u00e9sister. Parfois \u00e7a me semble tout aussi l\u00e2che que de se r\u00e9fugier dans la peinture, la masturbation, la m\u00e9ditation, l'amour universel, les sucreries. Mais jamais vraiment \u00e9t\u00e9 un foudre de guerre, vais pas commencer maintenant. En tous cas ce qui est \u00e9vident c'est qu'on marche sur des oeufs \u00e0 chaque minute de la journ\u00e9e. On ne sait plus rien du vrai, du faux, tout est si contradictoire. 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\u00c0 Lyon, j’ai appris \u00e0 « prendre une date ». Mon premier agenda priv\u00e9, pour g\u00e9rer des rencontres, des moments cens\u00e9s rester simples. Avant, l\u2019agenda n\u2019avait pas sa place dans ma vie intime. On se voyait \u00e0 l’improviste : un coup de fil, une envie, un passage inattendu suffisaient pour cr\u00e9er ces instants. L’envie \u00e9tait l\u00e0, imm\u00e9diate, sans les lourdeurs d\u2019une organisation. Aujourd’hui, les dates s\u2019alignent, et le jour venu, on se questionne, h\u00e9sitant : est-ce que l\u2019envie de voir cette personne est encore l\u00e0 ? Souvent, la r\u00e9ponse est n\u00e9gative. Peut-\u00eatre parce qu’en imagination, l\u2019\u00e9lan s\u2019est essouffl\u00e9 bien avant l\u2019heure. Pour les expositions de peinture, c\u2019est pire encore. Les \u0153uvres ont vu le jour dans un \u00e9lan de joie ou de douleur, appartenant \u00e0 une \u00e9poque r\u00e9volue, \u00e0 une \u00e9nergie pass\u00e9e. Mais on a fix\u00e9 une date, l\u2019exposition doit avoir lieu. Alors, lors du vernissage, il arrive que l\u2019artiste semble \u00e9tranger \u00e0 l\u2019atmosph\u00e8re, presque lunaire. De quoi, de qui parle-t-on ici ? Est-ce bien de peinture, ou d\u2019une m\u00e9moire lointaine du peintre et de son \u0153uvre ?<\/p>", "content_text": "\u00c0 Lyon, j'ai appris \u00e0 \u00ab prendre une date \u00bb. Mon premier agenda priv\u00e9, pour g\u00e9rer des rencontres, des moments cens\u00e9s rester simples. Avant, l\u2019agenda n\u2019avait pas sa place dans ma vie intime. On se voyait \u00e0 l'improviste : un coup de fil, une envie, un passage inattendu suffisaient pour cr\u00e9er ces instants. L'envie \u00e9tait l\u00e0, imm\u00e9diate, sans les lourdeurs d\u2019une organisation. Aujourd'hui, les dates s\u2019alignent, et le jour venu, on se questionne, h\u00e9sitant : est-ce que l\u2019envie de voir cette personne est encore l\u00e0 ? Souvent, la r\u00e9ponse est n\u00e9gative. Peut-\u00eatre parce qu'en imagination, l\u2019\u00e9lan s\u2019est essouffl\u00e9 bien avant l\u2019heure. Pour les expositions de peinture, c\u2019est pire encore. Les \u0153uvres ont vu le jour dans un \u00e9lan de joie ou de douleur, appartenant \u00e0 une \u00e9poque r\u00e9volue, \u00e0 une \u00e9nergie pass\u00e9e. Mais on a fix\u00e9 une date, l\u2019exposition doit avoir lieu. Alors, lors du vernissage, il arrive que l\u2019artiste semble \u00e9tranger \u00e0 l\u2019atmosph\u00e8re, presque lunaire. De quoi, de qui parle-t-on ici ? Est-ce bien de peinture, ou d\u2019une m\u00e9moire lointaine du peintre et de son \u0153uvre ?", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_0256.jpg?1748065071", "tags": ["id\u00e9es"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/7-novembre-2024.html", "title": "7 novembre 2024", "date_published": "2024-11-07T11:06:18Z", "date_modified": "2025-04-30T16:24:02Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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La confusion est chiante mais elle a comme vertu l’obligation de prendre une d\u00e9cision t\u00f4t ou tard ( il vaut mieux que ce soit t\u00f4t si on ne peut faire autrement). Le fait de renoncer \u00e0 la moindre opinion qui surgit en moi, pour un oui pour un non, participe-t’il de l’action, je n’en sais rien.<\/p>\n

La confusion, l’h\u00e9sitation, c\u2019est aga\u00e7ant. Pourtant, les deux portent en elle une vertu inattendue : celle de me pousser, t\u00f4t ou tard, \u00e0 prendre position. Autant que ce soit t\u00f4t, lorsque l\u2019on n\u2019a pas d\u2019autre choix. Quant \u00e0 cette \u00e9trange habitude de laisser filer la moindre opinion d\u00e8s qu\u2019elle m\u2019effleure, pour un oui, pour un non, peut-\u00eatre est-ce une fa\u00e7on de r\u00e9sister, d\u2019agir —une forme d\u2019action, en creux. Mais \u00e0 vrai dire Je n\u2019en suis pas s\u00fbr.<\/p>\n

La confusion, c\u2019est comme de la crasse. \u00c7a reste l\u00e0, sous la peau. Au bout d\u2019un moment, il faut choisir, m\u00eame si \u00e7a gratte, m\u00eame si \u00e7a fait mal. Mieux vaut que ce soit maintenant.<\/p>\n

Et cette manie que j\u2019ai. De laisser tomber la moindre opinion, aussit\u00f4t qu\u2019elle vient. Oui, non, peu importe. Est-ce que c\u2019est agir, ou juste ne rien faire ? J\u2019en sais rien.<\/p>", "content_text": "La confusion est chiante mais elle a comme vertu l'obligation de prendre une d\u00e9cision t\u00f4t ou tard ( il vaut mieux que ce soit t\u00f4t si on ne peut faire autrement). Le fait de renoncer \u00e0 la moindre opinion qui surgit en moi, pour un oui pour un non, participe-t'il de l'action, je n'en sais rien. La confusion, l'h\u00e9sitation, c\u2019est aga\u00e7ant. Pourtant, les deux portent en elle une vertu inattendue : celle de me pousser, t\u00f4t ou tard, \u00e0 prendre position. Autant que ce soit t\u00f4t, lorsque l\u2019on n\u2019a pas d\u2019autre choix. Quant \u00e0 cette \u00e9trange habitude de laisser filer la moindre opinion d\u00e8s qu\u2019elle m\u2019effleure, pour un oui, pour un non, peut-\u00eatre est-ce une fa\u00e7on de r\u00e9sister, d\u2019agir \u2014une forme d\u2019action, en creux. Mais \u00e0 vrai dire Je n\u2019en suis pas s\u00fbr. La confusion, c\u2019est comme de la crasse. \u00c7a reste l\u00e0, sous la peau. Au bout d\u2019un moment, il faut choisir, m\u00eame si \u00e7a gratte, m\u00eame si \u00e7a fait mal. Mieux vaut que ce soit maintenant. Et cette manie que j\u2019ai. De laisser tomber la moindre opinion, aussit\u00f4t qu\u2019elle vient. Oui, non, peu importe. Est-ce que c\u2019est agir, ou juste ne rien faire ? J\u2019en sais rien.", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/71124.jpg?1748065128", "tags": ["affects"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/06-novembre-2024.html", "title": "06 novembre 2024", "date_published": "2024-11-06T10:18:28Z", "date_modified": "2024-11-06T10:18:49Z", "author": {"name": "Auteur"}, "content_html": "<\/span>

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Le mieux est de dire non, de n\u2019accepter aucun compromis—sans fermer les yeux pour autant. Il est pr\u00e9f\u00e9rable de les garder mi-clos, effa\u00e7ant ainsi les d\u00e9tails superflus qui ne servent qu\u2019\u00e0 disperser l\u2019attention. Le sommet de l\u2019art consiste \u00e0 ne surtout pas en parler, m\u00eame si atteindre cet \u00e9tat de volont\u00e9 extr\u00eame ou d\u2019abandon total n\u2019est jamais chose facile au jour le jour. Le mot cl\u00e9 r\u00e9side justement l\u00e0, dans ce quotidien si souvent per\u00e7u comme insoutenable par mode ou par effet de groupe. C\u2019est dans ce quotidien que la volont\u00e9 et l\u2019abandon jouent leur partition corrosive. Il s\u2019agit de refuser, de nier. Au d\u00e9but, on se force, tel un ressort que l\u2019on comprime, jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il se rel\u00e2che et que l\u2019on glisse dans un \u00e9lan d\u2019abandon. Le monde fourmille de mouvements, et mon esprit en est tout autant agit\u00e9, sans qu\u2019une interaction soit n\u00e9cessaire. Rien de transitif ici. Le monde poursuit ses r\u00eaves et ses cauchemars, et moi les miens. L\u2019illusion du levier perd toute importance, il n\u2019y a plus rien \u00e0 soulever. Bien au contraire, il faut descendre, marche apr\u00e8s marche, s\u2019accrochant \u00e0 la rampe, pourvu que l\u2019on ait encore la pr\u00e9sence d\u2019esprit de l\u2019apercevoir.<\/p>\n

Lorsque le silence tombe et que, l\u00e0-bas, les immeubles s\u2019effondrent lentement, les yeux toujours mi-clos, une question surgit : y a-t-il encore quelqu\u2019un pour \u00e9merger des d\u00e9combres, une silhouette, peut-\u00eatre plusieurs ? Et ce d\u00e9sir m\u00eame de les apercevoir doit \u00eatre refus\u00e9, car cela adoucit l\u2019\u00e2pret\u00e9 de notre disparition imminente. Sans autrui, comment pourrait-on vraiment dispara\u00eetre ?<\/p>", "content_text": "Le mieux est de dire non, de n\u2019accepter aucun compromis\u2014sans fermer les yeux pour autant. Il est pr\u00e9f\u00e9rable de les garder mi-clos, effa\u00e7ant ainsi les d\u00e9tails superflus qui ne servent qu\u2019\u00e0 disperser l\u2019attention. Le sommet de l\u2019art consiste \u00e0 ne surtout pas en parler, m\u00eame si atteindre cet \u00e9tat de volont\u00e9 extr\u00eame ou d\u2019abandon total n\u2019est jamais chose facile au jour le jour. Le mot cl\u00e9 r\u00e9side justement l\u00e0, dans ce quotidien si souvent per\u00e7u comme insoutenable par mode ou par effet de groupe. C\u2019est dans ce quotidien que la volont\u00e9 et l\u2019abandon jouent leur partition corrosive. Il s\u2019agit de refuser, de nier. Au d\u00e9but, on se force, tel un ressort que l\u2019on comprime, jusqu\u2019\u00e0 ce qu\u2019il se rel\u00e2che et que l\u2019on glisse dans un \u00e9lan d\u2019abandon. Le monde fourmille de mouvements, et mon esprit en est tout autant agit\u00e9, sans qu\u2019une interaction soit n\u00e9cessaire. Rien de transitif ici. Le monde poursuit ses r\u00eaves et ses cauchemars, et moi les miens. L\u2019illusion du levier perd toute importance, il n\u2019y a plus rien \u00e0 soulever. Bien au contraire, il faut descendre, marche apr\u00e8s marche, s\u2019accrochant \u00e0 la rampe, pourvu que l\u2019on ait encore la pr\u00e9sence d\u2019esprit de l\u2019apercevoir. Lorsque le silence tombe et que, l\u00e0-bas, les immeubles s\u2019effondrent lentement, les yeux toujours mi-clos, une question surgit : y a-t-il encore quelqu\u2019un pour \u00e9merger des d\u00e9combres, une silhouette, peut-\u00eatre plusieurs ? Et ce d\u00e9sir m\u00eame de les apercevoir doit \u00eatre refus\u00e9, car cela adoucit l\u2019\u00e2pret\u00e9 de notre disparition imminente. Sans autrui, comment pourrait-on vraiment dispara\u00eetre ?", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/saint-trop.jpg?1748065068", "tags": ["Essai sur la fatigue"] } ,{ "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-novembre-2024.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/05-novembre-2024.html", "title": "05 novembre 2024", "date_published": "2024-11-05T09:48:52Z", "date_modified": "2025-06-18T23:43:04Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "<\/span>

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Dans le temps, l\u2019expression « monter \u00e0 Paris<\/i> », « descendre dans le Sud<\/i> » peut fournir une indication, quoique vague, d\u2019un lieu d\u2019o\u00f9 l\u2019on part. On dit aussi qu\u2019on habite un endroit quelque part sur la carte, \u00e0 la surface du monde, \u00e7a ne nous met pas la t\u00eate \u00e0 l\u2019envers pour autant. On part de chez soi, d\u2019un lieu n\u00f4tre vers leur lieu \u00e0 eux, celui de la boulang\u00e8re aux joues rondes, celui de la poign\u00e9e m\u00e9tallique de la porte que l\u2019on pousse pour entrer dans le magasin d\u2019articles de p\u00eache, la petite mont\u00e9e que l\u2019on gravit juste apr\u00e8s la place du march\u00e9, vers le bureau de tabac et l\u2019\u00e9glise, ou encore sur la route d\u2019Epineuil, les deux cimeti\u00e8res, l\u2019ancien ou le nouveau, pour enterrer les gens, et bien s\u00fbr plus loin, d\u2019autres r\u00e9gions, d\u2019autres villes, celles des grands-parents, des futures ou des ex-\u00e9pouses, ma\u00eetresses, veaux, vaches ou cochons, etc. Et l\u2019enfant, le jeune homme, puis l\u2019adulte en ce temps-l\u00e0 ne sont pas grand-chose d\u2019autre qu\u2019un des innombrables centres mobiles du monde, comme tout un chacun, se d\u00e9pla\u00e7ant selon des buts, des id\u00e9aux verticaux, horizontaux — diagonales, courbes et spires — volutes, nuages, brumes, simple cavalier enfourchant son petit v\u00e9lo, petit cheval, \u00e2ne b\u00e2t\u00e9, t\u00eate de mule, se m\u00e9tamorphosant par contraintes multiples en simple pion dans un jeu de morpion ou de go. Il pense donc \u00e0 cela ce matin en descendant l\u2019escalier, \u00e0 cause sans doute d\u2019un r\u00eave, puis, parvenu \u00e0 la cuisine, les pieds sur le carrelage froid, un autre souvenir de r\u00eave l\u2019extirpe du pr\u00e9c\u00e9dent. Il se souvient qu\u2019il y a une explosion un peu plus loin, ici, dans la vall\u00e9e — il peut la revoir comme au ralenti — peut-\u00eatre \u00e0 l\u2019emplacement du centre commercial obsc\u00e8ne au rond-point de C., tristement nomm\u00e9 Green Set, peut-\u00eatre par un de ces cynismes \u00e9lectoraux surfant sur la vague \u00e9colo. Bref, il descend l\u2019escalier exactement comme tout \u00e0 l\u2019heure et, parvenu en bas, dans la m\u00eame cuisine, il a juste le temps d\u2019apercevoir l\u2019explosion, sorte de montagne incandescente, assez chouette esth\u00e9tiquement, en train de se former \u00e0 quelques centaines de m\u00e8tres \u00e0 vol d\u2019oiseau ou \u00e0 vue de nez. Ce qui est parfaitement impossible car nous habitons dans le centre du village, entour\u00e9s de fa\u00e7ades, de murs, d\u2019usines, d\u2019une pur\u00e9e de pois atroce en ces jours brumeux de novembre et surtout les paupi\u00e8res cercl\u00e9es par le refus d\u2019en voir plus, par l\u2019\u00e0 quoi bon vouloir en voir plus. Mais l\u00e0, c\u2019est autre chose. Possible que l\u2019image de l\u2019explosion apparaisse avant m\u00eame qu\u2019il pose le pied sur la premi\u00e8re marche, depuis le palier, avant de descendre l\u2019escalier menant \u00e0 la cuisine ; on pourra m\u00eame risquer de se dire que l\u2019image de l\u2019explosion lui appara\u00eet depuis le centre de la nuit, surgissant d\u2019ailleurs, dans un silence \u00e9pais alors qu\u2019il est l\u00e0, totalement inconscient, allong\u00e9 sur le lit, dormant \u00e0 poings ferm\u00e9s, puisqu\u2019apr\u00e8s tout il ne s\u2019agit que d\u2019un r\u00eave permanent tournant autour de son propre centre invisible, \u00e0 la fois centrifuge et centrip\u00e8te.<\/p>", "content_text": "Dans le temps, l\u2019expression \u00ab {monter \u00e0 Paris} \u00bb, \u00ab {descendre dans le Sud} \u00bb peut fournir une indication, quoique vague, d\u2019un lieu d\u2019o\u00f9 l\u2019on part. 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\n\n\n\t\t\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

Avec ou sans enthousiasme — mais sans doute faut-il tester les deux avant d’en saisir toute l’inanit\u00e9, ou plus modestement, le ridicule — cette n\u00e9cessit\u00e9 d’aller jusqu’au bout de ce quelque chose que repr\u00e9sente le fait de s’asseoir \u00e0 une table, de s’\u00e9carter du monde, d’une temporalit\u00e9, d’un espace dont on se sentirait pouss\u00e9 \u00e0 ajouter le terme profane pour se fabriquer une sorte de sacr\u00e9. Mais ici, sacr\u00e9 et profane valent autant qu’enthousiasme et d\u00e9pit. Ce ne sont que de vieux mots dont on se sert sans m\u00eame se souvenir des raisons de leur usage. Quelque chose est dans l’air et dans mon cr\u00e2ne, s’interpellant ainsi elle-m\u00eame, dans un silence que je pourrais dire apaisant — pour \u00e9luder la boucle incessante qui sans cesse advient lorsque cette chose m’inspire le mot silence. Et je n’\u00e9tais pas parti pour \u00e9crire ceci ou cela qu’imm\u00e9diatement la confrontation surgit : la difficult\u00e9 d’\u00e9crire sur ce malentendu, sur le silence. Ce qui me ram\u00e8ne une fois de plus au texte, \u00e0 essayer de le relire, non pour me torturer avec je ne sais quelle id\u00e9e de pr\u00e9cision, de justesse ou de justice, mais plut\u00f4t pour tendre l’oreille, le corps tout entier \u00e0 l’aff\u00fbt d’une vibration, d’une onde qui ne s’av\u00e8re pas facile \u00e0 capter, encore moins \u00e0 saisir — bien au contraire, plus je tenterais, plus elle se retirerait, s’enfuirait. Je ne suis pas all\u00e9 \u00e0 Vence, non par effort de volont\u00e9 mais par cette sensation palpable, et donc forc\u00e9ment illusoire, que je n’en avais pas besoin. En ressortant du Mus\u00e9e Matisse, \u00e0 Nice, refusant de remonter dans le bus num\u00e9ro cinq et descendant \u00e0 pied le boulevard Cimier vers le c\u0153ur de la ville, je me retournai pour contempler la majest\u00e9 du R\u00e9gina. En d\u00e9couvrant que ce que j’avais pris pour des campanules s’av\u00e9ra \u00eatre, selon Lens — cette autorit\u00e9 neuve et \u00e9ph\u00e9m\u00e8re sur mon ignorance botanique — des ipom\u00e9es des Indes, un grand chaos de paix et d’ombres m’envahit, dont je ne prends conscience que maintenant, en l’\u00e9crivant. Je ne suis pas all\u00e9 \u00e0 Vence voir la chapelle de visu, car les dessins pr\u00e9paratoires, les \u00e9bauches, les esquisses, m’avaient d\u00e9j\u00e0 men\u00e9 vers elle. Je l’avais vue sans m\u00eame \u00e9prouver la n\u00e9cessit\u00e9 d’y mettre les pieds. Une sorte de fraternit\u00e9 d’artiste me rappela soudainement que j’en \u00e9tais peut-\u00eatre, que je n’\u00e9tais pas si \u00e9tranger. Bref, quelque chose s’est produit sous le soleil et le bleu du ciel, comme une graine que l’oiseau transporte nonchalamment dans son bec ou son caca. Une grande et ext\u00e9nuante paix, c’est-\u00e0-dire une \u00e9motion faisant table rase de nombreuses \u00e9motions bancales. Et dans cette paix surgit le souvenir de la chapelle de Matisse, o\u00f9 chaque ligne, m\u00eame maladroite, se bat pour atteindre la simplicit\u00e9 et la lumi\u00e8re, o\u00f9 l’ombre se fait complice et non adversaire, ajoutant cette profondeur qui rend l’\u0153uvre plus humaine et plus divine. Et puis, cela rejoint tous les pr\u00e9sents \u00e0 la fin, le pr\u00e9sent de ce texte avec ses maladresses, le tremblement du fusain accroch\u00e9 au bout de la perche, tout un chemin de croix, un calvaire, l’arbre de mort et l’arbre de vie face \u00e0 face en ch\u0153ur. Mais peut-\u00eatre que je me fais encore des illusions ; il faut que j’\u00e9crive ce genre de phrase, de toute fa\u00e7on, pour conclure, sinon comment pourrais-je entrer dans la journ\u00e9e ?<\/p>", "content_text": "Avec ou sans enthousiasme \u2014 mais sans doute faut-il tester les deux avant d'en saisir toute l'inanit\u00e9, ou plus modestement, le ridicule \u2014 cette n\u00e9cessit\u00e9 d'aller jusqu'au bout de ce quelque chose que repr\u00e9sente le fait de s'asseoir \u00e0 une table, de s'\u00e9carter du monde, d'une temporalit\u00e9, d'un espace dont on se sentirait pouss\u00e9 \u00e0 ajouter le terme profane pour se fabriquer une sorte de sacr\u00e9. Mais ici, sacr\u00e9 et profane valent autant qu'enthousiasme et d\u00e9pit. Ce ne sont que de vieux mots dont on se sert sans m\u00eame se souvenir des raisons de leur usage. Quelque chose est dans l'air et dans mon cr\u00e2ne, s'interpellant ainsi elle-m\u00eame, dans un silence que je pourrais dire apaisant \u2014 pour \u00e9luder la boucle incessante qui sans cesse advient lorsque cette chose m'inspire le mot silence. Et je n'\u00e9tais pas parti pour \u00e9crire ceci ou cela qu'imm\u00e9diatement la confrontation surgit : la difficult\u00e9 d'\u00e9crire sur ce malentendu, sur le silence. Ce qui me ram\u00e8ne une fois de plus au texte, \u00e0 essayer de le relire, non pour me torturer avec je ne sais quelle id\u00e9e de pr\u00e9cision, de justesse ou de justice, mais plut\u00f4t pour tendre l'oreille, le corps tout entier \u00e0 l'aff\u00fbt d'une vibration, d'une onde qui ne s'av\u00e8re pas facile \u00e0 capter, encore moins \u00e0 saisir \u2014 bien au contraire, plus je tenterais, plus elle se retirerait, s'enfuirait. 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Je l'avais vue sans m\u00eame \u00e9prouver la n\u00e9cessit\u00e9 d'y mettre les pieds. Une sorte de fraternit\u00e9 d'artiste me rappela soudainement que j'en \u00e9tais peut-\u00eatre, que je n'\u00e9tais pas si \u00e9tranger. Bref, quelque chose s'est produit sous le soleil et le bleu du ciel, comme une graine que l'oiseau transporte nonchalamment dans son bec ou son caca. Une grande et ext\u00e9nuante paix, c'est-\u00e0-dire une \u00e9motion faisant table rase de nombreuses \u00e9motions bancales. Et dans cette paix surgit le souvenir de la chapelle de Matisse, o\u00f9 chaque ligne, m\u00eame maladroite, se bat pour atteindre la simplicit\u00e9 et la lumi\u00e8re, o\u00f9 l'ombre se fait complice et non adversaire, ajoutant cette profondeur qui rend l'\u0153uvre plus humaine et plus divine. 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\n\n \n\t\t<\/a>\n<\/figure>\n<\/div><\/span>\n

J. a gagn\u00e9 un s\u00e9jour lors d’un jeu concours, quelques jours \u00e0 passer dans un h\u00f4tel de luxe, un forfait de 1000 euros \u00e0 d\u00e9penser . Il nous l’offre et S. d\u00e9cide que nous irons \u00e0 Saint-Rapha\u00ebl. Nous y voici. Ce qui ne m’enchante pas. Mais je ne dis rien, je pense juste que la situation est surr\u00e9aliste. En outre, parvenus au terme de ce s\u00e9jour peu envie d’en relater les d\u00e9tails. En me r\u00e9veillant de bonne heure il fallait que j’\u00e9crive ce genre de vacherie. Pour quelle raison, difficile de le savoir vraiment, mais il semble que ce soit encore et toujours l’id\u00e9e ou l’impression, le sentiment de l’\u00e9cart qui pr\u00e9domine. Le refus chronique de se rejouir des soi- disant bonnes fortunes.
\nEcrire des vacheries serait-il une motivation ? Vacherie si violente selon l’id\u00e9e que je m’en ferais par avance qu’elle ne pourrait jamais se dire de vive voix. Dommage de pas savoir les dire en Grec ou en latin, dans une langue morte. Donc je les \u00e9cris en douce et en fran\u00e7ais, langue de tous les jours, et je ne les relis plus apr\u00e8s cela- mort et enterr\u00e9 - le fiel, comme le djinn dans son flacon.
\nMais se retrouver devant un paysage et ne pas trouver les mots. D’ailleurs paysage ou n’importe quoi ou qui d’autre, rester muet dans cette sorte de stupeur proche de l’idiotie. Ne pas trouver les mots, quoi dire, comment nommer. C’est \u00e0 priori la pire mal\u00e9diction avant d’en d\u00e9couvrir le potentiel inou\u00ef, l’\u00e9tendue infinie des merveilles. Insupportable merveilleux, effroyable \u00e0 souhait comme il se doit. C’est \u00e0 cet instant que je d\u00e9couvre cette fonction dans Google Photos. On prend une photographie d’une chose innommable, on choisit l’option Lens, et l’on se trouve tout \u00e0 coup avec des mots, la plupart du temps inconnus et dont on prendra soin de tout oublier une fois l’application referm\u00e9e.<\/p>", "content_text": "J. a gagn\u00e9 un s\u00e9jour lors d'un jeu concours, quelques jours \u00e0 passer dans un h\u00f4tel de luxe, un forfait de 1000 euros \u00e0 d\u00e9penser . Il nous l'offre et S. d\u00e9cide que nous irons \u00e0 Saint-Rapha\u00ebl. Nous y voici. Ce qui ne m'enchante pas. Mais je ne dis rien, je pense juste que la situation est surr\u00e9aliste. En outre, parvenus au terme de ce s\u00e9jour peu envie d'en relater les d\u00e9tails. En me r\u00e9veillant de bonne heure il fallait que j'\u00e9crive ce genre de vacherie. Pour quelle raison, difficile de le savoir vraiment, mais il semble que ce soit encore et toujours l'id\u00e9e ou l'impression, le sentiment de l'\u00e9cart qui pr\u00e9domine. Le refus chronique de se rejouir des soi- disant bonnes fortunes. Ecrire des vacheries serait-il une motivation ? Vacherie si violente selon l'id\u00e9e que je m'en ferais par avance qu'elle ne pourrait jamais se dire de vive voix. Dommage de pas savoir les dire en Grec ou en latin, dans une langue morte. Donc je les \u00e9cris en douce et en fran\u00e7ais, langue de tous les jours, et je ne les relis plus apr\u00e8s cela- mort et enterr\u00e9 - le fiel, comme le djinn dans son flacon. Mais se retrouver devant un paysage et ne pas trouver les mots. D'ailleurs paysage ou n'importe quoi ou qui d'autre, rester muet dans cette sorte de stupeur proche de l'idiotie. Ne pas trouver les mots, quoi dire, comment nommer. C'est \u00e0 priori la pire mal\u00e9diction avant d'en d\u00e9couvrir le potentiel inou\u00ef, l'\u00e9tendue infinie des merveilles. Insupportable merveilleux, effroyable \u00e0 souhait comme il se doit. C'est \u00e0 cet instant que je d\u00e9couvre cette fonction dans Google Photos. On prend une photographie d'une chose innommable, on choisit l'option Lens, et l'on se trouve tout \u00e0 coup avec des mots, la plupart du temps inconnus et dont on prendra soin de tout oublier une fois l'application referm\u00e9e. ", "image": "https:\/\/ledibbouk.net\/IMG\/logo\/img_3347.jpg?1748065064", "tags": ["Essai sur la fatigue"] } ] }