Digne d’être
Sans titre Techniques mixtes sur toile 80x80 cm Mai 2023
« Ce livre ne sera publié intégralement que quand l’auteur aura acquis assez d’expérience pour en savourer toutes les beautés » Alfred Jarry (à propos de “Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien”)
Pourquoi tu ne fais rien de tout ça. Si rien signifie pour toi laisser tout ça -tous ces textes- tranquilles, en l’état.
Où encore , si la difficulté première, celle de penser en faire quelque chose
touchait, comme on gratte une croûte pour raviver une plaie,
à la dignité d’être de quoi que ce soit.
L’embarras à la seule pensée de déranger le monde vraiment.
Vraiment, c’est à dire pas pour rire, mais, au contraire,
l’entraînant vers une tristesse encore plus grande.
L’orgueil peut aller jusqu’à ce point de l’horizon ,
attirant ainsi à lui, par convergence, toute perspective.
Car peu de distance en somme entre le rire et la tristesse, dans la logique de ta syntaxe .
Les textes en l’état doivent donc, encore, toujours, acquérir, pour toi, de la dignité.
Ce qui signifie donc qu’à l’heure actuelle ils n’en ont pas, ou si peu.
Mais qu’elle est donc cette dignité,
quelle idée de dignité t’empêche
et simultanément, par l’effet des vases communicants
te pousse vers l’audace ?
L’audace des timides, des moins que rien, des laissés pour compte.
Aucun entraînement des nerfs acquis- péniblement-
sur les bancs des écoles, des pensionnats des chapelles, des entreprises,
n’a jamais pu te convaincre d’une dignité digne de ce nom.
Tu leur a opposé, à toutes, celles entendues, ces dignes dignités affichées, et vues, bien vues,
de beaux refus.
En commençant par leur dire — oui, bien sur, montrez-moi donc votre fameuse vertu
Je n’en vis aucune qui ne fut pas soutenue par autre chose qu’un vice.
Le vice et la vertu et vice versa.
L’empressement à devenir digne ne vient-il pas toujours de la peur d’être indigne ?
Et plus la peur sera grande, plus l’empressement brouillon.
Mais au bout de tous ces brouillons que nous reste t’il ?
Que te reste-t’il ?
Sinon un doute sur ce qui les aura poussé à se produire,
se reproduire, se multiplier et croître
La crainte de ne pas être ?
Le désir d’être ?
Deux erreurs de logique, de métaphysique.
Tentons alors la pataphysique
Trouvons une solution purement imaginaire
Une hypothèse folle peut-elle apporter une sage certitude ?
Et si l’erreur se logeait dans les mots d’abord
Hypothèse et certitude.
Sur ce qu’on ne saisit pas des mots
Qu’on ne saisit jamais l’insaisissable des mots.
Une forme de dignité alors pourrait naître sur le seuil de l’insaisissable
Un nouveau-né enveloppé dans des linges douteux
Que le désir de ne pas dépasser ce seuil recueille
Emporte chez lui pour apprendre ou prendre soin,
De la dignité comme de l’insaisissable
Et, cependant le paradoxe est ce respect envers la chose qui surgit
Le texte qui arrive de nulle part.
Que tu n’oses qu’à peine modifier
Pour ne pas mettre trop visiblement ton grain de sel.
Pour ne pas te mettre en avant.
Tu voudrais tellement ne pas te mettre en avant
Que c’est évidemment tout le contraire qui se produit
Souvent.
Dans ton monde à toi pas de différence entre peur et désir
Dignité et infamie
Encore que tout cela ne soit bien sûr que des mots
Destinés à tenter de cerner l’insaisissable
En lui lâchant la bride
En l’observant s’ébrouer par delà les remparts, les barrières,
la phrase, le paragraphe, la page
En définitive peux tu dire que tu as compris quoique ce soit à tout ça ?
Parfois tu le crois, d’autre fois non, rien.
Attraction répulsion c’est la loi.
Il y a la dignité que l’on affiche et puis l’autre à soi
qu’on n’ exhibe pas.
Entre les deux ce n’est pas ton cœur qui balance,
c’est plutôt la loi de l’attraction-répulsion qui commande.
En même temps ce titre ne veut rien dire du tout,
je crois que c’est juste un pléonasme voilà tout.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}