Mars 2024

Carnets | Mars 2024

31 mars 2024

Exorcisé, il s’affale : Le voici, regardez ça, plus qu’une baudruche vide d’air, une enveloppe sans lettre sans adresse ni timbre. Le ciel bas gros de pluie, au-dessus d’une caboche vide ; on le voit encore, il marche un peu courbé, c’est presque un vieillard. Tout ce qu’il peut dire à présent n’est plus que fadaises, imbroglio, bribes de phrase dans importance. A outrepasser les limites il n’est plus d’aucune race, d’ aucune espèce, paria de l’univers, un insensé. Bien sûr cette défaite est le reflet exact d’un ancien fantasme. Une inversion salutaire. Il ignore encore à quel point elle est salutaire. Hier, P.M. parle de la nécessité de s’en remettre à un grand Tiers, Dieu, l’Espèce, le Chocolat. Cette nécessité sans quoi le mensonge ne dit pas la vérité. Cette nécessité sans laquelle le mensonge serait un narcisse au bord d’un étang, un narcisse parmi d’autres que le miroir de l’étang renvoie à sa propre adulation ou détestation, toutes deux erronées. Et puis je me suis encore dissipé dans une prostration familière. Sans doute parce qu’on ne peut se passer de familier. Quoiqu’on dise ou fasse afin de vouloir s’en défaire, elle s’insinue depuis notre point le plus lâche, le plus faible. C’est cette familiarité qu’on veut ignorer qui peut aussi emprunter le visage du grand Vide, du grand Absent, du grand Soi. Le bureau est resté vide. Un parquet flambant neuf, ou presque. Comment ranger cette pièce vide maintenant est la question qui demeure, depuis deux jours ; en suspens. Des étagères, des casiers, des meubles assez vus ont été descendus. Certains prendront la route de la déchetterie, d’autres de l’Atelier. Sur le grand lit de la chambre d’amis des piles de dossiers, des livres, des caisses encore bourrées de câbles, de cordons informatiques. Je n’avais pas songé avant de l’écrire sous ces quelques lignes que ce pouvait être l’occasion d’un changement véritable, mort et renouveau. J’avais repoussé le moment, sans doute parce qu’en lisant une biographie d’Henry Miller , à l’âge de quarante ans, je m’étais dit que j’avais encore beaucoup de temps pour me mettre à lire vraiment. Toujours peur qu’il soit trop tard ; et en même temps ce jeu avec sa propre peur ; Et aujourd’hui peur encore, qu’il ne me reste plus suffisamment de temps pour lire d’une façon inédite, une phrase à la fois et surtout découvrir ce grand Tiers à la manœuvre entre chaque signe de ponctuation, entre chaque silence. Même mort peut-on encore par, ce mystérieux effet d »inertie, être toujours si pressé de se rendre au bas d’une page ? Il y a ainsi des attaches d’une existence l’autre, ce qu’on nomme le passé, aussi collantes et donc agaçantes, que de la bande Velcro Ce matin je me réjouis de l’anomalie qui empêcha de publier ce texte sur le nouveau cycle d’écriture. C’est que ce n’était pas assez bon voilà tout. On cherche des signes un peu partout quand on est insignifiant à ce point. Cela m’a permis d’en écrire deux autres totalement différents, comme si la différence était pour moi la seul façon de remonter une pente. Pour le moment je les conserve à l’état de brouillon sur ce blog. Peut-être que le changement s’opère ici aussi, dans la gêne de publier ce dont je ne suis plus très sûr. Dans l’idée aussi d’un travail qu’il faut mener plus loin. Idée détestable entre toutes mais dont le fait qu’elle me répugne m’oblige à reconsidérer la répugnance toute entière.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

30 mars 2024

Je recopie des textes de 2022. Sans enthousiasme. Peut-être qu’il faudra avoir le réflexe de tout effacer au dernier moment, ne rien laisser, pas la moindre trace de ces bêtises. Et je ne vois pas de Max à l’entour qui l’empêcherait, qui sauverait tout cela. Ce sentiment double de joie et de désespoir que procure l’écriture, et cette obstination à persister. Comme le fameux K qui veut rencontrer le maître du Château, alors qu’il sait déjà pertinemment que c’est impossible. Que cette impossibilité fonde tout le texte. Prendre de la distance par tous les moyens possibles entre ce moment où j’écris et cet autre où le texte se publie est déjà une action mise en place. Le but semble pratique à l’origine, de ne pas me retrouver à cours de texte pour conserver le rythme des publications quotidiennes auxquelles je veux, pour des raisons assez obscures, me plier. Mais je crois qu’il y a plus qu’un aspect pratique à planifier ainsi ces publications dans l’avenir. Une façon de prendre une distance aussi, comme malgré moi, comme à regret aussi bien souvent. C’est à dire une injonction silencieuse à me détacher ainsi de l’immédiate jouissance d’écrire et de publier tout de go. Ce qui me rappelle à quel point je suis d’une lenteur désespérante alors que je m’imagine souvent, ou je me suis imaginé plutôt tout le contraire. Un nouveau cycle d’écriture sur la nouvelle avec F. Qui ne commence pas bien puisque je ne suis pas parvenu à publier sur la plateforme collective ce prologue, sorte de collection de post-it concernant l’art de ranger ses livres. J’y ai tout de suite vu comme un signe. Un signe que je ne devais sans doute plus participer à cet ensemble. Que je devais m’en éloigner, de cela aussi. Aussi je n’ai pas cherché trop loin les raisons de l’obstacle. J’ai refermé le site et j’ai continué ma journée sans même y repenser. C’est maintenant que j’écris ces lignes que je veux bien m’en souvenir ; que je retrouve le même tiraillement entre le fait de participer ou de ne pas participer à cette nouvelle aventure collective. Ce même tiraillement entre la joie et le dépit. La hantise du bavardage voire du ragot, de la médisance, enfin, d’une certaine bassesse qui s’écrit parfois avec une extrême facilité. C’est ce dont je ne voudrais pas. Mais qui ne me lâche pas la jambe comme un roquet. Quelle image de l’écriture ai-je donc qui la place sur un plan irréel, une élégance inatteignable parce que pour se poursuivre elle nécessite justement de ne jamais toucher au but. Toutes ces pensées, confondues avec des médiations et qui ne sont en somme que ruminations ne font pas un sujet d’écriture. A moins de posséder le génie d’un Gogol, d’un Dostoïevski. Je repense à cette nouvelle où un employé se rend chaque jour à son bureau en empruntant la perspective Nevsky à Saint Pétersbourg et qui maugrée contre un homme, toujours le même qui ne lui cède pas le passage. Toute la nouvelle est fondée sur la rumination de cet homme, sur son ressentiment, sur cette envie de vengeance, de prendre une revanche. Je n’aimerais pas être cet homme là, et pourtant à bien y penser en grande partie je le suis, bien sur que je le suis. C’est exactement là où je perds le principal de mon temps. Quelle image de l’écrivain n’ai-je encore pas détruite en moi que je ne puisse écrire encore comme je veux écrire du fond de moi-même. Et comment écrire ce genre de chose sans passer pour un idiot fini. Comment le publier au regard des autres comme pour dire voyez ce que je suis, je ne suis que ça, rien d’autre, et je suis tout à fait d’accord avec vos observations les plus acerbes à mon encontre. Puis soudain ce retrait qui m’entraine à vouloir tout biffer, tout effacer, tout détruire, pour m’enterrer tout seul au plus profond d’une solitude dont je ne pourrai jamais même si j’y mets de la bonne volonté, ressortir. L’expérience de ce blog est enrichissante par son envers ; On imagine s’élancer vers le monde en publiant des articles qui veulent dire une vérité puis on comprend que cette vérité ne regarde que soi, qu’elle n’intéresse personne d’autre, pas même ceux qui parfois sont mine de s’y intéresser. D’ailleurs le temps, la distance, la régularité finissent, en creusant l’écart avec une certaine volatilité des lectures des lecteurs à nous permettre de poser le doigt sur quelque chose de très spécial : ce trou que l’on creuse comme une tombe, et dont on n’aimerait pas qu’il s’achève en mausolée.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

29 mars 2024

La route est longue pour Tipperary, d’ailleurs c’est marqué sur le panneau de la ville désormais, et c’est de l’humour irlandais, pas tout à fait le même que le british, enfin c’est sensé être marrant tout de même. Qu’est-ce qui a bien pu prendre à Jack de chanter cette chanson en 1912 ; en 14 elle deviendra un chant guerrier ; il faut se méfier de ce que l’on écrit comme de ce que l’on chante ; que ce soit pour se rendre à Tipperary ou ailleurs. G. était bien content ; ça se voyait ; il dansait littéralement au beau milieu de la grande salle de l’exposition son tas de papiers dans les mains ; une vingtaine de personnes étaient arrivées quelques minutes auparavant ; on n’y croyait même plus ; il avait tout préparé aux petits oignons ; grâce aux photos et vidéos que je lui avais envoyées ; réglage fin, 15 minutes chrono, 15 tableaux, un texte par tableau. Ensuite nous sommes revenus aux « Gourmands disent » rue Brossolette ; une entrecôte énorme ; je note en passant la bonne idée de remplacer les frites par des navets en tranches comme accompagnement. G. me propose que nous réitérions en octobre prochain notre collaboration picturo-poétique ; Ce sera au-delà d’Albertville, vers Moutiers, dans un village où vit S.B l’actrice et son compagnon musicien célèbre de Jazz, qui sont d’ailleurs des amis de notre futur hôte ; c’est loin octobre je me suis dit ; est-ce que je serais encore vivant en octobre tout de suite après. C. n’a pas dit grand-chose, elle était très calme ; ce qui l’a change du tout au tout. Ils partent en voyage en Europe centrale cet été à la rencontre des personnes rencontrées sur MyHeritage ; avec une carte Interrail. Ce qui me rappelle notre projet avorté de nous rendre S. et moi, en Estonie, presque aussitôt. Ce journal est avant tout un journal. Il faut que je note des faits divers. Les élucubrations littéraires ou pseudo intellectuelles sont de trop. Ce qui peut me fournir une piste de relecture éventuelle. En supprimant tout ce qui n’est pas du fait brut, une bonne cure d’amincissement. Le temps ne compte pas. Parfois je me retourne je me dis ça fait combien de temps mais le temps ne compte pas. Tout ce qui compte c’est de faire le job chaque matin. Cette journée de dimanche s’avère déjà épuisante ; il faut vider tout le bureau et retirer les lattes du parquet afin que N. puisse le refaire à neuf avec les anciennes lames de l’ancien parquet de la cuisine ; celles qui n’ont pas été déformées par l’inondation. Mais en m’organisant bien cela ne devrait pas me prendre plus que la matinée, ensuite si j’ai fini avant 11h, je peux même prévoir un voyage à la déchetterie pour finir l’affaire en beauté.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

28 mars 2024

Le prétexte du sujet, cette commodité de l’histoire, cette distraction, l’ensemble permet de dire à peu près tout et son contraire, dans un roman par exemple, et dans un stage de peinture aussi. Encore ce poème d’Aragon qui décidément me hante. Celui qui croyait au ciel /celui qui n’y croyait pas / tous deux adoraient la belle / prisonnière des soldats. Avec le recul l’ensemble est nécessaire. Autrement dit pour tous les goûts. Et rien à y redire puisque l’ensemble est peut-être la seule réalité vraie. C’est de l’être où il n’est pas question d’avoir. Il n’y a de bataille que dans la tête, car tout est à la fois fictif et véridique, le passage à l’acte vient de cette ignorance crasse qui pousse à espérer un dehors, un au-delà. Est-ce que lorsqu’on est mort on rit de tout cela ? , j’y pense souvent. Comme si être mort écartait soudain tous les doutes, comme si la seule vérité tangible, indéniable était la mort d’un être que ce soit soi ou un autre pas d’importance, la fosse commune devient l’aboutissement. Et le ridicule des épitaphes, l’obsession de distinction des mausolées, des chapelles et autres cénotaphes tout cela n’est que du vide destiné à s’opposer au plein encore et encore, en vain. Souvent j’en appelle à la mort ( sans rire ) c’est la seule espérance qui ne me semble pas vaine puisque le fait semble inéluctable. Mourir et enfin voir tout cet ensemble, mourir et espérer que tout rentre enfin dans l’ordre comme la poussière retourne à la poussière. Rien d’effrayant à y penser, rien de désopilant non plus. C’est affronter une capacité de soi capable ( ou non ) de considérer le mystère, à ne pas se laisser berner de trop par cette idée que représente le mystère, cette peur et ce désir qu’elle provoque instantanément. Mais ce n’est toujours qu’une idée destinée surtout à anticiper le fait.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

27 mars 2024

Comment vient la phrase, pas finir d’y revenir, surement pas de l’intelligence, cette intelligence vénérée pour ce qu’elle n’est pas, ne fut jamais autrement que dans ma tête, une interprétation. C’est différent à dire qu’on renonce à toute forme d’intelligence car, pour soi surtout ; elle est source principale de difficultés. Ce que tu appelles toi une intelligence c’est de connecter des objets qui n’ont de toute évidence aucune raison de se connecter. Ton point de vue sur l’intelligence est à contre courant du point de vue général. C’est bien sûr un point de vue de taré, qui tourne de façon excentrique autour d’un axe taré. Et c’est ainsi que ce tout est foutu d’avance, s’ avance à nouveau , sort de la noirceur, de la mine enfantine, de la caverne pour s’aventurer en plein jour (façon de dire à 4h du matin) La difficulté d’être intelligent ainsi que la société veut des intelligents, c’est cette facilité à se fondre dans à peu près tout et n’importe quoi sans difficulté apparente. C’est sujet verbe complément sans bavure. Sans la moindre remise en question de la façon dont on utilise ce dictat : sujet verbe complément. Mais si tu veux être libre, encore que ce mot il faut s’en méfier, secoue le cocotier et la bobinette cherrera, et tu verras que la mère grand bouffe le grand méchant loup puis se pourlèche le bout des doigts ; c’est ce qui crée la perlèche, ces crevasses au coin des lèvres. Le zozotement, ne pas s’y fier. Si moi je ne sais même pas —de façon intelligente n’est-ce pas —ce que j’écris, c’est bien qu’une présence provenant sans doute de l’intelligence de la langue elle-même se fiche complètement de cette sottise que je nomme mon intelligence. Et si je dis sans doute c’est qu’il ne faut pas du tout en avoir ou en être. Cette confiance insensée, cette foi, incroyablement difficile d’accès, nécessite je crois de flanquer sa propre intelligence dehors. Peut-être qu’un psychologue dirait c’est à cause du genre. La répudiation. Que ce soit une intelligence permettrait-il une dérivation électrique de la hargne qui soit autre chose qu’une pure imbécilité ? Cette haine rencontrée chez les andouilles vis à vis des tripes n’est-elle pas le comble. C’est à dire ce grenier à grain qu’on égraine comme des perles mécaniquement. je comprends que la fiction est une défense, un rempart, une commodité. Un lieu aussi qui n’est pas sans danger de se laisser aller à bien décrire, bien penser, bien parler, pour ne s’adresser à personne. Un lieu reculé qui nous condamne à devenir Cyclope après avoir été blousé par cette saleté de héros rusé, ce modèle adulé qui berça nos enfances à grand renfort de chevaux de Troie. S’opposer à l’intelligence est il de la bêtise si on ne connaît en vrai ni l’une ni l’autre. Car je pourrais dire autant sur la bêtise que sur l’intelligence, le peu que je pourrais en dire ce serait strictement la même chose. En fait de l’être ou de l’avoir. Ce qui me fatigue, m’éreinte, m’emmerde. Ne peut on pas trouver ce lieu du ni l’un ni l’autre et de l’un et l’autre confondus. Ne peut-on pas reculer suffisamment du lieu du crime pour apercevoir l’assassin ? En abandonnant aussi l’habitude de créer des paragraphes, souvent de manière intuitive, vaguement à chaque sensation d’idée, s’éloignant d’une certaine idée de clarté, du bien présenter, bien paraitre, bien montrer, descendre encore plus profondément dans le comble ou la caverne, dans la nuit, l’obscurité. Car cette clarté apprise est une nuit. Opposer une nuit à une autre nuit. Idem pour ce soucis de justification des textes, qu’ils s’alignent bien à gauche comme à droite sans même se poser la question de la nécessité d’une telle mise en page ou mise en forme du texte. Planter ainsi une espèce de drapeau. Un drapeau noir.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

26 mars 2024

Toutes nos petites mesquineries nous paraissent insupportables. Elles le sont d’autant plus chez les autres que nous refusons de les voir en nous. Et quand quelqu’un disparait c’est encore à ses petites imperfections qu’on s’accroche pour se souvenir, et bien plus qu’aux qualités. Les qualités on en parle pour se rattraper après d’avoir dit autant de méchancetés de son vivant. L’être humain est une bourrique donc je suis une bourrique voilà les faits. Donc un saint de nos jours aurait l’air d’un ridicule achevé s’il se promenait dans les rues de la ville et qu’il se mette à prodiguer des miracles, des guérisons. On ne laisserait pas de répit à ce pauvre type que de l’avoir tourné en ridicule jusqu’à la lie. Ce serait l’hallali. Et pourtant je crois que je suis aussi tout à fait un saint capable comme n’importe quel saint de produire guérisons, miracles et autres colifichets à la demande. Sauf qu’en tant que gentleman, je ne l’étale pas, je connais la musique je fais ça en sourdine, incognito. Après avoir été cyniques, soyons stoïques quelques instants. ( comprendra qui pourra et rira ) Le problème du stoïque c’est l’évacuation du résultat. Les déchets. Et il en produit une quantité industrielle. A force de se contraindre à regarder passer la caravane sans aboyer ni japper, l’animal se constipe, les diverticules s’encrassent, et quand ça ressort ( car tout sort après être entré c’est une loi physique assez peu connue des riches stoïques de ce monde) quand ça ressort ça a la consistance de la merde, l’odeur de la merde, l’aspect de la merde, c’est donc de toute évidence de la merde. Hier je me suis tellement retenu de me laisser aller comme ce vieux russe que je suis dans l’effusion, qu’en pensée je me suis moi-même pris dans les bras. Et j’en ai ressenti à la fois un peu de douleur car rouillé pour m’auto asséner ce genre d’étreinte, et impression que le cœur s’ouvrait comme un rideau de fer, s’aérait de printemps. Disons que les deux impressions ensemble fabriquaient un cocktail bien enivrant— Ce qui fait que j’ai pu rester absolument de marbre devant ses pleurnicheries, pas peu fier. Tu cherches à bien écrire ? Tu cherches à bien écrire ? ( comme Robert Deniro devant sa glace dans Taxi Driver ) A quel moment tu sors ton flingue imaginaire par contre mystère et boule de gomme. Mais tu peux te raser la tête si ça te chante, ce sera sans moi. Cette écrivaine C.D. mon dieu comme sa voix est crispante. Comment une voix peut-elle être si désagréable. Elle ne le peut pas en fait. Peut-être que c’est seulement un problème d’oreille. Ce qui est assez paradoxal c’est que j’entends de moins en moins et quand de temps en temps ça m’arrive, ce n’est plus, la plupart du temps que du désagréable. Peut-être qu’étant désagréable moi-même, j’attire le désagréable comme la merde les mouches, sauf mon respect. Cette autodérision ne plait pas du tout à l’intelligence artificielle ; peut-être parce qu’elle en est tout simplement incapable d’en comprendre toute la subtilité. L’avantage. L’intelligence artificielle ne connaît pas l’humour juif. Grosse lacune !|couper{180}

Carnets | Mars 2024

25 mars 2024

Un peu avant sa mort il voulait mettre de l’ordre dans sa vie. Mais en prenant la mesure de la tâche il eut une crise cardiaque. Un peu avant sa mort il voulu se réconcilier avec ses ennemis mais en effectuant un rapide tour d’horizon il vit que beaucoup étaient déjà morts avant lui. Un peu avant sa mort il se dit que ce serait très bien d’acheter un costume pour se rendre à son propre enterrement. Un peu avant sa mort il s’intéressa beaucoup au jardinage, la simple idée de planter une graine, l’arroser, apercevoir les premières pousses sortir de terre lui apporterait sûrement un grand réconfort. Il imagina tout cela dans le moindre détail, tellement qu’il laissa tomber cette idée car il l’avait déjà beaucoup trop usée. Un peu avant sa mort il tenta d’hurler à la mort, en vain : quand c’est pas l’heure c’est pas l’heure. Un peu avant sa mort il jeta beaucoup de vieilleries sans intérêt à la déchetterie, il s’y serait bien jeté lui aussi s’il avait pu identifier la bonne benne. Celle des encombrants étant condamnée ce jour là car déjà pleine. Un peu avant sa mort il fit le tour du monde et le trouva ridiculement petit, il prit rendez-vous chez l’ophtalmologue Un peu avant sa mort il eut envie de rédiger ses mémoires mais celles-ci furent aussitôt si réticentes qu’il fut forcé d’y renoncer. Un peu avant sa mort il éprouva la nécessité de faire un jeune pour perdre du poids, prendre moins de place, devenir plus léger. Un peu avant sa mort il repensa à l’épisode de Sodome et Gomorrhe et n’éprouva pas la moindre difficulté à s’imaginer être une statue de sel plutôt qu’un lapin de garenne. Un peu avant sa mort il regarda sa montre il était dix heures dix, un oiseau s’envola du prunus. Un peu avant sa mort il pensa écrire un texte qui débuterait par la locution un peu avant sa mort. un peu avant sa mort il n’avait pas résolu de croire ou de ne pas croire à la vie éternelle. Un peu avant sa mort il déroba un paquet de chamallows au supermarché de sa rue et les fit griller au bout d’un bâton dans sa cour avec le charbon de bois qu’il lui restait de l’été dernier. Un peu avant sa mort il eut envie de se baigner dans l’eau glacée de la Baltique. Un peu avant sa mort il se débarrassa de ses regrets de ses remords en se rendant à la déchetterie encore une dernière fois. Un peu avant sa mort il fit un signe de la main à une inconnue qui resta de marbre, ce qui le fit rire. Un peu avant sa mort il voulut lire Proust dans l’espoir de retrouver tout ce temps perdu. Mais à la seconde page il referma le livre et se souvint que le temps perdu ne se rattrape jamais. Un peu avant sa mort il se demanda s’il était de gauche ou de droite, puis il découvrit qu’il avait été berné par un mauvais sens de l’orientation. Peut-être qu’après tout il n’avait été rien d’autre que dyslexique. Un peu avant sa mort il se demanda s’il avait apporté quoique ce soit d’utile au monde. Il chercha la définition d’utile dans le dictionnaire pour être bien sûr d’être en mesure de pouvoir peser le pour et le contre. Demain se disait-il je m’attaquerai au Monde. Un peu avant sa mort il téléphona à ses enfants et leur dit que tout allait pour le mieux. Un peu avant sa mort il acheta le journal l’Equipe par simple curiosité, pour ne pas mourir bête. Un peu avant sa mort il écrivit 20 000 mots sur un document Word puis il effectua la commande CRTL +A et il posa son index sur la touche SUPPR avec un immense soulagement.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

24 mars 2024

Hier passé toute la journée chez J. à C. Il n’était plus possible de reporter. Aspiration d’une grande bouffée d’air puis plongée en apnée depuis 9h45 jusqu’à 19h30. Encore des réflexions ( stériles ) durant le trajet de retour qui tournaient autour du fait de ne plus être dans le coup. Ce qui fait que j’ai pratiquement tout loupé de la tombée de la nuit sur le Pilat, sur les noms de couleurs que j’aurais pu attribuer en m’évadant dans l’atmosphère paisible de la campagne environnante. C’est S. qui conduisait. Nous avions décidé de faire la route ensemble puisque le mardi elle se rend à C pour voir sa mère. Donc, je disais que le fait d’être has been occupait mon esprit parce que surtout j’ai éprouvé un mal de chien à installer ce nouvel ordinateur en trois coups de cuillère à pot ainsi que j’ai toujours eu l’habitude de le faire. Mais surtout je vais trop vite. Il faudrait parler du magasin Darty. Et surtout de la façon tellement agressive dont le vendeur voulait coller un contrat d’entretien à J. 24 € et des poussières par mois, pour qu’ils s’engagent à réparer à peu près tout et n’importe quoi du moule à gaufre au lave-vaisselle en passant par le mobile et bien sûr l’ordinateur. Et puis cette embrouille avec la remise. J’avais demandé si par hasard on ne pourrait pas bénéficier d’une ristourne en payant comptant ( 409 euros au lieu de 429 €) Il faut bien tenter le coup désormais à chaque achat important. Subterfuge du vendeur : grand sourire, mais bien sûr, et comment, je vous offre 20 € à condition que vous acceptiez de payer le PC en trois ou quatre fois. « Ah bon parce que vous ne faites pas de remise si on paie cash ? » « eh non, désolé je ne peux faire la remise que si vous passez par un financement » « je suis bien heureux de savoir qu’il n’y a pas que moi qui marche sur la tête je réplique. Et d’aller ensuite au guichet voir cette affaire de financement. Evidemment le taux d’usure est à 18%, il a fallu supporter des explications alambiquées de la part d’un vendeur n+1 qui d’ailleurs fut interrompu par un n+2 pour nous réexpliquer le tout d’une façon que je ne qualifie pas de limpide, mais d’un peu plus compréhensible pour des oreilles aguerries à l’entourloupe. « Donc tu n’as pas de remise si tu achètes cet ordinateur cash, je dis à J. qui avait perdu pied, et tu le payes 40 € de plus si tu prends le financement en trois fois. Sur ces 40, le magasin t’offre 20 et tu as la sensation délicieuse d’avoir fait une bonne affaire alors qu’il n’en est rien. « vous oubliez le confort, répliqua à cet instant le n+1 un gros chauve aux cheveux coupés ras portant un teeshirt pour produire l’effet décontracté de bon aloi dans ce genre de malversation. « tu parles d’un confort, 140 € par mois quand même et en plus si on ajoute les 24€ et des poussières pour l’autre entourloupe, bravo ! « sinon il me faudrait une pièce d’identité a répondu le n+1 douteux qui fit mine de ne pas avoir pris pour lui ma réflexion à voix haute. « Je crois que ma carte d’identité est périmée à dit J en la tendant au gros chauve aux yeux tristes. « effectivement 2014, 2015, 2016, etc ( ce type compte en même temps sur les doigts pour ne pas s’y perdre en même temps qu’il fait son sketch ) Il a fallu revenir à C. récupérer le passeport en cours de validité de J. C’était à 5 minutes, nous fîmes fissa tout en essayant de nous remettre de l’enfumage qui avait du mal à se dissiper. « Je ne veux pas payer plus que 409 € à dit J. excédée. « ok je vous fait 30€ de remise a dit le gros en tee shirt pensant que ça allait passer. « non il faut faire 40 de remise pour tomber juste j’ai dit. A un moment j’ai émis l’hypothèse qu’on devrait payer les 429 € cash et se tirer mais J ne voulait pas lâcher l’affaire. A la fin je ne sais plus qui a vraiment gagné, mais j’avais décroché, après tout ce n’était pas mon pognon. On était en train de garer la voiture de J quand il y a eu un coup de fil sur son mobile. Et à cet instant j’ai tout de suite compris que j’avais oublié mon sac devant la banque du service client tellement ce gros type aux yeux morts nous avait embrouillé la tête. Oublier mon sac est quelque chose que je ne fais jamais d’ordinaire. Il y a à peu près toute ma vie à l’intérieur. ça m’a fichu un coup de songer que j’avais laissé ma vie devant ce type, comme si soudain elle n’avait plus la moindre importance, que je m’en fichais totalement. Que je n’avais plus qu’une idée c’est d’en finir avec cette conversation totalement stupide à propos d’un ordi qui ne m’appartiendrait même pas. Ce qui au total nous aura entrainé à nous rendre trois fois chez Darty ce mardi matin avant même que je ne démarre le vrai boulot, c’est à dire récupérer toutes les données de l’ancien ordinateur de j, d’installer Ubuntu et les réinjecter dans le nouveau après avoir viré Windows 11 car débile à souhait puisque pour entrer dans l’interface il faut, avant toute chose créer un compte Microsoft si on n’en a pas. Ce qui est tout à fait scandaleux aussi en passant. Ensuite nous avons passé un bon moment à chercher un façon d’installer Scrabble3 en français sur le nouvel ordinateur. J’espérais y parvenir car J. était ok pour me laisser emporter le vieux que j’aurais pu exploiter en récupérant quelques pièces détachées. Mais impossible de charger le dictionnaire en français. Il faudra que je prenne le temps d’étudier ce problème plus tard, tranquillement à la maison. « Si tu me le trouves en français pas de soucis tu récupères le vieux m’a encore dit J. en nous quittant. S. m’attendait en bas de l’immeuble. Elle avait la figure bouffie de fatigue. Puis nous nous sommes enfoncés dans la circulation dense à cette heure de fin d’après-midi en ville, mais étrangement fluide sitôt que nous atteignîmes l’A7 En allumant le plafonnier de la cuisine il y avait des dizaines et des dizaines de moucherons collés au plafond. S. était au bord de la crise de nerf. « Tu vois à force de vouloir toujours retirer les toiles d’araignée j’ai commencé à dire « Tais-toi a dit S, tais-toi je ne veux plus rien entendre pour aujourd’hui »|couper{180}

Carnets | Mars 2024

23 mars 2024

Est-ce que ce ne serait pas tout simplement un excès de modestie ? Si je ne relis jamais n’est-ce pas pour respecter celui qui, à l’instant T écrit comme il le peut ce qu’il écrit. Car à se relire il arrive que l’on se corrige. Mais qui est le on de cette histoire si on ne cesse jamais de le corriger, de vouloir le rectifier ? Et je me demande aussi si modestie est le bon mot. Si cette modestie passerait l’épreuve de l’orgueil. Autrement dit, est-ce que vraiment je suis en mesure croire que je ne me corrige pas parce que ce que j’écris à l’instant où je l’écris est très bien tel que je l’écris. Bien sur que je ne peux pas penser une telle chose. Je ne le peux plus. S’intéresser à une chose, une seule. Une phrase que l’on écrit, bon exemple. Avais je l’intention d’écrire quelque chose d’important, ou bien n’ayant aucune intention de départ, écrire était-il pour moi une façon d’en attraper une. Et donc j’écrivais sans relâche à la poursuite d’une intention qui n’était pas bien claire, pas très précise, sauf d’avoir l’air d’être une intention. Mais bientôt je me demandais quand je pourrais savoir, si j’en trouvais une, quelle tête pourrait aurait alors cette fameuse intention ? J’essayais plusieurs choses, ou têtes, un vrai jeu de massacre. L’image de cette machine à écrire, la plupart du temps une Remington, me renvoyait étrangement à une autre image, celle d’une machine à coudre de la marque Singer. Le sentiment général que j’en éprouvais alors se situait quelque part entre la nostalgie et l’apaisement. Peut-être en raison du progrès technologique qui durant ma vie m’a conduit à passer du porte-plume au clavier d’ordinateur à une vitesse qu’avec du recul on peut juger ahurissante, et en même temps ce n’est pas si saugrenu d’établir un lien entre ces deux instruments favorisant l’idée d’un travail « manuel ». De plus si l’on creuse un peu plus ce rapprochement d’idées, la couture n’est pas si loin de ce que nous faisons lorsqu’on désire mettre en forme un livre. D’ailleurs c’est le même mot d’ouvrage qui en résulte. La notion d’œuvre dans ma vie c’est à dire depuis les années 60 jusqu’à ce jour, remplace la notion d’ouvrage et si je cherche à comprendre pourquoi tout de suite me vient l’idée de la notion d’artiste ayant remplacé celle d’artisan. J’ai misé beaucoup sur la créativité dès le départ ne voulant pas entendre grand chose de l’apprentissage, du travail à fournir, des traditions que nous sommes sensés suivre pour parvenir à une maîtrise. Je suis donc passé par beaucoup de difficultés et de doutes, risquant de nombreuses fois d’abandonner , de vouloir rentrer dans le rang, mais quelque chose d’impérieux m’en a toujours préservé. Il y a donc une sorte de détermination qui depuis le début ne cesse de me conduire à m’obstiner diront certains. Il fallait que je sache si cette détermination provenait de la vanité, de l’orgueil, d’un absolu manque de confiance en soi, ou bien d’autre chose, un démon, un ange, une force extérieure ou intérieure qui ne voulait pas s’en laisser compter et qui toujours me ramenait à sa propre intention mystérieuse. Puis au bout de mes considérations sur cet attachement à la créativité seule, je basculai soudain, d’abord imperceptiblement, comme un de ces grands arbres que l’on coupe dans les forêts d’Estonie. Puis je m’abattis de tout mon long sur le sol et je restais un long moment immobile. Il me semble que je suis encore là, étalé et c’est ainsi que je m’étale dans l’écriture, par l’écriture. Est-ce que je vais devenir une table, une chaise, une bibliothèque, une auge, du parquet dans une salle de danse, je ne sais pas. A ce point de mon immobilité tout semble possible.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

22 mars 2024

Tout ce qui lui passe par la tête. Dans ce temps imparti, il écrit tout ce qu’il veut. Cela peut varier au cours de l’année. Deux heures, trois, parfois il peut tirer jusqu’à quatre. Il dit que c’est son habitude, que sans celle-ci il ne tient pas debout. Son épouse dit qu’il perd son temps. Au début il perdait du temps. Se demandant continuellement si ce qu’il écrivait était intéressant. Est-ce que ce que j’écris plaira aux gens. Est-ce que j’écris bien. Est-ce que ce que j’écris intéresse la moindre personne sur cette terre. Mais ça c’était avant. On pourrait chercher une date. Le Covid, 2019. Il se souvient qu’il faisait même très beau et chaud à cette période de l’année. Il a commencé à crée cette habitude à peu près à ce moment là. Ecrire en se fichant pas mal de savoir si cela intéressait qui que ce soit. Il n’a pas fait d’études. Son père non plus n’en avait pas fait. Cela provoque toujours une sorte de frustration chez les gens qui n’ont pas fait d’études. Ils imaginent que s’ils en avaient fait leur vie aurait été différente. Pas plus lourd à porter que le poids d’un savoir imaginaire. Ce poids de frustrations que nous nous léguons, c’est peut-être parce que justement c’est un leg et que nous refusons de nous en défaire. L’idée que tout un texte puisse se loger dans chacune des phrases qui le constitue ne le lâchait plus. Dans ses rêves il voyait se développer des fougères immenses. Cette image était associée à un cours de mathématique sur la notion de fractales. Il faut s’enfoncer dans quelque chose comme fait la graine lorsqu’elle germe, se développe. Ce qui est étrange c’est que plus ses racines s’enfoncent dans le sol plus elle se développe également vers la lumière en surface. comme si l’esprit de la plante cherchait son propre équilibre, et quelle possède une sorte de libre arbitre dans la programmation génétique de l’espèce. Le chant des oiseaux arrivant jusqu’à lui semblait appartenir à une autre dimension. Il lui semblait que ces chants avaient traversé des espaces inouïs pour parvenir à son esprit. Puis il se mit à décortiquer cette sensation. Le chant des oiseaux ne provenait sans doute de nulle par ailleurs que d’un recoin oublié de son esprit. L’utilisation de l’imparfait indique bien à quel point ce texte est loin d’être parfait. Le passé simple est un oxymore déguisé. Mais il convient de ne pas le dire tout haut, et de continuer à écrire il osa, il cria, il gueula pour indiquer une immédiateté logé dans le passé, dans l’imparfait. Je rêve de pouvoir écrire au présent mais je sais à présent que celui-ci n’existe pas. Ce qui me rend inexistant par ricochet. Donc, il faut d’abord accepter une certaine dose d’inexistence pour écrire au présent. J’écrirais bien une Bible pour m’exercer. Au début il n’y a rien, puis il n’y a toujours rien et enfin, à la fin, rien non plus. Sauf cette phrase. Quelle victoire serait une véritable victoire aujourd’hui ? —QVSUVA Kevesuva. Que le vent se lève et vole la poussière —QLVSLEVLP Kelvenslevevolapousieur C’est par le son comme leçon que j’apprends depuis toujours. Qu’est-ce qui fonde cette idée que seul le son dit la vérité. Parce qu’une note est ronde ou pas. Parce qu’une note peut être juste ou fausse. Parce que sans silence il n’y a pas de son. Parce que le son juste est le fruit d’un silence dans le fond. Parce que tout ce qui n’est pas calme me renvoie aussitôt à mon intranquillité de surface et ça m’agace. Pour qui écris-tu sinon un meilleur toi-même qui saura lire entre les lignes|couper{180}

Carnets | Mars 2024

21 mars 2024

Parfois, il paraît péter un plomb. Mais c’est un acteur. Le terme de polarisation me vient à l’esprit. Il s’en prend à l’éditeur. Il n’y va pas de main morte. C’est vrai, il a raison, c’est scandaleux. Une fois de plus c’est scandaleux de prendre les gens pour des cons à un tel point. Est-ce la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Pas sûr. A moins que ce ne soit une succession de petites choses qui fait que soudain il s’en prenne à l’éditeur. Mais quand même, il achète le livre. Il investit des euros dans sa colère pour la faire fructifier ? Au bout du compte voilà bien où j’en suis. A me méfier de tout. Je ne crois plus du tout à la spontanéité, surtout sur les réseaux sociaux. A moins que ce ne soit encore que de moi que je parle. A moins que ce soit moi qui ne soit plus du tout spontané. Qui calcule la moindre de mes gestes, paroles, pensées. Et à un point tel que je me retrouve soudain dans cette sorte de dimension parallèle d’où l’on peut scruter à outrance le monde sans jamais rien faire soi-même. Comme tétanisé par sa propre lucidité. Je n’en parle à personne. Surtout pas à mon épouse. Il se peut que je sois devenu complètement cinglé. C’est tellement facile de le devenir. A partir du moment où l’on quitte la route, que l’on s’enfonce dans les voies de traverse. J’ai cru que ça pouvait être de la lucidité, mais non, c’est un autre genre d’hypnose. On échange une hypnose contre une autre. Une hypnose plus flatteuse sans doute. On imagine être lucide mais en fait, on est complètement cinglé. La mort, l’idée de la mort, du pourrissement, de la décomposition. Aspirer à la mort au moins quatre à cinq fois par jour n’est certainement pas avoir envie de mourir. Tout au contraire c’est vouloir une autre vie que celle-ci. C’est enfantin. C’est se retrouver à porter un short alors qu’on voit tous les autres porter des pantalons. C’est sans doute une espèce de jalousie. On n’arrive pas à ses fins. Alors on voudrait tout effacer. On voudrait mourir. On voudrait se réveiller dans un monde meilleur. Un monde dans lequel les pantalons descendent lentement du ciel et vous prodiguent des compliments. On voit le monde tel qu’on est, on se couche comme on fait son lit. Le fait d’en être parfaitement conscient ne résout rien, ne console de rien. Le seul résultat tangible est une dentition en ruine à force d’avoir trop serré les dents. Je détecte d’autant mieux les postures que je les ai toutes expérimentées. Certain(es) ne savent même pas qu’ils posent. Ils en sont parfaitement inconscients. Le temps que la fiction se dissipe, des années peuvent passer. un demi siècle en un simple claquement de doigt. Réveil ! Et en fin de course se retrouver gros Jean comme devant. Et c’est encore une chance. Certain(es) meurent sans même avoir vécu— sans jamais avoir éprouvé une sensation vraie. On ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est faux. Parce qu’on veut absolument le savoir. Merde ! il suffit juste de le sentir. Si ça sent la merde c’est réel, le nez ne ment pas. Encore que. Depuis quelques semaines que j’ai des sortes d’hallucinations olfactives. Je crois dur comme fer que ça sent la merde et quand je regarde je ne vois pas de merde. Mais, je peux dire la même chose quand j’imagine que ça sent la rose. Pas de rose non plus. Preuve que l’on est à des années lumières d’une sensation vraie, on ne peut qu’ imaginer le vrai le faux tout comme le bien et le mal. On imagine surtout que les choses sont aujourd’hui devenues tristement binaires. En parlant de voies de traverse, j’ai découvert une chaine africaine qui propose un tout autre point de vue sur l’actualité. On y voit Poutine répondre à des questions sur les raisons du conflit actuel en Ukraine d’une façon inédite. Un véritable cours d’histoire. Et au bout du compte on peut douter que cet homme soit le même que le taré qu’on nous présente sur les médias de grands chemins. En prêtant attention aux mots employés par le présentateur du JT parlant de l’élection en Russie, le mot « sacre » me fait lever les sourcils. Cela me conforte dans mes suppositions que tout est vraiment fait pour présenter le candidat sortant comme une sorte de personnage ubuesque. Donc, sans doute n’est-ce pas tout à fait faux, ni tout à fait vrai. En revanche ce que je sens quand je vois tout le mal qu’on se donne pour me dire ce qui est bien et mal c’est qu’on essaie de m’influencer, de me fabriquer un avis, une opinion. Une chance que j’ai encore ce reflexe de refuser d’en avoir la moindre. Des égrégores se constituent de cette façon exactement. On lance des mots d’ordre en sourdine, on ridiculise gentiment au début, puis ça s’intensifie. Le mot complotiste naturellement surgit. Par exemple à l’occasion du congrès de Limoges préparant une éventuelle arrivée des extraterrestres. Le reportage tout entier montré sous un angle caricatural, ridicule. La raison est de créer une sorte de consensus à nouveau sur ce qui est aujourd’hui ridicule, et, partant, en creux, bien entendu d’indiquer ce qui l’est. Ce monde sinistre où des enfants se font déchiqueter par des obus dans la bande de Gaza, où plus de 500 000 morts sont désormais ensevelis dans les territoires du Kraï, de la limite du tolérable pendant que des imbéciles veulent construire un golf dans les Pyrénées Orientales dont le pluviométrie est désormais celle du Sahel. Ce qui dans l’ensemble est si affreux à penser qu’on est bien obligé de trouver une issue dans la dérision. D’ailleurs la dérision est une arme de destruction massive que maîtrisent parfaitement les créateurs d’égrégores. Ce monde marche sur la tête, les têtes pensantes raisonnent comme des pantoufles.|couper{180}

Carnets | Mars 2024

20 mars 2024

L’intelligence artificielle est partout. Les applications, les sites, les vidéos, les images, les textes, elle est partout. Et cela me rappelle cette histoire de vieux sage essayant de prévenir les villageois à propos de l’eau du puits devenue empoisonnée. A la fin, il en boit lui aussi pour partager la folie collective puisque la folie est devenue la raison. Cela dit où se situe la folie, où se situe la raison, bien malin qui pourra le dire aujourd’hui. Hier encore nous avions cette conversation à l’atelier. Une a décidé de ne plus regarder les informations à la télévision. Une autre de se noyer dans des vidéos YouTube traitant de complotisme. Une autre encore préfère aller marcher dans la campagne et de ne plus s’intéresser du tout à l’actualité. Nous sommes des boussoles dont l’aiguille ne sait plus où donner de la tête, pour ne pas dire des girouettes. Et la diversion me semble être le maître mot de tout cela. Pendant que l’on nous divertit, le temps passe, les guerres, les crises pointent le bout de leur vilain nez, désenchantement presque total, et les enfants, les adolescents s’enfuient dans des jeux vidéos, ou sur des sites pornographiques. On ne peut pas demander de choses trop osées à l’AI, même non intentionnellement. Hier par exemple je demandais des images de centaures à DALL-E 3 quand tout à coup un encart rose a mis fin à mon élan, prétextant que ma demande n’était pas dans les clous. Sans doute à cause de la nudité des bustes de centaures. Si tout le monde est fou pourquoi ne le serais-tu pas toi aussi. Et de déployer des projets d’albums de coloriage pour enfant de 8-10 ans. 50 images en noir et blanc sur la mythologie japonaise. Puis en allant étudier le marché voir qu’il n’y a aucune demande sur le marché français pour ce genre d’album de coloriage. Donc, je voulais réinventer encore une fois la roue. Je suis revenu à un projet plus commun. Les Déesses et dieux de la mythologie grecque, mais en style manga. Après plusieurs essais de prompt, j’ai enfin réussi à trouver le bon style de coloriage. Je me suis même surpris à flatter l’AI, likant les images qu’elle me proposait quand elles s’améliorait, la remerciant, la flattant, la cajolant. Voici donc la sagesse du jour. Découverte de plusieurs sites gratuits avec un nombre de prompts limités. Parmi eux le site Ideogram. ( 25 essais mais on obtient à chaque fois 4 déclinaisons de l’image) Voir aussi le site picWish pour améliorer des images floues, ou les nettoyer, voire même pour les photos en noir et blanc la possibilité de les coloriser. Sur Canvas il est possible aussi de faire appel à l’AI pour générer 4 images d’une même idée. Beaucoup plus rapide que sur Dall-e. Mais gros problème avec les mains, elles possèdent souvent 6 doigts. Pour l’instant si l’on désire un rendu texte correct, ideogram semble être le plus performant. Pour le reste le site propose aussi un jeu de presets trés utile. Dévouverte du mode ukiyo-e ( intéressant de constater que ce style naquit juste après une déliquescence totale du pouvoir central, suivi de guerres civiles, 1603-1868 comme une manière d’exorcisme) La traduction de ce terme semble être : images du monde flottant. Stratégie : se dépêcher d’avoir des idées, car dans quelques semaines ou mois tous ces outils seront payants. Le tarif moyen d’abonnement semble se stabiliser autour des 20 euros. Ensuite, régler ce problème du j’aime j’aime pas, quand tu n’as que des pommes de terre à becqueter, c’est mieux de dire j’adore les pommes de terre. Je regarde défiler le fil d’actualité de X sans broncher. Est-ce du chinois ? Parfois, il faut s’éloigner de quelque chose pour mieux le voir tel qu’il est, c’est à dire tel qu’on n’aurait jamais pu penser qu’il soit.|couper{180}