8 septembre 2024
À partir du moment. À partir de l’instant. À partir de là. À partir de maintenant. On en revient. Nous, en somme, revenus. Somnambules déambulant dans les venelles du village, de la ville. Rien de bien vil, mais une peur surtout, une sensation, la peur du lendemain. Ça ne chante pas. Quitte à partir, partons paisibles, sans rancune, sans promesse de retour.
Admettons, établissons l’hypothèse, supputons : nous sommes immortels, mais nous devons l’oublier, traverser le Léthé.
Pour engloutir mes sanglots apaisés
Rien ne me vaut l’abîme de ta couche ;
L’oubli puissant habite sur ta bouche,
Et le Léthé coule dans tes baisers.
Lui, Gavroche, était venu, avait vu, et n’en était pas revenu. Alors tout ça n’a donc servi à rien, c’est ça la leçon ? Et l’Atlantide sombre à nouveau, la mer monte.
Quand la mer monte
J’ai honte, j’ai honte
Quand elle descend
Je l’attends
À marée basse
Elle est partie hélas
À marée haute
Avec un autre.
Dans l’Apocalypse de Saint-Jean, tout est dit depuis belle lurette. C’est là maintenant, et on ne veut pas y croire. Déni de réalité. Même si les Annunakis reviennent, la plupart d’entre-nous hausseraient les épaules et parleraient de connerie en barre.
La sale réalité qu’on s’est créée pour avoir plaisir et déplaisir mêlés de dire : « voici, c’est notre réalité. »
Toujours cette usure, ce pouvoir de passer entre Charybde et Scylla sur des vaisseaux légers, en sifflotant.
Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’envers
D’un pays qui n’était ni pays ni patrie
Ma chanson, ce n’est pas ma chanson, c’est ma vie
C’est pour toi que je veux posséder mes hivers.
Aperçu P.B. dans un beau film en noir et blanc : des machines à l’arrêt, figées dans le temps, immobilisées dans le temps, et l’homme dit en les voyant : « on dirait qu’elles se sont arrêtées il y a cinq minutes. » Puis, un peu plus loin : « il suffirait qu’on appuie sur le bouton pour que tout redevienne comme avant. » La voix de P.B. ponctuant les dires de l’autre homme, gentiment mais si fermement. Et surtout ce « vous », prononcé avec une si authentique — on le sent vraiment — déférence. Métaphore d’une résistance, ce livre fruit qui en résulte : Les forges de Syam. En passant, le cœur se serre en apercevant les pommes et le couteau sur la table de travail ; repensé à mon arrière-grand-père, à cette sorte de frugalité qui permet autre chose que la consommation de l’instant. Prendre soin de l’instant. Ne pas le dévorer n’importe quand, n’importe comment, en se laissant terrasser par la fringale.
Il y a des hommes qui deviennent tout de suite des amis, mais avec qui on ne saurait partager toute la trivialité par laquelle il faut parfois passer en amitié. Comme si cette obligation du naufrage, ils nous en dispensaient dès l’instant où on les rencontre. Ceci explique cela. Le fait de rester à bonne distance, surtout de ces hommes-là. La raison est toujours la même : ne rien déranger, ne rien polluer, et peut-être aussi la trouille d’être déçu. Je dis les hommes, mais pour les femmes, c’est pareil. Avec l’âge, ça ne s’améliore pas.
Dans les dessins que j’ai proposés de réaliser le mot gribouillis utilisé avec escient. Puis avec quelques remarques au fur et à mesure sur l’intensité obtenue par la pression de la main, du bras, du corps sur le trait, j’essaie de les initier à la profondeur. Ainsi le mot gribouillis reste en surface, puis peu à peu on le traverse, on plonge, et au bout du compte des formes commencent à naître. Avec la prise de conscience de la paréidolie que tout à chacun ne perd pas vraiment depuis l’enfance. Ce qui est important à comprendre c’est la naiveté première de ces formes auxquelles mêmes adulte on s’accroche pour tenter de donner du sens. Ceci aussi est une surface.
Il y a certainement quelque chose qui transite entre le dessin et l’écriture mais les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés.
Admettons que ce que j’ai écrit sur ce blog il y a 371 jours ne soit jamais lu ou relu, cela me donne t’il l’autorisation de réutiliser l’image d’illustration de ce tout premier billet et ainsi de repartir pour un tour ad vitam aeternam. Ou encore autour de cette période, rependre une illustration qui a déjà servi, pour ne pas surcharger la médiathèque, recycler. Economiser.
Pour celle ou celui qui refuse de considérer la parole comme un capital, dilapider cette parole est-il un acte de résistance ?
Pour continuer
Carnets | septembre 2024
Habiter l’inhabitable
Des chambres d’hôtel. Trop de chambres. Barbès, Château Rouge, Goutte d’Or. Endroits fatigués. Draps humides. Odeur de moisi et de parfums sans nom. Des lieux de passage. Pas faits pour rester. Et pourtant, j’y reviens. L’habitude s’installe. Je reconnais le sol qui grince, les heures de lumière, les cris de la rue. Je sais où poser mes affaires. Ce qui m’avait semblé inhabitable devient vivable. Pas confortable. Vivable. Je me surprends à m’y sentir presque chez moi. L’inhabituel devient un décor. Une routine. Je ne cherche plus à décorer, juste à survivre. Et parfois, au petit matin, une lumière douce. Un silence rare. Quelques secondes d’apaisement. Suffisantes pour tenir. Je ne hais plus ces chambres. J’y dépose des souvenirs sans le vouloir. J’habite sans y croire. Mais j’habite quand même. Et c’est peut-être ça, habiter l’inhabitable. Ne plus fuir. S’adosser à ce qu’on a. Même si c’est gris, froid, temporaire. Parce que dans le pire, on finit par trouver un détail qui retient. Une lueur. Un appui.|couper{180}
Carnets | septembre 2024
24 septembre 2024
Le narrateur revient dans son village d’enfance, un lieu qui porte encore son nom mais a changé au point de devenir méconnaissable. Entre souvenirs enfouis et rencontres inattendues, il tente de comprendre ce qui a disparu.|couper{180}
Carnets | septembre 2024
22 septembre 2024
Alors que le site se construit, des pensées lancinantes s’invitent : à quoi bon ? Saisir la distance pour revisiter ces fragments comme écrits par un autre, un étranger. Des marches le long du Rhône, la rencontre avec un homme et son caddy brinquebalant, et une mobylette bleue qui ressurgit du passé… Dans ce carnet littéraire, la réalité se mêle à la fiction, explorant ce que l’on traîne en soi, et ce qu’il faudrait peut-être apprendre à lâcher.|couper{180}
