Parfois, il paraît péter un plomb. Mais c’est un acteur. Le terme de polarisation me vient à l’esprit. Il s’en prend à l’éditeur. Il n’y va pas de main morte. C’est vrai, il a raison, c’est scandaleux. Une fois de plus c’est scandaleux de prendre les gens pour des cons à un tel point. Est-ce la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Pas sûr. A moins que ce ne soit une succession de petites choses qui fait que soudain il s’en prenne à l’éditeur. Mais quand même, il achète le livre. Il investit des euros dans sa colère pour la faire fructifier ? Au bout du compte voilà bien où j’en suis. A me méfier de tout. Je ne crois plus du tout à la spontanéité, surtout sur les réseaux sociaux. A moins que ce ne soit encore que de moi que je parle. A moins que ce soit moi qui ne soit plus du tout spontané. Qui calcule la moindre de mes gestes, paroles, pensées. Et à un point tel que je me retrouve soudain dans cette sorte de dimension parallèle d’où l’on peut scruter à outrance le monde sans jamais rien faire soi-même. Comme tétanisé par sa propre lucidité.

Je n’en parle à personne. Surtout pas à mon épouse. Il se peut que je sois devenu complètement cinglé. C’est tellement facile de le devenir. A partir du moment où l’on quitte la route, que l’on s’enfonce dans les voies de traverse. J’ai cru que ça pouvait être de la lucidité, mais non, c’est un autre genre d’hypnose. On échange une hypnose contre une autre. Une hypnose plus flatteuse sans doute. On imagine être lucide mais en fait, on est complètement cinglé.

La mort, l’idée de la mort, du pourrissement, de la décomposition. Aspirer à la mort au moins quatre à cinq fois par jour n’est certainement pas avoir envie de mourir. Tout au contraire c’est vouloir une autre vie que celle-ci. C’est enfantin. C’est se retrouver à porter un short alors qu’on voit tous les autres porter des pantalons. C’est sans doute une espèce de jalousie. On n’arrive pas à ses fins. Alors on voudrait tout effacer. On voudrait mourir. On voudrait se réveiller dans un monde meilleur. Un monde dans lequel les pantalons descendent lentement du ciel et vous prodiguent des compliments.

On voit le monde tel qu’on est, on se couche comme on fait son lit. Le fait d’en être parfaitement conscient ne résout rien, ne console de rien. Le seul résultat tangible est une dentition en ruine à force d’avoir trop serré les dents.

Je détecte d’autant mieux les postures que je les ai toutes expérimentées. Certain(es) ne savent même pas qu’ils posent. Ils en sont parfaitement inconscients. Le temps que la fiction se dissipe, des années peuvent passer. un demi siècle en un simple claquement de doigt. Réveil ! Et en fin de course se retrouver gros Jean comme devant. Et c’est encore une chance. Certain(es) meurent sans même avoir vécu— sans jamais avoir éprouvé une sensation vraie.

On ne sait plus ce qui est vrai et ce qui est faux. Parce qu’on veut absolument le savoir. Merde ! il suffit juste de le sentir. Si ça sent la merde c’est réel, le nez ne ment pas. Encore que. Depuis quelques semaines que j’ai des sortes d’hallucinations olfactives. Je crois dur comme fer que ça sent la merde et quand je regarde je ne vois pas de merde. Mais, je peux dire la même chose quand j’imagine que ça sent la rose. Pas de rose non plus. Preuve que l’on est à des années lumières d’une sensation vraie, on ne peut qu’ imaginer le vrai le faux tout comme le bien et le mal. On imagine surtout que les choses sont aujourd’hui devenues tristement binaires.

En parlant de voies de traverse, j’ai découvert une chaine africaine qui propose un tout autre point de vue sur l’actualité. On y voit Poutine répondre à des questions sur les raisons du conflit actuel en Ukraine d’une façon inédite. Un véritable cours d’histoire. Et au bout du compte on peut douter que cet homme soit le même que le taré qu’on nous présente sur les médias de grands chemins. En prêtant attention aux mots employés par le présentateur du JT parlant de l’élection en Russie, le mot « sacre » me fait lever les sourcils. Cela me conforte dans mes suppositions que tout est vraiment fait pour présenter le candidat sortant comme une sorte de personnage ubuesque. Donc, sans doute n’est-ce pas tout à fait faux, ni tout à fait vrai. En revanche ce que je sens quand je vois tout le mal qu’on se donne pour me dire ce qui est bien et mal c’est qu’on essaie de m’influencer, de me fabriquer un avis, une opinion. Une chance que j’ai encore ce reflexe de refuser d’en avoir la moindre.

Des égrégores se constituent de cette façon exactement. On lance des mots d’ordre en sourdine, on ridiculise gentiment au début, puis ça s’intensifie. Le mot complotiste naturellement surgit. Par exemple à l’occasion du congrès de Limoges préparant une éventuelle arrivée des extraterrestres. Le reportage tout entier montré sous un angle caricatural, ridicule. La raison est de créer une sorte de consensus à nouveau sur ce qui est aujourd’hui ridicule, et, partant, en creux, bien entendu d’indiquer ce qui l’est. Ce monde sinistre où des enfants se font déchiqueter par des obus dans la bande de Gaza, où plus de 500 000 morts sont désormais ensevelis dans les territoires du Kraï, de la limite du tolérable pendant que des imbéciles veulent construire un golf dans les Pyrénées Orientales dont le pluviométrie est désormais celle du Sahel. Ce qui dans l’ensemble est si affreux à penser qu’on est bien obligé de trouver une issue dans la dérision. D’ailleurs la dérision est une arme de destruction massive que maîtrisent parfaitement les créateurs d’égrégores. Ce monde marche sur la tête, les têtes pensantes raisonnent comme des pantoufles.