Mars 2024
Carnets | Mars 2024
7 mars 2024
Dans ce monde où toutes les valeurs semblent inversées, je me demande soudain si faire de l’argent avec la peinture, l’écriture n’est pas la meilleure preuve de modestie que l’on pourrait s’offrir à soi-même. Ce qui correspond en définitive à biffer toute une vie de résistance, à abdiquer. Et au final, mettre ce que l’on imagine être de l’orgueil, de la vanité dans sa poche et son mouchoir par dessus. C’est une vraie question. Le genre de question qu’on ne peut pas éluder. Tout concourt ( petit con ?) désormais pour que cette question se pose et que la réponse soit affirmative d’une façon étrangement naturelle. Peut-être un peu trop naturelle pour l’être authentiquement. Ce que je comprends de cette tendance, appelons cela une tendance, c’est que nul ( zéro niet nada que dalle) ne saurait vivre totalement en dehors du monde. En rester indemne. Que nous sommes tous imbibés ( glouglou) dans l’immense masse de ruminations qui ne cessent de le traverser, de le remplir, de l’envahir ( SPLATCHHH) tout entier ; et qu’au bout du compte nous nous confondons avec cette rumination. Je, nous ne sommes plus rien d’autre que cette rumination. Hier je regardais une vidéo de F. sur l’écrivain Mark Baumer et j’ai été profondément touché par son parcours, son histoire. Pour moi il n’est pas une victime de l’absurdité dans laquelle a sombré notre société, il en est une sorte de héros tragique. Sa mort intervenue à l’âge de 34 ans le fige dans un statut de star quasi anonyme à part pour quelques initiés de la littérature créative. Et il est tout à fait légitime d’éprouver vis à vis de cette histoire une sorte de douleur personnelle, intime. Comment lutter contre l’absurdité de ce monde sans être encore plus absurde en apparence, c’est tout de suite ce qui me vient à l’esprit, parce que peut-être c’est ce que j’ai toujours fait plus ou moins consciemment dans ma propre vie. Sauf que je suis sans doute bien moins courageux que Mark Baumer, que de nombreux autres auteurs qui se seront engagés corps et âmes dans l’acte d’écrire. Nous sommes prisonniers de quelque chose que nous tenons trop souvent pour la réalité, la normalité. Nous ne nous en rendons pas compte, nous résistons parfois de façon animale à cette enfermement, c’est à dire de manière instinctive. Profondément, nous résistons mais nous ne savons pas contre quoi. Est-ce contre quelque chose du dehors ou du dedans ? toute l’ambiguïté est bien là. Nous avons confondu le dehors avec le dedans comme nous avons confondu le bien avec le mal, la satisfaction rapide de nos désirs les plus loufoques avec le bonheur, et l’égoïsme avec un sacerdoce artistique. Je reviens sur l’idée de la modestie. Je n’aime pas le terme d’humilité beaucoup trop galvaudé à mon sens. Il est utilisé par une élite à laquelle j’ai toujours refusé viscéralement d’appartenir. Ces personnes poursuivant une quête soi disant spirituelle, ces grenouilles qui veulent se faire aussi grosses qu’un bœuf ne se rendent même pas à l’évidence qu’elles se contemplent le nombril. Que la recherche d’humilité n’est poussée que par leur vanité, leur orgueil. Se faire une idée haute de l’humilité à atteindre aujourd’hui c’est se faire une idée du nombre hypothétique de followers qui vous likeront. C’est tout autant absurde mais c’est par cette absurdité même que le monde désire tenir debout, il ne désire pas autre chose qu’être absurde en nommant cette absurdité la réalité. Je n’ai pas à prendre un ton docte, à me sentir supérieur à qui que ce soit dans ce billet. Je veux dire que je peux écrire ces choses comme je les dirais à un ami. Il n’y a pas de prêche, pas de désir d’influence, de manipulation—sauf peut-être seulement vis à vis de moi-même pour tenter de me convaincre d’un truc. J’ai fait fausse route jusqu’à présent dans la vision que j’avais de l’art, du monde de moi-même, c’est un gros morceau à avaler. On n’en finira donc jamais de se remettre en question. Peut-être que j’ai commencé à me mettre à table pour l’avaler il y a à peu près cinq ans. Dire comme je suis au bord de l’indigestion. Ou proche de la plus grande remise en question de ma vie tout simplement, modestement.|couper{180}
Carnets | Mars 2024
6 mars 2024
Le pour et le contre dans mon crâne de piaf déplumé dansent la danse de Saint-Guy. Le bien et le mal c’est comme la poussière ; il faut les chasser tous les matins de ton esprit mon p’tit loup. Puis ouvrir en grand la fenêtre du bureau, regarder le ciel, aspirer une bouffée d’air frais à s’en faire péter les poumons. Ciel bas, il pleut, la bruit de la pluie. 187 jours à écrire des fadaises qui n’intéressent personne. Même pas toi pour dire toute la vérité. N’est-il pas grand temps de prendre ce foutu taureau par les cornes et arrêter de te branler. Ecrire en te flanquant dans un moule. Pourquoi tu ne mettrais pas à écrire des histoires d’amour par exemple ? Cent requêtes Google en moyenne au cours des trente derniers jours. Mais si tu décides d’être malin, soies le jusqu’au bout, tape histoire de sexe ou carrément histoire de cul. Voilà la pente que suis ton esprit. Glissante. Comme si après avoir voulu devenir une sorte de moine tu désirais virer coquin. Et le pour et le contre dans cette affaire est bien sûr en balance sur le fléau tout à fait vertical du pognon. Faire du pognon. Ce que tu es versatile mon pauvre vieux. Toujours la fuite en avant. Et en délaissant la proie pour l’ombre. Car dans ce cas pourquoi ne te mettrais-tu pas à peindre ce que les gens veulent voir tout simplement. Des petites fleurs et des petits oiseaux. Pourquoi es tu toujours si méprisant envers les êtres, les choses, les idées ? Tu veux être à l’écart mais la raison principale de cela est avant tout un sentiment d’impuissance chronique face à tout projet, à toute possibilité de changement. Tu ne veux absolument pas changer, rester le même, dans le même jus, la même merde. On dirait ton père quand il te parlait de ta vie telle que de son point de vue il la voyait. Et aujourd’hui tu redeviens ce gamin paumé qui ne comprend rien à rien. Qui ne veut surtout rien comprendre. Et qui soudain se réveille en disant Eureka alors qu’il veut dire pouce, stop, basta. Qui a t’il de honteux vraiment que tu n’aies déjà traversé pour t’offusquer de la honte à présent. Toute honte bue, choisis-toi donc un pseudonyme et écris des histoires de cul. C’est après tout une façon modeste et honnête de te rendre utile puisque selon les statistiques c’est exactement ce que la plupart des gens recherchent, désirent, achètent. Ton problème de pognon réglé tu pourras ensuite très probablement rêver à la résolution urgente d’un nouveau problème, et ainsi de suite. Tu vois, j’avais raison dit le vieux dans ton crâne de piaf déplumé. Logique. Les vieux doivent toujours avoir raison. Sinon ils deviendraient fous. Mon dernier mot s’évapore dans l’air froid du matin. Tant mieux car il a une gueule de tueur — sans exagérer, il pue la mort.|couper{180}
Carnets | Mars 2024
5 mars 2024
Ecrire une semaine entière de journal en une nuit cela n’a pas de sens. Cela ressemble même à de la triche. Tempérer cette ardeur d’écrire sans arrêt, se libérer d’un trop plein ? Régler ça. Comme on essaie de régler une vieille machine, et je pense aussitôt à la Marino, la Marinoni de C. ( celle à cliché stéréo) . Il écoutait ses moindres cliquetis, savait d’emblée où se diriger dans cette masse de ferraille. Le souvenir perdure. Est-ce vraiment le souvenir ou cet acharnement à ne rien vouloir oublier. A vouloir tout conserver. La moindre minute d’une vie toute entière rangée ainsi dans un bocal étiqueté sur une étagère. Dans une immense salle, sorte de bibliothèque d’Alexandrie, avant qu’elle brûle. Mais en même temps quelle règle se donner si toutes ont au bout du compte échoué. Il y a peu, je voyais tous ces oiseaux morts sur les plages de la côte Atlantique. Morts de faim, disent les spécialistes. Trop de tempêtes, trop d’effort à fournir, la difficulté de trouver du poisson qui dans ces cas-là se réfugient dans des profondeurs inaccessibles. La plupart des cadavres appartient à l’espèce des guillemots de Troïl. Rare. Déjà en voie de disparition. J’apprends leur nom au moment même où ils s’en vont. C’est souvent le cas. A peine trouve-t-on quelque chose de neuf que déjà cela se dissipe s’évanouit, et pour finir disparait laisse un vide, une béance. Cette béance que l’on cherche à boucher avec des mots, prononcés ou écrits et des noms de plante ou d’oiseau. La notion de rythme dans l’écriture comme dans la peinture. De longs textes trop souvent. Comme lorsqu’on s’attache beaucoup trop aux fonds passant couche après couche jusqu’à ce qu’on y voie enfin quelque chose. En fait je l’ai déjà dit certainement, le répète, j’écris comme je peins, laborieusement. Sur une certaine fréquence cela peut ressembler à de la maestria autant dans la façon d’harmoniser les couleurs sur la toile que d’arranger certaines phrases ensemble, ou effectuer des liaisons entre plusieurs choses qui n’ont d’apparence pas de lien. Sur une autre fréquence, comme pour ne pas être trop submergé par la vanité, pour s’en extraire, se dire que la maîtrise est de la poudre aux yeux. Qu’il manque un essentiel, d’avoir quelque chose à dire par exemple. Ainsi, par la régularité d’une habitude entretenue depuis des années je reproduis exactement ce que j’ai déjà fait en me rendant tous les jours à l’usine, au bureau autrefois. Je fais des choses tout simplement parce qu’il faut les faire, parce que c’est comme ça. Bien sur ces deux fréquences sont en conflit. Comment ne pourrait-il en être autrement. Et puis parfois une troisième qui permet de voir les deux autres. La fréquence du ‘je n’en ai strictement rien à foutre’. Sur celle-ci, je me fous comme de l’an 40 de la maestria comme de la médiocrité, elles ne sont que matière et moi bleu immatériel.|couper{180}
Carnets | Mars 2024
4 mars 2024
Je me distancie peu à peu. En écrivant d’avance sans effort, parvenu j’arrive à planifier 3 jours d’avance. Toujours à la même heure, comme un coucou mécanique : 6:18. Lu un peu de T.C. hier en fin d’après-midi. L’idée de publier le journal par mois est séduisante. J’ai testé aussi ses GPT’s. Pas convaincu vraiment par celui promettant une correction orthographique et grammaticale. Ou plutôt pas compris. En revanche celui pour les images me permet de découvrir des astuces que j’ignorais. De fil en aiguille en piochant par ci par là, quelle image ! je me suis fourvoyé à nouveau sur GitHub. J’ai réinstallé git sur ma machine. Mais en fin de compte ça n’a pas servi à grand-chose. J’ai passé une demie journée à fabriquer un site minimaliste pour me rendre compte à la fin que le vrai travail n’est pas là. Le vrai travail est toujours présent dans un coin du crâne, un genre de monstre du placard ; la relecture et réécriture. En tous cas ce que je retiens de mon envie de blog minimaliste c’est de parvenir à me sauter par dessus, comme Klee parle de sauter par dessus le point gris ou noir je ne sais plus. Je me comprends. Je me comprends toujours bien mieux quand je ne sais plus. Oui ne pas écrire trop serait une bonne solution. Cela nécessite des ressources, lesquelles ? le simple fait de se poser cette question indique que je n’en dispose d’aucune. Je suis de l’espèce « bourrin » vieux cheval de traie— ou mule. Ane bâté. J’ai essayé d’ouvrir Ulysses sur l’Ipad pour relire de vieux textes, depuis que je refuse de payer l’abonnement je l’ai ouvert une ou deux fois et puis refermé car en lecture seule seulement, apparemment plus de possibilité d’export. Il faudrait créer un script python pour aller farfouiller sur Icloud et récupérer tous les textes. J’avoue y avoir pensé encore aujourd’hui, mais pas fait de nœud à mon mouchoir. je m’y collerai à l’occasion d’une prochaine crise de nostalgie. Le fait d’écrire autant. Si énormément a fini ( enfin ? ) par m’amener à un paradoxe. Celui d’apprécier de plus en plus lire des textes cours sur le blog des autres. De la poésie bien sur, mais pas seulement. Et d’admirer parfois tout ce qu’a dû couter à leurs auteur(es) cette brièveté. Il est possible aussi qu’écrire comme je le fais aussi abondamment ne soit qu’un réflexe de sèche. Un nuage d’encre. Cette attirance pour les carnets de T.C ( jusqu’à reproduire un clone de son site ) m’indique aussi à quel point il me sera impossible d’utiliser sa méthode sauf à élaguer énormément, à amputer littéralement de nombreuses parties dans mes textes. Sans doute pour être honnête n’y aurait-il rien à regretter de le faire. Peut-être aussi s’agit encore d’une sorte de résistance. Résister à vouloir aller vers l’essentiel comme c’est tellement une mode désormais. La grande question c’est : est-ce moi j’ai envie de tout relire. Et presque aussitôt le dégout, la nausée d’y penser. One minute, est une excellente idée d’entrainement à l’écriture. La fin du monde c’est tous les jours, mais écrire celle de chacun durant une minute oblige à l’écrire justement durant cette minute comme contrainte. Evidemment je ne le ferai, je n’ai plus une minute à moi. Hier, nous étions vendredi, T.L est venu sonner. Quelle surprise ! Il expose juste à côté, mais l’exposition ouvre ses portes le 8 mars date à laquelle je serai à l’Arbresle, je ne pourrai donc pas venir à son vernissage. Il a maigri ou vieilli. Cela fait plus de quatre ans qu’on ne s’était pas vus. J’ai vu dans son regard que j’avais vieilli également. Cet effroi d’apercevoir le passage du temps sur les êtres nous avons dû l’éprouver simultanément. Mais n’en avons pas dit le moindre mot. Juste un je tu suis es nous sommes bien content de te se nous voir. On aurait très bien pu rester à profiter du silence, assis tous les deux dans l’atelier ( je lui ai offert du Ricola et des petits gâteaux) mais la timidité nous force à parler, parler, parler. Je l’ai lancé sur Butor, il me dit qu’il est fâché avec les femmes de Lucinges. Dommage. C’est parce qu’elles n’ont jamais voulu m’exposer alors qu’il lui ( Michel Butor) avait promis de son vivant. Rien de nouveau vraiment. Je veux dire voilà la teneur de la conversation quand on est timide. C’est toujours plus ou moins la même chose. Des récriminations, des plaintes, des regrets. Souvent. Il n’est pas resté bien longtemps, deux Ricola ( sans sucre je suis diabétique) puis il est reparti vers S.H au pied de son Vercors.|couper{180}
Carnets | Mars 2024
2 mars 2024
Entre réflexions matinales et confrontations discrètes, le narrateur navigue dans un espace de tensions invisibles, là où les gestes les plus banals deviennent des terrains de lutte silencieuse.|couper{180}
Carnets | Mars 2024
1er mars 2024
Comment échapper à l’écoulement ordonné du temps et des pensées ? Par la danse, par le chaos, par la folie douce de l’écriture. En un ballet de fragments, on suit l’auteur à la poursuite d’une liberté fugace, dans un monde qui cherche à tout aligner.|couper{180}