juin 2025
Carnets | juin 2025
30 juin 2025
Gros boulot sur le base de données. Renommage de toutes les tables et suppressions de certaines qui semblaient poser problème. Je n'ai pas encore réussi à nettoyer la rubrique import de toutes les balises wp dont sont truffés les articles. Après moult essai et l'importation d'un dernier script, j'envoie un ticket à OVH. J'ai rétrogradé ma version php de manière à être dans les clous avec la version 4.4.4 de SPIP. Bref, accaparé par ces contingences techniques je ne peux pas dire que ce soit une journée palpitante. De gros coups de chaud mais pas dûs aux températures. Demain nous allons à C. S. et moi pour voir E. et l'après-midi rendez vous avec le remplaçant de B. Le tableau est prêt. Nous verrons L. et A. seulement dimanche avec M. et C. Espèrons qu'il leur plaise. Préparation pour affronter Avignon. Avec cette chaleur, j'avoue que je ne me vois pas du tout arpenter la ville. Je prévois d'apporter un carnet à dessin et de me mettre à l'ombre. Petite pluie tout à fait ridicule en fin de journée. pas grand chose d'autre à ajouter. Le mois se termine en queue de poisson on dirait bien.|couper{180}
Carnets | juin 2025
29 juin 2025
Réveil 3h30. Il faut un petit laps de temps pour que je retire le masque de mon visage. Le temps de visualiser l'enchaînement des gestes. D'abord appuyer sur le bouton off de la machine. Puis retirer l'harnachement de sangles et de lanières. Ne pas oublier de déloger les deux petits pitons de leurs encoches respectives, de chaque côté du morceau de plastique dur. Enfin libéré, se diriger vers l'interrupteur et allumer. Puis démonter la partie souple en contact avec le nez pour se rendre à la salle d'eau et la plonger dans le bol préparé la veille. Mélange d'eau et de savon. Ne pas oublier non plus de vider le réservoir d'eau, de le rincer et de le retourner sur une serviette afin qu'il sèche. Ne reste que le long tuyau rigide à rincer. Eau et savon encore mais au-dessus de la baignoire cette fois. Puis l'accrocher sur l'étendage afin que tout soit de nouveau opérationnel pour la nuit prochaine. Hier vers la mi-journée j'ai achevé la commande de A. et L. J'ai pris une photographie et je la leur ai envoyée. J. arrive vers 12h. Nous prenons un moment pour faire le point sur nos faiblesses, nos obstacles, nos maladies avant de nous mettre à table. Poulet rôti et pommes de terre au four. Nous testons le vin restant dans le cubi. Il est encore correct. Sieste ensuite. Puis nous sortons sous la chaleur, nous prenons la Twingo pour aller chercher la fraîcheur à Saint-Pierre-de-Bœuf. Marche le long de la rivière. Spectacle assuré par les canoteurs. Puis nous avisons un petit établissement. Terrasse ombragée. Café et verre d'eau glacé. Nous restons là à prévoir notre prochain séjour en Avignon. S. nous a trouvé un hébergement à Montfavet. On ira certainement voir la tombe de Camille Claudel. De mon côté je préviens que je ferai cavalier seul. Un programme parallèle qui me dispensera de me jeter dans cette course annuelle et frénétique vers les salles de théâtre. Il doit bien y avoir des choses à visiter autres que des théâtres, dis-je. Nous restons encore un peu puis nous repartons. Les sièges de la Twingo sont bouillants. Nous proposons à J. de dormir à la maison mais il décline. Il prend le train de 8h02 pour Lyon.|couper{180}
Carnets | juin 2025
28 juin 2025
À droite de l'écran se dresse d'abord un mur vert percé d'une fenêtre grande ouverte en raison de la chaleur que l'on cherche à expulser pour la remplacer par la fraîcheur matinale. Considérations climatiques futiles qui m'auront échappées puisque j'étais parti pour décrire les lieux. Mais j'y reviendrai peut-être. Sur le climat. Donc, nous avons une fenêtre de forme rectangulaire, il est rare par ici de voir des fenêtres carrées. Les rondes ou en losange sont encore plus rares. Ici aussi je crois qu'on pourra se passer de la géométrie. Au-delà de la fenêtre, un mur qui monte jusqu'à une ligne taillée en biseau, et qui est tout simplement le fait souligné d'une ombre encore plus noire que la pénombre. Si l'on veut laisser l'œil s'élever encore on peut avoir un triangle de ciel gris bleu dans la partie supérieure de la fenêtre. Avec peut-être une légère nuance purpurine. Description qui n'est que l'écho d'une page lue ce matin. Ce qui me fait penser à Laurent Mauvignier quand on lui demande quels sont les auteurs qui l'ont inspiré. Il parle de cet écho chez d'autres auteurs d'un quelque chose qu'il cherche à dire. Est-ce cela l'inspiration, je ne sais pas. Peut-être que ça parle de solipsisme prometteur plutôt. Comme si à la lecture on avait franchi un mur. On aurait découvert cette percée, cette fenêtre que j'évoque au début, on passerait par celle-ci et l'on se retrouverait dans un jardin, dans une ville, dans ce que l'on voudra, une bibliothèque. La seule chose dont on ne pourrait plus douter c'est que c'est à soi de s'occuper des lieux. Car pas de jardinier ici, pas d'éboueur pour ramasser les ordures, pas de bibliothécaire pour épousseter les ouvrages, balayer les sols. Tout nous appartiendrait, d'accord. Mais nous serions les seuls responsables à la fois des merveilles qu'on y trouve comme des dégâts qu'on y cause. Une idée fugace passe, laisse-la passer, ne la retiens pas. Patience. Si elle revient une seconde fois note qu'elle se représente avec un léger étonnement. Mais laisse-la passer encore. La troisième fois cependant note-la car il y a de grandes chances qu'elle ne se représente plus. Cet espoir de retrouver goût à la lecture lui tomba dessus comme la grâce. Qu'allait-il en faire lui qui dans chaque espoir décelait déjà les prémisses d'une deception à venir. Donc le mot propriété revient par la bande. C'est à dire que tu lis un livre, tu le lis parfois plusieurs fois, tu t'en imprègnes et à la fin de voici étrangement devenu son propriétaire . Je ne parle pas de placer le livre sur l'étagère de la bibliothèque, évidemment. Je parle de cette sorte d'avidité incroyable au fond de soi qui s'accapare le monde de toutes les manières dont on peut imaginer que le monde se présente à soi. Que ce soit une rue que l'on arpente à période régulière et dont on fait sa familère, comme jadis on parlait de favorite. Que ce soit les fleurs du jardin que l'on arrose le matin pour qu'elles ne dépérissent pas trop vite. Que ce soit les livres que l'on lit et dans lesquels parfois on se reconnaît plus ou moins. L'idée d'être assisté pour respirer. Par une machine. L'agacement soudain s'additionne à la chaleur, se cumule, s'amplifie. Vers 23h j'arrache le masque. C'est à dire que le confort au bout d'un moment m'est tout aussi insupportable que tout le reste. C'est à ce moment, ne parvenant plus à dormir que j'ouvre les Nouvelles Complètes de Conrad, chez Quarto. Je n'avais jamais lu la préface de Jacques Darras. Il évoque la présence de Rimbaud et de Jozef Konrad Korzeniowski au même moment à Marseille, en 1875. Et surtout cet attrait des deux jeunes hommes pour les langues étrangères notamment l'anglais et le français pour le jeune polonais. « L'oreille devient organe majeur, les recherches linguistiques saussuriennes sont proches d'une formulation théorique ». Hier encore je m'interrogeai sur l'utilité d'un récit de voyage et aussitôt que je lis ces pages ce sont les noms de lieux qui attirent l'oeil. l'île de Bangka au nord de Sumatra Semarang Singapour et Bornéo Aden Kinshasa Stanley Falls Harar L'hôpital de la Conception à Marseille.|couper{180}
Carnets | juin 2025
27 juin 2025
Relu quelques textes de 2019. Notamment ce récit d'un voyage Quetta-Karachi effectué en 1986, relaté en novembre 2019 durant l'époque des confinements. La première idée : corriger le texte, l'améliorer. Quelque chose me tarabuste. Ça ressemble à un récit qui se donnerait pour objectif de relater une sorte de vérité des faits. Mais assez vite, ce n'est pas le doute concernant les faits qui me dérange — c'est un doute sur la narration même, sa raison d'être. J'imagine que c'est parce que ce voyage, je ne l'ai jamais mené au bout. L'hépatite attrapée, le rapatriement, le trait tiré sur ce grand reportage, sur ces rêves d'autrefois. Devenir grand reporter, grand photographe, grand. Devenir grand tout simplement. Car c'était effarant de comprendre à 26 ans qu'on est encore un enfant. C'est une honte. Qu'est-ce qu'on a fait ou pas fait pour mériter ça ? Alors on remet toute l'existence en question, à commencer par la sienne. Partir vers l'inconnu. Partir vers le pire, la guerre. Avec le recul : il n'y a qu'un gamin pour oser ça. Puisqu'il faut passer par le pire du pire pour être un homme, selon les traditions rapportées. Selon les modèles imposés. A-t-on les moyens de remettre en question ces modèles ? Ce serait la première mission de la jeunesse justement : douter, inventer autre chose. Mais je me rends compte qu'on invente probablement des versions du même. Une sorte de clonage d'un mécanisme qui date de l'époque des chasseurs-cueilleurs. Une chasse au tigre à dents de sabre. Tu ramènes une dent en pendentif, te voilà un homme. Et ensuite tu raconteras tes exploits — ou tu verras ceux-ci se transformer d'abord dans ton propre crâne, puis s'amplifier dans la communauté, devenir une sorte de légende. Est-ce vraiment ça que tu voulais à 26 ans ? Pas sûr que ce soit si simple. Tu voulais faire quelque chose de ta vie. Déjà l'idée de repartir de zéro te tenaillait. Tout ce que tu fais n'est pas suffisant. Ne l'est jamais. Quelque chose ou quelqu'un te regarde. Tu es un acteur qui joue sur une scène de théâtre devant ce quelque chose, ce quelqu'un. Tu en es un peu conscient. C'est peut-être un peu toi aussi, le spectateur. C'est celui qui se raconte une histoire, qui ne sait pas encore qu'il se trompe en se prenant pour un photographe. En fait, il est déjà écrivain. Il écrit déjà avant d'écrire, comme dirait Blanchot. Et oui. Une petite erreur de casting qui va déclencher toute une série de bourdes, de catastrophes à venir. Il avait dit 16h, il est arrivé à 16h. L'homme apportant la machine. La machine censée pallier l'apnée, améliorer la qualité du sommeil. Il est sympathique. Il prend le temps d'expliquer dans le détail, très pédagogue. Ses ongles sont bien taillés, ses cheveux sont bien taillés, sa barbe est bien taillée. Son ton est parfaitement mesuré — à la fois empathique, professionnel, pas un mot plus haut que l'autre — et tout ça avec le sourire. La machine n'est pas très imposante. Moins que ce que j'avais imaginé. C'est surtout le tuyau blanc et le masque. Je me demande comment je vais pouvoir dormir avec ça sur le visage. Il y a même un aspect pratique à la visite : il me fait démonter-remonter les différentes pièces de la bécane. J'ai l'impression de me retrouver face à une arme. Tout juste si je ne ferme pas les yeux. « Une minute pour démonter-remonter, allez, et on essaie de s'améliorer. » Mais non : « Prenez votre temps, et si vous voulez je peux vous remontrer, prenez votre temps. » Panique. Il a diagnostiqué ma faille tellement vite. Ne pas vouloir être pris en défaut. Être capable de. Ne pas dévoiler ma gigantesque inaptitude à être ou à vivre. « Et si on faisait un essai pour de vrai, allongé ? » me dit-il. Je dis oui. Et d'aller m'allonger sur le canapé du salon, ainsi affublé de ce masque relié à cette machine posée sur la table basse, à côté du puzzle de 1000 pièces que termine S. On ne se rend pas compte à quel point nous traversons des scènes étranges, surréalistes. L'enchaînement des faits vers des buts inventés nous semble si normal. Bref, je m'allonge. Je ne sens rien au début. Impression de respirer tout à fait normalement. C'est quand je le dis — « C'est drôle, je ne sens rien, j'ai l'impression de res... pir... rer... nor... ma... le... ment » — que je comprends qu'il se passe quelque chose d'étrange. Le type se marre. « Et oui, vous verrez, on s'habitue. J'ai des clients qui arrivent à parler en même temps, avec un peu d'entraînement. Je vous laisse expérimenter, je vais remplir les papiers en attendant. » En vrai, je me sens bien. J'ai presque envie de me laisser aller, de m'endormir. Mais au bout de deux minutes, ça suffit : et si je m'endormais vraiment ? J'aurais l'air fin. Je me relève, retire le masque qui émet un chuintement de mécontentement. J'appuie sur le bouton on/off. J'arrive en disant : « Bon, ce n'est pas la mer à boire. » On prend rendez-vous pour dans une semaine et il repart. Ce type fait tout l'Isère et un peu de la Drôme aussi. Ça fait de la route. Que peut-il y avoir derrière son masque d'amabilité ? Peut-être de l'amabilité seulement. Amélioration du squelette de compilation mensuelle. Désormais il y a un bouton et une liste de choix pour créer un article SPIP ou un fichier markdown à télécharger. Pour le moment, réservé seulement à la partie privée du site — la rubrique d'archivage restant invisible au public. Ce qui fait désormais un outil vraiment pertinent pour repasser de nombreux textes à la moulinette. J'ai même prévu un versioning : version 2, version 3, etc. Même si je versionnais une fois par jour un seul texte, je ne vivrai pas assez longtemps pour épuiser les possibilités de stockage de la base de données. Ce qui signifie que je devrai me contraindre à deux ou trois versions maximum et étaler dans le temps, pourquoi pas. Rien ne presse. Se dire que tout ça ne prendra sens qu'après. Longtemps après, sans doute. Après moi.|couper{180}
Carnets | juin 2025
26 juin 2025
J'ai rassemblé sous forme de tutoriels tout ce que S. ne cesse de me demander. Comment fait-on pour ceci, pour cela. Comment fait-on cela pour ceci. Cela fait des années. Ce doit être un jeu. Donc j'ai créé deux parties au site local que j'ai intitulé « maison ». D'une part 40 ans de photographies. Que je nourris peu à peu en creusant dans mes vieilles sauvegardes et dans mes cartons de négatifs à scanner. D'autre part « les comment faire ceci comme faire cela. » Découverte de taille concernant les images dans SPIP. Plus besoin d'utiliser le code <docxxx|center>ou left ou right. En utilisant le plugin portfolio, une lightbox et un script js il suffit simplement de télécharger les images dans l'article et le squelette fait le reste pour les albums. A exploiter pour le dibbouk ? ça voudrait dire aller farfouiller dans les tables pour tout remettre d'équerre. Gros boulot. En parlant de tables, découverte que les soucis avec la console Google pouvait aussi venir des plugins statistiques. J'ai donc désactivé deux plugins dont je me servais pour analyser la granularité des visites par objet éditorial. En revanche obligé de placer deux lignes de code supplémentaire dans mes_options.php car le plugin statistique fait désormais partie de l'installation dans les dernières versions et il est verrouillé. J'en ai aussi profité pour refaire des test d'url mais ça devient un vrai casse-tête avec cette chaleur. Du coup j'ai supprimé quelque lignes dans le robot.txt j'ai relancé l'analyse après correctif sur la G.S.C. Il faut attendre au minimum 24h pour les changements soient pris en compte. Sur le site local maison, ajouté quelques scripts sh pour me rafraîchir la mémoire lorsqu'il s'agit de retailler des images trop volumineuses. me suis fait aussi quelques tutos persos notamment pour le paramêtrage de Tailwind CSS et qui m'a donné un peu de fil à tordre. A noter le plaisir sauvage presque d'effectuer une recherche de documents, de les trier, ranger, classer par type, par année, par mois. Sur une page spéciale noté aussi tous les codes utiles. Que ce soit ceux des sites importants, banques, impôts, sécurité sociale, mutuelle, etc. Tout ça en me souvenant du désespoir de mon père lorsque ma mère nous quitta. C'est à ce moment que je compris que c'était elle qui supportait la partie administrative de la maison. Comme à son habitude lui faisait semblant, ce qui se manifestait par un « je vais aller voir un tel une telle dans telle ou telle administration. Là je demanderai le responsable et nous verrons de quel bois il se chauffe. » Alors que franchement la maison était équipée de ces vieux grille-pains dont l'utilisation devint avec le temps tellement catastrophique sur le plan pécuniaire qu'il finit par vivre dans seulement deux pièces de la maison. Ce que je veux me rappeler c'est que l'on peut tout à fait disparaître ainsi, du jour au lendemain et que c'est déjà assez difficile pour les autres qu'il ne sert à rien d'ajouter du désordre au chagrin. D'ailleurs c'est une sorte de chose que je traîne depuis des lustres au fond de ma pensée. Mon petit vieux quand tu te mettras sérieusement à ranger, ce sera la fin des haricots. C'est ce que je me suis toujours dit en vrai. Sans doute la véritable raison pour laquelle je ne range en principe rien, que je vis dans un désordre perpétuel, signe personnel de bonne santé. J'ai cessé de partager mes articles sur les réseaux sociaux depuis une bonne semaine. Je me suis assis pour prendre mon propre pouls. Alors ça fait quoi. Rien absolument rien. En tous cas ça n'entrave pas le rythme des publications sur le site, j'ai même la sensation que je me concentre encore mieux sachant que nul ne lira mes soliloques. Encore travaillé une bonne partie de la journée d'hier sur la commande de tableau. Comme je le prévoyais ça ne sera pas simple. L'un préfère ceci l'autre trouvant que finalement cela n'est pas mal non plus. Du coup je fais comme d'habitude, je ne me fie qu'à moi-même pour avancer. Il faudrait que ça ne dure pas trop longtemps tout de même. La somme est plus qu'attendue pour nous remettre à flot. La chaleur est infernale. Aperçu la taille des grêlons reçus par certaines régions tout autour de chez nous. Et vu aussi les événements catastrophiques en Chine, les inondations. Jusqu'à quel point peut-on penser que ces éléments sont véritablement naturels. On peut imaginer à peu près tout et son contraire désormais. Ce qui nourrit l'imagination finalement. M. et C. passeront la semaine prochaine, ils dormiront à la maison et repartiront vers leur villégiature le lendemain. Que va-t-on faire pour le repas, de la salade et des frites ont-ils déclaré, pas de viande. Quand je dis que nous vivons une époque bizarre. Qu'est-ce que je pourrais ajouter de spécial pour que si d'aventure je me relisais je me souvienne parfaitement de cette journée ? La couleur verte de la menthe en pot aperçue depuis la fenêtre de la cuisine. Un vert tellement tendre.|couper{180}
Carnets | juin 2025
25 juin 2025
Vivre sans peur et sans désir. Voilà à peu près le tableau. S'habituer au manque afin que rien ne nous manque. Une mythridatisation. Avoir satisfait les désirs les plus bas, de nombreuses fois. Ces venins bénins. Sans doute pas non plus les plus triviaux. Des désirs assez ordinaires, des désirs faciles. Puis décréter — quel ennui —, avec ce petit air suffisant. Peut-être est-ce une astuce finalement. Les rêves n'en reviennent que mieux à la charge durant la nuit. Les cauchemars également. Les uns ne pouvant être sans les autres. Une part enfouie, très enfantine la nuit. L'enfant serait-il l'unique personnage, le démiurge fabriquant ses créatures ? Et la dernière étape serait-elle d'ouvrir en grand les yeux et de s'apercevoir qu'il ne s'agit pas de la nuit mais du néant ? Que resterait-il encore comme solution ? Contre quoi luttes-tu vraiment ? L'ennui de l'ennui, l'habitude d'être toi, la fatigue des répétitions incessantes, les murs du labyrinthe, les pancartes « sortie » qui ne sont que des voies sans issue. Égalisation. Ça pourrait rappeler égalité mais c'en est loin. Qui égalise, qui se retrouve égalisé sans le vouloir, sans rien demander ? La liberté des uns commence désormais où s'achève celle des autres. Quant à la fraternité, on a inventé la pudeur afin d'en finir avec ses manifestations intempestives. Les cars de CRS, les coups de matraque, les décrets, les amendements, l'information. Pourtant, il me semblait bien avoir vu de mes yeux vu des gens joyeux un jour. Des rues pavoisées, des foules insouciantes, des bals de pompiers, des confettis et le petit vin blanc coulant à flot en bord de Marne ou de Seine. L'ai-je rêvé ça aussi ? Quelle morosité. Le ton n'est pas à l'amusement mais à la contrition. Arborez, arborez, arborez. On peut arborer avec tout ce que l'on nous aura poussés à déraciner. Quel cynisme. Le mot « insupportable » lui aussi se vide de son sens à force qu'on l'use. Une nuit sans rêve, ce n'est pas une nuit sans rêve. Une nuit sans rêve, c'est une nuit dont tu ne te souviens pas de tes rêves, comme si quelque chose t'en avait privé. Et de t'interroger si ce quelque chose est à l'intérieur de toi ou bien s'il fait partie de la nouvelle mise en place du monde. Il y a longtemps que je n'avais pas vu d'huissier. Celui-là dégoulinait de sueur devant la porte et la feuille qu'il m'a tendue était humide. 1 200 euros. Toujours la même embrouille de la part de la Maison des artistes, de l'Urssaf du Limousin. Je tente d'expliquer que c'est une erreur. C'est une erreur. Le type ne m'écoute pas, il s'en fout. Il dit : « C'est comme ça. » Passé mon après-midi d'hier à démêler une fois encore cette histoire. Des gens sympas au téléphone du reste. Tant à l'Urssaf qu'à la Sécurité sociale des artistes. C'est ça le pire. On ne peut en vouloir à personne. On ne peut engueuler quiconque. Toute la violence du choc, on la prend dans le bide et on gère comme on peut. 1 200 balles, une vraie rafale pour le coup. Temps de guerre, pas pour rien. Pour en finir, j'ai envoyé les documents comptables que j'ai retrouvés par miracle par mail à tout le monde. Plus de vie privée. Tout le monde le saura que je n'ai plus la queue d'un. La belle affaire. Le plus surréaliste fut la voix charmante de mon interlocutrice du cabinet d'huissiers. Je veux dire que j'avais l'impression d'avoir une copine au téléphone. « Ne vous inquiétez pas, tout va s'arranger. » Avec même un petit rire complice. Et moi de marcher dans la combine, allez. « Tout ça n'est pas bien grave, on en verra d'autres. » Ce qui fait que la journée entière fut étrange, encore une fois. Le matin, le technicien Free résout la panne en quinze minutes, montre en main. Puis je me rends à la clinique du sommeil de B. Je m'attendais à repartir avec la machine sous le bras, pas du tout. Juste des prospectus, et un bilan comme quoi oui, il faut vraiment que je fasse quelque chose car la bécane a mesuré un taux d'apnée anormalement élevé. Il paraît que je peux y laisser ma peau. Ce serait intéressant. J'ai pensé à une mue quand le docteur R. a prononcé ces mots. Puis il m'a montré un tableau de montagne parce que sa femme l'emmène voir des expositions — ça ne l'intéresse pas trop, mais ce tableau tout de même, regardez ça. « C'est vers Chamonix, j'adore la montagne. » Et effectivement, c'est un tableau de montagne très bien fait. La neige n'est pas blanche comme il se doit, les ombres sont profondes, le ciel est bleu et les rochers paraissent bien coupants. J'ai pensé aussitôt à l'Antarctique, aux Montagnes de la folie. Ce n'était pas le moment. « Ça vous fera trente-six euros. » Tiens, le tarif a augmenté. Le soir même, reçu un coup de fil du technicien qui doit venir m'expliquer le fonctionnement de la machine. Voix amicale, encore un copain. Dans le fond, je me fais peut-être du cinéma pour rien. Le monde est amical et moi je ne suis qu'un vaurien. S. revient en rogne de chez E. « Je ne la supporte plus », dit-elle en posant ses clefs sur la table. Et de lui dire pile-poil qu'un huissier était passé — j'ai trouvé que c'était le bon moment. Comme ça, c'est fait. Je veux dire qu'on est tellement fatigués par tout, y compris la chaleur, assommés, qu'un coup en plus sur la tête... Le reste de la soirée s'est passé sans heurt. J'ai créé un nouveau site local pour classer toutes les photos que j'ai scannées ces derniers jours. Il faudra que je note les codes au cas où sur un post-it, sur un mur. J'ai pensé qu'il faudrait un peu d'ordre, un peu d'organisation : ranger, classer, trier. Au cas où, soudain, je ne sois plus là. Repas frugal. Tarte aux poireaux délicieuse rapportée de Caluire par S. Encore écrit un peu après le dîner. Un essai sur l'idée d'un monde truqué que j'avais commencé le matin mais qui reste encore bancal. Enfin, j'ai tout éteint et suis parti dans Dunsany Le Temps et les Dieux Et sa petite ritournelle m'a endormi rapidement.|couper{180}
Carnets | juin 2025
24 juin 2025
L'écart, la distance, pas seulement sur le plan physique, mais aussi mental, astral. Affût. Vigilance extrême. Le danger peut désormais surgir de n'importe où, n'importe quand. Une microseconde d'inattention et c'est la fin. Refus de cette hypervigilance. Freiner des deux pieds. Quelqu'un ou quelque chose me tire ou me pousse pour avancer. Je résiste mais c'est plus fort que moi. L'illusion du temps est plus forte que moi. De temps en temps, un bug. Les gens se mettent à répéter les mêmes mots, les mêmes bouts de phrases. Disques rayés. Il s'est passé quelque chose. Ces images issues d'un film de science-fiction. Ces images de villes désertes. Ou encore ces amas de cadavres que des ambulances emportent vers des lieux étranges en Chine. Oui, la science-fiction devient la réalité. C'est-à-dire que l'on passe du plan imaginal à une nouvelle version de réalité imposée. Le cinéma est-il devenu une arme d'illusion massive, en à peine quelques années, avec la télévision, la radio ? Tout ce qui informe. Cette matière noire gluante qu'est cette information. Cette matière à djinns. À monstruosités génétiques. Le tout s'accélérant grâce aux cristaux désormais omniprésents. Cristaux liquides et matière noire informée par nos émois, nos peurs, nos désirs. Des créatures synthétiques s'en extraient peu à peu, regard froid, glacé, inhumain. C'est la faim qui les anime. L'instinct basique. Dévorer est leur mot d'ordre. Vers 4h, je me suis réveillé en sursaut. Un bruit. Provient-il du rêve ? Soudain je retrouve ces vieilles terreurs enfantines qui naissaient exactement de la même façon. Je m'éveillais d'un cauchemar pour découvrir que la réalité en était un autre. Encore passé du temps à revenir sur le code. Suis parvenu à réinstaller Tailwind sur le site local. Ce qui va grandement alléger le site car la feuille de style minifiée ne pèse que 48k. Quelques frayeurs au moment du transfert mais au final pour rien. Plus peur d'une erreur de code que de mes pires cauchemars. Ce qui est, dans une certaine mesure, tout à fait logique pour un démiurge. S'il se rate, il sombre dans l'inconnu. 8h43, le technicien Free sonne. Résolution de la panne. Explication : Orange et Free se tirent la bourre. Écrasements mutuels de lignes. 9h20, le technicien Free repart. Rapide. Il n'a pas prononcé dix mots en tout. Impeccable. La chaleur monte par degrés. Encore une journée étouffante en prévision. Rendez-vous à 11h45 à la clinique du sommeil. Cette fois je vais certainement avoir l'appareil pour de bon. Une infirmière passera ensuite pour le recharger en oxygène. Ce qui me rappelle que j'allais autrefois livrer des bouteilles d'oxygène dans la région de Puteaux. C'étaient des bouteilles énormes. Lourdes. Encombrantes. Je revois encore ces êtres allongés dans des lits médicalisés à domicile avec des tuyaux de plastique pénétrant leurs narines. J'ai parfois du mal à me dire que je suis passé par tout ça. Au final, pas si différent de ces rêves, ces cauchemars. Retrouvé par hasard une vieille photographie prise lorsque j'habitais Aubervilliers.|couper{180}
Carnets | juin 2025
23 juin 2025
Nuit hachée. Rêve : impression finale — tout ce que je croyais jusque-là s’évanouit lentement dans l’ombre. Des silhouettes inquiétantes s’approchent. Tu sais par avance qu’elles ne te veulent pas du bien. Au début, elles semblent « normales », puis peu à peu elles se métamorphosent en créatures hideuses. Regards d’une froideur inhumaine : elles peuvent suivre en direct mes observations, mes pensées. Si je pense tentacules, j’en vois soudain pousser deux ou trois sur leur corps. Elles veulent que j’aie peur. Je n’ai pas vraiment peur. Je refuse d’avoir peur. Je me concentre sur ma respiration en me disant que tout ça est une illusion. Mais ça ne s’en va pas. Il faut que j’affronte. Je ne peux pas m’enfuir. J’essaie de me réveiller, ça ne marche pas. Je creuse, pour tenter de comprendre l’intention de ces choses. Elles veulent quelque chose de précieux, mais je ne vois rien de précis. Je constate que je n’ai rien de vraiment précieux. Et soudain, une intuition. Et au moment où je vais savoir enfin de quoi il s’agit... je me réveille. Chaleur étouffante. Hier soir, un orage. J’ai laissé la fenêtre de la chambre grande ouverte. Un peu d’air, mais pas longtemps. Éclairs, grondements, petite pluie de rien du tout. Visionné deux vidéos de F.B. : l’une sur Balzac, l’autre sur HPL. Toujours étonnant, d’autant qu’il s’agit d’improvisations. Est-ce vraiment de l’improvisation ? La panne de box continue. Nous aurons le fin mot de l’histoire mardi, avec la venue du technicien. En attendant, partage de connexion — parfois d’une lenteur agaçante. Je m’évade du carnet habituel, peu à peu. J’ai ouvert d’autres secteurs d’exploration, que je ne mets pas encore clairement dans le menu de navigation. La difficulté de ces nouvelles pratiques tient à une autre régularité à adopter — tellement je suis ancré dans mes habitudes d’écriture du matin. Ces derniers temps, j’essaie d’écrire le soir. Parfois aussi, je note, dans la nuit, des mots qui remontent sur le petit répertoire posé sur la table de chevet. L’atelier Boost s’achève. J’ai créé un PDF chronologique des textes écrits chaque semaine depuis janvier 2025, mais cette lecture ne me satisfait qu’à moitié. En réorganisant par thématiques, il y a un autre mouvement qui m’intéresse… À suivre. En triant de vieilles photographies retrouvé une prise à Aubervilliers depuis la fenêtre de la cuisine .|couper{180}
Carnets | juin 2025
22 juin 2025
Chaleur crescendo. Parc du Chayla, Tain. Quatre heures du matin, départ. Vide-grenier : +50€, -10€ emplacement. Bilan : quarante euros, plein soleil, meilleures places prises. L'Infraordinaire. Perec et ses cartes postales à Cortázar. Récurrence du bien-manger, des coups de soleil. Véracité ou fabrication de la véracité ? Iran bombardé. Très réussi, insistent les infos. Clichy, 1991. Même satisfaction dans la voix du présentateur. Entre les deux guerres : rue Biot, garni, trois ronds pour le self d'en face. Assistant de D.G., quelques semaines. Suresnes ensuite. Chambre-cocon. Volets clos. Camionnette blanche, colis, circuit parisien. Lectures oubliées. Un matin — lundi ? — porte ouverte. Cerisier japonais, pétales au sol. Déménagement trois jours après. Boxeur + danseuse de l'Est = grabuge. Équation de la sous-location. Rue des Poissonniers, chambre 30. 35, rue des Poissonniers. Boucle bouclée. Quinzième arrondissement, rue Jobbé Duval. Le 35 ? Ou un autre 35 ? La mémoire confond ses adresses. Géographie de la précarité : les numéros se répètent, les lieux s'effacent. Perec notait le prix du café. Moi : guerre réussie à la télé, cinquante euros au vide-grenier. Même économie de survie. Treize heures. Plus personne sur la place que nous. S. dit : « On ne peut pas nous rater maintenant. » Non, les gens ne viendront plus. Trop chaud pour flâner. Remballage. Obstination nécessaire. Position de contre. Pour survivre. Crâne qui explose, pas de chapeau. Amateur. Cortázar a-t-il vraiment reçu ces cartes ? Ou tout écrit le même jour, véracité fabriquée ? Je ne l'accepte plus, ce trop-plein de suggestions. Colère en strates profondes. Ainsi nos vies : éclats de beauté entre deux fuites. Cerisiers qui perdent leurs fleurs pendant qu'on bombarde ailleurs, très réussi. Remballé, reparti.|couper{180}
Carnets | juin 2025
21 juin 2025-2
Fait trop chaud, n'arrive pas à dormir et repense à ce livre de Patrice Van Eersel terminé il y a peu : Le soleil est-il conscient ? Paru en avril 2025. La question vient du biologiste britannique Rupert Sheldrake, qui suggère que les champs électromagnétiques pourraient être le pont entre conscience et matière. Van Eersel, l'auteur de La Source noire, a repris cette interrogation dans une enquête de 452 pages. Un journaliste des années Actuel, des années Clés aussi, ou Nouvelles Clefs, c'est selon. Ce titre ne m'a pas quitté. Et c'est peut-être en tournant dans mon lit, cette nuit sans sommeil, que l'idée de cet article a commencé à prendre forme. Ai marché dans les rues du village ce matin. Mêmes boutiques fermées, à louer, à vendre, même désolation à chaque coin de rue, on finit par s'y habituer. Et au ciel bas et au mont Pilat qu'on entrevoit depuis le fond de la vallée, à travers les fumées d'usine. Mais ce matin, ça me revient, quelque chose clochait. Le silence était trop bruyant. Notifications à répétition qui dégringolaient des façades, des habitacles, des véhicules, moteurs plus ou moins éreintés. Échos d'une vie qui ne se pose jamais. Et ça m'a mis en rogne, c'est-à-dire dans une certaine forme d'énergie. Me suis dit que le pire qui pouvait nous être arrivé, c'est cette impression de tout savoir et de ne rien savoir de manière simultanée. Nous disposons d'applications en tout genre parmi lesquelles des podomètres qui calculent pour nous le compte de nos pas. Nous savons la vitesse d'une particule. Le temps qu'il reste avant la pluie. Et pourtant ne savons plus faire le plus simple : nous arrêter et écouter. Le silence ne disparaît pas, nous le recouvrons. Il s'effiloche à force de superpositions. Il s'aplatit ou nous croyons en finir ainsi avec lui. Le silence est devenu tellement insupportable que nous ne voulons plus l'entendre dans nos rues comme dans nos conversations, dans nos monologues. Nous en avons peur désormais. Alors nous le remplaçons. Chiffres, alertes, pixels, playlists. Nous inventons un masque qui nous aveugle et nous effraie. Nous appelons ça vivre. Ou encore la réalité. Ce que le silence, le masque, la réalité produisent en moi est très étrange. De vieux récits remontent. Ai l'impression de tracer mentalement une issue de secours. La Tartarie, l'Atlantide, la Terre creuse. D'autres encore, plus flous, plus muets. Ces vieux récits n'expliquent rien. C'est une porte de secours ou une mise en abyme. Et au fond de cet abyme il y a quelque chose d'ineffable, mais qu'il faut que je parvienne à suggérer malgré tout. Une forme de vertige. Une blessure qui ne saigne pas. Y verrais plutôt des bouées jetées et qui flottent au loin dans l'eau noire de ces journées. Non pour s'y accrocher, je ne me sens pas naufragé. Mais peut-être pour retrouver la sensation de dériver. Et c'est là que repense aux Kogis. Ces 16 000 descendants des Tayronas qui vivent dans la Sierra Nevada de Santa Marta, en Colombie. Les ai découverts dans un documentaire, ou peut-être un livre, ne sais plus. Ce qui m'a frappé, c'est cette phrase qu'ils nous adressent : ils nous appellent leurs « petits frères ». Pas une moquerie. Une main posée sur l'épaule. Ils vivent depuis plus de cinq siècles entre 0 et 5 770 mètres d'altitude, là où nous avons désappris de regarder. Ce qui me trouble chez eux, c'est cette question qu'ils posent à l'orée d'une forêt : « Comment pouvez-vous entrer sans demander la permission aux maîtres des lieux ? » Et nous restons là, bêtes, sans mots, parce que nous ne savions même plus qu'il y avait des maîtres. Pense à ça parfois quand pousse une porte. Quand entre quelque part. Est-ce que demande ? Est-ce qu'écoute ? Ou est-ce que fonce, comme si le monde m'attendait ? Mais ce qui m'intéresse, c'est pas cette opposition facile entre eux qui « savent » et nous qui « ne savons plus ». C'est plus simple et plus complexe. Eux mâchent la coca pour rester connectés à la Pachamama, pour être « en permanence dans un état de conscience avancé ». Ils utilisent des rituels, des gestes, des mantras. Ils passent par une mythologie sans se poser de questions. Ce que nous ne savons plus faire. C'est peut-être ça qui me fascine. Nous cherchons tous des portes. Les Kogis les trouvent dans leurs rituels à la coca, dans leurs offrandes aux montagnes qu'ils considèrent comme « le cœur du monde ». Moi, les cherche dans mes dérives nocturnes sur l'écran, dans mes obsessions pour l'Atlantide, dans ces synchronicités que note parfois dans un carnet. Le problème c'est pas qu'on a perdu le mythe, c'est qu'on l'a intellectualisé au point de ne plus pouvoir s'y abandonner. Me souviens de ce que j'ai ressenti en découvrant la théorie de Sheldrake sur la conscience du soleil. Cette petite vibration, ce frisson d'évidence. Comme si quelque chose en moi reconnaissait une vérité sans avoir besoin de preuve. Une équation bien posée, comme une phrase bien dite, nous relie à quelque chose de plus vaste. À cette étrange vibration qu'on appelle encore conscience, faute d'un meilleur mot. Hier soir, insomnie déjà. Ai regardé dehors. Les fenêtres d'en face étaient éteintes mais pas mortes. Il y avait quelque chose qui respirait encore. Pas les gens. Quelque chose d'autre. Le monde, peut-être. Qui attend. Qui ajuste. Qui respire sans demander la permission. Me pose souvent cette question : nous sommes tous à la recherche d'interfaces avec le mystère. Les chiffres nous disent que tout est affaire de juste mesure : à 21 % d'oxygène, nous vivons. À 22, tout s'enflamme. À 19, nous nous éteignons. Qui règle cela ? Quel souffle veille à cette équation-là ? Quelle forme de présence ajuste l'équilibre sans demander d'applaudissements ? C'est peut-être ça que les mythes tentent de nommer. Cette manière humble que nous avons trouvée pour poser la question. Pour désigner sans profaner. Ils sont pas là pour nous endormir, mais pour nous réapprendre à voir sans arracher. À nommer sans posséder. À deviner sans saisir. Rêver, alors, devient un acte de mémoire. Non la fuite, mais l'appel. L'écoute revenue. Demander la permission. Se taire. S'asseoir. Toucher une pierre comme on touche un front. Sentir qu'elle respire elle aussi, à son rythme. Imaginer que la conscience est pas logée dans nos crânes mais dissoute dans le monde. Que penser n'est qu'une forme de résonance parmi d'autres. Interfaces With Mystery Too hot, cant sleep and thinking of this book by Patrice Van Eersel finished not long ago : Is the Sun Conscious ? Published April 2025. The question comes from British biologist Rupert Sheldrake, who suggests electromagnetic fields could be the bridge between consciousness and matter. Van Eersel, author of The Black Source, took up this interrogation in a 452-page inquiry. A journalist from the Actuel years, the Clés years too, or Nouvelles Clefs, depends how you see it. This title hasnt left me. And maybe lying in bed, this sleepless night, the idea for this article began to take shape. Walked the village streets this morning. Same shuttered shops, for rent, for sale, same desolation at every corner, you get used to it. And the low sky and Mount Pilat glimpsed from the valley floor through factory smoke. But this morning, comes back to me, something was wrong. The silence was too loud. Notifications cascading from facades, from vehicles, from motors more or less worn down. Echoes of a life that never settles. And it made me angry, which is to say put me in a certain form of energy. Told myself the worst that could have happened to us is this impression of knowing everything and knowing nothing simultaneously. We have applications of every kind including pedometers that count our steps for us. We know the speed of a particle. The time remaining before rain. And yet no longer know how to do the simplest thing : stop and listen. Silence doesnt disappear, we cover it. It frays from layering. It flattens or we think to finish with it thus. Silence has become so unbearable we no longer want to hear it in our streets as in our conversations, in our monologues. We fear it now. So we replace it. Numbers, alerts, pixels, playlists. We invent a mask that blinds and frightens us. We call this living. Or else reality. What silence, mask, reality produce in me is very strange. Old stories rise. Have the impression of mentally tracing an escape route. Tartaria, Atlantis, the Hollow Earth. Others still, more vague, more mute. These old stories explain nothing. Its an emergency exit or an abyss. And at the bottom of this abyss there is something ineffable, but that I must manage to suggest despite everything. A form of vertigo. A wound that doesnt bleed. Would see rather bouoys thrown and floating in the distance in the black water of these days. Not to cling to, I dont feel shipwrecked. But perhaps to rediscover the sensation of drifting. And its there I think of the Kogis. These 16,000 descendants of the Tayronas who live in the Sierra Nevada de Santa Marta, in Colombia. Discovered them in a documentary, or maybe a book, no longer know. What struck me was this phrase they address to us : they call us their little brothers. Not mockery. A hand placed on the shoulder. They have lived for more than five centuries between 0 and 5,770 meters altitude, there where we have unlearned to look. What troubles me about them is this question they pose at the edge of a forest : How can you enter without asking permission from the masters of the place ? And we remain there, dumb, wordless, because we no longer even knew there were masters. Think of this sometimes when push a door. When enter somewhere. Do I ask ? Do I listen ? Or do I charge ahead, as if the world were waiting for me ? But what interests me isnt this easy opposition between them who know and us who no longer know. Its simpler and more complex. They chew coca to stay connected to Pachamama, to be permanently in an advanced state of consciousness. They use rituals, gestures, mantras. They pass through mythology without questioning. What we no longer know how to do. Maybe thats what fascinates me. We all seek doors. The Kogis find them in their coca rituals, in their offerings to mountains they consider the heart of the world. Me, I seek them in my nocturnal drifts on the screen, in my obsessions with Atlantis, in these synchronicities I sometimes note in a notebook. The problem isnt that we lost myth, its that we intellectualized it to the point of no longer being able to abandon ourselves to it. Remember what I felt discovering Sheldrakes theory on solar consciousness. This small vibration, this shiver of evidence. As if something in me recognized a truth without needing proof. An equation well posed, like a sentence well said, connects us to something vaster. To this strange vibration we still call consciousness, for lack of a better word. Last night, insomnia already. Looked outside. The windows across were dark but not dead. There was something still breathing. Not the people. Something else. The world, perhaps. Waiting. Adjusting. Breathing without asking permission. Often pose this question to myself : we are all searching for interfaces with mystery. Numbers tell us everything is a matter of proper measure : at 21 percent oxygen, we live. At 22, everything ignites. At 19, we extinguish. Who regulates this ? What breath watches over this equation ? What form of presence adjusts the balance without asking for applause ? Maybe thats what myths attempt to name. This humble manner we found to pose the question. To designate without profaning. Theyre not there to put us to sleep, but to reteach us to see without tearing away. To name without possessing. To divine without seizing. To dream, then, becomes an act of memory. Not flight, but call. The return of listening. Ask permission. Be silent. Sit down. Touch a stone as you touch a forehead. Feel that it too breathes, at its rhythm. Imagine that consciousness isnt lodged in our skulls but dissolved in the world. That thinking is only one form of resonance among others.|couper{180}
Carnets | juin 2025
20 juin 2025
nouvelle phase d'organisation en préparation|couper{180}
Carnets | juin 2025
19 juin 2025
CATALYSE La chaleur accélère, déclenche, facilite un processus — même si elle n'en fait pas partie matériellement. Elle ne peut, à elle seule, faire fonction de catalyseur. Mais sans doute favorise-t-elle l'opération, dans un contexte non strictement chimique. Une catalyse au sens figuré. En cas de danger, l'amibe se divise. Elle engendre un clone d'elle-même. Chaque clone fait de même. Cela démultiplie l'original par la simple reproduction nerveuse de ses copies. Une certaine idée du désordre, déployée comme ruse : brouiller les pistes, noyer le poisson. Pour esquiver. Ou, du moins, tenter. Échapper à l'inéluctable. SÉQUENCE 1. Ce n'est pas un rangement. Pas encore. C'est d'abord un passage par le désordre. Il faut en passer par là. Obstinément. 2. Sans doute parce que j'ai téléversé une nouvelle version du site. Après plusieurs nuits difficiles, à effacer, rectifier, reprendre. 3. Et dès l'instant où j'ai vu que tout fonctionnait, quelque chose m'est revenu. Presque aussitôt. 4. Quoi ? 5. Je ne m'en souviens plus. Règle empirique n°1 Ce n'est pas ce qu'on cherche qu'il faut surveiller. Mais pourquoi on cherche. Le comment, plutôt que le quoi. Application immédiate Il me semble que je voulais accéder à un vieil ordinateur. Deux disques durs à l'intérieur. Des années que je ne les ai pas revus. Mais où est passé le câble d'alimentation de l'écran ? Mystère. Je le retrouve. Assez facilement. Et pourtant rebrancher poursuivre → je me dis qu'il faut d'abord ranger. Tous ces câbles non identifiés qui traînent dans un gros carton. Tri sélectif : défectueux → poubelle obsolètes → poubelle inutiles → poubelle les autres → étiquetés, rangés CASCADE carton câbles → carton disques durs → station chinoise → Pavilion 23 → changement → changement → changement Que de trouvailles. De vieilles photos, des textes oubliés. Plusieurs pans de vie qui ressurgissent, à mesure que les têtes tournent. « Changer de disque » — je crois que c'est ma mère qui disait ça, quand je l'agaçais. Ce qui, évidemment, m'agaçait davantage. Je ne changeais pas de disque. Et la situation empirait. (Ce genre de détail mérite d'être noté. Même sans savoir à quoi cela pourrait servir.) BILAN PROVISOIRE [x] Désordre magistral [x] Câble manquant [x] Espace récupéré [x] Documents réorganisés [x] Journée engloutie RÉVÉLATION TARDIVE (fin de matinée) Ce qui m'a vraiment motivé ≠ ce qui a créé le mouvement (que je confonds trop souvent avec une motivation véritable) SOURCE : Exercices d'observation, Nicolas Nova. Lu hier. RÉSONANCE : carnets de terrain en double page → côté gauche : le terrain → côté droit : l'analyse PRISE DE CONSCIENCE récente : je fais de moi un laboratoire permanent. Paradoxe documenté Je parviens — presque simultanément — à être à la fois conscient et inconscient de ce que je fais. Et je prends soin de n'en tirer aucun profit. Archive classée 'confidentiel' Une mauvaise expérience de jeunesse me l'interdit. Je préfère ne pas en parler ici. Postulat général Le fait d'avoir ce que l'on croit être un pouvoir s'accompagne toujours d'une série de rébus. Des énigmes à résoudre. MODE OPÉRATOIRE habituel : instinct → fonctionnement → succès relatif CONTRE-INDICATION : analyse → dissection → bourrique tournante Note technique finale La mort — que pourrait-il y avoir de plus inéluctable, sinon la naissance, ou la renaissance perpétuelle des formes ? [Cette question, apparue au début, trouve ici sa place.] C'est justement quand on commence à les disséquer, à les analyser, que les choses — en général, et dans ce domaine qu'il faut bien appeler « magique » — nous font tourner en bourrique. English CATALYSIS Heat accelerates, triggers, facilitates a process—even when it's not materially part of it. Heat alone cannot function as a catalyst. But it probably helps the operation along, in a context that isn't strictly chemical. A catalysis in the figurative sense. When threatened, the amoeba divides. It spawns a clone of itself. Each clone does the same. This multiplies the original through the simple nervous reproduction of its copies. A certain idea of disorder, deployed as a ruse : to muddy the waters, throw them off the scent. To dodge. Or at least try. To escape the ineluctable. Death—what could be more ineluctable than that, except birth, or the perpetual renaissance of forms ? To escape the ineluctable. SEQUENCE 1. This isn't organization. Not yet. It's first a passage through disorder. You have to go through that. Stubbornly. 2. Probably because I uploaded a new version of the site. After several difficult nights of deleting, correcting, starting over. 3. And the moment I saw everything was working, something came back to me. Almost immediately. 4. What ? 5. I can't remember anymore. Empirical rule #1 It's not what you're looking for that you need to watch. But why you're looking. The how, rather than the what. Immediate application I think I wanted to access an old computer. Two hard drives inside. I haven't seen them in years. But where did the monitor's power cable go ? Mystery. I find it. Easily enough. And yet instead of plugging back in continuing → I tell myself I need to organize first. All these unidentified cables lying around in a big cardboard box. Selective sorting : defective → trash obsolete → trash useless → trash the rest → labeled, organized CASCADE cable box → hard drive box → Chinese station → Pavilion 23 → change → change → change What discoveries. Old photos, forgotten texts. Several swaths of life resurging as the heads spin. « Change the record »—I think that's what my mother used to say when I annoyed her. Which, obviously, annoyed me more. I wouldn't change the record. And the situation would get worse. (This kind of detail deserves to be noted. Even without knowing what it might be useful for.) PROVISIONAL ASSESSMENT [x] Magnificent disorder [x] Missing cable [x] Space recovered [x] Documents reorganized [x] Day swallowed LATE REVELATION (late morning) What really motivated me ≠ what created the movement (which I too often confuse with genuine motivation) SOURCE : Exercises in Observation, Nicolas Nova. Read yesterday. RESONANCE : field notebooks organized in double pages → left side : the field → right side : the analysis RECENT REALIZATION : I make myself into a permanent laboratory. Documented paradox I manage—almost simultaneously—to be both conscious and unconscious of what I'm doing. And I take care to derive no profit from it. File classified 'confidential' A bad experience in my youth forbids it. I prefer not to talk about it here. General postulate The fact of having what one believes to be a power is always accompanied by a series of puzzles. Riddles to solve. USUAL OPERATING MODE : instinct → functioning → relative success CONTRAINDICATION : analysis → dissection → running in circles Final technical note Death—what could be more ineluctable than that, except birth, or the perpetual renaissance of forms ? [This question, which appeared at the beginning, finds its place here.] It's precisely when we begin to dissect them, to analyze them, that things—in general, and in this domain that must be called « magical » in particular—make us run around in circles.|couper{180}