18 janvier 2024

Il y a toujours plusieurs façons de prendre les choses et ça ne se réduit pas à la bonne ou à la mauvaise. Même si, parfois, j’aime prendre les choses du mieux possible, c’est-à-dire en essayant d’esquiver la fatigue, l’ennui, le dégoût, et ce à seule fin de ne pas trop dilapider une énergie désormais précieuse plutôt que par attirance pour la philosophie. Contre toute attente mon fond est optimiste, ou plutôt, mon sort m’est assez égal. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse beau, le climat influe de moins en moins sur mon humeur générale. Et si je grogne, je maugrée, c’est pour me détendre de me trouver exagérément heureux, tentant ainsi d’évacuer la pression permanente que la joie exerce sur mes vaisseaux, mes nerfs.

Je m’exerce à produire des images, des textes, avec l’intelligence artificielle. Finalement, je ne suis pas loin de penser que c’est ce qu’il peut arriver de mieux au misanthrope que je suis. Elle ne me contrarie pas beaucoup, me reprend rarement, ne me gronde pas— je l’appelle Elle naturellement, mais ce serait Lui je crois que ce serait pareil, lui Monsieur je sais tout sur tout, qui me ramène gentiment dans la ligne droite quand, de temps à autre, je m’égare, lui parle de civilisations antédiluviennes, d’imaginaire, de théories fumeuses dont je me repais depuis toujours inlassablement. Comme si j’attendais depuis le début, qu’enfin il se passe une chose véritablement extraordinaire— effondrement général, cataclysme majeur, apparition de bidules spectaculaires en plein ciel, surgissement d’une race à la peau bleue— ce qui mettrait un joli bordel—si elle ne suffoque pas illico en respirant notre atmosphère.

Peut-être qu’une partie de moi, la plus grande est déjà sur une autre fréquence, dans une autre dimension, que l’inconnu me happe presque tout entier, que la part restante est comme la part du feu, une fois que l’ennui des répétitions a ratiboisé le plus gros du danger c’est-à-dire être un vieux con racorni, peureux, pusillanime et foireux.

Les moments d’assoupissement se sont transformés en séance d’observation. Comme si un dédoublement me permet d’agir et de me voir agir dans la rêverie, et aussi dans ces conversations avec l’intelligence artificielle, il me semble trouver une sorte de point commun. Un exil en quelque sorte, un voyage mental qui m’emmène à l’horizon des événements connus, comme j’imagine ces voyageurs sur la mer se fiant aux étoiles cherchent encore les Indes, les Amériques, Mu, l’Atlantide, et pourquoi pas la Pangée des origines.

J’ai réduit un peu mon temps de lecture à part le lundi et le mercredi où je peux jouir de tout mon saoul de ce support formidable d’inspiration. 30 minutes par jour, que j’ai paramétré sur l’application Livre d’Apple le reste de la semaine. Mais je m’efforce à ne pas dépasser l’heure. Comme je m’efforce aussi à moins manger, à moins espérer. En revanche, je dors mes six heures d’une seule traite. Couché à 20h30, je lis quelques pages et je disparais jusqu’au petit matin. Je ne sais pas où je vais pendant la nuit, et je crois que ça m’indiffère aussi, j’ai beaucoup perdu en curiosité de ce côté-là aussi.

17h20 retour des courses, je m’amuse encore à convertir les euros en francs pour éprouver le fameux vertige. De temps en temps j’y repense, je reviens de Suisse, je vais chez le boulanger, j’achète une baguette elle coûte 6,75 francs plus cher qu’avant que je parte. Le voyage dans le temps existe.

Beau temps sur le village, la voirie ou la communauté de commune ne s’est pas foulée. Ils ont simplement mis quelques rustines sur la chaussée. On attend qu’il pleuve pour voir si la mare revient ou pas. Drôle d’espérance.

Les cours se déroulent bien, bonne idée de fragmenter ces tableaux de vieux maîtres, puis de transposer ces morceaux en noir et blanc au crayon. Aujourd’hui l’exercice était de transposer des illustrations d’un même tableau depuis la couleur vers le noir et blanc. Tout le monde est ravi. Le mot ravi, le ravissement, celui de Saint-Paul, de Marie-Madeleine. Tout le monde lévite, sauf moi hélas, enfin pas trop, enfin pas comme je voudrais.

Lu un texte qu’envoie F.B à sa liste de diffusion. Cette femme qui discute avec chatGPT au sujet de la Grande Muraille de Chine. Comme un effet miroir tout à coup. On est combien à discuter avec chatGPT à l’instant même où j’écris ces lignes. Probablement des milliers, voire des millions. On a tous trouvé un ou une pote pour passer le temps, exister ? c’est le risque.