Ils sont dans la pénombre de ce que j’imagine être un wagon à bestiaux, dans un train, ils ne se parlent pas, ils se regardent, et là, elle Romy dit
"—komme"
à Jean-Louis.
Sauf qu’elle n’est pas Romy mais Anna et lui n’est pas Jean-Louis mais Julien.
Que le wagon à bestiaux est en fait un fourgon selon la page Wikipédia du film.
Mais peu importe les prénoms, les mots, l’époque, les différents caractères qui surgissent à l’intérieur de de cette scène,
Soudain un portail s’ouvre entre le réel et l’imaginaire.
Est-ce que ça change grand-chose que ce soit en allemand ou en français ?
"— komme, viens..."
C’est bien possible.
"—Viens" aurait un tout autre effet, peut-être de l’ordre du trivial, un mot qui appartient plus au vocabulaire de la prostituée présente dans le wagon ( Régine)
Ce komme crée une sacrée différence, comme un saut quantique.
C’est comme un livre de littérature classique qu’on ouvre, comment lit-on aujourd’hui au XXI ème siècle un tel texte ? Quelle est la réception actuelle d’un texte de Cervantes, de Montaigne, de Rabelais ?
Se prendre un livre de littérature classique de plein fouet sans avoir été prévenu comme on peut se prendre un poteau, un autobus.
Le texte comme le dialogue d’un film reste immuable, intemporel. La lecture est du temps, elle est du temps dans le temps. Lire c’est peut-être amortir. Amortissement pas forcément un mot de comptable.
la chute d’une feuille, un éclat de voix, le temps que prend une nouvelle pour nous parvenir.
La lecture et son lent déploiement, ses ramifications, ses affluents.
S’y avancer nu tout en restant attentif à ce qui nous touche est essentiel.
Ensevelir un texte sous des références historiques, universitaires peut le rendre impressionnant bien sûr mais ce sera tout de même l’émotion éprouvée qui nous aidera à en conserver le souvenir, la trace.
Un livre peut dire "—komme"
un lecteur peut dire "— j’arrive" sans prononcer le moindre mot.