{ "version": "https://jsonfeed.org/version/1.1", "title": "Le dibbouk", "home_page_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/", "feed_url": "https:\/\/ledibbouk.net\/spip.php?page=feed_json", "language": "fr-FR", "items": [ { "id": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-decembre-2025.html", "url": "https:\/\/ledibbouk.net\/10-decembre-2025.html", "title": "10 d\u00e9cembre 2025", "date_published": "2025-12-10T10:02:13Z", "date_modified": "2025-12-10T10:11:34Z", "author": {"name": "Patrick Blanchon"}, "content_html": "
Le 8 d\u00e9cembre 2025, j\u2019\u00e9tais connect\u00e9 \u00e0 mon serveur, pr\u00eat \u00e0 s\u00e9lectionner tout le r\u00e9pertoire www, le dossier qui contient l\u2019int\u00e9gralit\u00e9 de mon site, et \u00e0 le supprimer. La fen\u00eatre de Filezilla \u00e9tait ouverte, tous les fichiers list\u00e9s, mon doigt approchait la touche Suppr. \u00c0 ce moment-l\u00e0, une notification est apparue en haut de l\u2019\u00e9cran : nouvelle vid\u00e9o de L.S. J\u2019ai cliqu\u00e9. L.S. pr\u00e9sentait la nouvelle IA de Notion. En l\u2019\u00e9coutant, j\u2019ai imm\u00e9diatement pens\u00e9 qu\u2019on pouvait s\u2019en servir pour faire un livre \u00e0 partir de ce qui dormait d\u00e9j\u00e0 dans les archives. J\u2019ai ouvert Notion, activ\u00e9 l\u2019essai, import\u00e9 un fichier CSV avec mes 3747 articles, lanc\u00e9 la commande. Une heure plus tard, un manuscrit sur l\u2019\u00e9criture \u00e9tait apparu dans une page, compos\u00e9 uniquement de textes que j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 publi\u00e9s.<\/p>\n
Depuis quelques jours, j\u2019ai du mal \u00e0 croire \u00e0 ce que j\u2019\u00e9cris, ni m\u00eame \u00e0 ce que je lis. Je ferme un livre sur une seule phrase qui sonne faux, je supprime plusieurs pages de carnet pour deux ou trois b\u00e9vues qui me sautent aux yeux. Ce que j\u2019appelle exigence ressemble parfois \u00e0 autre chose, quelque chose de plus ancien. Enfant, je mettais le feu au poulailler, je partais en douce pour des fugues rat\u00e9es, je volais des bonbons \u00e0 l\u2019\u00e9picerie du coin, je mentais, je tapais trop fort sur mon petit fr\u00e8re. \u00c0 chaque fois, la suite \u00e9tait pr\u00e9visible : engueulade, punition, gifles. Au moins, il se passait quelque chose de clair.<\/p>\n
Ce que j\u2019ai appris plus tard, c\u2019est une sanction qui ne fait pas de bruit : le silence. Quand je publie un texte, que je le signale, puis que je regarde les statistiques et que je vois qu\u2019il a \u00e9t\u00e9 lu trois ou quatre fois, parfois pas du tout, j\u2019appelle \u00e7a la sanction. Ce n\u2019est jamais totalement vide, mais \u00e7a y ressemble. Je n\u2019ai mis ni forum ni lien de contact sur le site ; je me suis arrang\u00e9 pour que la r\u00e9ponse, le plus souvent, soit ce silence-l\u00e0. Il dure, il s\u2019accumule, il finit par compter autant que les textes. Ce soir-l\u00e0, sur l\u2019\u00e9cran, j\u2019avais encore la fen\u00eatre de Suppr ouverte, le manuscrit g\u00e9n\u00e9r\u00e9 par Notion, et la courbe presque plate de mes visites. Avec \u00e7a, il faut bien continuer \u00e0 \u00e9crire un peu, sans tout effacer.<\/p>\n
illustration<\/strong> Man\u00e8ge \u00e0 Aubervilliers, ann\u00e9es 80, pb<\/p>",
"content_text": " Le 8 d\u00e9cembre 2025, j\u2019\u00e9tais connect\u00e9 \u00e0 mon serveur, pr\u00eat \u00e0 s\u00e9lectionner tout le r\u00e9pertoire www, le dossier qui contient l\u2019int\u00e9gralit\u00e9 de mon site, et \u00e0 le supprimer. La fen\u00eatre de Filezilla \u00e9tait ouverte, tous les fichiers list\u00e9s, mon doigt approchait la touche Suppr. \u00c0 ce moment-l\u00e0, une notification est apparue en haut de l\u2019\u00e9cran : nouvelle vid\u00e9o de L.S. J\u2019ai cliqu\u00e9. L.S. pr\u00e9sentait la nouvelle IA de Notion. En l\u2019\u00e9coutant, j\u2019ai imm\u00e9diatement pens\u00e9 qu\u2019on pouvait s\u2019en servir pour faire un livre \u00e0 partir de ce qui dormait d\u00e9j\u00e0 dans les archives. J\u2019ai ouvert Notion, activ\u00e9 l\u2019essai, import\u00e9 un fichier CSV avec mes 3747 articles, lanc\u00e9 la commande. Une heure plus tard, un manuscrit sur l\u2019\u00e9criture \u00e9tait apparu dans une page, compos\u00e9 uniquement de textes que j\u2019avais d\u00e9j\u00e0 publi\u00e9s. Depuis quelques jours, j\u2019ai du mal \u00e0 croire \u00e0 ce que j\u2019\u00e9cris, ni m\u00eame \u00e0 ce que je lis. Je ferme un livre sur une seule phrase qui sonne faux, je supprime plusieurs pages de carnet pour deux ou trois b\u00e9vues qui me sautent aux yeux. Ce que j\u2019appelle exigence ressemble parfois \u00e0 autre chose, quelque chose de plus ancien. Enfant, je mettais le feu au poulailler, je partais en douce pour des fugues rat\u00e9es, je volais des bonbons \u00e0 l\u2019\u00e9picerie du coin, je mentais, je tapais trop fort sur mon petit fr\u00e8re. \u00c0 chaque fois, la suite \u00e9tait pr\u00e9visible : engueulade, punition, gifles. Au moins, il se passait quelque chose de clair. Ce que j\u2019ai appris plus tard, c\u2019est une sanction qui ne fait pas de bruit : le silence. Quand je publie un texte, que je le signale, puis que je regarde les statistiques et que je vois qu\u2019il a \u00e9t\u00e9 lu trois ou quatre fois, parfois pas du tout, j\u2019appelle \u00e7a la sanction. Ce n\u2019est jamais totalement vide, mais \u00e7a y ressemble. Je n\u2019ai mis ni forum ni lien de contact sur le site ; je me suis arrang\u00e9 pour que la r\u00e9ponse, le plus souvent, soit ce silence-l\u00e0. Il dure, il s\u2019accumule, il finit par compter autant que les textes. Ce soir-l\u00e0, sur l\u2019\u00e9cran, j\u2019avais encore la fen\u00eatre de Suppr ouverte, le manuscrit g\u00e9n\u00e9r\u00e9 par Notion, et la courbe presque plate de mes visites. Avec \u00e7a, il faut bien continuer \u00e0 \u00e9crire un peu, sans tout effacer. **illustration** Man\u00e8ge \u00e0 Aubervilliers, ann\u00e9es 80, pb ",
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"tags": ["Essai sur la fatigue", "depuis quelle place \u00e9cris-tu ?"]
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"title": "Boost 02 #12 | Construire un autel ",
"date_published": "2025-12-09T10:53:52Z",
"date_modified": "2025-12-09T11:05:25Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " La fen\u00eatre de la chambre d\u2019h\u00f4tel a longtemps \u00e9t\u00e9 ce que je cherchais en premier. J\u2019allais vers elle comme si c\u2019\u00e9tait pour \u00e7a que j\u2019\u00e9tais venu, voir la ville \u00e0 travers ce cadre-l\u00e0 plut\u00f4t qu\u2019un autre. Je ne sais plus ce que je regardais exactement : les fa\u00e7ades d\u2019en face, un bout de ciel, une enseigne, peu importe, c\u2019\u00e9tait la ville vue depuis cette vitre qui comptait. Je ne me souviens plus vraiment quand j\u2019ai arr\u00eat\u00e9 de regarder par la fen\u00eatre. \u00c0 un moment, cela s\u2019est invers\u00e9. Lorsque j\u2019avais la possibilit\u00e9 de l\u2019occulter, je le faisais. Je rep\u00e9rais le rideau et je le tirais sans m\u00eame v\u00e9rifier ce qu\u2019il y avait dehors. Je me souviens de rideaux surtout, de leurs plis, de leur \u00e9paisseur, pas des vues qu\u2019ils masquaient. Je ne me rappelle pas avoir jamais ferm\u00e9 les volets d\u2019une chambre d\u2019h\u00f4tel. La fen\u00eatre restait l\u00e0, quelque part derri\u00e8re, disponible, mais d\u00e9j\u00e0 \u00e9cart\u00e9e. La perception du bruit dans une chambre d\u2019h\u00f4tel, qu\u2019il vienne des chambres d\u2019\u00e0 c\u00f4t\u00e9, de plus loin dans l\u2019immeuble ou de l\u2019ext\u00e9rieur, a longtemps tout recouvert. Je me souviens d\u2019un \u00e9t\u00e9 br\u00fblant o\u00f9 j\u2019ai ouvert la fen\u00eatre en grand. Le bruit et la lumi\u00e8re sont entr\u00e9s d\u2019un seul bloc. Je suis rest\u00e9 l\u00e0, sans la refermer. Premi\u00e8re fois que je pense avec un peu plus d\u2019acuit\u00e9 que d\u2019habitude au mot premi\u00e8re<\/em> et au mot fois<\/em> pos\u00e9s c\u00f4te \u00e0 c\u00f4te. Le mot c\u00f4te — aussi saugrenu soit le rapprochement — me ram\u00e8ne \u00e0 agneau et \u00e0 autel et d\u00e9bouche sur une ruelle grise dans le quartier du Marais. Quelques marches raides \u00e0 grimper, une rambarde de fer mouill\u00e9e, et puis la porte sombre de cet h\u00f4tel. Premi\u00e8re fois que je me retrouve seul dans un h\u00f4tel. Et c\u2019est maintenant que \u00e7a me revient : l\u2019\u00e9treinte exag\u00e9r\u00e9e, la toute derni\u00e8re fois que nous f\u00eemes l\u2019amour, P. et moi. Mais c\u2019\u00e9tait pr\u00e8s de quinze ans plus tard. La ville \u00e9tait devenue une \u00e9trang\u00e8re, et nous faisions semblant de l\u2019\u00eatre aussi. Nous vivions s\u00e9par\u00e9s d\u00e9j\u00e0, en p\u00e9riph\u00e9rie. Ce qui aurait d\u00fb \u00eatre arrach\u00e9 d\u2019un coup, comme une \u00e9charde, nous avons tra\u00een\u00e9 \u00e0 le faire. La nuit est tomb\u00e9e. On ne savait pas o\u00f9 aller et c\u2019est par hasard que nous nous retrouv\u00e2mes \u00e0 l\u2019angle de la ruelle, \u00e0 gravir les marches, \u00e0 passer par la m\u00eame porte sombre. Entre les deux, d\u2019autres nuits s\u2019accrochent, moins nettes. D\u2019autres rues de la ville, d\u2019autres jeux de cl\u00e9s, et au bout une porte sombre qui se dresse. \u00c0 chaque fois, je me retrouve \u00e0 redessiner la m\u00eame figure : un sac, quelques affaires, un num\u00e9ro de chambre, l\u2019habitude de passer par un h\u00f4tel. Pour moi, une chambre d\u2019h\u00f4tel au mois n\u2019a rien d\u2019une chambre de passage. On y reste, on y revient tous les soirs, on s\u2019y r\u00e9veille plusieurs fois de suite au m\u00eame endroit. Le confort affich\u00e9, avec gaz \u00e0 tous les \u00e9tages, veut dire qu\u2019on peut cuisiner, se laver, faire ses besoins sans quitter la chambre. C\u2019est un logement pos\u00e9 dans un couloir, derri\u00e8re une porte identique \u00e0 toutes les autres. Dans une chambre d\u2019h\u00f4tel au mois, personne ne vient faire le m\u00e9nage. Le locataire fait le n\u00e9cessaire lui-m\u00eame. Derri\u00e8re la cloison de la chambre dont je me souviens vivait une vieille femme. Elle chantonnait toute la journ\u00e9e, et c\u2019est ainsi que j\u2019ai su que quelqu\u2019un habitait l\u00e0. Une fois ou deux, j\u2019ai vu sa chambre : des montagnes de sacs-poubelles, de linge, d\u2019emballages vides, un amoncellement o\u00f9 on ne voyait plus le sol. \u00c0 l\u2019\u00e9tage au-dessus vivait un ma\u00e7on qui \u00e9coutait du reggae. Il m\u2019invitait souvent \u00e0 partager un repas. Chez lui, tout \u00e9tait organis\u00e9, chaque chose avait sa place, et une sorte de confort tranquille r\u00e9gnait dans la pi\u00e8ce. L\u2019h\u00f4tel est l\u2019autel et l\u2019\u00e9tabli o\u00f9, sans le savoir, j\u2019ai commenc\u00e9 d\u2019apprendre \u00e0 mourir.<\/p>\n Illustration<\/strong> La chambre que Vincent van Gogh a occup\u00e9e pendant deux mois \u00e0 l\u2019auberge Ravoux , Auvers-sur-Oise.<\/p>",
"content_text": " La fen\u00eatre de la chambre d\u2019h\u00f4tel a longtemps \u00e9t\u00e9 ce que je cherchais en premier. J\u2019allais vers elle comme si c\u2019\u00e9tait pour \u00e7a que j\u2019\u00e9tais venu, voir la ville \u00e0 travers ce cadre-l\u00e0 plut\u00f4t qu\u2019un autre. Je ne sais plus ce que je regardais exactement : les fa\u00e7ades d\u2019en face, un bout de ciel, une enseigne, peu importe, c\u2019\u00e9tait la ville vue depuis cette vitre qui comptait. Je ne me souviens plus vraiment quand j\u2019ai arr\u00eat\u00e9 de regarder par la fen\u00eatre. \u00c0 un moment, cela s\u2019est invers\u00e9. Lorsque j\u2019avais la possibilit\u00e9 de l\u2019occulter, je le faisais. Je rep\u00e9rais le rideau et je le tirais sans m\u00eame v\u00e9rifier ce qu\u2019il y avait dehors. Je me souviens de rideaux surtout, de leurs plis, de leur \u00e9paisseur, pas des vues qu\u2019ils masquaient. Je ne me rappelle pas avoir jamais ferm\u00e9 les volets d\u2019une chambre d\u2019h\u00f4tel. La fen\u00eatre restait l\u00e0, quelque part derri\u00e8re, disponible, mais d\u00e9j\u00e0 \u00e9cart\u00e9e. La perception du bruit dans une chambre d\u2019h\u00f4tel, qu\u2019il vienne des chambres d\u2019\u00e0 c\u00f4t\u00e9, de plus loin dans l\u2019immeuble ou de l\u2019ext\u00e9rieur, a longtemps tout recouvert. Je me souviens d\u2019un \u00e9t\u00e9 br\u00fblant o\u00f9 j\u2019ai ouvert la fen\u00eatre en grand. Le bruit et la lumi\u00e8re sont entr\u00e9s d\u2019un seul bloc. Je suis rest\u00e9 l\u00e0, sans la refermer. Premi\u00e8re fois que je pense avec un peu plus d\u2019acuit\u00e9 que d\u2019habitude au mot *premi\u00e8re* et au mot *fois* pos\u00e9s c\u00f4te \u00e0 c\u00f4te. Le mot c\u00f4te \u2014 aussi saugrenu soit le rapprochement \u2014 me ram\u00e8ne \u00e0 agneau et \u00e0 autel et d\u00e9bouche sur une ruelle grise dans le quartier du Marais. Quelques marches raides \u00e0 grimper, une rambarde de fer mouill\u00e9e, et puis la porte sombre de cet h\u00f4tel. Premi\u00e8re fois que je me retrouve seul dans un h\u00f4tel. Et c\u2019est maintenant que \u00e7a me revient : l\u2019\u00e9treinte exag\u00e9r\u00e9e, la toute derni\u00e8re fois que nous f\u00eemes l\u2019amour, P. et moi. Mais c\u2019\u00e9tait pr\u00e8s de quinze ans plus tard. La ville \u00e9tait devenue une \u00e9trang\u00e8re, et nous faisions semblant de l\u2019\u00eatre aussi. Nous vivions s\u00e9par\u00e9s d\u00e9j\u00e0, en p\u00e9riph\u00e9rie. Ce qui aurait d\u00fb \u00eatre arrach\u00e9 d\u2019un coup, comme une \u00e9charde, nous avons tra\u00een\u00e9 \u00e0 le faire. La nuit est tomb\u00e9e. On ne savait pas o\u00f9 aller et c\u2019est par hasard que nous nous retrouv\u00e2mes \u00e0 l\u2019angle de la ruelle, \u00e0 gravir les marches, \u00e0 passer par la m\u00eame porte sombre. Entre les deux, d\u2019autres nuits s\u2019accrochent, moins nettes. D\u2019autres rues de la ville, d\u2019autres jeux de cl\u00e9s, et au bout une porte sombre qui se dresse. \u00c0 chaque fois, je me retrouve \u00e0 redessiner la m\u00eame figure : un sac, quelques affaires, un num\u00e9ro de chambre, l\u2019habitude de passer par un h\u00f4tel. Pour moi, une chambre d\u2019h\u00f4tel au mois n\u2019a rien d\u2019une chambre de passage. On y reste, on y revient tous les soirs, on s\u2019y r\u00e9veille plusieurs fois de suite au m\u00eame endroit. Le confort affich\u00e9, avec gaz \u00e0 tous les \u00e9tages, veut dire qu\u2019on peut cuisiner, se laver, faire ses besoins sans quitter la chambre. C\u2019est un logement pos\u00e9 dans un couloir, derri\u00e8re une porte identique \u00e0 toutes les autres. Dans une chambre d\u2019h\u00f4tel au mois, personne ne vient faire le m\u00e9nage. Le locataire fait le n\u00e9cessaire lui-m\u00eame. Derri\u00e8re la cloison de la chambre dont je me souviens vivait une vieille femme. Elle chantonnait toute la journ\u00e9e, et c\u2019est ainsi que j\u2019ai su que quelqu\u2019un habitait l\u00e0. Une fois ou deux, j\u2019ai vu sa chambre : des montagnes de sacs-poubelles, de linge, d\u2019emballages vides, un amoncellement o\u00f9 on ne voyait plus le sol. \u00c0 l\u2019\u00e9tage au-dessus vivait un ma\u00e7on qui \u00e9coutait du reggae. Il m\u2019invitait souvent \u00e0 partager un repas. Chez lui, tout \u00e9tait organis\u00e9, chaque chose avait sa place, et une sorte de confort tranquille r\u00e9gnait dans la pi\u00e8ce. L\u2019h\u00f4tel est l\u2019autel et l\u2019\u00e9tabli o\u00f9, sans le savoir, j\u2019ai commenc\u00e9 d\u2019apprendre \u00e0 mourir. **Illustration** La chambre que Vincent van Gogh a occup\u00e9e pendant deux mois \u00e0 l\u2019auberge Ravoux , Auvers-sur-Oise. ",
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"date_published": "2025-12-07T06:45:05Z",
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"content_html": " Il a dit une chose neuve :<\/p>\n Tant mieux si le prix du chocolat augmente, personne n’en ach\u00e8tera et \u00e7a leur restera sur les bras.<\/p>\n<\/blockquote>\n Puis un autre a dit :<\/p>\n T’as raison et \u00e7a leur rapportera moins de TVA.<\/p>\n<\/blockquote>\n Puis tout le monde a rebu un coup et c’\u00e9tait comme avant.<\/p>",
"content_text": " Il a dit une chose neuve : > Tant mieux si le prix du chocolat augmente, personne n'en ach\u00e8tera et \u00e7a leur restera sur les bras. Puis un autre a dit : > T'as raison et \u00e7a leur rapportera moins de TVA. Puis tout le monde a rebu un coup et c'\u00e9tait comme avant. ",
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"title": "\u00e9puiser quelque chose ",
"date_published": "2025-12-07T06:35:07Z",
"date_modified": "2025-12-07T06:35:32Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Lui avait l’air fin une fois qu’il avait d\u00e9clar\u00e9 : <\/p>\n il faut \u00e9puiser quelque chose. <\/p>\n<\/blockquote>\n Le simple fait de l’avoir dit l’avait comme qui dirait totalement \u00e9puis\u00e9<\/em><\/p>",
"content_text": " Lui avait l'air fin une fois qu'il avait d\u00e9clar\u00e9 : >il faut \u00e9puiser quelque chose. Le simple fait de l'avoir dit l'avait comme qui dirait *totalement \u00e9puis\u00e9* ",
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"title": "tous des chiens",
"date_published": "2025-12-07T06:20:47Z",
"date_modified": "2025-12-07T06:20:47Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Enfin, celui-l\u00e0 est arriv\u00e9 avec son gros bonnet sur le cr\u00e2ne et il a dit que nous \u00e9tions tous devenus des chiens. <\/p>\n tous, des chiens sans \u00e2me !<\/p>\n<\/blockquote>\n L’autre \u00e0 cet instant a voulu la ramener. Genre :<\/p>\n ah oui ? et comment sais-tu que les chiens n’ont pas d’\u00e2me ?<\/p>\n<\/blockquote>\n Mais le gros avec son bonnet avait un regard si f\u00e9roce que la conversation s’est tout de suite arr\u00e9t\u00e9e l\u00e0.<\/p>\n Il manquait quelque chose \u00e0 la sc\u00e8ne et je ne savais pas dire quoi. <\/p>",
"content_text": " Enfin, celui-l\u00e0 est arriv\u00e9 avec son gros bonnet sur le cr\u00e2ne et il a dit que nous \u00e9tions tous devenus des chiens. >tous, des chiens sans \u00e2me ! L'autre \u00e0 cet instant a voulu la ramener. Genre : >ah oui ? et comment sais-tu que les chiens n'ont pas d'\u00e2me ? Mais le gros avec son bonnet avait un regard si f\u00e9roce que la conversation s'est tout de suite arr\u00e9t\u00e9e l\u00e0. Il manquait quelque chose \u00e0 la sc\u00e8ne et je ne savais pas dire quoi. ",
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"tags": ["fictions br\u00e8ves"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/de-soi.html",
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"title": "de soi",
"date_published": "2025-12-07T05:48:37Z",
"date_modified": "2025-12-07T05:48:37Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " Le pr\u00e9sentateur avait dit cette phrase bizarre : \u00e9crire de soi<\/em> ou quelque chose comme \u00e7a. Il ne se souvenait plus de la phrase exacte et il n’avait pas non plus envie de la retrouver. Il \u00e9tait rest\u00e9 un moment \u00e0 chercher la signification de ce de soi<\/em> puis il avait laiss\u00e9 tomber. Et maintenant il y repensait, \u00e7a revenait d’une mani\u00e8re pressante, imp\u00e9rieuse, comme une vague.<\/p>",
"content_text": " Le pr\u00e9sentateur avait dit cette phrase bizarre : *\u00e9crire de soi* ou quelque chose comme \u00e7a. Il ne se souvenait plus de la phrase exacte et il n'avait pas non plus envie de la retrouver. Il \u00e9tait rest\u00e9 un moment \u00e0 chercher la signification de ce *de soi* puis il avait laiss\u00e9 tomber. Et maintenant il y repensait, \u00e7a revenait d'une mani\u00e8re pressante, imp\u00e9rieuse, comme une vague. ",
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"tags": ["fictions br\u00e8ves"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/sortir-du-spectacle.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/sortir-du-spectacle.html",
"title": "Sortir du spectacle",
"date_published": "2025-12-07T05:38:25Z",
"date_modified": "2025-12-07T05:38:35Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " La salle de th\u00e9\u00e2tre \u00e9tait pleine. Il s’\u00e9tait install\u00e9 en bout de rang\u00e9e, pr\u00e8s de la sortie. D\u00e8s les premi\u00e8res r\u00e9pliques, il sut que la pi\u00e8ce \u00e9tait mauvaise. Il se leva et sortit.<\/p>\n La rue dehors \u00e9tait vide. Il pr\u00e9f\u00e9ra marcher plut\u00f4t que de prendre le m\u00e9tro.<\/p>\n Il faisait froid et il aper\u00e7ut la lumi\u00e8re d’un caf\u00e9 au coin de la rue Custine. Il poussa la porte et alla s’installer au fond de la salle. La serveuse arriva et prit sa commande, mais quelque chose clochait dans le dialogue qu’ils \u00e9chang\u00e8rent. Tout compte fait, ce n’\u00e9taient pas exactement les mots qui se ressemblaient, mais l’intonation fatigu\u00e9e de la serveuse, qui rejoignait la fatigue des acteurs, ou la sienne, il ne savait plus.<\/p>",
"content_text": " La salle de th\u00e9\u00e2tre \u00e9tait pleine. Il s'\u00e9tait install\u00e9 en bout de rang\u00e9e, pr\u00e8s de la sortie. D\u00e8s les premi\u00e8res r\u00e9pliques, il sut que la pi\u00e8ce \u00e9tait mauvaise. Il se leva et sortit. La rue dehors \u00e9tait vide. Il pr\u00e9f\u00e9ra marcher plut\u00f4t que de prendre le m\u00e9tro. Il faisait froid et il aper\u00e7ut la lumi\u00e8re d'un caf\u00e9 au coin de la rue Custine. Il poussa la porte et alla s'installer au fond de la salle. La serveuse arriva et prit sa commande, mais quelque chose clochait dans le dialogue qu'ils \u00e9chang\u00e8rent. Tout compte fait, ce n'\u00e9taient pas exactement les mots qui se ressemblaient, mais l'intonation fatigu\u00e9e de la serveuse, qui rejoignait la fatigue des acteurs, ou la sienne, il ne savait plus. ",
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"tags": ["fictions br\u00e8ves"]
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"id": "https:\/\/ledibbouk.net\/decembre-2025-phrases.html",
"url": "https:\/\/ledibbouk.net\/decembre-2025-phrases.html",
"title": "d\u00e9cembre 2025 | phrases",
"date_published": "2025-12-07T05:00:00Z",
"date_modified": "2025-12-08T23:44:22Z",
"author": {"name": "Patrick Blanchon"},
"content_html": " \u00c9videmment, les relations humaines \u00e9taient r\u00e9duites ; seul quelquefois, un coll\u00e8gue gymnaste grimpait jusqu\u2019\u00e0 lui en montant par l\u2019\u00e9chelle de corde ; ils s\u2019asseyaient tous les deux sur le trap\u00e8ze et restaient \u00e0 bavarder, en s\u2019appuyant sur les cordes, \u00e0 droite et \u00e0 gauche ; ou bien des ouvriers venaient r\u00e9parer le toit et \u00e9changeaient avec lui quelques mots par une fen\u00eatre ouverte ; ou bien un pompier venait v\u00e9rifier l\u2019\u00e9clairage de secours sur la galerie d\u2019en haut et lui lan\u00e7ait un mot respectueux, mais difficile \u00e0 comprendre<\/p>\n<\/blockquote>\n -- Franz Kafka<\/strong>, le Trap\u00e9ziste, Artistes de la faim et autres r\u00e9cits, traduction Claude David.<\/p>\n [mots-cl\u00e9s : altidude, isolement, humour ]<\/p>\n Ainsi sommes nous \u00e0 ce point obs\u00e9d\u00e9s par nos propres vies, langage d\u00e9sormais, que l\u2019insistance s\u2019est d\u00e9plac\u00e9e. L\u2019insistance persiste centriquement, de sorte que l\u00e0 o\u00f9 l\u2019on cherchait jadis un vocabulaire pour id\u00e9es, on recherche maintenant des id\u00e9es pour vocabulaire.<\/p>\n<\/blockquote>\n -- Lyn Hejinian<\/strong> : Si \u00e9crit c\u2019est \u00e9crire (trad.Martin Richet) Tombeau des envois \u00e9lectroniques<\/a><\/p>\n [mots-cl\u00e9s : blanc, typographie, po\u00e9sie vs pens\u00e9e]<\/p>\n Et moi, dans ces deux minutes qu\u2019il a fallu pour que les doigts enfilent ces lignes sur le clavier blanc, c\u2019est se souvenir d\u2019une p\u00e9riode lointaine, un \u00e9t\u00e9 dans une ville pr\u00e9cise, o\u00f9 lire les russes, Dostoievski puis Tolsto\u00ef, et encore Tolsto\u00ef puis Dostoievski, avait dur\u00e9 plusieurs semaines et que de la m\u00eame fa\u00e7on parfois sortir \u00e9berlu\u00e9 dans la ville sans m\u00eame plus savoir ses heures, fin de la digression !<\/p>\n<\/blockquote>\n\n
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02 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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03 d\u00e9cembre 2025<\/h2>\n
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