Ecrire une semaine entière de journal en une nuit cela n’a pas de sens. Cela ressemble même à de la triche. Tempérer cette ardeur d’écrire sans arrêt, se libérer d’un trop plein ? Régler ça. Comme on essaie de régler une vieille machine, et je pense aussitôt à la Marino, la Marinoni de C. ( celle à cliché stéréo) . Il écoutait ses moindres cliquetis, savait d’emblée où se diriger dans cette masse de ferraille. Le souvenir perdure. Est-ce vraiment le souvenir ou cet acharnement à ne rien vouloir oublier. A vouloir tout conserver. La moindre minute d’une vie toute entière rangée ainsi dans un bocal étiqueté sur une étagère. Dans une immense salle, sorte de bibliothèque d’Alexandrie, avant qu’elle brûle. Mais en même temps quelle règle se donner si toutes ont au bout du compte échoué. Il y a peu, je voyais tous ces oiseaux morts sur les plages de la côte Atlantique. Morts de faim, disent les spécialistes. Trop de tempêtes, trop d’effort à fournir, la difficulté de trouver du poisson qui dans ces cas-là se réfugient dans des profondeurs inaccessibles. La plupart des cadavres appartient à l’espèce des guillemots de Troïl. Rare. Déjà en voie de disparition. J’apprends leur nom au moment même où ils s’en vont. C’est souvent le cas. A peine trouve-t-on quelque chose de neuf que déjà cela se dissipe s’évanouit, et pour finir disparait laisse un vide, une béance. Cette béance que l’on cherche à boucher avec des mots, prononcés ou écrits et des noms de plante ou d’oiseau. La notion de rythme dans l’écriture comme dans la peinture. De longs textes trop souvent. Comme lorsqu’on s’attache beaucoup trop aux fonds passant couche après couche jusqu’à ce qu’on y voie enfin quelque chose. En fait je l’ai déjà dit certainement, le répète, j’écris comme je peins, laborieusement. Sur une certaine fréquence cela peut ressembler à de la maestria autant dans la façon d’harmoniser les couleurs sur la toile que d’arranger certaines phrases ensemble, ou effectuer des liaisons entre plusieurs choses qui n’ont d’apparence pas de lien. Sur une autre fréquence, comme pour ne pas être trop submergé par la vanité, pour s’en extraire, se dire que la maîtrise est de la poudre aux yeux. Qu’il manque un essentiel, d’avoir quelque chose à dire par exemple. Ainsi, par la régularité d’une habitude entretenue depuis des années je reproduis exactement ce que j’ai déjà fait en me rendant tous les jours à l’usine, au bureau autrefois. Je fais des choses tout simplement parce qu’il faut les faire, parce que c’est comme ça. Bien sur ces deux fréquences sont en conflit. Comment ne pourrait-il en être autrement. Et puis parfois une troisième qui permet de voir les deux autres. La fréquence du ‘je n’en ai strictement rien à foutre’. Sur celle-ci, je me fous comme de l’an 40 de la maestria comme de la médiocrité, elles ne sont que matière et moi bleu immatériel.
5 mars 2024
