mai 2023
Carnets | mai 2023
Disparitions
Je relis de vieux articles, pas fameux. Tout en bas, une ou deux personnes semblent s’y être arrêtées. Je clique sur leur avatar, curieux de voir ce qu’ils font sur WordPress. Et je tombe sur : L’auteur a effacé son site. Évidemment, ça m’embarque dans les allées d’un vieux cimetière, peut-être celui du Père Lachaise. Il y a les tombes célèbres, les visites obligées. Mais ce que je garde en mémoire, c’est l’émotion particulière face à une sépulture anonyme. Une dalle fendue, un nom presque effacé. Parfois, juste une nuance de terre signale qu’un corps repose là. Voir un site “effacé par son auteur” provoque un trouble semblable. Je pense à septembre, au blog que je n’ai plus envie de renouveler. Trop cher pour ma modeste bourse. Comment quitter la table avec élégance ? J’ai tout sauvegardé, au cas où WordPress décide de tout effacer à l’échéance. Peut-être que je remettrai tout en ligne ailleurs, chez un hébergeur plus abordable. Ou peut-être qu’il faut accepter de tourner la dernière page, pour pouvoir en ouvrir une autre. Ou peut-être que je ne toucherai à rien. Et je verrai bien ce qui se passe. C’est plutôt ça, mon style : faire avec.|couper{180}
Carnets | mai 2023
31052023
Une chose est importante quand on veut raconter des histoires, c'est de ne pas perdre le fil de celle-ci. Tous les menteurs savent le risque de se couper ainsi qu'il est d'usage d'employer ce mot. Mais si l'on utilise ce risque comme ressort de l'histoire, que se passe t'il ? Admettons un écrivain qui perd la mémoire de son histoire, qui du jour au lendemain ne se souvienne plus du nom de ses personnages, de leurs biographies fictives et qui passe son temps à tout modifier... non par malice bien sûr, mais parce qu'il ne peut faire autrement désormais. Comme en peinture le doute et l'hésitation provoqueraient un flop à coup sur. Donc c'est en assumant totalement cette perte de mémoire, en y allant à fond que ça risque d'être vraiment attrayant. En tous cas au moins pour celui qui écrira cette histoire. A part ça je suis passé à la clinique hier, quelques coups de laser dans chaque œil et un éblouissement fameux à la sortie. Heureusement, mon épouse m'a prêté ses lunettes de soleil. Il y avait un protocole à suivre avant l'opération que j'ai complètement zappé évidemment. Il fallait prendre une série de gouttes quelques jours avant et je fus penaud d'avouer au toubib que j'avais fait l'impasse. A un moment j'ai cru qu'il allait reporter le RDV au moins suivant. Mais non, restez là je reviens, il m'a flanqué des gouttes à lui dans chaque œil j'ai eu l'impression de passer un portail. tout est devenu supersensible, y compris les défaillances d'un spot du plafond que je n'avais pas remarquées auparavant. Ensuite une vingtaine de minutes d'attente pour laisser le temps à la pupille de se dilater et hop. Aucune douleur. Juste des éblouissements répétés. Fixez mon oreille gauche me disait le toubib... je ne voyais rien du tout, il fallait inventer, estimer une distance, une tête, une oreille et fixer l'œil sur cette création parfaitement imaginaire. "— juste un peu plus bas si vous pouviez" ajoutait-il parfois.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Assemblage
Lire avec attention, mais en conservant du recul. Noter au fur et à mesure des groupes de mots qui paraissent déjà vus, bizarres, plats, comiques, illogiques. Et les mettre les uns derrière les autres à la queue leu leu. voir ensuite ce que ça fait. Grand mythe fondateur. Symbole de vie. Puissance magique. Dispensateur de bienfaits. Œuvre d'art comme telle. Savez-vous que. A travers. Vous apprendrez. Découvrez le lien. Découvrez enfin. Comment [...] pour mieux. Enregistrez ce produit. Partagez votre achat avec vos amis. A défaut de prétendre. Pour aller vers le réel. Les obstacles auxquels il se heurte. Dans le cadre de. Son vrai titre. Le garant du système. Conduire une politique. Représenter l'institution. A double-titre. Un organe de presse. Nombreux déplacements. Le côté professionnel. Inciter les citoyens. Lire la presse écrite. Corriger les inégalités. Un regard collectif. Nous ferons le nécessaire. Dans ce style qui le définit si bien. Un récit passionnant. Dont on ignore encore tant de choses. Accablé de chagrin. Il s'est retiré dans la solitude. Il commença à se dire qu'une nouvelle vie était possible. Retrouvant ses reflexes. Une tragique pollution. Protéger des malversations. En laissant courir les rumeurs. Une malédiction pèserait sur la ville. Une réalité objective. Commentaire autorisé et décryptage. Si l'on doit caractériser. Un angle mort. Un policier abat un jeune homme. Toute une population. Le contrôle au facies. Positiver le négatif. C'est une simple bavure. Un plan social. Une affaire de mœurs. La légitime défense. la tyrannie du politiquement correct. Un lynchage médiatique. Un quartier sensible. Coller à son époque. Des instances de médiation. La voix de son maître.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Comme un jour de plus
Toujours le même exercice pour ceux qui suivent... Comme quoi… comme un cochon… comme un excentrique autour d’un axe taré… comme un jour sans pain… comme une moule claquée …. Comme trente-six chandelles…. Comme un coup de Sirocco… comme tu dis… comme elle est bien roulée celle-là… comme elle tu sais bien, machine … comme trois coups de cuillère à pot… comme un os dans le pâté… comme de l’électricité dans l’air … comme ça ne mange pas de pain… comme ce n’est pas pressé… comme il a dit le Môssieur… comme il est mignon le KIKI … comme chez vous, faites… comme nous l’avons écrit nous le faisons… comme des œufs au plat… comme une limande… comme un âne en rut… Comme si ça ne suffisait pas déjà… comme dans du beurre.. Comme un coq en pâte… comme papa dans maman… comme un blanc… comme un gros rouge qui tâche… comme un bourrin… comme une pédale… comme une danseuse… Comme un coup de trique… comme un rêve… comme un air de reviens-y… comme dans le temps… comme (à la guerre comme) … comme un seul homme… comme un troupeau de moutons… comme une frayeur… comme une étincelle…comme du pipi de chat… comme un gros blaireau… comme un castor… comme un ouragan… comme une andouille… comme une fleur… comme un poisson dans l’eau… comme une fausse note… comme un ange qui passe… comme un train qui peut en cacher un autre… comme type tu te poses là… comme on boit sans soif… comme on rit sans les yeux… comme on pleure des larmes de crocodile… comme se range des carrioles… comme on pète dans la soie… comme qui dirait… comme la lune pas le doigt… comme des oignons alignés… comme un petit vent frais… comme un gros coup de pompe… Comme elle est venue elle est repartie… Comme quoi j’avais bien raison… comme une cerise sur le gâteau… comme une parenthèse… comme une débandade… comme un coup de grisou.. Comme une maison ( gros ) … comme une chatte sur un toit brûlant… comme un film au ralenti… comme un film à l’accéléré… comme la mer et les poissons… comme du vent dans les voiles… comme un avion sans aile… comme une fourmi sans sucre… comme une mouche sans coche… comme un fleuve asséché … comme un lapin de la dernière couvée… comme un chien de ma chienne… comme une dent contre l’autre… comme un nez au milieu de la figure… comme des rats… comme des sardines… comme aux heures de pointe… Comme chien et chat… comme de l’eau de roche… Comme un mot de trop… Comme un aveu… comme un ciel de plomb… comme une plume… comme des pattes de mouche… comme un porc… comme une truie… comme un monstre… comme s’il fallait remettre encore ça… comme j’aurais voulu voir ça… Comme il perd rien pour attendre… comme une odeur de caoutchouc brûlé…comme ça pue … comme une crêpe… comme une orange… comme une pipe… comme une éclaircie… comme le bout du tunnel… comme un coup de trop… comme de la petite bière… comme une ville déserte… comme un coin paumé… comme un château de cartes… Comme des empreintes de doigt… comme une preuve par neuf… comme il fait chaud.. Comme il fait peur… comme il m’emmerde… comme il parle pour ne rien dire… comme il ne dira strictement rien… comme des veaux… comme un bœuf à l’abattoir… comme une flèche en plein cœur … comme une machine dans ma tête… comme il est beau mon légionnaire… comme le loup le renard et la belette…comme un air d’accordéon… comme une chanson de Mac Orlan… comme un poème de Prévert… comme une rue qui s’éveille… comme une grève de poubelle… comme une lettre à la poste… comme une marque sur le front… comme un juif, un noir, un arabe… comme un gland… comme une pute… comme un peu de rosée…Comme une petite pointe d’ail et de persil… comme un zeste de citron… comme c’est alambiqué ton truc mon biquet… comme elle nous bassine… comme elle nous retourne… comme elle nous achève… comme elle suce… comme elle fait les cent pas… comme elle fait le trottoir… comme il est con comme un balai… comme quoi déjà ?… Comme un cochon ! Comme l’occasion fait le larron… comme un air de fandango…comme un loir… comme une grue… comme une poule… comme un pou… comme des animaux… comme dans une bauge… comme un asticot… comme le ver dans la pomme… comme une roue voilée… comme une trace de freinage… comme un oubli… comme un pet de travers… comme un coup foireux… comme en quarante… comme au boxon… comme à l’école… Comme à la cantine… comme du papier à cigarette… comme une injonction… comme une résistance… comme un nœud dans la gorge… comme un truc dans le nez… comme un sale goût dans la bouche…comme des queues de pelles… comme un manche… comme une tête de pioche… comme un râteau… comme une initiation… comme une défaite cuisante… comme le passage sous les fourches caudines… comme un peu de rouge au front.. Comme un œil au beurre noir… comme une page arrachée… comme des signes néfastes… comme des routes qui ne se croisent jamais… comme un cerf qui brame… comme un vol de gerfauts … comme une ombre… comme une lueur d’espoir… comme une prémonition … comme un torticolis … comme une jambe de bois… comme un point à l’horizon… comme la fin d’une belle histoire.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Comme si
c’est comme si [cécomci] Une condition pour qu’il y ait du similaire, du semblable, sinon ça reste monstrueux. Si c’est presque emblable, le comme tombe comme un cheveu dans la soupe. Le comme devient alors insensé. Justement, plongée dans l’insensé. Comme si de vieilles lunes, déjà, étaient mille fois tombées sur Terre, emportant dans leurs débris les vivants d’autrefois, surpris en plein rêve. Comme si, dans les récits rédigés en sanskrit, on ne racontait pas des histoires pour enfants sages, mais de vraies histoires cruelles et sanglantes, et où le mal déjà montrait le vilain bout de son nez. Comme si les dieux étaient des êtres de chair et de sang vraiment, tout aussi impitoyables et colériques que nous le sommes envers nous-mêmes. Comme si leur image n’était pas pur effet de style. Comme si l’éternité dont nous rêvons, la rose ne la rêvait pas aussi, mais la vivait désormais comme nous ne la vivons plus. Comme si la rose la vivait d’autant plus fort que nous ne la rêvons plus, pour compenser le manque et redresser un équilibre oublié, défaillant. Comme si les ours avaient enseigné à nos ancêtres, il y a 300 000 ans, à utiliser les anfractuosités de la roche pour faire naître le vivant au travers de la magie du dessin, en utilisant du bois brûlé, de la terre d’ocre. Comme si ridicule est ce milliardaire qui se bourre de gélules pour garder une peau de bébé, que cet autre, plein aux as, rêvait de conquérir Mars la rouge, qui fut jadis probablement notre origine. Comme si les choses s’accélèrent désormais, à un point de non-retour tel que rien ne pourrait plus être arrêté, sauf par un miracle ou un cataclysme. Comme si l’arrivée des flottes extraterrestres allait compenser la fuite fiscale des consortiums qui, sur notre dos, se sont tant gavés. Comme si la voiture électrique, le robot aspirateur électrique, la vitre électrique, le vibromasseur électrique allaient fournir la moindre impulsion électrique à nos cœurs éteints. Comme si l’encéphalogramme plat allait bondir à nouveau vers une orgie de synapses. Comme si les bruits de bottes allaient être étouffés par les spots publicitaires à gogo, les trois pour le prix d’un, les promos. C’est comme si Rome, Athènes tombaient encore et encore, en direct au journal de 20 h, et que nous en restions indifférents, décérébrés. Comme si la seule sensation valide était encore celle du pouce zappant sur les boutons des chaînes de nos télécommandes. C’est comme si mai tournait en eau de boudin, que le printemps, jadis si gai, devenait tout à coup, comme tout le reste, poussif en nos têtes et cœurs. C’est comme si, dans le ciel, les oiseaux se fichaient de nos tourments de riches, d’opulents, et qu’ils partent encore à la quête de leurs rêves de nids, de progéniture, en s’en moquant.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Pessoa comme Lautréamont
Je l'avais lu tôt, l'intranquillité de Pessoa résonnait tellement bien avec la mienne. Trop tôt peut-être, j'aurais pu encore jouir un peu de la jeunesse si je l'avais lu vers la quarantaine. Mais cette phrase "vivre cela n'est rien, naviguer est précieux" ou encore celle-ci, "je ne suis rien mais en moi il y a tous les rêves du monde..." Elle auront achevé une grande partie de mes doutes sur le fait de vouloir être quelqu'un et certainement avant même que je commence à en prendre conscience. Pas étonnant de voir que Lautréamont évoque également cette nécessité d'anéantissement de l'auteur. Pessoa comme Lautréamont comme on pourrait dire étoile comme fleur. L'utilisation d'un comme nécessite une disparition, d'abattre certaines cloisons. Il ne s'agit plus de métaphore au sens où on utilise la métaphore par défaut ou par facilité. Tout au contraire. On use du comme comme d'une gomme. Maintenant concernant la conscience que l'on peut continuer à entretenir durant la mort comme de son vivant, il s'agit probablement de la même chose, c'est à dire se résoudre à passer par le goulot étroit de cet anéantissement. De mettre fin à une fiction. Cette fiction qui, pour exister, aurait besoin d'une réalité. Une absence parce que les mots viennent mieux ainsi, ils ne sont plus freinés. Les mots sont comme des bolides qui traversent l'espace intérieur, et partant rendent compte de l'existence d'un tel espace. Qu'on puisse les projeter ensuite vers l'extérieur nécessite l'invention d'un extérieur également. On pourrait dire alors l'intérieur comme l'extérieur. J'ai souvent pensé non pas à la mort mais à qui j'étais avant de venir au monde. Avant de naitre et après-vivre, n'est-ce pas tout comme, abstraction faite de toutes les péripéties. très métaphysique ce mardi.|couper{180}
Carnets | mai 2023
L’imaginaire
Il faut être dans le plus dur du dur de la réalité pour découvrir l'immense potentiel de l'imaginaire. Les gens qui vivent dans un certain confort ne savent pas à coté de quoi ils passent. Je me faisais cette réflexion hier encore en inventant une histoire d'enlèvement par les extraterrestres, en direct, face à mon beau-frère. En prenant le ton le plus sérieux qu'il soit, et en fournissant suffisamment de détails mais pas trop non plus, l'ellipse est essentielle dans ce genre de narration, je vis son visage s'allonger, son regard chercher un appui sur le mur du fond derrière moi. "— Est-il devenu cinglé ?" semblait demander au mur ce regard. Evidemment je me mis à sourire pour le rassurer. "— je plaisantais, bien sûr..." Il en fut à la fois soulagé et un peu triste je crois bien. Mais le fait est qu'on ne devrait pas raconter à n'importe qui tout ce qui se passe dans notre vie. Même avec les meilleures intentions du monde. Comme par exemple tenter de réveiller un peu l'imagination de nos proches qui souvent parait bien endormie. Je racontais ça au pilote de la soucoupe qui se gondola, si tant est qu'un être métamorphe puisse se gondoler comme nous autres humains, bien sûr. Le voyage est assez long jusqu'à Alpha du Centaure, il faut bien parler de quelque chose, même si dans le fond, on n'a pas grand chose à dire.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Comme un chant
( suite de l'exercice d'écriture d'un atelier de FB à partir de l'adverbe Comme et de Marcelin Pleynet, de Lautréamont.) comme j'allais à rebours, effeuillant page à page, feuille à feuille, la fausse mémoire de ma fausse vie, je découvris soudain un vide logé dans la reliure qui m'intrigua et dans lequel je pénétrai, non sans quelques difficultés, car j'avais, dans l'opération précédente déjà, perdu énormément de mon ancienne souplesse. comme j'atteignais l'obscurité totale je n'avais aucune indication concernant la taille de l'excavation. Était-elle de la taille d'une boite à gâteaux, d'une tombe, d'un continent noir, cette question me servi un instant de béquille pour m'installer au calme dans la nuit. comme j'étais là depuis un moment, était-ce des minutes, des heures, des siècles, difficile à dire, mes yeux peu à peu s'habituèrent et commencèrent à distinguer les contours d'une terre immense, sorte de paysage marin, peut-être une grande baie bordée de part et d'autres par de prodigieuses falaises. Comme je m'interrogeais sur la hauteur de ces falaises j'aperçus soudain dans le ciel des milliers d'étoiles dont les lueurs brillaient faiblement mais suffisamment pour que je puisse me faire une idée assez juste de l'innombrable. comme j'étais allongé sur le sol l'idée me pris de me relever et de me dégourdir les jambes, j'y voyais désormais suffisamment pour rejoindre une grande plage où la pâleur semblait indiquer qu'elle était constitué de sable clair. comme j'étais entré pieds nus dans cet étrange pays, je fus heureux de constater que je retrouvais de vieilles sensations oubliées, comme celle de marcher sur une herbe mouillée, puis sur le sable, et même parfois de sentir sous la plante la dureté tout à fait agréable d'une pierre, d'un rocher. comme je m'interrogeais sur le différence appréciable entre ces sensations que j'appelais nouvelles faute de mieux et celles habituelles quand dans la vie de tous les jours on marche pieds nus sur de l'herbe ou du sable ou des rochers, l'idée suivante et qui parut à ce moment éminemment logique était celle qu'en passant à travers la reliure du faux livre de ma fausse vie j'étais mort. comme je réfléchissais à la nature de cette mort, et que je désirais pousser la logique vers ses extrémités les plus extrêmes je découvris soudain que j'étais encore plus vivant que jamais je ne l'avais jusque là été. comme j'en étais content, j'ouvris la bouche et sans la moindre volonté de ma part quelque chose en sorti et qui réflexion faite, avait l'air d'être un chant. NB. Il est possible de supprimer la toute première phrase, ou de la sauter, elle ne sert à rien sauf à commencer.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Bibliothèque de sons
De quoi a t'on besoin pour écrire ? des sons essentiellement. Peut-être qu'on se fabrique ainsi, sans le savoir, une gigantesque bibliothèque de sons et qu'à un moment ne sachant quoi vraiment en faire, on se met à les écrire. Ensuite quelle intention se cache encore derrière le fait de les faire écouter à d'autres ? Il faut peut-être rester ferme vis à vis de nos curiosités, ne pas les écouter. Ecouter n'est pas savoir, et probable que c'est aussi cela savoir.|couper{180}
Carnets | mai 2023
Des raisons de refuser
soudain cette phrase qui parait sortir de la page : "Il y avait, je crois, des choses qu'il ne voulait pas comprendre pour ne rien perdre de ses antipathies et de ses dédains."|couper{180}
Carnets | mai 2023
Komme
Ils sont dans la pénombre de ce que j'imagine être un wagon à bestiaux, dans un train, ils ne se parlent pas, ils se regardent, et là, elle Romy dit "—komme" à Jean-Louis. Sauf qu'elle n'est pas Romy mais Anna et lui n'est pas Jean-Louis mais Julien. Que le wagon à bestiaux est en fait un fourgon selon la page Wikipédia du film. Mais peu importe les prénoms, les mots, l'époque, les différents caractères qui surgissent à l'intérieur de de cette scène, Soudain un portail s'ouvre entre le réel et l'imaginaire. Est-ce que ça change grand-chose que ce soit en allemand ou en français ? "— komme, viens..." C'est bien possible. "—Viens" aurait un tout autre effet, peut-être de l'ordre du trivial, un mot qui appartient plus au vocabulaire de la prostituée présente dans le wagon ( Régine) Ce komme crée une sacrée différence, comme un saut quantique. C'est comme un livre de littérature classique qu'on ouvre, comment lit-on aujourd'hui au XXI ème siècle un tel texte ? Quelle est la réception actuelle d'un texte de Cervantes, de Montaigne, de Rabelais ? Se prendre un livre de littérature classique de plein fouet sans avoir été prévenu comme on peut se prendre un poteau, un autobus. Le texte comme le dialogue d'un film reste immuable, intemporel. La lecture est du temps, elle est du temps dans le temps. Lire c'est peut-être amortir. Amortissement pas forcément un mot de comptable. la chute d'une feuille, un éclat de voix, le temps que prend une nouvelle pour nous parvenir. La lecture et son lent déploiement, ses ramifications, ses affluents. S'y avancer nu tout en restant attentif à ce qui nous touche est essentiel. Ensevelir un texte sous des références historiques, universitaires peut le rendre impressionnant bien sûr mais ce sera tout de même l'émotion éprouvée qui nous aidera à en conserver le souvenir, la trace. Un livre peut dire "—komme" un lecteur peut dire "— j'arrive" sans prononcer le moindre mot.|couper{180}
Carnets | mai 2023
30052023
Réception des ambassadeurs siamois par l'Empereur Napoléon III au palais de Fontainebleau, 27 juin 1861© RMN-GP (Château de Versailles) / Droits réservés Ça y est mai se termine. Je n’ai pas compté le nombre de textes écrits ce mois-ci. Il doit y en avoir un bon paquet. Minimum deux par jour en moyenne. Et d’ailleurs quelle importance de compter. Tu ne vas pas t’y mettre aujourd’hui. Lu hier soir un peu du Lautréamont de Marcelin Pleynet. Que de supputations de part et d’autre. Un peu étonné par les avis de Bachelard concernant la biographie du jeune Ducasse et surtout toutes ces interprétations qui seront extraites de si de peu de chose finalement. Que la littérature soit le fruit d’un règlement de compte, d’une revanche, d’un complexe d’infériorité ou de supériorité la place dans le camp des psychologues et des universitaires qui cherchent toujours des raisons à tout. D’ailleurs ceux qui prendront Lautréamont pour un doux dingue sont souvent dans l’enseignement. Ce sont les serviteurs d’une certaine vision de la littérature au même titre qu'on retrouvera les mêmes en peinture. Chaque art institutionnalisé possède ses serviteurs zélés pour entretenir les échafaudages branlants de la culture telle qu’on veut nous l’imposer. Il y a une gène à penser que Lautréamont ou Ducasse soit mort jeune. Et qu'on profite ainsi de sa disparition précoce. Qu'on l'élève ainsi à une position d'étoile presque naturellement. Car dans le fond, Que sait-on vraiment de l’existence à 25 ans ? Et surtout possible que nombre de vieux barbons ayant renoncé à la fulgurance du génie de leur jeunesse en soient non pas admiratifs chez l’autre mais fondamentalement jaloux. Cette jalousie se dissimulant dans de gros livres bourrés de propos prétendus sérieux ou savants. Ce dont se moque éperdument le génie de la jeunesse qui d'ailleurs ne sait même pas qu'il est génie. Est-il possible d’admirer qui que ce soit sans que cette admiration nous propose un reflet de nous-mêmes, de qui nous fûmes, de qui nous rêvions d’être dans le temps ? C’est le fameux phénomène d’identification sur lequel on nous interroge avec inquiétude tout au long de notre scolarité. “—Va t’il enfin pouvoir s’identifier à quelqu’un ? Ça nous soulagerait bien, et nous serions tranquilles un moment” Comprendre ce phénomène de reflet trop jeune est une malédiction car on ne peut que se méfier alors de toute admiration. Toute admiration prétendument spontanée fini par être polluée par l’introspection. C’est un long processus de passer de l’admiration à l’amour. Et encore il faudra se farcir toutes les strates pour parvenir à s’anéantir proprement face à l’événement d’aimer, face à son authenticité surtout si on y accède après avoir ruminé longuement le mot authentique. Pleynet débute son livre avec des témoignages concernant la jeunesse de Lautréamont ( je préfère dire Lautréamont que Ducasse finalement ) C’est toujours la même scène qui est reprise de témoignage en témoignage. Un jeune homme efflanqué assis devant un piano dans une chambre d’hôtel et qui, au fur et à mesure qu’il écrit plaque des accords au grand désespoir de ses voisins. Sorte d’image refuge pour la plupart. De même que le récit de la vie scolaire est toujours celui d’un être qui semble perdu, dans sa bulle et qui n'est visiblement pas très doué pour la poésie voire qui la réfute telle qu’elle est enseignée. On pourra dire ce que l’on voudra, étudier Lautréamont au lycée est une ineptie. Déjà parce que les enseignants ne font que répéter ce que d’autres leur ont appris de l’œuvre la plupart du temps et que de plus les phrases à rallonge n’offrent que peu d’intérêt aux étudiants de cet âge. Ca les ennuie surtout. Encore que je ne fasse encore que parler de moi bien sur. De ce moi à l’âge des étudiants d’un lycée d’autrefois, dans les années 70. Alors qu’il y avait tant de choses à étudier d’autre, notamment cette liberté sexuelle, grande nouveauté s’il en est. A moins que justement les têtes pensantes de l’Académie imaginent le placer dans le programme pour tenter de canaliser une libido débordante. Car un psychologue ne verrait dans ce texte des Chants qu’une resucée de ce que lui a enseigné Sigmund, que le sexe est à l’origine de tout, y compris des chants de Maldoror, surtout de ce genre de textes. Alors que si l’on lit ce qu’en dit l’auteur c’est tout le contraire, c’est l’anéantissement par d’autres moyens, par tout autre moyen, notamment celui de l’exercice de la langue, une remontée à ses origines, à son incohérence fondamentale. A l’incohérence fondamentale de l’égo tout autant que de tout narrateur, tout personnage et même de toute histoire, notamment celle littéraire. En quoi tout cela m’intéresse t’il soudain ? Assez modestement quant à la rédaction de ce blog dont les enjeux sont à peu près les mêmes, y compris cette nécessité d’anéantissement. Cet anéantissement ce n’est pas celui de l’être cependant mais de cet ensemble de couches mensongères que la notion d’avoir, de posséder ; de maîtriser, aura enseveli Comment en finir avec ce mensonge, en le montrant, en le désignant sous toutes ses formes, en l’épuisant, ce qui n’est pas une mince affaire. Parallèlement je reviens sur le fait d’avoir perdu ma voix il y a deux semaines et qui prend un sens symbolique tout à coup Perdre sa voix ce n’est pas rien. Je suis allé consulter et je m’en suis tiré avec une semaine d’antibiotique. Ma voix est revenue. Mais un petit doute subsiste. Si ma voix physique est revenue, quelque chose s’est produit dans l’invisible. Une mue. Ce qui provoque un certain nombre de rêveries tout droit surgies de l’enfance, comme si perdre ma voix d’adulte me ramenait illico à une période de puberté. A cette charnière où l’on voit s’évanouir sa voix d’enfant, mais pas seulement, tout un monde que l’on porte en soi et dont l’abandon sonne le glas de cette enfance. Comme si l’on se sentait poussé par des forces maléfiques à troquer son enfance ; et tout ce qui nous est de plus cher, contre des compromis médiocres afin de pénétrer dans l'âge adulte. Avec surtout cette obsession, cette obstination à être accepté comme tel. Troquer une immaturité prétendue contre une autre avérée alors qu'on sait d'avance qu'avérée est synonyme d'imposée, c'est un supplice. De là tous ces phénomènes d’identification, ce besoin de modèles, ces admirations etc etc. Il y a aussi une envie de renoncement très forte à ce monde dit adulte mais que je considère totalement cinglé. Bien sur je ne le peux pas. Je ne peux pas renoncer complètement. Mais écrire une histoire féerique m’attire beaucoup. Revenir à des archétypes essentiels. A une relation binaire bien et mal serait reposant, voire même roboratif. Quand je repense aux textes d’Elie Faure sur la décadence de l’art chez les grecs, c’est, dit-il par l’excès de détails, de drapé surtout, par l’abondance de nuances que la décrépitude s’installe. Et du coup si je poursuis ce raisonnement je ne peux pas faire l'impasse sur ce qui est en train de se produire en Espagne comme un peu partout désormais en Europe. La montée de l'extrême droite qui justement prétend proposer une vision binaire du monde, du bien et du mal, de revenir à des valeurs claires, bien tranchées dans le vif, rassurantes. Et pour revenir à Lautréamont et à cette période sinistre dans laquelle il a vécu il est difficile de ne pas faire un rapprochement avec la notre. Napoléon III et la naissance du capitalisme, la naissance de l’horreur et puis cette période dans laquelle nous sommes, son agonie, ses sursauts effroyables encore à venir certainement du monstre qui sent bien qu’il est en train de crever. Possible que le désir d'ordre, de dictature soit l'accompagnement récurrent de l'anéantissement d'un phénomène économique défaillant. Une sorte d'outrance comme on peut trouver dans les phrases à rallonge, bourrées d'images de métaphores en regard d'une autre outrance qui elle assène à coups de bottes et d'armes lourdes l'impératif de la sobriété.|couper{180}