17 novembre 2019

La nuit existe. Elle est en nous. On peut éclairer la ville, la rue, la maison, elle ne disparaît pas. Elle ne disparaîtra jamais.

Je me souviens d’avoir été frappé par un texte des présocratiques qui soulignait l’importance que certains accordaient à la nuit. Elle était là au tout début, et elle sera encore là après que toute lumière aura disparu.

La nuit est un territoire sans limite, et ce n’est pas le jour qui pâlit, à l’aube de nos sociétés exsangues, qui pourra imposer une barrière sûre à celle-ci.

La barbarie, que nous rejetons depuis si longtemps, l’associant inconsciemment à la nuit de l’intelligence, à la nuit de la bienveillance, à la nuit de la civilisation, n’existe pas vraiment.

Elle n’a jamais vraiment existé, pas plus que toutes ces créatures invraisemblables que l’on attribue à la nuit.

La barbarie agit toujours en plein jour, sous un soleil éclatant, celui-là même que l’on ne peut regarder en face, tant il aveugle.

La nuit, tous les chats sont gris. Ils revêtent l’uniforme de l’indistinct, de l’indifférencié, pour entrer dans l’immanence.

Qu’une souris passe, elle est croquée. Qu’une femelle passe, c’est une femelle comme les autres. Pas besoin d’entretenir de familiarité ou de reconnaissance.

La nuit gomme les couleurs, tout comme elle gomme les sentiments personnels, et il arrive que nous perdions ainsi nos fameux points de repère.

À moins que l’on ne lève la tête et que l’on se fie aux constellations. Ces lumières, témoins de leur disparition depuis des millénaires, traversent la nuit pour guider les voyageurs.