octobre 2022
Carnets | octobre 2022
question
Se poser des questions c'est tenter d'explorer une idée de contrôle. Est-ce que je sais tout du monde ou bien y a t'il une ou deux petites choses qui m'échapperaient ? La question surgit quand nous éprouvons la peur que quelque chose nous échappe. La question semble donc liée à la peur de la perte de contrôle. Qui ne se pose pas de question ? Quelqu'un qui n'a pas peur de perdre le contrôle. Quelqu'un qui sait que le contrôle tel qu'on l'entend généralement n'existe pas. Quelqu'un qui sort de l'illusion de vouloir contrôler quoi que ce soit. La question au Moyen-Age était un autre mot pour la torture. Aimons-nous nous torturer et pour quelles raisons ? est-ce que la torture procure une sensation d'exister, d'être vraiment vivant en s'opposant à quelque chose, en résistant à, puis finalement en y cédant. Question-réponse, inspirer, expirer, vie et mort, cycle d'une respiration. Il serait sot de ne pas se poser de question pour autant. Mais avec une nuance de taille : Accepter que la question est une partie d'un cycle, que la réponse n'est pas corollée à l'immédiat, qu'elle peut parfois attendre des années, voire même ne jamais venir en relation avec cette question précise. Une réponse peut aussi arriver tout à coup déclenchant une question à son propos sans qu'on y ai pensé en amont. Que puis-je faire de cette réponse dont je ne sais que faire... ce que l'on nomme la modestie, l'humilité est peut-être cet état où l'on pose encore des questions tout en sachant que la réponse ne viendra pas immédiatement. Que la question est juste une intention que l'on projette dans l'espace-temps sur un sujet, un problème qui, de toutes façons, atteindra son but tôt ou tard. Accepter Que la réponse ne viendra pas non plus sous la forme attendue. Qu'une vigilance, une veille, une sorte de tâche de fond sont requises pour évaluer toutes les réponses incessantes du monde afin de repérer parmi ce fatras, celle qui matche Est-ce que l'on peut comprendre intellectuellement la réponse, non ce n'est pas le premier point d'entrée. Plutôt se fier à l'émotion éprouvée lors de son arrivée. Que ça monte au cerveau ensuite n'est pas une obligation non plus. Conserver une réponse sous la forme émotionnelle, s'habituer à stocker ainsi l'information par une vigilance accrue, permet de se défaire d'une habitude comme d'une peur, celle de perdre le contrôle.|couper{180}
Carnets | octobre 2022
Libre
Libre de changer d’avis. Tellement s’accrochent à cela. Leurs opinions et avis. une fois j’ai passé des heures à observer comment s’agglutinent les déchets à la surface du bassin qui est face au Sénat, jardin du Luxembourg, Paris. Et bien ils ne s’agglutinent pas n’importe comment. Il y a là des phénomènes très intéressants à constater de visu. Une affaire de masse, d’orbites, même pour une vulgaire paille en plastique, un bouchon de champagne, un paquet vide de cigarette. L’attraction et la répulsion jouent ici un rôle de triage évident. Que sont les opinions et avis là-dedans… bien malin ou bien bête le dira.|couper{180}
Carnets | octobre 2022
Classer
A chaque fois le classement m’entraîne vers le vertige. Décider qu’une chose, quelle qu’elle soit, ne puisse être associée qu’à une catégorie, une seule, est du domaine de l’invraisemblable. C’est à dire à ma propre notion du semblable. Rien de monolithique. Sauf l’idée, envie ou récurrence, de classer pour justement se rapprocher du mot-d’ordre monolithe. En gros je ne fais pas de dessin. Mais ce serait une tour un obélisque une obsession verticale. Classer empiler des briques les unes sur les autres. L’idée d’immeuble proche phonétiquement d’immobile. peut-être bien un fâcheux contre-sens. Pilon et mortier ne changent pas. C’était ainsi avant ce sera la meme chose après. Se débattre dans l’erreur, poisson sur l’herbe, soubresauts.|couper{180}
Carnets | octobre 2022
Ville au crépuscule
Lyon place des Terreaux Tranquille. Fin d’une journée de travail. Premières lueurs qui s’allument de l’autre côté de la place. Leonidas. JeanLouis David. Voisin. Leffe. Une autre bière peut-être. Quatre euros soixante quinze cents . Chasse la sensation désagréable. Qu’est-ce que je fiche là. Je ne sais pas. Aucune idée. Sensation paisible qui revient. Il faut tout de même l’effort d’un mantra. Le répéter en boucle, méthode Coué ou hindou.|couper{180}
Carnets | octobre 2022
Des fonds
Se perdre dans le fond, tout à fait possible. Fonds sur panneaux de bois 20x20 cm , acrylique|couper{180}
Carnets | octobre 2022
sans but
Si le but est cet objet à atteindre pour s’en emparer et ainsi devenir autre, l’intérêt m’échappe. Et non seulement je ne sais que faire de cet intérêt mais j’éprouve le besoin presque aussitôt de m’en débarrasser. Ainsi l’argent. Ce but apparent et qui est à l’origine de tant d’agitation. Même s’il n’est qu’un moyen de toute évidence, et qu’il se confond dans le concept de but par défaut tant que l’on n’a pas d’autre objectif que celui d’en obtenir pour contrer l’inquiétude. Ainsi travailler pour gagner de l’argent se résume à gagner de l’argent pour vivre, et ce pour la plupart d’entre nous. J’ai toujours été rétif à cette logique. C’est sans doute la raison pour laquelle j’ai pu supporter tant de travaux dits subalternes. Car quelque soit la tâche qui m’incombait, je l’examinais attentivement sous divers points de vue et finissais par faire du travail le but principal de chaque journée. C’est à dire à y trouver à la fois des raisons qui puissent me convenir d’être dans un lieu particulier, à une heure particulière en train d’effectuer une tâche particulière. Et c’est exactement ainsi, m’astreignant à y découvrir coûte que coûte des raisons, que je finissais régulièrement par en éprouver satisfaction et plaisir. Même si cela peut paraître exagéré c’est pourtant une vérité que j’ai ainsi découverte pour moi-même. Il s’agit certainement d’un récit que j’inventais depuis l’aube jusqu’au soir, qui ne s’achevait qu’au terme de chaque journée lorsque je posais ma tête sur l’oreiller et m’endormais ainsi du sommeil du juste. Ma journée avait trouvé son explication, il me paraissait inutile de remettre en question l’explication ou le récit ainsi inventé par moi seul pour moi seul et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’était avec le recul une époque heureuse car quelque soit la difficulté rencontrée elle participait à part entière à l’élaboration de ce récit journalier, c’était ni plus ni moins un rebondissement utile, nécessaire même à conférer un relief à mon existence de travailleur et d’écrivain en herbe. Sans doute maintenant que j’y pense, étais-je à cette époque lointaine, déjà écrivain avant même d’avoir pensé, imaginé, tenté d’écrire la moindre ligne. D’ailleurs sur quoi aurais-je pu me convaincre vraiment pour l’être. Les souvenirs scolaires, notamment en français ne me procuraient que peu ou pas du tout d’espoir de caresser ce type de projet . Même si souvent j’avais éprouvé en recevant le résultat de mes dissertations une amertume certaine d’y découvrir la note médiocre obtenue. Et simultanément le doute que ma copie fut lue par le correcteur dans son entièreté comme dans sa profondeur. J’imagine que ces réactions étaient dues à ma très haute opinion de l’état dans lequel je me plongeais quand je rédigeais ces dissertations. N’était-il pas le lieu extraordinaire dans lequel les idées venaient si aisément et s’enfilaient comme autant de perles sur le fil du récit. Sauf qu’une dissertation n’est pas vraiment un récit. Qu’il faut, pour en rédiger une qui tienne debout dans la réalité scolaire, suivre un plan tout à fait ennuyeux. La question à débattre, le pour et le contre puis enfin la conclusion sous forme de synthèse. Exercice qui ne sert au demeurant qu’à prouver que l’on a compris la nécessité de ce plan, que l’on a fait suffisamment de recherches pour documenter chacune de ses parties, pour valider l’idée que l’on soit normal dans un univers normal en produisant un résultat standard évidemment, normal lui aussi. Je ne sais pas ce qui, à l’origine, m’aura fait dévier de la volonté normale, je veux dire celle qui procure normalement l’envie d’ accueillir bras grands ouverts cette norme, au demeurant tellement confortable. Pourquoi me suis-je mis autant de bâtons dans les roues pour l’esquiver systématiquement. Je ne crois pas en avoir été vraiment conscient. Je veux dire que je ne me suis pas éloigné sciemment de cette norme. C’était plus fort que moi. Je ne parvenais pas à m’y contraindre. Et d’ailleurs, plus je tentais de m’appliquer à y pénétrer, plus c’était désastreux. C’est à dire que j’appliquais tout bien comme il faut à la lettre mais ensuite lorsque je récupérais le résultat, j’avais droit à une observation écrite en rouge, le reproche de n’avoir écrit qu’une suite ennuyeuse de clichés. Dans le devoir à faire je découvris une ambivalence, un doute, pour résumer autant de part de la fameuse pulsion de vie que celle de mort ou encore un équilibre mystérieux mais implacable entre amour et haine. Si j’écrivais ma pensée elle se transmutait en récit à dormir débout, si je recueillais les informations scolaires attendues elles se muaient en un ramassis de choses sans intérêt. J’étais coincé entre ces deux pôles tout autant que dans d’autres zones, extra-scolaires, autant dire que j’étais perpétuellement coincé partout. Que ce soit dans ma famille, avec les filles, avec mes camarades, mon ambivalence, c’est à dire au bout du compte mon abdication chronique à tenter de choisir si l’imaginaire ou la réalité devait être prioritaire pour s’exprimer vis à vis des autres, me plongeait dans une sorte de catatonie permanente. Pour que ça ne se voient pas je singeais un comportement normal. J’avais réussi tout de même à recueillir suffisamment de signes, d’indices, peut-être même de réflexes, au bout du compte , à force de répétition, pour parvenir à imiter ce que j’imaginais être un comportement normal. Ce qui fut, après la chance, la satisfaction, le bonheur même que m’offrit ce plagiat la pire des malédictions ensuite. Car non seulement je tombais dans une sorte de puit de solitude sans fin mais de surcroît je me retrouvais sans but. Je ne pouvais pas avoir en plus l’outrecuidance de croire à la notion de but que j’associais à une naïveté désespérante, probablement par dépit une fois le pot aux roses découvert en moi que j’en étais irrémédiablement dépossédé , lorsque je la percevais chez n’importe qui y compris les plus chers de mes contemporains. Et aujourd’hui les choses ont-elles changées, je ne le crois pas. C’est à dire qu’aussitôt qu’un but se présente à mon esprit je ne cesse de l’examiner en tout sens comme s’il s’agissait d’un insecte et que je cherche dans ma mémoire à quelle espèce, quelle catégorie du déjà-vu il appartient. Puis une fois l’espèce, la catégorie identifiée je me contente de le coller dans un texte comme celui-ci par exemple avec son titre. Une manière de réaliser un herbier quotidien avec mes doutes, ma fameuse *ambivalence*, mon inaptitude chronique à m’installer à une place équidistante, confortable, entre le doute, l’imaginaire, la réalité et les certitudes.|couper{180}
Carnets | octobre 2022
Foyer
Même mot pour le lieu du feu, de la flamme , de la maison et anciennement de la femme au. La femme étant chair, vie, mouvement pour sa plus grande part, l’idée qu’un foyer puisse la stabiliser qu’elle y recrée de l’axe de l’os. C’est à partir de là que la flamme s’épanouit dans l’imaginaire, qu’elle chauffe, cuit, rassure. Tandis qu’à l’extérieur elle se confond, se consume en incendies. Inspire en creux l’impuissance masculine à maîtriser le feu, son inaptitude non seulement à le faire et de savoir qu’en faire sinon faire feu sur ses semblables ou bien se donner bonne contenance devant un barbecue.|couper{180}