Au vitriol

Photo de Vlada Karpovich sur Pexels.com

( exercice d’écriture, s’entraîner à croquer de petites scènes ordinaires de la vie de tous les jours )

C’est difficile d’être méchante quand on est gentille. C’est ce que dit cette pouffe à sa copine, à la table d’à côté. Moi qui suis venu là pour être peinard, c’est raté. J’ai dû rester encore cinq minutes, le temps d’attendre la monnaie. C’est vachement long cinq minutes à écouter des conneries. La blondasse doit pas être loin de devenir championne régionale de débitage de conneries. En tous cas, elle a l’air d’y mettre du cœur. Encore une qui deviendra amère à la cinquantaine quand elle découvrira à quel point elle s’est gourée de sens dans le trafic. Mais à la cinquantaine il est généralement trop tard. Elle aura son Gégé incrusté dans le canapé IKEA, avec son gros bide, sa kro à la main et sa bite molle en berne, en train de mater du foot sur grand écran. Elle aura beau lui faire la moindre réflexion sur la vie de cons qu’ils mènent , le prier sur tous les tons de se retirer les doigts du cul, elle fera chou blanc. Prendre une petite voix melliflue pour demander —Chéri peux-tu sortir les poubelles ça commence à puer… Que nenni. Le Gégé sera sourd comme un pot évidemment. Peut-être même qu’il montera le son pour bien rester en immersion au stade des Princes. Et là, quand je la regarde elle a quoi, vingt piges à tout casser, beau châssis, tête vide.— c’est difficile d’être méchante quand on est gentille.
Pauvre conne me suis-je dis tout en leur souriant gentiment . Puis je me suis levé pour quitter l’établissement une fois la monnaie enfournée dans la poche. Le loufiat faisait la gueule, j’aurais laissé un pourboire ç’aurait été strictement pareil. Les loufiats sont des sales cons en général, Il faut bien appeler un chat un chat non.


Mieux vaut qu’on en reste là. Ça lui avait coûté de tapoter ces quelques mots, mais beaucoup moins que de composer le numéro et de l’avoir en direct. Maintenant la pression retombe , il se sent mieux, il a presque l’impression d’avoir été courageux. Le texto l’a soulagé à un point. Et ce bizarrement avait été si simple, alors qu’il revoyait mentalement ces derniers jours où il s’était pris la tête . Sur le comment lui dire que c’était fini qu’il n’avait plus envie de la voir, qu’elle le gonflait, qu’avec elle surtout il se sentirait toujours perdant. Il resta un instant à considérer son écran de smartphone. Il rouvrit l’application pour être certain que le message était bien parti. C’est à ce moment là qu’il s’aperçut qu’il s’était gouré de numéro de téléphone. Il avait envoyé le message à son patron. Quelques instants plus tard la notification arriva. — ça tombe bien que vous preniez l’initiative , j’allais vous le dire.


Monsieur, monsieur, ça va aller ? Le jeune homme qui se penchait sur lui avait une gueule de con mais il n’arrivait pas à savoir s’il lui en voulait à lui qui voulait l’aider à se relever, ou bien à lui-même qui s’est étalé de tout son long sur la chaussée. Un peu des deux sans doute. Il maugréa un ça va ça va fichez-moi la paix et parvint à se relever tant bien que mal. Le type le palpait en lui redemandant si tout allait bien… Monsieur, monsieur, rien de cassé vous êtes sûr ? Il le toisa en se redressant du mieux qu’il le pouvait de toute sa stature et se fendit d’un —ça va, je vous remercie. Le type parut rassuré, il lui posa une main sur l’épaule et dit encore — sûr ça va aller ?
Sûr !
Puis ils se séparèrent chacun allant de son coté. A un moment en poussant la porte de la boulangerie, il regretta d’avoir été un peu brusque avec le jeune type. C’est au moment de payer son pain qu’il s’aperçut qu’il n’avait plus de portefeuille.
Désolé j’ai dû oublier mon portefeuille à la maison dit-il à la boulangère. Puis il revint dans la rue un peu plus triste que lorsqu’il l’avait quittée, mais son pas s’en trouva tout à coup beaucoup plus affermi.

Post-scriptum

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Pour continuer

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

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mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener