août

Carnets | août

30 août 2018

Il viendrait, je ne me sens pas l’âme de l’épicier. Il regarderait mon tableau. Mentalement par rapport à l’ensemble des visites que j’aurais calculé il serait à moins de 20% en taux de rebond. Je veux dire qu’il resterait là un petit moment seul, absorbé par mon travail, et qu’il ne se dirigerait pas comme un somnambule vers la suite, puis vers la sortie. Mon client parfait pourrait être aussi une cliente, le sexe ne joue pas une importance particulière dans mon fantasme cette fois ci. Il ou elle serait jeune ce serait inespéré. Cependant que si c’est un vieux monsieur ou une vieille dame qui prennent le temps de regarder je me dirais tu vois comme tu es bourré de préjugés. Ils peuvent prendre le temps .. encore. Ma, mon client parfait seraient là devant mon tableau et alors, après leur avoir laissé un peu de temps je m’approcherais. En silence pour ne pas les déranger. Et au moment ou je sentirais le moindre tressaillement sur leur visage, dans leur corps m’indiquant qu’il sont au bord, prêt à sortir du tableau : je serai là pour les accueillir. qu’est ce que je dirais alors … ? Bonjour, c’est moi le peintre ? Bonjour vous appréciez mon tableau ? Bonjour… Quelle difficulté de s’adresser pour la première fois à elle, à lui … Comment ne pas le, la heurter dans son atterrissage. Lui offrir une jolie piste bien balisée et sans risque … Alors elle ou il se tournerait vers moi, comprendrait bien sur que je suis l’auteur de cette œuvre qui vient de les subjuguer. Ils me diraient : Nous aimons beaucoup ! ( silence) Comme tout le monde mais le silence qui suit l’obligerait à chercher d’autres mots. Il ou elle me parlerait de lui ou d’elle. De ce qu’il ou elle viennent de traverser. Non pas de l’émotion, ce n’est pas facile, mais plutôt d’un détail éventuel qui aurait accroché son regard et qui aurait capté son attention pour l’immobiliser. Des mots simples, pas de grands discours. Juste ce qu’il faut de complicité pour imaginer une possible amitié. Voilà ma ou mon client parfait j’aimerais que ce soient des amis possibles. Des gens qui me diraient, ton tableau nous parle de nous. Tu as fait ce que nous n’avions pas le temps de faire car nous sommes pris dans notre vie de tous les jours et nous ne savons pas. Alors je serais un peintre heureux de donner un prix à ce qui n’a pas de prix. Et ce faisant l’argent nous libérerait de cette intimité naissante peut-être embarrassante pour chacun, chacune.|couper{180}

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28 août 2018

Tu as tenu 4 rounds et tu t’en es pris un bon paquet dans le buffet. La petite cloche vient de sonner et tu retournes dans ton coin la bave au coin des lèvres, pas beaucoup de temps pour reprendre des forces et te reforger une stratégie. L’autre en face te parait moins amoché que toi, c’est pas toi qui a l’avantage sur ce coup là … Qu’est ce qui se passe dans ta tête maintenant ? ? c’est là que tout se joue ne l’oublie pas ! 42 toiles en 3 mois , 6 expos en parallèle, tu as de la peinture plein.. les doigts. Assis-toi et réfléchis. A quel round t’en es ? combien tu peux encore tenir ? et en face il n’y a pas d’adversaire ce coup là , juste l’adversité. Septembre arrive avec sa cohorte de créances à payer. La reprise des cours, les kilomètres à avaler, le contrôle technique à faire, serrer les dents, les fesses, les poings pour que tout passe. Faudra que tu regardes la définition de subir et de supporter dans le dico. Mais à quel round t’es es ? Pour tenir tu as utilisé l’espoir, le rêve ,la rage, le désir, et bon sang même l’amour y est passé. Tu ne te prends pas pour un champion pourtant, tu voudrais juste boxer ou peindre dans la bonne catégorie. Ton moteur c’est quoi , pourquoi tu ne laisses pas tomber finalement ? Tu as vendu 10 tableaux et tu n’es pas content qu’est ce qu’il te faut encore ? Devenir imprévisible surprendre l’adversaire. Etre comme ‘océan, ciel et vent… Tais toi ! tu es bien plus grand que tes pensées et tes mots. Boxe, peins, mais “tais toi je t’en prie” comme dirait Raymond Carver|couper{180}

Carnets | août

29 août 2018

A première vue, c’est cela l’intuition et ce n’est pas pour rien que l’on parle de vue, de regard car l’intuition n’a rien à voir avec l’intellect, le raisonnement, l’expérience. L’intuition est sensible et non mentale. Pour les peintres l’intuition peut se révéler soudaine comme une lecture immédiate, fulgurante de l’ensemble des déséquilibres et équilibres de couleurs qui se cherchent sur et dans une surface : la toile. Soudaine l’intuition autant que vérité temporaire, éblouissement devenant vision ou son contraire. On ne peut chercher la grâce en peinture comme au Carmel. Il faut une relation figée avec son tableau qui dure un certain temps , parfois même longtemps pour qu’enfin il délivre son secret et que la grâce nous tombe dessus. Au Carmel on appelle cela l’ennui, en peinture on appelle ça la gestation les deux sont nécessaires sans être pour autant liés. Eugène Boudin est un peintre qui a eut de l’intuition j’en reste persuadé. Arriver à nous faire voir de loin des choses qui de près ressemblent à des pâtés, il a su conjuguer intuition et impression et entraîner dans son sillage tous les impressionnistes bien plus connus du grand public. C’est presque sur son lit de mort que Manet avouera sa filiation avec Boudin. Pollock aussi est un peintre de l’intuition. Le sensible contrairement aux peintres de chevalet envahit le corps tout entier et c’est la danse des tâches, des coulures, comme la sueur, le sang les humeurs du peintre qui figent sur ses tableaux l’intuition d’un univers en mouvement perpétuel proche de celui des scientifiques qui découvrent la physique quantique. Raisonner on peut le faire après l’intuition. Une fois l’éblouissement passé on peut tenter de supputer, d’analyser, de décortiquer mais il me semble que c’est voué à l’échec d’avance. Raisonner c’est même contre productif dans ce cas là puisqu’on raisonne avec le mental qui est placé loin du cœur non sans raison, une raison qui nous dépasse sans aucun doute. 5 heures. Les premiers chants d’oiseaux réveillent l’aube. Les mêmes chants d’oiseaux que j’entendais il y a 16 ans lorsque je me rendais, vacillant, vers le dojo Zen. J’habitais Lausanne à cette époque et j’étais en plein divorce. Je louais un petit appartement dans un quartier tranquille et je me morfondais terriblement. Comme je m’étais intéressé au bouddhisme de façon livresque durant de nombreuses années je m’étais décidé enfin de passer à la pratique pour expérimenter physiquement ce que pouvait bien être le Zen. C’est dans les naufrages que l’homme cherche une bouée. Le dojo ouvrait ses portes vers 6h et la session commençait vers la demie ; ça sentait la soupe et un peu les pieds. J’avais fait l’acquisition d’un zafu noir, ce coussin un peu dur sur lequel s’asseoir face à un mur blanc. J’avais zappé la période d’apprentissage et j’étais directement entré dans le dur. Apparemment ma position ne devait pas être trop mauvaise, je n’ai jamais eu de réflexion ou de conseil. La méditation commençait dans la douleur. Depuis la cheville gauche je sentais son cheminement vers mon genou, ma cuisse, mon foie, mes reins, mes omoplates pour redescendre de l’autre coté par le même chemin. Pour pallier le problème je m’étais aperçu qu’en me concentrant sur ma respiration la douleur devenait plus supportable. En même temps je n’arrêtais pas de me ressasser de faire le vide … j’avais lu ça : faire le vide … mais c’était plutôt du trop plein qui arrivait par vagues. La méditation continuait alors sur la respiration. C’était elle qui permettait de réguler la douleur, de l’accepter, de la laisser aller son chemin comme les pensées. Tout était sensible d’une façon suraiguë, le moindre souffle dans la pièce, la cloche de l’église pas loin, un toussotement, le froissement d’une étoffe… et surtout bing ! le son du petit maillet sur le bol qui d’un coup me réveillait et me faisait chercher à nouveau l’appui de ma respiration en même temps que la douleur, oubliée par la rêverie revenait à la charge. Je suis resté une année à me rendre presque chaque matin à ces séances de zazen. Le temps que le divorce soit enfin prononcé et que le canton de Vaud me déclare indésirable et m’assigne à quitter le territoire. De retour sur Lyon, nouvel appartement, nouveau job j’ai continué de pratiquer tout seul. Mais pas très longtemps. J’ai abandonné le bouddhisme sous toutes ses formes sans doute parce que je l’associais à une période difficile et que les temps devenant meilleurs je n’en avais plus besoin. Dans ma vie bien des fois arrivé au trente sixième dessous il y a toujours eut des moments de grâce plus ou moins prolongés qui me donnaient la force d’entretenir l’espoir. L’intuition, le génie, le démon dans le sens grec ont toujours été présents pour m’aider à trouver des points d’appui. Dans les métiers ingrats que je visitais je formais des projets de voyages extraordinaires, que parfois même j’ai accomplis. Dans des périodes de désœuvrement, à Paris, la bibliothèque du Centre Georges Pompidou m’était un sanctuaire dans lequel des guides invisibles m’entraînaient vers Le Livre à lire ce jour là …parfois un traité de biologie, parfois un précis de décomposition, parfois un livre sur l’entomologie, une autre fois je rencontrais soudain Hildegarde de Bingen qui me parlait de la mort humide et de la mort sèche, un autre jour, c’était Maître Eckhart qui me parlait de la nécessité du plus grand dénuement de l’esprit afin que l’Esprit puisse enfin y pénétrer ;des trucs de cinglés non ?… d’autre jour Rabelais arrivait avec toute sa clique de mots rigolos, et le sérieux Montaigne qui me faisait pleurer de joie et ce coquin d’Henri Miller pour qui j’éprouvais une sympathie incommensurable avant de ne plus pouvoir le voir en peinture. Et tout un tas d’autres encore dont les noms ne me viennent plus à l’esprit. Délire sur Lao Tseu : e garde frontière le vit arriver tranquillement. À califourchon sur son buffle, comme il se doit, Lao Tseu était un vieil homme désormais. Le garde porta une attention particulière aux oreilles du vieux, et c’est ainsi qu’il le reconnut : à cause des lobes conséquents, caractéristique des garnements ou des sages. Maître Lao s’en venait du pays de Chu fatigué du bruit du monde et s’apprêtait à s’en aller vers l’ouest , se retirant de l’histoire, de la politique et du pouvoir qu’il n’apprécia jamais de fréquenter à contrario de son jeune élève Confucius. Le garde était un homme intelligent. Tu t’en vas sans rien nous laisser Vieux Maître ? lui demanda-t-il Lao Tseu le considéra un instant en se tripotant la barbe, qu’il avait fort longue déjà à sa naissance. Soit : dit il et , en tant que spécialiste des rites de deuils il considéra que l’idée de marquer le coup de son départ était opportune. Et il s’assit à l’ombre d’un arbre pour écrire « le livre de la voie et de la vertu ». Dao de king ou Tao te king Puis une fois l’ouvrage terminé il passa la frontière et on ne le revit jamais . On peut trouver le livre facilement dans toute bonne librairie, les mots dans la traduction française sont simples. Cependant que la compréhension de ceux ci demande toute une vie. Ainsi arriver à une telle économie de moyens pour exprimer quelque chose est le résultat de bien des cheminements parfois complexes. Juste un exemple : « Dans le monde chacun décide du beau Et cela devient le laid. Par le monde chacun décide du bien Et cela devient le mal. L’être et le vide ‘s’engendrent L’un l’autre. Facile et difficile se complètent Long et court se définissent Haut et bas se rencontrent. L’un l’autre. Voix et sons s’accordent Avant et après se mêlent. Ainsi le sage, du non-agir. Pratique l’oeuvre Et enseigne sans paroles. Multitudes d’êtres apparaissent Qu’il ne rejette pas. Il crée sans posséder Agit sans rien attendre Ne s’attache pas à ses œuvres Et dans cet abandon Ne demeure pas abandonné. » Un peu plus tard en découvrant Cioran je m’étais dit que c’était peut être une réincarnation de Lao Tseu. Notamment en lisant » l’élan vers le pire « « Chacun est pris à son propre jeu, comme s’il savait son destin par cœur. » Un peu plus tard le matin : Ce matin j’écoute un Patrick Burensteinas qui raconte ce qu’est pour lui l’alchimie .. et à un moment il dit : « quand il trouve de l’or l’alchimiste n’en a plus besoin » Je me demande ce que pourrait donner cette tournure d’esprit en peinture ça pourrait être : quand je saurai peindre je n’aurai plus besoin de toile ni de couleur ni de pinceaux Sur la notion de vide et de plein : Autrefois lorsque mes yeux étaient encore jeunes j’aimais lire et relire des textes à la recherche d’un sens de l’existence … je vous rassure , loin de moi de vous en dresser la liste complète et puis chacun fera ses expériences Cependant j’en retiendrais peut être deux : Maitre Ekhart et Tchouang Tseu .Maître Eckhart applique un principe fréquent au Moyen Âge : la discretio – il ne dit rien à son propre sujet. Une digression dans le commentaire de la Genèse, au sujet d’une plante utilisée en ophtalmologie, nous apprend un rare détail à son sujet : il avait des problèmes de vue, sans doute partiellement guéris. Tchouang Tseu quant à lui disait que le monde « n’a pas besoin d’être gouverné ; en fait, il ne devrait pas être gouverné », et que « le bon ordre résulte spontanément quand les choses sont laissées à leur cours ». Les deux parlent de détachement , de vide et de plein : propos qu’un peintre peut adapter à sa démarche . Le but que l’on se fixe dans la réalisation d’une toile devrait laisser la plus grande place dans un premier temps au désordre, à l’informe , au » hasard » même pour un sujet » figuratif » . Ne pas avoir peur du vide de la toile est un acte de renoncement qui demande un certain courage . L’acharnement à remplir serait alors un moyen de parvenir au vide par l’épuisement. ensuite il ne reste plus qu’à recouvrir de blanc et laisser ça et là percer quelques pans du mystère. Et si au bout de cet épuisement, la grâce nous » tombait dessus » elle serait la bienvenue. Mais restons modeste le tableau se termine comme un voyage, une expérience, et l’essentiel demeure dans l’indicible. Reprise le 2/03/2024 Qui parle ? parle t'il avec sa vraie langue ses mots ? Quelle part de mensonges encore à l'époque. Et toi quelle tolérance conserveras-tu, tu la conserves ou tu l'effaces avec la touche suppr ?|couper{180}

Carnets | août

26 août 2018

Que voit-on vraiment ?|couper{180}

Carnets | août

24 août 2018

inverser l'idée du découragement, s'en servir comme d'un levier|couper{180}

Carnets | août

22 août 2018

En continu le jugement sur ce que l'on fait, ne fait pas, comme tourner autour d'un axe taré, de façon excentrique.|couper{180}

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17 août 2018

C'était un petit événement. Créer un site Wordpress, construire une galerie d'images, et c'est ainsi que sont venus les tous premiers mots. Comme issus de la découverte d'un mur.|couper{180}

peinture réflexions sur l’art