Toutes ces peines, ces chagrins, ces désirs, un essaim incessant qui bourdonne gentiment dans la nuit.
Une richesse qui se brasse toute seule au fond d’un regard avare. Un ivrogne avide de conserver toute sa soif.
Une constipation sans fin. On voudrait tout garder encore et encore, ne rien lâcher.
S’y vautrer par confort face à l’inquiétude du rien.
Ressasser, en rajouter des couches, encore et encore, des questions et des « et si ».
Une abondance stupéfiante et toxique qui abolit l’espace et le temps.
Il suffirait de faire un pas de côté pour sentir le froid monter.
Glacé par ce face-à-face, on voudrait bien, mais on ne peut pas.
On ne peut pas et on se réfugie vite fait dans le fameux « c’est plus fort que moi ».
On ne peut pas, on n’est que ligne.
Mais quand même, on retente, on s’accroche, l’évasion fait rêver.
Imagine un autre rêve que celui-ci.
Peut-être une autre chance, une page blanche.
Mais que dit la mort sinon ce que l’on sait déjà, encore et encore ?
Épuise tout ça, mon petit gars, épuise.
Épuise encore, et tu verras.
Un peu comme Pavese, mal compris :
« La mort viendra et elle aura tes yeux. »
Je m’attendais à une amante, un genre de bombe qui ferait tout exploser,
qui réduirait tout ça en poudre pour toujours,
en poussière d’étoile, en origine.
Au final, je n’ai vu qu’un voile orange.
Le chirurgien tombe à point nommé, me débarrasse gentiment de mes vieux cristallins.
Changer de vision, ce n’est pas rien.
Mais l’habitude est reine, le confort de la peine est roi.
Pour un clin d’œil de joie, on paie ici des millénaires de chagrins.
C’est le prix, c’est sans doute ce que ça vaut.
Je serais bien foutu d’en abuser, je me connais.
Se ruer vers la joie pour échapper à soi.
Se barrer à l’anglaise, encore une fois.
Mais n’as-tu pas du tout de rêve ?
Bien sûr, j’en ai plein, mais rien que des rêves ne servant à rien.
Rêver à rien, c’est tout de même quelque chose.
C’est comme des coups d’épée dans l’eau.
Ça ne fait rien à l’eau.
Ça dit juste que t’as une épée dont tu ne sais pas quoi faire.
Tu ne l’emporteras pas au paradis, mon petit gars,
ah ça non.
Pour t’en débarrasser, juste un enfer à traverser.
Et puis maintenant, nu comme un ver, vas-y,
parle-moi donc de cet autre rêve.
Je plongerais le nez dans ton haleine de bébé,
j’écouterais ton silence,
et si tout se passe bien, alors je serais apaisé.