novembre
Carnets | novembre
Hopper, ou l’élégance de l’insignifiant
Il y a cette station-service. Seule. Presque vide. "Gas", dit le tableau. Un mot. Court. Brut. Et pourtant, tout y est. Une lumière diffuse, en bout de journée peut-être. Rien ne bouge. Ou si peu. L’homme, silhouette penchée, affairée à quelque chose. Un geste quotidien. Répété mille fois. Sans intérêt. Mais regardez mieux. "Mobilegas", lit-on sur la pancarte. On pense à Pégase. On ne sait pas pourquoi. Peut-être à cause du cheval. Ou de l’envol. Une image qui se dérobe. Hopper ne montre rien, il suggère. C’est sa manière. La scène, prise trop tôt. Ou trop tard. Un peu comme une photo manquée. Mais volontairement. C’est là tout l’art. Il y a chez Hopper un refus. Subtil. Élégant. De raconter. De donner un sens. Il peint l’interstice. Le battement vide entre deux actions. Ce qu’on ignore, d’ordinaire. Ce qu’on oublie. Et c’est précisément ce qui inquiète. L’« inquiétante étrangeté », disait Freud. Das Unheimliche. Hitchcock, lui aussi, connaissait ça. L’homme qui regarde par la fenêtre. Et rien ne se passe. Pas encore. Mais on reste. On attend. Parce qu’on sait. Que quelque chose va arriver. Chez Hopper, c’est pareil. L’événement est suspendu. Juste hors champ. La tension est dans la lumière. Dans la fixité. Dans l’ordinaire trop scruté. Un bureau. Une femme. Un homme. C’est "La nuit au bureau". La scène pourrait être banale. Mais elle ne l’est pas. La femme regarde l’homme. Ou bien c’est l’inverse. Cela dépend des esquisses. Hopper hésite. Puis tranche. Mais laisse le doute. Comme dans un flip-book silencieux, les regards s’animent. L’un vers l’autre. L’un contre l’autre. Et rien ne se dit. Hopper n’est pas réaliste. Il est au-delà. Il peint ce que nous n’osons plus voir. Ce que nous fuyons : le banal. L’ennui. L’attente. Il peint notre vie. Celle que nous ne regardons jamais.|couper{180}
Carnets | novembre
24 novembre 2019
Écrire un livre a toujours été là, une tâche de fond. J’y ai renoncé, faute de forme. Roman, essais, nouvelles, autofiction — je tentais de rapprocher ma production d’une forme existante. Une forme rassurante. La question revient en voyant la quantité de textes écrits ici. Quant à moi, je n’en sais rien. J’écris au jour le jour, comme un paysan va aux champs. Parce que c’est son quotidien. Parce que sans cela, il ne peut pas vivre. Un paysan vit de peu. De l’amour de son travail, d’eau fraîche, et d’une régularité têtue.|couper{180}
Carnets | novembre
17 novembre 2019
La nuit ne disparaîtra jamais, elle est en nous, indéfectible. Ce texte interroge la symbolique de la nuit à travers les âges, tout en remettant en question les idées préconçues sur la barbarie et l’ombre, là où le véritable danger se cache en plein jour.|couper{180}
Carnets | novembre
Ecrire
J'ai pris l'habitude d'écrire chaque jour, assez souvent chaque nuit, le jour et la nuit se mélangeant dans l'acte d'écrire. Je me creuse moins la tête qu'auparavant plus jeune où je cherchais mes mots, ignorant quoi écrire à chaque fois que j'ouvrais un carnet. Désormais je n'ai plus qu'à ouvrir la page neuve de ce logiciel et poser un mot comme fanal en titre pour que tout coule au fur et à mesure comme une eau parfois trouble, parfois vive selon l'humeur. Ecrire est devenu une addiction tranquille qui ne dérange personne. Ecrire m'aide à tenir pour le reste du temps de la journée à traverser à me resserrer un peu avant de m'éparpiller. Ecrire me donne parfois l'impression de m'être utile, ou complètement inutile, cela aussi c'est selon. Selon le dernier repas pris selon le climat Selon ce qui me traverse aussi à cet instant ou je décide de m'immobiliser sur la chaise, au bureau pour me mettre à table noir sur blanc. Je ne sais pas pourquoi je passe par l'écriture plutot que par la peinture. Je pourrais faire la même chose avec le dessin, la peinture. Me dire aller à table et tous les jours un peu noircis et coloris des feuilles, des toiles, tu sais maintenant que ça s'accumule que chaque jour est une partie à produire comme la pierre que l'on pose entre deux pierres. Cependant que je ne m'y résoud pas bien dans le dessin et la peinture. Jusqu'à me dire aussi que je ne suis pas dessinateur, ni peintre, que j'ai emprunté un personnage encore qui jour le dessinateur et le peintre et qui n'est pas moi. C'est une grande question ces jours derniers de savoir quoi dessiner et quoi peindre désormais. Un vide encore Que je tente de combler maladroitement en remplissant d'autres trous tout autour de celui ci. L'écriture est une pelle sans doute une pelle ou une pioche qui sert à la fois à creuser et combler ce fichu trou. Le trou formé par les mensonges, les illusions, leur acidité corrosive. Je m'y enfonce chaque jour chaque nuit un peu plus comme dans une sorte d'aveu. Et quand je me pose la question de savoir à qui cela est adressé Est ce à moi ? Est ce à toi ? Je préfère m'extraire de la chaise d'un seul coup, et me retrouver dans la cour à fumer en regardant les petits paquets de la neige qui fond, qui ne tiennent pas.|couper{180}
Carnets | novembre
15 novembre 2019
J’ai pris l’habitude d’écrire chaque jour, et souvent chaque nuit. Le jour et la nuit se confondent dans l’acte d’écrire. Je me creuse moins la tête qu’avant. Maintenant, il me suffit d’ouvrir une page blanche, de poser un mot en guise de titre, et tout s’écoule. Parfois trouble, parfois vif. Écrire m’aide à tenir. Cela me resserre un peu avant de m’éparpiller. Parfois utile. Parfois inutile. Selon. Je ne sais pas pourquoi je passe par l’écriture plutôt que par la peinture. Je pourrais faire la même chose avec le dessin. Me dire : « Allez, à table. » Mais je n’y arrive pas. Je me dis que je ne suis ni dessinateur, ni peintre. Que j’ai encore emprunté un personnage. Que ce personnage n’est pas moi. Ces jours-ci, je me pose la question : quoi dessiner ? quoi peindre ? Un vide encore. Que je tente de combler maladroitement, en remplissant d’autres trous autour. L’écriture est sans doute une pelle. Une pelle ou une pioche. Qui creuse, et qui comble. Un aveu. Et quand je me demande à qui cela est adressé, je préfère m’extraire d’un coup de la chaise et me retrouver dehors, dans la cour, à fumer, en regardant les paquets de neige fondre,sans tenir.|couper{180}
Carnets | novembre
12 novembre 2019
La question "Qu’est-ce qu’on va devenir ?" résonne dans les couloirs de nos esprits, expulsant le présent et le passé. À force de courir vers des lendemains incertains, que la réponse se trouve-t-elle déjà dans ce que nous avons été ?|couper{180}
Carnets | novembre
Devenir
Dans les couloirs encore ça me remonte : « qu'est-ce qu'on va devenir ? » Cette perpétuelle inquiétude qui expulse tout — présent, passé — cet élan pour s'extraire des tranchées du présent. Pas de petit coup de gnole, non. Juste un « qu'est-ce qu'on va devenir ? » et ça repart, comme en 14. On ne peut pas savoir. Et c'est bien fait. On ne peut pas savoir qu'à force de cavaler au feu des lendemains qui chantent ou pas, on abrutit l'avenir, on l'étouffe dans l'œuf, bien proprement. « Qu'est-ce qu'on va devenir ? » C'est un peu « qu'est-ce qu'on a été ? » C'est déserter. Dans les couloirs encore ça me remonte, cette petite phrase qui creuse : « qu'est-ce qu'on va devenir ? » Cette perpétuelle inquiétude qui expulse tout du présent comme du passé, cet élan désespéré pour s'extraire des tranchées du présent, sauter par-dessus aujourd'hui pour atterrir dans un demain forcément meilleur. Pas de petit coup de gnole pour faire glisser, non. Juste un « qu'est-ce qu'on va devenir ? » machinal, et ça repart, l'engrenage, comme en 14, comme toujours. On ne peut pas savoir ce qui nous attend. Et c'est bien fait pour nos gueules. On ne peut pas savoir qu'à force de cavaler au feu des lendemains qui chantent ou qui gueulent, on abrutit l'avenir, on l'étouffe dans l'œuf, bien proprement, à coups de projections anxieuses. « Qu'est-ce qu'on va devenir ? » Au fond, c'est un peu « qu'est-ce qu'on a été ? » retourné. C'est déserter le moment présent. C'est la grande fuite en avant perpétuelle. Dans les couloirs : « qu'est-ce qu'on va devenir ? » Cette inquiétude qui expulse tout. Cet élan pour fuir les tranchées du présent. Pas de gnole. Juste la phrase. Et ça repart. Comme en 14. On ne peut pas savoir. C'est bien fait. À force de cavaler vers les lendemains, on abrutit l'avenir. On l'étouffe. Proprement. « Qu'est-ce qu'on va devenir ? » = « Qu'est-ce qu'on a été ? » = Déserter.|couper{180}
Carnets | novembre
9 novembre 2019
Dans cet entre-deux fragile, où l’amour vacille entre aujourd’hui et demain, le poème évoque le mystère de la présence et de l’absence, tout en questionnant la nature des liens qui unissent deux êtres.|couper{180}