Bouffer, se nourrir

Le trou possède t’il une fin, que nous engloutissions, bouffions, dévorions tant et tant jusqu’à l’écœurement et malgré cela restions insatisfaits. Dans cette glissade du désir, la panique de rater une occasion, le vertige que ce mouvement de soi crée, voire provoque, l’idée de la faim se confond avec celle de la fin phonétiquement. L’appétit est probablement le mot inventé à cet escient, pour pointer un possible distinguo. Tant qu’on n’évoque pas la mort distinctement c’est ainsi. Son absence linguistique crée un trou noir qui aspire presque tout ce qui se tient à sa périphérie. Bouffons pour contrer l’indicible. Défense dérisoire. Bouffons pour ne pas voir, ne rien entendre, et tout ce qui peut nous glisser des mains, intangible d’un sein pâle, d’une bouche vermeille, d’une cuisse à la douceur de satin. Bouffons pour avaler tout rond toutes ces amertumes, ces déceptions, ces attentes intolérables insupportables. Bouffons et chions surtout des montagnes de merde, un Himalaya, un Everest concrétions irrespirables de nos désirs toujours insatisfaits. Puis mourrons, assistons hébétés au divers fins du monde, laissons nous emporter. Nous sommes tellement certains de revenir, de tout recommencer encore et encore dans l’infini d’un temps fantasmé, temps des horloges des banques et des usines. Bouffons et chions, pour bien montrer l’indignation de vivre ainsi sans autre choix le pense-t’on.

Se nourrir quand tu découvres la patience comme résistance. La frugalité comme haut-fait chevaleresque. Mots à vivre au beau milieu du dérisoire.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener