Confiance et pognon

Une chose importante pour le premier banquier venu est la confiance. Si elle n’est pas là vous n’aurez rien, vous n’existerez pas sauf si vous allez par mégarde faire un tour dans le rouge. Mais vous existerez en négatif alors, en mouton noir, en vilain petit canard.

Sans la confiance il y a de grandes chances qu’aucun système économique viable n’existerait.

Cependant à force d’assimiler confiance et pognon nous avons probablement fini par y perdre notre latin.

Si fidus désormais ne se décline plus autrement que par fiducier, finances, on peut nonobstant le mystère des consonnes qui dérivent avec le temps du d vers n... imaginer que la confiance part d’un échange tout bête pour s’achever désormais en catastrophe planétaire.

Heureusement la naïveté générale vient à la rescousse. C’est son rôle principal d’ailleurs car sans elle il y a fort à parier que nous n’entretiendrons les uns envers les autres que des relations de méfiance.

Etre naïf peut ressembler à une tare lorsqu’on est jeune et inexpérimenté. Je veux dire qu’on s’en veut beaucoup à soi-même de l’être, de l’avoir été, tout en se jurant qu’on ne nous y reprendrait plus.

Cependant qu’avec le temps, l’âge on s’aperçoit que c’est une ineptie de l’écarter, de la reléguer dans les oubliettes, de la conspuer ou de la maudire.

Et tout ça sous prétexte que l’on aurait apprit quoique ce soit sur la vie, sur nos contemporains, qu’on serait devenu "lucide".

La lucidité est une prison, je peux vous l’assurer, et une fois qu’on y est on ne cherche qu’une seule chose, c’est bel et bien de s’en évader.

Se re présente alors la naïveté qui nous fait de l’œil, avec la lime adéquat à limer les barreaux, la corde tressée d’espoirs et on se dit que ce serait bien ballot de ne pas en profiter.

Redonner de la confiance à la naïveté est sans doute l’une des dernières aventures digne de ce nom pour un aventurier qui se respecte un peu.

Evidemment il y a toujours un risque de se faire avoir si on espère. Et n’espère t’on pas toujours plus ou moins ?

Récemment j’ai été contacté par un client qui m’a déjà acheté plusieurs toiles à bon prix. Et celui ci me propose soudain de lui proposer de grands formats qu’il exposera sur une plateforme internet bien connue et sur laquelle il possède un gigantesque réseau de followers.

Jusque là tout va bien. Tout est gratuit. Je n’envoie pas de toile tant qu’elle n’est pas achetée et payée... une sinécure pour artiste peintre forcément.

J’allais commencer à effectuer des sélections parmi mes jpeg, créer de jolies fiches, bref tout préparer pour passer à l’action quand tout à coup je me suis demandé quel pouvait bien être l’intérêt de ce client galeriste d’exposer mes œuvres virtuellement. Qu’est ce qui le différencierait de ce que je pratique déjà moi-même... ?

En allant jeter un coup d’œil à la page en question et à son fil d’actualité je vois des œuvres d’art entourées de jolies filles un peu dénudées accompagnées de musique, le tout en vidéo ou en photographies et effectivement le truc à l’air de bien fonctionner étant donné le nombre de vues pour chacun de ces post. Pas beaucoup de "like" mais énormément de vues.

Ma première réaction est de me dire comme c’est de mauvais gout. Je pense à ces pubs de bagnoles avec ces nanas qui lèchent le capot et je me dis ensuite quel est donc le public visé par ce genre de produit ?

Des parvenus, des nouveaux riches, des gens incultes et sans gout avec de grosses gourmettes au poignet assurément...

Et où trouve t’on ce genre de spécimen le plus actuellement ? En Russie et en Chine. D’ailleurs il y a beaucoup de mannequins de l’Est et d’Asie sur les posts en question.

Bien Bien Bien.... je cogite je cogite ... Finalement je me dis que j’ai un esprit petit bourgeois mâtiné de gauche caviar pour avoir un tel toupet question gout... Car finalement si on vend de la lessive, des brosses à dents, des bagnoles et des assurances déces comme ça pourquoi la peinture ferait-t ’elle exception ?

Du coup je transmute gentiment le mauvais gout en phénomène d’avant garde, je me dis oh mais finalement on détourne les codes c’est tout à fait chouette pourquoi pas.

Je me remets le nez dans le tri, je m’ébaubis, tout en tirant la langue en m’appliquant à bien tout noter et surtout le prix de mes œuvres dans ce joli dossier prêt à être envoyé.

Je monte mes prix du coup parce que je me dis que si je mets les prix habituels on va me rire au nez.

Est ce qu’un milliardaire russe ou chinois va prendre au sérieux une toile à 100 balles ? Que nenni, un peu de jugeotte mon vieux.

Je me dis sois pas con monte encore un peu plus. Voilà tu y es presque encore un effort, piétine donc ta moralité à la noix, ta philanthropie, ta générosité et ta gentillesse, tout cela ne sert à rien pour l’occasion.

Je m’arrête en plein vol cependant car tout à coup de sombres pensées me viennent du fin fond de l’encombrante lucidité qui certainement a pour petit nom ma connerie et qui ne cesse de m’entraver comme un boulet au pied.

Et si c’était la mafia ? Et si c’était rien que pour blanchir du pognon sale toute cette affaire ?

Peu importe les prix et au contraire tant mieux s’ils sont gros, ils achèteront à tour de bras.

Oh la la Patriiiiiiick qu’est ce que tu es en train de penser et que t’apprêtes tu à foutre ?

Et puis je me suis fait un café... j’ai fumé une clope, je me suis gratté la tète, un peu les couilles aussi pendant que j’y étais et je me suis dit t’es vraiment un putain de parano.

Sois confiant en ton étoile, mise tout ce que tu as vas y, que risque tu au bout du compte ? De devenir riche juste ça, est ce vraiment si grave ?

D’être ridicule aussi ? quelle importance finalement tu l’es déjà tellement, un peu plus un moins ça ne te changera pas vraiment la vie.

Et depuis j’ai tout laissé en stand by, un coup je me dis oui un coup je me dis non, le diable est là au fond de moi et me tripatouille sans relâche en prenant la tête de KAAA le serpent du livre de la jungle qui susurre

"aie confiance aie confiance"

https://youtu.be/evt_8hluLww

Pour continuer

Carnets | avril 2021

Prendre le temps

Encore une réflexion de Michel Butor que je rumine depuis quelques jours et qui correspond tout à coup à une clef permettant d'ouvrir une issue à l'aporie des jours qui filent et qui semblent m'échapper continuellement. Prendre le temps d'écrire ou peindre c'est ,en gros, tout ce que j'ai mis en place pour contrer la fuite du temps. Pour lutter contre cette obsession d'anéantissement toujours présente, de plus en plus présente. Autrefois c'était le sexe. Mais d'une façon totalement inconsciente, irraisonnée, irraisonnable. Comme un engloutissement désordonné à grands renforts de sensations et d'ébats et qui à son terme laisse un vide semblable à tout ce que l'on peut imaginer du néant. Une défaite de l'intellect au profit de la pulsion. Cet élan vers cet autre anonyme. Dont la nécessité d'anonymat me permettait de devenir anonyme en quelque sorte à moi-même. Tout en mettant le doigt sur cette "vérité" d'être bien plus soi dans cet anonymat que travesti dans une identité. Un élan vers l'indifférencié qui à chaque fois était déçu, fabriquant contre mon grès la différence, me la révélant en creux. Le grain d'une peau, la cartographie d'une odeur, la sensation désagréable d'une caresse trop adroite, une chevelure rêche, une vulve trop large, des signes avant coureurs du dépérissement de la chair, vergetures, tâche de vieillesse , rides et ridules, une fois passées toute la littérature fumeuse et sentimentaliste que je pouvais m'inventer pour traverser les dégouts de façon héroïque, tombaient en quenouille quand je me retrouvais seul dans les rues à marcher vers mes gourbis. C'était survivre sur la fréquence de urgence, épouser la courbe de la course du temps, passer avec celle ci sous le niveau de l'amer pour m'enfoncer dans les ténèbres de la perte totale d'identité, dans le refus d'identité. Vers la mort ni plus ni moins. Chercher avidement en vain la fameuse voie étroite. Jamais avant d'atteindre la cinquantaine l'écriture ou la peinture ne m'ont apporté ce que m'offrait le sexe. Cette gravité tragique qui accompagnait celui ci, malgré tout l'humour que je pouvais parvenir à déployer dans la séduction, était cette lourde charge que je m'accrochais au cou pour me lancer du haut de tous les sens, vers un fleuve sombre charriant toutes les souillures de la ville. Un Gange personnel, entouré de brasier sur lequel flotte toujours une odeur de chair brûlée. Cette sensation d'être tout à coup en retard lorsque je me suis réveillé soudain au mois de janvier de cette année là, me foudroya. Comme dans la chanson de Brel : on se croit mèche on n'est que suif. Ce n'est qu'à partir de ce constat d'avoir perdu mon temps, de m'être fait floué, que je me suis demandé comment prendre mon temps. Ce n'est qu'à partir de là que j'ai aussi pris conscience que peindre est une façon de recréer quelque chose d'oublié, où qu'on n'a pas su voir ni comprendre. Et ce malgré toutes les informations, tous les mots d'ordre transmis par la famille l'école, l'église l'armée, l'entreprise. Ce n'est qu'en expérimentant moi même ce paradoxe que j'ai pu poser des couleurs et des lignes dessus, puis parallèlement peu à peu, laisser les mots les phrases remonter du centre de la terre comme ces pierres qui se métamorphosent du grossier vers le précieux. On sait pertinemment tout cela depuis toujours. Je n'inventerai rien en l'écrivant une fois de plus. On sait tout un tas de choses au fond de nous, mais leur utilité ne nous sert de rien tant que le temps n'est pas venu, voilà aussi ce que j'ai découvert en toute modestie. D'ailleurs cette découverte il se pourrait bien que je puisse la nommer modestie tout simplement. Prendre le temps c'est devenir modeste. Cela n'a l'air de rien évidemment quand on réside dans une idée d'importance, il faut du temps pour en saisir toute la subtilité. Ca s'éprouve comme la fadeur d'une soupe, la morue mal dessalée, et la douceur exagérée d'un loukoum. Huile sur papier 15x15 Avril 2021 Patrick Blanchon|couper{180}

Carnets | avril 2021

Nuit blanche

A minuit je me réveille et en prime je pète la forme. Un café, deux cafés et hop je vais barbouiller deux trois choses dans l'atelier pour me mettre en jambes. Et puis je me souviens que quelqu'un a posté un commentaire sur Facebook à propos de ce livre que j'avais publié l'année passée. Mais vous comprenez je ne commande rien sur Amazone. Je n'aime pas Amazone, je conchie Amazone.. ( bon là c'est moi qui brode un peu... ) Du coup je me suis dit que j'allais m'attaquer à une montagne, la remise en forme de mon site d'artiste que j'ai laissé pourrir consciencieusement depuis des mois, et qu'en plus j'allais créer une page spécifique sur laquelle mes milliers de "fanas" amazonophobes pourraient enfin jouir de l'acquisition de cet œuf plus vraiment très frais du jour... excusez du peu. Mieux vaut tard que jamais. C'est ma devise. Donc après avoir sué, tempêté, râlé ça y est c'est fait. En espérant que tout fonctionne, mais bien sur vous me direz si vous vous y collez. D'ailleurs je suis en train de préparer un second tome qui devrait sortir durant cet été. Peut-être que je ferai même des promos ... arf rien que d'y penser ça me met déjà les poils. Bonne journée ! propos sur la peinture|couper{180}

Carnets | avril 2021

Cheval

Mon premier meilleur ami, et sans doute l'unique c'est un cheval. Et curieusement lorsque je pense à la sincérité, à celle que l'on croit nécessaire, obligatoire pour écrire Je revois encore mon cheval Il est noir comme celui de Zorro Et son nom c'est le mensonge. Sauf que je ne l'ai pas peint en noir à menteur, menteur et demi. illustration dessin Patrick Blanchon Avril 2021|couper{180}