Comme si

c’est comme si [cécomci]

Une condition pour qu’il y ait du similaire, du semblable, sinon ça reste monstrueux. Si c’est presque emblable, le comme tombe comme un cheveu dans la soupe. Le comme devient alors insensé.
Justement, plongée dans l’insensé.

Comme si de vieilles lunes, déjà, étaient mille fois tombées sur Terre, emportant dans leurs débris les vivants d’autrefois, surpris en plein rêve.

Comme si, dans les récits rédigés en sanskrit, on ne racontait pas des histoires pour enfants sages, mais de vraies histoires cruelles et sanglantes, et où le mal déjà montrait le vilain bout de son nez.

Comme si les dieux étaient des êtres de chair et de sang vraiment, tout aussi impitoyables et colériques que nous le sommes envers nous-mêmes. Comme si leur image n’était pas pur effet de style. Comme si l’éternité dont nous rêvons, la rose ne la rêvait pas aussi, mais la vivait désormais comme nous ne la vivons plus.

Comme si la rose la vivait d’autant plus fort que nous ne la rêvons plus, pour compenser le manque et redresser un équilibre oublié, défaillant.

Comme si les ours avaient enseigné à nos ancêtres, il y a 300 000 ans, à utiliser les anfractuosités de la roche pour faire naître le vivant au travers de la magie du dessin, en utilisant du bois brûlé, de la terre d’ocre.

Comme si ridicule est ce milliardaire qui se bourre de gélules pour garder une peau de bébé, que cet autre, plein aux as, rêvait de conquérir Mars la rouge, qui fut jadis probablement notre origine.

Comme si les choses s’accélèrent désormais, à un point de non-retour tel que rien ne pourrait plus être arrêté, sauf par un miracle ou un cataclysme.

Comme si l’arrivée des flottes extraterrestres allait compenser la fuite fiscale des consortiums qui, sur notre dos, se sont tant gavés.

Comme si la voiture électrique, le robot aspirateur électrique, la vitre électrique, le vibromasseur électrique allaient fournir la moindre impulsion électrique à nos cœurs éteints.

Comme si l’encéphalogramme plat allait bondir à nouveau vers une orgie de synapses.

Comme si les bruits de bottes allaient être étouffés par les spots publicitaires à gogo, les trois pour le prix d’un, les promos.

C’est comme si Rome, Athènes tombaient encore et encore, en direct au journal de 20 h, et que nous en restions indifférents, décérébrés. Comme si la seule sensation valide était encore celle du pouce zappant sur les boutons des chaînes de nos télécommandes.

C’est comme si mai tournait en eau de boudin, que le printemps, jadis si gai, devenait tout à coup, comme tout le reste, poussif en nos têtes et cœurs.

C’est comme si, dans le ciel, les oiseaux se fichaient de nos tourments de riches, d’opulents, et qu’ils partent encore à la quête de leurs rêves de nids, de progéniture, en s’en moquant.