Marché aux sons

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Par l’ouïe du poisson, par l’œil encore vif, indice de fraîcheur
Vision des files d’attente, perspective des racks des rayons
Silhouettes avec caddies
Musique sirupeuse, réflexe de Pavlov,
Le cabillaud lorgne la morue le persil frise.
Le hachoir fend l’écaille, la chair, l’arête, mais pas trop gros
Pas trop épaisse la tranche,
— Et avec ceci ce sera tout,
— non mettez moi donc
Des moules,
ce petit bout de loup,
et six sardines.
— Je vous les vide ?
— Avec plaisir.
Le son des voix à la poissonnerie, dans le supermarché de la ville
Par le rayon des surgelés, le son des emballages, riz cantonnais, paella royale
Un bruit sableux, vague sensation crissement de la sandale sur une plage.
Filets de colin panés en promotion Frites au four, steaks congelés.
Au lieu de onze euros si vous en prenez deux.
Chez le traiteur le bourdonnement sourd de la machine à trancher le jambon
— Comme ça ça ira ?
— un peu moins épaisse s’il vous plait
— vous m’avez bien dit quatre ?
— finalement mettez-m ’en six et puis deux tranches de pâté en croûte, pas trop épaisses non plus.
Caisses devant l’entrée pour accéder à la sortie.
— Je n’ai que ça je peux passer devant vous
— vous savez à nos âges on a le temps.
— Il fait si froid pour un mois de mai
— non ça s’arrête là le reste est à la dame derrière.
— vous avez bien pris en compte la réduction ?
— j’ai combien de points sur ma carte ?
— Vous payez par carte Vous avez la carte de fidélité, vous voulez le ticket, vous prenez les vignettes
Juste avant la sortie le bruit du distributeur de billets
Très mécanique froissement violent, crachement de papier
A coté le bruit du flash du photomaton, le bourdonnement du développement, le grelot du rideau qu’on tire
Le choc des feuilles plus épaisses contre la tirette en plastique
Par le parking le son de la chaîne du caddy qu’on libère en entrant un jeton dans la fente.
Le bruit du caddy qui s’encastre dans un autre caddy
Le bruit de l’allumage du moteur, des pneus qui couinent sur l’asphalte, de la vitesse qu’on passe,
Du klaxon intempestif ou compulsif
Dans l’habitacle de l’automobile le léger bruit du bouton de l’autoradio qu’on allume
La voix de Bruce Springsteen chantant Born in USA
Le bruit de l’alarme qui dit que la ceinture n’est pas bouclée
Le petit clic quand on la boucle
Le bruit du clignotant sur le gauche
La seconde qu’on enclenche
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}