Ce qui est une tuile

Une autre idée qui peut être digne d’entrer dans le recueil “ les pensées d’un idiot “
La sensation parfois de pousser le bouchon plus loin que nécessaire. Ainsi cette pensée sur les œuvres, toutes les œuvres qu’elles qu’elles soient. Celles que l’on classe par catégories, avec des qualificatifs, des jugements, des avis d’experts, celles qui méritent qu’on s’y attarde, et les autres qu’on met en un clin d’œil au rebut.
Toutes les œuvres se valent sur le plan de l’être. Elles sont. Tout œuvre est ce qu’elle est. Et ce avant même que l’on pose un regard sur elle. Ce regard qui ensuite désire se l’approprier ou la repousser.
Le professeur en vieillissant ne parvenait plus à dire si les œuvres de ses élèves étaient “bonnes” ou “mauvaises”. Avec les années son œil s’était exercé à un tel point qu’il était parvenu à dépasser les critère de jugement habituels que fournissent l’éducation, l’apprentissage, la pratique. Il ne parvenait plus vraiment à se souvenir à quel moment l’étrange phénomène s’était produit.
Un jour il ouvrit la porte de l’atelier, aperçu les élèves installés devant leurs chevalet, puis il avait considéré cet ensemble et en était resté interloqué. Tout était parfait. Il n’y avait rien à dire sur quoique ce soit. Tous les tableaux tombaient d’aplomb. Il n’y voyait partout qu’harmonie, justesse, perfection.
Ce qui est une tuile.
Car si le professeur avait perdu sa langue, il conservait une assez bonne oreille, et peu à peu les voix des élèves lui parvinrent.
— Comme c’est moche.
— Je ne sais vraiment pas où je vais avec cette croûte.
— Je suis complètement perdue,
— Rien ne va plus
Cela le réveilla de sa torpeur, ou de sa rêverie.
Il comprit qu’il devait poursuivre sa tâche jusqu’au bout ainsi que tous attendaient qu’il le fisse ou face. Il ne pouvait pas rester de profil.
Il passa le reste de la journée à produire du conseil comme tous l’attendaient.
—Moins bleu ce bleu
— Plus rouge ce rouge
— Plus épaisse cette ligne
— Pas nécessaire celle-ci.
Ce faisant, il se voyait lui-même d’une façon étrange. Il était en même temps lui et un autre
tout comme ses élèves étaient eux-mêmes et encore d’autres.
Plusieurs fois dans la journée il éprouva l’envie de dire
—Arrêtez Arrêtez tout, cessez cette comédie !
Cependant il n’en fit rien, la réalité grondait derrière les verrières de l’atelier.
Un orage formidable, des grêlons gros comme des œufs de pigeons.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}