Fiction

Zoran Music , peinture.

Tout est souvent mal compris. Vite et mal. La surface seulement attire l’œil, la première impression, celle qu’on se hâte de recouvrir par des mots, des pensées, par tout un tas de choses qui nous confortent, nous rassure. C’est souvent comme ça mais on n’est pas obligé de s’y habituer. Il faut le savoir. Ce genre de réflexion me ramène à Louis-Ferdinand Céline et aux premières lignes du Voyage. Il le dit très clairement que tout est dû à l’imagination. Cependant qu’on les passe vite ces lignes. Je me souviens comment je les ai avalées tout rond, en me disant tiens c’est certainement un artifice. Il aura fallu que j’écrive des pages et des pages, des milliers pour me souvenir de ces premières lignes et de cette grande responsable qu’est l’imagination. Responsable mais pas fautive. Il faut le savoir aussi. Et on en met un temps fou pour se rendre compte. On écrit "je" et déjà c’est de l’imagination pure. Il suffit d’écrire les premiers mots pour comprendre à quelle point la sincérité est suspecte. Comment elle est difficile à suivre, comment elle ne cesse de nous esquiver. Jusqu’à la capitulation. Certains disent l’acceptation. Mais j’insiste. Capitulation ce n’est pas un vain mot lorsqu’il s’agit de remettre les clefs de la ville à l’imagination. Lorsqu’on saisit son pouvoir, sa puissance par rapport à toute quête de sincérité, d’authenticité, d’amour Capituler devant l’amour passe par l’acceptation des faits, par la reconnaissance d’une impuissance primordiale de ce "je" qui ne cesse de vouloir en placer une dans " j’écris". Laisser les commandes à l’imagination sans se mettre en travers du chemin, en s’écartant pour la laisser passer. ça ne donne pas grand-chose de plus dans l’absolu. ça donne des récits, des fictions comme on dit. Les lecteurs se demandent ensuite est ce que tout ça est vrai ? Pourquoi faudrait-il donc tellement que quoique ce soit soit vrai ? Pourquoi ce besoin perpétuel de se rassurer dans la présence d’une vérité, dans l’idée de faire la part du vrai et du faux ? Dans cette chose que nous nommons raisonnable et qui nous ramène toujours plus ou moins à l’amertume. Je n’arrive pas à boire mon café sans sucre. Bien que je n’en prenne désormais plus qu’un demi il me faut toujours ce gout légèrement sucré pour passer l’amertume. C’est peut-être mon coté hédoniste qui veut ça. Encore que je connaisse mieux comme hédoniste. Il y a un tas d’hédonistes qui boivent leur café ou leur thé sans sucre. Peut-être est-ce alors une relation personnelle à l’amertume en générale. En l’amertume tout court. Peut-être il y a t’il tant d’amertume que la fiction du sucre et qui flirte avec la dangerosité de son effet sur les artères et le taux de cholestérol m’est utile pour vivre. Je vis à la journée je ne vis pas pour dans 1000 ans. suis déjà bien content comme ça. Bien sur que ce texte est encore une fiction. Ils le seront tous à des degrés plus ou moindre. Quand on écrit je crois qu’on n’est pas tout à fait soi. On est tout le monde et personne. C’est à la fois agréable et désagréable en même temps lorsqu’on ne s’en rend pas compte. Il n’y a personne à féliciter ni à accabler surtout je crois que c’est ce qui manque à l’auteur le plus souvent Car il y a indéniablement imposture. Enfin moi je le prends comme ça. Ce qui fait qu’au bout du compte on peut me féliciter ou me conspuer, je m’en fiche, je sais bien que ce n’est pas tout à fait à moi que l’on s’adresse, même si pour ne pas heurter je fais semblant d’être content ou triste. J’ai cru devenir cinglé plusieurs fois en effectuant ce constat. Et sans doute le suis-je devenu sans même me rendre compte. Dans ce cas ce ne sera pas bien grave non plus, je serai classé comme fou et voilà tout. Le monde continuera de tourner comme il l’a toujours fait, c’est à dire en rond en créant d’immenses mensonges d’énormes illusions autour d’un grain de sable que l’on veut à tout prix nommer la vérité. — Et nous alors tu en fait quoi ? me disent un tel une telle. Je n’en fais rien justement. Je vous regarde, sans doute que je vous aime, certainement je vous aime, mais je ne peux rien faire avec ça. je veux dire que la surface visible de cet amour je la traverse sans vraiment m’y attarder, c’est là le hic car c’est justement là que se situent pour la plupart les preuves. Les preuves d’amour. Je n’en suis pas dénué. Je ne cesse de donner des preuves si vous voulez, pas celles que vous attendiez. Et puis des fois je me dis aussi que si vous m’aimez vraiment vous comprendrez, vous ferez vous aussi l’effort Moi j’ai l’impression d’avoir soulevé le monde déjà mille fois, sans doute que ça continuera encore mille fois sans que je ne me fatigue de trop. tant que j’ai suffisamment d’énergie pour me rappeler que tout ça n’est que de la fiction. Que je suis seul et fort pour supporter cette vérité.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener