dialogues
          
        
      
      
      
        
         conversation 1
      
      
      
       
        (Un espace presque vide. Deux voix. Pas de décor, ou seulement un peu de lumière qui tremble. Silence avant chaque phrase.) 
LUI — Tu sais qui je suis ? 
L’AUTRE — Peut-être. Ou pas. Tu cherches encore. 
LUI — J’ai tout effacé. 
L’AUTRE — Ce n’est pas grave. Ce qui reste ne s’efface pas. 
LUI — Je ne cherche plus un nom. Je cherche ce qu’il y a avant. 
L’AUTRE — Avant quoi ? 
LUI — Avant le mot, avant moi, avant tout. 
L’AUTRE — Alors tu cherches le silence. 
LUI — Non. Ce qu’il y a juste avant le silence. 
L’AUTRE — L’air ? 
LUI — Oui, peut-être l’air. Ou ce qui bouge dans l’air. 
(Un temps.) 
L’AUTRE — C’est une drôle de conversation. 
LUI — Une conversation pour rien. 
L’AUTRE — Les meilleures le sont. 
LUI — C’est difficile pourtant. 
L’AUTRE — Parler sans but demande du courage. 
LUI — Je veux comprendre comment les choses commencent. 
L’AUTRE — Pour savoir comment elles s’achèvent ? 
LUI — Les deux en même temps. 
L’AUTRE — Alors tu ne veux pas comprendre. Tu veux voir. 
(Silence. La lumière baisse un peu.) 
LUI — Je ne sais pas. 
L’AUTRE — C’est déjà beaucoup. 
LUI — Tu me prends pour un mystique ? 
L’AUTRE — Non. Pour quelqu’un qui écoute trop bien. 
(Un léger rire.) 
LUI — Ce pourrait être du théâtre. 
L’AUTRE — Ça l’est déjà. 
(Ils se taisent. On entend presque leur respiration. Puis :) 
LUI — Je cherche un “moi”, je tombe sur une tenue. 
L’AUTRE — Tiens-toi comme tu écris. Écris comme tu respires. 
LUI — C’est une tentative. 
L’AUTRE — En vain. 
LUI — Oui. Et pourtant nécessaire. 
(Silence long.) 
L’AUTRE — Alors on continue ? 
LUI — Pour rien. 
L’AUTRE — Pour rien. 
(La lumière s’éteint lentement. On entend le bruit d’une tasse qu’on repose sur une table.) 
En 1945, Samuel Beckett publia un article intitulé « Le Monde et le pantalon », qui évoquait les peintres néerlandais Abraham et Gerardus Van Velde, plus connus sous les noms de Bram et Geer. Beckett a conclu : « Nous commençons à peine à dire du mal des frères Van Velde. J'ouvre la série. C'est un honneur. » référence site|couper{180}
      
      
      
      
        
          dialogues